Article Volume 37:4

Bonne Foi en Droit International Public, le Règlement Pacifique des Différends et le Recours a la Force Lors de la Guerre du Golfe, La

Table of Contents

La bonne foi en droit international public,

le r~glement pacifique des diffrrends et le recours ‘ la force

lors de la guerre du Golfe

Yves Le Bouthillier” et Michel Morin-

Les auteurs examinent le r6le de la bonne
foi et ses applications en droit international
public dans le contexte de la guerre du Golfe.
Dans une premiere partie, ils font 6tat du rle
de la bonne foi dans l’obligation de tenter de
rrgler pacifiquement un diff~rend, soulignant
entre autres l’importance de cette notion lors
des nrgociations. Apr~s avoir expos6 le mrca-
nisme prrvu par la Charte des Nations Unies
pour r~gler un diffrrend menagant la paix et la
srcurit6 internationales, les auteurs constatent
que la conduite des principaux acteurs lors du
recent conflit dans le Golfe a peu favoris6 un
r~glement nrgoci6. Dans Ia seconde partie, les
auteurs font appel au principe de la bonne foi
pour mettre en lumi~re les limites aux pou-
voirs implicites de I’ONU, en particulier le fait
que le Conseil de srcurit6 ne peut drlrguer
enti~rement son autorit6. Cette interpretation
est conforme au principe g~nrral de droit inter-
disant la dl6gation de responsabilit6; elle
amine les auteurs A conclure h l’illrgalit6 de la
rdsolution 678 du Conseil de srcurit6. Enfin,
ils recourent au principe de bonne foi pour
remettre en question l’ampleur des operations
militaires utilisres contre l’Iraq.

The authors examine the role and applica-
tions of good faith in public international law
in the context of the Gulf War. In Part I, they
examine the role of good faith in the obligation
to resolve disputes peacefully, and emphasize
its importance in international negotiations.
After explaining the mechanisms provided by
the Charter of the United Nations to resolve
disputes which threaten international peace
and security, the authors claim that the conduct
of the principal actors during the Gulf crisis
did little to encourage a negotiated settlement.
In Part II, the authors use the principle of good
faith to shed some light on the implicit limits
to the powers of the UN. More specifically, the
authors contend that the Security Council can-
not entirely delegate its authority to individual
states. This interpretation is consistent with the
general legal principle prohibiting the subdele-
gation of responsibility, and leads the authors
to conclude that Security Council Resolution
678 was illegal. Finally, on the basis of the
principle of good faith, they question the
extent of military force used against Iraq.

Professeur a la section common law en frangais de ]a Facult6 de droit de l’Universit6 d’Ottawa.
Professeur

Ia section droit civil de ]a Facult6 de droit de l’Universit6 d’Ottawa.

Revue de droit de McGill
McGill Law Journal 1992
Mode de citation: (1992) 37 R.D. McGill 1026
To be cited as: (1992) 37 McGill L.J. 1026

1992]

CONGRE-S HENRI CAPITANT

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Sommaire

Introduction
I.

Bonne foi, r~glement pacifique des diff~rends et s~curit6 collective
A. L’obligation de nigocier un difftrend
B. Le Conseil de s~curitg et le r~glement pacifique des diffrrends
C. Le r~glement pacifique des diff~rends et la guerre du Golfe

II. Les pouvoirs implicites de l’Organisation des Nations Unies

A. Les trait~s constitutifs et la pratique des Etats : un 6quilibre

difficile

B. Les principes ggniraux du droit et la d~l~gation de responsabilitg
C. Les pouvoirs du Conseil de sicuriti et la guerre du Golfe
D. Les problmes posis par l’ampleur des operations militaires

Conclusion

Introduction

En droit international public, la notion de bonne foi est fr~quemment uti-
lis6e par la Cour intemationale de justice ainsi que par la doctrine. Pourtant,
dans bien des cas, on peut se demander si cette invocation est v6ritablement
utile. Une analyse critique amine h conclure que plusieurs r~gles du droit inter-
national public n’ont pas pour fonction premiere d’assurer la protection des
ttats de bonne foi’. I1 est excessif de voir dans ce principe la justification de
nombreux principes du droit international, comme le font Bin Cheng2 et J.-F.
O’Connor3.

Deux exemples illustrent les failles de ce raisonnement. Le premier con-
cerne la r~gle pacta sunt servanda. En droit international public, peut-on dans
tous les cas assimiler l’obligation de respecter la parole donn6e une exigence
de bonne foi ? II faut r6sister
la tentation de r6pondre par l’affirmative. Certes,
la Convention de Vienne sur le droit des traits 4 contient plusieurs dispositions

1E. Zoller, La bonne foi en droit international public, Paris, Pedone, 1977 ; voir aussi, de Ta
m6me auteure, la remarquable pr6sentation << La bonne foi dans les relations inter6tatiques >, dans
Travaux de l’Association Henri Capitant, La bonne foi (Journdes Louisianaises 1992), t. XLIII,
Paris, Economica [A paraitre]. II existe apparemment un ouvrage en allemand sur notre sujet ; voir
A.M. Stuyt, < Good and Bad Faith > (1981) 28 N.I.L. Rev. 54

2General Principles ofLaw: AsApplied by International Courts and Tribunals, Londres, Stevens

la p. 57.

& Sons, 1953 aux pp. 106-60.

3Good Faith in International Law, Brookfield, Vermont, Gower, 1991.
423 mai 1969, 8 I.L.M. 679.

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qui protgent les ttats de bonne foi. Celles-ci repr6sentent g6n6ralement une
codification du droit international coutumier et sont donc d’application g6n6-
rale. Certaines d’entre elles pr6voient la nullit6 du trait6 en cas d’erreur (article
48), de dol (article 49) et de contrainte (articles 51 et 52) ; de plus, la possibilit6
d’invoquer la nullit6 de certaines clauses seulement est accord6e h l’Etat victime
de dol ou dont le repr6sentant a 6t corrompu (article 44(4)) ; cette protection
accrue vient au secours de 1’Etat victime d’une manoeuvre d6loyale.

II est cependant possible qu’un ttat cherche en toute bonne foi h 8tre lib6r6
d’une obligation conventionnelle, mais qu’il ne puisse y parvenir. I1 en ira ainsi
s’il a commis une erreur de fait, alors que les << circonstances ont 6t6 telles qu'il devait 8tre averti de la possibilit6 d'une erreur > (article 48(2)). Dans bien des
cas, un ttat qui auraitpu d~couvrir facilement une erreur a sans doute d6couvert
celle-ci ou W grossi~rement n6gligent. I1 s’agit donc d’une pr~somption de fait
autorisant le juge h conclure h la mauvaise foi de l’ttat, en l’absence d’expli-
cations convaincantes. On ne peut cependant affirmer que cette pr6somption
soit juste dans tous les cas : l’erreur contenue dans une carte g6ographique four-
nit un bon exemples, puisque l’Itat qui en d6couvre l’existence plusieurs ann6es
plus tard peut fort bien 8tre de bonne foi6. Le fait qu’il ait 6t6 n6gligent ne per-
met pas de lui nier cette qualit6 subjective.

Dans une telle situation, on comprendrait que l’on privil6gie la bonne foi
de l’autre partie au trait6. Toutefois, rien ne garantit qu’il en ira ainsi. L’tat
avec qui le trait6 a 6t6 n6goci6 peut fort bien avoir eu connaissance de l’erreur
et en avoir tir6 profit, sans pour autant commettre un dol. Dans cette hypoth~se,
c’est sa mauvaise foi qui est effectivement prot6ge 7. Pour prendre un autre
exemple, imaginons que le repr6sentant d’un Etat excde ses pouvoirs lors de
la conclusion du trait6, sans que les restrictions qui lui avaient 6t
impos6es
aient W notifi6es h l’autre Etat. Dans ces circonstances, il n’est pas possible
d’obtenir la nullit6 du trait6 (article 47), m~me si l’Etat ignorait tout des agis-
sements de son repr6sentant et 6tait certainement de bonne foi. Ces exemples
permettent de conclure que la r~gle pacta sunt servanda ne protege pas toujours
un Etat de bonne fois. Elle r6pond A une pr6occupation distincte, soit celle d’as-
surer la force obligatoire des conventions internationales et la stabilit6 des rela-
tions inter6tatiques.

