Article Volume 29:2

Vers une approche renouvelée de l'Indivision

Table of Contents

McGILL LAW JOURNAL

REVUE DE DROIT DE McGILL

Montreal

Volume 29

1984

No 2

Vers une approche renouvelke de l’indivision

Marie Deschamps*

Uindivision ou ]a copropri~t6 indivise est un
sujet mfconnu. C’est pourtant une forme de
propri6t1 qu’on retrouve plus fr~quemment
qu’auparavant. La nouvelle lgislation res-
treignant Ia coproprit6 par d~claration a en-
tran 6 un d6veloppement acc8lr6 de ce mode
de detention de la proprit& Jusqu’A present,
peu de textes 1gislatifs et peu de commen-
taires en ont trait6. La pr6sente 6tude propose
d’abord une analyse du droit de propri~t6 in-
divis, et porte ensuite sur les limites imposfes
aux droits des indivisaires eux-memes et aux
tiers, limites dfcoulant de la nature particu-
lire du droit de propri~t6 indivis. Cette 6tude
comporte aussi une description et une eva-
luation de certaines clauses qui devraient 6tre
incluses dans une convention d’indivision.
L’6tude conclut que Ia coproprit6 est non
seulement possible, mais souhaitable dans notre
socidt6 modeme.

Indivision or undivided co-ownership is a
neglected subject. It is, however, one modal-
ity of ownership which is becoming more and
more common. Recent restrictions on co-
ownership by declaration have encouraged
this form of holding property. To date, there
have been few legislative texts or commen-
taries which have dealt with the juridical or-
ganization of undivided co-ownership. This
article begins with an analysis of the right
itself, and then focusses on the limits im-
posed on the rights of co-owners and on the
rights of third parties which derive from the
specific nature of undivided co-ownership. It
also contains an elaboration and evaluation
of various clauses which should be included
in an agreement of undivided co-ownership.
This study concludes that, in certain circum-
stances, agreements establishing undivided
co-ownership are not only possible but de-
sirable as a means of holding property in
modem society.

*LL.M. Universit6 McGill, avocate chez Byers Casgrain, Montreal. Cet article est une version
abr~gfe d’une these de maitrise rfdig~e sous la direction du Professeur R.A. Macdonald, A qui
l’auteur offre ses remerciements pour son aide soutenue.

, n—

A- A-

A.

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Synopsis

Introduction

1. Nature de rindivision

A. Droit de l’indivisaire, droit riel
B. Droit de i’indivisaire, droit de proprijtg, dimembrement

II. Les droits de I’indivisaire

A. Droits dicoulant du droit de proprigt

1. Droit de l’indivisaire de jouir de la chose (usus)
2. Droit de l’indivisaire de b~n~ficier des fruits (fructus)
3. Droit d’accession de l’indivisaire (vis attractiva)
4. Droits de l’indivisaire de vendre et d’hypoth~quer sa quote-

part (abusus)

B. Droits dkcoulant de l’indivision

1. Administration des biens indivis
2. Droit d’ester en justice: pouvoir de faire reconnaitre son droit

de propri6t6

3. Droit de r6glementer la fin de rindivision et d’y intervenir

a. Droit de r~glementer la fin de l’indivision
b. Droit d’intervenir dans la fin de l’indivision

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L’INDIVISION

217

MI. Droits des tiers

A. Droits des tiers pendant l’indivision

1. Droits des tiers sur la chose ou sur le bien indivis
2. Droits des tiers contre un indivisaire

a. L’action en partage n’est pas une condition pralable
b. Effets des conventions d’indivision
c. Les tiers ne peuvent, sauf exception, demander le partage
d. Limite des droits des tiers sur la chose en cas de vente en

justice

B. Droits des tiers *4 la fin de l’indivision
1. Actes qui ont pour objet le partage
2. Adjudication A un tiers
3. Adjudication

i un coindivisaire

IV. Convention d’indivision: clauses sugg6res

Conclusion

Introduction

On aborde toujours le theme de ‘indivision conventionnelle avec une
ide pr~conque. Peu de r~gles sont pr6vues par le Code civil, et lorsque de
telles r~gles sont pr~vues, elles visent A indiquer les limites de cet 6tat de
fait et de droit. Les r~gles impos6es I sont souvent interpr6t~es comme une
marque de la d6faveur des codificateurs de 1866 pour cet 6tat. Ces r~gles
sont consid6r~es comme des entraves i la libre circulation des biens indivis,
comme limitant leur valeur. En se replarant dans le contexte de la fin du
XIXe si~cle, on peut cependant expliquer ces limitations 2 en se rem6morant

Principalement aux arts 689, 690, 746, 747 et 2021 C.c.
2Caron, <(De la physionomie, de l'6volution et de l'avenir du Code civil > in J. Boucher &
A. Morel, Le droit dans la vie familiale [:] Livre du centennaire du Code civil (1970), aux pp.
3 et seq.

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d’une part la philosophie individualiste de 1’6poque attachant au droit de
propri~t6 certains caract~res propres. 3 On peut aussi expliquer ces limita-
tions lorsqu’on constate que les codificateurs n’ont pr~vu cette situation que
dans un cadre restreint, principalement dans le cadre des successions. II est
alors compr6hensible qu’ils n’aient pas voulu adopter une attitude trop
interventionniste IA ofi les membres d’une meme famille auraient pu en
venir A une entente entre eux pour conserver en commun des biens familiaux
pour le temps qui leur convenait.4 En ce sens, les codificateurs ont fait
confiance i la capacit& des indivisaires de r~glementer entre eux l’indivision
lorsqu’il y avait consensus pour la prolonger. Les r~gles qu’ils ont pr6vues
visent donc principalement i prot~ger la volont6 de ceux des indivisaires
qui ne voudraient pas prolonger une situation qu’ils n’ont pas recherch~e.
Lindivision est alors perue comme une situation essentiellement transitoire.

En notre fin du XXe sicle, la situation a cependant chang6. Les con-
traintes 6conomiques d~coulant de l’augmentation du prix des r6sidences
unifamiliales et de ‘augmentation des taux d’inthrt, de m~me que la li-
mitation des espaces de logement dans les agglomerations urbaines, conju-
gu~es avec ‘augmentation des cofits de transport font en sorte que les manages
doivent s’orienter vers des modes nouveaux de dMention de la propri6t6
immobili~re. Le choix de ces nouveaux modes est limit6. En effet, on peut
en d6nombrer quatre: la formation d’une cooperative d’habitation, la for-
mation d’une compagnie par actions, la coproprikt6 par declaration et
l’indivision.

La cooperative d’habitation n’offre que peu d’attrait, puisque les mem-
bres ne d~tiennent qu’une part sociale et qu’ils ne seront pas autoris6s A
b~n~ficier directement de l’augmentation de la valeur de l’immeuble. En
effet, comme la cooperative est une entreprise i but non lucratif, aucun gain
en capital ne sera admis sur la part cooperative. La compagnie par actions,
si elle permet d’avoir un certain rendement sur l’investissement, ne confere
par contre aux actionnaires aucun droit de propri6t6 sur l’immeuble : seule
la compagnie sera propri~taire de l’immeuble. Les actionnaires ne pourront
donc pas se pr~valoir des avantages qui pourraient d~couler de la possibilit6
d’un financement hypothdcaire puisqu’ils ne d6tiendront que des actions. 5
La copropri~t6 par d~claration, d’un autre c6t6, aurait pu 8tre un d6bouch6

3 0n peut en rappeler les trois caractres principaux: le droit de propridt6 est absolu, individuel
et perp~tuel. Voir i ce sujet H., L. et J. Mazeaud, Leqons de droit civil, 5c 6d. (1979), t.2, vol.2,
nos 1305 et seq.
4Cette situation pouvait, par exemple, survenir dans le cas oik la terre familiale 6tait cultivde

par plusieurs membres de la famille.

5Cet inconvenient peut cependant 8tre contourn en pratique: si chacun des actionnaires se
voit attribuer un droit d’usufruit sur une portion d~termnin~e de rimmeuble, cet usufruit pourra
8tre hypoth&lu6, puisque ce droit r~el est susceptible d’hypoth~que.

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L’INDIVISION

int6ressant si le lgislateur qu6b~cois n’avait pas impos6 un moratoire en
ce qui concerne les immeubles locatifs, sur cette forme de dMtention de la
propri6t6.6 Le seul autre mode altematif reste la d&ention en indivision,7
c’est-A-dire le fait pour deux ou plusieurs personnes d’acqu6rir en commum
un immeuble. Depuis quelques annes, on constate que ce dernier mode
de d6tention de la propri6t6 immobili~re devient de plus en plus populaire.
11 devient donc important d’6tudier les r~gles qui r~gissent lindivision.

Jusqu’A ce que le projet pr6sent6 par l’Office de r6vision du Code civil
traant les premiers jalons d’un droit de l’indivision conventionnelle soit
adopt6, 8 on doit se r6ferer aux r~gles 6dict~es par le 16gislateur de 1866. Ces
r~gles sont n~cessairement incomplbtes, puisque, comme nous l’avons ex-
t6 pr6vue lors de l’adoption
pliqu6 plus haut, cette situation n’avait pas
du Code civil du Bas Canada. Plusieurs questions sont susceptibles de se
poser A l’acquisition d’un bien indivis lors de la d6termination de la validit6
du titre ou des possibilit6s de financement. D’autre part, il peut s’61ever des
problmes pendant la propri6t6, lorsqu’un indivisaire voudra vendre ou
grever son bien,9 percevoir les fruits, 10 revendiquer des droits d’accession’
ou meme lors de l’administration et de la gestion des biens.

De nombreux auteurs frangais12 ont 6tudi6, dans le cadre de trait6s
de droit civil g~n6ral, les droits des indivisaires. Mais peu en ont trait6

60n se rappellera que depuis ‘adoption de l’art. 51 de la Loi sur la Regie du logement L.R.Q.,
c. R-8.1 [L.Q. 1979, c. 48, art. 51], le 16gislateur a restreint la prortfe des arts 441b A 442p C.e.
Par cet article, le ligislateur interdit d’enregistrer une declaration de copropri6t6 sur un im-
meuble locatif sans 1’autorisation de la Rgie. Comme 1’art. 53 de cette loi oblige la Rgie A
considfrer les crit~res permis par r~glement et qu’aucun r~glement n’a 6t6 jusqu’i maintenant
adopt6, 1’effet pratique de ces articles impose done un moratoire sur tons les immeubles locatifs
existant avant l’entrfe en vigueur de la loi. Voir A ce sujet 91984 Canada Lte c. P.-G. Quebec
[1982] C.S. 534; Parenteau c. P.-G. Quebec [1982] C.S. 832 et Comtois, L’art. 51 de la Loi
instituant la Regie du logement ne s’applique pas i un immeuble.vacant (1981) 84 R. du N.

97.7Cette forme de d6tention de la proprit6 est d’ailleurs 6galement limit6e par l’art. 136.1 de
la Loi sur la R~gie du logement, L.R.Q., c. R-8.1 [L.Q. 1981, c. 32, art. 14].
8Rapport sur le Code civil (1977), vol. 1, Projet de Code civil, Livre quatriEme, titre quatri6me,

chapitre IV, De l’indivision, arts 181 et seq. [ci-apr s cit6 Projet de Code civil].

90n r~fere ici A l’abusus.
100n r6fere ici au fructus.
IIOn r6fere ici au vis attractiva.
12E Laurent, Principes de droit civil, 5e Ed. (1893), t. 10, nos 212 et seq., aux pp. 243 et seq;
G. Baudry-Lacantinerie & A. Wahl, Trait theorique et pratique de droit civil [:] Des successions,
3e Ed. (1905), t. 8, nos 2150 et seq., aux pp. 645 et seq. ; L. Josserand, Cours de droit positif
francais, 2c Ed. (1932) t. 1, nos 1780 et seq., aux pp. 920 et seq. ; M. Planiol & G. Ripert, Traite
pratique de droit civilfrancais [:] Les biens (1926), t. 3 avec la collaboration de M. Picard, nos.
286 et seq., aux pp. 274 et seq. ; C. Aubry & C. Rau, Droit civil, 6e Ed. par P. Esmein (1954),
t. 10, nos 620 et seq., aux pp. 99 et seq. ; Mazeaud, supra, note 3, aux pp. 28 et seq., G. Marty
& R. Raynaud, Droit Civil [:] Les Biens, 2c Ed. (1980), nos 57 et seq., aux pp. 71 et seq.

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spcifiquement. 13 Au Quebec, ce sujet n’a pas eu la faveur des auteurs. Ce
n’est qu’accessoirement qu’ils en ont trait6, 14 ou pour le mettre en parall~le
avec le droit de propri&t6 exclusif.15

Le but de la pr~sente 6tude sera donc d’explorer les fondements juri-
diques de l’indivision et de d6terminer avec le plus de precision possible
l’6tendue des droits des indivisaires, de m~me que ceux des tiers qui doivent
contracter avec les indivisaires. Nous esp~rons que cette 6tude contribuera
A faire mieux connaitre l’indivision et A dissiper certains des doutes que
connaissent les praticiens a son 6gard.

Afin de pouvoir r~pondre aux nombreuses questions qui se posent, on
devra tout d’abord 6tudier la nature de ce droit. Dans les chapitres ult6rieurs
nous 6tudierons d’une part les droits de l’indivisaire et d’autre part ceux
que des tiers peuvent avoir sur un bien d~tenu en indivision. Nous tenterons
par la suite, de circonscrire certaines clauses utiles que les parties peuvent
insurer dans une convention de propri~t6 indivise d’un immeuble d6tenu
pour fins d’habitation.

I. Nature de I’indivision

La determination de la nature juridique d’un bien possde en indivision
a donn6 lieu A de tr~s nombreuses publications en France. 16 Nous ne pr6-
tendons pas ici apporter une solution A une controverse qui dure depuis
plus d’un si&cle et qui ne pourrait, en d6finitive, qu’atre r6gl~e par le lgislateur
II importe cependant de cemer avec le plus de precision possible ce
ph~nom~ne qui, sans 6tre recent, est beaucoup plus r~pandu qu’il ne l’6tait
auparavant.

L’indivision est un 6tat de droit et un 6tat de fait. Ce n’est pas un droit
comme tel, mais une situation qui peut engendrer des droits. Les codifi-
cateurs de 1866, de meme que ceux du Code Napoleon, se sont cependant

13Les auteurs ayant fait la revue la plus complete sont R. Nerson, M. Fayard & A. Breton
dans une publication intrgr~e en 1977 au Repertoire de droit civil Dalloz, vbo odndivisiono.
14Voir A. Mayrand, Les successions ab intestat in Trait elementaire de droit civil (1971) nos
301 et seq., aux pp. 265 et seq. ; P.B. Mignault, Le droit civil canadien (1916), t. 9, A la p. 92 ;
L. Faribault, Traite de droit civil du Quebec [:] De l’acquisition et de l’exercice des droits de
propriet, des successions (1954), t. 4, aux pp. 385 et seq.

15L. Baudouin, Le droit civil de la Province de Quebec (1953), aux pp. 373 et seq.
‘6Voir E Delhay, La naturejuridique de l’indivision (1968) ; G. Ripert & J. Boulanger, Trait
Nl~mentaire de droit civil de Marcel Planiol (1942), t. 1, nos 2742 el seq., aux pp. 902 el seq. ;
Marty & Raynaud, supra, note 12, nos 60 et seq., aux pp. 74 et seq. ; J. Carbonnier, Droit civil
[:] Les biens, 6e 6d. (1969), t. 3, aux pp. 97 et seq. ; G. Cornu, Droit civil [:] Introduction, les
personnes, les biens (1980), nos 1220 et seq., aux pp. 431 et seq.; Josserand, supra, note 12,
no 1514, A Ta p. 784; Laurent, supra, note 12; R. Savatier, Cours de droit civil, 2c 6d, (1947),
t. 1, no 655, A ]a p. 336; Nerson, Fayard & Breton, supra, note 13, no 1.

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UINDIVISION

gard6s d’en donner une d6finition ou m~me d’en d6finir les caract6istiques.
Afin de bien pouvoir cemer ce concept, on doit donc tenter une description
de cette situation, A d6faut d’ajouter une nouvelle d6finition A toutes celles
qui ont 6t6 avanc~es.

