Article Volume 45:1

La Justice militaire canadienne : le procès sommaire est-il conforme à l’article 11(d) de la Charte canadienne des droits et libertés ?

Table of Contents

La Justice militaire canadienne : le procs
sommaire est-il conforme a I’article 11 (d) de
la Charte canadienne des droits et libert6s ?

Patrick Cormier

Le proc s sommaire dans les Forces arm6es canadiennes
permet A la chaine de commandement de juger directement les
militaires placrs sous sa responsabilit6. Les peines pouvant atre
inflig6es an d6linquant par un commandant varient de peines
mineures A Ia peine de d6tention de trente jours. Or, l’article
1 l(d) de la Charte canadienne des droits et liberMs pr6voit que
ioute personne a le droit d’etre jug6e par un tribunal inddpen-
dant et impartial. Eu 6gard au fait que le commandant de l’unitd
ne peut raisonnablement
tse considdid comme inddpendant et
impartial an sens de la jurisprudence, primafacie, il y a viola-
tion de la Charte. En dpit de cette violation, l’instance som-
maire est-elle constitutionnelle ?

Aim de rdpondre As cette question, l’auteur clarifie tout
d’abord la nature de l’incompatibilit6 entre les droits constitu-
tionnels prevus At l’article 11(d) de la Charte et le procms som-
maie. Ensuite, il considsre trois avenues qui permettraient bt
l’ltat de justifier cette violation de droits constitutionnels : a) la
renonciation penranente As certaines garanties constitutionnel-
les lots de 1’enr6lement, b) Ia renonciation ponctuelle lorsque le
militaire exerce son droit d’option as la cour martiale, et c) la n-
cessitJ des procs sommaires. Selon l’analyse, seule la demire
avenue dolt etre retenue. Les proc s sommaires devraient Etre
sauvegard6s en vertu de
‘article 1 de la Charte, car is consti-
tuent un outil efficace essentiel au maintien de la discipline.

La nicessitd des procas sommaires (ou de leur quiva-
lent) est un fait historiquement reconnu dans plusieurs autres
pays, notamment, le Royaume-Uni, les 9tats-Unis, la France et
l’Allemagne. Une dclaration d’inconstitutionnalitd pourrait
avoir de facheux
racines historiques et
l’expdrience de pays alibs commandent une approche prudente
en la matlire.

rsultats. Nos

The summary trial of the Canadian Armed Forces allows
the chain of command to try directly soldiers placed under its
responsibility. Sentences that a commander may impose on a
delinquent vary from minor penalties to the thirty-day detain-
ment. Yet section 11(d) of the Canadian Charter of Rights and
Freedoms provides that every person has the right to be tried
by an independent and impartial tribunal. Given that a unit
commander cannot reasonably be considered independent and
impartial in the sense ascribed to those terms by the case law,
there is aprimafacie violation of the Charter.

In order to address this issue, the author first clarifies the
nature of the inconsistency between the constitutional rights
provided for in section 11(d) and the summary trial. He then
considers three avenues that would allow the State to justify this
violation of constitutional rights: a) the permanent renwciation
of certain constitutional guarantees at the time of enroiment, b)
the punctual renunciation when the soldier opts for a court
martial, and c) the necessity of summary trials. Based on the
analysis, only the last avenue should be retained. Summary tri-
als should be saved on the basis of section 1 of the Charter,
since they are an efficient and essential tool for maintaining
discipline.

The necessity of summary trials (or their equivalent) is a
historically recognized fact in many countries, in particular the
United Kingdom, the United States, France, and Germany. A
declaration of unconstitutionality may have regrettable results.
Our historical roots and the experience of allied countries
command a prudent approach in this matter.

. Capitaine Patrick Cormier, 6tudiant subventionn6 par la Couronne dans le cadre du Programme
militaire d’etudes de droit, Facult6 de droit, Universit6 McGill, Montr6al. L’auteur d~sire remercier
l’honorable Gdrald Beaudoin, s6nateur, le lieutenant-colonel (ret.), Michel Crowe, adjoint du juge-
avocat g6n6ral pour la r6gion de l’Est (retraitd), ainsi que le professeur Yves-Marie Morissette, Fa-
cult6 de droit, Universit6 McGill, pour leurs pr6cieux commentaires et utiles suggestions. Les opi-
nions exprim6es dans cet article sont personnelles et n’engagent en rien le ministate de la D6fense
nationale, les Forces canadiennes ou l’6tude du juge-avocat g6n~ral.

Revue de droit de McGill 2000

McGill Law Journal 2000
Mode de r6fdrence : (2000) 45 R.D. McGill 209
To be cited as: (2000) 45 McGill LJ. 209

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL

[Vol. 45

Introduction

I. Le nouveau procbs sommaire dans les Forces canadiennes et la

Charte canadienne des droits et libertds : y a-t-il incompatibilit6 ?
A. Description : le proc~s par voie sommaire et le Projet de 1oi C-25
B. Application de la Charte auxprocbs sommaires

1. Conditions d’application de la Charte
2. Parit6 entre le tribunal militaire et la cour criminelle ordinaire
3. La peine de dMtention

C. Contexte militaire : le droit i un ,tribunal ind6pendant et impartial,
D. Analyse : le proc~s par vole sommaire d6roge-t-il 6 l’article 11(d) de la

Charte ?

II. Le procbs par voie sommaire

: renonciation aux garanties
constitutionnelles, ou justification en vertu de I’article I de la Charte ?
A. Renonciation permanente : choisir la profession des armes – y a-t-il

renonciation implicite A certaines garanties constitutionnelles ?
B. Renonciation ponctuelle :le droit d’option i une cour martiale

1. Renoncer A

tre jugd par une cour martiale n’6quivaut pas
n~cessairement A une renonciation aux garanties constitutionnelles
a. Le droit d’option 6 une courmartiale avant 1997
b. Le droit d’option & une cour martiale aprbs le Rapport Dickson
2. Peut-on validement renoncer au droit A un ,,tribunal ind~pendant

et impartial, pr6vu A I’article 11 (d) de la Charte ?
a. Conditions de renonciation
b. La nature particulibre du droit i un ,tribunal ind6pendant et

impartiab, permet-elle renonciation ?

C. Justification des procbs par voie sommaire en vertu de I’article 1 de la

Charte
1. Le devoir de justification de I’ltat devant les tribunaux en vertu de

[‘article 1 de la Charte

2. L’existence d’un objectif suffisamment important : permettre une

r6solution rapide et adequate des probl~mes disciplinaires

3. Pr6occupations du l6gislateur: urgentes et r6elles
4. Lien rationnel entre les moyens employ~s et l’objectif A atteindre:
le proc~s sommaire est une procedure permettant aux Forces
canadiennes d’administrer une justice rapide

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R CORMIER – LA JUSTICE MILITAIRE CANADIENNE

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5. Mesures minimales :le procs sommaire et la peine de dMtention

sont des outils n~cessaires
a. Aperqu du droit 6tranger
b. Consid6rations historiques
c. Consid6rations disciplinaires et psychologiques
d. Sommaire

6. Proportionnalit: entre l’objectif et les effets pr6judiciables
7. Proportionnalit6 :entre

les effets pr~judiciables et

les effets

b~n6fiques

Conclusion

Annexe

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MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROITDE MCGLL

[Vol. 45

Introduction

An undisciplined military force is a greater danger to Canada than to any fo-
reign enemy. Therefore, those involved in the development of the disciplinary
system must constantly keep in mind not only the pressing arguments being
made to modify the system but also the reasons why the system has developed
into its present form. The rules created to meet the disciplinary needs of a parti-
cular era in history should be rejected if they are no longer valid, but those dis-
ciplinary procedures which have proven useful and enduring in controlling mi-
litary forces should be retained unless compelling reasons for change exist. To
maintain morale and discipline in the Canadian Forces, we should continue to
proceed on the trail of discipline with a progressive outlook using the torch of
history to light the way’.

Whatever you military men think, you shall find that you are under civil juris-
diction, and you but gnaw a file, you will break your teeth ere shall prevail
against ie.

La Cour supreme, dans Parret Gfnireux3 en 1992, a 6tabli sans 6quivoque que la
justice militaire est sujette h examen sous la Charte canadienne des droits et liberts?.
Bien que la Cour ait ent6rin6 le principe voulant que > peut prendre diffdrents sens selon le contexte. Ici, il s’agit de
1’administration de lajustice, soit l’ensemble des procedures par lesquelles un justiciable du Code de
discipline inlitaire [ci-apr~s CDM] r6pond de ses actes. Quelquefois, l’expression inclut aussi le droit
de fond, e.g. les infractions prdvues au CDM. Le CDM est constitu6 de la partie disciplinaire de la Loi
sur la ddfense nationale, L.R.C. 1985, c. N-5 [ci-apris LDN], ainsi que des r glements disciplinaires
pris en vertu de cette mime loi.

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R CORMIER – LA JUSTICE MILITAIRE CANADIENNE

qui est n6cessaire pour le maintien de la discipline. D’un autre c6t6, en interpr6tant
strictement la Charte, on peut envisager le pouvoir judiciaire exigeant la preuve corn-
plete et exhaustive, sous rarticle 1, de la n6cessit6 pour l’arm6e de limiter les droits
constitutionnels d’un justiciable du Code de discipline militaire. La principale diffi-
cult6 consiste
trouver un juste milieu entre ces deux positions conflictuelles, surtout
lorsque l’arm6e invoque le maintien de la discipline comme raison valable afin de li-
miter les garanties constitutionnelles des militaires et plaide que le moyen par excellence
de maintenir la discipline est 1′ administration rapide et efficace de la justice militaire .

Une fois ce contexte 6tabli, il est intdressant de s’interroger sur la validit6 consti-
tutionnelle des proc~s par voie sommaire (ou >). En effet, le procs
sommaire, comme son nom l’indique, est une proc6dure discplinaire all6g6e qui per-
met un officier de la chaine de commandement de juger directement un militaire.
L’officier qui pr6side l’instance sommaire peut infliger une peine de d6tention de
trente jours”.

Bien que la validit6 des cours martiales ait 6t6 examinde dans l’affaire Ginireux
et plus r6cemment dans l’affaire Lauzon’2, la validit6 constitutionnelle des proc s par
voie sommaire n’a pas 6t6 directement 6tudide par les tribunaux. Pourtant, c’est au

8 Voir par ex. Gfnireux, supra note 3 A lap. 323, oti le juge L’Heureux-Dub6 (dissidente) exprime
son accord avec la majorit6 sur <4...] le fait que l'al. 11J) debute par "sauf s'il s'agit d'une infraction relevant de la justice militaire" ddmontre que la Charte envisage un systame distinct de justice mili- taire [...]>>. Voir aussi l’opinion du juge L’Heureux-Dub6 h lap. 326: <[..] les Forces armres exigent par-dessus tout la discipline la plus stricte pour fonctionner de manire efficace>.

9 CDM, supra note 7. Voir par ex. DJ. Corry, Military Law Under The Charter

(1986) 24 Osgoo-
de Hall LJ. 67 h la p. 80 : One provision of the Charter, the right to a trial by jury under section
11(f), specifically excludes trials under military law tried before a military tribunal. […] By implica-
tion, Parliament must have intended that the remaining provisions of the Charter would apply to mili-
tary law>. Voir toutefois Gdndreux, supra note 3
lap. 296 : compte tenu de l’art. 11(f), [l]e contenu
de la garantie constitutionnelle d’un tribunal ind~pendant et impartial peut trs bien diffirer selon
qu’il s’agit du contexte militaire ou de celui d’un procs criminel ordinaire>.

‘0 Gingreux, ibid. aux pp. 293-94 ; Canada, Ministare de la D6fense nationale, Rapport du Groupe
consultatif spdcial sur la justice militaire et sur les services d’enqudte de la police militaire : Rapport
au Premier ministre, Ottawa, Le Groupe, 1997 aux pp. 6-9 (Prdsident: B. Dickson) [ci-apris Rapport
Dickson] ; voir aussi le Rapport Dickson h lap. 1/4 de l’annexe A : La justice militaire a pour but de
promouvoir la justice, d’aider au maintien de l’ordre et de la discipline dans les Forces canadiennes,
de promouvoir l’efficience et l’efficacit6 militaire et donc, de renforcer la s6curit6 nationale du Cana-
da>>.

” Le Projet de loi C-25, en vigueur depuis le 1 septembre 1999, r&luit de 90 4t 30 le nombre
maximal dejours de dtention pouvant tre inflig6 : P.L. C-25, Loi modifiant la Loi sur la ddfense na-
tionale et d’autres lois en consdquence, 1′ sess., 36′ Parl., 1997-98 (adopt6 par la Chambre des com-
munes le 11 juin 1998) [ci-apr s P.L. C-25].

c K c. Lauzon, [19981 C.M.AJ. No. 5, 129 C.C.C. (3’) 399 (C.A.C.M.) [ci-apr6s Lauzon avec ren-

vois aux C.C.C.].

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moyen des proc~s sommaires que les Forces canadiennes r~glent la grande majorit6
des problmes disciplinaires”.

Nous proc6derons A l’analyse en deux temps. La premiere 6tape consiste h exa-
miner s’il y a incompatibilit6 entre les procs sommaires et la Charte”. Pour ce faire,
il sera n6cessaire de r6viser en quoi consistent ces procs sommaires et de confirmer
pourquoi un justiciable du CDM est prot6g6 par la Charte dans une instance de proc~s
sommaire. Ensuite, puisque la Cour supreme a laiss6 entendre que la garantie consti-
tutionnelle pr6vue h I’article 11(d) de la Charte est susceptible de s’appliquer diff6-
remment dans un contexte militaire, nous devrons examiner en quoi consiste cette dif-
fdrence. Nous serons h m~me de ddcider si les procs sommaires sont incompatibles
avec l’article 1 l(d) de la Charte.

La deuxi~me 6tape consiste t voir dans quelle mesure les procs sommaires peu-
vent 8tre valides s’ils enfreignent la Charte. I y a deux possibilit6s : soit que le justi-
ciable du CDM a renonc6 validement au droit pr6vu A l’article 11(d) de la Charte, soit
que le procs sommaire en tant qu’instance militaire est d6clar6 conforme A la Charte
en vertu de l’article 1. Dans le premier cas, la renonciation peut 8tre implicite et per-
manente, 6tant donn6 que s’enr6ler dans les Forces canadiennes est un choix, ou ex-
plicite et ponctuelle, dans le cadre d’une proc6dure entourant le droit d’option A une
cour martiale”. En ce qui conceme la deuxi~me possibilit6, l’application du test Oa-
kes” en l’espce n6cessite soit une certaine indulgence judiciaire quant A l’6tendue de
la preuve requise, soit, au contraire, la pleine mesure du devoir de justification de
l’ttat devant les tribunaux sois l’article 1 de la Charte.

L’examen propos6 est n6cessaire : nous vivons A une 6poque oil plusieurs com-
mandants, sans compter les autres militaires, doutent de la constitutionnalit6 des pro-
cos sommaires”. Ce doute est regrettable. En plus de cr6er des recours artificiels aux

” Le Rapport Dickson, supra note 10 t lap. 44 avance que 98% des instances disciplinaires sont r6-
gldes par procs sommaires. Voir dgalement A.D. Heard, <.Military Law and the Charter of Rights>>
(1988) 11 Dal. L. 514 A lap. 525.
‘4 Meme si plusieurs articles de la Charte sont pertinents et applicables, l’analyse dans ce texte est
restreinte i l’art. 1 l(d) de la Charte, supra note 4: <>.

‘ Plusieurs juristes militaires francophones utilisent l’expression < au lieu de <. 11 s’agit du meme droit. 11 faut aussi examiner si la renonciation dans les faits entraine un
effet juridique, i.e. s’il est possible ou non de renoncer A la garantie constitutionnelle prdvue 4
l’art. 1 (d) de la Charte.

” Test dlabor6 dans R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103, 26 D.L.R. (4′) 200 [ci-aprs Oakes avec ren-

vois aux R.C.S.]

” Rapport Dickson, supra note 10 aux pp. 44-45 ; voir aussi A la p. ii : <,Nous constatons que, ces demi res ann6es, la discipline militaire au sein des Forces canadienes a 6t6 appliqu6e avec r6ticence et de fagon in6gale, en raison de l'incertitude dans laquelle se trouvaient les commandants quant A l'effet de la Charte canadienne des droits et libert&s . Voir aussi C.H. Belzile, > 3:2 Vanguard 12 A la p. 14: <([W]e sensed as we travelled across the country that Com- manding Officers displayed an understandable reluctance to proceed with summary trials>.

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R CORMIER – LA JUSTICE MILITAIRE CANADIENNE

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mesures administratives’ plut6t que disciplinaires, plusieurs probl~mes disciplinaires
sont renvoy6s aux cours martiales’9 alors qu’ils devraient 6tre r6glds au sein de l’unit6.
De plus, il ne faut pas perdre de vue que l’incertitude quant l’6quit&> de la justice
militaire mine l’int6grit6 de la chaine de commandement:

When the serviceman has confidence in the organization, there is discipline
[…]. It is from military law that the serviceman receives his most tangible indi-
cation of the relationship between himself and those who command. It is under
military law that he is tried and punished. If the military law system is a just
system, then it will be recognized as such by the serviceman and thus it will
promote and support the discipline upon which the military organization is ba-
sed 0.

I. Le nouveau procbs sommaire dans les Forces canadiennes et la
Charte canadienne des droits et libert.s- y a-t-il incompatibilit6 ?
Rappelons bri~vement la raison d’etre des proc~s sommaires :

Le code de discipline militaire est con~u pour traiter des infractions d’ordre
militaire allant des infractions mineures h celles qui sont graves et criminelles.
Deux cat6gories de tribunaux militaires oat dt6 cr66es pour traiter les infrac-
tions d’ordre militaire : les procis sommaires et les procs devant cour mar-
tiale. Les proc~s sommaires doivent permettre de rendre justice de fagon
prompte et 6quitable h l’gard d’infractions d’ordre militaire relativement mi-
neures [mais] qui ont une incidence appr6ciable sur le maintien de la discipline
et de l’efficacit6 militaires, au Canada et h ‘dtranger, en temps de paix ou de
conflit arm62’ .

A. Description: le procas par vole sommaire et le Projet de Ioi C-25
Le proc~s sommaire subit plusieurs changements en vertu du Projet de loi C-25.

Examinons la teneur de ces changements.

t8Les mesures administratives sont, de la moins s6vre h la plus svre:

– avertissement verbal ;
– avertissement verbal consign6 par 6crit;
– avertissement dcrit;
– mise en garde et surveillance ; et
– liberation des Forces canadiennes.

Une mesure disciplinaire n’exclut pas une mesure administrative. Les mesures administratives sont
des outils
la disposition de la chalne de commandement pour corriger certaines lacunes incompati-
bles avec le m6tier d’un militaire ou avec la profession des armes. Si le militaire ne se corrige pas, les
mesures administratives progressent, jusqu’h la lib&ation du militaire, le cas 6ch6ant.

,9Voir Rapport Dickson, supra note 10 aux pp. 44-45 et Belzile, supra note 17.
20J.B. Fay, > (1975) 23 Chitty’s L.J.
120 t lap. 123.

21 Canada, Minist~re de la DMfense nationale, Le choix d’ tre jugd par proc&s sommaire ou devant
une cour martiale : guide al l’intention des accusds et des officiers ddsignfs pour les aider, Ottawa,
Dffense nationale, 1997 h lap. 1 [ci-aprbs Le choix d’Otrejugiparproc&s sommaire].

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MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROITDE MCGILL

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Le cadre 16gal de la r6glementation des proc~s sommaires’ a peu chang6, si nous
comparons le libell6 de la Loi sur la difense nationale actuelle et le libell6 du P.L. C-
25. Cette comparaison entre la LDN en vigueur avant le 1′ septembre 1999 et la LDN
au lendemain de l’entr6e en vigueur du P.L. C-25 a 6t6 faite de fagon tr~s d6taill6e en
annexe cet article.