Des remarques analogues s’imposent au sujet de la d6claration unilat6rale,
qui peut dans certains cas etre source d’obligations et dont le caract~re obliga-

5Zoller, supra, note 1 aux pp. 314-16.
6Dans l’Affaire du Temple de Priah Wliar (Cambodge c. ThaYlande), [1962] C.I.J. Rec. 6, la
carte transmise aux repr6sentants du Siam (]a Tha’lande actuelle) indiquait clairement que le
temple rdclam6 dtait situ6 en territoire cambodgien (A la p. 26). L’ignorance de ce fait constitue
done une erreur que la Thallande aurait W en mesure d’6viter ; elle peut n~anmoins avoir W com-
mise de bonne foi, quoique le nombre et l’importance des repr6sentants ayant pris connaissance
de la carte ne manque pas d’impressionner. De plus, l’erreur fut d6couverte plusieurs ann6es avant
que la Tha’lande ne proteste officiellement, ce qui rendait sa position subs~quente irrecevable >.
La bonne foi de Ia Tha’lande semble done tr~s douteuse. D’autres circonstances pourraient cepen-
dant conduire A une conclusion diff6rente.

7Zoller, supra, note 1 A ]a p. 318.
8Pour d’autres exemples, voir ibid. aux pp. 305-14.

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toire reposerait sur la bonne foi9 . Dans ‘affaire des essais nucliaires, la Cour
prend soin de pr~ciser que les d&larations port6es A son attention ne compor-
taient pas << l'invocation d'un pouvoir arbitraire de r6vision >>1. Est-ce h dire que
certains engagements unilat6raux pourraient comporter un pouvoir implicite de
i6vision << non arbitraire >> ? La Cour a sans doute voulu souligner que des affir-
mations assorties d’un pouvoir de r6vision ult6rieur ne sauraient crier d’obliga-
tions juridiques. Les Etats qui analysent de telles d6clarations pourront cepen-
dant 6prouver de la difficult6 d6terminer si elles << comportent >> un pouvoir de
r6vision; il ne faut done pas exclure que leur bonne foi puisse 6tre surprise.
Dans tout ceci, le r6le de la bonne foi ne semble pas v6ritablement d6terminant.
La difficult6 consiste plut6t A determiner dans quelle mesure les attentes des
ttats concern6s par la declaration sont suffisamment 6lev6es et l6gitimes pour
6tre transform6es en droits”. Tout est fonction des circonstances, et une simple
boutade faite en conf6rence de presse ne donne pas forc6ment naissance h un
engagement unilateral’ z.

Plus r~cemment, la Cour a d6clar6 que le principe de la bonne foi < n'est pas en soi une source d'obligations quand il n'en existerait pas autrement >> .
Cette notion morale peut cependant 6tre f6conde en droit international, en con-
duisant l’interpr~te A rejeter des solutions d6raisonnables, lesquelles pourraient
conduire l’observateur A s’interroger sur la sinc6rit6 ou la loyaut6 d’un des Etats
en pr6sence. A cet 6gard, le rejet de l’interpr6tation litt6rale lorsque celle-ci con-
trevient A l’objet du trait6 est paradigmatique”4 . I1 en va de m~me de l’interdic-
l’Etat signataire de priver un trait6 de son objet, entre la signature
tion faite
du document et la date de son entree en vigueur 5 . La th6orie de l’abus de droit
pr~sente 6galement des affinit6s certaines avec 1’exigence de la bonne foi,
m~me si elle suppose un examen de la finalit6 poursuivie par un Etat, afin de
d6terminer si celle-ci est acceptable au regard du droit international 6 . Enfin, il
convient de souligner que les juges sont extr~mement r6ticents h imputer une
intention malicieuse A l’Etat. Le manque de bonne foi sera presque toujours
d~duit de comportements objectifs et ne sera pas express6ment mentionn6, sauf
comme hypoth~se permettant d’6carter une solution jug6e inacceptable. Dans
cette perspective, on peut certes souligner que l’exigence de la bonne foi produit
des effets juridiques lorsqu’il s’agit de prot6ger l’honn~tet6, la loyaut6 et les
attitudes raisonnables 17, encore que cette affirmation ne soit pas d’une grande
utilit6 pour la r6flexion juridique.

9Affaire des essais nucliaires (Australie c. France), [1974] C.I.J. Rec. 253 A la p. 268 ; voir aussi
F. Rigaldies, < Contribution a 1'6tude de l'acte juridique unilat6ral en droit international public >
(1980-81) 15 R.J.T. 417.

1’0 bid. i la p. 270.
“Zoller, supra, note 1 aux pp. 288-89.
‘2Affaire du diffirend frontalier (Burkina Faso c. Ripublique du Mali), [1986] C.I.J. Rec. 554

aux pp. 573-74.

13Affaire relative i des actions arnjesfrontalires et transfrontali~res (Nicaragua c. Honduras),
[1988] C.I.J. Rec. 69 aux pp. 105-06 ; voir aussi H. Thirlway, >A.

Si ce principe est ddnu6 d’effet juridique en soi2, il est par contre une com-
posante d’autres fondements de la Charte, et notamment de l’obligation de
r~glement pacifique des diff6rends21, mentionn6e A la fois aux articles 1(1)2″ et

18P. Reuter, Droit international public, 6e 6d., Paris, P.U.F., 1983 aux pp. 23-24; D. Carreau,
Droit international, 2e 6d., Paris, Pedone, 1988 a ]a p. 70, oi l’auteur pose ]a question suivante :
<< Comment en effet envisager un systbme juridique fond6 sur une prdsomption gdnrralisre de 'mauvaise foi' ? >>

19Charte des Nations Unies, 26 juin 1945, R.T. Can. 1945 n 7, 59 Stat. 1031, 145 U.K.T.S. 805
[ci-apr~s la Charte]. Pour un commentaire sur cet article, voir E. Zoller, << Article 2, paragraphe 2 a> dans J.P. Cot et A. Pellet, 6d., La Charte des Nations Unies : commentaire article par article,
Paris, Economica, 1985 aux pp. 97-102.

20Supra, note 13.
21Plusieurs auteurs ont 6crit sur ce sujet. Voir, notamment : K. Venkata Raman, 6d., Dispute Set-
tlement Through the United Nations, Dobbs Ferry, N.Y, Oceana, 1977 ; L.M. Goodrich et A.P.
Simons, The United Nations and the Maintenance of International Peace and Security, Washing-
ton, Brookings Institution, 1953 ; E. Jiminez De Arachega, << Le traitement des diff6rends interna- tionaux par le Conseil de sdcurit6 > (1954) 85 RCADI 1 aux pp. 1-103 ; R. Higgins, The Place
of International Law in the Settlement of Disputes by the Security Council > (1970) 64 AJIL 1 ;
Y.M. Rybakov, << Principle of Peaceful Settlement of Disputes as One of the Most Fundamental Principles of Contemporary International Law >> (1984) 37 Rev. H.D.I. 7 ; C. Economids, La
Declaration de Manille sur le r~glement pacifique des diffrrends internationaux a (1982) A.F.D.I.
613 ; L.B. Sohn, << The Future of Peaceful Settlement >> dans R.St.J. Macdonald et D.M. Johnston,
6d., The Structure and Process of International Law: Essays in Legal Philosophy Doctrine and
Theory, Boston, Martinus Nijhoff, 1983, 1121.

22Cet article se lit ainsi :

Les buts des Nations Unies sont les suivants:
1. Maintenir la paix et la srcurit6 internationales et A cette fin : prendre des mesures
collectives efficaces en vue de pr6venir et d’dcarter les menaces a Ia paix et de r~pri-
mer tout acte d’agression ou autre rupture de Ia paix, et rraliser, par des moyens paci-
fiques, conformrment aux principes de ]a justice et du droit international, l’ajuste-

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2 (3 )’ et dont la nature fondamentale est aussi confirmde par certaines r6solu-
tions parmi les plus importantes adopt6es par l’Assemblde g6n6rale, telles la
Ddclaration sur les relations amicales 4, la Ddfinition de l’agression2 et la
Ddclaration de Manille sur le rdglement pacifique des diffrrends internatio-
nauxw ‘.

L’obligation trbs gdndrale que codifie l’article 2(3) est davantage pr6cis6e
par le chapitre VI de la Charte27 , consacr6 entibrement au r~glement pacifique
des diff6rends. Partant de la pr6misse du respect de la souverainet6 des ittats,
I’article 33 indique clairement qu’il incombe en premier lieu aux Etats parties
un diffdrend de decider par quels moyens ils vont r6soudre celui-ci. Toute-
fois, en l’absence d’un accord sur le choix d’un tiers agissant comme interm6-
diaire, arbitre ou juge entre les Ittats parties au diffdrend, ces derniers n’ont
la n6gociation directe l’un avec l’autre29.
gubre d’autres choix que de recourir
I1 est d’ailleurs difficile de voir comment ces Etats pourraient faire abstraction
des n6gociations, puisque celles-ci sont ndcessaires, ne serait-ce que pour d6ter-
miner la m6thode i laquelle ils feront appel pour rdgler leur diff6rend”. Cepen-
dant, puisque l’article 33 de la Charte fait r6f6rence
la n6gociation, sans
prdciser les modalitds que cette mdthode de rbglement implique, il est diffi-
cile d’identifier les param~tres indiquant s’il y a ou non n6gociation dans un

ment ou le r~glement de diffdrends ou de situations, de caract~re international,
susceptibles de mener A une rupture de Ia paix.