Uindivision est la situation dans laquelle se trouvent plusieurs person-
nes d~tenant en commun un bien, sans qu’aucune de ces personnes ne puisse
revendiquer de droit sur une portion concrete du bien. On dira qu’il y a
indivision lorsque plusieurs personnes d6tiennent des droits de m~me nature
sur un bien. Ainsi, chacun des indivisaires possMde des droits sur une frac-
tion du bien, sans que cette quote-part ne soit cristalis6e sur une portion
concrete de la chose. Leur droit est abstrait, incorporel. Ce n’est que ‘en-
semble des indivisaires qui poss~de un droit sur 1objet mat6riel. 17

I1 faut donc distinguer, au d6part, les droits qu’un indivisaire peut re-
vendiquer sur la chose, objet mat6riel, des droits qu’il possde sur sa quote-
part, bien incorporel. Sur la chose, objet mat6riel, rindivisaire ne peut re-
vendiquer aucun droit exclusif, puisque sa part n’est pas cristalis6e dans
une portion concrete. Le concours de tous les indivisaires sera requis pour
poser quelqu’acte que ce soit sur la chose envisag~e dans sa totalit6.18 Sur
sa quote-part, quelle est la nature du droit qui lui 6choit ? Est-ce un droit
r6el ? Est-ce un droit de propri6t6 ? Est-ce une modalit6 de dMtention de la
propri6t6? Est-ce un d6membrement d’un droit de propri6t6? Est-ce un
droit de propri6t6 sui generis ?

A. Droit de l’indivisaire, droit reel

On d~finit g6n~ralement un droit r6el comme un droit qu’une personne
peut exercer directement sur un bien, par opposition a. un droit personnel
qui peut etre oppos6 A une personne. Puisque le droit de l’indivisaire s’exerce
sur sa quote-part, on exclut ce droit de la cat6gorie des droits personnels.

Est-ce pour autant un droit r6el ? Certains auteurs d6finissent un droit
r6el comme un droit portant directement sur une chose mat6rielle.19 Cette
conclusion est cependant fauss6e en ce qu’elle implique une confusion entre

17Ripert & Boulanger, supra, note 16 ; Marty & Raynaud, supra, note 12 ; Carbonnier, supra,
note 16 ; Josserand, supra, note 12, no 1514, A la p. 784; no 1780, A la p. 920 et no 1790, A
la p. 926 ; Nerson, Fayard & Breton, supra, note 13, nos I et seq. ; Baudouin, supra, note 15;
P. Martineau, Les biens, 5c Ed. (1979), A lap. 31 ; . Langelier, Cours de droit civil de la Province
de Quebec (1906), t.2, A lap. 446; W. de M. Marler, The Law of Real Property [:] Quebec, 1932,
no 98, A la p. 46.

18Carbonnier, supra, note 16, A la p. 98; Josserand, supra, note 12, no 1514, A la p. 784;

Marler, supra, note 17.

19Savatier, supra, note 16, no 646, A ]a p. 331 ; Mignault, supra, note 14, t. 2, A ]a p. 389.

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la chose et le bien, qui, lui, peut 8tre corporel ou incorporel. Savatier souligne
ainsi cette confusion :20

Depuis Jhering, les juristes savent pertinemment qu’en r6alit6, tous les biens
s’analysent, pour eux, en droits, done en une notion incorporelle. C’est par un
raccourci, par une 6lision, que, dans un patrimoine, on compte comme des
biens une maison ou un bijou, car le patrimoine ne comprend A l’analyse, que
des biens incorporels, des droits. Ce qu’il faut seulement noter, e’est que ces
droits s’exercent tant6t sur des objets concrets: des choses corporelles, tant6t
sur des objets abstraits: une cr6ance, un monopole d’exploitation, une part
sociale.2’
Comme le droit r~el ne s’exerce pas n6cessairement sur un objet ma-
teriel, on concluera que la nature abstraite du droit des indivisaires ne pose
pas d’obstacle A son inclusion dans la cat~gorie des droits reels.

B. Droit de l’indivisaire, droit de proprit, d~membrement

Le Code civil de 1866, A ‘article 406, 6dicte que:
La proprit6 est le droit de jouir et de disposer des choses de la maniare la
plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohib6 par les lois ou les
rglements.
Les caract~ristiques traditionnelles du droit de propri6td, soit l’exclu-
sivit6,
‘absolutisme et la perp~tuit6, ont fait en sorte qu’on s’est parfois
refus6 A voir dans l’indivision un v6ritable droit de propri6t6. 22 On a donc
cherch6 A l’assimiler A un d6membrement de la propri6t6.

A preniere vue, le fait que, par d6finition, l’indivisaire doive partager
ses droits dans la chose concrete, peut nous induire A conclure que ses droits
n’ont pas les m~mes attributs que ceux d’un propriftaire exclusif.

L’interd~pendance des droits de chacun des indivisaires a ainsi amen6
certains auteurs A assimiler leurs droits A ceux des d6tenteurs d’une servi-
tude.23 Les codificateurs de 1866 semblent avoir donn6 la une premiere
indication en faveur de cette these lorsqu’ils placent les r gles relatives A la
mitoyennet6 au Titre des servitudes. Ce d6membrement de la propri6t6

20Savatier, Vers de nouveaux aspects de la conception et de fa classification juridique des biens
corporeal, (1958) 56 Rev. trim. dr. civ., A la p. 2. Cit6 par I’O.R.C.C., supra, note 8, Com-
mentaires, vol. 2, t. 1, aux pp. 383-4.

21Cf les arts I et 2 du Livre IV du Projet de Code civil, A la p. 203:

1. Les biens sont les droits personnels et r~els d’une personne.
2. Les droits reels portent sur des choses ou sur des droits.

22Ripert & Boulanger, supra, note 16, no 2742, a la p. 902; Marty & Raynaud, supra, note
12, no 59, a la p. 74.
23G. Goubeaux, Etude sur la clause d’indivision force et perpetuelle en droit civil franqais
(1910), aux pp. 88, 89 et 106. Cet auteur est en d~saccord avec cette th6orie, mais il en relate
le cheminement chaotique.

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L’INDIVISION

renferme en lui-m~me plusieurs caract~ristiques communes avec l’indivi-
sion. La chose mat~rielle 6tant l’objet des droits respectifs des indivisaires,
on a vu dans le droit A la quote-part un accessoire essentiel du fonds auquel
les droits sont attachs.

Cette hypothse est maintenant d6finitivement 6cart~e par les auteurs
fran*ais 24 puisque, d’une part, les droits d’un d~tenteur d’une servitude ne
correspondent pas aux droits d’un indivisaire et que, d’autre part, les r~gles
relatives aux servitudes ne peuvent etre d’aucune utilit6. En effet, le d~ten-
teur exerce ses droits en tant que propri~taire d’une quote-part, et non A
titre de d~tenteur de servitude, il n’y a ni fonds dominant, ni fonds servant;25
les r~gles relatives au bornage,2 6 aux am6liorations, 27 A la prescription, 28
sont inapplicables en mati~re d’indivision.

Le rapprochement des droits de l’indivisaire avec ceux d’un d~tenteur
de servitude d6montre tant de differences fondamentales que son int6rt ne
demeure que th~orique. I1 ne peut 8tre utilis6 dans la dtermination de la
nature des droits de l’indivisaire.

II est aussi tentant de faire une comparaison entre les droits de Iin-
divisaire avec d’autres droits rels connus, tels le droit de superficie 29 et le
droit d’usufruit.30 Dans ces deux cas, on remarque que les droits des d6-
tenteurs doivent cohabiter avec ceux d’un autre titulaire. Cependant, dans
le cas de l’usufruitier, le partage se situe dans le temps alors que dans le cas
du d6tenteur du droit de superficie, la division s’effectue dans 1’espace. Dans
aucun de ces cas, on ne retrouve le caract~re de concomitance et de super-
position de droits de mgme nature sur un meme objet.31

La nature du droit de propri~t6 indivis doit donc atre interpr&te en
ayant recours A ses r6gles propres. Iinterd~pendance des droits des indi-
visaires affecte-t-elle le droit de propri~t6 au point de l’en dissocier dans sa
nature m~me ? Si on fait une distinction claire entre la quote-part indivise

24Goubeaux, ibid., i la p. 93; Marty & Raynaud, supra, note 12, no 58, A ]a p. 73.
25Article 499 C.c.
26Article 504 C.c.
27Article 505 C.c.
28Article 562 C.c.
2gLe droit de superficie n’est inscrit nulle part au Code, tel que le font remarquer Marler,
supra, note 17, no 131, A lap. 59 et A. Montpetit & G. Taillefer, TraitW de droit civil du Quebec
(1945), t. 3, A la p. 149. Ces auteurs voient cependant une reconnaissance de l’existence de ce
droit par les codificateurs aux arts 415 et 521 C.c. [ce dernier article a
t6 abrog6 par L.Q.
1969, c. 76, art. 3].

30Articles 443 et seq., C.c.
3tMonpetit & Taillefer, supra, note 29, A la p. 150 pr6cisent m~me que le droit de superficie
est un droit de propri~t6 A part entire et qu’il n’y a pas copropri~t6 entre le propri~taire du
fonds et le d~tenteur du droit de superficie.

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et le droit ind6termin6 sur la chose mat6rielle, on doit conclure qu’il s’agit
d’un v6ritable droit de propri6t6 ayant des caract6ristiques propres.

Le Code civil ne fait 6tat d’aucune r~gle restreignant le droit de jouir,
de b6n6ficier des fruits ou d’ai6ner une portion indivise. Nous croyons donc
que m~me si d’autres personnes ont des droits concurrents dans la chose
mat6rielle, les caract6ristiques d’absolutisme et d’exclusivit6 trouvent leur
application dans le droit sur la quote-part abstraite.

Par ailleurs, si on envisage le droit de propri6t6 comme un droit per-
p6tuel, on peut s’interroger sur la port~e des r~gles de l’indivision : affectent-
elles le droit de propri6t6 ? Rappelons A ce titre les r6gles qui r~gissent cet
6tat. La principale est celle prohibant l’indivision perp6tuelle, telle qu’6-
nonc~e au premier alin~a de ‘article 689 du Code civil:

Nul ne peut etre contraint A demeurer dans rindivision ; le partage peut tou-
jours 8tre provoqu6 nonobstant prohibition et convention contraires.

Cette r~gle permet de constater que les codificateurs ont consid6r6 que
la situation d’indivision est essentiellement temporaire. Cette attitude des
codificateurs est confirme par une seconde r~gle voulant que le partage soit
d~claratif plut~t qu’attributif de propri6t6. A
‘article 746 du Code civil, on
dit que :

Chaque copartageant est cens6 avoir succd6 seul et imm~diatement A toutes
les choses comprises dans son lot, ou A lui 6chues sur licitation, et n’avoir
jamais eu la propri6t6 des autres biens de la succession.

Ainsi, non seulement l’indivision est-elle temporaire, mais on constate
6galement qu’apr~s le partage, elle est cens6e n’avoirjamais exist6. Ces r~gles
pr6servant le droit au partage et voulant que le partage soit d~claratif de
propri6t6, an~antissant r6troactivement les droits du propri6taire, changent-
elles la nature du droit de propri6t6 ? Nous croyons que non, puisque le
droit doit etre analys6 pendant qu’il existe. Ces r~gles n’ont d’effet qu’en ce
qui a trait A la fin de l’indivision. Elles peuvent affecter les droits des cr6an-
ciers, ou des acqu6reurs subs~quents, mais certainement pas les droits de
l’indivisaire sur sa quote-part pendant la dur~e de l’indivision.

De la m~me fagon qu’on qualifiera de droit de propri6t6 le droit de
l’acheteur sujet A la facult6 de r6m~r632 ou A une condition r~solutoire, 33
nous croyons que la nature du droit de l’indivisaire n’est pas affect6e par
le fait qu’il est expos6 A une action en partage pouvant an~antir les actes
qu’il aurait poses pendant l’indivision. Aucune classification n’est parfaite,
mais s’il existe une cat~gorie g6n~rale englobant difrerentes esp~ces de droits

32Article 1546 C.c.
33Article 1536 C.c.

1984]

1INDVISION

de propri6t6, tel un droit de superficie 34 ou un droit de proprit6 assorti
d’une condition r6solutoire,35 le droit de propri&6t
indivis doit y 8tre inclus.
La th~orie classique mettant en relief 1’exclusivit6, 1’absolutisme et la
perp6tuit6 des droits d’un propri6taire sur une chose mat6rielle a d6jA subi
plusieurs br~ches par l’61aboration de notions telles que 1’expropriation ou
l’abus de droit.36 I1 nous semble que la notion de propri6t6 doit etre re-
nouvele et red~finie. A ce sujet, il est int~ressant de rappeler 1’opinion qu’a
d6j 6mise Josserand :37

Somme toute, et pour qui, s’61evant au-dessus des contingences historiques, se
lib~re un moment du joug des ides romaines, le droit de pleine propri6t6 se
caract~rise par les trois faits suivants :
a) II confere i son titulaire le maximum de prerogatives et d’avantages que
peut comporter un bien;
b) II a un caractre d’exclusivito; il fait obstacle i toute pr6tention rivale sur
ce mime bien;

c) Son opposabilit est aussi complete que possible; il s’impose, A l’occasion,
au respect de tons.

Nous croyons que le droit d’un indivisaire sur une quote-part r6pond A ces
trois crit~res. Sa nature abstraite et la possibilit6 qu’il soit an6anti par le
partage lui conferent un caract6re particulier, le differenciant en pratique
d’un droit de propriet6 exclusif, mais ne 1en dissociant pas dans sa nature.

I. Les droits de l’indivisaire

Nous avons d6jA examin6 dans le chapitre pr6c6dent la nature du droit
de propri6t6 indivis. Nous y avons conclu que l’indivisaire jouissait d’un
droit de propri6t6 d’une nature particuli~re. Nous y avons constat6 que
l’indivisaire doit partager la chose avec d’autres copropri6taires. I n’a pas
droit A tous les fruits, ne peut user seul de la chose et ne peut ali6ner en
entier l’immeuble. Son bien ne consiste que dans sa quote-part indivise et
non dans toute la chose. Son pouvoir exclusif se limitera A son bien et non

34Notons que le droit de superficie qu’on a qualifi6 de droit A part entire (voir, supra, note
31) pr6sente aussi des aspects particuliers. En effet, il ne donne droit qu’au sol et non A l’espace
sous-terrain ou a6rien.

35Cet autre droit de propri6t6 est tout aussi pr~caire que le droit indivis puisqu’A l’av~nement
de la condition r6solutoire les droits qui auront 6t6 consentis seront an~antis de la mfme fagon
que peuvent l’tre les droits consentis avant l’entr~e en op6ration du mfcanisme de l’art. 746
C.c.

36Ainsi, le propri~taire exclusif est empech d’user de son droit de fagon qui serait nuisible
A son voisin: e’est un premiere atteinte A l’absolutisme de son droit. La possibilit6 de l’ex-
propriation est par ailleurs une autre atteinte au droit de propri6t6 tant dans son aspect exclusif
que dans son aspect perp6tuel.

37Josserand, supra, note 12, t. 1, no 1515, i la p. 785.

REVUE DE DROIT DE McGILL

[Vol. 29

la chose. Son emprise sur la chose sera, elle, exercge collectivement. L’in-
divisaire poss~dera cependant, en propre, certains droits d’action qui pren-
dront leur origine dans l’Mtat d’indivision.

Nous examinerons donc dans un premier temps les droits d6coulant
de la propri~t6 (l’usus, le fructus, le vis attractiva et l’abusus) et dans un
second temps, les droits dgcoulant de l’indivision (administration, droit
d’ester en justice et droit de reglementer la fin de l’indivision).

A. Droits dicoulant du droit de propriete
1. Droit de l’indivisaire de jouir de la chose (usus)

Nous avons d~jA conclu que le droit d’un indivisaire est de la nature
d’un droit de propriet6. Ce droit est d’une nature particuli~re puisqu’il est
abstrait et d’une durge ind~terminge. Y sont cependant attaches les attributs
qui sont compatibles avec ces particularit6s. La question a r~soudre est alors
la suivante : dans queUe mesure l’indivisaire peut-il jouir de la chose, ou
quelles sont les limites de son usus ?

Comme le faisait remarquer Henri Capitant 3s peu de biens sont sus-
ceptibles d’un usage privatif par plusieurs personnes. On peut imaginer
l’exercice collectif d’un droit de peche ou de chasse, mais ces situations sont
marginales par rapport aux formes d’indivision grn~ralement observges. II
demeure, nranmoins, que malgr6 les difficult6s pratiques, on reconnalt in-
contestablement A l’indivisaire le droit d’user de son bien, pourvu cependant
qu’il en fasse un emploi conforme A sa destination et qu’il n’en use pas de
mani~re i empecher ses coindivisaires d’exercer 6galement leurs droits. 39 Si
l’indivisaire pose quelque acte qui est de nature a empecher les autres in-
divisaires d’exercer leurs droits, il donne ouverture aux actions disponibles
aux autres indivisaires, c’est-A-dire l’action possessoire,40 l’action p6titoire,41
Faction en 6viction 42 et A la saisie. 43

On constate que l’exercice privatif du droit de propri6t6 indivis est,
sauf exception, impossible. Cette limitation est attribuable au caract~re in-
drtermin6 du bien, de meme qu’A la concurrence nrcessaire entre les droits

38Capitant, L’indivision h~reditaire (1924) 44 Rev. crit. de lgis. et de juris. 19, A la p. 34.
39Vincent, Les proprites collectives, les indivisions et l’effet declaratif du partage (1932) 52
Rev. crit. de 16gis. et de juris. 284, A la p. 329; Delhay, supra, note 16, aux pp. 237 et seq. ;
Capitant, ibid. Voir 6galement l’art. 1056 de la Loi portant reforme au Code civil du Quebec
du droit des biens, Projet de loi 58 (1- lecture), 4e session, 32e 16gislature (Qu6.).