Nous constatons que les diff6rences majeures sont les suivantes : le pouvoir de
punition du commandant en ce qui conceme la peine de d6tention est r6duit (de qua-
tre-vingt-dix jours A trente jours)’ ; le commandant ne peut plus pr6sider un proc~s
sommaire lorsqu’il a lui-m~me port6 les accusations, que ce soit directement ou indi-
rectement2′ ; la r6trogradation serait limit6e un seul grade ; le commandant ne pour-
rait plus imposer comme sentence la perte d’anciennet 6F’ ; il n’y a plus d’obligation
16gale forqant un commandant A recueillir les d6positions sous serment lorsqu’un ac-
cus6 le demande” ; et finalement, la loi pr6voirait un m6canisme permettant A un

22 La Loi sur la dfense nationale, supra note 7 pr6voit A 1’art. 2 qu’un proci-s sommaire est un
4[p]rocbs conduit par un commandant, ou sous son autorit6, conform~ment h l’article 163, ou procbs
didg6 par un commandant sup6rieur conform6ment
I’article 164>>. Cette d6finition est reconduite
dans P.L. C-25, supra note 11, en ce que l’art. 1 du EL. C-25 ne change pas la d6finition de < et l’art. 42 du EL. C-25 remplacerait les articles 163 (Procs sommaire devant comman-
dant) et 164 (Procs sominaire devant des commandants supdrieurs) de la LDN par des articles simi-
laires. II faut noter que le EL. C-25 a requ la sanction royale le 10 d cembre 1998 et est entr6 en vi-
gueur le I’ septembre 1999. Le texte ayant requ la sanction royale est presque identique au texte
adopt6 par la Chambre des communes le 11 juin 1998 (seul l’art. 96 concemant l’obligation de rendre
compte au Parlement de la part du ministre a 6t6 modifiM suite aux d6bats du Sdnat le 24 novembre
1998),

‘ Conformment a la recommandation num6ro 16 du Rapport Dickson, supra note 10 A la p. 51.
Voici la justification sous-jacente A cette recommandation: <4Nous sommes d'accord avec le point de vue du professeur Friedland selon lequel il pourrait 8tre ditficile dejustifier la p&iode de dMtention de 90 jours 6tant donn6 que d'autres pays comme les ttats-Unis et la Grande-Bretagne poss~dent une p6riode de dMtention maximale d'environ un mois>> (ibid.). Cette justification ne tient apparemment
pas compte du fait qu’il est possible d’infliger une peine de d6tention de 60 jours dans le cadre d’une
instance sommaire en France, ni du fait qu’une peine de detention de 90 jours puisse 6tre inflig6e en
ce qui conceme les forces navales britanniques, ni du fait qu’il est possible, si le palier hi~rarchique
supdrieur l’autorise, qu’une peine de 60 jours soit inflig6e dans les forces terrestres britanniques, ni de
la justification sous-jacente
lintroduction de la peine de d6tention de 90 jours en droit militaire ca-
nadien en 1950.

24 Confonn6ment A la recommandation num6ro 25 du Rapport Dickson, ibid.

la p. 56. A noter,
cette disposition est d6jh en vigueur sous forme de r~glement : Ordonnances et r~glements royaux
applicables aux Forces canadiennes, c. 108, en ligne : Minist~re de la DWfense nationale
(dates d’accbs : 27-31 octobre 1998) [ci-aprbs
ORFC).

Conform6ment t la recommandation num~ro 19 du Rapport Dickson, ibid. lap. 53.
Tout comme la r6trogadation au grade de soldat, la perte d’anciennet6 aurait <<[...] des rdpercus- sions de longue dur6e sur la carrire et la situation financi~re du militaire>>, Rapport Dickson, ibid. A la
p. 52. L’imposition de la perte d’anciennet6 en tant que peine a aussi 6t6 abrog6e pour les procbs
sommaires devant un commandant sup6rieur, P.L. C-25, supra note 11, art. 42.
2 LDN, supra note 7, art. 163(5) n’est pas reconduit dans le EL. C-25, ibid

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R CORMIER – LA JUSTICE MILITAIRE CANADIENNE

commandant qui veut donner suite 4 une accusation, sans toutefois pr6sider un proc~s
sommaire, de le faire en d6f6rant le dossier h un autre commandant, ou en acheminant
le dossier au directeur des poursuites militaires. Ce m~canisme permettrait aussi 4 la
personne ayant port6 1’accusation de faire r6f6rer le dossier au directeur des poursui-
tes militaires lorsque le commandant ne prend aucune mesure disciplinaire. Exami-
nons maintenant le cadre r6glementaire.

La proc6dure applicable aux proc~s par voie sommaire est prdsentement contenue
dans le chapitre 108 des Ordonnances et r~glements royaux applicables aux Forces
canadienne?. Ces ordonnances et r6glements sont publids en vertu de l’article 12 de
la Loi sur la difense nationale. Les ORFC continuent d’6tre publi6s en vertu du
meme article depuis la proclamation du P.L. C-25. Le chapitre 108 des ORFC est di-
vis6 selon les sections suivantes. Nous avons relev6 seulement les caract6ristiques les
plus importantes de chaque section.

Section 1 : Introduction Cette section, en plus de rappeler certaines d6finitions
de la LDN et de prescrire l’objet du procs sommaire?’, prohibe l’intervention des au-
toritds sup6rieures dans le d6roulement d’un proc~s sommaire et interdit au com-
mandant de prdsider le proc~s sommaire lorsqu’il a port6 les accusations.

Section 2: Competence des commandants Cette section rappelle les conditions
6nonc6es dans la LD!3 2 qui doivent atre r6unies avant qu’un commandant puisse juger
sommairement un accus6. Elle sp6cifie clairement queUes infractions peuvent faire
1′ objet d’un proc~s sommair& . En pratique, un bon nombre de ces infractions ne font

Supra note 24.

29ORFC, supra note 24, art. 108.02: .

‘o TiL, art. 108.04.
-3 kid., art. 108.05.
32 Voir LDN, supra note 7, art. 163(1).
33ORFC, supra note 24, art. 108.07. Les infractions militaires en question sont:

– dsob6issance A un ordre 16gitime;
– violence envers un sup6rieur;
– acte d’insubordination;
– querelles et d~sordres;
– dsordres ;
– connivence dans le cas de ddsertion;
– absence sans permission ;
– fausse dclaration concemant un cong6;
– cruaut6 ou conduite d~shonorante ;
– mauvais traitements b 1’6gard des subaltemes;
– fausses accusations ou dclarations;
– ivresse ;
– simulation ou mutilation;
– ddtention inutile, sans jugement ou non signal~e;

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MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL

[Vol. 45

que tr~s rarement l’objet d’un proc~s sommaire, eu 6gard il la gravit6 de l’infraction.
En effet, m~me si un commandant a comp6tence pour juger l’infraction, il peut refu-
ser de juger sommairement le militaire s’il estime que ses pouvoirs de punition sont
insuffisants 6tant donn6 la gravit6 de l’infraction. De plus, m~me si le commandant a
comp6tence, l’accus6 peut dans la majorit6 des cas choisir une cour martiale .

Section 3 : D16gation des pouvoirs du commandant Cette section prescrit
comment un commandant peut d6l6guer ses pouvoirs de juger sommairement. Cette
d6l6gation doit etre 6crite “, elle ne peut se faire A un officier de grade inf~rieur
ca-

– lib6ration non autorise ou aide A l’6vasion;
-6vasion ;
– d6faut de respecter une condition;
-rdsistance A la police militaire dans 1’exercice de ses fonctions;
-refus de livraison ou d’assistance au pouvoir civil;
– d6sobdissance aux ordres du commandant;
– actes dommageables relatifs aux adronefs;
– signature d’un certificat inexact;
– vol Ai trop basse altitude;
– d6sob6issance aux ordres du commandant – a6ronefs;
– conduite r6pr6hensible de vdhicules;
– usage non autoris6 de v6hicules;
– incendie;
– vol, recel;
– dommage, perte ou ali6nation irr6gulire;
– infractions diverses (voir LDN, supra note 7, art. 117 reconduit dans EL. C-25, supra note
11, art. 31);
– outrage i un tribunal militaire;
– d6faut de comparaitre ;
– infractions relatives aux cantonnements;
– refus d’immunisation ou d’examens m&icaux;
– n6gligence dans la manutention de mati~res dangereuses;
– conduite pr6judiciable au bon ordre et A la discipline.

Les infractions civiles suivantes sont punissables dans un procbs sommaire: (a) en ce qui conceme le
Code criminel, L.R.C. 1985, c. C-46:

– art. 129 (Infractions relatives aux agents de la paix);
– art. 266 (Voies de fait) ;
– art. 267 (Agression armee ou infliction de 16sions corporelles);
– art. 270 (Voies de fait contre un agent de la paix) ;
– art. 334 (Punition du vol –
dollars) ;
– art. 335 (Prise d’un v6hicule A moteur ou d’un bateau sans consentement);
– art. 430 (Mefait, sauf lorsque le m6fait cause un danger reel pour la vie des gens)
– art. 437 (Fausse alerte) ; et

lorsque la valeur de ce qui est vol6 ne d6passe pas cinq mille

(b) en ce qui conceme la Loi rdglenentant certaines drogues et autres substances, L.C. 1996, c. 19:

– art. 4(1) (Possession de substances).

LDN, supra note 7, art. 163(1)(b) repris essentiellement dans EL. C-25, supra note 11.

“LDN, ibid., art. 163(1)(c) repris essentiellement dans P.L. C-25, ibid

ORFC, supra note 24, art. 108.10(3).

2000]

0] CORMIER – LA JUSTICE MILITAIRE CANADIENNE

pitaine3, l’accus6 doit etre de grade inf6rieur h adjudantC et finalement, le comman-
dant ne peut pas d61 guer ses pouvoirs de juger les infractions civiles punissables
sommairement en vertu de l’article 108.07(3) des ORFC. Quant aux peines qui peu-
vent etre inflig6es par un officier qui preside un procs sommaire en vertu de pouvoirs
d6l6gu6s par le commandant, elles sont sp~cifi6es h la section 7.

Section 4 : Competence des commandants sup6rieurs Cette section rappelle
les passages pertinents de la LDN 6tablissant la comp6tence des commandants sup6-
rieurs ainsi que les restrictions applicables. Sous forme de > sous les articles
appropri6s, le r~glement indique quels officiers sont des <
au sens de la LDN pour fins de proc s sommaires, par exemple les commandants
d’escadrons de navires, meme s’ils n’ont pas le grade de commodore, etc.

Section 5 : Aide et renseignements fournis h l’accus6 Cette section dicte la nature
de 1’aide qui doit 6tre fournie 4 l’accus6. Ds qu’une accusation a 6t port6e, un officier
doit etre d6sign6 par le commandant pour aider l’accus6. Normalement, il est permis t
l’accus6 de choisir un officier de l’unit6 pour remplir ce r61e. L’officier conseillV’

37/bid., art. 108.10(2)(a). Les grades d’officiers sont (entre parentheses, les grades de la marine de-

puis le 1′ septembre 1999, en vertu du P.L. C-25, supra note 11, art. 91):

Le titre de <> indique une fonction et non un grade.

39 Ibid., art. 108.10(2)(c). Voir la liste des infractions en question, supra note 33.
40Ibi, art. 108.14(3).
41 Voir Le choix d’tre jugei par procs sonmaire, supra note 21. Ce guide est express6ment men-
tionn6 dans les notes accompagnant ORFC, ibiL, art. 108.14.

– l6ve-officier (aspirant de marine);
– sous-lieutenant (enseigne de vaisseau de 2′ classe);
-lieutenant (enseigne de vaisseau de 1′ classe);
– capitaine (lieutenant de vaisseau);
– major (capitaine de corvette) ;
– lieutenant-colonel (capitaine de fr6gate);
– colonel (capitaine de vaisseau);
-brigadier-g6n6ral (commodore);
-major-g&6ral (contre-amiral) ;
– lieutenant-g6n6ral (vice-amiral) ; et
– gdnral (amiral).

-recrue (matelot de 3′ classe) ;
– soldat (matelot de 2′ classe) ;
– caporal (matelot de 1′ classe) ;
– caporal-chef (matelot-chef) ;
– sergeant (maitre de 2′ classe);
– adjudant (matre de 1′ classe) ;
– adjudant-maitre (premier-maitre de 2′ classe);
– adjudant-chef (premier-maitre de 1′ classe).

Les titres de et de < indiquent une fonction et non un grade, i.e. un
officier peut etre commandant au grade de capitaine ou au grade de colonel.

8 Ibid., art. 108.10(2)(b). Les grades des militaires du rang sont (entre parentheses, les grades de la

marine) :

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL

[Vol. 45

l’accus6 quant son droit d’option A une cour martiale (s’il y a lieu), quant A la preuve, A
]a pr6sentation des t6moins et au d6roulement du proc~s sommaire. II aide raccus6 A
prdparer sa d6fense, et parle au nom de l’accus6 lorsque requis. L’article 108.15 des
ORFC, , stipule que l’accus6 et l’officier
d6sign6 pour aider l’accus6 doivent avoir accs
tout 616ment de preuve qui tend h 6ta-
blir ]a culpabilit6 ou l’innocence de ‘accus6. Ces renseignements doivent 6tre fournis
bien avant que l’accus6 exerce son droit d’option h la cour martiale ‘ .

Section 6: Proc&lure pr~liminaire au proc s Cette section stipule quelles sont les
d6terminations qu’un commandant doit faire avant la tenue du proc~s sommaire. Le
commandant doit s’abstenir de juger sommairement un militaire qu’il a lui-m~me accu-
s6. 11 doit aussi s’abstenir de juger sommairement un accus6 qui pr6fere une cour mar-
tiale , ou un accus6 atteint de troubles mentaux. Finalement, le commandant poss~de un
pouvoir discr6tionnaire de ne pas juger sommairement un militaire, selon l’int6r& de la
justice et de ]a discipline. Cette section stipule aussi dans quels cas un justiciable du
CDM n’a pas de droit d’option h une cour martiale, c’est-A-dire les cas oia le comman-
dant peut, de plein droit, juger sommairement sans offrir option A la cour martiale:

ORFC 108.17 (1) Un accus6 qui peut &re jug6 sommairement A l’6gard d’une
infraction d’ordre militaire a le droit d’Etrejug6 devant une cour martiale, sauf
si les conditions suivantes s’appliquent:

a)

l’infraction a 6t6 commise contrairement A l’une des dispositions sui-
vantes de la Loi sur la dafense nationale:

85 (Acte d’insubordination),
86 (Querelles et d6sordres),
90 (Absence sans permission),
97 (Ivresse),
129 (Conduite pr6judiciable au bon ordre et A la discipline), mais
seulement lorsque l’infraction se rapporte A la formation militaire,
A l’entretien de l’dquipement personnel, des quartiers ou du lieu de
travail, ou A la tenue et au maintien ;

b)

les circonstances entourant la commission de l’infraction sont de na-
ture suffisamment mineure pour que l’officier qui exerce sa comp-
tence de juger sommairement l’accus6 dtermine que, si l’accus6 6tait
d6clar6 coupable de l’infraction, une peine de d6tention, de r6trogra-
dation ou une amende d~passant 25 pour cent de la solde mensuelle
de base ne serait pas justifi~e.

La section 6 du chapitre 108 des ORFC specifie aussi que le commandant (ou
l’officier d616gu6 pr6sidant le proc~s sommaire) doit offrir la possibilit6 A l’accus6 de

ORFC, ibid., art. 108.15(2)(a).
,Ibid., art. 108.16(1)(b).
‘ Ibid., art. 108.16(1)(a)(v).
” Ibid., art. 108.17(1)(a). Le nombre restreint d’infractions sons cet article conduit quelquefois A des
situations pour le moins curieuses : pour un vol de 20 $, le commandant doit offrir A l’accus6 option &
la cour martiale, alors que dans un cas d’insubordination il n’y est pas oblig6.

2000]

0 CORMIER – LA JUSTICE MILITAIRE CANADIENNE

consulter un avocat militaire pour etre conseill6 relativement
cour martial&’.

son droit d’option h la

Section 7 : Procidure, reception de la preuve et pouvoirs de punition Cette
section pr~voit en detail la procedure observer lors du proc~s sommaire. Entre au-
tres, l’officier qui preside le procs doit prater serment avant chaque proc&s’ et il doit
permettre 1’accus6 d’interroger les t6moins’. L’accus6 ne doit pas etre condamn6 s’il
subsiste un doute raisonnable’. Cette section pr6cise aussi les lignes directrices qui
doivent 6tre observ6es lors du prononc6 de la sentence. En ce qui concerne la r6cep-
tion de la preuve, les RNgles militaires de la preuve” ne s’appliquent pas dans le cadre
d’un proc~s sommaire. Cette section comprend aussi des tableaux de peines pouvant
etre inflig~es par les commandants53 et par les officiers d616gu6s’.

, !bid., art. 108.18.
47Ibid., art. 108.20(2) renvoie

l’art. 108.27: .

4 Ibid., art. 108.20(4).
49 Ibid., art. 108.20(7):

Le president doit consid&er les 61ments de preuve qui ont t6 reus et les observations
de l’accus6. I doit ensuite d6cider s’il a
t6 d6montr6 hors de tout doute raisonnable
que l’accus6 a commis rinfraction dont il est accus6 ou toute autre infraction pour
laquelle ce demier peut 8tre d6clar6 coupable h 1’6gard de cette accusation.

Ibid., art. 108.20. La note G prcise que :

Dans le cadre du prononcd des sentences, la discr6tion du prdsident doit 6tre exerc~e de
fagon juste et impartiale. En r6gle g6nrale, la peine appropri6e est la peine la moins
s6v~re qui assurera le maintien de la discipline. La peine doit correspondre Z la gravit6
de l’infraction et an contrevenant de m~me qu’elle doit tendre h dissuader l’accus6 et
d’autres personnes qui pourraient atre tentes de perp~trer des infractions similaires. 11
est indispensable de distinguer les infractions qui font ressortir des inconduites calcu-
l6es et prm~dit6es de celles qui sont attribuables 4 la jeunesse, un caract&e agressif,
4 la tentation subite ou
l’inexp~rience. Une peine sera d’autant plus efficace si elle est
inflig~e aussit6t que possible aprs la perpetration de l’infraction.

La note H ajoute :

On ne devrait avoir recours h la peine de d6tention qu’en demier ressort lorsque
d’autres peines moins s6v&es n’ont pas r~ussi 4 am6liorer le comportement du mili-
take. La peine de detention peut aussi atre inflig~e si elle se rdvle 8tre un moyen effi-
cace dans certains cas particulirement s~rieux de mauvaise conduite.

5′ Les Ragles militaires de la preuve sont reproduites dans les ORFC, ibid.,
12ORFC, ibid., art. 108.21(1).
53 Les peines pouvant etre infliges par les commandants sont, de la plus s6v~re h la moins s6v&e:
dMtention, ritrogradation, r~primande, amende, consign6 an navire ou an quartier, travaux et exercices
suppl6mentaires, suppression de cong6, avertissement: ibid., art. 108.24.

app. 1.3.

Les peines pouvant

re inflig es par les officiers d616gu~s sont, de la plus sdv~re h la moins s-
v~re : r6primande, amende, consign6 an navire ou au quartier, travaux et exercices suppl6mentaires,
suppression de cong6, avertissement: ibid, art. 108.24.

222

MCGILL LAW JOURNALIREVUEDE DROITDE MCGILL

[Vol. 45

Section 8 : Rbgles g~n~rales applicables aux proc~s sommaires Les proc~s
sommaires sont publics”. L’officier qui pr6side le proc~s sommaire a l’obligation de
faire comparatre les t6moins requis par l’accus6, dans la mesure du possible’. Bien
que le P.L. C-25 ne reconduise pas l’obligation Idgale du commandant de faire prater
serment aux t6moins A la demande de ‘accus6, cette obligation subsiste sous forme
r6glementaire7 .