23Cet article se lit comme suit:

Les Membres de l’Organisation r~glent leurs diff6rends internationaux par des moyens
pacifiques, de telle mani~re que la paix et la sdcurit6 internationales ainsi que la justice
ne soient pas mises en danger.

24Diclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la
la Charte des Nations Unies, Rs. AG 2625 (XXV),
coopiration entre les Etats conforndment
Doc. off. AG NU, 25′ sess., Supp. n 28, p. 131, Doc. NU A/8082 (1970) [ci-apr~s la Diclaration
sur les relations amicales].

(1974).

25Rds. AG 3314 (XXIX), Doe. off. AG NU, 29′ sess., Supp. n 31, p. 148, Doc. NU A/9631
26Rs. AG 37/10, Doc. off. AG NU, 37 sess., Supp. n’ 51, p. 323, Doe. NU A/37/51 (1982).
27Voir les art. 33-38.
28Le paragraphe 33(1) se lit comme suit:

Les parties
tout diffdrend dont ]a prolongation est susceptible de menacer le maintien
de la paix et de la sdcurit6 internationales, doivent en rechercher la solution, avant tout,
par voie de ndgociation, d’enqu~te, de m6diation, de conciliation, d’arbitrage, de r~gle-
ment judiciaire, de recours aux organismes ou accords r6gionaux, ou par d’autres
moyens pacifiques de leur choix.

29Dans les Affaires du Plateau continental de lamer du Nord (Ripubliquefidrale d’Allemagne
c. Danenzark etPays-Bas), [1969] C.I.J. Rec. 1 A lap. 47, la Cour affinne que l’obligation de ndgo-
cier est un

principe […] qui est
la base de toutes relations internationales et qui est d’ailleurs
reconnu dans l’article 33 de la Charte des Nations Unies comme l’une des mdthodes
de r~glement pacifique des diffdrends internationaux; il est inutile d’insister sur le
caractbre fondamental de cette forme de r~glement sinon pour remarquer qu’il est ren-
forc6 par la constatation que le rbglement judiciaire ou arbitral n’est pas gdn6ralement
acceptd.

30E. Jiminez De Arachega, << International Law in the Past Third of a Century > (1978) 159

RCADI 1 A ]a p. 147.

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cas donn 31. En effet, << les n6gociations ne comportent pas de formes certai- 32 nes >>

A supposer qu’il y ait n6gociation, les ttats n’ont pas l’obligation de r6gler
leur diff6rend, mais seulement de tenter de le r6soudre 3. II s’agit done d’une
obligation de comportement oi’, en th6orie, le principe de bonne foi devrait
jouer un r6le important. Ainsi, P. Reuter 6crit :

[L]es n6gociateurs doivent se comporter d’une certaine mani~re, abstraction faite
du r6sultat des n6gociations ; une telle obligation ne peut 6tre d6finie d’une
mani~re rigide, mais elle est plut6t l’objet de standards assez souples. Le principe
dominant est ici celui de la bonne foi ; les n6gociateurs s’interdisent certains agis-
sements parce que ces agissements sont incompatibles avec une intention loyale
de n6gocier34.

En pratique, toutefois, la nature tr~s g6n6rale de ce principe est l’une des
raisons pour lesquelles les tribunaux sont r6ticents h d6eclarer qu’un ttat ne s’est
pas conduit de bonne foi durant la n6gociation35 . Dans ces conditions, l’obliga-
tion de n6gocier apparait tr~s peu contraignante. Ainsi Michel Virally 6crit:

done le droit d’emp~cher le r~glement –

En r6alit6, en assumant une obligation de n6gocier, l’ttat se r6serve le droit au
d6saccord –
i ]a seule condition de se
comporter de bonne foi, ce qui peut difficilement 6tre contr616.
L’efficacit6 de I’obligation de n6gocier est donc limit6e aux hypotheses o6 ]a
volont6 de r~glement existe chez toutes les parties –
c’est-a-dire aux cas oii son
utilit6 est la moins 6vidente36.

H6sitant h juger de la bonne foi d’un Etat, les tribunaux internationaux ont
rarement 6t6 appel6s i pr6ciser les critres A consid6rer afin de mesurer cette
bonne foi. Toutefois, quelques d6cisions nous offrent des indices de la perti-
nence qu’on accordera h certains facteurs. Par exemple, dans l’Arbitrage diu Lac

31E. Zoller, Peacetime Unilateral Remedies: An Analysis of Countermeasures, Dobbs Ferry,
la p. 120 ; A.E. David, The Strategy of Treaty Termination:

N.Y., Transnational Publishers, 1984
Lawful Breaches and Retaliations, New Haven, Yale U. Press, 1975 A la p. 165.

32<< De l'obligation de n6gocier dans Instituto di diritto internazionale e straniero della univer- sitA di Milano, II processo internazionale: Studi in onore di Gaetano Morelli, Comunicazioni e studi, t. 14, Milan, Giuffr, 1975, 711 a Ia p. 717. 33Traficferroviaire entre la Lithuanie et la Pologne, Avis consultatif (1931), C.P.J.I. s6r. A/B n' 42 a la p. 116 ; Affaires du Plateau continental de la mer du Nord, supra, note 29 a la p. 48 ; Con- siquences juridiques pour les Etats de la prdsence continue de l'Afrique du Sud en NaInibie (Sud- Ouest africain) nonobstant la rdsolution 276 (1970) du Conseil de sicurit, Avis consultatif, Ia p. 341 [ci-apr6s Avis consultatifsur la Namibie], opinion dissidente du [1971] C.I.J. Rec. 16 juge A. Gros. 34Supra, note 32 aux pp. 717-18. 35Voir, par exemple, l'Avis sur la Namibie, supra, note 33 A la p. 44, o6i la majorit6 conclut A la bonne foi de I'ONU, sans qualifier de mauvaise foi le comportement de l'Afrique du Sud. Voir lap. 161, l'opinion individuelle du juge Dillard qui parle de la < persistance, de l'Afrique aussi, du Sud, << sans mettre en cause la bonne foi > de ce pays. Voir cependant, A la p. 344, l’opinion
dissidente du juge Gros, qui conclut A la < violation de l'obligation de n6gocier de bonne foi ). Dans l'Arbitrage du Lac Lanoux (France c. Espagne) (1957), XII R.S.A. 285 A la p. 305, le tri- bunal nous rappelle 6galement qu'il < est un principe g~n6ral de droit bien 6tabli selon lequel la mauvaise foi ne se pr6sume pas >.

36<< Panorama du droit international contemporain > (1983) 183 RCADI 9 A la p. 240.

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Lanoux, le tribunal a indiqu6 que les comportements suivants 6taient contraires
h l’obligation de n6gocier:

en cas de rupture injustifi~e des entretiens, de d~lais anormaux, de mdpris des
procedures prbvues, de refus syst~matiques de prendre en considbration les propo-
sitions ou les int6rbts adverses, plus g~nbralement en cas d’infraction aux rbgles
de la bonne foi37.

Dans l’Avis de la Namibie, apr~s avoir examin6 l’historique des n6gocia-
tions entre I’ONU et l’Afrique du Sud, la Cour internationale de justice a conclu
la bonne foi de l’Organisation et i l’intransigeance de l’Etat concern6. Ayant
not6 que les n6gociations s’6taient poursuivies pendant treize ans, la Cour
ajoute :

En pratique la dur6e des nbgociations ne permet pas de savoir si les possibilit~s
d’accord ont 6t6 6puis~es; il peut 6tre suffisant de montrer qu’on a abouti rapide-
ment A une impasse et que, d’un c6t6, on s’est fermement refus6 at tout compro-
38mis

Doit-on conclure de cet 6nonc6 de la Cour que l’obligation de n6gocier de
bonne foi implique n~cessairement que l’une et l’autre partie doivent faire des
concessions ? Dans les Affaires du Plateau continental de la mer du Nord, la
Cour internationale de justice a indiqu6 que les parties avaient non seulement
l’obligation d’entamer des n6gociations, mais 6galement celle de faire preuve de
flexibilit6 dans leur position. A ce sujet, la Cour d6clare:

[…] les parties ont l’obligation de nbgocier de telle manibre que la n6gociation ait
un sens, ce qui n’est pas le cas lorsque l’une d’elles insiste sur sa propre position
sans envisager aucune modification 9.