40Paiement c. McFadden (1930) 48 B.R. 303.
4’Bell c. Bedard (1885) 11 Q.L.R. 318 (CS.)
42Stearns c. Ross (1885) 2 M.L.R. 379 (B.R.)
43Evans c. Evans (1889) 5 M.L.R. 414 (C.S.)

19841

L’INDIVISION

de tous les coindivisaires. La seule solution qui demeure ouverte aux in-
divisaires voulant 6viter les 6cueils de la pratique est de faire appel A une
convention de jouissance divise. 44

2. Droit de l’indivisaire de b~n6ficier des fruits (fructus)

Nous avons 6tudi6 dans la section pr~c~dente le droit de l’indivisaire
dejouir de la chose. Un second problme est soulev6 par le droit aufructus.
La question 1. r~soudre est alors la suivante: l’indivisaire a-t-il droit aux
fruits de la chose, et, si oui, A quel moment peut-il les r~clamer ? Dans ce
domaine comme pour la majorit6 des probl~mes soulev~s par l’indivision,
la jurisprudence et les auteurs qu6b~cois sont tr~s laconiques45 et on doit
se r erer, pour autant qu’elles sont compatibles, aux solutions adopt~es en
France.

Comme le font remarquer certains auteurs,46 la production des fi-uits

r~sulte g~n6ralement d’une activit6 humaine:

Cette production [plus-values et fruits] n’est que rarement spontanae. De moins
en moins le produit d’une chose est le seul fait de son potentiel naturel; de
plus en plus, il est celui du travail et de techniques artificielles.

En raison de l’effet d~claratif du partage, un indivisaire ayant op~r6
seul un commerce que nul autre indivisaire n’aurait pu continuer, pourrait
se voir d~chu du b6n~fice de ses activit~s si la r~gle brutale47 de l’effet
d~claratif du partage 6tait appliqu~e. Aussi a-t-on eu recours aux r~gles
g6n~rales du droit afin de preserver l’6quit6. Dans ces circonstances, les
tribunaux ont 61abor6 certains principes afin de preserver l’galit6 entre les
indivisaires et faire b6n~ficier l’indivisaire gestionnaire des fruits de son
travail.

Deux situations sont possibles: selon une premiere hypoth~se, un in-
divisaire a utilis6 un fonds indivis en 1’exploitant pour son propre compte
sans modifier l’exploitation. Selon une seconde hypoth~se, l’indivisaire a
utilis6 le bien, mais a commenc6 des operations nouvelles n6cessitant de sa
part des connaissances spciales et un travail personnel.48 Cet aspect par-
ticulier du probl~me de l’attribution des fruits, quoique tr~s d~battu en
France, ne semble pas avoir suscit6 de grandes controverses au Quebec.
Nous croyons devoir au moins esquisser les solutions auxquelles en sont
venus les juristes fiangais.

“La derniare partie du prasent article fait 6tat de certaines clauses utiles A cet effet.
45Le seul arrt retrac6 sur le point est Gray c. The Quebec Bank (1879) 5 Q.L.R. 92 (C. Rev.).
46Voir Nerson, Fayard & Breton, supra, note 13, no. 218.
47Article 746 C.c.
48Voir Flour, Plus-values etfruits de biens indivis [1943] 1 J.C.P. 336, aux nos 21 et 22.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 29

Dans un premier temps, la jurisprudence et les auteurs 49 s’accordent
pour consacrer le principe que lorsque l’indivisaire n’a fait que continuer
l’exploitation d’un bien indivis, les fruits doivent 8tre attribu6s A la masse
indivise. Cependant, le gestionnaire ne devra rapporter que le produit net,
d6duction faite des frais d’exploitation, ceux-ci comprenant la r~mun6ration
du gestionnaire. 50 D’autre part, lorsque les b6n6fices ne peuvent etre consi-
d6r~s comme les revenus normaux du bien, mais plut~t comme r6sultant
de son travail personnel, la masse indivise ne se verra attribuer qu’une
indemnit6 resultant de l’usage que l’indivisaire a fait du bien.5’ Cette so-
lution est cependant limit6e aux cas ofi l’indivisaire a effectu6 des << op& rations nouvelles n6cessitant de sa part des connaissances sp6ciales et un travail personnel >).52

I est A noter que la loi frangaise du 31 d6cembre 197653 risque de
modifier les solutions apport~es dans la deuxi~me hypothse envisag6e, puisque
cette loi pr~voit sp6cifiquement d l’article 815-10 que << l'indivisaire qui a exerc6 la gestion a droit A une indemnit6 >. Certains auteurs pr6tendent, en
cons6quence, que meme si des op6rations nouvelles 6taient effectu6es sur
les biens indivis, le gestionnaire n’aurait maintenant plus droit aux b6n6fices,
mais seulement i une indemnit6.54 Cette opinion nous semble accorder au
texte de l’article 815-10 une port6e un peu trop imprative.

Ni le Projet de code civil qu6b6cois de 1977, ni le Projet de loi 58 ne
pr6voient le sort fait aux fruits des biens indivis. C’est, A notre avis, une
lacune qui devrait 8tre combl6e. Nous croyons, cependant, que jusqu’A ce
qu’un texte 1dgislatif clair exprime les droits de l’indivisaire aux fruits, les
solutions frangaises antrieures A la loi du 31 d6cembre 1976 devraient etre
appliques.

Si on conclut que les fruits, avec les nuances qu’on vient de voir, ac-
croissent A la masse indivise, 55 on peut se demander a quel moment ces
fiuits peuvent 8tre r6clam6s. Deux situations doivent, ici aussi, 6tre envi-
sag6es : s’agit-il de choses mat6rielles ou s’agit-il de cr6ances ? S’il s’agit de
choses mat6rielles, on devra attendre au partage pour les attribuer. S’il s’agit

49Voir Flour, ibid., no 20 ; Nerson, Fayard & Breton, supra, note 13, no 221.
50Voir Flour, supra, note 48, no 20.
5’Flour, supra, note 48, no 21 ; Nerson, Fayard & Breton, supra, note 13, no 224.
S2Flour, supra, note 48, no 22 ; Nerson, Fayard & Breton, supra, note 13, no 230.
s3Loi no 76-1286 du 31 d6cembre 1976 relative a l’organisation de l’indivision (Gaz. Pal.

1977 (1- sem.) 2.72).
5Nerson, Fayard & Breton, supra, note 13, no 229.
55Saint-Alary-Houin, Les critires distinctifs de la socit et de l’indivision (1979) 32 Rev.
trim. de droit comm. 645 ; Capitant, De l’indivision qui suit la dissolution de la communautM
de biens entre jpoux (1929) Rev. crit. de 16gis. et de juris. 64, A la p. 91 ; Nerson, Fayard &
Breton, supra, note 13, nos 211 et seq.

9INDIVISION

19841
de cr~ances, la situation est differente. En effet, A l’instar du Code frangais, 56
le Code civil de 1866 pose le principe de la division des cr~ances A 1’gard
des h~ritiers. 57 Chaque indivisaire pourra donc recouvrer meme avant le
partage, la part de cr~ances qui lui revient. Cette r~gle ne r~git cependant
que les relations entre l’indivisaire et le d~biteur.

L.indivisaire pourra donc, pendant l’indivision, poursuivre le d6biteur,
en proportion de sa part, pour le recouvrement des fruits. Cependant, lors
du partage, l’indivisaire devra faire rapport comme s’il avait perqu la cr~ance
ou les fi-uits A titre de mandataire de la collectivit6. 58

3. Droit d’accession de l’indivisaire (vis attractiva)

La distinction faite au Code civil entre le droit aux fruits et le droit
d’accession est fond~e sur le fait que dans le premier cas, la chose elle-m~me
est de nature A produire des fiuits, 59 tandis que dans le second cas, une
intervention de l’homme60 ou de la nature6′ est n~cessaire pour la trans-
formation de la chose.

Bien qu’on soit tent6 d’appliquer les r~gles d’attribution des fruits en
mati~re d’accession, on doit se rappeler que ce qui r~sulte de ‘intervention
de ‘homme ou de la nature n’est pas une cr~ance, mais une amelioration
ou une transformation de la chose. Le principe de la division des cr~ances
qui gouvernait F’attribution des fiuits62 ne regoit donc aucune application.
Le bien qui est poss~d6 par plusieurs propri~taires ne fait donc pas
l’objet de r~gles particuli6res en mati~re d’accession et tout ce qui sera uni
ou incorpor6 A la chose accroiltra A tous les indivisaires pris collectivement.
Leurs droits d’action A l’6gard du bien seront discut~s ult~rieurement.

4. Droits de l’indivisaire de vendre et d’hypothhquer sa quote-part (abusus)
Cet attribut du droit de propri~t6 qu’est 1’abusus est marqu6 plus que
tout autre par la dualit6 du regime de 1indivision. En effet, si les droits de
l’indivisaire dans sa quote-part sont absolus, son droit exclusif dans la chose
est inexistant. I1 ne pourra, seul, ceder aucune parcelle de la chose et ne
pourra pas plus conceder d’hypoth~que sur aucune portion d~termin~e de
cette chose d~tenue indivis6ment avec d’autres propri6taires.

56 Article 1220 C.N.
57Article 1122 C.c.
58Mignault, supra,note 14, t. 3, A lap. 487 ; Mayrand, supra, note 14, no 319 ; Delhay, supra,

note 16, ii la p. 249 ; Laurent, supra, note 12, t. 10, nos 220 et 642.

59Article 409 C.c.
6OArticles 415 A 419 C.c. en mati~re immobili~re et arts 429 A 441 en mati~re mobili~re.
61Articles 420 i 428 C.c.
62Voir les auteurs cit6s, supra, note 58.

REVUE DE DROIT DE McGILL

[VCol. 29

II rrpugne au profane, i premiere vue, qu’on puisse consentir des droits
reels sur une chose abstraite. Nous avons cependant dejA analys6 que le
bien pout 8tre conqu comme un droit portant sur un objet qui peut etre
matriel ou abstrait. En ce sens, il importe de bien souligner ici que les seuls
droits qui pourront atre consentis sont ceux qui portent sur la quote-part
abstraite de la chose matrrielle. Tous les auteurs et la jurisprudence ad-
mettent ainsi que l’indivisaire peut ceder sa quote-part, et qu’il peut 6ga-
lement l’hypoth~quer sans meme requ~rir le consentement de ses pairs. 63
L’hypothque ou la cession portera sur la quote-part seulement, et non sur
l’immeuble entier.

Ainsi a-t-on jug6, dans un arr6t recent de la Cour d’appel, 64 que l’hy-
poth~que consentie par une femme ne drtenant qu’une moiti6 indivise d’un
immeuble commun, ne pouvait porter que sur cette moiti6 indivise et non
sur l’immeuble entier. Nous croyons que cette solution est juste, tant en
droit frangais qu’en droit qu~b6cois. 65 Cependant, si le drbiteur devient ou
est, par la suite, drclar6 proprirtaire de tout l’immeuble (et qu’il avait hy-
poth~qu6 tout son bien indivis sans specifier qu’il hypothfquait seulement
50 %, 33 % ou 25 % indivis de l’immeuble), l’hypoth~que vaudra pour le
tout. Ainsi l’enseignent Mignault,66 Langelier 67 et Caron.68 Cette conclusion
est d’ailleurs 6galement conforme A l’esprit des articles 2038 et 2043 du
Code civil.

Le sort de cette hypoth~que variera donc en fonction de la fagon dont
l’indivision se terminera. Les droits des ayants cause, qu’ils soient crranciers

63C. Aubry & C. Rau, Droit civilfrancais [:] Les biens, 7c dd. par P. Eismein (1961), t. 2, no
342, aux pp. 548-9; Marty & Raynaud, supra, note 12, nos 60-2, aux pp. 76-8; Carbonnier,
supra, note 16, no 29, A la p. 98; Ripert & Boulanger, supra, note 16, no 2748, A ]a p. 904;
Josserand, supra, note 12, no 1787, i ]a p. 923 ; Laurent, supra, note 12, no 403, A la p. 424 ;
Giverdon, PropriWt et drofts rkls (1976) 74 Rev. trim. dr. civ. 340, 371 ; Nerson, Fayard &
Breton, supra, note 13, nos 253 et 259; Capitant, supra, note 38, A la p. 32; Vincent, supra,
note 39, no 54, A lap. 329; Maler, supra, note 17, no 895, ! lap. 413 ; Mignault, supra, note
14, t. 9, A la p. 92; Martineau, supra, note 17, A la p. 32; Baudouin, supra, note 15, a la p.
373 ; Caron & Binette, (Des hypoth~ques >> in Chambre des Notaires du Qurbec et Socirt6
qurb~coise d’information juridique, Repertoire de droit [:] Sarets (1980), doctrine-document
1, no 172, A la p. 90. Voir 6galement

‘art. 1054 al. 3 du Projet de loi 58.

64Sigouin c. Ethier-Beauchamp [1978] C.A. 387.
65Monette c. Molleur (1874) 6 R.L. 561, 570 (C.S.) et Cartier c. Boudreault (1911) 41 C.S.

127, 129 (C. Rev.).

66Supra, note 14, t. 9, A la p. 92.
67Supra, note 17, A la p. 503.
68Caron & Binette, supra, note 63, no 177, A ]a p. 92.

19841

18]INDIVISION

ou cessionnaires, d6pendront de l’issue du partage ou de ‘acte qui en tiendra
lieu.

69

A rimage de la loi frangaise du 31 d6cembre 1976, le Projet de code
civil et le Projet de loi 58 proposent une s6rie de r~gles modifiant le droit
de 1indivisaire de vendre sa quote-part. Selon les textes projet6s, 70 les coin-
divisaires b6n6ficieraient d’un droit de pr6emption; 1’exercice de ce droit
de pr6emption permettrait un meilleur contr6le sur le groupe de propri6-
taires. En ce qui concerne le droit d’hypoth6quer, les r6dacteurs du Projet
de loi 58, a
‘article 1054, statuent que les indivisaires ont le droit d’hy-
poth6quer et de grever leur quote-part.

Si on reprend la distinction entre la chose, objet mat6riel, et la quote-
part, bien abstrait, cet article ne change pas ‘tat actuel du droit puisque
rindivisaire n’a pas le droit d’hypoth6quer la chose. En effet, il ne poss~de
pas de droit dans la chose en entier. L’indivisaire, selon les Projets, conser-
verait done la possibilit6 d’hypoth6quer sa quote-part.

B. Droits dicoulant de l’indivision
1. Administration des biens indivis

La r~gle g6n6rale veut que tous les actes relatifs & la chose indivise
l’unanimit6.71 I1 arrive, cependant, que certains indivisaires
soient decides
soient absents ou mame qu’ils soient incapables ou ne veuillent pas agir.
En ces cas, run des indivisaires peut etre appel6 A poser des actes
d’administration. 72

Les tribunaux qu~b~cois se sont peu attard6s au problme de radmi-
nistration des biens indivis. A linverse, les tribunaux et les auteurs frangais
ont 6labor6 des r~gles bien pr6cises i ce sujet.73 Ainsi, afin d’6viter que
l’inaction d’un des indivisaires n’entraine la d6trioration ou la destruction
d’un bien indivis, on a r~solu d’appliquer, en France, la r~gle de la gestion
d’affaires. Nous croyons que cette r6gle devrait aussi etre appliqu6e au Qu6-
bec. En effet, aucun article du Code de 1866 ne r~gle directement le cas.74

69Notons ]a controverse qui s’616ve autour de ‘arr~t Varin c. Gurin (1893) 3 C.S. 30. Dans
cette affaire, une vente avait eu pour effet de faire cesser rindivision, mais la cour de r6vision
a jug6 que l’hypothque continuait de grever rimmeuble mime si le constituant ne demeurait
propri6taire d’aucune partie de rimmeuble. Voir les commentaires de Caron & Binette, supra,
note 63, no 173, A Ia p. 90 et Mayrand, supra, note 14, no 423, A la p. 375.

