Article Volume 57:4

Dualisme, mixité et métissage juridique : Québec, Hong Kong, Macao, Afrique du Sud et Israël

Table of Contents

McGill Law Journal ~ Revue de droit de McGill

DUALISME, MIXIT ET MTISSAGE JURIDIQUE :

QUBEC, HONG KONG, MACAO,

AFRIQUE DU SUD ET ISRAL

Michel Morin*

Pendant longtemps, le droit compar sest
principalement intress trois grandes fa-
milles ou traditions issues dEurope, celles de
droit civil, de common law ou des pays socia-
listes, mme si ces regroupements dissimu-
laient dinnombrables divergences. Or, un droit
dorigine romaniste (codifi ou non) peut sur-
vivre dans un tat o prdomine la common
law ; celui-ci est alors appel un pays de droit
mixte . Il en va ainsi des systmes qubcois et
canadien, en raison de la dualit de leurs
sources. Si la doctrine dplore traditionnelle-
ment le mtissage du droit civil, elle admet au-
jourdhui que, en dpit des emprunts aux insti-
tutions et des rfrences aux dcisions de com-
mon law, le droit priv qubcois demeure fon-
damentalement civiliste. Il a prsance en cas
de lacune dans une loi fdrale, sauf si le droit
public entre en jeu. Les textes du prsent nu-
mro de la Revue de droit McGill abordent di-
vers aspects des systmes juridiques mixtes
dautres territoires, soit Hong Kong, Macao,
lAfrique du Sud et Isral. Lindpendance judi-
ciaire Hong Kong semble menace par la cul-
ture juridique autoritaire de la Rpublique po-
pulaire de Chine, malgr labsence de toute mo-
dification institutionnelle apparente. En Isral
et en Afrique du Sud, les juristes acceptent bien
la coexistence de traditions diffrentes ger-
manique, britannique, amricaine, coutumire.
Cette ouverture desprit devrait se poursuivre
lavenir, au moins pour les questions nouvelles
ou controverses.

For many years, comparative law has fo-
cussed on three fundamental, European-based
legal traditions: civil law, common law or social-
ist law. Yet this taxonomy masks important di-
vergence within each tradition. Civil
law
(whether codified or not) can survive within a
country where common law predominates, re-
sulting in what is called a mixed jurisdiction.
This is the case in the Quebec and Canadian le-
gal systems, due to the dual origins of their
sources of law. Given that legal doctrine is tra-
ditionally reluctant to infuse the civil law with
other legal sources, despite references to com-
mon law institutions and judicial decisions, pri-
vate law in Quebec remains fundamentally ci-
vilian. Civil law takes precedence in the event
of a gap in a federal statute, except with regard
to issues of public law. The articles of the pre-
sent issue of the McGill Law Journal examine
different aspects of the mixed legal systems of
other countries, namely Hong Kong, Macau,
South Africa, and Israel. Judicial independence
in Hong Kong seems to be threatened by the au-
thoritarian legal culture of the Peoples Repub-
lic of China, without any apparent institutional
changes. In Israel and South Africa, jurists ac-
cept the coexistence of different legal tradi-
tionsGerman, British, American, and cus-
tomary law. This open-mindedness should be
maintained in the future, at least to respond
new or controversial issues.

* Professeur titulaire la Facult de droit de lUniversit de Montral. Lauteur tient
remercier ses collgues Jean-Franois Gaudreault-DesBiens, Robert Leckey, Jean Le-
clair et Benot Moore de leurs prcieux commentaires. videmment, ils ne doivent en
aucun cas tre jugs coupables par association.

Citation: (2012) 57:4 McGill LJ 645 ~ Rfrence : (2012) 57 : 4 RD McGill 645

Michel Morin 2012

646 (2012) 57:4 MCGILL LAW JOURNAL ~ REVUE DE DROIT DE MCGILL

Introduction

I.

Lhybridit du droit qubcois

II. Le bijuridisme canadien

III. La mixit Hong Kong, Macao, en Afrique du Sud

et en Isral

Conclusion

647

649

653

656

664

DUALISME, MIXIT ET MTISSAGE JURIDIQUE 647

Introduction
Longtemps, les archtypes du droit compar refltaient les caractris-

tiques du droit priv des pays occidentaux, voire de leur droit commercial.
Trois grandes familles regroupaient les systmes juridiques nationaux
celle du droit romano-germanique, celle des pays socialistes et celle de
la common law. Selon Ren David, les autres formes de cultures juri-
diques, dorigine religieuse, spirituelle ou coutumire, devaient tre abor-
des dans une quatrime catgorie intitule Autres conceptions de
lordre social et du droit 1. Cette vision systmique, privilgiant la culture
dorigine occidentale, a eu un immense retentissement grce luvre de
cet auteur, traduite en anglais par le regrett John Brierley2. La mta-
phore du systme juridique national sduisait immdiatement les esprits
cartsiens, car elle voquait pour eux un modle dductif. Dans cette
perspective, les faits sont la matire premire, la loi et la jurisprudence
constituent les spcifications du processus de fabrication, le procs est la
mcanique et le jugement, un produit fini. Les dcisions ponctuelles prises
sur la chane de montage pour modifier le produit sont soumises
lapprobation de lingnieur en chef dans le cadre dun contrle de qualit ;
ces manires de faire se gnralisent lorsquelles sont incluses dans un
manuel ou des directives qui peuvent tre rvises tout moment.

Les esprits forms la common law prfraient employer une autre
mtaphore, celle de la tradition3. Dans ce cadre, les pratiques et les
schmes dvelopps dans le pass fournissent des modles de conduite
celui ou celle dont lintervention est sollicite4. Les faits se prsentent sous
la forme dune demande ou dune invocation. La loi et la jurisprudence
constituent un rpertoire de comportements qui peuvent tre actualiss
de manire diffrente dans le cadre dune crmonie, mais la suite de
dbats prolongs sur leur raison dtre. Il est difficilement concevable,
pour lofficiant, de droger de manire avoue aux exigences issues du
pass, sauf si la demande qui lui est faite ne correspond pas un modle
prtabli, ou sil en existe plusieurs qui semblent pertinents. Ultimement,
les interprtes autoriss de la tradition trancheront le dbat. Consciem-

1 Ren David et Camille Jauffret-Spinosi, Les grands systmes de droit contemporains,
11e d, Paris, Dalloz, 2002 la p 347 et s. La premire dition de cet ouvrage date de
1964.

2 Ren David et John EC Brierley, Major Legal Systems in the World Today: An Intro-
duction to the Comparative Study of Law, 3e d, Londres (R-U), Stevens & Sons, 1985.
3 John Henry Merryman et Rogelio Prez-Perdomo, The Civil Law Tradition: An Intro-
duction to the Legal Systems of Western Europe and Latin America, 3e d, Stanford,
Stanford University Press, 2007 ; H Patrick Glenn, Legal Traditions of the World: Sus-
tainable Diversity in Law, 4e d, Oxford, Oxford University Press, 2010 [Glenn, Legal
Traditions].