Mais doit-il en etre ainsi si l’une des demandes pour r6gler le diff6rend est
fond6e sur une violation d’une obligation fondamentale en droit international ?
II semble bien que non, puisqu’un tel r6sultat serait contraire an principe de jus-
tice 6nonc6 aux articles 1(1) et 2(3) de la Charte. En refusant toute discussion
sur la base d’une telle dernande, une partie ne violerait done pas son obligation
de n~gocier de bonne foi4 .

Enfin, l’obligation de n6gocier de bonne foi suppose-t-elle que les ttats
doivent, durant la n6gociation, s’abstenir de prendre des contre-mesures qui ris-
queraient d’aggraver le diff6rend ?.Dans l’Affaire de l’Accord relatif aux ser-
vices adriens du 27 mars 1946, le tribunal a r6pondu par la nfgative h cette
question, en situant l’usage des contre-mesures dans le processus mame du
r~glement pacifique du diff6rend. Ainsi les contre-mesures visent
r~tablir
l’6galit6 entre les parties et A encourager le progr~s des n6gociations41 . Cepen-

37Supra, note 35 h la p. 307.
38Supra, note 33 a la p. 44. Voir aussiAffaire des Concessions Mavrommatis en Palestine (1924),
39Supra, note 29 h la p. 47 ; voir 6galement Case Concerning the Interpretation of Article 24
of the Treaty of Finance and Compensation of 27 November 1961 (1972), XIX R.S.A. 3 aux pp.
56-57.

40Jiminez De Arachega, supra, note 30 b la p. 147 ; David Davies Memorial Institute of Inter-
national Studies, International Disputes: The Legal Aspect, Londres, Europa, 1972 aux pp. 77, 79.

C.P.J.I. ser. A, n, 2 h ]a p. 13.

41(1978), XVIII R.S.A. 417 aux pp. 444-45.

1034

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 37

dant le tribunal pr6cise qu’on doit y recourir avec mod6ration, en faisant des
efforts v6ritables pour r~soudre le conflit42. En outre, la Diclaration sur les rela-
tions amicales pr6cise que les ttats ne peuvent recourir <( tout acte susceptible d'aggraver la situation au point de mettre en danger le maintien de la paix et de la s6curit6 internationales >>4.

B. Le Conseil de s~curit6 et le r~glement pacifique des diffrrends

Lorsque les Etats parties A un diff6rend ont 6puis6, sans succ~s, les possi-
bilit6s de r~glement par l’une ou l’autre des m6thodes 6num6r6es ?A l’article 33
de la Charte, la Diclaration sur les relations amicales pr6voit que

[lies parties a un diff6rend ont le devoir, au cas oii elles ne parviendraient pas h
une solution par l’un des moyens pacifiques susmentionn6s [ceux de l’article 33
de la Charte], de continuer de rechercher un r6glement h leur diff~rend par d’au-
tres moyens pacifiques dont elles seront convenues 4 .

Cependant, lorsque le diff6rend qui oppose deux ttats est susceptible de mena-
cer le maintien de la paix et de la s6curit6 internationales et que ceux-ci ne r6us-
sissent pas, malgr6 leur bonne foi, A le r6gler par les moyens indiqu6s A l’article
33, ils ont l’obligation, en vertu de l’article 37 de la Charte, de le soumettre au
Conseil de s6curit6. Le Conseil, organe auquel est confi6 la responsabilit6 prin-
cipale du maintien de la paix et de la s6curit6 internationales 45 , peut alors recom-
mander des m6thodes ou proc6dures d’ajustement appropri6es, ou les termes
d’un r~glement. Puisqu’il ne s’agit que de recommandations, les Etats concern6s
n’ont aucune obligation de se conformer t ces derni~res. N6anmoins, l’obliga-
tion de r6gler pacifiquement les diff6rends exige de ces ttats qu’ils consid~rent
de bonne foi les recommandations du Conseil46 .

Si l’article 33 de la Charte 6nonce qu’il incombe d’abord aux ttats de
rdsoudre le conflit qui les oppose, le Conseil peut cependant prendre l’initiative
de demander
ceux-ci de r6gler un diff6rend qui menace le maintien de la paix
et de la s6curit6 internationales4 7. A moins que les circonstances indiquent, sans
6quivoque, l’existence d’une telle menace 8 , l’article 34 de la Charte pr6voit que
le Conseil proc6dera h une enqu~te pour d6terminer s’il y a bien menace h l’or-
dre international. Dans l’affirmative, il fera appel aux Etats aux prises avec ce
diff6rend49 . La Charte pr6voit aussi que ce type d’intervention par le Conseil
dans un diff6rend peut 6tre demand6 par tout Etat membre de I’ONU50, par tout
ttat non membre qui est partie au diff6rend et accepte l’obligation de r6gler

42Ibid. a la p. 445.
43Supra, note 24 t la p. 133.
44Ibid.
45Art. 24 de la Charte.
46David Davies Memorial Institute of International Studies, supra, note 40 h la p. 14.
47Art. 33(2) de la Charte.
48L.M. Goodrich et E. Hambro, Charter of the United Nations: Commentary and Documents, Ire
49Sur les actions pacifiques que le Conseil de s6curit6 peut initier lorsqu’il existe un diffrend,
voir L.B. Sohn, < The Security Council's Role in the Settlement of International Disputes D (1984) 78 AJIL 402. 5Art. 35(l). 6d., Boston, World Peace Foundation, 1946 aux pp. 144-45. 1992] CONGREtS HENRI CAPITANT 1035 pacifiquemente', par l'Assemble grnrrale52 et par le Secr~taire g6n6ral13. Le Conseil peut, h sa discretion, rejeter ou accepter ces demandes. L'intervention du Conseil de srcurit6 a-t-il pour effet de mettre fin h 1'obli- gation des parties de r6gler le diffrend ? Un auteur, A.C. Arend, sugg~re que telle 6tait l'intention des auteurs de la Charte : [...] it seems clear that the intent of the framers of the Charter was to make the arti- cle 33 obligation to pursue peaceful settlement of disputes binding only until the Security Council had taken up the matter. As Hambro, Goodrich and Simons explain, "The intent of Article 33 was to establish an obligation that was to be ful- filled by the parties prior to their enlisting the Council's assistance." Consequently, the intent of the framers seems to have been to limit this obligation to the pre- conflict stages4. Rejetant ce point de vue, un autre auteur a fait le commentaire suivant: Article 33 of the Charter regulates not only the behaviour of the parties to the dis- pute, but also the competence of the Security Council, and the words "above all" refer not to a cessation of efforts for peaceful settlement, but to the moment when the Security Council must intervene, possibly after the parties have exhausted their joint efforts55. Ce commentaire nous apparait tout h fait juste. En effet, l'obligation de rechercher un r~glement pacifique des diff&ends 6tant fondamentale en droit international, il faudrait un langage beaucoup plus clair que celui de l'article 33 pour suspendre cette obligation des parties d~s l'intervention du Conseil de srcurit6. Par consequent, m~me si le Conseil de s6curit6 peut remplir des fonc- tions importantes pour le r~glement d'un diffrend, en particulier en 6valuant l'ampleur de celui-ci et en facilitant sa resolution, il reste que son r6le est secon- daire par rapport celui des ttats. Par contre, lorsqu'il y a agression, le Conseil joue un r6le central pour r~ta- blir la paix. Ses actions sont alors rrgies par le chapitre VII de la Charte6 et il peut, par decision, imposer sa volont6 aux Etats membres"7. Avant de procrder a la constatation qu'il y a eu agression 5 , le Conseil peut prendre des mesures provisoires en vertu de l'article 40. II s'agit lM, en quelque sorte, d'une mesure interm6diaire entre les mrthodes de r~glement pacifique et les mesures coerci- tives militaires et non militaires prrvues par le chapitre VII. La paix ayant 6t6 rompue, le Conseil invite les parties a ne pas aggraver la situation en acceptant 5'Art. 35(2). 52Art. 11. 53Art. 99. 54< The Obligation to Pursue Peaceful Settlement of International Disputes During Hostilities (1983) 24 Va. J. Int'l L. 97 la p. 101. 55G.G. Shinkaretskaia, Peaceful Settlement of International Disputes: An Alternative to the Use of Force > dans W.E. Butler, 6d., The Non-Use of Force in International Law, Boston, Mar-
tinus Nijhoff, 1989, 39 A la p. 48. Voir aussi Goodrich et Simons, supra, note 21 A la p. 275.