70Articles 191 i 196 du Projet de Code civil et art. 1055 du Projet de loi 58.
71Capitant, supra, note 38, A la p. 35 ; Nerson, Fayard & Breton, supra, note 13.
72Josserand, supra, note 12, t.3, no 1037, aux pp. 624-5.
73Nerson, Fayard & Breton, supra, note 13, no 365.
74Voir cependant les arts 1059 A 1063 du Projet de loi 58.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 29

On doit donc s’en rapporter aux r~gles g~n~rales 6dictfes au Titre des obli-
gations. La seule section qui peut 8tre utile est, comme en France,7 celle
de la gestion d’affaires.

Ces r~gles pr6sentent toutes les garanties de s6curit6 pour les parties.
En effet, elles ne s’appliqueront qu’en rabsence d’un contrat, qu’il soit expr~s
ou tacite76 et seuls les actes utiles seront autoris6s. 77 Cette solution protage
la chose indivise tout en permettant au g~rant d’6tre indemnis6 pour les
actes qu’il aura accomplis et pour lesquels il pourra justifier quelque raison
d’utilit6.78 Les r~gles de la gestion d’affaires ne permettront toutefois pas A
un indivisaire de faire quelque modification A la chose, 79 non plus qu’elles
ne lui permettront de s’accaparer la chose indivise. Ainsi, n’entre pas dans
le cadre d’une telle gestion, le pouvoir de consentir un bail,80 puisque ces
actes ne sont pas purement conservatoires et qu’ils entrent en conflit avec
les droits des autres indivisaires.

En l’absence de convention, l’administration des biens indivis sera
continuellement source de probl~mes, puisque les r~gles de la gestion d’af-
faires ne permettent que des mesures conservatoires. La r~gle de l’unanimit6
ne peut 8tre 6cart~e que par le recours a une entente pr6voyant la nomination
d’un gestionnaire des biens indivis.

2. Droit d’ester enjustice: pouvoir de faire reconnaitre son droit de propri~t6

Comme l’indivisaire n’a aucun droit exclusif dans la chose, il ne peut
intenter seul aucune action en justice relativement a cette chose.8′ En effet,
son droit n’est pas d~termin6, il est susceptible d’etre an6anti par le partage.
S’il lui 6tait reconnu le droit d’agir seul, le jugement qui interviendrait
pourrait devenir compl~tement inutile si la chose ne lui 6tait pas attribute
lors du partage.

73Marty & Raynaud, supra, note 12, no 60, i la p. 75.
76J.-L. Baudouin, Les obligations (1983), no 514, A la p. 295.
77Ibid., no 516, aux pp. 296-7.
78Ibid., nos 526-7, aux pp. 299-300.
79Compagnie de ThlMphone du Lac-St-Jean c. Compagnie de Telephone du Saguenay, supra,

note 71, aux pp. 316-7.

80Stem Corporation c. Koutsogiannopoulos [1959] B.R. 421 et EntreprisesLauverli c. Publicit

urbaine (1981) 22 R.P.R. 293 (C.S.).

8’Voir Guay c. Duval, supra, note 71. Notons qu’il existe un courant de jurisprudence A la
Rgie du logement voulant qu’un propri~taire indivis puisse exercer tous les droits d’un pro-
priftaire unique. Nous croyons que ce courant est fond6 sur une conception erron~e de l’in-
division. Voir Mallet c. Lobel [1977] D.C.L. 83; Ginter c. Letellier[1978] D.C.L. 41 ; Trepanier
c. Salman [1981] D.R.L. 159.

1984]

UINDIVISION

L’indivisaire peut cependant prendre tous les recours utiles pour pr6-
server ses droits.8 2 II peut notanment agir seul pour empecher l’occupation
par un tiers qui ne datient son titre que d’un seul indivisaire, 83 ou pratiquer
une saisie des biens s’ils sont mis en p6ril.84 De m~me, un propri~taire
indivis peut intenter seul une action possessoire en r~int~grande contre
l’occupant de la chose.85 Le principe voulant que raction possessoire ou
l’action en 6viction ne n6cessite pas le concours des autres indivisaires prend
sa justification clans le fait qu’un indivisaire ne peut consentir seul aucun
droit sur la chose. II peut cons~quemment empecher que les autres indi-
visaires ne consentent de tels droits ou que des tiers pr~tendent A un droit
alors qu’ils ne datiennent leur titre que d’un seul indivisaire.

Les droits d’action que nous venons de consid6rer concernent surtout
les poursuites intent~es par rindivisaire. Celui-ci peut cependant 6galement
intervenir dans des poursuites intent~es par des cr6anciers, ou m~me par
ses coindivisaires. Comne nous le verrons plus en detail dans la partie Im,
un cr~ancier peut saisir et faire vendre la part indivise de son d6biteur. Cette
possibilit6, qui est ouverte aux cr~anciers, a ceci de particulier qu’il peut
arriver que le partage n’attribue pas la chose saisie au d6biteur poursuivi.
Dans les circonstances, on a reconnu aux coindivisaires le droit d’intervenir
clans la poursuite intent~e par un cr~ancier d’un coindivisaire, si ce cr~ancier
n’a pas indiqu6 que le bien saisi est une portion indivise. 86 En effet, i cause
du principe voulant que le dacret purge tous les droits r6els, les droits des
coindivisaires, non reconnus au dacret, pourraient 8tre mis en p6ril si on
leur reconnaissait le droit de s’opposer A une saisie ne faisant pas mention
de leur titre.87 On reconnat 6galement A 1’indivisaire le droit de demander
la suspension des proc6dures jusqu’A ce que le partage ait 6t6 effectu6, partage

82Ripert & Boulanger, supra, note 16, no 2748, A la p. 904 et Vincent, supra, note 39, no 54,

i la p. 329.

83Stearns c. Ross, supra, note 49.
84Evans c. Evans, supra, note 43.
85Paiement c. McFadden, supra, note 40.
86Voir Club Canadien c. Beaudry (1881) 4 L.N. 131 (C.S.) et HOpital Ggnjral c. Gingras

(1884) 10 Q.L.R. 136 (C.S.).

87Le juge Casault s’exprimait ainsi dans l’affaire Hdpital Genral c. Gingras, supra, note 86,

Alap. 137:

C’est une ragle de notre droit que le d~cret purge tous les droits r~els non compris
dans les conditions de la vente (C.P. 711), A rexception des servitudes, des rentes
cr6es pour Ia commutation des droits seigneuriaux, du droit d’emphyt6ose, des
substitutions et du douaire coutumier non ouverts, sauf, pour ces trois derniers,
1’existence d’une cr6ance ant6rieure prferable existante dans la cause (C.P. 709,
710). I1 purgerait, par consequent, le droit des coh~ritiers et des communistes au
partage, comme un tout, des biens d’une succession ou d’une communaut6; et il
les priverait meme enti~rement de leur part, si un immeuble appartenant A la suc-
cession ou d~pendant de la communaut6 6tait saisi et vendu comme la propri6t6
du saisi.

REVUE DE DROITDE McGILL

[Vol. 29

qui aura eu pour effet de d6terminer la part respective des coindivisaires et
du drbiteur.88

En conclusion, on doit rappeler que l’indivisaire n’aura de droit d’action
qu’en ce qui concerne sa part indivise, quote-part abstraite, ou pour faire
cesser une utilisation ou une appropriation privative ’empachant d’exercer
ses propres droits. En ce sens, nous croyons que si l’indivisaire peut em-
pecher l’appropriation par un tiers,89 il pourra 6galement emp~cher une telle
appropriation ou nuisance provenant de ses coindivisaires: ceux-ci ne peu-
vent exercer leurs droits que dans la mesure oA ils ne nuisent pas A l’uti-
lisation des autres propri6taires.

3. Droit de r~glementer la fin de l’indivision et d’y intervenir
1. Droit de rglementer la fin de l’indivision

Nous avons, dans le present chapitre, discut6 des droits des indivisaires
pendant l’indivision. On doit aussi discuter de la fagon dont elle peut pren-
dre fin. Le Code pr~voit que cette situation peut prendre fin par le partage
ou par tout autre acte qui en tiendra lieu.90 Le Code favorise un partage A
l’amiable9l et en nature92 des biens indivis. Pourtant, ds qu’on aborde le
theme de l’indivision, on pense automatiquement A la licitation, c’est-i-dire
A la vente en justice des biens indivis. 93 En effet, on entrevoit toujours une
situation conffictuelle :

L’action en partage est de droit [sic] public, parce que rindivision est un obs-
tacle A la circulation des biens, nuisible A leur exploitation et A leur am6lio-
ration, une atteinte au credit public. Enfin, elle fait naitre des risques [sic] et
engendre des proc~s.94
Cette observation, qui revient comme une refrain dans les notes des
juges et dans les commentaires des auteurs, denote, d’une part, l’hostilit6
envers l’6tat d’indivision, mais aussi la protection presque sans borne qu’on
accorde au droit de l’indivisaire de sortir de l’indivision.

Le droit d’action le plus connu est celui de sortir de l’indivision. Ce
droit est consacr6 dans le texte meme de l’article 689 du Code civil;95 il est

88Voir Hdpital General c. Gingras, ibid.
8 9Paiement c. McFadden, supra, note 40.
9Article 747 C.c.
91Nous tirons cet argument du libell6 des arts 693, 697, 705, et 1562 C.c.
92Article 697 C.c.
93Article 1562 C.c.
94Garber c. Lake (1916) 18 R.P. 464 (C.S.) A la p. 466.
9511 faut 6videmment qu’il s’agisse r~ellement d’une indivision, c’est-A-dire que tous les droits
soient de m~me nature. En effet, il n’y aura pas lieu A l’action en partage entre le d~tenteur de
la nue-propri6td et l’usufruitier ou le superficiaire. Voir Faribault, supra, note 14, A ]a p. 390;
Montpetit & Taillefer, supra, note 29, A ]a p. 150.

1984]

L’INDIVISION

imprescriptible. 96 Tous les auteurs enseignent que la r~gle voulant que nul
n’est tenu de demeurer dans l’indivision est d’ordre public. 97 La majorit6
des auteurs enseignent 6galement que le droit A l’action en partage est d’ordre
public.98 Afin de pr~ciser la porte de la r~gle de l’article 689 du Code civil,
c’est-A-dire de d6terminer si ele s’applique seulement au droit de sortir de
l’indivision, ou 6galement au droit de recourir i l’action en partage, nous
croyons qu’une distinction doit 8tre faite entre l’indivision impos~e aux
parties et l’indivision qui nait de leur volont6. La distinction est importante
car l’6tat des hritiers se retrouvant dans l’indivision, suite A un legs ou A
l’ouverture d’une succession ab intestat, n’est pas un 6tat voulu ou recherch6
par eux. Il est fort possible que ces personnes ne s’entendent pas sur la
possession d’un bien en indivision, ou meme sur son administration. De
la m~me fagon, apr~s la dissolution de leur regime matrimonial, les 6poux
communs en biens doivent possder un moyen de sortir de l’indivision.
Pareillement, les associ6s, apr~s la dissolution de la soci~t6 qui les unissait,
peuvent tr~s bien avoir de la difficult6 A en venir A un accord. C’est pourquoi,
dans ce contexte, 1’existence d’une r~gle stricte et absolue s’impose. La r~gle
de l’article 689 du Code civil offre une garantie. Cette garantie, expliqu~e
au Titre des successions, est 6tendue au domaine de l’indivision post-so-
ci~taire et post-communautaire. 99

Dans le cas de l’indivision impos~e aux parties, puisque celles-ci n’ont
pas fait de convention d’indivision, le droit de sortir de l’indivision et le
droit A 1’action en partage se confondent d~s que le partage ne peut pas etre
fait A l’amiable, alors que, dans le cas d’indivision conventionnelle, les
modalit~s de la sortie de l’indivision peuvent avoir fait robjet d’une conven-
tion. Les parties peuvent dans ce dernier cas avoir convenu entre eles de
la fagon dont elles pourraient sortir de l’indivision sans avoir n~cessairement
recours A l’action en partage et alors, il n’y a pas confusion entre la sortie
de l’indivison et le recours A l’action en partage.

La rigueur des articles 689 et 746 du Code civil ne peut s’expliquer que
par le fait que le l6gislateur entrevoyait cette situation comme ind~sir~e,

96Voir Mayrand, supra, note 14, no 309, A la p. 271.
97Mignault, supra, note 14, t.3, A la p. 482; C. Demolombe, Cours de Code Napoleon [:]
Traite des Successions, 2e Ed. (1860), t.3, no 487, A la p. 470; Baudry-Lacantinerie, supra, note
12, no 2134, i la p. 637; Mazeaud, supra, note 3, no 1618, A la p. 309.

98M. Bungnet, Oeuvres de Pothier (1845), t.8, A la p. 150 ; Mazeaud, supra, note 3,

, la p.
309. La majorit6 des auteurs s’entendent aussi pour dire que les r6gles relatives au partage
successoral sont applicables dans tous les cas d’indivision. Voir Demolombe, supra, note 97,
no 488, A la p. 470; Aubry & Rau, supra, note 62, no 17, A la p.500 et A la p. 553 ; Josserand,
supra, note 12, t. 1, no 1791, .la p. 927 ; V. Marcad6, Explication th~orique et pratique du Code
civil, 7c Ed. (1873), t.3, no 279, A la p. 198; Mayrand, supra, note 14, no 302, A la p. 266;
Martineau, supra, note 17, A la p. 34; Baudouin, supra, note 15, A la p. 373.

99Articles 1363 [abrog6 par L.Q. 1980, c. 39, art. 45] et 1898 C.c.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 29

indesirable et source de conlit. Par contre, cette r~gle devrait etre mitig~e
dans les cas oti les parties ont elles-memes chosi de se placer dans cet 6tat.
L’ayant choisi, il serait injuste et inequitable de permettre A ces m~mes
parties d’utiliser ces r~gles pour faire avorter un projet dans lequel d’autres
ont investi avec elles.

Nous croyons donc que la prohibition de l’article 689 du Code civil
n’emp~che pas les indivisaires conventionnels de r~glementer les modalit6s
de sortie de l’indivision.

Laurent, suivant en cela le principe du consensualisme A la mode au
XjXe sicle, a soutenu cette th~orie, et l’a m~me pouss~e plus loin. II s’ex-
primait ainsi:

Nous croyons qu’il faut poser en principe que l’article 815 ne concerne que
les cas ofi l’indivision r6sulte d’une communaut6 de fait, sans concours de
consentement entre les copropri6taires, sans but commun ; telle est I’hrdit6,
de quelque nature qu’elle soit, ab intestat, testamentaire ou contractuelle. Ce
n’est pas par leur volont6 que les h6ritiers sont devenus copropri6taires, ils
n’ont aucun int6rt A maintenir cette indivision de hasard, pr6cis6ment parce
qu’elle est accidentelle; leur int6ret est au contraire qu’elle prenne fin le plus
tft possible. I1 en est tout autrement quand la communaut6 est volontaire et
qu’elle est stipuI~e pour atteindre une fin commune. […]
II en serait de m~me d’une soci6t6 contract6e entre plusieurs personnes qui
mettent en commun des immeubles ou des choses immobili~res. Les associ6s
sont li6s par leur contrat; ils ne peuvent s’en d6gager en demandant le partage
en vertu de l’article 815. […]
Nous croyons que le m~me principe est applicable dans tous les cas oft l’in-
division r6sulte d’une convention librement contracte. z0o
Selon Laurent, les conventions d’indivision r~glementant le partage

seraient valides.

Nous croyons que l’opinion de Laurent doit 8tre retenue pour autant
qu’il affirme la possibilit6 de transiger sur la fagon dont le partage sera
effectu6.10 Nous croyons cependant que son opinion est quelque peu ex-
cessive lorsqu’il pretend que l’article 815 C.N. (ou l’article 689 du Code
civil) ne s’applique pas en mati~re conventionnelle.

D’autres auteurs’0 2 se sont pench6s sur ce probl~me en mati~re de so-
ci6t6 et ont conclu que ces conventions ne tombaient pas sous le coup de
l’article 689 du Code civil (ou de l’article 815 dans le cas des auteurs frangais).

100Laurent, supra, note 12, nos 233-4, aux pp. 264-5.
‘0oCette opinion est aussi soutenue par quelques auteurs’frangais, tels Josserand, supra, note

12, t. 1, no 1792, t Ia p. 927; Nerson, Fayard & Breton, supra, note 13, no 30.

102Delhay, supra, note 16, no 144, f la p. 220; Aubry & Rau, supra, note 12, t. 4., no 384,

aux pp. 567 et seq.