Section 9 : Rfgles concernant les peines mineures Cette section prescrit les r6-
gles applicables aux peines mineures8. Afin de donner un exemple du souci
d’encadrement r6glementaire, nous citons le r~glement applicable aux travaux et exer-
cices suppl6mentaire 9 :

108.35 – TRAVAUX ET EXERCICES SUPPLMENTAIRES

(1) La peine de travaux et exercices suppidmentaires a pour but d’amrliorer
1’efficacit6 et la discipline militaires d’un militaire.
(2) La peine de travaux et exercices suppl6mentaires impos6e A un contreve-
nant peut A la fois comprendre l’ex6cution :

a)

de ses tfiches ordinaires pendant des p6iodes plus longues que celles
qui auraient t6 exig es si la peine n’avait pas 6t6 imposde;

b) de tout autre travail supp1mentaire utile ;

c) d’exercices suppl6mentaires, aux heures pr6vues dans les ordres de

1’unit6, ou d’autre formation militaire.

(3) La peine de travaux et exercices supplmentaires ne doit pas 8tre purgde le
dimanche, mais ce jour compte dans le calcul de la dur6e de la peine.

Section 10 : Mesures administratives Cette section explique les tapes adminis-

tratives A suivre lorsqu’une peine a td inflig~e lors d’un procms sommaire.

Section 11 : R6vision Cette section explique le recours administratif d’un accus6
qui s’est vu infliger une peine. L’accus6 peut demander h une autorit6 de r6vision
od’annuler le verdict de culpabilit6 en raison de son caract~re injuste>>, ou <>.

5 Ibid., art. 108.28.
56Ibid., art. 108.29(1) : <'officier qui prdside un proc~s sommaire a le devoir de faire comparaitre, ala demande de Y'accusd, tout t6moin qui, eu 6gard aux exigences du service, peut 8tre raisonnable- ment pr6sent6 sans recourir A Ia voie judiciaire>.

” Ibid., art. 108.30 : Chaque tdmoin doit tmoigner sous serment devant un officier prdsidant un

proc s sonmaire>>.

” Les peines mineures sont : travaux et exercices supplmentaires (ibid., art. 108.35), suppression
de congd (ibid., art. 108.36), consignation au navire ou au quartier (ibid, art. 108.37) et avertissement
(ibid., art. 108.38).

‘9Ibid., art. 108.35.
Ibid., art. 108.45(2).

commandement, et la demande de rdvision est faite au moyen d’une note de service ou d’une lettre.

,lypiquement, I’autorit6 de r6vision est le prochain officier dans la chalne de

2000]

R CORMIER – LA JUSTICE MILITAIRE CANADIENNE

223

Maintenant que nous avons examin6 en quoi consiste le procs sommaire dans les
Forces canadiennes, il convient d’examiner si les garanties constitutionnelles de la
Charte pr6vues t 1’ article 11(d) s’appliquent t ce type d’instance.

B. Application de la Charte aux procbs sommaires

1. Conditions d’application de la Charte

Au tout d6but de son analyse dans P arr& Gingreux, le juge en chef Lamer affirme
que la Charte s’applique aux cours martiales compte tenu de l’arr& Wigglesworth” :

[J]e ne doute pas un instant que, compte tenu de l’arr~t Wigglesworth, […]
l’al. lid) de la Charte est applicable aux proc&lures d’une cour martiale g~n6-
rale. […] II m’apparait clair que l’art. 11 de la Charte est applicable aux proc6-
dures de la cour martiale g6n~rale en l’espce pour les deux raisons 6noncdes
par le juge Wilson dans l’arr& Wigglesworth. Certes, le Code de discipline mi-
litaire porte avant tout sur le maintien de la discipline et de l’int6grit6 au sein
des Forces canadiennes, mais il ne sert pas simplement A r6glementer la con-
duite qui compromet pareilles discipline et int6grit& Le Code joue aussi un r6le
de nature publique, du fait qu’il vise h punk une conduite pracise qui menace
l’ordre et le bien-etre publics.

Les < 6voqu6es par le juge en chef Lamer dans le passage pr6c6dent
ont 6t6 61abor6es par madame le juge Wilson pour la majorit6 dans 1’arr&t
Wigglesworth. Dans cette affaire, un policier de la GRC avait commis des voies de fait
(en l’espece, des gifles au visage) qui constituaient 6galement une >, au sens de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada.
L’agent Wigglesworth a comparu devant un tribunal du service de la GRC pour subir
un proc~s relativement une accusation port6e sous la Loi sur la Gendarmerie royale
du Canada, et a 6cop6 d’une amende de 300 $ Oa peine maximale pour cette peine
6tant d’un an de prison A l’6poque). Huit mois plus tard, 1’agent Wigglesworth a com-
paru devant la Cour provinciale de la Saskatchewan pour subir son procs relative-
ment A l’accusation de voies de fait simples port6e en vertu du Code criminel.
L’accus6 a plaid6 autrefois convict (article 11(h) de la Charte), et le juge de premiere
cet argument. En appel A la Cour du Banc de la Reine de la
instance a fait droit
Saskatchewan, la Cour annule la d6cision de premiere instance. En appel
la Cour
supreme, la principale question en litige 6tait de savoir si l’agent Wigglesworth pou-
vait se pr6valoir de l’article 11(h) de la Charte.

6’R, c. Wigglesworth, [1987] 2 R.C.S. 541,45 D.L.R (4) 235 [ci-apr~s Wigglesworth avec renvois

aux R.C.S.].

Ggnireux, supra note 3 aux pp. 280-81. Voir aussi le propos du juge en chef Lamer dans Gsng-
reux A la p. 293 : <>, en 1’esp6ce, le procs
sommaire de la GRC. Madame le juge Wilson remarque que la protection accord6e
sous Particle 11 de la Charte est typiquement rserv6e aux affaires criminelles et p6-
nales :

I1 est certain que ces droits [les droits prdvus A Particle 11 de Ia Charte] sont
accord6s t ceux qui sont accus6s d’infractions criminelles, A ceux qui doivent
faire face au pouvoir de poursuite de l’ttat et qui peuvent trts bien subir une
privation de libert6 par suite de l’exercice de ce pouvoir. […] J’estime, pour ce
motif, qu’il est pr6f6rable de restreindre l’art. 11 aux plus graves infractions
que nous connaissons dans notre droit, c.-At-d. [sic] les affaires criminelles et
p6nales, et de laisser les autres infractions>> relever du critfre plus souple de la
> 6nonc6 A ‘art. 7 6.

Afin de distinguer si un justiciable peut b6n6ficier de la protection de 1’article 11

de la Charte en raison de la nature de rinfraction, la Cour propose le crit6re suivant:

[S]i une affaire en particulier est de nature publique et vise h promouvoir
‘ordre et le bien-&tre publics dans une sphere d’activit6 publique, alors cette af-
faire est du genre de celles qui relfvent de 1’art. 11. Elle relfve de cet article de
par sa nature m~me. 1 faut distinguer cela d’avec les affaires priv6es, internes
ou disciplinaires qui sont de nature r6glementaire, protectrice ou corrective et
qui sont principalement destines f maintenir la discipline, l’intdgrit6 profes-
sionnelle ainsi que certaines normes professionneiles, ou f r6glementer la con-
duite dans une sphere d’activit6 priv6e et limit6e [notes omises]6

.

La Cour ajoute que si un verdict de culpabilit6 est susceptible d’entraner pour
l’accus6 une >, raccus6 a droit aux garanties constitu-
tionnelles de Particle 11 de la Charte, m~me si ‘infraction n’est pas de nature 6 .

En r6sum6, l’arrt Wigglesworth a 6tabli qu’un accus6 a droit aux garanties cons-
‘article 11 de la Charte dfs lors que rune des deux conditions sui-
titutionnelles de
vantes est remplie : a) rinfraction est de nature criminelle ou p6nale ; ou b) un verdict
p6nales>>.
de
L’emprisonnement constituerait une vritable consdquence p6nale7.

culpabilit6 pourrait

consdquences

entralner de

w6ritables

2. Parit6 entre le tribunal militaire et la cour criminelle ordinaire

Examinons maintenant les procfs sommaires des Forces canadiennes. Est-il pos-
sible, comme le juge en chef Lamer le fait dans l’arrt Ginireux au sujet des cours
martiales, de dire, par analogie, qu’un justiciable du CDM traduit dans une instance
sommaire peut se prdvaloir des garanties constitutionnelles de I’article 11 de la Charte

Wigglesvorth, supra note 61 f lap. 558.

6’Ibid. f lap. 560.
< Ibid. A la p. 564. 6, Ibid. a lap. 562. 2000] R CORMIER - LA JUSTICE MILITAIRE CANADIENNE puisque le CDM joue aussi un r6le de nature publique, du fait qu'il vise punir une conduite pr6cise qui menace l'ordre et le bien-etre publics ' ? Nous croyons que l'approche doit 8tre plus nuanc6e, bien que nous en arrivions au meme r6sultat. Nous croyons que la raison d~terminante qui appelle l'application de la Charte n'est pas tant >. Pourtant, les justifications offertes par la
Cour, peu apr~s le passage pr6cit6, sont beaucoup plus convaincantes que la justifica-
tion se fondant sur le caractre priv6 ou public de l’affaire. En effet, la Cour dans
l’affaire Ginireux trouve d6terminant le fait qu’un tribunal militaire soit comp6tent
pour juger plusieurs infractions au Code criminel, ainsi que le fait qu’une condamna-
tion par un tribunal militaire puisse donner lieu h res judicata, contrairement h un tri-
bunal disciplinaire de Ia GRC : <>’ .

Nous croyons que le seul fait de l’exception de chose jug6e accord6e A un mili-
taire ayant d6jh 6t6 jug6 par un tribunal militaire justifie l’application de la Charte,
puisqu’une telle exception 6tablit implicitement parit6 entre le tribunal militaire et la
cour criminelle ordinaire. L’avantage de cette simple justification devient plus appa-
rent lorsque l’on examine le caract~re fallacieux des distinctions entre infractions
militaires>> et civiles>> : ces distinctions sont aussi sp6cieuses que le sont les distinc-
tions entre le caract~re public> et d’une affaire.

II est crucial d’itablir que la distinction faite entre les infractions militaires et ci-
viles est, dans une large mesure, artificielle. Dire qu’une infraction est une infraction
civile>> par opposition it militaire>> simplement parce qu’eUe se trouve dans le Code
criminel ou dans une autre loi au lieu d’8tre sp6cifi6e de fagon distincte dans la Loi
sur la defense nationale n’est pas rendre justice au fait que la meme infraction, com-
mise par un miilitaire, a potentiellement beaucoup plus de r6percussions que si elle est
commise par un civil”. Ce raisonnement a d6jA
t6 propos6 par ]a Cour supreme dans
l’affaire R. c. MacKay : It may be thought also that the offence of trafficking in nar-
cotics takes on a special character when it is committed, as it was here, at an armed
forces base where service personnel are equipped with firearms>>’ .

Dans les arrets MacKay’ et Gindreui, la Cour supreme a aussi souscrit an pas-

sage suivant de l’opinion de monsieur lejuge Cattanach de la Cour f6d6rale:
Plusicurs infractions de droit commun sont consid& res comme beaucoup plus
graves lorsqu’elles deviennent des infractions militaires, ce qui autorise
l’imposition de sanctions plus s6v6res. Les exemples en ce domaine sont 16-
gion, ainsi le vol au d6triment d’un camarade. Dans l’arm6e la chose est plus
r6pr6hensible puisqu’elle porte atteinte i cet cesprit de corps>> si essentiel, au
respect mutuel et A la confiance que doivent avoir entre eux des camarades, ain-
si qu’au moral de la vie de caseme. Pour un citoyen, en frapper un autre, c’est
se livrer it des voies de faits punissables en tant que telles, mais pour un soldat,
frapper un officier sup6rieur, c’est beaucoup plus grave ; c’est porter atteinte A
la discipline et, en certains cas, ela peut 6quivaloir A une mutinerie. A
l’inverse, l’officier qui frappe un soldat commet aussi une infraction militaire
s6drieuse. Dans la vie civile, un citoyen peut t bon droit refuser de travailler,
mais le soldat qui agit ainsi commet une mutinerie, ce qui est une infraction des
plus graves, passible de mort en certains cas. De meme, un citoyen peut quitter
son emploi en tout temps. Sa conduite ne sera entach6e que d’inex6cution
d’obligations contractuelles mais, pour un soldat, agir ainsi constitue une in-

Ibid. A lap. 282.
vLes manquements it la discipline militaire doivent atre r6prim6s promptement et, dans bien des
cas, punis plus durement que si les mmes actes avaient 6t6 accomplis par un civil> : ibid h la p. 293,
juge en chef Lamer.

76 [1980] 2 R.C.S. 370 A lap. 400, 114 D.L.R. (3) 393 [ci-apr s MacKay avec renvois aux R.C.S.].

Ibid. aux pp. 399-400.

“Supra note 3 A lap. 294.

2000]

R CORMIER – LA JUSTICE MILITAIRE CANADIENNE

fraction s&ieuse, qualifi6e d’absence sans permission et, s’il n’a pas l’intention
de revenir, de d6sertion7.

La Cour supreme a d6cid6 dans l’affaire Wigglesworth que 1’agent devait r6pon-
dre du m~me acte dans un contexte disciplinaire sous la Loi sur la Gendarmerie
royale du Canada et dans un contexte criminel sous le Code criminel, et ceci, malgr6
1’article 12 du Code criminel ‘. Nous croyons que la situation est diff6rente pour un
accus6 militaire : dans la mesure oti l’exception de chose jug6e t r article 66 de la
LDN empeche directement une situation semblable h celle 6voqu6e dans Wiggles-
worth de se produire, nous croyons qu’un justiciable du CDM qui est traduit dans une
instance militaire pour <> ne pourrait pas 6tre traduit sub-
s6quemment dans une instance criminelle pour <. Lorsque l’infraction
civile possde un degr6 de similarit6 trop 6lev6 avec l’infraction militaire, 1’exception
vis6e i 1’article 66 de la LDNjoue afin d’emp~cher une poursuite ult6rieure ‘.

Bref, nous croyons que la Charte s’applique L l’instance sommaire des Forces ca-
nadiennes surtout en raison de la parit6 6tablie 16gislativement entre une cour crimi-

7 MacKay c. Rippon, [1978] 1 C.F. 233 (1’ inst.) A lap. 236, 78 D.L.R. (3) 655 ci-aprbs Rippon

avec renvois aux C.F.].

o Voir ‘ argument 4 cet effet du juge Estey (dissident) dans l’arr& Wigglesworth, supra note 61 aux

pp. 568-69. L’art. 12 du Code criminel, supra note 33, specifie que:

Lorsqu’un acte ou une omission constitue une infraction vis~e par plusieurs lois f&l6-
rales, qu’elle soit punissable sur acte d’accusation ou declaration de culpabilit6 par
procedure sommaire, une personne qui accomplit l’acte ou fait l’omission devient, a
moins que l’intention contraire ne soit manifeste, assujettie aux proc&lures que pr6voit
‘une ou l’autre de ces lois, mais elle n’est pas susceptible d’8tre punie plus d’une fois
pour la m~me infraction.

81 LDN, supra note 7, art. 71 : < ; voir
LDN, art. 66:

ou jug6e de nouveau –

66. (1) Ne peut etre jugde –
pour une infraction donne ou
toute autre infraction sensiblement comparable d6coulant des faits qui lui ont donn6
lieu toute personne qui, alors qu’elle est assujetdie au code de discipline militaire h
l’6gard de cette infraction ou susceptible d’Etre accus~e, poursuivie et jug6e pour cette
infraction sous le r6gime du code de discipline militaire, se trouve dans ‘une ou 1’autre
des situations suivantes : (a) elle a 6t6 accus6e d’avoir commis cette infraction mais
‘ accusation n’a pas 6 retenue ; (b) elle a 6t6 acquitt6e de cette infraction par un tribu-
nal civil on militaire ou par un tribunal 6tranger ; (c) elle a 6t6 d6clar6e coupable de
cette infraction par un tribunal civil on militaire ou par un tribunal 6tranger eta 6t6 pu-
nie conform6ment t la sentence.

Le EL. C-25, supra note 11, art. 20 61imine la situation
(a)>> et ne retient que les cas de autrefois ac-
quit et autrefois convict, i.e. une accusation en vertu du CDM qui n’a pas 6t6 retenue ne serait plus
opposable A la Couronne dans une poursuite ult6rieure devant un tribunal civil.

228

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROITDE MCGILL

[Vol. 45

nelle ordinaire et un tribunal militaire!. Cette raison est plus convaincante qu’une jus-
tification en fonction du caract~re priv6 ou public de l’instance sommaire.

3. La peine de d6tention

Examinons maintenant le deuxi~me crit6re de l’arrt Wigglesworth : est-ce qu’une
condamnation lors d’un procs sommaire peut rdsulter en l’imposition d’une > ? Malgr6 la rdduction de quatre-vingt-dix jours A trente jours
du nombre maximal de jours de ddtention pouvant etre inflig6 comme peine lors d’un
procs sommaire&, il y a tout de meme perte de libert6 pour un mois. Primafacie, les
garanties constitutionnelles de l’article 11 de la Charte s’appliquent donc au moins en
vertu du deuxi~me crit&e de l’arr& Wigglesworth, soit la possibilit6 de >.

I1 est donc apparent que, puisque la peine de ddtention peut etre infligde dans une
instance sommaire, il est certain que le justiciable du CDM b6n6ficie des droits prdvus
Sl’article 11(d) de la Charte. Mais quelle est la nature et l’6tendue de cette protec-
tion ?

C. Contexte militaire : le droit A un retribunal ind6pendant et

impartialx

La Cour supreme dans l’arret Gdndreux a laiss6 la porte ouverte A une interprdta-
tion contextuelle de ce droit allant jusqu’,t dire que <[1]'existence d'un systime paral- le de droit et de tribunaux militaires, pour le maintien de la discipline dans les For- ces armdes, est profonddment enracinde dans notre histoire et elle est justifide par les principes imp6rieux analys6s plus haut. C'est dans ce contexte qu'il faut interpr6ter le droit d'8trejug6 par un tribunal inddpendant et impartial [...]>>9.

L’expression <> comprend deux types d’instance : les cours
martiales et les procs sonmaires. I1 faut relever une diffdrence capitale entre les
deux. Les cours martiales, de par leur constitution (juge militaire, membres du jury et
procureurs), tendente vers un iddal d’inddpendance et d’impartialit6:

At a General Court Martial and Disciplinary Court Martial the members of the
court are selected by the convening authority and every effort is made to select
officers not connected to the accused. Commanding officers are specifically
prohibited from serving as members of either type of court martial. In the case

sommaire: voir les d6finitions dans la LDN, ibid.

s2L’expression > comprend ls cours martiales et la personne prdsidant un procs
1Le P.L. C-25, supra note 11, art. 12, modifie la LDN, ibid., art. 163(2)(a).
Gdndreux, supra note 3 4 Ia p. 295.
Le ministbre de la Ddfense nationale espbre que le PL. C-25, supra note 11, ainsi que les chan-
gements apportds aux ORFC, supra note 24, depuis 1992 corrigeront les lacunes de lajustice militaire
identifides dans les affaires Gindreux, ibid et Lauzon, supra note 12.

2000]

R CORMIER – LA JUSTICE MILITAIRE CANADIENNE

of a Standing Court Martial the trying officer is a military legal officer who is
from outside the accused’s chain of commands .