4 H Patrick Glenn, A Concept of Legal Tradition (2008) 34 Queens LJ 427.

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ment ou non, ils permettront celle-ci dvoluer. La dcision qui innove
un tant soit peu devient une nouvelle faon de procder, devant guider les
officiants dans le futur. Une tradition juridique nest toutefois pas limite
demble aux rgles reconnues par le lgislateur dans le cadre dun tat,
ou par les tribunaux dans la tradition de common law. Elle peut compor-
ter des dimensions religieuses ou culturelles. Ainsi, Patrick Glenn ana-
lyse, dans son clbre ouvrage, les traditions chtonienne, civiliste, de
common law, hindoue, talmudique, islamique et asiatique5.

Le choix dune mtaphore est donc intimement li aux rflexes ontolo-
giques des juristes forms dans un systme national prcis. Or, les pr-
supposs ayant inspir les classifications de la deuxime moiti du ving-
time sicle sont fort contestables6. Pourquoi ne pas mettre laccent sur le
droit constitutionnel et lexistence ou linexistence dun pouvoir de con-
trle de constitutionnalit des lois ? Au sortir de la Deuxime Guerre
mondiale, on aurait alors t conduit opposer les Amriques (avec cer-
taines exceptions) et lAustralie, dune part, lEurope tout entire et la
Nouvelle-Zlande, dautre part. Lexistence dune juridiction distincte de
dernire instance pour le droit administratif fournirait une autre ligne de
fracture. En dfinitive, les familles du droit compar sont aussi diverses
que celles des tres humains. Peut-on vraiment regrouper la codification
napolonienne et ses mules avec lautrichienne (1811), lallemande (1900)
et la suisse (1907), sans compter les droits dorigine romaniste qui nont
pas t codifis (Danemark, Norvge, Islande) ? Les rgles de common law
tats-uniennes (qui varient dun tat lautre) et leurs reformulations ne
diffrent-elles pas trs souvent de leurs homologues du Commonwealth ?
Certes, les archtypes dune tradition (ou dune famille) facilitent
linteraction entre les juristes auxquels ils ont t inculqus, tandis que
lincomprhension mutuelle risque dtre plus frquente entre ceux qui ne
font pas partie de la mme famille. Il nen demeure pas moins que cette
apparente similitude peut dissimuler dinnombrables divergences.
Dans certains territoires, un droit dorigine romaniste (codifi ou non)
a survcu dans le cadre dun tat o prdomine la common law7. Nous
pouvons penser aux cas de lAfrique du Sud, de lcosse, dIsral, du Qu-

5 Glenn, Legal Traditions, supra note 3.
6 Voir par ex Esin rc, Family Trees for Legal Systems: Towards a Contemporary
Approach dans Mark Van Hoeke, dir, Epistemology and Methodology of Comparative
Law, Oxford, Hart, 2004, 359.

7 William Tetley, Mixed Jurisdictions: Common Law vs Civil Law (Codified and Uncodi-
fied) (Part I) (1999) 3 Rev DU 591 ; William Tetley, Mixed Jurisdictions: Common
Law vs Civil Law (Codified and Uncodified) (Part II) (1999) 4 Rev DU 877 ; Vernon V
Palmer, dir, Mixed Jurisdictions Worldwide: The Third Legal Family, Cambridge,
Cambridge University Press, 2001.

DUALISME, MIXIT ET MTISSAGE JURIDIQUE 649

bec, des Philippines, de Puerto Rico et de la Louisiane, encore que plu-
sieurs autres rgions du monde peuvent tre ajoutes cette liste. Une
socit mondiale des juristes des territoires de droit mixte (World Society
of Mixed Jurisdiction Jurists) a t cre en 2001 pour tudier leur situa-
tion particulire dans lunivers du droit compar. Le troisime congrs
mondial de cette socit sest tenu en 2011 la facult de droit de
lUniversit hbraque de Jrusalem, sous le thme Mthodologie et in-
novation dans les territoires de droit mixte . Les cinq textes qui suivent
dans ce numro sont issus de cette confrence. Ils ne manqueront pas
dintresser les juristes qubcois. Avant dexposer les thmes qui y sont
abords (III), nous prsenterons brivement certains travaux rcents por-
tant sur la mixit des droits qubcois (I) et canadien (II).

I. Lhybridit du droit qubcois

Initialement, pour les comparatistes, les droits mixtes apparaissent
comme une anomalie dont il vaut mieux disposer en quelques lignes. Ain-
si, on peut lire quils empruntent certains lments la common law ,
tout en conservant, dans une certaine mesure, leur appartenance la
famille romano-germanique 8. Peut-tre inspir par certaines publica-
tions dcrivant les juridictions mixtes dgypte, le concept fait lobjet
dune publication en 19659, mme sil avait t utilis lanne prcdente
dans luvre de Ren David10. Au Qubec, il connat son heure de gloire
avec lintroduction rdige par Maurice Tancelin sa traduction de
louvrage de Frederick Parker Walton consacr linterprtation du Code
civil du Bas-Canada, initialement publi en 190711. Intitul Comment
un droit peut-il tre mixte ? , ce texte insiste sur le caractre mtiss ou
syncrtique du droit civil qubcois, notamment en raison de
linterprtation restrictive rserve aux articles du Code et lacceptation
gnralise de la rgle du stare decisis. Pour Tancelin, un droit mixte a
fait lobjet de deux rceptions en bloc, successives, qui se sont annihiles
respectivement en partie et dont il est difficile de dterminer lequel des

8 David et Jauffret-Spinosi, supra note 1 la p 57.
9 TB Smith, The Preservation of the Civilian Tradition in Mixed Jurisdictions dans
Athanassios N Yiannopoulos, dir, Civil Law in the Modern World, Bton-Rouge, Louisi-
ana State University Press, 1965, 3, tel que cit par Vernon Valentine Palmer, Quebec
and Her Sisters in the Third Legal Family (2009) 54 : 2 RD McGill 321 la p 331. Au
sujet des juridictions mixtes dgypte, voir ibid aux pp 324-32.

10 Ren David, Les grands systmes de droit contemporains, Paris, Dalloz, 1964 la p 75.
11 Maurice Tancelin, Comment un droit peut-il tre mixte ? dans Frederick Parker
Walton, Le domaine et linterprtation du Code civil du Bas-Canada, traduit par Mau-
rice Tancelin, Toronto, Butterworth, 1980.

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deux droits est le droit rcepteur et lautre le droit reu 12. Il serait sans
doute prfrable de parler dhybridit ou de mtissage dans ce cas, car la
mixit voque la coexistence ou la juxtaposition de traditions diffrentes.
Quoi quil en soit, Tancelin entrevoit pour lavenir soit un renforcement de
la sparation entre les deux traditions, conscutive la pleine souveraine-
t du Qubec, soit une lente rosion de la tradition de droit civil , soit
finalement lapparition dun droit priv canadien clectique empruntant
aux deux traditions, une hypothse quil qualifie de nettement ida-
liste 13.
Trente-deux ans plus tard, la proche parent entre le statut et le rle

des juges en common law et en droit civil qubcois est bien assume, tout
comme lcart marqu entre les droits processuels franais et qubcois14.
Les universitaires et les juges qui ont uvr sans relche pour consolider
le droit civil qubcois peuvent se rjouir du rejet de concepts de common
law jadis accepts par la jurisprudence15, de labandon de la mthode
dinterprtation restrictive des lois dans les affaires de droit civil, de
lamlioration continue de la langue juridique franaise (la version an-
glaise du Code tant par ailleurs dplorable16), de la modernisation des
concepts et des valeurs effectue par la codification17 et, finalement, de la
reconnaissance officielle du rle suppltif du droit priv qubcois lorsque
la lgislation fdrale savre lacunaire ou incomplte.
Confronts une littrature juridique qubcoise abondante et diver-
sifie, ainsi qu une jurisprudence plthorique, en raison de la numrisa-

12 Ibid la p 24.
13 Ibid la p 29.
14 Daniel Jutras, Culture et droit processuel : le cas du Qubec (2009) 54 : 2 RD McGill

273.