1984]

L’INDIVSION

Ainsi, Aubry et Rau, discutant de la fagon pour les associ6s de sortir de
1’indivision, 6noncent que:

Les parties ne peuvent pas, d’une mani~re absolue, s’interdire la facult6 de
demander la dissolution de la socit6 contract6e pour une dur6e illimit6e. Mais
il leur est loisible de remplacer cette facult6 par un moyen 6quivalent de sortir
d’indivision, par exemple en stipulant, pour chacun des associ6s, le droit de
c6der son int6r& A un tiers, qui entrerait dans la soci6t8 en son lieu et place.’ 0 3
Ces auteurs semblent donc admettre que si les associ6s ne peuvent
s’interdire de sortir de rindivision, ils peuvent A tout le moins pr6voir la
fagon dont ils pourront sortir de cet 6tat. Ce n’est pas le droit lui-meme qui
est vis6, mais la fagon de 1’exercer.

Roch et Par6 expriment la meme opinion: << Toutefois, le contrat de soci6t6 peut d6terminer d'avance le mode de partage >>.104

Un arr~t isol6, Hollinger c. Parker,10 5 a aussi reconnu la validit6 des
conventions de partage entre indivisaires conventionnels. Dans cet arret, le
juge a donn6 effet A une convention entre associ6s voulant qu’ils doivent
recourir P l’arbitrage plut6t qu’A 1’action en partage afin de partager les biens
de leur soci6t& Le juge s’y exprime dans les termes suivants:

Considering that conventions duly agreed to are a law for the parties thereto
which must be carried out in good faith and can only be set aside by the mutual
consent of the parties or for causes established by law. […]

Considering that defendants by their attorney at law prepared and drew
up the contract of transaction and arbitration in question herein and are es-
topped from complaining of or benefitting by their own act, negligence, im-
prudence or fault to the prejudice of plaintiff, especially when the annulment
demanded will not replace the latter in the same position in which he was
prior to the signing of the said contract between the parties herein on the request
of defendants which the latter voluntarily signed [… ] .106
Nous sommes d’avis que les parties ne pourraient pas s’interdire to-
talement de sortir de l’indivision. Cependant, comme pour toute r~gle li-
mitant les conventions, nous croyons que la prohibition de Particle 689 du
Code civil devrait atre interprtee restrictivement. Cette prohibition a W
6dict6e pour prot6ger les indivisaires d’un 6tat qu’ils n’ont pas recherch6.
Si on admet qu’a cause de la n6cessit6 de favoriser la libre circulation des
biens, les parties ne puissent convenir de demeurer perp6tuellement dans
l’indivision, on doit cependant admettre 6galement que si les parties ont

’03Aubry & Rau, supra, note 12, t. 4, no 384, A la p. 571.
’04H. Roch & R. Par6, Traite de droit civil du Qutbec [:] Du mandat, du prot, du d~p6t, de
la soci6t6, des rentes viagtres, des transactions, du jeu et pari, du cautionnement (1952), t. 13,
A la p. 488.

105(1926) 64 C.S. 432.
‘O6Ibid., aux pp. 434-5.

REVUE DE DROIT DE McGILL

[Vol. 29

convenu d’une fagon qui leur permet de sortir de l’indivision, leur enga-
gement doit atre respect6.

Nous croyons que le partage peut prendre diverses formes. Mrme si
comme tel le droit de sortir de l’indivision est d’ordre public, ce ne sera
qu’en rabsence de convention le r~glementant que les r gles du Titre des
successions s’appliqueront. Dans les autres cas, les roles pr~vues A la convention
pr~vaudront.

2. Droit d’intervenir dans la fin de l’indivision

Le premier alin~a de l’article 689 du Code civil traite du droit de sortir
de l’indivision. Or, si ce droit est d’ordre public, peut-on demander i un
tribunal de suspendre une action en partage pour quelque motif d’utilit6 ?

Le deuxi~me alinra de l’article 689 6dicte que:
I1 peut cependant etre convenu ou ordonn6 que le partage sera ditfer6 pendant
un temps limit6, s’il existe quelque raison d’utilit6 qui justifie ce retard.
Il est clair, d’apr~s cet article, que les indivisaires pourraient entre eux
retarder le partage, mais cet article permet-il A un indivisaire de s’adresser
au tribunal afin d’obtenir une ordonnance de suspension du partage ? C’est
la question A laquelle le juge Bruneau avait A rrpondre dans l’affaire Garber
c. Lake.10 7 Le juge, quoique d6cidant par ailleurs qu’on ne lui avait soumis
aucune raison de diflferer le partage, y fait une 6tude de l’utilisation du mot
<< ordonn6 >> de l’article 689. fI s’exprime en ces termes:

Le mot ordonni dans le second alin6a de l’article 689 du Code civil, ne signifie
pas, A mon avis, un ordre donne par le tribunal. Les codificateurs ne me pa-
raissent avoir employ6 cette expression que pour rendre la pens~e meme de
Pothier auquel ils ont emprunt6 l’article 689, et qui dit, en effet : < Si le testateur n'a pas d~fendu absolument le partage de ses biens, mais s'est content6 d'or- donner qu'il filt ditter6 jusqu'A un certain temps, [... ] jusqu'A la majorit6 de l'un de ses enfants, > cette disposition de sa volont6 doit etre suivie, et ce pour
la raison donn~e ci-dessus. 08
Le juge Bruneau y conclut donc que le tribunal n’a pas le pouvoir
d’ordonner la suspension du partage, que ce pouvoir est r6serv6 au testateur.
Quoique cette interpretation ait t6 reprise par la suite tant par certains
juges que certains auteurs, 10 9 d’autres arr~ts sont moins cat~goriques. I0 A

I07Supra, note 95.
108Ibid., A la p. 467.
’09Faribault, supra, note 14, t. 4, A la p. 394; Gauvin c. Gauvin (1932) 36 R.P. 162 (C.S.) A

la p. 162.

“Sauvageau c. Sauvageau (1938) 42 R.P. 286 (C.S.), ofi le juge dit simplement, A lap. 287:
< Consid6rant qu'il est au moins douteux que le tribunal puisse retarder une demande en partage [ ... I >%

1984]

UINDIVISION

la seule lecture de ‘article 689, on ne trouve rien qui puisse justifier une
interpretation restreignant au testateur la possibilit6 d’imposer un d6lai A
l’action en partage. On peut imaginer des justifications qui n’auraient pas
6t connues du testateur, mais qui, rMv616es au tribunal, peuvent l’inciter A
imposer un d6lai au partage comme l’aurait fait le testateur s’il les avait
connues.II De plus, si le 16gislateur avait voulu restreindre l’ordonnance
au bon vouloir du testateur, il l’aurait mentionn6. Le juge Bruneau, dans
‘affaire de Garber c. Lake,1 12 soutient que les codificateurs se sont inspires
de Pothier, ce qui semble 6vident. Nous ne croyons cependant pas qu’ils
‘ont voulu restreindre la port6e du mot << ordonn6>> dans ‘article 689 du
Code civil A un exemple donn6 par Pothier, ni lui donner force de loi. I
est d’ailleurs int6ressant de noter qu’A chaque fois que les tribunaux ont
refus6 d’accorder une demande de suspension, ils d6cidaient en meme temps
que les motifs invoqu6s au soutien de la requete 6taient insuffisants. 13 Les
remarques des juges relativement au pouvoir du tribunal peuvent donc 8tre
interpr~t~es comme des obiter dicta, puisqu’A chaque occasion, ils se sont
prononc6s sur le fond du litige.

Nous croyons donc que le d6bat n’est pas cos et que si une cause
suffisante ou un motif d’utilit6 6tait soumis au tribunal, celui-ci devrait
utiliser son pouvoir et accorder une permission qui entre dans le cadre du
second alin6a de rarticle 689 du Code civil.114

Nous avons maintenant compl6t6 la revue des droits des indivisaires,
que ceux-ci d~coulent de 1’exercice des attributs de leur droit de propri6t6
ou qu’ils r6sultent de la situation d’indivision en tant que tele. Les indi-
visaires n’6voluent cependant pas seuls dans la soci~t6. Comme tous les
autres d6tenteurs de droits reels ou m~me comme d~biteurs ayant A offrir
leurs biens en garantie, ils doivent A roccasion mesurer leurs droits avec
ceux des tiers. On doit donc s’interroger sur l’Stendue des recours que ces
tiers peuvent exerce4 que ce soit pendant l’indivision ou A la fin de l’indivision.

II. Droits des tiers

A cause de la nature particulire du droit des indivisaires sur le bien
consid6r6 comme une quote-part abstraite, 115 on doit distinguer entre les
droits que les tiers peuvent revendiquer sur la chose elle-meme et ceux que

“IIOn peut, par exemple, imaginer un cas ofi le testateur 1guerait sa maison A ses enfants
alors qu’elle serait occup~e par une de ses filles enceinte, le testateur ne connaissant pas cet
6tat.

” 2Supra, note 94.
“13Ainsi en fut-il d~cid dans les affaires de Garber c. Lake, supra, note 95 ; Gauvin c. Gauvin,

supra, note 109 et Sauvageau c. Sauvageau, supra, note 110.

1141article 1065 du Projet de loi 58 pr6voit la possibilit6 de recourir au tribunal.
IsMazeaud, supra, note 3, t. 2, v. 2, no 1311, A lap. 32.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 29

ces tiers peuvent revendiquer contre la part de l’indivisaire. Puis, A cause
de l’effet d~claratif du partage,I 6 on devra pr~ciser ult~rieurement les droits
des tiers apr~s le partage, selon qu’une portion du bien aura 6t6 attribute A
leur d6biteur ou selon que, suite au partage, le bien n’est pas mis A son lot.

A. Droits des tiers pendant l’indivision
1. Droits des tiers sur la chose ou sur le bien indivis

Deux situations peuvent se presenter: dans un cas, la cr6ance du tiers
peut naitre de l’indivision ou bien elle peut provenir du fait d’un indivisaire.
On se souviendra qu’un indivisaire ne peut en son propre nom consentir
des droits affectant la totalit6 de la chose. II peut cependant arriver que la
chose elle-m6me soit grev~e de charges, 1 7 ou que la cr~ance r~sulte de la
chose elle-meme.118 Dans ces cas, afin d’avoir un recours efficace contre
tous les indivisaires, le cr~ancier devra les poursuivre tous conjointement
s’il s’agit d’une cr6ance civile, ou solidairement s’il s’agit d’une cr~ance pour
laquelle le recours est solidaire. Ainsi, dans le cas ofi un indivisaire aurait
contract6 des dettes pour le b~n6fice commun dans le cadre de la gestion
d’affaire, le cr~ancier aura un recours contre tous les indivisaires.1 9

Si on envisage cependant la situation d’un cr6ancier dont les droits
proviennent du fait d’un seul indivisaire agissant autrement que pour le
b~n~fice de la masse, on devra conclure qu’il ne pourra revendiquer aucun
droit sur la totalit6 de la chose. Ii devra restreindre son recours i l’indivisaire
lui-meme et n’executer sa cr~ance que sur la portion indivise de son d~biteu 120

2. Droits des tiers contre un indivisaire
a. L’action en partage n’est pas une condition prealable

Le cr~ancier n’ayant une cr~ance que contre un indivisaire ou une
portion de la chose indivise, il ne peut
‘ex~cuter sur la totalit6 de cette
chose. On peut alors se demander si ce cr6ancier dolt n~cessairement intenter
une action en partage ou meme attendre que le partage ait 6t6 compl6t6
avant de chercher A executer sa cr~ance sur les biens indivis de son d6biteur.
Nous croyons qu’il est d6finitivement admis en droit qu6b6cois que le par-
tage n’est pas une condition pr~alable A l’exercice du recours du cr~ancier.121

” 6Article 746 C.c.
1″Article 740 C.c.
“8Tel serait le cas si un accident survenait suite i la d~t~rioration d’un immeuble indivis.

En vertu de l’art. 1055 C.c., ]a victime aurait un recours contre tous les indivisaires.

” 9 Article 1046 C.c.
12Club Canadien c. Beaudry, supra, note 86; Sigouin c. Ethier-Beauchamp, supra, note 64.
12’Caron & Binette, supra, note 63, no 176, A la p. 92; voir 6galement l’art. 1054 al.3 du

Projet de loi 58.

19841

L’INDIVISION

Th~oriquement, rien ne s’oppose A la fibre circulation des biens indivis.
Tout comme le propri6taire indivis peut vendre sa portion indivise sans le
consentement des autres indivisaires, un cr~ancier peut saisir cette portion
indivise et la faire vendre sans que le partage n’intervienne.

Dans raffaire de Club Canadien c. Beaudry,122 la Cour sup6rieure avait
rejet6 une opposition A une saisie immobili~re, jugeant que la saisie d’une
portion indivise 6tait valide. Comme la consequence judiciaire de la saisie
est la vente en justice, nous croyons que cet arrt admet implicitement la
possibilit6 d’une vente judiciaire sans recours A raction en partage.

Nous nous appuyons 6galement sur rarrt Cartier c. Boudreault,123 le-
quel traite sp~cifiquement de la vente en justice d’une part indivise d’un
immeuble. Cet arrat confirme que la demande de partage n’est pas pr~alable
i une action hypoth~caire. Cejugement fait, d’autre part, la distinction entre
les droits d~coulant de rindivision successorale et ceux dcoulant de l’in-
division conventionnelle. Le juge s’y exprime ainsi:

I n’y a pas de doute, d’apr~s notre loi, art. 2053 et 2021 C.c. auxquels cor-
respondent les art. 2204 et 2205 C.N., que r’action hypothcaire peut &tre prise
valablement sur la moiti6 indivise d’un immeuble. La loi ne fait exception
(art. 2021 C.c. et 2205 C.N.) qu’en matire de biens successifs, de communaut6
ou de societ6. 124

Partant de ce principe, le juge conclut que puisque

‘article 2021 du
Code civil ne s’applique pas en mati~re d’indivision conventionnelle, un
cr~ancier serait admis A faire vendre les immeubles poss~d6s en indivision
par son d6biteur. Nous croyons que cet arret, bien fond6 dans ses conclusions
puisqu’il permet la saisie et la vente m~me sans demande de partage, fait
un rapprochement incorrect en ce qui a trait A rarticle 2205 du Code Na-
poleon. D’une part, ‘article 2021 du Code civil ne fait r6frerence ni A l’in-
division successorale ni A rindivision communautaire ou soci~taire, et d’autre
part il ne correspond nullement A r’article 2205 du Code Napoleon. On sait
que par le biais des articles 1363 (maintenant abrog6) et 1898 du Code civil,
les r~gles relatives au partage de la masse indivise successorale sont appli-
cables au partage de rindivision post-communautaire et post-soci&taire. Faut-
il en conclure que Particle 2021 du Code civil ne s’applique qu’i ces par-
tages ? Le texte meme de l’article ne nous permet pas de conclure ainsi : il
est r~dig6 en termes g~n6raux, sans r~ferer aux r~gles r6gissant les succes-
sions. D’autre part, le texte de ‘article 2205 du Code Napoleon pr~voit
sp~cifiquement que les cr~anciers de rhritier doivent demander le partage
des biens indivis de leur d~biteur avant de poursuivre la vente de sa part

‘ Supra, note 86.
123Supra, note 65.
124Ibid., A la p. 130.

REVUE DE DROIT DE McGILL

[Vol. 29

indivise. Notre article est tout autre et pr6voit meme que les recours peuvent
tre exercs sur une part indivise.

En principe, nous croyons donc que dans tous les cas d’indivision, en
vertu du Code civil actuel, les cr6anciers peuvent poursuivre et r~aliser leurs
droits sur une part indivise puisque rien, meme en l’article 2021 du Code
civil, ne le prohibe.

b. Effets des conventions d’indivision

Nous avons d6jA conclu que les indivisaires peuvent convenir des mo-
dalit~s de la sortie de l’indivision. On doit maintenant s’interroger sur Pop-
posabilit6 de ces conventions A l’6gard des cr~anciers, syndics ou autres.

Le probl~me peut etre abord6 sous deux aspects. On peut d’abord se
demander si la convention fait partie int6grante du droit indivis au point
d’avoir un caract~re reel auquel cas la saisie ou cession du droit implique
un assujetissement A la convention. On peut aussi se demander si les cr6an-
ciers exercent leur recours de leur propre chef ou du chef de leur d6biteur,
auquel cas ils ne peuvent avoir plus de droits que leur auteur.

En ce qui a trait au premier aspect du problme, nous sommes d’avis
que la convention ne fait pas partie int6grante du droit indivis. La conven-
tion ne fait que confrrer un droit personnel aux indivisaires entre eux. Elle
cr~e l’obligation pour l’indivisaire de se plier aux contraintes pr6vues au
contrat.125 Ces contraintes sont cependant ind6pendantes du droit A une
quote-part du bien individis. De la m~me fagon qu’on conclut que le b6-
n6ficiaire d’une promesse de vente 26 ne pourra opposer son droit A un tiers
acqu6reur de bonne foi, on conclura que les indivisaires ne pourront opposer
leur convention d’indivision aux tiers. Ainsi, m~me dans les cas oil le droit
indivis aura 6t6 acquis par une convention, ceci n’impliquera pas n~ces-
sairement une confusion entre les droits reels et les droits personnels qui
d6coulent de la convention.