Par contre, les procbs sommaires ne tendent pas vers un idal d’inddpendance, car
un idal d’inddpendance serait fondamentalement incompatible avec leur fonction
premibre. Deux valeurs sont en jeu. La premiere, reconnue explicitement et prot6g6e
par la Charte h ‘article
l1(d), est de protdger les intrets d’un accusd en lui accordant
le droit h un tribunal inddpendant et impartial. La deuxibme est de protdger les intdrets
disciplinaires des Forces canadiennes en accordant au commandant un pouvoir direct
de juger sommairement les membres de son unitd (avec certaines restrictions):

[T]he summary trial is designed as a “personal” forum for the trial of minor
service offences. This personal nature of the summary trial reflects the respon-
sibility which the trying officer has for the discipline and the operational capa-
bilities of the personnel under the command of that officer. […] IT]he summary
trial remains the [dominant] and most important disciplinary tribunal for ensu-
ring the maintenance of discipline in the Canadian Forces. It is the personal
nature of the summary trial which gives it this status?.

ttant donn6 cette distinction importante entre les cours martiales et les proc~s
sommaires, il est inutile de comprimer artificiellement la garantie constitutionnelle
prdvue i l’article 11(d) de la Charte afin d’accomoder l’instance sommaire. Le fait
demeure que cette garantie constitutionnelle, lorsqu’elle s’applique, impose une obli-
gation l6gale sur tout type de tribunal de se conformer aux critbres 6noncds par la
Cour supreme dans l’arrat R. c. Valente. Or, dtant donnd la nature meme du prochs
sommaire dans les Forces canadiennes, il est impossible de rdconcilier le droit un
tribunal inddpendant et impartial avec le procbs sommaire 9, car le commandant n’est

” K.W. Watldn, Canadian Military Justice : Summary Proceedings and the Charter, version r6visde
de la thbse de maitrise en droit, Queen’s University, Kingston, 1990
lap. 73. II faut noter que ph-
sieurs changements ont eu lieu depuis Gingreux, notamment, les membres de la cour martiale ne sont
plus sdlectionnds par rautoritd convocatrice. Depuis Gendreux jusqu’
‘adoption du P.L. C-25, le
juge en chef militaire remplissait cette fonction : voir les Ordonnances et r glements royaux applica-
bles aux Forces canadiennes, c. 111, art. 111.051(2), en ligne : Minist~re de la Defense nationale
(date d’accbs : 6 ddcembre 1998). Ce
r1glement a 6t6 pris en vertu de rart. 165.1(1) de la LDN, supra note 7. Depuis l’adoption du P.L. C-
25 le 1′ septembre 1999, c’est l’administrateur de la cour martiale qui nomme les membres d’une
cour martiale gdn&ale ou disciplinaire : voir le EL. C-25, supra note 11, art. 42, ainsi que le nouvel
art. 165.19(1) de la LDN; voir aussi ORFC, c. 111, art. 111.03, en ligne : Ministbre de la Defense na-
tionale (date d’accbs : 15 no-
vembre 1999).

Watkin, ibi. aux pp. 73-74.
[198512 R.C.S. 673,24 D.L.R. (4′) 161 [ci-aprbs Valente avec renvois aux R.C.S.].
A moins de ddnaturer fondamentalement le proc~s sommaire, ce dernier ne pourra jamais satis-
faire les trois critbres d’inddpendance judiciaire dnoncds par la Cour suprme dans l’arrtt Valente. I1
suffit de constater quelles sont les trois conditions essentielles : <, G.-A. Beaudoin, La Constitution du Canada, Montr6al, Wilson & Lafleur, 1990 A lap. 749.

‘ Ce raisonnement est similaire A celui adopt6 dans l’opinion juridique de G. Pratte et L. Maison-
neuve, incluse dans le Rapport Dickson, supra note 10 aux pp. 8-9 de l’annexe F. Cette opinion jun-
dique ne souligne pas que ‘absence d’indpendance et d’impartialit6 n’estpas en soi une carence du
systame de justice nilitaire, mais qu’il s’agit plut6t de la concr6tisation d’une valeur primordiale dans
toute arm6e : le maintien de la discipline par la chalne de commandement. Le Rapport Dickson, ibid.
Ai lap. 55, abonde clairement en ce seas :

[N]ous estimons que la chalne de commandement doit 8tre impliqu6e directement dans
la conduite des procbs sommaires. Nous sommes 6galement convaincus que cela pout
se justifier en vertu de la Charte, nonobstant le fait que les commandants et officiers
d616gu6s ne sont ni impartaux ni ind6pendants au seas juridique prescrit par la Cour
supreme du Canada dans lejugementR. c. Gdndreux.

91Supra note 88.
9 La n6cessit6 d’investir la chalne de commandement avec des pouvoirs disciplinaires suffisants fut
exprim6e de fagon forte d1oquente par le colonel WE. Hodgins en 1910 dans < (1910) 30 Can. L.T. 485 h la p. 485:

As the essential strength of an army depends on the power and force of many men
being absolutely subordinate to and at the disposal of the will of one, the first necessity
in the existence of such a body is to ensure implicit obedience to the orders of superior
authority, and so to ingraft this quality into the constitution of the force, that every
member of it may, according to his position, be certain as by a second nature, to fulfil
the orders he may receive or to enforce those he may find it necessary to give.

“Cony, supra note 9 A lap. 89:

In conclusion, in spite of the integrity of the officers in the Canadian Forces, the sum-
mary trial process is far from being fair, independent, and impartial. Given the conflict
of duties, Solomon himself could not possibly maintain the degree of impartiality that
is necessary to render a just judgment at the summary trial.

L’auteur ne partage pas cette opinion. I1 est possible pour un commandant de maintenir la disci-
pline &luitablement bien qu’il ne soit ni ind6pendant, ni meme, le cas 6ch6ant, impartial. De la
meme fagon que l’ind~pendance et l’impartialit6 ne garantissent pas un r6sultat &quitable, l’absence
d’inddpendance et d’impartialit6 ne fait pas n6cessairement obstacle A l’&quit6. Salomon demande
la sagesse au Seigneur afin de r6gner et de juger en toute quit6 (1 Rois 3 : 6-28) ; il ne demande
pas l’inddpendance et l’impartialit6. La solution de Corry consiste A enlever la peine de dMtention en
tant que peine pouvant 6tre inflig6e lors d’une instance sommaire, afin que l’art. 11(d) de la Charte
ne s’applique plus (voir Corry, ibid k lap. 118). Le Rapport Dickson, supra note 10 A la p. 51 sou-
met pourtant qu’une peine maximale de 30 jours serait probablement acceptable sous l’art. 1 de la
Charte.

L’art. 1 l(f) garantit un procbs avec jury lorsqu’il est possible qu’une peine de plus de cinq ans de
prison soit infligde, exception faite d’une infraction relevant de la justice militaire devant un tribunal
militaire.

2000]

R CORMIER – LA JUSTICE MILITAIRE CANADIENNE

D. Analyse: le procbs par voie sommaire d6roge-t-il P Iarticle 11(d)

de la Charte ?

Suivant la logique exposde h la section pr~cddente, la conclusion que les proc~s
sommaires dans les Forces canadiennes enfreignent les garanties constitutionnelles
pr6vues A 1’article 1l(d) de la Charte semble in6luctable. Ce r6sultat peut etre heureux
ou malheureux ; toutefois, le d6bat se trouverait rehauss6 si une discussion franche
prenait place quant au choix qu’a fait le i6gislateur d’enchasser certaines valeurs dans
la Charte au ddtriment de plusieurs autres.

L’objectif n’est pas de critiquer ces choix, mais plut6t de cemer ad&luatement le
contexte juridique. Ainsi, nous estimons dangereux de placer le ddbat quant
la cons-
titutionnalit6 des proc~s sommaires exclusivement dans la province des valeurs 6dic-
tdes par l’article 11 de la Charte. L’article 11(d) de la Charte refl6te une valeur im-
portante, mais qui peut soutenir que cette valeur doit 6tre soutenue k l’exclusion de
toute autre ? L’ article I ne donne-t-il pas une certaine marge de manoeuvre aux tribu-
naux ? En l’esp~ce, soutenir que l’article 11(d) reprdsente une fin en soi incontourna-
ble dicterait un rsultat alarmant ; soit que le proc~s sommaire devrait atre supprim6
on affaibli en enlevant la peine de d6tention afin que (peut-etre) les garanties constitu-
tionnelles de l’article 11 de la Charte ne s’appliquent plus. Voilh un curieux message
transmettre nos troupes et aux officiers des Forces canadiennes. L’officier poss~de
un brevet de la Couronne qui lui permet de former, discipliner et mener au combat
ses troupes, mais on ne lui accorderait que tr~s peu de marge de manoeuvre quant k
ses pouvoirs disciplinaires.

En r6sum6, il est prudent de conclure que le procs sommaire dans les Forces ca-
nadiennes d6roge 1’article 11(d) de la Charte, eu 6gard surtout an deuxi6me critre
de 1’arr& Wigglesworth’. Comme nous l’avons vu, cette d6rogation ne reflte pas tant
une faiblesse ou un dchec de l’instance sommaire de rencontrer les crit~res
d’ind6pendance et d’impartialit6 de 1’arr&t Valente, mais refl~te plut6t la mise en eu-
vre legislative dans la Loi sur la d~fense nationale d’une valeur qui n’est pas explici-
tement reconnue par la Charte : la protection des int6rts disciplinaires des Forces ca-
nadiennes, en accordant au commandant un pouvoir direct de juger sommairement les
membres de son unit6.

95 Lors des Premire et Seconde Guerres mondiales, et lors de la guerre de Cor~e, 1 687 429 Cana-
diens ont servi, 112 016 sont morts, et 192 869 ont 6t6 blesses : <> dans Servir [journal
mensuel du 5′ Groupe de Soutien et Support, Rgion Montrdal] 5:3 (novembre 1998) 1. Le brevet
d’officier sp~cifie:

Nous [la Couronne] pourrons prescrire, former et discipliner, en vue de leurs fonctions
militaires, les officiers subaltemes et les militaires du rang servant sons vos ordres, et
vous employer de votre mieux 4 les maintenir en bon ordre et discipline.

96Supra note 61. Voir aussi M.L. Friedland, Controlling Misconduct in the Military (A Study Prepa-
red for the Commission of Inquiry into the Deployment of Canadian Forces to Somalia), Ottawa, Pu-
blic Works and Government Services Canada, 1997 4 la p. 97.

232

MCGILL LAW JOURNAL /REVUE DE DROITDE MCGLL

[Vol. 45

Le procis sommaire, m~me s’il d6roge A l’article 11(d) de la Charte, peut-il etre

sauvegard6 ?

II. Le procs par voie sommaire : renonciation aux garanties
constitutionnelles, ou justification en vertu de I’article 1 de la
Charte ?
R6pondre A cette question implique l’examen de trois avenues. La premiere con-
siste A d6terminer s’il y a renonciation permanente h certaines garanties constitution-
nelles lorsqu’un civil se joint aux Forces canadiennes. La deuxi~me consiste h exami-
ner s’il y a renonciation ponctuelle aux droits pr6vus h l’article 11(d) de la Charte
lorsqu’un accus6 militaire n’exerce pas son droit d’option A la cour martiale. Ces deux
avenues n6cessitent un examen sous-jacent : est-ce qu’une renonciation dans lesfaits
au droit A un tribunal ind6pendant et impartial entraine une renonciation juridique-
inent valide et, si tel est le cas, quels sont les effets juridiques d’une telle renoncia-
tion ? Finalement, la troisi~me avenue que nous allons explorer est celle de la justifi-
cation des proc~s sommaires selon ‘article 1 de la Charte, en portant une attention
particuli~re au volet < certaines
garanties constitutionnelles incompatibles avec l’exercice de la profession des armes.
Dans quelle mesure cet argument r6siste-t-il h 1’analyse ?

1 existe quelques arrets mentionnant que le militaire se soumet volontairement A
la juridiction militaire. Avant la proclamation de la Charte, il n’6tait pas rare qu’un
tribunal se prononce en ce sens. En 1978, dans l’arr& MacKay c. Rippon, la Cour f6-
d6rale se pronongait ainsi :

Le droit militaire, administr6 au sein des Forces arm6es, existe depuis des
temps immdmoriaux ; au Canada, il remonte A 1’6poque oii a 6t6 cride la pre-
mitre force arm6e canadienne, un an aprbs la Conf&t&ation. Toutefois, il existe
un principe constitutionnel fondamental voulant qu’un soldat n’6chappe pas,
du fait de son enr6lement dans ‘arme et du statut militaire qui en consequence
devient le sien, aux juridictions de droit commun de notre pays. I1 s’ensuit que
le droit commun applicable
tous les citoyens s’applique aussi aux membres
des Forces armes, inais ceux-ci souscrivent du fait de leur enr6lement des
obligations juridiques additionnelles, acquiarent ou perdent certains droits,

2000]

R CORMIER – LA JUSTICE MILITAIRE CANADIENNE

c’est-a-dire qu’ils sont alors rigis par le droit militaire canadien [nos itali-
ques9.

Un arrat plus recent (1981) de la Cour f6d6rale si6geant en premiere instance

souligne le cadre juridique distinct auquel les militaires canadiens sont sounis:

Le Code de discipline militaire inclus dans la Loi sur la defense nationale pr6-
voit pour les militaires des jurdictions diffdrentes, des peines diffdrentes et des
prescriptions diffdrentes. C’est le cas dans tous les pays occidentaux depuis des
temps imm~moriaux et au Canada au moins depuis 1868’.

Durant la Seconde Guerre mondiale, la Cour de l’Itchiquier allait meme plus loin

en avangant une position que l’on pourrait qualifier “:

[A soldier] on his enlistment subjects himself to military discipline and military
law. He owes a duty of implicit obedience to superior authority. He has not
only abandoned his civilian status and given up many of his civil rights as an
ordinary person but he has also assumed obligations and incurred the risk of
penalties of a kind radically different from those to which a civilian can be
subject. He may be tried by court martial for acts committed by him which are
not illegal under any law other than the military one and which, if committed
by him in civilian life would carry no penal consequences with them, but
which, according to military law, may involve him in the loss of his personal li-
berty. For example, under military law severe penalties such as penal servitude,
imprisonment or detention may be awarded to a soldier who deserts, absents
himself without leave or disobeys the order of a superior, whereas the same acts
if done by a civilian […] could not involve him in any deprivation of liberty or
in penal consequences of any kind. Indeed, some breaches of duty on the part
of a soldier on active service might bring upon him the penalty of death [nos
italiques].

Cette position a aussi trouv6 6cho dans la doctrine” .

L’6thique militaire comprend des valeurs qui reconnaissent cet abandon de

droits constitutionnels :

Nous croyons en un Canada fort et libre et nous croyons que les Forces Cana-
diennes existent, en d6finitive, pour faire r6gner la justice et la paix au Canada.
Nous croyons que le meilleur moyen d’y parvenir est de constituer et
d’entretenir une force militaire professionnelle.

9 Rippon, supra note 79 h lap. 235.

Grigoire c. Paradis, [198112 C.F. 471 (1′ inst.) i lap. 476.
L’expression abandon de droits civils > n’est pas consacrde. Selon 1’auteur, elle ne fait que refid-

ter un courant de pens6e qui a graduellement perdu du terrain depuis les grandes guerres.
‘oMcArthur c. R., [1943] Ex. C.R. 77 aux pp. 118-19 [ci-aprbs McArthur avec renvois aux Ex. C.R.].
Voir aussi C.M. Clode, Military and Martial Law, London, William Clowes & Sons, 1874 ; et J.M.
Lindley, “A Soldier is also a Citizen”: The Controversy over Military Justice, 1917-1920, New York,
Garland Publishing, 1990.

101 When individuals enlist in the Forces, it is assumed that they voluntarily relinquish much of
their personal freedom and agree to submit themselves to the military justice system;> : Heard, supra
note 13

lap. 514.

MCGILL LAW JOURNAL /REVUE DE DROITDE MCGILL

[Vol.45

Nous croyons que ceux qui ont embrass6 la carri&e des armes, tout en faisant
partie int6grante de la soci6td canadienne, constituent un groupe distinct dans la
mosaYque canadienne. Nous constituons un groupe charg6 d’un mandat bien
particulier: celui de servir notre pays en nous portant garant de sa souverainet6,
au besoin, par la force des armes.

Nous reconnaissons que, pour exercer efficacement de tels pouvoirs, notre pro-
fession doit 8tre structur6e d’une fagon particulire, fortement hidrarchisde et
tenue de se conformer A un code de Conduite : >.
I[…]I

Nous reconnaissons que, en acceptant volontairement de servir notre pays,
nous devons aussi accepter de restreindre certaines libert6s et de m6me que
certains droits reconnus en pays ddmocratiques”‘

.

Au-delh d’une normativit6 h saveur strictement juridique, il existe des traditions,
des h6ritages, des fagons de faire, d’agir et de penser, de discipliner, qui, collective-
ment, forment une normativit6 propre A la culture militaire. La profession des armes a
une vision d’elle-meme aux antipodes de la consecration de droits subjectifs. Cette vi-
sion n’est pas tant le rdsultat d’un id6alisme organisationnel que le r6sultat d’un en-
trathnement classique et rigoureux. Le groupe prime sur l’individu. La mission prime
sur le groupe. Si un individu, par son insouciance, son manque de rigueur, sa lachet6
ou son incomp6tence met en danger la discipline ou l’int6grit6 du groupe, le com-
mandant doit poss6der les pouvoirs suffisants pour corriger la situation. Ces pouvoirs
doivent comprendre des pouvoirs disciplinaires suffisants, allant jusqu’h la peine de
dMtention, en demier recours. Mais qu’arrive-t-il lorsqu’un justiciable du CDM veut
d6passer la normativit6 propre A la culture militaire en se r6clamant, dans le cadre
d’une instance sommaire, d’une protection juridique relativement nouvelle, soit, le
droit A un tribunal ind6pendant et impartial ?

Cette question ceme bien le malaise de la chaine de commandement face A un ac-
cus6 militaire qui invoque ses <>. Est-il possible de dissi-
per ce malaise en interpr6tant que ‘acte de se joindre aux Forces canadiennes entraine
renonciation aux droits pr6vus
l’article 11(d) de la Charte ? Nous ne le croyons pas.
Rien n’indique que la Couronne demande aux candidats, implicitement ou explicite-
ment, de renoncer h certaines garanties constitutionnelles.

Examinons le processus contemporain de recrutement. La formule d’enr6lement
compl6t6e ainsi que le serment d’all6geance du militaire entrainent-ils renonciation A
certaines garanties constitutionnelles ? Premii&ement, lorsqu’un civil se pr6sente A un
centre de recrutement, on lui donne tout d’abord plusieurs renseignements pr6liminai-
res. Ces renseignements”‘ d6crivent les proc6dures d’enr6lement (l’administration du

‘0’ Canada, Ministare de la DMfense nationale, <> (1990) 2

Bulletin du Personnel 7 A lap. 8.

0’3 Canada, Ministare de la D6fense nationale, Forces canadiennes : Renseignements prdliminaires,

MRR 975-98F.

2000]

R CORMIER – LA JUSTICE MILITAIRE CANADIENNE

test d’aptitude, 1’examen m6dical, etc.), les conditions d’admissibilit6, les documents
requis, la v6rification de fiabilit6, le conditionnement physique, l’attribution des uni-
formes, et meme diverses informations concernant le <>'”. Si la Couronne voulait sensi-
biliser les candidats au fait qu’ils <> renoncer h certaines garanties constitu-
tionnelles, ce n’est certes pas apparent dans ce feuillet d’informations pr6liminaires.

De plus, entre l’6tape pr6liminaire et le moment oil le candidat pr~te serment, il y
aurait plusieurs occasions oal la Couronne pourrait sensibiliser le candidat au fait que
celui-ci doive > certains droits constitutionnels. Par exemple, au cours de
l’entrevue, les centres de recrutement ont pour politique de faire signer aux candidats
une feuille (Politique des Forces canadiennes relative a la discrimination et au har-
clement) qui a pour objectif de sensibiliser les candidats ht la discrimination et au
harc~lement, et de s’assurer que le candidat, si accept6, respectera cette politique. Les
occasions ne manquent donc pas d’attirer l’attention des candidats sur les questions
d’int6r& particulier pour la Couronne.

Finalement, le serment d’all6geance exig6 d’un citoyen canadien n’indique en

rien que le futur militaire renonce h ses droits :

JE, LE (LA) CANDIDAT(E) JURE (1) DCLARE SOLENNELLEMENT (2)
que je semi fid~le h Sa Majest6 la mine Elizabeth Deux, Reine du Canada, et
Lui porterai sincere all6geance, ainsi qu’h Ses h6ritiers et successeurs en vertu
de la loi. Ainsi, Dieu me soit en aide (Rayer s’il s’agit d’une d6claration)”‘ (nos
italiques].

Le libell6 du serment d’all6geance pr6cise bien : <, qui com-
prend, bien s-tr, la Charte. I1 semble donc qu’il n’y a pas renonciation implicite ou ex-
plicite aux garanties constitutionnelles durant le processus d’enr6lement.