15 ce sujet, voir David Howes, From Polyjurality to Monojurality: The Transformation
of Quebec Law, 1875-1929 (1986-87) 32 : 3 RD McGill 523 ; Michel Morin, Des ju-
ristes sdentaires ? Linfluence du droit anglais et du droit franais sur linterprtation
du Code civil du Bas Canada (2000) 60 R du B 247 [Morin, Des juristes sden-
taires ? ].

16 Un exemple parmi bien dautres : larticle 2634 CcQ dclare que le contrat de transac-
tion may be annulled for lesion , mais le terme lsion napparat pas dans la ver-
sion franaise. Voir John EC Brierley, Les langues du Code civil du Qubec dans Le
nouveau Code civil : interprtation et application. Les journes Maximilien-Caron 1992,
Montral, Thmis, 1993, 129.

17 Jean-Louis Baudouin, Quo Vadis ? (2005) 46 : 1-2 C de D 613 ; Sylvio Normand, La
culture juridique et lacculturation du droit : le Qubec dans Jorge A Snchez Cordero,
dir, La culture juridique et lacculturation du droit : Rapports au XVIIIe Congrs inter-
national de droit compar, Washington, 2010, en ligne : (2011) 1 : 2 Revue juridique de
lIsaidat 23 ; Adrian Popovici, Libres pro-
pos sur la culture juridique qubcoise dans un monde qui rtrcit (2009) 54 : 2 RD
McGill 223.

DUALISME, MIXIT ET MTISSAGE JURIDIQUE 651

tion systmatique des dcisions, les juges font de moins en moins appel
la doctrine franaise18. Ils refusent gnralement de sinspirer de la com-
mon law, mme pour interprter des institutions qui ont notoirement t
empruntes celle-ci, telles que la fiducie19. Ils semblent de plus en plus
rticents y faire rfrence dans dautres domaines, sauf en droit du tra-
vail. Pour leur part, en droit priv, les plaideurs et les praticiens qui ont
tudi uniquement le droit civil ne font pas toujours preuve dune grande
curiosit lgard de la common law. Cela ne les empche pas de citer de
manire ponctuelle une dcision qui en provient, en courant le risque de
mal valuer la place que celle-ci occupe dans son systme dorigine.

Pour sa part, la Cour suprme du Canada englobe certains privilges
et immunits de droit public sous la notion de faute20. Si elle assure par-
fois lharmonisation des solutions retenues en droit civil et en common
law, elle emploie pour ce faire une terminologie et des concepts civilistes
qui, son avis, permettent de parvenir au mme rsultat21. Un dialogue
entre les deux traditions sest instaur en son sein, mais il peut rvler
des rapports de divergence entre celles-ci. Dans cette hypothse, la
Cour se montre sensible aux spcificits des deux traditions juridiques
et nhsite pas reconnatre leurs particularits lorsque les principes ou
lconomie des rgimes juridiques en cause le justifient 22.
Bien que la common law demeure la source matrielle de plusieurs
institutions du droit civil qubcois, cette origine est souvent dissimule
par les articles du Code civil ou par le raisonnement civiliste des juges. On
peut se demander si la mixit (ou plus exactement, lhybridit) du droit ci-
vil nest pas en voie de disparition, ou du moins dans une phase de dclin
prononce. En effet, selon Jean-Louis Baudouin, la jurisprudence, quelle
soit britannique, qubcoise ou franaise, est dans tous les systmes […],
source premire de droit 23. Seules demeurent les diffrences stylistiques

18 Pierre-Gabriel Jobin, La circulation de modles juridiques franais au Qubec.
Quand ? Comment ? Pourquoi ? dans Gnrosa Bras Miranda et Benot Moore, dir,
Mlanges Adrian Popovici : Les couleurs du droit, Montral, Thmis, 599 la p 601.

19 Daniel Jutras, Cartographie de la mixit : la common law et la compltude du droit ci-

vil au Qubec (2009) 88 R du B can 247 aux pp 248, 266.

20 Prudhomme c Prudhomme, 2002 CSC 85, [2002] 4 RCS 663 [Prudhomme].
21 Voir par ex Lac dAmiante du Qubec Lte c 2858-0702 Qubec Inc, 2001 CSC 51, [2001]
2 RCS 743 ; Globe and Mail c Canada (PG), 2010 CSC 41, [2010] 2 RCS 592 ; de Monti-
gny c Brossard (Succession), 2010 CSC 51, [2010] 3 RCS 64.

22 Louis LeBel et Pierre-Louis Le Saunier, Linteraction du droit civil et de la common

law la Cour suprme du Canada (2006) 47 : 2 C de D 179 la p 219.

23 Jean-Louis Baudouin, Quel avenir pour le Code civil du Qubec ? (2009) 88 R du B
can 497 la p 504 [Baudouin, Code]. Voir aussi Mathieu Devinat, La rgle prtorienne
en droit civil franais et dans la common law canadienne : tude de mthodologie juri-
dique compare, Aix-en-Provence, Presses Universitaires dAix-Marseille, 2005.

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(la concision des articles des codes et des arrts franais, la prolixit de la
lgislation et des motifs de jugement dans la tradition de common law).
Pour certains, [e]n donnant un visage humain lapplication des disposi-
tions du Code civil, le juge qubcois favorise ladhsion des justiciables
celui-ci , ce qui pourrait faire de lui le prototype du juge civiliste de
lavenir 24. Pour dautres, les juges de la Cour suprme du Canada ont un
style argumentateur, didactique et prolixe 25. On peut galement consi-
drer que la jurisprudence qubcoise est moins abstraite (ou plus con-
crte) que celle de la France26. Mais le caractre laconique, voire sibyllin
des motifs ne fait pas partie du code gntique familial civiliste : en Alle-
magne, en Argentine, en Grce, en Italie, en Suisse et en Sude, entre
autres, les juges rdigent une dissertation, plus ou moins longue 27.
Certes, la rfrence aux dcisions provenant dune autre tradition dis-
tingue le Qubec des pays qui se considrent autosuffisants au point de
vue juridique, comme la France. Ailleurs, notamment en Belgique, au
Luxembourg et en Autriche, les juges font pourtant rfrence aux dci-
sions ou aux principes juridiques des pays voisins qui sont plus peupls et
plus puissants queux au plan conomique, dont ils partagent par ailleurs
la langue. Il est vrai que ces jugements se rattachent une tradition
commune28. Toutefois, en Argentine, certains arrts amricains ont in-
fluenc la Cour suprme dans des affaires de droit constitutionnel ayant
eu des rpercussions sur leur code civil29. En somme, les rfrences aux
dcisions dune autre tradition ne constituent pas une anomalie. Pour re-
prendre les termes du professeur Moore, au Qubec, le temps o lon crai-
gnait lacculturation du droit civil par la common law […] est rvolu ;
en effet, le simple mtissage des sources nest pas signe dacculturation
ni mme de mixit et il ne doit plus tre ainsi vcu 30.