Les droits reels entreront dans le patrimoine de l’indivisaire et seront
le gage commun de ses cr~anciers,127 alors que les droits personnels ne seront
que des liens obligeant les indivisaires entre eux.

Le deuxi~me aspect du probl~me peut, en droit qu6b~cois, sembler
6vident. En effet, les cr~anciers exercent leurs recours de leur propre chef,
sauf, dans les cas exceptionnels de l’action oblique.128 I1 convient, cependant,

loi 58.

125Laurent, supra, note 12, no 242, A la p. 273 ; voir cependant l’art. 1053 al. 2 du Projet de
126Article 1476 C.c.
27Article 1980 C.c.
128Article 1031 C.c.

1984]

L’INDIVISION

de souligner qu’on doit se tenir A Fcart des r~gles du droit frangais, puisque
celui-ci comporte des r~gles particulires. En effet, les droits des crtanciers
y sont affectts par l’article 2205 du Code Napoleon remplac6, lors de l’adop-
tion de la loi frangaise du 31 d~cembre 1976, par l’article 815-17 alin~a 2.129
Ainsi, contrairement A ce qui prtvaut au Quebec, les cr~anciers ne peuvent
saisir et faire vendre la portion indivise de leur dtbiteur sans provoquer le
partage. Celui-ci, selon de nombreux auteurs, est provoqu6 en exergant les
droits du dtbiteur.130 Cette r~gle difere fondamentalement de notre r~gle
et a amen6 de nombreuses difficultts pratiques. On s’est alors longuement
interrog6 sur la port~e des conventions d’indivision sur les droits des cr~an-
ciers. 131 I1 semble A l’heure actuelle, en France, que seule la situation des
cr~anciers hypothtcaires anterieurs A l’indivision soit claire:

Ils ne peuvent pas voir leur action paralys~e par une convention d’in-
division. Pour ce qui est des crtanciers hypoth~caires post6rieurs et des
cr~anciers chirographaires, leur situation est incertaine. 132

On doit donc conclure qu’en droit qutbtcois, les conventions d’indi-
vision cr6ant des droits personnels aux indivisaires ne peuvent pas etre
oppos~es aux tiers,133 et qu’aucune aide ne peut 6tre recherch~e en droit
frangais.

c. Les tiers ne peuvent, sauf exception, demander le partage

Si on prend pour acquis qu’un crtancier peut saisir et faire vendre le
bien indivis de son dtbiteur, peut-on 6galement lui reconnaitre le droit de
provoquer Faction en partage ? Tel que mentionn6 dans la section prtc6-
dente, dans la l1gislation frangaise, ce droit trouve son origine dans l’article
815-17 du Code civil frangais (ancien article 2205 du Code Napol6on). Dans

2 9Cette disposition se lit en partie comme suit:

Les cr~anciers personnels d’un indivisaire ne peuvent saisir sa part clans les biens
indivis, meubles ou immeubles.
Ils ont toutefois la facult6 de provoquer le partage au nom de leur d6biteur ou
d’intervenir dans le partage provoqu6 par lui.

130Demolombe, supra, note 97, no 511, A la p. 485 ; R. Beudant, Cours de droit civilfranCais,

2c 6d. (1936), t. 5 bis, no 651, A la p. 304.

13tLaurent, supra, note 12, no 242, aux pp. 272-3 ; Sebag, La condition juridique des biens
des associations non dclares (1939) 38 Rev. trim. dr. civ. 65, no 38, A la p. 103 ; Lebret, Du
sort des droits consentis sur des biens indivis (1928) 48 Rev. crit. de l6gis. et de juris. 407, A la
p. 439; Aubry & Rau, supra, note 12, t. 10, no 622, aux pp. 145-148.

132Voir Nerson, Fayard & Breton, supra, note 13, nos 479-80.
1I31 est inttressant de noter que les articles 12.1 et 12.2 de la Loi modifiant la Loi sur la
SociWti gtnrale de financement du Quebec L.Q. 1983, c. 18 rendent opposables aux tiers
certaines conventions de droits indivis pass~es par la Socit6 gtnrale de financement. On peut
croire que si, en r~gle gtntrale, de telles conventions 6taient opposables aux tiers, le 16gislateur
n’aurait pas eu besoin d’amender la Loi expresstment pour le specifier.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 29

le code qu6b6cois, ce droit n’y est nulle part sp6cifiquement pr6vu. Nous
croyons que l’action en partage n’appartient donc qu’aux indivisaires..134 .
Puisque la demande en partage est a la fois un acte d’ali6nation et un
acte d’administration, on conclut donc que seuls ceux qui peuvent ali6ner
ou administrer une part indivise ont qualit6 pour provoquer le partage. Les
cr6anciers ne pourront exercer ce droit que lorsque leur d6biteur refuse ou
n6glige de le faire et qu’ainsi leurs droits sont pr6judici6s. Cette possibilit6
rel6ve toutefois des r~gles g6n6rales sur les obligations 35 et non des r~gles
relatives A l’indivision.

d. Limite des droits des tiers sur la chose en cas de vente en justice

Bien qu’en principe les cr6anciers aient le droit de faire saisir et vendre
le bien de leur d6biteur, leur droit sera affect6 par la nature ind6termin~e
du bien vendu. En effet, puisque ce bien n’est pas une part concrete, ils ne
pourront pas en demander le d6laissement, consequence qui serait naturelle
dans le cas d’un corps certain.

On peut certes opposer A ce raisonnement que l’usufruitier qui se voit
6vinc6, suite i l’action d’un cr6ancier du nu-propri6taire, se trouve dans la
meme position qu’un indivisaire ennuy6 par les cr6anciers de son coindi-
visaire. Nous croyons qu’il y a cependant une distinction A faire. En effet,
d’une part, le sort de l’usufrutier est sp6cifiquement pr6vu A l’article 2059
du Code civil et d’autre part, le droit de l’usufruitier porte sur un bien
d6termin6.

A ce sujet, l’affaire de Cartier c. Boudreault136 porte A confusion. En
effet, dans cette affaire, la cr6ance hypoth6caire de Dame Cartier ne portait
originairement que sur une moiti6 indivise. Cependant, suite A l’acquisition
par son 6poux de la seconde moiti6 indivise de l’immeuble hypothqu ,
l’hypoth~que qui avait 6t6 consentie a non domino sur tout immeuble, s’est
trouv~e valid6e par le jeu de l’article 2043 du Code civil. Alors, m~me si
on a ordonn6 le d~laissement de l’immeuble, 137 on peut dire que cette or-
donnance a 6t6 accord~e A un cr~ancier qui d6tenait une hypoth~que sur
tout l’immeuble. Nous croyons donc que cet arr8t ne peut 6tre interpr6t6
comme donnant droit au cr~ancier d’une portion indivise d’un immeuble
de requ6rir du d6tenteur le d6laissement de l’immeuble, et qu’en definitive
le cr~ancier hypoth~caire ne d6tient pas ce droit, pas plus que le cr6ancier
chirographaire faisant vendre en justice un bien indivis de son d6biteur. Les

134Voir Mayrand, supra, note 13, a ]a p. 272; voir 6galement Vaillancourt c. Vaillancourt

[1953] C.S. 67, plus particuliErement A la p. 69.

135Article 1031 C.c.
136Voir supra, note 64.
37Article 2061 C.c. et art. 697 C.p.c.
1

1984]

L’INDIVISION

auteurs franqais favorisent 6galement cette solution, 38 mais cette question
n’est soulev~e en France que lors de 1’examen des droits d’un indivisaire
de forcer un autre indivisaire A d~laisser un immeuble. En effet, dans ce
pays, comme le crdancier ne peut saisir et faire vendre le bien indivis, il ne
peut, A plus forte raison, requ~rir le d61aissement. Le raisonnement qui est
utilis6 A 1’6gard des relations entre les indivisaires est cependant applicable
au droit qu~b~cois puisque ce raisonnement repose sur l’impossibilit6 d’ob-
tenir le d6laissement d’une portion mat~rieflement d~termin~e de la chose.
En r~sum6, on peut dire que, pendant l’indivision, les droits des crean-
ciers, qu’ils soient chirographaires, 139 hypoth~caires140 ou qu’ils poursuivent
en dation en paiement,’ 41 pourront 8tre exerc~s sur le bien indivis de leur
d~biteur, mais qu’ils seront limits par la nature abstraite de ce bien.

B. Droits des tiers t la fin de l’indivision

Le crancier hypoth~caire qui s’aventure dans l’hypothque de biens indivis
doit, A tout le moins, se consid~rer comme spculateur et ne pas trop se fier
aux promesses que peut lui faire son constituant de remporter les honneurs
du partage. 142
Cette opinion fond~e, si on consid~re 1’effet cumulatif des articles 2021,
746 et 747 du Code civil, ne tient pas, A notre avis, suffisamment compte
de l’interpr6tation restrictive qu’en ont donn~e les tribunaux. Nous exa-
minerons donc ces dispositions, de meme que leur interpretation jurispru-
dentielle. L’article 2021 du Code civil se lit comme suit:

L’hypoth~ue sur une portion indivise d’un immeuble ne subsiste qu’en autant
que, par le partage ou autre acte qui en tienne lieu, le dbiteur demeure pro-
pritaire de quelque partie de cet immeuble; sauf les dispositions contenues
A l’article 731.

Cette r~gle qui veut que le partage soit d~claratif et non attributif de
propriet6, fait en sorte que la valeur 6conomique d’une portion indivise
d’un immeuble, ainsi que sa circulation, est fortement diminuee. Cette r~gle
est de plus complte par l’article 746, se lisant comme suit:

Chaque copartageant est cens6 avoir succ~d6 seul et imm~diatement A toutes
les choses comprises dans son lot, ou i lui 6chues sur licitation et n’avoir
jamais eu la proprit6 des autres biens de la succession.

138 Aubry & Rau, supra, note 63, no 342, i la p. 548 ; Laurent, supra, note 12, no 214, aux

pp. 246-7; Nerson, Fayard & Breton supra, note 13, no 263.

139Articles 1980 et 1981 C.c.
140Voir supra, note 65 ; Caron & Binette, supra, note 63, no 176, A Ta p. 92.
141Voir supra, note 64; Caron & Binette, supra, note 63, no 176, A la p. 92.
142Caron & Binette, supra, note 63, no 175, A la p. 92.

REVUE DE DROIT DE McGILL

[Vol. 29

La cons6quence de ces deux articles est que, malgr6 le fait que l’indi-
visaire puisse librement vendre ou hypothfquer sa portion indivise, les
droits qu’il peut ainsi consentir sont al6atoires puisque si aucune portion
de l’immeuble ne lui est attribu6e, il sera r6put6 n’avoir jamais eu aucun
droit sur cet immeuble. 143 II aura consenti des droits a non domino. Ce
principe 6tant pos6, il ne faut cependant pas conclure que le partage en-
trainera automatiquement l’an6antissement des droits des tiers. En effet, la
r~gle est le partage A l’amiable par repartition en nature des biens indivis.144
Le l6gislateur n’a nullement cherch6 les alias du partage : ce n’est que lorsque
les biens ne peuvent pas etre commod6ment partag6s qu’il y a lieu au tirage
au sort ou A la vente en justice. 14 5 Les cr~anciers peuvent m6me intervenir
afin de prot6ger leurs droits. 146 Es pourront ainsi 6viter l’effet d~claratif du
partage.
En effet, la r~gle de 1’effet d6claratif du partage doit etre limit6e aux actes
qui ont pour objet le partage. De plus, les tribunaux ont limit6 l’effet de ces
dispositions aux copartageants et ont fait en sorte que les tiers soient pr6judicies
le moins possible par ces r~gles.
Nous examinerons donc les conditions requises pour donner lieu A l’application
des articles 746 et 747 du Code civil.

1. Actes qui ont pour objet le partage

Qu’est-ce que le partage ? Pothier 147 enseigne que c’est l’acte qui a pour
objet le partage et la division entre les h6ritiers des biens d’une succession.
C’est l’acte, nous disent Faribault148 et Mignault, 149 qui fait cesser l’indi-
vision en faisant connaitre les biens A l’6gard desquels chaque h6ritier est
cens6 avoir succd6 seul au d6funt. Le partage est donc un acte qui a lieu
dans le cadre restreint des indivisaires entre eux, qui exclut tout 6tranger.150

1

43Laurent, supra, note 13, no 403, aux pp. 424-5 et no 417, A ]a p. 435; Mazeaud, LeCons
dedroit civil, 5e Ad., (1977), t. 3, vol. I, no 264; Beaudry-Lacantinerie, supra, note 12, no 1270,
A lap. 190 et no 1320, A la p. 216 ; Josserand, supra, note 12, t. 3, no 1216, aux pp. 744-5, et
t. 1, no 1787, aux pp. 923-4; Marty & Raynaud, supra, note 12, nos 60-2, A la p. 78; Aubry
& Rau, supra, note 63, t. 2, no 342, A la p. 547 ; Giverdon, supra, note 63, A la p. 371 ; Marler,
supra, note 17, no 895, A la p. 413 ; Monette c. Molleur, supra, note 65 ; Owens c. Chopin
(1911) 39 C.S. 213; Corporation de la Cit de Trois-Rivi~res c. Reburn (1895) 1 R. de J. 339
(C.S.).

144Article 697 C.c.
14SArticles 697, 698 et 705 C.c.
146Voir supra, note 144.
147Bugnet, supra, note 98, i la p. 154.
148Supra, note 14, A la p. 386.
149Mignault, supra, note 14, t. 3, i la p. 482.
150L’article 747 C.c. 6dicte d’ailleurs pr~cis6ment que (( [t]out acte qui a pour objet de faire
cesser l’indivision entre cohdritiers et 16gataires est r6put6 partage, encore qu’iI soit qualifi6 de
vente, d’6change, de transaction ou de toute autre manire ).

1984]

UINDMSION

Le partage est donc la repartition des biens indivis en lots d’egale valeur.
I1 peut 8tre fait A l’amiable ou etre provoqu. 15′ Leffet declaratif de l’article
746 du Code civil ne sera cependant attache qu’aux actes qui ont pour
<( objet >> le partage. 152

Les tribunaux ont interpret6 restrictivement ces articles. Laffaire Varin
c. Gurin153 en est un exemple frappant. Dans cette affaire, un man avait
hypothequ6 sa part d’un immeuble faisant partie de la communaute. Suite
au deces de son epouse, il vend sa part A son coproprietaire, heritier de sa
femme. Suite A cette vente, le constituant de l’hypotheque n’avait plus aucun
droit dans l’immeuble alors que l’acquereur devenait l’unique proprietaire.
Malgr6 ces faits, la Cour de revision a juge que l’hypotheque continuait de
grever la part invendue. La Cour statue en ces termes:

Considrant que Louis Gu~rin pouvait valablement hypoth~quer et vendre
comme il
‘a fait sa. moiti6 indivise dans l’immeuble en question, que cette
vente n’a pas et ne peut avoir aucun caract~re de licitation entre cohritiers,
que ‘action hypoth6caire 6tait bien dirig6e contre la moiti6 indivise dudit Louis
Gu~rin [.. ] .154

La Cour limite donc l’effet combine des articles 746, 747 et 2021 du
Code civil aux actes intervenus entre les coheritiers. Cet arrat a fait l’objet
de critiques.155 On a tente de l’expliquer 56 en soutenant que si le legislateur
avait voulu que l’article 2021 du Code civil ait le meme effet que
‘article
747 du Code civil, il ‘aurait mentionne. On pretend aussi que ‘article 747
du Code civil ne regoit d’application qu’entre coheritiers ou colegataires,
alors que l’article 2021 du Code civil peut comprendre toute espce de
proprietaire indivis. Nous croyons que cet arret est difficilement conciliable
avec l’article 1363 du Code civil (maintenant abroge) qui refere, en matiere
de communaute de biens, aux regles sur les successions.

Un autre arrt met egalement en relief l’interpretation restrictive don-
nee par les tribunaux A ‘article 746 du Code civil. I1 s’agit de raffaire Mar-
ceau c. Lefaivre157 Dans cette affaire, un d6bat s’etait eleve sur la validite
d’une hypotheque consentie par une indivisaire. Suite A la cession A un
coindivisaire, la constituante de l’hypotheque ne detenait plus aucun droit
dans l’immeuble. La Cour a alors statue que pour que l’alienation d’un bien
determine ait 1’effet d’un partage, il faut une intention expresse des parties

‘S’In re Desjardins: Mass c. Poirier [1956] B.R. 545 ; Dufort c. Chicoine (1887) 3 M.L.R.