Si la Couronne d6sire que l’enr6lement entraine renonciation h certains droits
constitutionnels, id6alement, le lgislateur devrait se prononcer en ce sens en modi-
fiant la Charte. Cette solution aurait le mrite d’enchgsser certains aspects de la cul-
ture militaire dans notre Constitution. Mais t d6faut d’un changement h la Charte, au
minimum, la Couronne devrait demander de fagon explicite cette renonciation lors de
l’enr6lement. Cependant, cette demi~re solution demeure prdcaire, car l’effet juridi-
que d’une semblable renonciation demeure incertain, comme nous le verrons plus
loin.

En r6sum6, tenter de sauvegarder les prochs sommaires en soutenant que les mi-
litaires abandonnent certaines garanties constitutionnelles au moment de l’enr6lement
est au mieux une avenue hasardeuse.

‘0/bid
‘0 Canada, Ministhre de la Defense nationale, Forces canadiennes : Formule d’enrblement (ou de
transfert), CF 444 (7-91). A noter, cette formule a tr;s peu chang6 depuis soixante ans : 4, […] do
sincerely promise and swear (or solemnly declare) that I will be faithful and bear true allegiance to
His Majesty>>, serment d’all6geance en 1940, McArthur, supra note 100 h lap. 114.

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[Vol. 45

B. Renonciation ponctuelle :le droit d’option i une cour martiale
11 existe un autre moment oai il peut atre dit que le militaire renonce A son droit

un tribunal ind6pendant et impartial : lorsque ce dernier choisit de ne pas exercer son
droit d’option A la cour martiale et accepte de subir le procs sommaire'”. L’examen
de cette avenue doit se faire en deux 6tapes. La premiere consiste h 6valuer, dans les
faits, si renoncer 4 une cour martiale &tuivaut A renoncer aux droits pr6vus
l’article 11(d) de la Charte. La deuxi~me consiste examiner quels effets juridiques,
s’ils existent, sont provoqu~s par semblable renonciation.

1. Renoncer & Ctre jug6 par une cour martiale n’6quivaut pas
ndcessairement A une renonciation aux garanties constitutionnelles
La plupart du temps, lorsqu’un accusd renonce une r~gle de procedure’07 de la
Charte, il y a identit6 entre ce A quoi l’accus6 renonce et la garantie constitutionnelle
de la Charte. Ainsi, lorsqu’une personne renonce A l’assistance d’un interpr~te, il y a
identit6 entre la garantie constitutionnelle pr6vue A l’article 14 de la Charte et ce A
quoi elle renonce. De fagon semblable, lorsqu’un accus6 abandonne son droit d’etre
jug6 dans un d6lai raisonnable, il y a identit6 entre le droit d’8tre jug6 dans un d6lai
raisonnable pr6vu A l’article 11 (b) de la Charte et ce h quoi il renonce.

La situation est cependant 16g~rement diffrente en l’esp~ce. Le justiciable du
CDM qui exerce son droit d’option A la cour martiale en y renongant, dans les faits,
exprime sa pr6f6rence entre le proces sommaire et la cour martiale. On peut meme
dire qu’il renonce t 8tre jug6 par une cour martiale. Mais est-ce la meme chose que
dire qu’il renonce A < ? Nous ne le
croyons pas. Comment est-il possible de soutenir qu’en renongant A 8tre jug6 par une
cour martiale, le militaire renonce A etre jug6 par un tribunal ind~pendant et impartial,
lors rnme que la Cour supreme en 1992′” et la Cour d’appel des cours martiales en
1998″ ont d6cid6 que la cour martiale ne constituait pas un <4ribunal ind6pendant et impartial> au sens de la Charte ?

” Lorsqu’un militaire est accus6 en vertu du Code de discipline militaire, supra note 7, ce dernier
peut demander au commandant d’6trejug6 par une cour martiale au lieu de subir un proc s sommaire.
Le commandant a l’obligation lgale de fournir ce choix A l’accus6 dans les cas prescrits. Si l’accus6
n’exerce pas cette option, il doit subir le proc s sommaire : LDN, supra note 7, art. 163(1)(c) recon-
duit dans le P.L. C-25, supra note 11.

M 4[U]ne partie peut renoncer h une r~gle de proc&lure adopt~e h son profit>> : Korponay c. Canada
(PG.), [1982] 1 R.C.S. 41 t la p. 48, 132 D.L.R. (3′) 354 [ci-aprbs Korponay avec renvois aux
R.C.S.]. 11 est gdn6ralement reconnu que les r~gles de proc&lure sont celles prvues aux articles 8
14 de la Charte : voir A.-M. Boisvert, < dans Ddveloppements ricents en droit criminel, Cowansville (Qc.), Yvon Blais, 1989, 185 A
la p. 187.

,03Gdndreux, supra note 3.
“‘9 Lauzon, supra note 12.

2000]

R CORMIER – LA JUSTICE MILITAIRE CANADIENNE

237

Cette position n’est pas fatale 4 la validit6 de l’exercice du droit d’option h la cour
martiale. II s’agit plut6t d’une mise en garde. Bien qu’il soit ais6 et meme tentant
d’assimiler la renonciation L une cour martiale 4 une renonciation h la garantie cons-
titutionnelle pr6vue A l’article 11(d) de la Charte”, il est n6cessaire d’examiner les
circonstances entourant l’exercice de ce droit d’option puisqu’il n’y a pas identit6 en-
tre <,renoncer h 6tre jug6 par une cour martiale>> et . Examinons les circonstances entourant ce droit
d’option avant et apr~s 1997, soit avant et apr s le Rapport Dickson.

a. Le droit d’option i une cour martiale avant 1997

Lorsque des accusations en vertu du CDM sont portes contre un militaire, ce
dernier poss~de un droit d’option
la cour martiale, sauf dans quelques cas res-
treints”‘. Typiquement, l’accus6 prend sa d6cision apr s avoir eu la possibilit6 de dis-
cuter avec un officier nomm6 pour 1’aider A preparer sa d6fense. Cet officier n’est pas
un juriste : il s’agit la plupart du temps d’un officier subalteme de l’unit6. Id6ale-
mente2, cet officier expliquera h l’accus6 toutes les diff6rences entre un proc~s som-
maire et un proc s devant une cour martiale”3. Aussi, l’officier d6sign6 pour aider
1’accus6 doit l’informer de son droit h une consultation juridique sans frais avec un
avocat militaire.

“1 11 semble que c’est ce qui a 6t6 fait dans le Rapport Dickson, supra note 10 aux pp. 51-52:

Effectivement, la doctrine suggre qu’il est possible de renoncer des droits constitu-
tionnels. Pour garantir robtention d’une renonciation aux droits complete et valable,
nous pensons qu’elle devrait 8tre consign6e par 6crit, et ce, seulement aprs que le
membre des Forces canadiennes a eu l’occasion de consulter un(e) avocat(e) militaire 4
titre gracieux […].

Naturellement, si cette renonciation 6crite comprend un dnonc6 oii il est clair que l’accus6 renonce a
<>, la situation est diffdrente. La ncessit6
d’un tel dnonc6 est peut-8tre la suite logique de 1’expression <> em-
ploy6e dans le Rapport Dickson, ibid. h lap. 51.

” S’il s’agit d’un acte d’insubordination, de querelles et de d6sordres, d’absence sans permission,
d’ivresse ou de conduite pr6judiciable au bon ordre et A la discipline, et que l’officier qui pr6sidera le
proc s sommaire estime qu’un verdict de culpabilit6 ne justifierait pas une peine de d6tention, de r6-
trogradation ou une amende d6passant 25% de la solde mensuelle de base, alors l’officier prdsidant le
proc~s sommaire n’est pas tenu d’offrir option h la cour martiale : voir LDN, supra note 7, art.
163(1)(c), reconduit dans le P.L. C-25, supra note 11. Le choix des infractions pouvant faire l’objet
d’une instance sommaire est laiss6 A la discretion du gouvemeur-en-conseil.
1 C’est A dire, si l’officier en question a couvert tons les points mentionnms dans Le choix d’ treju-
3 Par exemple, l’accus6 n’a pas le droit h un avocat lors de l’instance sommaire, les pouvoirs de
punition sont nettement plus importants lors d’une cour martiale, l’accus6 n’a pas le droit de
s’opposer
l’officier pr6sidant un procis sommaire, le choix d’une cour martiale signifie gdn6rale-
ment qu’une enqute plus approfondie aura lieu et que les accusations pourraient 8tre modifi es, les
r~gles militaires de la preuve ne s’appliquent pas dans une instance sommaire, il n’y a pas de droit
d’appel dans une instance sommaire (iU est cependant possible de faire une <
aupr~s du palier suivant de la chalne de commandement), etc.

gdparprocbs sommaire, supra note 21.

238

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL

[Vol. 45

Les circonstances pr6c6demment d6crites sont id6ales ; elles refltent le cas ofii
l’officier subalterne aura accompli avec diligence et professionnalisme son devoir
d’assistance. Mais nous notons que, meme dans ce cas, nulle part y a-t-il mention ex-
plicite de renonciation A une garantie constitutionnelle>. Cette sensibilisation aura
peut-etre lieu si l’accus6 d6cide de consulter un avocat et si cet avocat mentionne
l’accus6 qu’en choisissant un procs sommaire i renonce par le fait m~me au droit
l’article 11(d) de la Charte. II s’agit 1I d’un ensemble de circonstances pour le
pr6vu
moins fortuites sur lequel on pourrait difficilement justifier qu’il y a renonciation con-
sciente A une garantie constitutionnele de la part du justiciable du CDM. Est-ce dire
pour autant qu’il n’y a pas renonciation ?

b. Le droit d’option i une cour martiale apris le Rapport

Dickson

Le Rapport Dickson, rapport du Groupe consultatif sp6cial sur ]a justice militaire et

sur les services d’enquete de la police militaire, contenait la recommandation suivante:

17. Nous recommandons que, chaque fois que l’on donne un accusd le choix
d’8tre jugd devant une cour martiale plut6t que par vole sommaire, l’accus6 se
[voie] accorder le droit de consulter un(e) avocat(e) afin de s’assurer que sa dd-
cision soit prise en toute connaissance de cause, et que ce choix soit consign6
par 6crit [nos italiques]”‘.

Le sens h donner h l’expression en toute connaissance de cause ddterminera
sans aucun doute l’utilit6 de la naise en oeuvre de cette recommandation. En l’esp~ce,
nous croyons n6cessaire, pour que la d6cision relative h l’exercice du droit d’option A
la cour martiale d’un accus6 militaire soit prise en toute connaissance de cause, qu’il
soit clair et 6vident pour l’accus6 que celui-ci renonce aux garanties constitutionnelies
de la Charte lorsqu’fl pr6fere etre jug6 dans une instance sommaire. Pour que ce
choix soit clair et 6vident, les garanties constitutionnelles auxquelIes l’accus6 renonce
devraient etre mentionn~es dans le formulaire de renonciation sign6 par le militaire.

2. Peut-on validement renoncer au droit A un ((tribunal ind6pendant

et impartial, pr6vu & I’article 11 (d) de la Charte ?

Nous avons examin6 pr~c&1emment les circonstances et les procedures entourant
l’exercice du droit d’option h la cour martiale. Deux questions essentielies demeu-
rent: meme si, dans les faits, il est pris pour acquis que l’accusd a renonc6 aux garan-
ties constitutionnelles prdvues A l’article 11(d) de la Charte, cette renonciation est-elle
valide”5 ? Quels sont les effets juridiques d’une telle renonciation ?

Rapport Dickson, supra note 10 a lap. 52.
11 est important de pr6ciser qu’il existe d’autres situations oji les justiciables peuvent renoncer h
certaines guaranties constitutionnelles; par exemple, dans plusieurs communaut~s autochtones il est
possible pour un accus6 de subir un oprocso au sein et par sa communaut6 au lieu d’un proc~s tradi-

2000]

R CORMIER – LA JUSTICE MILITAIRE CANADIENNE

a. Conditions de renonciation

Lorsque le Groupe consultatif special sur la justice militaire et sur les services
d’enquete de la police militaire a consid6r6 la question de l’impact de la Charte sur
l’instance sommaire dans les Forces canadiennes, il est arriv6 a la constatation que la
doctrine suggre qu’il est possible de renoncer a des droits constitutionnels>>'”. Quel-
les sont les conditions n6cessaires a 1’abandon des droits constitutionnels ?

Dans 1’6tat actuel de la jurisprudence, une r6ponse complete h cette question d6-

passerait le cadre de cet article :

Une veritable th~orie de la renonciation ne pourra s’6laborer tant que les tribu-
naux canadiens ne se seront pas d~finitivement prononc~s sur la nature et
l’6tendue de la protection offerte par les diff~rentes garanties constitutionnelles,
et n’auront pas d6termin6 avec precision les intir&ts que ces divers droits visent
promouvoir. Un tel contexte explique par ailleurs la reticence des tribunaux h
conclure qu’en renongant A ses droits, un citoyen ait pris une dcision libre et
6,Clair ,e[17.

Faute de thorie g6n6rale, i est quand meme possible de d6terminer quelles se-
raient les conditions de renonciation au droit d’8tre jug6 par un tribunal ind~pendant
et impartial pr6vu a l’article 11(d) de la Charte. Premi~rement, il faut noter que ce
type de droit fait partie de la cat6gorie des garanties qui s’attachent au processus judi-
ciaire lui-meme –
– par opposition aux garanties
de fond.

les articles 8 h 14 de la Charte”‘

La Cour supreme a d6jh eu 1’occasion de se prononcer sur la validit6 de la renon-

ciation A certaines protections constitutionnees en 1982 dans l’arret Korponay:

MI faut qu’il soit bien clair que la personne renonce au moyen de proc&Iure
congu your sa protection et qu’ele le fait en pleine connaissance des droits lue
cette proc&lure vise prot6ger et de l’effet de la renonciation sur ces droits au
cours de la proc&lure. […] Les devoirs du juge en mati~re de renonciation ne
sont pas diff&ents de ceux qui lui incombent dans le cas d’un aveu de culpabi-
lit. Les facteurs dont il tiendra compte pour dcider si l’accus6 [a] de fagon
claire et non quivoque pris une decision 6clair e de renoncer h ses droits varie-
ront en fonction de la r~gle de proc&lure en cause et de l’importance du droit
qu’elle vise A protger. Cependant, sont toujours pertinents la representation ou
la non-representation de l’accus6 par un avocat, l’exp~rience de l’avocat et, ce
quej’estime etre un facteur trts important dans un pays qui comporte autant de
diversit6 que le n6tre, la pratique particulire qui s’est 6tablie dans le ressort oi
les 6vdnements se droulent”9.

tionnel. Par contre, rexistence dans les faits de telles situations n’enl~ve rien au questionnement de la
validitdjuridique d’une semblable renonciation. La question demeure.
16 Rapport Dickson, supra note 10 A lap. 51.
“‘Boisvert, supra note 107 lap. 186.
“/bid Map. 187.
“9 Korponay, supra note 107 aux pp. 49-50.

240

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROITDE MCGILL

[Vol. 45

L’6nonc6 de principe qui pr6chde a 6t6 repris plusieurs fois'” afin de d6terminer
s’il y avait eu renonciation valide A certaines garanties proc6durales, telles que le droit
d’6tre jug6 dans un d6lai raisonnable’21 , le droit au procs avec jury'”, le droit A
l’assistance d’un avocat”, et le droit h l’assistance d’un interprte’.
II n’y a pas, A
notre connaissance, de jurisprudence traitant directement de la question de la renon-
ciation au droit d’etrejug6 par un tribunal ind6pendant et impartial.

Le droit constitutionnel h un tribunal ind6pendant et impartial, tout comme le
droit A 1’assistance d’un avocat, a pour fondement 1’6quit6 dans le cadre de proc6dures
criminelles”. La Cour supreme accepte qu’il soit possible de renoncer au droit A
l’assistance d’un avocat. I1 n’est pas acquis pour autant qu’il soit possible de renon-
cer an droit A un tribunal ind6pendant et impartial :

Mais 1’exercice de ce droit [choix par l’accus6 d’Etre jug6 par un juge et un ju-
ry] est assujetti celui du juge du procbs d’imposer le respect de la r~gle car
c’est 4t lui qu’il appartient en dernire analyse de d6terminer les garanties de
procdure qu’il faut ndarunoins respecter afin de protdger la stabilit6 et
l’int6grit6 du systisnejudiciaire27 .

Nous sommes donc en pr6sence d’un certain nombre d’arr~ts qui ont valid6 la re-
nonciation A certains droits constitutionnels par des accusts, mais il y a toutefois une
r6serve judiciaire : toute renonciation est sujette A l’approbation du tribunal, et cette
approbation a peu de chance d’etre donn6e si la <.stabilit6 et l'int6grit6 du systhme ju- diciaire > sont en jeu. Qu’en est-il de la garantie constitutionnelle pr6vue A
l’article 11 (d) de la Charte ?

,0 A. Morel, 4Les Garanties en mati~re de proc&lures et de peines>> dans G.-A. Beaudoin et E.
Mendes, dir., The Canadian Charter of Rights and Freedoms, 3′ d., Scarborough (Ont.), Carswell,
1996, 12-1

lap. 12-20.

… Ce droit est pr6vu a Part. 1 l(b) de la Charte ; voir par ex. P? c. Mills, [1986] 1 R.C.S. 863 aux pp.

927-29,29 D.L.R. (4′) 161 ; . c. Rahey, [1987] 1 R.C.S 588 A lap. 612,39 D.L.R. (4′) 481.

“‘ Ce droit est pr6vu A l’art. 11 (f) de la Charte ; voir par ex. R. c. Turpin, [1989] 1 R.C.S. 1296 aux
pp. 1309-11, 48 C.C.C. (3′) 8 ; R. c. Lee, [1989] 2 R.C.S. 1384 aux pp. 1399-400,52 C.C.C. (3’) 289.
” Ce droit est pr6vu A l’art. 10(b) de la Charte ; voir par ex. Clarkson c. La Reine, [1986] 1 R.C.S.

383 aux pp. 394-96, 26 D.L.R. (4) 493 [ci-aprbs Clarkson avec renvois aux R.C.S.].

‘” Ce droit est pr6vu A l’art. 14 de la Charte ; voir par ex. R. c. Tran, [1994] 2 R.C.S. 951 aux pp.

996-97, 117 D.L.R. (4) 7.

12′ Par analogie : Le but [du droit A 1’assistance d’un avocat] est plutt […] d’assurer que l’accus6
est trait6 &tuitablement dans les proc&lures criminelles. Bien que cette garantie constitutionnelle ne
puisse etre impos6e A un accus6 qui n’en veut pas, pour 8tre valide et produire des effets toute renon-
ciation volontaire doit se fonder sur une appreciation vdritable des cons&tuences de la renonciation h
ce droito, le juge Wilson dans Clarkson, supra note 123 h lap. 396.

” Ibid.
127 Korponay, supra note 107 A lap. 48.

2000]

2 CORMIER – LA JUSTICE MILITAIRE CANADIENNE

b. La nature particulire du droit i un ,,tribunal ind6pendant et

impartial, permet-elle renonciation ?

Parni les garanties constitutionnelles prdvues aux articles 8 A 14 de la Charte, les

plus fondamentales et importantes sont probablement celles que l’on retrouve
1 article 9 (le droit A la protection contre la ddtention ou l’emprisonnement arbitraires)
et h l’article 11(d) (le droit d’8tre prdsum6 innocent jusqu’au moment oi la culpabilitd
est 16galement prouvde durant un procs public, par un tribunal ind6pendant et impar-
tial). En ce qui concerne l’ind6pendance et l’impartialitd des tribunaux, la Cour su-
pr~me insistait sur l’importance de ces deux caract6ristiques de la fagon suivante:

Tant l’inddpendance que l’impartialit6 sont fondamentales non seulement pour
pouvoir rendre justice dans un cas donn6, mais aussi pour assurer la confiance
de rindividu comme du public dans radministration de la justice. Sans cette
confiance, le systbme ne peut commander le respect et ‘acceptation qui sont
essentiels A son fonctionnement efficace. R1 importe donc qu’un tribunal soit
pergu comme
le critbre de
l’ind6pendance comporte cette perception qui doit toutefois, comme je l’ai
proposa, 8tre celle d’un tribunal jouissant des conditions ou garanties objectives
essentielles d’ind6pendance judiciaire, et non pas one perception de la manire
dont il agira en fait, ind6pendamment de la question de savoir s’il jouit de ces
conditions ou garanties”.

inddpendant autant qu’impartial et que

Eu 6gard au caractbre particulier du droit pr6vu h ‘article 11(d) de la Charte, et
eu 6gard aussi an fait qu’il est possible de renoncer h d’autres garanties constitution-
nelles, est-il possible de conclure qu’un accusd puisse renoncer au droit d’etre jug6
par un tribunal inddpendant et impartial ? Nous ne le croyons pas pour les raisons sui-
vantes I29.