24 Pierre J Dalphond, Le style civiliste et le juge : le juge qubcois ne serait-il pas le pro-
totype du juge civiliste de lavenir ? dans Nicholas Kasirer, dir, Le droit civil, avant
tout un style ?, Montral, Thmis, 2003, 81 aux pp 99-100 [Kasirer, Droit civil].

25 Adrian Popovici, Le droit civil, avant tout un style… dans Kasirer, Droit civil, supra

note 24, 207 la p 216.

26 Benot Moore, Le droit civil et ses codes : parcours travers les Amriques. Rapport de
synthse dans Jimena Andino Dorato, Jean-Frdrick Mnard et Lionel Smith, Le
droit civil et ses codes : parcours travers les Amriques, Montral, Thmis, 2011, 187
la p 205.

27 David et Jauffret-Spinosi, supra note 1 la p 114 ; Julio Csar Rivera, Le Code civil :
son rle comme source du droit priv dans Dorato, Mnard et Smith, supra note 26,
117 aux pp 154-55.

28 Je remercie mes collgues Mathieu Devinat et Anne-Franoise Debruche de mavoir

confirm ce fait.

29 Rivera, supra note 27 aux pp 149-55.
30 Moore, supra note 26 la p 211.

DUALISME, MIXIT ET MTISSAGE JURIDIQUE 653

La diminution des rfrences la common law peut aussi sexpliquer
par la vigueur de la doctrine civiliste anglophone. Historiquement, plu-
sieurs juges anglophones qubcois ont protest contre lutilisation de pr-
cdents de common law dans des affaires de droit civil, au moins depuis
les annes 185031. Des auteurs anglophones rputs ont galement parti-
cip aux travaux de lOffice de rvision du Code civil ou ont contribu
lvolution du droit civil32. En revanche, des juristes francophones ont ma-
nifest leur attachement certaines rgles du droit anglais qui leur
avaient t imposes au dpart33. Ils ont combattu vigoureusement cer-
taines innovations de la jurisprudence franaise qui leur paraissaient trop
audacieuses34. Plus gnralement, mme dans les cas o elles taient ini-
tialement controverses, avec le temps et sous linfluence dune doctrine
vigilante, des importations de ce genre ont t acclimates au systme ci-
viliste, tel point que leur provenance a t oublie par le commun des
juristes, comme dans le cas de la libert testamentaire ou de linjonction
la fiducie faisant toutefois figure de pice rapporte jusqu la recodifi-
cation de 1991. Au fond, la communaut juridique qubcoise a russi
imposer le respect du partage historique effectu en 1774 entre un droit
commun priv dorigine franaise et un droit commun public dorigine an-
glaise, en neutralisant les effets perturbateurs dcoulant de lintroduction
de concepts de common law en droit priv35.

II. Le bijuridisme canadien
En ralit, si le droit applicable au Qubec est considr comme mixte,
cest parce quil a un caractre dualiste. En labsence de disposition consti-
tutionnelle ou lgislative pertinente, la common law sapplique en droit
public36. En ce qui concerne le droit priv relevant de la comptence lgi-
slative fdrale (proprit intellectuelle, faillite, droit maritime, mariage
et divorce, droit des socits, etc.), ses rgles peuvent droger au droit

31 Voir Morin, Des juristes sdentaires ? , supra note 15.
32 En nous excusant auprs de ceux que nous oublions forcment dans cette liste trs s-
lective, mentionnons en ordre alphabtique John EC Brierley, John W Dunford, Patrick
Glenn, Peter Haanappel, Robert P Kouri, Robert Leckey, Nicholas Kasirer, Roderick A
Macdonald, Jeffrey Talpis et William Tetley. Nous nincluons pas les francophones qui
ont publi des textes en langue anglaise.

33 Michel Morin, Une analyse historique et comparative de lindemnisation du solatium
doloris au Qubec dans Pierre-Claude Lafond, dir, Mlanges Claude Masse : En qute
de justice et dquit, Cowansville (Qc), Yvon Blais, 2003, 347.

34 Voir Jobin, supra note 18 ; Morin, Des juristes sdentaires ? , supra note 15.
35 John EC Brierley, Quebecs Common Laws (Droits Communs): How Many Are
There? dans Ernest Caparros, dir, Mlanges Louis-Philippe Pigeon, Montral, Wilson
& Lafleur, 1989, 109.

36 Prudhomme, supra note 20 au para 46.

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provincial, employer une terminologie de common law (ce fut longtemps la
norme) ou faire expressment rfrence un concept de droit civil (un
phnomne rarissime jusqu la fin du vingtime sicle). En 2001, le fait
que les lacunes des lois fdrales devaient tre combles par le droit priv
provincial a t confirm par une loi37. En thorie, seules une dcision d-
libre du lgislateur, ou encore linterprtation particulire dun texte,
peuvent forcer les tribunaux qubcois appliquer les rgles de common
law en droit priv.
En dautres termes, le droit priv dict par une loi fdrale doit tre
imbriqu, autant que faire se peut, dans lordonnancement civiliste qu-
bcois. Bien entendu, un esprit civiliste qui na pas complt une double
formation en droit priv cest encore le cas de la majorit des prati-
ciens38 risque dprouver un certain dsarroi devant la facture des
textes fdraux. On peut penser que le common lawyer ragira de la
mme manire. Mais le civiliste ne sera pas tenu de complter le texte de
loi par des rgles jurisprudentielles canadiennes qui lui sont inconnues et
dont il peut difficilement souponner lexistence. Lemploi de doublons fait
cependant bien apparatre la mixit des sources du droit priv au Canada.
Il consiste employer les termes appropris en common law et en droit ci-
vil dans chaque version de la loi (par ex., real property et immo-
vables en anglais, biens rels et immeubles en franais). Cette jux-
taposition met en vidence une consquence du fdralisme canadien et
de lexistence dune tradition juridique diffrente au Qubec. Le dualisme
des sources demeure toutefois proscrit lintrieur dune mme province
ou territoire, sauf si le lgislateur en dcide autrement.
cet gard, on a pu parler dune pistmologie de la sparation ,
mme si en pratique, les juges rpugnent admettre que la porte dune
disposition lgislative fdrale varie en fonction de la province o le litige
a pris naissance39. Plus gnralement, le lgislateur na pas cherch

37 Loi dinterprtation, LRC 1985, c I-21, art 8.1-8.2.
38 La Facult de droit de lUniversit McGill offre une formation transsystmique ou int-
gre (ou encore multi-traditionnelle). Les universits de Montral, Ottawa et Sher-
brooke offrent un programme distinct en common law qui peut tre complt en deux
trimestres additionnels au programme de droit civil. Toutefois, une minorit dtudiants
sy inscrivent, lexception des dernires annes lUniversit dOttawa.