211 (C.S.).

152Article 474 C.c.
153Voir supra, note 69.
154Varin c. Gurin, supra, note 69, A la p. 33.
55Caron & Binette, supra, note 63, no 173, A la p. 91 ; Mayrand, supra, note 14, A Ia p. 375.
t56Caron & Binette, supra, note 63, no 174, A la p. 91.
157[1955] B.R. 489.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 29

cet effet : il faut que l’acte ait pour objet >> le partage. Cet arrt, mal-
heureusement, n’indique pas si l’immeuble en question 6tait le seul bien
sur lequel portait l’indivision.158 On peut cependant conclure que l’acte
qu’on invoque doit avoir 6t6 pos6 par les parties dans le but d’en venir A
un partage159 et que si un cr6ancier peut prouver que tel n’est pas le cas,
les droits subsisteront m~me si l’indivision a pris fin.

2. Adjudication A un tiers

On a vu que les tribunaux interpr6taient restrictivement l’article 747
du Code civil. Leur attitude s’est 6galement manifest6e en ce qui a trait A
l’application des articles 746, 747 et 2021 du Code civil. On se souviendra
que l’article 747 du Code civil veut que les actes qui ont pour objet de faire
cesser l’indivision entre coh6ritiers soient r6put6s actes de partage. On peut
d~s lors imaginer que la fin de l’indivision intervienne par l’attribution du
bien indivis A un tiers, suite A une vente ou A une licitation. Suite A une
interpr6tation restrictive de l’article 747, les tribunaux, soutenus par la doc-
trine, en concluent que si l’immeuble est attribu6 i un tiers, cette attribution
n’aura pas un effet d6claratif, puisqu’il ne s’agit pas d’un acte intervenu dans
le cadre restreint des coindivisaires.1 60

3. Adjudication i un coindivisaire

Le d~sir des tribunaux de prot6ger les tiers s’est manifest6 avec beau-
coup d’acuit6 dans les cas oft le bien indivis a 6 attribu6 A un coindivisaire.
En effet, c’est le cas vis6 par les articles 746 et 747 du Code civil. Le principe
veut que celui A qui ne revient aucune partie du bien est cens6 n’avoir
jamais en la capacit6 de consentir de droit sur ces biens. 161 Pour que le
principe soit applique, les tribunaux ont cependant exig6 qu’aucune partie
du bien ou aucun montant repr6sentant le bien ne soit attribu6 au copar-
tageant. Ainsi, si un immeuble est vendu et qu’une partie du prix de vente
est attribute au d6biteur, le cr~ancier pourra faire valoir ses droits sur cette
portion du prix de vente.162 Cette interpr6tation est attrayante puisqu’elle
assure une protection des droits des tiers. Elle nous semble par ailleurs

158Si l’immeuble n’i6tait pas le seul bien dd la masse indivise, on pourrait comprendre plus

facilement que le partage n’ait pas

t6 complt.

159Voir galement In re Desjardins: Massi c. Poirier supra, note 151, oft la Cour a dkcid
qu’une vente avait pour objet le partage et que partant, les ayants droit du vendeur n’avaient
aucun droit dans r’immeuble puisque le cessionnaire 6tait cens6 avoir toujours 6t6 propri6taire.
’60Ripert & Boulanger, supra, note 16, no 2753, A ]a p. 905; Faribault, supra, note 14, a ]a

p. 576; Banque de St-Jean c. Nolin (1917) 51 C.S. 138.

’61Monette c. Molleur, supra, note 65; Corporation de la citM de Trois-Rivires c. Reburn,

supra, note 143.

’62Perras c. Banque Provinciale du Canada [1956] B.R. 731 ; Quintal c. Banque de Jacques.

Cartier(1901) 10 B.R. 525.

1984]

1INDIVISION

6tonnante eu 6gard au principe inscrit en toutes lettres A l’article 746 du
Code civil.

Examinons plus en d6tail l’affaire de Perras c. Banque Provinciale du
Canada.163 Dans cette affaire, deux 6poux poss~daient en commun un im-
meuble. Post6rieurement au d6c~s de son 6poux, Madame Archambault
hypoth~que sa part indivise. Suite A une action en partage, l’immeuble a
6t6 adjug6 A un des hritiers de son man. L’application du principe de
l’article 746 du Code civil aurait normalement amen6 la Cour A statuer que,
puisque Dame Archambault 6tait cens6e n’avoir jamais eu de droit sur
l’immeuble, aucun cr6ancier ne pouvait pr~tendre d6tenir de garantie du
chef d’une personne qui n’ajamais W propriftaire. La Cour fait cependant
un raisonnement tout autre. Elle d6cide que l’article 746 ne peut avoir d’effet
qu’entre les copartageants et qu’en consequence il ne peut pr6judicier aux
droits des cr~anciers d6tenant des garanties du chef des indivisaires.

On constate que la philosophie sous-jacente a cette interpr6tation est
la meme que celle qui a donn6 lieu aux r~gles r6gissant l’adjudication d’un
bien indivis A un tiers. Les tribunaux s’efforcent de limiter aux copartageants
1’effet de l’application du principe de l’effet d6claratif du partage. En con-
s6quence, meme s’il ne faut pas minimiser les al6as du partage, on peut
chercher un support dans l’attitude des tribunaux.

Nous croyons donc que les tiers ne sont pas d6pourvus de recours: ils
peuvent agir pendant l’indivision sur le bien de leur d6biteur, ils peuvent
intervenir pendant le partage afin de prot6ger leurs droits, ils peuvent aussi
contester le fait qu’une transaction ait pour o objet >> de partager les biens
et ils peuvent enfin revendiquer une certaine preference sur le prix de vente
lorsqu’ils d6tiennent des garanties sur ce bien.

IV. Convention d’indivision: clauses sugg~r~es

Dans la pr~sente 6tude, nous avons voulu favoriser une approche pra-
tique. Cette approche ne pouvait pas etre adopt6e sans avoir, d’une part,
explor6 les fondements lgaux de cette situation de droit et de fait. Notre
but ne serait d’autre part pas atteint si l’expos6 des principes que nous avons
fait dans un premier temps n’ftait pas concr~tis6, dans un deuxi~me temps,
par la suggestion de quelques clauses que les parties devraient inclure dans
une convention d’indivision.

Notre but n’est pas de r6diger un contrat-type pr6voyant les descriptions
techniques des portions, non plus que tous les d6tails de la vie quotidienne

163Perras c. Banque Provinciale du Canada, ibid.

REVUE DE DROITDE McGILL

[Vol. 29

des indivisaires. 164 Chaque contrat doit
re personnalis6 et adapt6 aux be-
soins sp~cifiques des parties. Nous voulons cependant sugg~rer certaines
clauses qui sont, A notre avis, utiles, eu 6gard aux situations juridiques qui
ont fait robjet de l’expos6.

Nous formulerons donc quelques clauses tout en indiquant A ‘occasion

les raisons pour lesquelles nous les sugg6rons.

1. But de la convention d’indivision

Le but de la pr~sente convention de propri6t6 indivise est de pr6ciser les droits
des parties en ce qui a trait A l’acquisition en indivision, ‘habitation, ]a pos-
session, la jouissance, ‘entretien,
‘administmtion et la gestion en commun,
ainsi que la cession des intrets d’un ou des indivisaires dans l’immeuble.

Nous avons opt6 pour une convention d’indivision plut6t que pour un
contrat de soci~t6, afin d’ viter 1’6cueil pr~sent6 par une fin pr~matur~e du
contrat pouvant d~couler de la mort d’un des associ~s, 165 de rinterdiction
d’un des associ~s,166 de la faillite d’un des associ~s 67 ou encore de la volont6
de l’un des associks de ne plus 6tre en socit6.168 En effet, le contrat serait
alors caduc, et les dispositions d’une utilit6 douteuse. Ce choix est 6galement
justifi6 par le fait que ‘association de personne n’a pas nfcessairement comme
but de faire des profits ; il n’y aurait alors pas d’animo societatis. Les r~gles
particulires au contrat de soci&t6, telles le mandat,169 la responsabilit6 en-
vers les tiers,170 seront cependant empruntes, tout en en pr~cisant les linites.
2. Terme

La convention a une dur~e de dix ans, cette p~riode 6tant renouvelable au-
tomatiquement A son expiration. Les indivisaires peuvent cependant en tout
temps y mettre fin par un vote unanime.
On se souviendra que le droit qu~b~cois contrairement au droit frangais
n’impose pas le d6lai de cinq ans. Bien que le terne de dix ans ne soit pas
nfcessaire au bon fonctionnement de rindivision, il est ici stipul6 pour
manager
‘application du second alina de ‘article 689 du Code civil. La
convention pourra donc durerjusqu’au bon vouloir des indivisaires, lesquels
pourront y mettre fin par un vote unanime. Si Pun des indivisaires veut
sortir de l’indivision, il devra se pr6valoir de la clause 16 pr~vue ci-dessous.

164Pour un exemple de contrat-type comprenant ces clauses, voir Lalibert6, < Les avantages et desavantages de ]a copropri6t6 divise et indivise >) in Cours deformation professionnelle d
Barreau du Quebec (1982-3), t. 3, 307, aux pp. 318 et seq..

165Article 1892 al. 5 C.c.
166Article 1892 al. 6 C.c.
167Article 1892 al. 6a C.c.
168Article 1892 al. 7 C.c.
69Articles 1849 et 1856 C.c.
170Articles 1836 et 1854 C.c.

1984]

L’INDMSION

La pr~sente convention de propri~t6 indivise n’est pas r~sili~e par le d~e~s, la
faillite ou par l’interdiction d’un des indivisaires.
I1 nous parait utile d’ clairer un des effets du choix fait A la clause 1

stipul6e plus haut.

3. Repartition des parts

La part de chacun des indivisaires est r6partie de la fagon suivante:

(determination en fractions de 1/3, 1/6, etc.)

I1 nous apparait n6cessaire de d6signer la part de chacun des indivisaires
en fixant une fraction de l’ensemble de l’immeuble, puisque c’est justement
cette fraction qui dterminera la valeur du vote a l’assembl~e des indivi-
saires, de mme que la part de la contribution respective de chacun des
indivisaires.

Chacun des indivisaires a, sur sa partie exclusive, un droit d’habitation pour
lequel il est dispens6 de fournir caution. Chaque indivisaire doit maintenir sa
partie exclusive en bon 6tat d’entretien et de r~paration.Les ameliorations et
additions apport~es par chaque indivisaire i sa partie exclusive lui profiteront
personellement.

Chacun des indivisaires a, sur les parties communes, un droit d’usage pour
lequel il est dispens& de fournir caution. Chacun des indivisaires devra utiliser
et jouir des parties communes de mani~re A ne pas nuire A l’utilisation et a la
jouissance des autres indivisaires. Les ameliorations et additions apport~es aux
parties communes, que ce soit par l’un des indivisaires ou par l’administrateur,
profiteront A l’ensemble des indivisaires en proportion de leur part respective.

Puisque le droit de propri6t6 indivis est un droit abstrait qui n’est
dristallis6 dans aucune partie de l’immeuble, la convention doit d6terminer
le situs physique de l’exercice des droits de l’indivisaire. Nous avons choisi
de qualifier de droit d’habitation le droit qui sera exerc6 sur la partie ex-
clusive. Ce choix doit 6videmment etre modifi6 si les parties se proposent
d’utiliser l’immeuble A des fins commerciales. D’autre part, nous avons
qualifi6 de droit d’usage le droit qui sera exerc6 sur les parties communes.1 71

4. Mandat

Les parties conviennent de mandater ( nom ) A titre d’administrateur pour une
p6riode d’un an et de lui confier la responsabilit6 de l’administration courante
de rlimmeuble. L’administrateur doit, entre autres, veiller au maintien de l’ordre
et de la tranquilit6, A l’entretien et aux r6parations des parties communes,
intervenir au cas oil un indivisaire ne respecte pas les obligations pr6vues aux

17’Ces droits d’usage et d’habitation seront soumis aux r~gles contenues aux arts 487et seq.,
C.c. Les modalit~s de transmission des droits et usages sont pr6vues A la clause 12 ci-dessous.

252

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 29

pr~sentes, et gnralement poser les actes n~cessaires A l’accomplissement des
devoirs pr6vus par les pr~sentes.

L’administrateur doit tenir des registres comptables et preparer les 6tats finan-
ciers. L’administrateur doit permettre aux indivisaires l’acc~s A tout document
ou A toute information ayant trait A l’administration et A ]a gestion de rimmeuble.

Dans tous les cas, radministrateur doit agir en bon pre de famille et n’en-
courra, dans ‘exercice de son mandat, aucune responsabilit6 personnelle.

En cas d’absence ou d’incapacit6 d’agir de l’administrateur, Pun des indivisaires
peut poser tout geste urgent et utile. Dans un tel cas, l’indivisaire est soumis
aux obligations et b~n6ficie de la m~me protection que celle accord~e A Pad-
ministrateur au paragraphe precedent.
Comme nous avons choisi d’opter pour une convention de propri6t6
indivise plut~t que pour un contrat de socit6, il n’y a pas de mandat pr6-
sum6. Par cette clause, il devient clair que les indivisaires mandatent ex-
press6ment un administrateur pour agir en leur nom. D’autre part, en cas
d’absence ou d’incapacit6 de ‘administrateur, nous croyons utile de pr~ciser
une r~gle qui, tr~s claire en droit frangais, n’a pas 6t6 6tablie au Qu6bec.
Ainsi, un indivisaire pourra b6n6ficier contractuellement des ragles de la
gestion d’affaires.
5. Assembl6e annuelle

Les parties conviennent de tenir annuellement une assembl~e A ( date).

Les points suivants devront 8tre discut6s A l’assembl~e annuelle:

1) la ratification des actes et d6cisions de l’administrateur, de meme que le
renouvellement de son mandat;

2) l’valuation de l’immeuble;

3) la dtermination des sommes A 8tre payees mensuellement par chaque in-
divisaire pour les d6penses de l’ann6e A venir.

6. Assembl6e sp6ciale

Si certaines d~cisions d6passent le cadre de I’administration courante, ou ne
sont pas r6gies par les pr6sentes, l’administrateur doit convoquer une assembl~e
sp6ciale des indivisaires.

Un indivisaire peut en tout temps requ6rir ‘administrateur de convoquer une
assembl~e sp~ciale.

7. Vote

Chaque indivisaire b~n6ficie d’une voix 6quivalant A la valeur de sa fraction.
Les d6cisions devant 8tre discut~es A l’assembl~e annuelle et ( 6numdration
des autres dcisions ) sont d~cid~es A la majorit6 des voix.
I1 est important de pr6voir que certaines d6cisions puissent 8tre prises
par un vote majoritaire, afin d’6viter que l’assembl6e ne soit continuellement

1984]

L’INDVISION

entrav~e par un indivisaire capricieux ou meme irresponsable. Ainsi, cer-
tamines r6parations importantes pourraient etre bloqu~es par des voix mi-
noritaires. En pr6voyant que de telles d6cisions puissent etre prises A la
‘une des critiques les plus v6h6mentes port6e
majorit6 des voix, on contre
contre l’indivision : celle qui veut que ce syst6me soit si facilement paralys6
par un indivisaire isol6.

Toutes les autres decisions doivent faire l’objet d’un vote unanime.

8. Responsabilit6

Les indivisaires sont conjointement responsables des d6penses encourues par
‘administrateur pour le b~nffice commun des indivisaires.

Nous n’avons pas ici stipul6 de solidarit6. Nous croyons que les cr6an-
ciers pourraient avoir inter&t dans leur relations avec les indivisaires, A la
stipuler car le contrat 6rant de nature civile, la solidarit6 ne sera pas prsume.

La contribution de chaque indivisaire aux d6penses communes est cependant
r~partie entre eux en fonction de la valeur relative de sa fraction.

Chaque indivisaire est personnellement responsable des d~penses encourues
par l’administrateur pour l’entretien ou les reparations effectufes pour sa partie
exclusive.

9. Paiement des d6penses

Chaque indivisaire doit payer mensuellement, A titre de contribution aux d6-
penses communes, le montant d6termin6 lors de l’assembl~e annuelle.

10. Dp~t

Pour garantir le paiement de la contribution mensuelle, de meme que pour
garantir le paiement des frais encourus par l’administrateur pour le b~n6fice
d’un indivisaire, chaque indivisaire s’engage A d6poser, lors de l’acquisition de
sa fraction, une somme de ( $).