Bien que, pour certains droits constitutionnels, les tribunaux aient accept6 en droit
qu’il est possible pour un accusd de renoncer h ses garanties constitutionnelles, sous
r6serve de conditions tr s sp6cifiques, il n’en demeure pas moins que les tribunaux
n’ont jamais 6labor6 de principe voulant que tout droit constitutionnel puisse etre
abandonn6 A la discr6tion de l’accusd. Si la Cour supr~me, dans une affaire ant6rieure
h l’entr6e en vigueur de la Charte”, a d6jA d~cid6 >2, et ainsi non susceptible de renonciation.
Linsistance de la Cour supr~me’ sur l’importance du caract~re ind6pendant et im-
partial d’un tribunal est aussi un indice pointant vers une solution en ce sens.

Les motifs de l’accus6 le portant h renoncer i une garantie constitutionnelle sont
aussi pertinents. La personne qui renonce an droit h ‘assistance d’un avocat peut 8tre
motiv6e par un d6sir tr~s fort de se reprdsenter soi-meme, on pour d’autres raisons
d’ordre strictement personnelles. La personne qui renonce h son droit d’etre jug6 dans
un d6lai raisonnable peut etre motiv6e par le fait que le temps additionnel lui permet-
tra de pr6parer une meilleure d6fense. La personne qui renonce t son droit contre
toute fouille abusive peut 8tre motivee par un d6sir de collaboration imm&diate avec la
police afin de d~montrer qu’elle ne cache rien. Ces motivations sont toutes accepta-
bles et raisonnables. Mais, quelle serait la motivation d’une personne qui renonce A
etre jugde par un tribunal ind6pendant et impartial ?

En l’esp~ce, il est assez 6vident que la motivation preniere des accuses militaires
qui refusent d’exercer le droit h la cour martiale consiste A 6viter une peine potentiel-
lement beaucoup plus lourde. fI y a aussi le fait qu’un procs sommaire est vite com-
pl6t6, alors qu’un accus6 choisissant une cour martiale doit typiquement attendre
quelques mois. Ces motivations peuvent-elles justifier la renonciation an droit d’atre
jug6 par un tribunal ind6pendant et impartial ?

Cet argument devient plus 6vident si nous <r un pen les faits. Suppo-
sons que, dans le cadre de-la proc6dure entourant l’exercice du droit d’option h la cour
martiale, l’officier d6sign6 pour aider l’accus6 lui dise : <>, supra note 3 a lap. 283.

“‘Voir Valente, supra note 88

lap. 689, ainsi que supra note 128 et le texte correspondant.

2000]

0 CORMIER – LA JUSTICE MILITAIRE CANADIENNE

243

militaire de renoncer ‘a ce droit autre que l’61imination d’un pr6judice accru, nous
croyons qu’un tribunal accepterait difficilement qu’il puisse y avoir renonciation va-
lide aux garanties constitutionnelles pr6vues ‘ l’article 1l(d) de la Charte’.

L’6tape suivante consiste en 1’analyse selon 1’article 1 de la Charte.

C. Justification des proces par vole sommaire en vertu de I’article 1

de la Charte

La seule concession explicite faite par la Charte au droit militaire se retrouve ha
1′ article 1 1(f) 3. Assur6ment, il eut 6t6 possible d’ ajouter une deuxi~me exception afin
d’accomoder l’instance sommaire des Forces canadiennes dans le texte mme de
1’article 11(d), ou encore, le Parlement aurait pu se servir de 1’article 33 de la Charte,
en d6rogeant ‘ 1’article 11 par une d6claration expresse dans la LDN. Ces possibilit6s,
ind6pendamment de leur mdrite, ne font pas partie du droit actuel.

I1 revient donc aux tribunaux canadiens de d6cider si la valeur sous-jacente ‘a
l’existence de l’instance sommaire dans les Forces canadiennes, soit de prot6ger les
int6rts disciplinaires” des Forces canadiennes en accordant aux commandants un
pouvoir direct de juger sommairement les membres de leurs unit6s, est suffisamment
importante pour que l’on sauvegarde le proc~s sommaire en vertu de 1’ article 1 de la
Charte.

1. Le devoir de justification de I’Etat devant les tribunaux en vertu de

I’article 1 de la Charte

Le Rapport Dickson ouvre une fentre int&essante sur la d6marche probable des

tribunaux canadiens en 1’espce :

Dans l’hypoth~se o la dMtention comme mode de punition puisse se justifier
pour des raisons militaires et disciplinaires, nous sommes persuad6s qu’une
instance de rdvision prendrait ce facteur en consid6ration au moment d’dvaluer

‘>4 Contra Friedland, supra note 96 .la p. 99: f a decision by an accused not to elect trial by court
martial is a genuine waiver of trial by court martial, with full knowledge of the consequences, then
there is a good chance that the summary procedure would be upheld, in the same way that a waiver of
trial by a guilty plea is not a violation of the Charter>.

‘3’ Art. 11(f) de la Charte : <>.
136 Quant h savoir si la gamme des infractions vis&es par l’instance sommaire, voir supra note 33,
correspond vraiment h la , il s’agit
d’une question intressante mais qui rel~verait d’une toute autre discussion. En g6nral, les tribunaux
respectent l’6valuation des Forces armies .ce sujet : voir supra note 9. En pratique, puisque les ga-
ranties constitutionnelles de la Charte s’appliquent h l’instance sommaire en raison de la possibilit6
de l’imposition d’une peine de detention, l’auteur consid6re seulement dans cet article la justification
des proc s sommaires sous cet angle prcis sans consid6rer la connexit6 implicitement requise entre
les > et les infractions relevant de l’instance sommaire.

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROITDE MCGILL

[Vol. 45

la constitutionnalitd de la procdduro sommaire. A tout le mois, si un tribunal
jugeait que l’on a enfreint les droits garantis par la Charte, cette violation pour-
rait atre justifie en vertu de Particle 1 si l’on pr6sentait suffisamment de preu-
ves pour justifier le maintien de la dMtention en tant qu’instrument de discipline
militaire 13 7.

De cet extrait, nous notons toutefois que la justification sous l’article 1 de la
Charte devra reposer sur une preuve suffisante fournie par la Couronne ; cette preuve
devra 6tre suffisante pour justifier que la peine de dctention puisse 8tre inflig6e lors
d’un procs sommaire.

Nous proc6derons A l’analyse sous ‘article 1 de la Charte selon les 6tapes propo-

s6es par G.-A. Beaudoin dans son ouvrage La Constitution du Canada’ :

Pour rdpondre aux critares fondamentaux de
‘article 1 il faut : 10 ddmontrer
l’existence d’un objectif suffisamment important pour justifier la suppression
d’un droit ; 2′ que les pr6occupations du 16gislateur soient urgentes et rdelles ;
30 que les moyens employ6s pour atteindre cet objectif soient raisonnables : les
mesures doivent 6tre ni arbitraires, ni in&tuitables, ni irationnelles ; 4″ que les
moyens employds portent le moins possible atteinte aux droits et libert6s ;
50 enfin qu’il y ait une proportionnalit6 entre les effets des mesures employ6es
et l’objectif reconnu comme suffisamment important’ 9.

A ces 6tapes, la Cour supreme, en 1994, ajoute l616ment de proportionalit6 suivant:

Je reprendrais done la troisi~me partie du critre Oakes comme suit: il dolt y
avoir proportionnalit6 entre les effets prdjudiciables des mesures restreignant un
droit ou une libert6 et l’objectif, et il doit y avoir proportionnalit6 entre les ef-
fets pr6iudiciables des mesures et leurs effets bdn6fiques”.

2.

l’existence d’un objectif suffisamment important : permettre une
r6solution rapide et adequate des problbmes disciplinaires

L’objectif avou6 des mesures 16gislatives et rglementaires entourant l’instance
sommaire dans les Forces canadiennes est ode permettre une r6solution rapide des
prob1 mes de discipline>>’4 . Est-ce un objectif suffisamment important ? Le juge en
chef Dickson dans 1’arrt Oakes disait A ce sujet que <>, le juge
en chef Dickson dans Oakes aux pp. 138-39.

‘0 Dagenais c. Socidtd Radio-Canada, [1994] 3 RC.S. 835

lap. 889, 120 D.L.1

(4) 12 [ci-aprbs

Dagenais avec renvois aux R.C.S.].

“‘ Rapport Dickson, supra note 10 A la p. 12 de l’annexe E

2000]

R CORMIER – LA JUSTICE MILITAIRE CANADIENNE

245

meme d’une soci6t6 libre et d6mocratique ne b6n6ficient pas de la protection de
1’ article premier m .

La Cour supreme a d6jA eu roccasion de se pencher sur l’importance du maintien

de la discipline dans les Forces canadiennes dans l’arrat Ginireux:

[L]e maintien de l’ordre et de la discipline au sein du r6gime particulier que re-
pr~sentent les Forces arm6es canadiennes est un objectif important [Via nces-
sit6 de maintenir un niveau elev6 de discipline dans les conditions particuli~res
de la vie militaire est une pr6occupation sociale suffisamment importante pour
satisfaire au premier volet de proportionnalit6 6nonc6 dans l’arr&t Oakes”‘3.

Dans ce m~me arr&t, la Cour est unanime sur le point que l’objectif de maintenir
l’ordre et la discipline au sein des Forces arm6es a une importance suffisante pour
justifier la suppression d’un droit constitutionnel'”. AL ceci, nous ajoutons que non
seulement l’objectif de maintenir l’ordre et la discipline au sein des Forces armies est
important, mais l’objecif doit etre atteint rapidemene’4 . L’objectif est done suffisam-
ment important, mais est-ce que les pr6occupations sous-jacentes du 16gislateur sont
<> ?

3. Preoccupations du Igislateur: urgentes et r~elles

Avant l’entre en viguer de la prsente Loi sur la difense nationale en 1950, le
nombre de lois sources de droit militaire canadien devenait tr~s difficile g6rer'”. Du-
rant la Seconde Guerre mondiale, un effort de synthse 16gislative r6duisit ce pro-
blame dans une certaine mesure 7, mais ce ne fut qu’avee l’entr6e en vigueur de la
LDN que le droit militaire canadien devint ind6pendant et auto-suffisant par rapport
au droit militaire britannique :

1

42 Supra note 16 aux pp. 138-39.
43 Supra note 3 aux pp. 312-13.
1
“4 Ibid., juge en chef Lamer; voir 6galement l’opinion du juge Stevenson, ibid

la p. 315 ; voir fi-
nalement l’opinion du juge L’Heureux-Dub6, ibid b lap. 319, qui 6tait d’avis qu’il n’y avait pas eu
atteinte h un droit constitutionnel.

4 Watkin, supra note 86

1

la p. 67:

A delay in resolving this issue leaves open the question as to whether the individual has
successfully shown disrespect for authority. While waiting for a resolution it will be
open for the individual or another member of the armed forces to repeat the conduct
which is the subject of the disciplinary action. At the same time, the delay creates an
uncertainty for the person enforcing the code of service conduct as to whether that per-
son is right in reporting other similar breaches pending the outcome of the first inci-
dent. While civilian criminal trials have similar uncertainties created by delays in pro-
ceeding with cases the stakes are much higher within the military.

“‘McDonald, supra note 1 A lap. 20.
‘ Par exemple, avant 1’entre en vigueur du Naval Service of Canada Act, S.C. 1944, c. 23, i y
avait 11 diffdrentes sources de droit applicables aux forces navales canadiennes :voir McDonald, ibid.

246

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROITDE MCGLL

[Vol. 45

Where the Statute of Westminster can be viewed as a watershed in the
development of canadian political independance, the passage of the NDA [Na-
tional Defence Act] stands in the same perspective in relation to Canadian
military independance. From the time of the First World War, British control
over the actual administration of military discipline in the Canadian Forces had
been gradually eroded to the point where de facto control rested solely with
Canadian authorities by the end of the Second World War. The NDA strength-
ened the de facto control by adding purely Canadian legislative authority
thereby eliminating the final vestiges of British influence in the disciplinary
process

Nous croyons que la promulgation de la Loi sur la difense nationale r6pondait t
une pr6occupation importante et r6elle du 16gislateur, soit, de permettre au droit militaire
canadien de s’assumer en lui donnant une assise 16gislative unique et canadienne:

En rtsum6, on peut dire que la Loi sur la d6fense nationale a cr6 quatre chan-
gements importants dans notre droit militaire :

1. Les Forces armies du Canada sont maintenant r6gies par une loi cana-
dienne. L’accusation est r&lig~e dans des termes qui nous sont propres et lors
du procs, on applique la loi de la preuve du Canada.

2. La Loi sur la d6fense nationale est la seule source de droit militaire statu-
taire applicable aux Forces armies.

3. Un seul Code de Discipline r~git les membres de nos trois services […].

4. Enfin, on a confi6 un droit de rvision non seulement un tribunal civil
d’appel mais meme, dans certains cas, au plus haut tribunal du pays, la
Cour Supreme du Canada”‘9.

4. Lien rationnel entre les moyens employ6s et I’objectif A atteindre:
le procbs sommaire est une proc6dure permettant aux Forces
canadiennes d’administrer une justice rapide

Dans ce volet, nous devons examiner si l’objectif, permettre une rdsolution rapide
des problmes disciplinaires, est ad~quatement servi par rinstance sommaire. Nous
croyons que ce lien rationnel est 6vident:

[L~a ncessit6 de convoquer un tribunal impartial m~nerait des d6lais incom-
patibles avec le besoin de proc&ler avec c6l~rit6. En fait, la n~cessit6 de convo-
quer un tribunal impartial et d’y permettre la representation par un avocat retar-
derait vraisemblablement encore plus la d6ecision finale. Par cons&juent, une
telle limitation des droits garantis par ‘al. ld) et l’art. 7 de la Charte est li~e ra-

34 McDonald, ibid. A lap. 21.

.

-A. Crowe, Droit militaire canadien> (1958-59) RJ.T. 81 h la p. 88. Voir aussi les raisons
ayant motiv6 l’introduction de la LDN, supra note 7, selon les explications de l’honorable Brooke
Claxton (ministre de la Defense nationale) a la Chambre des communes le 18 avril 1950. Ces raisons
ont dt6 considdrdes dans WJ. Lawson, Canadian Military Law>> (1951) 29 Can. Bar Rev. 241 aux
pp. 247-48.

2000]

0 CORMIER – LA JUSTICE MILITAIRE CANADIENNE

247

tionnellement A
militaire’50 .

‘objectif du

traitement rapide des

infractions d’ordre

5. Mesures minimales :le procbs sommaire et la peine de dMtention

sont des outils n6cessaires

La justice militaire est uan cadre normatif qui se ddfirit entre deux extremes. k une
extr6mit6, on peut envisager une justice militaire ne relevant que de ‘exdcutif pour les
infractions mineures et majeures, en temps de paix comme en temps de guerre, et pou-
vant imposer toute peine, incluant la peine de mort’1.La justification morale de cette po-
sition consiste
admettre en tant que n6cessit6 un pouvoir disciplinaire absolu afin
d’obtenir une efficacit6 op6rationnelle maximale. I1 est tr~s peu probable qu’un tel cadre
normatif survive sous le volet de mesures minimales du test Oakes en droit canadien.

A l’autre extr6mit6, on peut imaginer une justice militaire relevant excusivement
de la branche judiciaire. La justification morale de cette autre position consiste 4 faire
primer les droits subjectifs d’un individu sur les besoins disciplinaires de la chaine de
commandement. Sans aucun doute, un tel cadre normatif respecterait les exigences de
la Charte ; mais comment la chaine de commandement pourrait-elle s’acquitter effi-
cacement de ses responsabilitds disciplinaires ?

Entre ces deux positions opposdes rdside une solution acceptable pour les Forces
canadiennes qui respecterait les exigences de la Charte. I1 faut cependant esp6rer que
la Cour supreme ne pose pas des exigences si ondreuses qu’il faille ddnaturer
l’instance sommaire pour les satisfaire :

[I]t is not advisable to go too far in making a summary proceeding into a regu-
lar trial. The Supreme Court is unlikely to demand it. It is better to provide pro-
cedures that are desirable from a military perspective and at the same time res-
pect the rights of soldiers than to devise procedures because of fear of how the
Supreme Court might rule. The Court demonstrated in Gindreux that it is pre-
pared to uphold a reasonable system of military justice’52.

Ce volet (>) m6rite une 6tude attentive et prudente, car c’est
sous cette condition que les cours martiales ont td d6clar6es inconstitutionnelles par

,s Rapport Dickson, supra note 10
‘SI Clode, supra note 100 b la p. 83:

la p. 12 de ‘annexe F du Rapport.

The summary power of the Marshal, and of his deputies, in matters within his Jurisdic-
tion was alleged to be absolute, even in life or death. His judicial proceedings were un-
fettered by forms, and his powers of punishment both plenary and summary. His sen-
tences were executed in the King’s name, and no appeal could be made against his de-
crees, save to the person of the Sovereign. The office of Constable having lapsed on the
attainder of the Duke of Buckingham in 1521, this Jurisdiction (as some doubt appears
to have been entertained whether the Marshal alone could exercise it) was permitted to
fall into desuetude until sought to be revived in 1639 : whereupon the Commons de-
clared the Marshal’s Court to be a grievance.

m Friedland, supra note 96 aux pp. 93-94.

248

MCGILL LAW JOURNAL/REVUEDE DROITDE MCGILL

[Vol. 45

la Cour supr~me dans l’arr&t Gifndreux. En l’esp~ce, ce qui pourrait atre fatal
l’instance sommaire est qu’une peine de dtention de trente jours peut 6tre inflig6e 53,
attirant ainsi de fagon certaine la protection de l’article 1 l(d) de la Charte5 .

Comment est-il possible pour un tribunal de d6cider si une instance sommaire est
conforme A ce volet du crit~re de proportionnalit6 ? Sans etre d6cisif en soi, il est ins-
tructif de r6viser bri~vement le droit 6tranger et les aspects historiques du proc~s
sommaire. Nous examinerons ensuite quelques consid6rations d’ordre psychologique
et disciplinaire qui seraient susceptibles d’6tre admises en preuve en vertu de
‘article 1 de la Charte.

a. Apergu du droit 6tranger

II semble y avoir eu un consensus historique quant au minimum de pouvoirs dis-
ciplinaires devant etre d6volus A la chaine de commandement, du moins quant an
principe qu’il doit y avoir un minimum. Par exemple, en Allemagne, omi les abus du
syst~me de justice militaire durant le Troisi~me Reich et la Seconde Guerre mondiale
ont conduit les autorit6s allemandes A restreindre s6v~rement les pouvoirs disciplinai-
res de l’arm6e envers ses membres’55 , il subsiste toujours un tribunal disciplinaire'” qui
est ,i pen pr~s l’quivalent du proc~s sommaire militaire canadien. La pire peine pou-
vant 6tre inflig6e lors d’un proc~s sommaire allemand est une peine de confinement
disciplinaire>> de sept jours devant un commandant d’unit6, et de quatorze jours de-
vant un commandant sup6rieur”‘.