39 Nicholas Kasirer, Loutre-loi dans Lynne Castonguay et Nicholas Kasirer, dir, tu-
dier et enseigner le droit : hier, aujourdhui et demain. tudes offertes Jacques Vander-
linden, Cowansville (Qc), Yvon Blais, 2006, 329 la p 331 [Kasirer, Loutre-loi ]. Voir
aussi Jean-Franois Gaudreault-DesBiens, Les solitudes du bijuridisme au Canada :
Essai sur les rapports de pouvoir entre les traditions juridiques et la rsilience des ata-
vismes identitaires, Montral, Thmis, 2007 ; Robert Leckey, Rhapsodie sur la forme
et le fond de lharmonisation juridique (2010) 51 : 1 C de D 3 ; Aline Grenon, Le biju-
ridisme canadien la croise des chemins ? Rflexions sur lincidence de larticle 8.1 de
la Loi dinterprtation (2011) 56 : 4 RD McGill 775.

DUALISME, MIXIT ET MTISSAGE JURIDIQUE 655

stimuler la cration dune pense mtisse laquelle plusieurs aspirent
au niveau canadien, mme si des cyniques objecteront quelle est es-
sentiellement prsente Ottawa, Montral, St-Boniface, Moncton , l
o une minorit linguistique doit composer avec un systme qui sest sur-
tout dvelopp dans la langue de la majorit40.
La common law de droit public se transforme galement. On discute

des particularismes du droit administratif qubcois (cest–dire de
lapplication diffrencie ou de la modulation de ses rgles au Qubec)41.
Traduite ou rdige en franais, conceptualise (en partie sous linfluence
de la jurisprudence interprtant la Charte canadienne des droits et liber-
ts), dveloppe dans certains cas par des juges qubcois de la Cour su-
prme du Canada qui taient des civilistes rputs, plus abstraite et sys-
tmatise, cette common law de droit public nest plus ce quelle tait
tout comme celle qui est applique en droit priv dans les autres provinces
et territoires42. Ce nest pas dire quelle puisse tre confondue avec la ju-
risprudence de droit civil loin sen faut. Mais le dsarroi des civilistes
appels lire des arrts de common law est sans doute moins grand en
2012 quen 1962.

Les droits des peuples autochtones du Canada nchappent pas davan-
tage la logique de la sparation. Instrumentalises et marginalises par
les arrts de la Cour suprme, leurs traditions sont gnralement rduites
de simples faits que les juges peuvent prendre en considration lors de
la dtermination des droits constitutionnels pertinents. Hormis les cas o
le lgislateur y fait expressment rfrence, tant la tradition de common
law que le systme de droit civil refusent de considrer ces normes comme
une source contemporaine de droit. Il ny a donc cet gard quune trs
faible mixit, mme si les rgles qui leur sont applicables peuvent re-
prendre et absorber des lments de leur tradition43. Ceux-ci constituent

40 Kasirer, Loutre-loi , supra note 39 la p 353.
41 Robert Leckey, Territoriality in Canadian Administrative Law (2004) 54 : 3 UTLJ
327 ; Robert Leckey, Prescribed by Law/Une rgle de droit (2007) 45 : 3 Osgoode Hall
LJ 571 ; Genevive Cartier, Ladministrativiste qubcois et lautre droit adminis-
tratif , Confrence lors du Colloque du 50e anniversaire de lAssociation qubcoise de
droit compar, prsente lUniversit de Sherbrooke, 28 octobre 2011 [non publie].

42 Voir notamment Michel Morin, Responsabilit, fraternit et dveloppement durable
en droit luvre de Charles Doherty Gonthier (2012) 56 Sup Ct L Rev 3 ; Baudouin,
Code, supra note 23 la p 505 ; Jean-Franois Gaudreault-DesBiens, Underlying
Principles and the Migration of Reasoning Templates: A Trans-systemic Reading of the
Quebec Secession Reference dans Sujit Choudhry, The Migration of Constitutional
Ideas, Cambridge, Cambridge University Press, 2006, 178.

43 Sbastien Grammond, La rception des systmes juridiques autochtones au Canada
dans Albert Breton et al, dir, Le multijuridisme : manifestations, causes et consquences,
Paris, Eska, 2010, 55 ; JurisClasseur Qubec : Droit constitutionnel, Peuples autoch-

656 (2012) 57:4 MCGILL LAW JOURNAL ~ REVUE DE DROIT DE MCGILL

donc une source matrielle, introduisant une certaine forme dhybridit
dans un domaine en pleine volution.

Plus gnralement, un phnomne semblable peut tre observ en ce
qui concerne les normes qui ne sont pas contrles par ltat (quelles
soient dorigine religieuse, coutumire ou autre). Les tribunaux y auront
gard et seront mme permables leur influence en labsence de conflit
avec les normes tatiques, en sassurant dencadrer leurs effets. En cas de
conflit, ils refuseront de les reconnatre, ce qui nempchera pas les int-
resss de les respecter sils le souhaitent44. Des recherches rcentes mon-
trent cependant quon a eu tendance surestimer la possibilit que des
communauts semi-autonomes sautorgulent de manire informelle ou
consensuelle sans faire appel la justice tatique45. Dans ces conditions,
nous prfrons parler de pluralisme normatif plutt que juridique.

III. La mixit Hong Kong, Macao, en Afrique du Sud et en Isral

Le premier des cinq textes portant sur la mixit discute des cons-
quences de la rtrocession de Hong Kong la Rpublique populaire de
Chine en 1997. Cette ancienne possession britannique a t englobe dans
un pays complexe fond sur une conomie de march socialiste 46. Cette
rtrocession a ncessit une refondation du systme juridique, qui a t
effectue depuis les annes 1980 au moyen de lois reprenant dans bien
des cas les concepts civilistes introduits en Chine au dbut du vingtime
sicle, en sinspirant des codes japonais et allemand. Le territoire de Ma-
cao, une ancienne possession portugaise, a galement t rtrocd en
1999. Une formule lapidaire rsume le contenu des accords prvoyant les

tones et droit constitutionnel , fasc 15, par Jean Leclair et Michel Morin ; Michel Mo-
rin, La coexistence des systmes de droit autochtone, de droit civil et de common law
au Canada dans Louis Perret et Alain Bisson, dir, volution des systmes juridiques,
bijuridisme et commerce international, Montral, Wilson & Lafleur, 2003, 159 ; Ghislain
Otis, La protection constitutionnelle de la pluralit juridique : le cas de ladoption
coutumire autochtone au Qubec (2011) 41 RGD 567.

44 Voir sur ces questions les opinions diffrentes de Jean-Guy Belley, Le pluralisme juri-
dique comme orthodoxie de la science du droit (2011) 26 : 2 RCDS 257 ; Roderick A
Macdonald, Custom Made For a Non-Chirographic Critical Legal Pluralism
(2011) 26 : 2 RCDS 301 ; Jeremy Webber, Legal Pluralism and Human Agency
(2006) 44 : 1 Osgoode Hall LJ 167.

45 Arnaud Decroix, David Gilles et Michel Morin, Les tribunaux et larbitrage en Nouvelle-
France et au Qubec de 1740 1784, Montral, Thmis, 2012 aux pp 8-11, 78 ( propos
de la lex mercatoria au Moyen ge). Pendant longtemps, les communauts autochtones
se sont rgules indpendamment de la justice tatique, cela tant d au fait quelles
agissaient de la sorte avant la colonisation.

46 Ignazio Castellucci, Mixity in the Legal Systems of Hong Kong and Macao (2012)

57 : 4 RD McGill 665 la p 674.