11. D6faut

Au cas de d~faut d’un des indivisaires de respecter les obligations impos~es
par les pr~sentes, l’administrateur peut, apr~s un pr~avis de soixante jours A
l’indivisaire en d6faut, lui retirer son droit de vote, op6rer compensation A
meme son d~p6t pour toutes sommes n6cessaires pour payer les d~penses dont
il est responsable, lui retirer son droit d’usage et d’habitation, et vendre ses
droits dans l’immeuble pour un prix 6gal ou sup6rieur i ( % ) de l’6valuation
telle que fix~e d la derni~re assembl~e annuelle. Le mandat de l’administrateur
pour agir en cas de d6faut ne peut etre r6voqu6. Tout autre indivisaire peut
alors se porter acqu~reur des droits de l’indivisaire en d6faut.

GrAce A ce m~canisme de sanction, l’administrateur s’assure des recours
efficaces contre l’indivisaire en d6faut. L’administrateur est ainsi assur6 d’un

REVUE DE DROIT DE McGILL

[Vol. 29

mandat sp~cifique et irr6vocable de confisquer et vendre les droits de rin-
divisaire en d6faut.172

Une autre m6thode utilis~e par certains praticiens est l’hypothque en-
trecrois6e. Par cette clause, chaque indivisaire donne sa part en garantie de
l’ex6cution de ses obligations. Nous avons plut6t favoris6 le principe du
mandat de vendre, qui est une forme nouvelle de dation en paiement.
12. Ali6nation et cession

Tout indivisaire a le droit de vendre ou de ceder ses droits dans l’immeuble.

Cette clause illustre le fait que le droit de propri6t6 indivis est suscep-
tible d’8tre ali6n6 par rindivisaire. I1 6tait cependant n6cessaire de pr~ciser
que lors de l’ali6nation ou de la cession, rindivisaire ne peut pr6tendre
confierer de droits sur aucune autre portion que la sienne.

Cette vente ou cession est conditionnelle A ce que rindivisaire ait pr~alablement
pay6 toutes ses contributions aux d~penses de l’immeuble. Tout solde impay6
deviendra alors dfi et exigible. L’administrateur interviendra alors pour voir
au paiement de tout solde impay6.

Cette vente ou cession est 6galement conditionnelle a ce que l’acheteur ou le
cessionnaire s’engage A adherer aux termes et conditions des pr6sentes. L’ad-
ministrateur devra intervenir, au nom des indivisaires, afin de s’assurer de
l’adh~sion du nouvel acqu~reur aux termes et conditions des pr~sentes. A
d~faut par l’acqu6reur d’assumer les termes et conditions des pr6sentes, celui-
ci ne b~n~ficiera d’aucun droit d’usage ou d’habitation dans l’immeuble.

Comme le droit d’usage et d’habitation n’est pas, sauf stipulation des
parties, 173 cessible, 174 le m~canisme d~crit A cette clause facilite la libre
circulation du bien indivis, en assurant aux autres indivisaires le respect de
la convention.

Toute vente est de plus conditionnelle i ce que l’indivisaire offre pralablement
aux autres indivisaires
‘option de se porter ses droits de proprit6 dans rim-
meuble. Cette offre doit 6tre transmise par 6crit A radministrateur au moins
quatre-vingtjours avant la date projet~e pour la cession. L’administrateur doit
imm~diatement, par 6crit, transmettre cette offre aux autres indivisaires. Tout
indivisaire qui desire se pr~valoir de l’offre doit le faire dans les trente jours
de la reception de l’offre transmise par ‘administrateur. Si plusieurs indivisaires
se pr6valent de leur droit, chacun d’eux peut acqurir une fraction de la part
offerte, proportionnelle A son int6r& par rapport A 1’ensemble des int6r~ts de
ceux qui exercent ce droit. Toute vente qui intervient sans que le vendeur n’ait

172Article 1703 C.c.
173Marler, supra, no 249 i la p. 102, et no 839, A la p. 390.
174Article 497 C.c. ; en pratique, pour contourner l’art. 497 C.c., on peut aussi pr6voir quc
‘administrateur qui, muni du mandat des indivisaires, conc~dera les

dans tous les cas, ce sera
droits d’usage et d’habitation.

1984]

1INDIVISION

pr~alablement respect6 les conditions des pr~sentes n’a pas pour effet de trans-
mettre le droit d’usage nile droit d’habitation.
Si le projet pr~sent6 par rOffice de rvision du Code civil est adopt6,

le droit de preemption sera automatique.
13. Hypothque

Tout indivisaire a le droit d’hypothquer sa quote-part.

De m~me que pour le cas d’ali6nation ou de cession, nous croyons qu’il
faut limiter au minimum les restrictions conventionnelles du droit de pro-
pri~t6 indivis. Nous avons not6 que, dans de nombreuses conventions d’in-
division, les parties stipulent une interdiction d’hypoth~quer le droit de
propri~t6 indivis. Nous croyons, au contraire, qu’il faut favoriser ‘utilisation
de tous les avantages d~coulant d’un tel droit. Comme nous avons conclu
dans la premiere partie de 1’tude que l’indivisaire pouvait hypoth~quer son
droit de propri~t6, nous croyons qu’un m~canisme de contr6le ad6quat est
pr~ferable A une interdiction pure et simple d’hypoth~quer.

Ce droit d’hypoth~quer est conditionnel A ce que l’administrateur soit inform6
des termes et conditions de racte d’hypoth~que et A ce que la valeur de rhy-
poth~ue ne soit pas sup~rieure A ( % ) de Ia valeur de sa fraction 6tablie, en
tenant compte de l’6valuation d~termin~e A la demi~re assemble annuelle.

Advenant le cas oaT un indivisaire, ayant ainsi hypoth~qu6 ses droits dans
1’immeuble, ferait d~faut de remplir quelque obligation d~coulant de l’acte
d’hypoth~que, radministrateur pourra remdier au d~faut. Dans un tel cas, les
recours prvus i la clause 11 des pr sentes pourront etre utilis~s par ladministrateur

14. Location

Tout indivisaire aura le droit de louer ses droits dans I’immeuble et dans les
pr~sentes, A condition, toutefois, que le locataire s’engage A respecter les termes
et obligations des pr~sentes, et a condition que telle location ait
t6 approuv~e
par 1’administrateur.
Puisque l’indivisaire ne possde qu’un droit de propri~t6 abstrait, il ne
pourrait th~oriquement pas louer une partie quelconque de rimmeuble.
Cependant, la stipulation conventionnelle de ce droit, ajout~e au fait qu’un
droit d’usage et d’habitation a W coniTr6, comblent cette lacune. Si les
parties ins~rent dans leur contrat une clause pr~voyant la location, elles
doivent 8tre conscientes qu’elles seront assujetties A la R~gie du logement.
15. Faillite, privilfge, interdiction ou autre charge

Au cas de faillite d’un indivisaire ou si un indivisaire tombe sous le coup d’un
jugement susceptible d’ex~cution contre rimmeuble, ou si une hypoth~que
lfgale, judiciaire, une action, une saisie, un privilege concernant un indivisaire
ou autres droits prjudiciables aux autres indivisaires est enregistr6 ou est
susceptible d’Etre enregistr6 contre l’immeuble entier, ‘administrateur pourra
alors se pr~valoir des recours pr~vus par la clause I I des pr~sentes.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 29

Les seules charges permises sont celles portant sur la part de l’indivisaire.

16. Fin de la convention

Les parties s’engagent, pour une p~riode de dix ans, p~riode renouvelable A
son expiration, a ne pas requ~rir le partage ou ]a licitation de l’immeuble ou
des droits resultant de la pr~sente convention. Les parties reconnaissent qu’elles
ne peuvent mettre fin A l’indivision qu’en ali6nant leurs droits conform~ment
A ]a clause 12 ci-haut stipul~e.

Si un indivisaire requiert le partage, l’administrateur, apras avoir requis le
consentement de tous les autres indivisaires et avoir pourvu au moyen de
financer telle decision, peut lui permettre de sortir de l’indivision en se portant
acqu~reur de sa part et en payant une somme 6gale f ( 6 ) de la valeur de ]a
part de l’indivisaire, calcule en fonction de l’6valuation fix~e A la derni~re
assembl~e annuelle.

Nous avons d6jA vu, dans la premiere partie de 1’6tude, que l’interdic-
tion de
‘article 689 du Code civil ne vise que la sortie de l’indivision, et
non la renonciation A un partage judiciaire. Nous avons donc pr6vu un
mfcanisme soustrayant les indivisaires du recours A ‘action en partage.

Les indivisaires forment une association. Cette association fonctionnera
harmonieusement si chacun des indivisaires est conscient des droits de ses
pairs. Nul contrat ne peut prot~ger une partie contre une attitude n6gative
de la part d’un des cocontractants. Nous avons tent6 de trouver une formule
permettant aux parties de profiter au maximum des attributs attaches A leur
bien. La rdaction des clauses que nous avons proposfes tente d’6tablir le
difficile 6quilibre de l’exercice individuel de chacun des membres de la
collectivit6.

Conclusion

Dans le domaine du droit, les donn6es sont fournies d’une part par les
textes l6gislatifs et d’autre part, par l’interpr6tation des principes fonda-
mentaux du droit. L’indivision fait figure de parent pauvre. Pour des raisons
historiques et sociales, le l6gislateur n’a pas jug6 bon de se pr~occuper de
l’indivision. II a laiss6 aux parties le soin de s’entendre entre elles, tout en
pr6servant leur droit de mettre fin A cette situation ds que le consensus ne
pouvait plus atre atteint. Tant que l’indivision demeurait une affaire fa-
miliale ou une situation transitoire suivant la dissolution d’un regime ma-
trimonial ou d’une socit6, une attitude non interventionniste pouvait etre
justifi~e.

Les juristes qu6b~cois semblent avoir pris conscience de l’6volution des
mentalit6s et des changements dans la situation 6conomique. Les disposi-
tions du Projet de Code civil et du Projet de loi 58 en sont la marque.

1984]

I8NDIVISION

Ces dispositions sont sommaires. Les r~gles qui y sont pr~vues consti-
tuent cependant une am6lioration par rapport au vide presque total qu’on
connalt actuellement. En effet, on y pr6voit maintenant quelques modalit6s
quant A l’administration de la chose.175Le droit d’utiliser la chose fera l’objet
d’une consecration statutaire. 176 Quelques conditions d’alination y sont
6galement 6dict~es. 177 I1 y est pr~vu la possibilit6 de recourir au tribunal
pour maintenir l’indivision si une demande de partage est faite en temps
inopportun. 178

Les Projets comportent cependant certaines lacunes. En effet, rien n’est
pr~vu en ce qui concerne l’attribution des fruits ou le droit pour un des
indivisaires de b~n6ficier de la plus-value ou des biens qui sont unis A la
partie dont il jouit. Nous croyons de plus que les r~dacteurs auraient pu
6claircir la situation juridique des cr~anciers d’un indivisaire dans le cas ofi
le bien est attribu6, lors du partage, A un tiers ou i un coindivisaire. Nous
avons vu que leurs droits sont maintenant r~gl~s uniquement par une in-
terpr~tation jurisprudentielle, laquelle n’est pas toujours 6vidente. Qu’en
sera-t-il apr~s l’adoption du Projet ? Les tribunaux d~cideront-ils encore que
les r~gles du partage ne peuvent avoir d’effet qu’i l’6gard des copartageants ?
Suivra-t-on le principe maintenant 6tabli par les tribunaux voulant que
lorsqu’un bien est attribu6 A un tiers, les hypothques continuent de grever
le bien? Larr& Perras c. Banque Provinciale du Canada79 sera-t-il re-
connu ? Comme les Projets ne traitent pas de ces principes, il est probable
qu’on pourra s’y rfierer. Nous aurions cependant appreci6 que ces principes
soient clarifies dans un texte pr~cis.

Les r~dacteurs auraient pu s’inspirer un peu plus abondamment de la
nouvelle loi frangaise r~gissant l’indivision.180 Les dispositions relatives aux
fruits et revenus de l’indivision sont particuli~rement int~ressantes. On y
pr~voit notamment que s’ils ne sont pas r~clam~s, ils accroissent A la masse;18’
cependant s’ils sont pergus par un indivisaire, ses coindivisaires ne pourront
les lui r~clamer s’il s’est 6coul6 cinq ann~es depuis leur encaissement. De

175Articles 184 i 189 du Livre IV du Projet de Code civil et arts 1059 i 1063 du Projet de

loi 58.

176Article 190 du Livre IV du Projet de Code civil et art. 1056 du Projet de loi 58.
177Articles 191 et seq. du Livre IV du Projet de Code civil et art. 1055 du Projet de loi 58.
178Article 200 du Livre IV du Projet de Code civil et art. 1065 du Projet de loi 58.
179Perras c. Banque Provinciale du Canada, supra, note 160. On se rappellera que, dans cet
arr~t, la Cour d’appel a d~cidE qu’un crancier hypoth6caire conservait son droit de pr~ference
sur le prix de vente en justice, m~me si l’immeuble 6tait adjug6 i un copartageant.

lOLoi no 76-1286 du 31 decembre 1976 6dictant, entre autres, les articles 815 A 815-7 et

1873-1 A 1873-18 du Code civil frangais.
Is8 Article 815-10 du Code civil fi-angais.

REVUE DE DROIT DE McGILL

[Vol. 29

meme, il y est pr6vu que celui qui g~re l’indivision aura droit A une
r6mun6ration. 182

Uindivision, en France, a connu un d6veloppement plus pr6coce qu’au
Qu6bec. Les conditions 6conomiques se sont plus durement fait sentir lI-
bas qu’ici. Les espaces de logement y ont 6t6 limit6s bien avant qu’on ne
connaisse la crise du logement au Qu6bec. Nous croyons cependant que le
16gislateur qu6b6cois devrait profiter de l’exp6rience frangaise. Nous esp&
rons 6galement que lors de la discussion du Projet de Code civil, on profitera
de l’occasion pour soumettre des rfgles, non pr6vues au Code civil frangais,
permettant d’6claircir la situation des tiers.

Nous assistons au Qu6bec A une volont6 politique faisant en sorte que
ce mode de dMtention de la propri~t6 n’est adapt6 que pour des groupes
restreints.

Nous avons vu que l’indivision connaissait une popularit6 accrue A
cause de la difficult6 d’enregistrer une declaration de coproprit sur un
immeuble locatif.183 Le l6gislateur qu~becois a 6galement cr 6 certaines en-
traves a raccession A la copropri~t6 indivise de grands ensembles. En effet,
le propritaire d’une partie indivise d’un immeuble comportant cinq lo-
gements ou plus ne peut 6vincer un locataire que si son titre a t6 enregistr6
anthrieurement au 11 juin 1981 ou s’il 6tait signataire d’une promesse d’achat
pour laquelle il a vers6 un accompte ou des arrhes et que son titre ait t
enregistr6 avant le 16 d6cembre 1981.184 La consequence pratique de cette
disposition est que dor~navant, dans le cas d’immeubles de cinq logements
et plus, les propriftaires doivent attendre que les locataires quittent volon-
tairement les lieux.

Ces limitations peuvent sembler importantes A premiere vue. Cepen-
dant, si on examine plus attentivement la situation, on constatera que de
toute fagon, la copropri6t6 indivise est beaucoup mieux adapt~e aux petits
groupes qu’aux grands ensembles. En effet, dans le cas de petits groupes,
on peut s’attendre A ce que les indivisaires trouvent entre eux un modus
vivendi souple, alors qu’on peut plus difficilement envisager une telle attitude
dans le cas d’un groupe important. On doit se souvenir qu’en indivision,
les parties sont interd~pendantes. En c sens, les limitations apport~es par
le l~gislateur ne devraient pas 6tre un obstacle important au d6veloppement
de ce mode de dMtention de la propri~t6.

182Article 815-12 du Code civil frangais.
’83Loi sur la Regie du logement, L.R.Q., c. R-8.1, art. 51 et 53.
1Loi sur la Regie d logement, L.R.Q., c. R-8.1, art. 136.1 [adopt~e sous L.Q. 1981, c. 34,

art. 14].

1984]

L’INDIVISION

259

Cette situation a d’ailleurs pris une importance considerable depuis
quelques ann~es et est appele A se dvelopper plus encore. La copropri6t6
indivise offre plus de souplesse que les autres modes collectifs de dMtention
de la propri~t6. Elle n’est assujettie A aucune formalit6 particuUire. Elle
n’exige pas la division cadastrale, comme dans le cas de la copropri~t6 par
declaration, non plus que la production de multiples rapports comme dans
le cas d’une compagnie par actions ou un processus complexe de prise de
dacision comme dans le cas d’une cooperative.

Nous croyons donc que ce mode de dMtention de la propri~t6, soutenu
par une convention bien articul6e, peut servir les int~rts des propriftaires
potentiels dans le contexte 6conomique et social de cette fin de XXe si~cle.