56Art. 39-51.
57Concemant l’obligation des Etats de respecter les d6cisions du Conseil, voir les art. 25, 48 de

la Charte.

58Art. 39 de la Charte. En vertu de cet article, le Conseil peut aussi d6clarer qu’il y a menace

ou rupture de ]a paix.

1036

REVUE DE DROIT DE McGILL

[Vol. 37

un cessez-le-feu imm6diat on
retourner au statu quo par le retrait des forces
arm6es. En pratique, le Conseil a fr6quemment accompagn6 cette invitation
d’une demande aux ttats impliqu6s de r6gler pacifiquement leur diff6rend59.
Notons que si l’article 40 indique que ces mesures provisoires ne pr6jugent en
rien les droits, les pr6tentions ou la position des ttats int6ress6s
, il pr6voit 6ga-
lement qu’ en cas de non-ex6cution de ces mesures provisoires, le Conseil de
s6curit6 tient dfiment compte de cette d6faillance > .

Si un ou des ttats au conflit n’obtemp~rent pas aux mesures provisoires,
le Conseil peut constater l’agression et prendre ainsi position dans le diff6rend,
en jetant carr6ment le blame sur un ttat precis. Dans ces circonstances, il est
6vident que la capacit6 du Conseil de r6gler diplomatiquement le conflit se
trouve att6nu6e, puisqu’il ne peut plus pr6tendre
l’impartialit6, comme lors-
qu’il agissait en vertu du chapitre VI de la Charte6. Pour des raisons 6videntes,
l’Etat condamn6 risque alors de voir d’un oeil suspect tout effort de r~glement
6manant du Consei 61.

Ayant identifi6 l’agresseur, le Conseil peut, aux termes de l’article 39, faire
des recommandations et prendre des d6cisions pour le maintien de la paix et de
la s~curit6 internationales. Ainsi le Conseil peut d6cider d’avoir recours h des
sanctions de nature 6conomique 2 ou militaire 63 pour r6tablir la paix. Quant aux
recommandations, les travaux pr6paratoires indiquent clairement qu’elles sont
celles vis6es par le chapitre VI de la Charte. Par consequent, le Conseil peut,
s’il le desire, pr6coniser
la fois une d6marche diplomatique et coercitive pour
mettre fin h la crise. Comme le notent les auteurs Goodrich et Hambro:
Efforts at peaceful settlement will presumably continue even during the period
when enforcement action is taken. >>4 Si le Conseil peut recommander h l’ttat
agress6 une proc6dure on m6me les modalit6s d’un r6glement, ce dernier n’est
6videmment pas tenu de l’accepter’. De fait, cet ttat n’a pas l’obligation de
chercher une solution n6goci6e au diff6rend aussi longtemps que l’agression
persiste. Mme s’il devait conclure une entente avec l’agresseur, il pourrait, d~s
que ce dernier aurait mis fin h ses actes d’hostilit6, la r6pudier, en invoquant

59R~s. CS 338, Doc. off. CS NU, 28′ annde, p. 9, Doc. NU S/INF/29 (1973) ; Rds. CS 479, Doc.
off. CS NU, 35′ ann6e, p. 24, Doc. NU SIINF136 (1980) ; R~s. CS 502, Doc. off. CS NU, 37′ annie,
p. 18, Doc. NU S/INF/38 (1982).

tions, 4e 6d., New York, Random House, 1971 A la p. 250.

601. Claude, jr, Swords Into Plowshares: The Problems and Progress of International Organiza-
6’Virally, supra, note 36 a la p. 287.
62A-t. 41 de la Charte.
63Art. 42 de la Charte.
64Supra, note 48 A la p. 158.
65Voir, toutefois, S.S. Malawer, < Imposed Treaties and International Law , (1977) 7 Calif. W. Int'l L.J. 1 aux pp. 114-15, ox l'auteur affirme que le Conseil de scurit6 pourrait imposer un trait6 : Article 39 does not specify whether or not a treaty may be imposed, nor does it specify the measures which might be taken. There is no indication in the language of article 39 that the imposition of a treaty might not be an appropriate "measure", since the mea- sures authorized under article 39 are left to the discretion of the Security Council. Sur cette question, voir aussi R.B. Bilder, '< Judicial Procedures Relating to the Use of Force >,

(1991) 31 Va. J. Int’l L. 249 aux pp. 258-59.

1992]

CONGRES HENRI CAPITANT

1037

1’article 52 de la Convention de Vienne sur le droit des traitis. Cet article, qui
est une codification du droit coutumier, se lit comme suit:

Est nul tout trait6 dont la conclusion a 6t obtenue par la menace ou 1’emploi de
la force en violation des principes du droit international incorpor6s dans la Charte
des Nations Unies66.
Par contre, si une telle entente 6tait propos6e non pas par l’ttat agresseur
mais par le Conseil de s~curit6, sous la forme d’une recommandation, et que
l’ttat agress6 s’en d6clarait satisfait, il serait vraisemblablement li6 par sa
declaration unilat6rale. I1 s’agirait IA d’un exemple de ce qu’on a qualifi6 de
<< r6solutions-accords >>67. La recommandation 6manant du Conseil de s6curit6,
il est difficile de voir comment l’Etat agress6 pourrait pr6tendre avec succ~s que
son acceptation avait 6t6 obtenue par la contrainte.

C. Le r~glement pacifique des diffirends et la guerre du Golfe

Le syst~me de r~glement pacifique des diff6rends pr6vu par la Charte n’a
pas permis d’6viter une guerre dans le Golfe. En retrospective, cet 6chec peut
6tre attribu6 h plusieurs causes, que nous nous proposons d’examiner bri~ve-
ment’. Au premier chef, il faut faire 6tat de la mauvaise foi dont a fait preuve
l’Iraq lors des n6gociations avec le Kowe’it, dans les semaines pr~c6dant l’inva-
sion de cet Etat. Durant cette p6riode, Saddam Hussein accuse le Koweit d’ex-
traire du p6trole iraqien dans le champ de Rumaylah et de mettre en p6ril l’6co-
nomie de son pays, en d6valuant le prix du baril de p~trole par une production
celle recommand6e par l’OPEE II ressuscite 6galement les pr6ten-
sup6rieure
tions territoriales de l’Iraq sur une partie du territoire koweltien. S’ensuit une
s6rie d’initiatives diplomatiques, auxquelles participent activement l’Arabie
Saoudite, la Jordanie et l’Egypte, pour trouver une solution arabe au conflit. Le
25 juillet, le pr6sident 6gyptien, Hosni Moubarak, declare que Saddam Hussein
lui a assur6 qu’il ne ferait pas usage de la force aussi longtemps que se pour-
suivraient les n6gociations avec le Koweit. Le 31 juillet, des diplomates des
deux pays entament des pourparlers en Arabie Saoudite, lesquels se terminent
dans la discorde le lendemain. Le 2 aofit, l’Iraq envahit le Kowe’it, en pr6tendant
agir sur l’invitation d’un gouvernement r6volutionnaire ayant renvers6 la
monarchie des al-Sabfh. Six jours plus tard, l’Iraq annonce l’annexion du
Koweit. En agissant de la sorte, l’Iraq sugg~re qu’il n’avait pas l’intention de
n6gocier de bonne foi pour r6soudre les diff6rends invoqu~s ant6rieurement
son invasion du Koweit. Le commentaire suivant de Michel Virally semble con-
corder avec la conduite de l’Iraq:

‘uti-
[…] l’invocation d’un diff~rend peut n’8tre qu’un pr~texte, destin6
lisation de la force. De nombreux autres objectifs peuvent, en fait, etre poursuivis

justifier

66Sur l’art. 52 de la Convention de Venne sur le droit des traitds, voir S. Bastid, Les traitds dans
la vie internationale, Paris, Economica, 1985 aux pp. 93-96 ; I. Sinclair, The Vienna Convention
on the Law of Treaties, 2e 6d., Manchester, Manchester U. Press, 1984 aux pp. 177-81.

67D. Carreau, supra, note 18

lap. 226; Q.D. Nguyen, P. Dallier et A. Pellet, Droit international

public, 3e 6d., Paris, L.G.D.J., 1987

i la p. 336.

68Les faits auxquels nous faisons r6f6rence sont, moins d’indication contraire, tir6s d’une chro-
nologie sur la guerre du Golfe publide dans P. Bennis et M. Moushabeck, 6d., Beyond the Storm:
A Gulf Crisis Reader, New York, Olive Branch Press, 1991 aux pp. 356-74.