En France, depuis 1982, il n’y a plus de cours martiales (tribunaux aux arnes>>)

en sol frangais :

“‘ P.L. C-25, supra note 11 modificant LDN, supra note 7, art. 163(3)(a). Accessoirement, la
gamme des infractions vis6es par l’instance sommaire pourrait aussi &re contestde, mais considrant
le respect des tribunaux A cet dgard (voir supra notes 9 et 136), l’auteur prdfere concentrer son analyse
sur la peine de dtention.

m Plusieurs autres arguments en vertu de l’art. 7 de la Charte pourraient 8tre avancs afin de rendre
inconstitutionnelle l’instance sommaire des Forces canadiennes ; ils ne seront pas considdrds dans ce
texte.

‘ La Bundesvehr ne possde maintenant que des tribunaux discipinaires. Ces tribunaux n’ont pas
juridiction pour les infractions pr6vues au Code criminel allemand (Strafgesetz) ni pour les infractions
pr6vues au Code criminel pour les Forces allemandes (Wehrstrafgesetz). Il subsiste cependant deux
niveaux de tribunaux disciplinaires : une instance sommaire (Disziplinargericht) et une cour martiale
(Truppendienstgericht). Dans le dernier cas, le juge qui prdside jouit de la meme ind6pendance judi-
caire que les autres juges allemands, bien que son salaire soit pay6 par le minist~re de la D6fense al-
lemand. I1 faut noter que les informations relatives A l’armde allemande ont dt6 obtenues de vive voix
par l’auteur aupr s du personnel de l’6tude du juge-avocat gdn6ral au Quartier-g6n6al de la D6fense
nationale, A Ottawa.

$ 6 Le Disziplinargericht de la Bundeswehr.
“‘ Ces informations ont dt6 obtenues de vive voix par l’auteur aupr s du personnel de l’6tude du

juge-avocat gdn6ral (voir supra note 155).

2000]

2 CORMIER – LA JUSTICE MILITAIRE CANADIENNE

249

En temps de paix, les tribunaux permanents des forces armies et le haut tribu-
nal permanent des forces armdes sont supprim6s. Les infractions de la comp6-
tence de ces tribunaux rel~vent des juridictions de droit commun selon les i&-
gles du Code de proc&ture pdnale et les dispositions de la prdsente loi.

En temps de guerre, les juridictions militaires sont maintenues dans les condi-
tions prdvues par la prrsente loi et par le Code de justice militaire.

Des juridictions militaires peuvent dgalement atre 6tablies dans les circonstan-
ces ddfinies par les articles 699 et 699-1 du Code de proc&ture pnale et en
temps de paix, lorsque les armres stationnent ou op~rent hors du territoire de la
Rdpublique. Elles sont rdgies par les dispositions de la pr~sente loi et du Code
de justice militaire&’

.

Pourtant, le droit frangais accorde h la chaine de commandement un pouvoir dis-

ciplinaire allantjusqu’a soixantejours de privation de libertd’.

En droit amdricain, il existe un dquivalent du proces sommaire canadien ; il s’agit
d’une instance sommaire sous l’article 15 du Uniform Code of Military Justice”. Sous
cet article, la chaine de commandement possde le pouvoir de juger sommairement un
accusd militaire”, sous rdserve du droit d’option h la cour martiale de la part de
l’accus’ 2. L’dchelle des punitions sous cet article inclut la ddtention correctionnelle
de trente jours’6 3.

En droit britannique, comme nous le verrons plus loin, le droit militaire s’est ddve-
loppd selon deux avenues pamllbles : le droit militaire applicable aux forces navales et le
droit militaire applicable aux forces terrestres et adriennes'”. En ce qui conceme l’arrn6e
et l’aviation, la peine maximale pouvant 8tre inflig~e lors d’une instance sommairet est
une peine de ddtention de vingt-huitjours'”. Cependant, depuis 1976, il est possible pour

,” Loino 82-621 du 21 juillet 1982, art. 1, cit6 dans le Code de procidure pdnale, Code de justice

militaire, Dalloz, Paris, 1996-97 A la p. 1338.

‘9 Code de justice militaire, ibid, art. 395 : <4es infractions aux r~glements relatifs t la discipline sont laissres L la rdpression de l'autoritd militaire et punies de peines disciplinaires qui, lorsqu'elles sont privatives de libert6, ne peuvent exc&ler soixante jours. L'dchelle des peines disciplinaires est fixde par d~creb>.

,60 Uniform Code of Military Justice (C.-U.), en ligne : United States Air Force JAG

(date d’accs: 15 novembre 1999) [ci-aprbs UCMJ].

‘6, TI est intdressant de noter que la legislation amdricaine en l’espce 6vite d’employer le terme
<> (trial) pour dcrire l’instance sommaire sons Part. 15 du UCMJ, ibid Uexpression consa-
crde est plut6t non-judicial punishment: Watkin, supra note 86 h lap. 213.

162 UCMJ, supra note 160, 815, art. 15(a) : <[E]xcept in the case of a member attached to or em- barked in a vessel, punishment may not be imposed upon any member of the armed forces under this article if the member has, before the imposition of such punishment, demanded trial by court-martial in lieu of such punishment>.

‘6
3]bid, 815, art 15(b)(2)(H)(ii) ; voir aussi Watkin, supra note 86 h lap. 216.
‘” Watkin, ibid A la p. 223.
‘6 Tout comme aux ttats-Unis, la Idgislation britannique 6vite d’utiliser le terme procbs>> pour d6-

crire l’instance sommaire : voir ibid

166 bid h la p. 227.

250

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROITDE MCGILL

[Vol. 45

un commandant de demander t son sup6rieur hidrarchique une extension du pouvoir de
punition I soixante jours avant le debut du procbs sommaire, si l’accus6 ne conteste pas
les faits reproch 6s”. La modification l6gislative de 1976 a 6t6 introduite pour r6duire le
nombre de cours martiales et permettre que les auteurs de certaines infractions aient une
peine ad6quate tout en 6vitant It ‘accus6 une mention I son dossier de condamnation par
une cour martiale. Quant aux forces navales, un commandant peut imposer une peine de
dMtention de trois mois lors d’un procs sommaire'”.

Cette br~ve revue du droit 6tranger concernant les peines maximales pouvant 6tre
inflig6es lors d’une instance sommaire militaire permet de constater que l’Allemagne,
la France, le Royaume-Uni et les ttats-Unis ont tos mis A la disposition de la chatne
de commandement des peines privatives de libert6, variant entre quatorze et quatre-
vingt-dix jours.

Passons maintenant A une br~ve revue des racines historiques du procts sommaire

militaire canadien.

b. Consid6rations historiques

ttant donn6 l’insuffisance de materiel publi6 concemant les proces sommaires, il

serait utile d’examiner de fagon pins d6taillde ‘6volution historique du procbs som-
maire. Cependant, le lecteur ne perdra pas le ftl de 1’argumentation s’il passe en revue
plus rapidement cette section.

Au cours de la Seconde Guerre mondiale, le procs sommaire au Canada 6tait
connu sous le nom de single court : The term “single court” is used to describe a
court consisting of a single officer of whatever rank, whether he be a commander, or.
an acting commander, or a “commanding officer”, or a higher officer exercising au-
thority under section 47 of The Army Act’>>.

Sous ce r6gime, le commandant pouvait seulement (comme c’est toujours le cas)
juger sommairement les militaires du rang jusqu’au grade de sergent inclusivement’7 .
Les ordonnances royales du temps sont r6v6latrices quant au but de l’instance
sommaire:

First, and less serious, offences under the above sections, and minor neglects or
omissions, not resulting from deliberate disregard of authority or not associated
with graver offences, should, as a rule, be dealt with summarily. A charge for
any other offence which the commanding officer desires to dispose of summa-

,67 Ibid.

Ibid. h lap. 231.

“9 B.M. Singer et R.J.S. Langford, Handbook of Canadian Military Law, Toronto, The Copp Clark
Company, 1941 At lap. 54. LaArnyAct, 1881, 44 & 45 Vict., c. 58 (R.-U.) est une loi britannique qui
ffit promulgude en 1881. Cette loi n’avait aucun effet en soi : pour 8tre effective, elle devait 8tre <>’ pouvant aller jusqu’A vingt-huit jours de
ddtention’74 . Si l’accus6 n’avait aucun droit d’option hia cour martiale, le commandant
pouvait infliger une c>.

“’73 Une punition sommaire>> 6tait une peine qui affectait la paie du soldat: ibid. h lap. 58.
17 Ibid.
’75 Une punition > 6tait une peine qui n’affectait pas la paie du soldat: ibid. lap. 59.
16 Ibid. h lap. 60.
“n La nouvelle LDN permettait de regrouper en une seule loi les lois suivantes : Royal Military Col-
lege Act, R.S.C. 1927, c. 131 ; Militia Act, R.S.C. 1927, c. 132 ; Militia Pension Act, R.S.C. 1927,
c. 133 ; Deparmnent of National Defence Act, R.S.C. 1927, c. 136 ; Royal Canadian Air Force Act,
S.C. 1940, c. 15 ; Naval Service of Canada Act, supra note 147 ; voir ttude du juge-avocat g~n~ral,
The National Defence Act: Explanatory Material, document interne, 1950 [ci-apr~s Notes explicati-
yes: LDN, 1950].

” H.G. Oliver, (1975) 23 Chitty’s LJ. 109 A lap. 112.

MCGILL LAW JOURNAL/REVUE DE DROITDE MCGILL

[Vol. 45

peacetime, it is desirable that differences between disciplinary provisions as
between peace and war be reduced to the absolute minimum in order to train
the regular forces for war-time conditions'”.

Le droit militaire britannique est une source importante de notre droit militaire'”.
Ce droit s’est d6velopp6 selon deux avenues parallles, l’une concernant les forces
navales, l’autre concemant les forces terrestres (et ariennes par la suite)’.

En ce qui concerne les forces navales, le droit coutumier r6gissait en grande partie
1’instance sommaire jusqu’en 18608′. Typiquement, les aniraux britanniques se r6-
servaient le pouvoir de juger les cas les plus graves'” et les autres cas pouvaient 6tre
jug6s sonimairement par le capitaine du vaisseau'”. Meme apr~s 1860, les pouvoirs
des capitaines de vaisseau 6taient consid6rables ; ceux-ci pouvaient en effet juger
sommairement tout membre du rang (mais pas les officiers) 6tant soup~onn6 d’avoir
conis une infraction, sauf si 1’infraction en question 6tait passible de mort”.

En ce qui conceme les forces terrestres britanniques, entre 1689 et 1879, les pou-
voirs disciplinaires de la chaine de commandement 6taient sp6cifi~s dans les Mutiny
Acts annuels et les Articles of War (publi6s lorsque requis)'”. En 1879 le Parlement
britannique consolida’
le droit militaire (suivant la consolidation du droit ,
environ quinze ann6es auparavant). La peine maximale de d6tention pouvant etre in-

tNotes explicatives : LDN, 1950, supra note 177 h lap. 136C.
‘ McDonald, supra note I la p. 2:

Because Canadian Forces military law relied initially upon the customs, traditions and
legislative developments concerning the British military forces, any meaningful discus-
sion of Canadian Forces military law requires a review of its British roots. In Britain,
military law developed along two distinct pathways : one relating to the naval forces
and the other relating to the land (or military) and air forces.

181 Ibid.
182 Ibid. aux pp. 7-8.
’81Voir par ex. les instructions du comte de Lindsay en 1635 (voir ibid. A lap. 5): <<[If any seaman [..,] shall raise faction, tumult, or conspiracy, or commit manslaughter, or murder, or shall quarrel, or fight, or draw blood, or weapon to that end, or commit theft, or other heinous capital offence, you shall cause precise information to be brought to me thereof, that I shall inflict condign punishment upon each offender . ' Voir toujours les instructions du comte de Lindsay en 1635 (ibid): If any under your command in that ship shall be a common swearer, blasphemer, railer, drunkard, pilferer, or sleep at this watch, or make a noise, and not betake himself to his place of rest after the watch is set, or shall not keep his cabin cleanly, or be disconten- ted with his proportion of victuals, or shall spoil or waste them, or any other necessary provisions for the ship, or shall commit any insolency or disorder, fitting by you to be corrected, you are to punish them according to the order and custom of the sea. IS bid. A ]a p. 9. ' Ibid. aux pp. 13-15. ', 7Army Discipline and Regulation Act, 1879, 42 & 43 Vict., c. 33 (R.-U.) ; remplac6 par Ia Army Act, 1881, supra note 169. Cette demi~re loi 6liminait les punitions corporelles en tant que mesures disciplinaires: voir McDonald, ibid A lap. 17. 2000] R CORMIER - LA JUSTICE MILITAIRE CANADIENNE 253 fligde par un commandant h un soldat variait selon le type d'infraction, celle encou- rant le maximum de vingt-et-un jours 6tant 1 absence sans permission". Le pouvoir de juger les militaires au Royaume-Uni 6tait si frdquemment laiss6 4t la discrdtion de l'exdcutif 9 qu'une controverse vit le jour : d'une part, les gdndraux exigeaient le pouvoir de maintenir directement la discipline dans l'armde et, d'autre part, le Parlement exigeait que le soldat demeure justiciable de la common law"3. Les gdndraux prirent position qu'ils ne seraient pas responsables des troubles qui pourraient s'ensuivre s'ils ne pouvaient pas garder leur pouvoir disciplinaire. En consdquence, le Parlement ne retira pas lajuridiction disciplinaire b la chaine de commandementg. Aux Ittats-Unis, une controverse similaire, relative aux cours martiales, eut lieu au ddbut du si~cle, cette fois au sein meme de l'armde amdricaine". D'une part, un juge- avocat gdndral par intdrim, le brigadier-gdnral Ansell, prit position que ‘. Le brigadier-
gdndral Ansell croyait que la Constitution des ttats-Unis, quoique permettant h
l’ex6cutif de nommer les juges, ne permettait pas h l’exdcutif (en l’esp~ce, l’arm6e)
d’gtre juge. Certaines suggestions faites par le brigadier-gdndral Ansell ont 6t6 rete-
nues, certaines ont m~me pris plus de trente ans avant d’6tre mises en application. Ce-
pendant, la chaine de commandement amdricaine retient toujours un pouvoir minimal
de juger sommairement un accus6 militaire”.

Le pouvoir de la chaine de commandement de punir directement existe depuis

fort longtemps :

[1]t was impossible for cowardice or disobedience to escape the severest pu-
nishment. The centurions [l’&luivalent approximatif d’un major] were authori-
zed to chastise with blows, the generals had a right to punish with death ; and it
was an inflexible maxim of Roman discipline, that a good soldier should dread
his officers far more than the enemy. From such laudable arts did the valour of

McDonald, ibid.

” Clode, supra note 100.
‘9 hi . h la p. 84.
191 Ibid.
‘2 Lindley, supra note 100.
93 Ibid. i la p. 36.
’94 Ibid. >, ibid. h lap. ix.

9
1

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL

[Vol. 45

the Imperial troops receive a degree of firmness and docility, unattainable by
the impetuous and irregular passions of barbarians'”.

Maintenant que nous avons compl6t6 cette tr~s br~ve incursion dans notre pass6,
examinons en quoi, du point de vue disciplinaire et psychologique, l’instance sommaire
repr6sente un outil n6cessaire an maintien de la discipline dans les Forces canadiennes.
Plus particuli~rement, examinons en quoi ]a peine de d6tention est n6cessaire.

c. Consid6rations disciplinaires etpsychologiques

Comme nous l’avons vu ci-dessus”‘, la protection de Particle 11(d) de la Charte
joue puisque l’accus6 militaire risque une peine de d6tention” h l’issue du proc~s
sommaire. Comment est-il possible de prouver qu’une peine de dMtention de trente
jours est n6cessaire et qu’elle repr6sente une mesure minimale afin que la chaine de
commandement puisse s’acquitter de ses responsabilit6s disciplinaires ?

La rdponse A cette question n’est pas 6vidente'”. D’une part, il est possible qu’un
tribunal donne un certain poids aux traditions militaires voulant que la chaine de
commandement dispose du pouvoir de juger sommairement un accus6 militaire.
D’autre part, il est possible qu’un tribunal soit plus exigeant, eu 6gard an fait que ces
traditions militaires ne se sont pas d6velopp6es sous des r6gimes de droits subjectifs
enchfss6s dans une Constitution. En l’esp~ce, il est possible qu’un tribunal requiert
une explication complate, franche et directe quant t la ndcessit6 de maintenir la peine
de d6tention. En somme, ]a Couronne doit r6pondre A la question suivante : pourquoi
est-il n6cessaire qu’un commandant puisse infliger une peine de d6tention ?

Rdpondre h cette question nous emm~ne sur un terrain relativement nouveau, car
il s’agit ni plus ni moins d’expliquer le comportement humain. Si on enlve la peine
de dMtention des pouvoirs de punition du commandant, la discipline dans les Forces
canadiennes serait-elle affect6e et, dans l’afflrmative, dans quelle mesure ? Nous
croyons que pour r6pondre ad6quatement A cette question, il faut explorer les dimen-
sions de l’humain qui sont le plus souvent tenues pour acquises. Nous pensons en
l’esp~ce au pouvoir dissuasif d’une peine de d6tention. Bien que d6velopper ce th~me
d6passe le cadre de ce texte, quelques points saillants mdritent considsration quoique,
pour leur rendre justice, une 6tude plus approfondie serait n6cessaire.

‘ E. Gibbon, The Decline and Fall of the Roman Empire>> dans MJ. Adler, dir., Great Books of

the Western World, vol. 37, 2 6d., Chicago, Encyclopzedia Britannica, 1990 A lap. 5.

‘ Voir la pati I.D de ce texte.
‘ Dans certains cas, i est possible que l’accus6 ne risque pas une peine de d6tention, i.e., lorsque
la cour martiale : voir

l’accus6, eu 6gard A l’infraction et t sa gravit6, n’a aucun droit d’option
ORFC, supra note 24, art. 108.17(1).

‘ 1 1 n’y a pas un consensus 6vident en la matire, e.g. le juge-avocat g6n~ral prc6dent, le briga-
dier-gn6ral PG. Boutet, a d6j exprim6 de s6rieux doutes quant
la n~cessit6 de la d~tention en tant
que peine pouvant 8tre inflig6e lors d’une instance sommaire : Rapport Dickson, supra note 10 aux
pp. 4 9-50.

2000]

R CORMIER – LA JUSTICE MILITAIRE CANADIENNE

255

Intuitivement, la plupart de nous avons remarqu6 que les membres de notre entou-
rage sont motivds par diffdrentes considdrations. Certaines personnes agissent surtout
en fonction de 1’effet dissuasif attach6 aux consdquences facheuses de certains actes :
un enfant ne vole pas dans un magasin car il a peur d’6tre attrap6, un adulte limite sa
vitesse sur l’autoroute car il craint la contravention. D’autres personnes agissent sur-
tout en fonction de r6compenses, comme par exemple recevoir l’approbation de son
entourage, ou une promotion. D’autres encore agissent en fonction d’une moralit6 so-
ci6tale ; la personne qui ne tente jamais de d6jouer l’imp6t car elle accepte que
l’intdrgt de la socid6t passe avant le sien entre dans cette cat6gorie. Finalement, i y a
aussi ceux qui agissent en fonction de principes de moralit6 universels qui transcen-
dent les normativitds 6tatiques ; le juge qui reconnait l’accusd coupable, mais suspend
son jugement dans le cas d’une femme monoparentale qui a voi6 pour nourrir son en-
fant, est un exemple patent.

Le propos qui prdc~de a 6t6 articul6 plus rigoureusement par Lawrence Kohlbergr.
Pour les fins de notre d6marche, il suffit de retenir de son analyse que, statistiquement,
diffdrentes personnes sont t diffdrents stades de d6veloppement moral.

Appliqu6 en 1’espce, le constat prdcddent dicte le r6sultat suivant : il y aura tou-
jours dans les Forces arm6es canadiennes un nombre appr6ciable de militaires qui, en
1’absence de punitions s6vres, seront port6s h ne pas respecter le Code de discipline
militaire. Ce constat est d’autant plus vrai dans le contexte d’un conflit armd oi
l’arm6e compte dans ses rangs des conscrits et fait face A de grandes tensions dans ses
rangs. Pour ces personnes, la s6vdrit6 de la peine a une incidence directe sur leur

The Philosophy of Moral Development, vol. 1, San Fraricisco, Harper & Row, 1981 aux pp. 147-
68. Le professeur Kohlberg 61abore une th6orie du d6veloppement moral au sein de laquelle on re-
trouve une classification en six > de d6veloppement moral.