DUALISME, MIXIT ET MTISSAGE JURIDIQUE 657

conditions de cette rtrocession : un pays, deux systmes . Cela devait
permettre ces rgions administratives spciales 47 de conserver leurs
institutions conomiques et politiques, tout en demeurant assujetties la
souverainet chinoise. Le professeur Ignazio Castellucci tudie le proces-
sus par lequel les conceptions institutionnelles et la culture juridique de la
Rpublique populaire de Chine sinfiltrent dans celles de Hong Kong et de
Macao dans le domaine du droit constitutionnel ou du droit public48. Son
tude dbute par un rappel de lvolution de la rflexion concernant la
mixit des systmes juridiques depuis 2001, en signalant que le concept
dhybridit est gnralement considr plus fcond que celui de mixit.
Dans le cas de Hong Kong, le concept de lindpendance judiciaire h-
rit de la tradition de common law se concilie mal avec lide socialiste
dun pouvoir unique dont les principales fonctions sont exerces sous la
supervision du pouvoir politique. En outre, conformment la Constitu-
tion de la Rpublique populaire de Chine, linterprtation des lois fonda-
mentales de ces deux rgions administratives spciales relve du Comit
permanent du Congrs national du peuple. En principe, la Cour finale
dappel doit solliciter lintervention de celui-ci. Toutefois, en 1999, elle d-
clare quune loi locale refusant aux enfants dun rsident le droit de
stablir dans la rgion est contraire la loi fondamentale de Hong Kong.
Moins dun mois plus tard, elle ajoute une clarification sa dcision,
par laquelle elle reconnat que le pouvoir dinterprtation du comit per-
manent est illimit, en dpit de la disposition de la loi fondamentale de
Hong Kong exigeant une requte pralable de la Cour dappel. Le gouver-
nement de la rgion demande alors au comit permanent dinterprter la
loi fondamentale. Celui-ci conclut quil ny a pas de conflit entre cette der-
nire et la loi de Hong Kong sur limmigration qui avait t annule par la
Cour finale dappel.
Le professeur Castellucci fournit dautres exemples de cas o le Comi-

t permanent a impos une interprtation diffrente de celle quavaient
retenue les tribunaux de Hong Kong. Il conclut quaux yeux du gouver-
nement chinois, ceux-ci ont un rle simplement adjudicatif et quils ne
peuvent interprter leur loi fondamentale ou dclarer une loi locale con-
traire celle-ci. Le Comit permanent exerce donc un pouvoir de nature
lgislative, de sa propre initiative ou la demande des autorits locales,
en se fondant sur des considrations politiques ou dopportunit. Il peut
intervenir aprs quune dcision ait t rendue erronment , lorsquune
affaire est pendante ou mme en labsence de litige. Cette conception de

47 Ibid la p 673.
48 Ibid.

658 (2012) 57:4 MCGILL LAW JOURNAL ~ REVUE DE DROIT DE MCGILL

ladministration de la justice est passablement loigne 49 (cest le moins
quon puisse dire) dun systme fond sur la primaut du droit. Lobjectif
est dimposer le modle institutionnel de la Rpublique populaire de
Chine aux rgions administratives spciales, en confinant lautonomie aux
questions commerciales ou juges peu menaantes par Beijing. Cet objec-
tif pose toutefois moins de problmes aux juristes de Macao, car les juges
chargs dappliquer un droit dorigine portugaise font preuve dune grande
dfrence lgard des textes de loi et sont peu ports vers lactivisme ju-
diciaire.
Cette volution graduelle ncessite fort peu de rformes formelles.
Quelques principes ou rgles nouvelles sont imposs pour ce qui concerne
des questions nvralgiques, mais ils jouent un rle systmique fondamen-
tal, sans que le droit de la Rpublique ne soit introduit de manire visible.
Il est probable que cinquante ans aprs la rtrocession, une sinisation
considrable se sera produite, mme si les rgles de common law ou de
droit civil auront trs peu chang. Toutefois, lhybridit proviendra de
limposition de nouvelles valeurs politiques, constitutionnelles, institu-
tionnelles et socitales. la limite, un nouveau systme pourrait appa-
ratre sans aucune modification lgislative ou constitutionnelle. Une mo-
dification bien plus fondamentale se produit lorsque lon remplace la
primaut du droit par la primaut du politique .
En ralit, le pouvoir dominant impose toujours son cadre systmique
et les lments de sa tradition qui lui paraissent cruciaux. Le Cameroun
fournit dailleurs un rare exemple dun pays o la common law sapplique
dans une partie minoritaire du pays, sous le contrle de juridictions de
droit civil. De manire significative, les modifications systmiques y ont
t effectues par la voie de rformes constitutionnelles ou lgislatives.
Plus gnralement, le professeur Castellucci suggre de sintresser da-
vantage aux dcisions et aux politiques qui ont permis linstauration de la
mixit, ainsi quaux phnomnes dhybridit qui sont prsents dans tous
les systmes juridiques.

Le thme de la primaut du droit se dcline diffremment en Afrique
du Sud. On sait que de nombreuses strates juridiques peuvent y tre ob-
serves : autochtones, nerlandaises (avant la codification du droit de ce
pays), britanniques et sud-africaines. Les juristes ont continu sinspirer
des crits britanniques, nerlandais et allemands (vu limportance de ces
derniers dans la culture juridique nerlandaise). Le professeur Franois
Venter explique ainsi que deux conceptions de la primaut du droit se
sont fait concurrence dans ce pays, le Rechtsstaat germanique et la rule of

49 Ibid la p 691.

DUALISME, MIXIT ET MTISSAGE JURIDIQUE 659

law britannique50. Dans la Constitution de 1993, lexpression constitu-
tional state a t considre comme une traduction du premier concept,
mais dans la Constitution de 1996, cest plutt celui de rule of law qui
est mentionn dans le prambule51. Le nouvel ordre constitutionnel ins-
taur aprs labolition de lapartheid exige un changement dattitude com-
plet chez les juristes imbus de principes romanistes dforms par la su-
prmatie lgislative et le respect d aux prcdents, afin quils respectent
pleinement les droits fondamentaux et les nouvelles valeurs constitution-
nelles. Ce changement peut galement poser problme pour ce qui con-
cerne le droit indigne coutumier, qui a t expressment reconnu par le
lgislateur, tant parfois mme codifi.

La Cour constitutionnelle a t appele dterminer les consquences
de ce nouvel ordre des choses. Si elle a parl de constitutionnalisme
transformateur loccasion, elle emploie gnralement lexpression
tat constitutionnel 52, qui se range son avis sous la conception de
Dicey de la rule of law. Ainsi, lAfrique du Sud a pu profiter dun sicle de
rflexions sur le constitutionnalisme, en choisissant les meilleurs l-
ments de diverses traditions. Lauteur souligne lmergence et la populari-
t des tudes de droit constitutionnel compar, mais il craint quelles ne
soient asservies un objectif duniformisation du droit ou de stigmatisa-
tion des pays considrs comme dviants. De telles analyses doivent sim-
plement permettre de mieux comprendre le fonctionnement des socits
humaines et, occasionnellement, faciliter lapparition de concepts nou-
veaux issus de parents historiquement incompatibles (cest–dire, la doc-
trine juridique britannique et allemande), comme cela sest produit en
Afrique du Sud.