1038

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 37

par un ttat qui entreprend une guerre ou une operation militaire, parmi lesquels
on peut citer: un agrandissement territorial […]69.
En deuxi~me lieu, il faut noter l’absence totale de diplomatie pr6ventive de
la part du Conseil de s6curit6, alors m~me que l’Iraq massait ses troupes sur la
fronti~re koweitienne . Le Conseil aurait pu faire enqu~te en vertu de l’article
34 ou rappeler aux deux ttats, en des termes non 6quivoques, leur obligation
de r6gler pacifiquement leur diff6rend.

Troisi~mement, h la suite de l’invasion, on peut d6plorer le faible r6le qu’a
jou6 le Conseil et le Secr6taire g6n6ral des Nations Unies en ce qui concerne les
initiatives diplomatiques pour r6soudre le probl~me. Initialement, le Conseil
avait agi avec c6l6rit6. Dans la resolution 660″‘, adopt~e le jour m~me de l’in-
vasion, le Conseil (1) a condamn6 l’invasion de l’Iraq, en invoquant l’article 39,
(2) a demand6,
titre de mesures provisoires pr6vues par l’article 40, que l’Iraq
retire imm6diatement et sans condition ses troupes du Koweit, (3) a incit6 les
deux tftats concem6s A entamer imm6diatement d’intenses n6gociations pour
r6soudre leur diff6rend, et a support6 tout effort en ce sens, en particulier ceux
de la Ligue arabe. Cette r6solution est fid~le A la pratique du Conseil d’en appe-
ler aux deux ttats en conflit pour r6gler leur diff6rend et ce, meme apr6s que
l’un d’eux ait fait usage de la force. La nouvelle unit6 du Conseil laissait croire,
cependant, au r6le actif de cet organe sur tous les fronts, incluant les moyens
diplomatiques. Or, les onze r6solutions subs6quentes du Conseil ont tr~s peu
trait6 de cet aspect. Seules les r6solutions du 25 septembre (r6solution 670)72 et
du 29 octobre 1990 (r6solution 674)’ 3 y font allusion, en notant les efforts que
d6ploie le Secr6taire g6n6ral pour rechercher un r~glement pacifique74. Parall6-
lement h ces quelques d6marches du Conseil, certains pays, notamment la
France, I’URSS et plusieurs pays arabes, ont entrepris de nombreuses initiatives
diplomatiques, mais sans succ~s. Le Conseil de s6curit6, loin de canaliser et de
filtrer les divers efforts diplomatiques, a assist6 souvent silencieux au jeu de
bras de fer qui, A mesure que la crise avance, n’oppose que deux Etats : l’Iraq
et les Etats-Unis.

L’intransigeance de l’un et l’autre de ces ttats a, en d6finitive, laiss6 peu
de place au r~glement pacifique des diff6rends. En ce qui a trait
l’Iraq, son
insistance h conserver, ne serait-ce qu’une partie du territoire koweitien, allait
Sl’encontre du principe fondamental qu’un iEtat ne doit pas acqu6rir du terri-
toire par la force et 6tait done inacceptable. De plus, sa d6tention ill6gale de res-
sortissants et de diplomates de plusieurs pays est venue compliquer davantage
une situation dangereuse et durcir les positions des parties en cause. Quant aux

pp. 12-13, qui pr6voit le risque d’une invasion prochaine du Koweit par rlraq.

69Supra, note 36 A ]a p. 231. Voir aussi Claude, supra, note 60 ai la p. 242.
7Voir, entre autres, < Standing up to Saddam Hussein The Economist (28 juillet 1990) 12 aux 71R~s. CS 660, Doc. off. CS NU, 45' annde, Doc. NU SINF/46 (1990). 72R6s. CS 670, Doe. off. CS NU, 45' annde, Doc. NUL S/INF/46 (1990). 73R~s. CS 674, Doe. off. CS NU, 45' ann6e, Doc. NU SINF/46 (1990). 74Durant la durde du conflit, le Secr6taire g~n6ral a eu deux rencontres avec les dirigeants de l'Iraq. A la fin du mois d'aofit 1990, il a rencontr6 le ministre des Affaires 6trang~res de l'lraq, Tarek Aziz, pendant deux jours Gen~ve. Le 13 janvier 1991, deux jours avant le d6but de la guerre, il a rencontr6 Saddam Hussein a Bagdad. 1992] CONGRfES HENRI CAPITANT 1039 ttats-Unis, ils ont insist6, tout au long du conflit, sur un retrait inconditionnel de l'Iraq du Koweit. Ce n'est qu'A la suite de l'adoption de la r6solution 678'5, en novembre 1990, autorisant A partir du 15 janvier 1991 les ttats de la coali- tion a user de < tous les moyens n6cessaires >>, incluant la force, pour obtenir ce
retrait, que le pr6sident am6ricain George Bush a propos6 une rencontre entre
son ministre des Affaires 6trang~res et celui de l’Iraq. Commentant ces pourpar-
lers, Richard Falk 6crit:

Le foss6 entre les devoirs 6dict6s par 1’article 33 de la Charte et l’attitude de M.
Bush est apparu clairement lors de l’<< offre >> de rencontre de Gen~ve entre
ministres des affaires 6trang~res. M. Baker regut pour instruction de voir M. Tarek
Aziz sur la base suivante, d6finie par le president am6ricain: < Pas de n6gocia- tions, pas de compromis, pas de tentative de sauver la face, et pas de prime l'agression. >> Pareilles injonctions ne figurent certes pas dans l’article 3376 !
S’il nous semble qu’A la suite de l’agression par l’Iraq, le Koweit n’avait
plus l’obligation de n6gocier en vertu de l’article 33, il pouvait par contre con-
sid6rer les offres de l’Iraq. Face au refus cat6gorique des Etats-Unis, un membre
permanent du Conseil, d’envisager toute n6gociation, il est clair que tous les
efforts de l’Iraq en ce sens risquaient fort d’6tre rejet6s du revers de la main,
quel que soit leur contenu. Cette attitude est tr~s certainement contraire A l’esprit
de la Charte qui privil6gie le r~glement pacifique de pr6f6rence h tout usage de
la force.

En conclusion, ii appert que le Conseil de s6curit6 aurait dfi 6tre le lieu pri-
vil6gi6 pour discuter et d6terminer les mesures et les conditions diplomatiques
l’agression de l’Iraq. Les critiques de Cornelius Mur-
appropri6es en r6ponse
phy sur Faction diplomatique des grandes puissances comme moyen pour r6gler
un diff6rend en marge de I’ONU sont tout aussi valables dans le contexte de la
crise du Golfe:

Peacemaking by major states undoubtedly has contributed to global stability; but
to consider it a normal procedure would be to reduce the possibilities of obtaining
final settlements, as well as to diminish the authority of the Security Council.
Great power diplomacy inevitably involves biases which are not conducive to the
impartial resolution of serious controversies. […] Furthermore, overlapping of
effort and contradiction of purpose are likely to occur when international and Uni-
ted Nations diplomacy are simultaneously directed towards the peaceful settle-
ment of the same international conflicts7 .

II. Les pouvoirs implicites de 1’Organisation des Nations Unies

En 1990, le tr~s large consensus de la communaut6 internationale, qui
r6prouvait unanimement l’invasion du Koweit, allait poser pour la premiere fois
la force sous l’6gide des Nations
dans l’histoire r6cente la question du recours
Unies. Malgr6 la coop6ration nouvelle des cinq membres permanents du Con-
seil de s6curit6, aucun m6canisme militaire n’6tait encore op6rationnel. II

75Rds. CS 678, Doc. off. CS NU, 45′ annfe, Doc. NU S/INF/46 (1990).
76< La force au m6pris du droit : les Nations Unies sous la coupe de Washington >> Le Monde

77(< The Obligation of States to Settle Disputes by Peaceful Means >> (1973-74) 14 Va. J. Int’l

diplonatique (fgvrier 1991) 3.

L. 57 A la p. 72.

1040

REVUE DE DROIT DE McGILL

[Vol. 37

incombait donc
l’Organisation de d6finir les param6tres d’une intervention
arm6e. Pour mieux identifier les options qui s’offraient A elle, il convient d’exa-
miner les r~gles d’interpr6tation concemant les pouvoirs des organisations inter-
nationales (A). Celles-ci constituent en r6alit6 une application de la notion de
bonne foi lors de l’interpr6tation des conventions78. La reconnaissance des prin-
cipes g6n6raux de droit r6pond
une pr6occupation semblable, ceux-ci 6tant
vraisemblablement sous-entendus dans les relations entre Etats, notanment au
sein des organisations internationales (B). Ces r~gles d’interpr6tation permettent
de conclure que la r6solution 678 autorisant l’usage de la force contre l’Iraq est
contraire
la Charte des Nations Unies (C). De meme, la mise A ex6cution de
cette r6solution pose de graves probl~mes, qu’on peut rattacher A l’ex6cution de
bonne foi des conventions internationales (D).