Le stade 1 (>) ddfinit un ordre moral r6gi par la loi du plus fort.
Le stade 2 envisage une moralit6 fonde sur la r6ciprocit6, par exemple : n’interfdrez pas avec moi,
je n’interffrerai pas avec vous. Les personnes h ce stade justifient typiquement le bris de normes so-
ciales (quelqu’un qui vole de la drogue pour un copain) par des justifications de r6ciprocit6 (j’ai vo16
la drogue pour mon copain parce que j’aurai peut-Atre besoin qu’il le fasse pour moi plus tard).

Le stade 3 est atteint lorsqu’une personne agit en fonction d’un int6rt sup6rieur dans ses relations
inter-personnelles, par exemple, si on demande A une personne ce qu’il faut faire lorsqu’on est frappd,
une personne au stade 2 r6pondra qu’il faut frapper en retoum (r6ciprocit6), alors qu’une personne
au stade 3 essaiera tout d’abord d’imaginer ce qu’elle d6sirerait si les r6les 6taient inverses (fais aux
autres ce que tu aimerais qu’on te fasse).

Au stade 4 (>), la personne prend ses d6cisions et agit en fonction
d’une normativit6 de communaut6, ainsi, au lieu d’agir strictement en fonction de r~les inverses (stade
3), elle agit en fonction de ce qui est mieux pour la socidt6.

Le stade 5 (<>) est atteint <[w]hen attention shifts from the defense of law and order to the legislation necessary to maximize the welfare of individuals [...]. The Stage 5 notion of democracy is one of procedural mechanisms ensuring representation of individuals or pluralistic minorities and maling law or society attractive to all of its members> (Kohlberg, t lap. 154).

Finalement, le stade 6 repr6sente une moralit6 transcendant tout cadre normatif positif et se fondant

sur une 6thique universelle.

256

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROITDE MCGILL

[Vol. 45

comportement. Une chalne de commandement priv6e du pouvoir d’infliger une peine
de dMtention n’inspirerait pas, A ces militaires, le meme effet que la chaine de com-
mandement actuelle 0 :

The removal of the power of trial and punishment from the very person who
must ensure that discipline is maintained will severely weaken the comman-
der’s ability to persuade subordinates to comply with orders. The threat of pu-
nitive sanctions remains part, albeit the least desirable part, of the persuasion
process, The removal of summary powers from the officer personally responsi-
ble for the conduct of military operations would also create the situation where
the military commander could order the subordinate to perform an act which
might cause the subordinate’s death, but could not punish the subordinate for a
breach of discipline. The responsibility of military commanders is an all en-
compassing one which includes powers over life and death. By necessity that
responsibility must also include the power to fully instill discipline in the per-
sonnel who must carry out the orders.

Ce bref tour d’horizon de diverses consid6rations disciplinaires et psychologiques
n’a pas la profondeur n6cessaire pour constituer une preuve. L’objectif 6tait simple-
ment d’indiquer une piste en la mati~re.

d. Sommaire

A partir du moment oi il est accept6 qu’il est n6cessaire de donner

la chaine de
commandement le pouvoir de juger sommairement un accus6 militaire, i s’agit de
d6terminer si la peine de dMtention doit faire partie des pouvoirs de punition des
commandants.

Or, nous avons vu que la France et ‘Allemagne, bien que ces pays n’aient plus
d’dquivalent militaire aux cours martiales canadiennes, ont quand meme accord6 h la
chatine de commandement le pouvoir de juger sommairement un accus6, assorti de la
peine de dMention, si n6cessaire : la France, soixante jours, l’Allemagne, sept t qua-
torze jours. Les ttats-Unis et le Royaume-Uni ont aussi une instance sommaire mili-
taire dans le cadre de laquelle une peine de d6tention peut 6tre inflig6e, la peine
maximale variant de vingt-huit, soixante et quatre-vingt-dix jours selon le cas.

Ensuite, nous avons vu que du point de vue disciplinaire, bien que la peur d’une
peine ne soit pas le facteur dominant qui motive le soldat Ai agir on qui empeche le

2″‘ La peur des sanctions n’est pas le facteur dominant qui motive une personne A combattre, bien
stir. Ultimement, il est g6n6ralement admis que ce qui motive le soldat A combattre, m~me au cofit de
sa vie, est le sentiment d’identification et d’appartenance aux Forces armdes : A. Kellett, Combat Mo-
tivation : The Behavior of Soldiers in Battle, The Hague, Kiuwer Nijhoff Publishing, 1982 bL la
p. 334 ; voir aussi W.D. Henderson, 4Military Law and Combat Effective Military Units>> dans Cana-
da, Ministre de la D6fense nationale, Summary Trial Working Group Report, vol. 2, document in-
terne (mars 1993) t la p. 6 de la partie C : <(The only reliable force on the battlefield potent enough to make a soldier advance under fire is his loyalty to a small group and the group's expectation that he will advance>.

2′ Watkin, supra note 86 A lap. 76.

2000]

R CORMIER – LA JUSTICE MILITAIRE CANADIENNE

257

soldat d’enfreindre le CDM, il demeure qu’un nombre appr6ciable de militaires de-
meureront toujours influences par l’6tendue du pouvoir r6pressif de la chaine de
commandement. En ce sens, enlever la peine de d6tention aux commandants exergant
leur juridiction sous 1’instance sommaire aurait probablement des effets n6gatifs.

Nous croyons qu’en pr6sence de justifications de nature disciplinaire et psychologi-
que qu’il soit prudent et avis6 de conclure qu’un procls sommaire, meme si la peine de
dMtention pent etre inflig6e, satisfait an volet des mesures minimales de r’arrt& Oakes.

6. Proportionnalit6 : entre l’objectif et les effets pr6judiciables

Ce volet du test Oakes exige qu’il y ait proportionnalit6 entre

‘objectif reconnu im-
portant, soit, de permettre une r6solution rapide des probl6mes disciplinaires, et les effets
des mesures restreignant le droit d’ tre jug6 par un tribunal ind6pendant et impartial.

Nous croyons que ce volet est satisfait de fagon 6vidente. Plusieurs sources indi-
quent que le maintien de la discipline (I’objectif) est en grande partie redevable, lors-
que les mesures disciplinaires sont requises, h l’utilisation de proc s sommaires an
lieu des cours martiales .

7. Proportionnalit

: entre les effets pr~judiciables et les effets

b~ndfiques

L’arr~t Dagenais’, appliqu6 en l’esp~ce, exige que

la chaine de
commandement du pouvoir de juger directement les militaires sous sa charge puisse
se justifier eu 6gard aux effets b6n6fiques de la violation de l’article 11(d) de la
Charte. Nous croyons que ce volet est aussi satisfait de fagon 6vidente. Une attention
accrue aux droits constitutionnels de l’accus6 se traduit invariablement par un proces-
sus plus complexe, et cette complexit6 engendrerait d6lais et incertitudes dans un
contexte militaire.

‘allocation

I y a un 6quilibre n6cessaire t trouver entre, d’une part, les protections completes
accord6es b un criminel relevant d’une cour criminelle ordinaire et, d’autre part, une
justice militaire trop exp~litive. Cet 6quilibre, an moins conceptuellement, existe ; et
une fois atteint, ses effets b6n6fiques justifient ses effets pr6judiciables. Rien ne per-
met de croire que le procs sommaire actuel ne refl~te pas cet 6quilibre.

Conclusion

Le jour viendra, t6t on tard, oit le procs sommaire des Forces armies canadiennes
sera contest6 devant nos tribunaux. Si ce jour n’est pas encore venu, c’est sans doute dfl

M Quelque 98 p. 100 des 4 000 A 5 000 instances impliquant annuellement des membres des For-
ces canadiennes sont juges sommairement’ : Rapport Dickson, supra note 10 4 lap. 44 ; voir aussi
Friedland, supra note 96 4 lap. 94; voir 6galement Heard, supra note 13 A lap. 525.

2 Supra note 140.

258

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROITDE MCGILL

[Vol. 45

un ensemble de facteurs, notamment la difficult d’initier un recours en justice?. Mais

lorsque cejour viendra, queUe sera la d6marche adopt6e par les tribunaux ?

Dans ce texte, nous avons sugg&r6 une analyse en deux temps. La premiere 6tape
consistait A d6terminer si 1’instance sommaire et, plus particulirement, la peine de
dMtention associ6e au proc~s sommaire, enfreignaient la Charte. En ce qui conceme
l’article 1 l(d), nous en sommes venus A la conclusion qu’il est inutile de comprimer
artificiellement le sens de 1’expression pour accomoder le proc~s sommaire. La nature m~me de l’instance
sommaire dans les Forces canadiennes refl~te la mise en oeuvre k6gislative d’une toute
autre valeur : celle de permettre A la chalne de commandement de juger directement
les accus6s militaires sous sa juridiction. Ainsi, 1’instance sommaire ne pr6tend pas
satisfaire aux critres d’impartialit6 et d’ind6pendance de 1’arr& Valente. Mais il ne
s’agit pas l4 d’une faiblesse, bien au contraire. Cependant, eu 6gard 1’6tat du droit
actuel, il faut conclure qu’il y a d6rogation 1’article 11(d) de la Charte. C’est la pos-
sibilit6 de l’imposition d’une peine de d6tention qui dicte ce r6sultat.

La deuxi~me 6tape consistait examiner s’il 6tait possible de sauvegarder le pro-
c~s sommaire et la peine de dMtention, et ce, selon trois avenues. La premi~re consis-
tait A d6terminer s’il y a abandon permanent de garanties constitutionnelles lorsqu’un
civil devient militaire ; nous avons constat6 que ce n’est probablement pas le cas .

Ensuite, nous avons examin6 si le droit d’option h la cour martiale ne pourrait pas
6tre interpr6t6 comme une proc6dure de renonciation ponctuelle au droit d’8tre jug6
par un tribunal ind6pendant et impartial. En l’esp~ce, nous avons remarqu6 que m~me
si la proc6dure permettait de conclure qu’il y avait renonciation dans les faits, il est
peu probable qu’un tribunal, eu 6gard A la nature particulire et fondamentale des ga-
ranties constitutionnelles pr6vues A 1’article 11(d) de la Charte, conclue qu’il soit pos-
sible de renoncer At ces droits.

S’il n’est pas possible de renoncer au droit d’6tre jug6 par un tribunal ind6pendant
et impartial, quelles sont les consequences pour les Forces canadiennes ? Imaginons
un accus6 militaire qui, dans lesfaits, renonce A exercer son droit d’option I la cour
martiale, subit le proc~s sommaire et 6cope de trente jours de d6tention. Surpris, d6u
et m~me furieux, il d6cide de faire une demande de r6vision (une fois que les recours
administratifs sont 6puis6s, i.e. la demande de r6vision auprbs de la chalne de com-
mandement) en Cour f6d6rale. I1 invoque que son droit d’6tre jug6 par un tribunal in-
d6pendant et impartial, garanti par l’article 11(d) de la Charte, n’a pas 6t6 respect6. I1
plaide que sa renonciation n’a pu produire d’effets juridiques puisqu’il est impossible
de renoncer As ce type de droit. Comment faire pour 6viter une telle situation ?

.. Concrttemnent, il est peu probable qu’une personne qui a accept6 de subir un procbs sommaire et
qui a W condamne d6ecide soudainement de r6clamer la protection de Fart. 11(d) de la Charte. Si
c’dtait le cas, cette personne devrait faire une demande de r6vision,
‘acheminer jusqu’au demier pa-
Her de r6vision, et faute d’obtenir satisfaction, devrait faire une demande de r6vision judiciaire en
premiere instance de la Cour f&t6rale.

Sauf, naturellement, en ce qui conceme 1’exception explicite faite A I’art. 1 I(f) de la Charte.

2000]

2 CORMIER – LA JUSTICE MILITAIRE CANADIENNE

Nous suggdrons, pour 6viter une telle situation, que les autorit6s de r6vision au
sein des Forces canadiennes aient le pouvoir d’ordonner une cour martiale de novo’
ou de r6f6rer le dossier A quelqu’un qui a ce pouvoir, comme le directeur des pousui-
tes militaires, lorsque le moyen invoqu6 par le militaire est la garantie constitution-
nelle pr6vue h 1’article 11(d) de la Charte. Ou, alternativement, il est suggdr6 qu’il
s’agirait du dispositif appropri6 en Cour f~ddrale.

L’dtape finale de notre 6tude consistait h examiner s’il 6tait possible de justifier

l’instance sommaire sous l’article 1 de la Charte.

Nous croyons que le procbe sommaire dans les Forces canadiennes peut etre sau-
vegard6 en vertu de l’article premier de la Charte. Un r6sultat contraire, en plus
d’aller h contre-courant des ttats-Unis, de l’Allemagne, de la France et du Royaume-
Uni enl~verait A la chaine de commandement, k toutes fins pratiques, le pouvoir de ju-
ger directement un accus6. M~me si l’on ne fait que supprimer la peine de d6tention
en laissant le reste de l’instance sommaire intact, nous croyons que cette museli~re sur
le corps des officiers des Forces canadiennes pourrait avoir un r6sultat fAcheux. 11 est
irrdaliste de demander h un corps d’officiers de s’acquitter ad6quatement de ses res-
ponsabilit6s si ce meme corps d’officiers ne poss~de pas des pouvoirs disciplinaires
suffisants.

Pourquoi faudrait-il faire une exception pour les Forces arm6es canadiennes dans
notre soci6t6, en accordant la peine de dMtention dans le contexte d’une instance disci-
plinaire ? Consid6rant les responsabilit6s tout
fait uniques du corps des officiers,
nous croyons que la r6ponse s’impose d’elle-meme :

The direction, operation, and control of a human organization whose primary
function is the application of violence is the peculiar skill of the officer. […]
The skill of the officer is the management of violence ; his responsibility is the
military security of his client, society. The discharge of the responsibility requi-
res mastery of the skill ; mastery of the skill entails acceptance of the responsi-
bility. Both responsibility and skill distinguish the officer from other social ty-
pes. All members of society have an interest in its security ; the state has a di-
rect concern for the achievement of this along with other social values ; but the
officer corps alone is responsible for military security to the exclusion of all
other ends’.

Incidemment, cette recommandation a d6jh t6 faite : voir Watkin, supra note 86 4 lap. 289.
S.P. Huntington, < dans M.M. Wakin, dir., War, Morality, and the

Military Profession, 2! 6l., Boulder (Colo.), Westview Press, 1986 aux pp. 27,30.

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROITDE MCGILL

[Vol. 45

Annexe

Pour fins de comparaison,

le texte de la Loi sur la d6fense nationale en vigueur
avant le I’ septembre 1999 non reconduit selon P.L. C-252″ est ray6 dans le texte ci-
dessous, et le texte nouveau est en italiques :

163. (1) Le Un commandant a Ic peveiz diser lo,-,ai-e d peutjuger sommai-
rement n l’accus, paurm si que les conditions suivantes scicnt obscrv6es
sont rdunies :

a)

b)

c)

d)

e)

i s’agit d’un 61ve-officier ou d’un militaire du rang d’un grade inf-
rieur A celui d’adjudant;

le ……
eu dgard A la gravit6 de l’infraction ;

il estime que ses pouvoirs de punition sont suffisants,

l’accus6 n’a pas choisi, ax tcrrs de
neuren -oeene
oi) ce choix estpr6vu ;

par le goe,,.r
d’8tre jug6 en devant une cour martiale, dans les cas

……..

.n.ts

pf

.

l’infraction ne fait pas partie de celles que les rfglements du gouver-
neur en conseil excluent de sa competence ;

le commandant n’a aucun motif raisonnable de croire que 1’accus6 est
inapte h subir son procs ou 6tait atteint de troubles mentaux an mo-
ment de la perpetration de l’infraction reproch~e.

Restriction

(1-{) (2) Le commandant ne peut, dans les cas suivants,
seflztaire d’n juger sommairement l’accus A moins que, dans les circonstan-
ces, aucun autre commandant ne soit en mesure de le faire:

le …

-……

a)

b)

il a men6 ou supervis6 directement l’enqute relative A l’accusation;

..

..

.

..r

le ……
mad.t a &
mandat relativement a l’infraction en cause;

r…t sur u
_6 il a ddlivrd en application de l’article 273.3 un

..
rd de laqud…

ifra ti

.n A

_ ..

c)

il a portd –

directement ou indirectement –

les accusations.

Sentences

(-2 (3) Sous reserve des conditions dnonces aupr.sentaiele a la section 2 en
matiare de peines et a !a patti V en ma.
de p-incs, le commandant prsi-
dant un procs sommaire peut prononcer une sentence comportant une on plu-
sieurs des peines suivantes, dnum6r6es dans l’ordre d~croissant de gravitd:

.

9 La comparaison porte seulement sur le proc s sommaire devant commandant : LDN, supra note

7, art. 163. Les modifications apportdes aux proc a sommaires devant des commandants sup~rieurs
sont similaires : voir ibid. art. 164.

“0 Supra note 11.

2000]

P CORMIER – LA JUSTICE MILITAIRE CANADIENNE

261

a) detention pour une p~riode maximale de quatre-v–

trente jours, seus

S

des dis…osi….ti

..o….. .

.it..a

(i) !a prtioan exedeat
‘appfbation d’me

d

autorit.

te;te ja

.psun

ne jput 8tr
eit e e ds !a ;estia

e

i

b) rtrogradation d’un grade, us

ens e et da a mesure

.er lementauis ap

p ,

dbatio u ene
auteri

e) dertento de
d)c) blame;

F uineproemxiaed utoz or

u

e) d) rprimande;

) e) amende n’excant pas un mois de solde debase;

g) f) peines mineures.

03) Au paaaphe (-2), !a ninia xattF een~et>

fflier d~eata .. e..

a) seit~ ti
b~ sait….ffie ed t,. 0 iitaut.
ee titre par l miisftzpour Pliatio du Pfsn aztiele.

le gmde de btigadier g~~a
1 ~dede

l

efdam4e 5 flaa

Delgation

(4) Le commandant peut, sous reserve des r~glements pi4s par 1 du gouverneur
en conseil et dans la mesure oi il le juge propos, d6l6guer :A un des officiers
sous ses ordres les pouvoirs que lIti af~r le jx.~sart artiala de juger sominai-
rement un accusd, ce pouvoir ne permettant de prononcer que les mais-en4es
Bman -aw peines suivantes :

a) detention pour une p~riode maximale de quatorze jours;

b) blaime;

r~primande;

c)
d) amende n’exc~lant pas quinze jours de solde de base;
e) peines mineures.

(-5) Le.s t~5rnignages sent feetteli sm, o,.rmtI
pfees sommaire Fordem i i
tenti de F’nfaer, de,, so

Faeelus
aro cA t effct.

lecmandanit pf~sidant I
le demnde le.. eomm~landiint 6tmit

ar ~ewen dLiti eawamuau en
(6) ‘iraposition de eeit~mes pens
eaai, est subazdarna~ A 1′ btantion faglarntaiead’uneaautorisaiaa
pfalable.

q)6efiaa

262

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROITDE MCGILL

[Vol. 45

163.1. (1) S’il ddcide qu’il y a lieu de donner suite a l”accusation mais qu’il ne
procade pas au procs par voie sommaire, le commandant, conformiment aux
rglements du gouvemeur en conseil:

a) soit ddftre l’accusation a un autre offcier ayant le pouvoir de juger

sommairement laccusd;

b)

soit la transmet a l’offcier habilitd par r~glement du gouverneur en
conseil a saisir en l’espace Le directeur des poursuites militaires.

(2) La ddcision de ne pas donner suite a l’accusation n’empeche pas l’exercice
ultirieur d’une poursuite a son igardL

(3) Dans le cas ott le commandant ddcide de ne pas donner suite a
l’accusation, la personne qui a portd l’accusation peut, dans les cas privus par
raglement du gouverneur en conseil, la transmettre a l’offcier vis6 a l’alinda
(1)b).