Les diffrentes formes de mariage ou dunion reconnues dans ce pays
illustrent bien la complexit de la situation et la mixit des sources du
droit. Si la dfinition traditionnelle du mariage na pas t modifie, tous
les couples (de sexe diffrent ou identique) peuvent former une union ci-
vile. Depuis 2000, le mariage coutumier des Africains est reconnu, quil
soit monogame ou polygame53. En 2011, un projet de loi prvoyant la re-
connaissance des mariages musulmans a aussi t prsent. Les profes-
seures Christa Rautenbach et Willemien du Plessis examinent certains
problmes poss par la loi sur le mariage coutumier ayant pris effet en

50 Franois Venter, South Africa: A Diceyan Rechtsstaat? (2012) 57 : 4 RD McGill 721

aux pp 725-34.

51 Voir Constitution of the Republic of South Africa 1993, no 200 de 1993 ; Constitution of

the Republic of South Africa 1996, no 108 de 1996.

52 Venter, supra note 50 aux pp 735 et s.
53 Recognition of Customary Marriages Act (S Afr), no 120 de 1998.

660 (2012) 57:4 MCGILL LAW JOURNAL ~ REVUE DE DROIT DE MCGILL

200054. Le mariage coutumier reconnu par celle-ci a dailleurs subi des
transformations notables : il est assorti dun rgime matrimonial (la
communaut de biens, sauf si un contrat de mariage prvoit le contraire)
et il ne peut coexister avec un mariage ou une union civile.
Un mariage coutumier peut tre polygame. Toutefois, le mari doit con-
clure un contrat rglementant les consquences patrimoniales de ses ma-
riages et faire approuver cette convention par le tribunal, aprs avoir li-
quid le rgime matrimonial de sa premire pouse. En principe, tous les
mariages doivent tre enregistrs aprs leur clbration, mais ils ne se-
ront pas nuls si cette formalit na pas t respecte. Lintgration du r-
gime coutumier dans un cadre lgislatif sest avre difficile. Un tribunal
a dclar nul un mariage coutumier conclu alors quun autre mariage cou-
tumier navait pas t dissous, sans que le mari ait demand au pralable
la cour dapprouver un contrat rgissant les consquences patrimoniales
de ses unions, comme lexige la loi. Dans une autre cause, les enfants is-
sus dun mariage prcdent ont contest la validit dun mariage ult-
rieur, au motif que les formalits coutumires navaient pas toutes t ac-
complies. La cour a dcid que ce mariage avait bien t conclu au sens
de la loi, en sinspirant de la signification de ce terme en common law.
En gnral, on assiste plutt une volont de faire voluer le droit
coutumier de manire autonome, par exemple en permettant que le lobo-
lo55 soit ngoci par la mre de lpouse et vers celle-ci plutt quau
pre. Mais la Cour constitutionnelle a dclar invalides les rgles coutu-
mires privant lpouse du droit dtre propritaire des biens de la famille
ou dobtenir une part de ceux-ci aprs la dissolution du mariage. Elle a
soulign que le droit coutumier devait voluer dans le cadre du constitu-
tionnalisme transformateur dont il a t question ci-dessus, en rappelant
les dformations cres par la lgislation antrieure la nouvelle consti-
tution. Toutefois, elle sest contente de dclarer inconstitutionnels les
termes qui excluaient du champ dapplication de la loi les mariages mono-
games coutumiers conclus avant son entre en vigueur. De cette manire,
une pouse marie en 1968 pouvait bnficier de la communaut de biens
impose par la loi en cas de mariage coutumier, sauf convention contraire.
Or, lannulation de rgles coutumires placerait la Cour dans une situa-
tion trs inconfortable, car il lui faudrait dterminer quelles rgles
sappliqueront lavenir, alors que les juges ont une connaissance trs li-
mite du droit coutumier. En somme, le nouvel ordre constitutionnel doit

54 Ibid. Voir Christa Rautenbach et Willemien du Plessis, African Customary Marriages
in South Africa Intricacies of a Mixed Legal System: Judicial (In)novatio or Confu-
sio (2012) 57 : 4 RD McGill 749 aux pp 756 et s.

55 Le lobolo est le paiement fait par lhomme la famille de sa future pouse. Voir ibid la

p 755.

DUALISME, MIXIT ET MTISSAGE JURIDIQUE 661

relever le dfi de coordonner et de faire voluer des rgles htrognes
tmoignant de la diversit culturelle et religieuse du pays et de son his-
toire tourmente.

Le droit isralien est lui aussi issu dune superposition de normes ju-
ridiques : codes ottomans, lgislation et common law durant le mandat
britannique, lois et codes contemporains, droit religieux pour le statut
personnel. Eliezer Rivlin, juge en chef adjoint de la Cour suprme dIsral,
explique quune srie de lois sapparentant de petits codes a t adopte
aprs la cration de ltat isralien56. Ces lois ont t influences tant par
la common law que par le droit continental, en particulier celui de lItalie
et de lAllemagne. Par ailleurs, une loi de 1948 avait accord la common
law le statut de droit suppltif ; elle fut abroge en 1980. De leur ct, les
tribunaux ont fait preuve de crativit en supplant les lacunes inh-
rentes aux standards trs gnraux de ces lois, par exemple en fournis-
sant des directives trs concrtes destines aux tribunaux infrieurs. Les
Britanniques eux-mmes avaient codifi une partie de la common law
avant lindpendance, notamment les rgles des dlits civils. Un projet de
code est galement ltude actuellement.
M. le juge Rivlin soutient que le systme isralien fait partie de la fa-
mille de la common law, parce quune bonne partie du droit y est labore
par les juges cest la clbre judge-made law et que les prcdents
judiciaires y ont un caractre obligatoire. Par contre, le contenu de son
droit est mixte, comme en Louisiane et au Qubec. Sa constitution nest
pas contenue dans un document unique, mais dans une srie de lois fon-
damentales. Ainsi, les dclarations de 1992 et de 1994 reconnaissent un
nombre limit de droits fondamentaux, notamment le droit la dignit
humaine, la proprit, lautonomie individuelle et la libert, ainsi
que le droit la vie prive57. Elles ne mentionnent pas la libert
dexpression, la libert de religion ou le droit lgalit.

La Cour suprme dIsral a dcid quen cas de conflit avec ces lois
fondamentales, une loi ordinaire devait tre dclare inconstitutionnelle,
mme si aucune disposition ne prvoyait cela. Elle a interprt une dispo-
sition autorisant la restriction des droits fondamentaux la lumire de la
Charte canadienne des droits et liberts58, dlaissant ainsi lapproche
tats-unienne. son avis, les droits lgalit et la libert dexpression

56 Eliezer Rivlin, Israel as a Mixed Jurisdiction (2012) 57 : 4 RD McGill 781 aux pp

782-83.

57 Basic Law: Freedom of Occupation 1994 (Isral), 1454 SH 90, abrogeant Basic Law:

Freedom of Occupation 1992 (Isral), 1387 SH 60.

58 Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant lannexe B de la Loi de 1982 sur

le Canada (R-U), 1982, c 11.