A. Les trait~s constitutifs et la pratique des Etats : un 6quilibre difficile

La doctrine se plait

souligner qu’une organisation internationale doit
entretenir des relations marqu6es au coin de la bonne foi avec ses ttats
membres, la r6ciproque 6tant 6galement valable79. La Cour internationale de jus-
tice a d’ailleurs eu recours Ace principe, soulignant qu’en mati~re d’admission
des nouveaux membres, un Etat ne pouvait faire r6f6rence
des consid6rations
autres que celles mentionn6es A l’article 4 de la Charte des Nations Unies, les-
quelles devaient 6tre examin6es << en toute bonne foi >>A. Plus g6n6ralement, la
Cour a reconnu .
l’Organisation des Nations Unies les pouvoirs qui sont con-
f6r6s << par une cons6quence n6cessaire [...] en tant qu'essentiels l'exercice [de ses] fonctions >>A. On peut voir lI une forme d’interpr6tation de bonne foi. En
effet, il faut pr6sumer que les Etats parties A l’61aboration du trait6 constitutif
d’une organisation souhaitaient que cette derni~re ait les moyens d’action n6ces-
saires pour atteindre les objectifs qui lui ont 6t6 assign6s. La Cour a d’ailleurs
r6affirm6
plusieurs reprises que l’Organisation des Nations Unies pouvait
prendre << des mesures dont on peut dire A juste titre qu'elles sont appropri6es Sl'accomplissement des buts d6clar6s des Nations Unies >>82. Si les << buts d6cla- r6s >> peuvent conduire i la reconnaissance de nouveaux pouvoirs, ils peuvent
6galement s’opposer A une interpr6tation trop large d’un trait6 constitutif d’une
organisation.

Dans cette perspective, il semble que les ttats ne peuvent adopter une con-
duite qui constitue en r6alit6 un amendement du trait6 constitutif d’une organi-
sation. Ainsi, une modification de la proc6dure d’admission ou de la composi-
tion d’un organe de l’organisation est inadmissible83. Par contre, une proc6dure

78Convention de Vienne sur le droit des traitds, supra, note 4, art. 31(1).
79Zoller, supra, note 1 a la p. 183 ; Reuter, supra, note 18 aux pp. 230-31.
8Admission d’un -Etat aux Nations Unies (Charte, art. 4), Avis consultatif, [1947-1948] C.I.J.
81Rparation des dommages subis aut service des Nations Unies, Avis consultatif, [1949] C.I.J.

la p. 63.

Rec. 57

Rec. 174 a la p. 182.

82Certaines dipenses des Nations Unies (Art. 17(2) de la Charte), Avis consultatif, [1962] C.I.J.
Rec. 151 A ]a p. 168 ; voir aussi Effet dejugements du Tribunal adninistratif des Nations Unies
accordant indemnitd, Avis consultatif, [1954] C.I.J. Rec. 47.

83Coinpitence de l’Assemble gnirale pour l’admission d’un Etat aux Nations Unies, Avis con-
sultatif, [1950] C.I.J. Rec. 4 ; Composition du Conit de la sdcuritg maritime de l’Organisation

1992]

CONGRPS HENRI CAPITANT

1041

interne << grnrralement acceptde par les Membres des Nations Unies >> peut
o constitue[r] la preuve d’une pratique gdnrale de l’Organisation >>. Celle-ci
une r~gle 6dict6e par la Charte,
pourra atre valide, m~me si elle contrevient
4.
lorsqu’elle a < toujours et uniformdment >> t acceptde par les Ittats concems
Cette affirmation visait l’abstention d’un membre permanent du Conseil de
srcurit6, pratique qui heurte de front les termes de l’article 27(3) de la Charte.
La Cour souligne cependant que les membres permanents eux-m~mes ont tou-
jours et uniformdment >> souscrit A cette interpretation. La decision de la Cour
signifie en quelque sorte que ces membres ont renonc6 un droit 6tabli en leur
faveur. L’arr~t ne nie cependant pas qu’il existe des limites aux pouvoirs impli-
cites des organisations internationales, lesquelles ne peuvent m6connaitre les
r~gles fondamentales de leur trait6 constitutif”.

Les pouvoirs implicites reconnus par la jurisprudence ddcoulent nrcessai-
rement de dispositions prrcises de la Charte des Nations Unies. Ainsi, le droit
de presenter une r6clamation au nom d’un agent des Nations Unies est fond6 sur
le souci d’assurer la pleine indrpendance du personnel de l’Organisation86. De
meme, la possibilit6 de crrer un tribunal administratif dont les d6cisions lient
l’Assembl6e gdndrale d6coule du pouvoir d’6tablir des r~gles rdgissant le per-
sonnel”7. La facult6 de demander un avis consultatif h la Cour internationale de
un comit6, compos6 de certains membres de l’As-
justice peut 8tre conf6re
semblde gdn6rale, parce que ce dernier constitue un organe des Nations Unies s.
Enfin, le rble jou6 par le Secrdtaire g6ndral lors de la mise sur pied d’op6rations
de maintien de la paix fait partie des << autres fonctions >> dont il peut 8tre charg6
par le Conseil de s6curit6 sg. Les pouvoirs implicites de l’Organisation ne sont
donc rien d’autre qu’une excroissance de dispositions expresses de la Charte.
Un dernier point doit 6tre abord6, celui des recours. Dans bien des cas, le
trait6 constitutif d’une organisation ne prdvoit pas la possibilit6 d’obtenir une

intergouvernententale consultative de la navigation maritime, Avis consultatif, [1960] C.I.J. Rec.
150.

84Avis consultatif sur la Namibie, supra, note 33 a la p. 22.
III existe sur ce sujet une doctrine abondante : T. Furukawa, < Le double r6le de la Cour inter- nationale de justice 5 l'6gard des organisations internationales : protection et contr6le >> dans
Mlanges offerts ii Paul Reuter: Le droit international : unitd et diversitd, Paris, Pedone, 1981,
293 ; E. Lauterpacht, << The Development of the Law of International Organization by the Deci- sions of International Tribunals >> (1976) 152 RCADI 377; J. Makarczyk, <> dans J. Makarczyk, 6d.,
E tudes de droit international en l’honneur du juge Manfred Lachs, La Haye, Martinus Nijhoff,
1984, 501 ; R. Monaco, o Les principes r6gissant la structure et le fonctionnement des organisa-
tions internationales >> (1977) 156 RCADI 79; H. Thierry, < Les r6solutions des organes interna- tionaux dans ]a jurisprudence de la Cour internationale de justice >> (1980) 167 RCADI 385. Le
cours de M. Lauterpacht est particuli6rement instructif.

86Art. 100; Rdparation des dommages subis au service des Nations Unies, supra, note 81

la

p. 183.

S7Art. 101(1) ; Effet de jugements du Tribunal administratif des Nations Unies accordant indem-

nitg, supra, note 82 t la p. 61.

8SArt. 96(2) ; Demande de riformation du jugement n- 158 du Tribunal administratifdes Nations

Unies, Avis consultatif, [1973] C.I.J. Rec. 166 aux pp. 173-74.

89Art. 98 ; Certaines ddpenses des Nations Unies, supra, note 82 A la p. 177. De fagon analogue,
I’Assemblde peut mettre sur pied des op6rations de maintien de la paix, condition de ne pas entre-
prendre une action de nature coercitive (art. 11(2) ; ibid. A la p. 164).

1042

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 37

d6cision judiciaire en cas de divergence concernant son interpr6tation. Dans
cette hypoth~se, les membres jouissent de la possibilit6 de consid6rer invalide
une d6cision de l’Organisation, facult6 qui dolt cependant 8tre exerc6e de bonne
foi 9 . Une telle situation cr6e de nombreuses difficult6s, qui sont rdsolues dans
l’ar~ne politique91. La Charte des Nations Unies permet cependant ?t l’Assem-
bl6e g6n6rale on au Conseil de sdcurit6 de demander un avis consultatif
la
Cour internationale de justice 2. Par le pass6, la Cour a toujours accept6 de
r6pondre aux questions qui lui 6taient pos6es au sujet des pouvoirs de l’ONU,
en examinant tous les aspects du probl~me. Certes, < la Cour n'a pas de pou- voirs de contr6le judiciaire ni d'appel en ce qui concerne les d6cisions prises par les organes des Nations Unies dont il s'agit >>9. Dans ce m~me arr~t, la Cour
examine cependant les objections formul6es
l’encontre de d6cisions de cette
nature, d6limitant ainsi les pouvoirs conf6r6s aux organes des Nations Unies.
La possibilit6 d’une violation de la Charte demeure donc pr6sente A l’esprit des
juges. Evidemment, l’efficacit6 des avis consultatifs est une tout autre ques-
tion94, d’autant plus qu’ils ne sont pas rev~tus de l’autorit6 de la chose jugee”.