662 (2012) 57:4 MCGILL LAW JOURNAL ~ REVUE DE DROIT DE MCGILL

peuvent tre discerns dans la pnombre de la loi de 1994. Cette inter-
prtation sappuie sur lide allemande de la dignit humaine, ainsi que
sur les conceptions tats-uniennes de la libert et de lgalit.
De manire gnrale, les juges israliens font librement rfrence au
droit tranger, quelle que soit son origine. M. le juge Rivlin nous rappelle
quaux tats-Unis, dans les affaires portant sur linterprtation de la
Constitution, cette pratique a dclench une violente polmique entre les
juges de la Cour suprme. Rien de tel nexiste en Isral, mme si les juges
sont conscients du risque de mal interprter une rgle ou un principe fai-
sant partie dun autre systme de droit. Ce sont dailleurs les discussions
analytiques qui prsentent le plus grand intrt pour lui, par opposition
au rsultat final. Cette mulation entre tats est promise un bel avenir,
car les dfis auxquels est confront le monde contemporain ne peuvent
quencourager le mlange des lments appartenant divers systmes ju-
ridiques.

Le professeur Guy E. Carmi sintresse pour sa part aux consquences
de la loi fondamentale de 1994 sur la libert dexpression59. On se rappel-
lera que le Parlement isralien a dcid de ne pas inclure cette dernire
parmi les droits protgs. Nanmoins, dans la mesure o une violation de
celle-ci peut constituer une atteinte la dignit humaine, elle bnficie
dune certaine protection. Il est possible que cela ne se vrifie pas, comme
dans le cas de la libert dexpression commerciale. Par ailleurs, le concept
de la dignit humaine facilite la justification des restrictions apportes
cette libert. Cest ainsi que les conceptions amricaines, trs hostiles la
reconnaissance de telles limites, ont cd le pas un modle o des me-
sures de ce genre sont acceptes beaucoup plus facilement.
Dans les affaires o la Cour suprme dIsral sest penche sur ces
questions, la dignit humaine est invoque de plus en plus frquemment.
Par ailleurs, le nombre total de rfrences aux dcisions tats-uniennes a
augment considrablement de 1979 1994, mais il a dclin de manire
importante jusquen 2001, avant de regagner une bonne partie du terrain
perdu, atteignant soixante-neuf rfrences entre 2006-2008. Pour sa part,
le nombre total de rfrences aux dcisions canadiennes est pass de zro
de 1982 1984, douze de 2006 2008, tandis que de 1994 2008, les r-
frences aux arrts allemands ont oscill entre zro et six. Certains au-
teurs soutiennent toutefois que, aprs la prdominance du modle amri-
cain observe dans les annes 1970, on assiste un retour en force de
linfluence allemande, notamment en ce qui concerne la dignit humaine.
Nanmoins, Carmi reconnat que certains prcdents favorables la pro-

59 Guy E Carmi, Dignitizing Free Speech in Israel: The Impact of the Constitutional

Revolution on Free Speech Protection (2012) 57 : 4 RD McGill 791.

DUALISME, MIXIT ET MTISSAGE JURIDIQUE 663

tection de la libert dexpression conservent leur autorit ; on trouve aussi
des dcisions rcentes qui vont dans le mme sens. Pour lui, la dignit
humaine et la libert dexpression sont toutefois incompatibles. Un nou-
veau fondement constitutionnel devrait donc tre trouv pour la seconde.
Ces exemples tirs de cultures et de continents diffrents font ressortir
la fois les dfis et la richesse de la coexistence de traditions juridiques
dorigines diffrentes. En Chine, llargissement des pouvoirs du Comit
permanent du Congrs national du peuple pourrait annoncer la dispari-
tion graduelle de la primaut du droit Hong Kong, dans la mesure o les
juges de ce territoire reconnatront au pouvoir politique une autorit sem-
blable celle quil dtient dans les autres rgions de la Chine.
En Afrique du Sud, les nouvelles constitutions de 1993 et de 1996 et
leur interprtation ont grandement bnfici de la double culture juri-
dique du pays : la nerlandaise, influence par lallemande, dune part, et
la britannique, enrichie de la littrature anglo-saxonne, de lautre. Ce choc
des cultures a permis de recueillir la substantifique moelle du constitu-
tionnalisme contemporain. Ce constitutionnalisme transformateur 60 a
produit des effets dstabilisateurs sur le droit coutumier du mariage, qui
doit coexister et qui peut mme concurrencer le mariage civil rglement
par ltat. Le lgislateur a donc amnag le rgime coutumier, en le modi-
fiant substantiellement et en le soumettant au contrle des juges. De ce
fait, les pouses dont le mariage nest pas reconnu peuvent se retrouver
sans protection. Cette mixit annonce donc un rtrcissement de la zone
dautonomie reconnue au droit coutumier ou la version lgifre de ce-
lui-ci. Malgr les bonnes intentions de certains juges, il est craindre que
ce mouvement ne saccentue.

Le systme juridique isralien est peut-tre celui qui a subi le plus
dinfluences trangres : ottomane, britannique, germanique, italienne et
amricaine. Son droit priv est souvent codifi, mais les principes quon y
retrouve sont issus en partie de la common law. Jusquen 1980,
linterprtation qui en a t faite avait pour toile de fond cette tradition.
Les renseignements nous manquent sur les aspects civilistes quon peut y
reconnatre. Dans la mesure o certains codes ont une facture et se ser-
vent dune terminologie majoritairement civiliste, il y a bien mixit. En
matire constitutionnelle, cest aussi un systme original qui nous est pr-
sent. Sil sinspire de nombreuses expriences trangres, il conserve ses
caractristiques propres, comme le montrent les difficults suscites par
la reconnaissance dun nombre restreint de droits fondamentaux. Le fait
que les autres droits aient fini par bnficier dune certaine protection
montre que les textes de loi et les dcisions des lus sont souvent impuis-

60 Rautenbach et du Plessis, supra note 54 la p 772.

664 (2012) 57:4 MCGILL LAW JOURNAL ~ REVUE DE DROIT DE MCGILL

sants devant le mouvement mondial rclamant la judiciarisation de ces
questions.

Conclusion

Les territoires de droit mixte appliquent donc des rgles qui provien-
nent visiblement de traditions ou de familles diffrentes, dans des sec-
teurs du droit dfinis plus ou moins prcisment. Un point dquilibre
peut tre atteint dans la rpartition des domaines o sappliquent ces tra-
ditions, souvent aprs des dbats anims. Le poids politique des juristes
forms dans la tradition juridique minoritaire est videmment un facteur
important considrer. Cest sans doute pourquoi
lavenir de
lindpendance judiciaire Hong Kong est si proccupant, tandis quen
Isral et en Afrique du Sud, il semble que les juges ne se sentent pas me-
nacs par la coexistence de traditions diffrentes. On peut se demander si,
avec le temps, ils nauront pas tendance se replier sur eux-mmes aprs
avoir utilis des lments trangers, quitte tre plus rceptifs lorsque
des questions nouvelles ou controverses se poseront. Au fond, la mixit
des sources rend visibles des processus qui ont galement eu lieu dans des
traditions considres comme plus homognes, mais qui ont subi dans le
pass (avant le dix-neuvime sicle, pour faire court) des influences mul-
tiples et diversifies. Les grands pays naiment pas reconnatre quils ont
des dettes. Les plus petits, ou les cultures minoritaires, doivent se trouver
des allis dans le domaine juridique comme dans les autres.

in this issue Legal Hybridity in Hong Kong and Macau

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