Par ailleurs, tant qu’elle n’a pas fait l’objet d’une d6cision judiciaire, une
r6solution du Conseil de s6curit6 est pr6sum6e valide96. Les ttats qui prennent
des mesures conformes A cette r6solution agissent de bonne foi. Ils ne sauraient
encourir de responsabilit6 si la Cour d6clare subs6quemment que la d6cision du
Conseil n’6tait pas conforme A la Charte. En droit interne, la doctrine de la vali-
dit6 de facto s’appliquerait alors9; on peut presumer qu’un principe semblable
serait reconnu par les juges de la Cour internationale de justice.

9Reuter, supra, note 18 aux pp. 230-31.
91A.I.L. Campbell, < The Limits of the Powers of International Organisations (1983) 32 I.C.L.Q. 523 ; R.Y. Jennings, , Nullity and Effectiveness in International Lawo dans Cambridge Essays in International Law, Londres, Stevens & Sons, 1965, 64 ; E. Lauterpacht, << The Legal Effect of Illegal Acts of International Organisations dans Cambridge Essays in International Law, ibid., 88 ; D.G. Partan, International Administrative Law> (1981) 75 AJIL 639 ; E. Osieke,
The Legal Validity of Ultra Vires Decisions of International Organizations , (1983) 77 AJIL
239 ; << Unconstitutional Acts in International Organisations: The Law and Practice of the ICAO >>
(1979) 28 I.C.LQ. 1 ; Ultra Vires Acts in International Organizations – The Experience of the
International Labour Organization

(1976-77) 48 B.Y.I.L. 259.

92Art. 96(1).
93Avis consultatif sur la Namibie, supra, note 33 a la p. 45.
94 Voir sur ce point E. Lauterpacht, supra, note 85 aux pp. 388-95.
95Statut de la Cour internationale de Justice, art. 65 A 68 (par opposition h l’art. 59).
96Ainsi, dans l’affaire Questions d’interpritation et d’application de la convention de Montrdal
de 1971 risultant de l’incident adrien de Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c. Etats-Unls
d’Amirique) -Demande en indication de mesures conservatoires, ]a Cour affirme que < l'obliga- tion d'accepter et d'appliquer les d6cisions du Conseil de s6curit6 conform6ment i l'article 25 de ]a Charte [...I prima facie [...] s'6tend A la d6cision contenue dans la r~solution 748 (1992) (Cour internationale de Justice, Communiqu6 n, 92/9, Questions d'interpritation et d'application de la convention de Montrial de 1971 r6sultant de l'incident adrien de Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c. Etats-Unis d'Amirique) -Demande en indication de mesures conservatoires (14 avril 1992) A la p. 5) ; la Cour s'empresse toutefois de pr~ciser qu'en refusant d'indiquer des mesures conservatoires, elle ne se prononce pas << d6finitivement sur l'effet juridique de ]a r6solution > ni
sur sa comp6tence pour connaltre du fond

97Renvoi relatifaux droits linguistiques au Manitoba, [1985] 1 R.C.S. 721, 35 Man. R. (2d) 83
[cit6 aux R.C.S.] ; << [l]e principe de la validit6 defacto [...] ne donne effet qu'aux attentesjustifirtcs de gens qui se sont fi6s aux actes de ceux qui ont appliqu6 les lois invalides, ainsi qu'h l'existence (ibid.). 1992] CONGRP-S HENRI CAPITANT 1043 Si les organisations internationales jouissent d'une marge de manoeuvre consid6rable, celle-ci n'est pas illimit6e. Les moyens employ6s pour atteindre leurs objectifs ne sont pas non plus indiff6rents. Dans cette perspective, il con- vient de se demander si les principes g6n6raux de droit ne permettent pas d'6car- ter certaines solutions en mati~re de d6l6gation de pouvoir. B. Les principes giniraux du droit et la d~ligation de responsabilitg L'article 38(1)(c) du Statut de la Cour internationale de justice permet la Cour d'appliquer les o principes g6n6raux du droit reconnus par les nations civilis6es >>. La majorit6 de la doctrine voit dans cette disposition une invitation

rechercher les traits communs des grands syst~mes de droit contemporains.

La position minoritaire soutient cependant que ces principes doivent atre trou-
v6s au sein du droit international lui-mrme”. M~me si tel 6tait le cas, il existe
une d6cision rendue dans l’ordre international qui reconnait l’existence d’un
principe concernant la d6l6gation de pouvoir. Il s’agit de l’arrat Meroni et Co.,
Industrie Metallurgiche, S.PA. c. Haute Autoritj de la Communautg europienne
du charbon et de l’acier00 . La Haute Autorit6 de la Communaut6 Europ6enne
du Charbon et de l’Acier avait d616gu6 un de ses pouvoirs A deux institutions
priv6es sans << s'approprier >> d’aucune mani~re la responsabilit6 de leurs d6li-
b6rations >>io* La Cour conclut A l’invalidit6 de cette d616gation, en 6noncant les
principes suivants :

attendu que les cons6quences r6sultant d’une d616gation de pouvoirs sont tr~s
diff6rentes suivant qu’elle vise des pouvoirs d’ex6cution nettement d6limit6s et
dont l’usage, de ce fait, est susceptible d’un contr6le rigoureux au regard de cri-
t~res objectifs fixds par l’autorit6 d6l~gante, ou un pouvoir discr6tionnaire, impli-
quant une large libert6 d’appr6ciation, susceptible de traduire par l’usage qui en
est fait une v6ritable politique 6conomique ;

attendu qu’une d6lgation du premier type n’est pas susceptible de modifier
sensiblement les cons6quences qu’entraine l’exercice des pouvoirs qu’elle affecte,
alors qu’une d616gation du second type, en substituant les choix de l’autorit6 d61&
ceux de l’autorit6 d6l6gante, op6re un v6ritable d6placement de respon-
gataire
sabilit6;I[…]I

que, toutefois, pareilles d6l6gations ne peuvent porter que sur des pouvoirs
d’ex6cution, exactement d6finis, et enti~rement contr6ls, dans l’usage qui en est
fait, par la Haute Autorit6 2.

Cette r~gle d’interpr6tation se retrouve au sein de la plupart des syst~mes
de droit contemporains. A cet 6gard, il importe de souligner qu’il n’est pas

et au fonctionnement des corps publics ou priv6s m~mes [sic] irr6guli~rement ou illdgalement
constitu~s >> (aux pp. 756-57) ; de fagon similaire, les ttats qui se seraient figs une resolution du
Conseil de s6curit6 avant son invalidation seraient proteges par cette doctrine.

98B. Vitanyi, << Les positions doctrinales concernant le sens de la notion de 'principes g6n~raux de droit reconnus par les nations civilis6es' > (1982) 86 R.G.D.I.P. 48 ; M.C. Bassiouni, < A Func- tional Approach to 'General Principles of International Law' >> (1990) 11 Mich. J. Int’l L. 768.

99Vitanyi, ibid. aux pp. 56-73.
1’0 Cour de Justice de Ia Communaut6 Europ6enne du Charbon et de l’Acier, 13 juin 1958, affaire

n* 9-56, 4 Rec. Juris. de la Cour 11.

‘ 01Ibid.
1021bid. aux pp. 43-44.

la p. 39.

1044

REVUE DE DROIT DE McGILL

[Vol. 37

n6cessaire de conclure A une reconnaissance universelle pour d6gager un << prin- cipe g6n6ral de droit >>103. Nous pr6sentons ci-dessous un certain nombre
d’exemples provenant de pays rattach6s aux diff6rents syst~mes de droit exis-
tants
travers le monde. A notre avis, cette information diversifi6e tend A
d6montrer l’existence d’un principe g6n6ral de droit.

Le droit administratif anglais contient une r~gle plus stricte que celle
d6crite ci-dessus, r6sum6e par l’adage delegatus non potest delegare. Le profes-
seur Wade pose le probl~me en termes tr~s clairs : The vital question in most
cases is whether the statutory discretion remains in the hands of the proper
authority, or whether some other person purports to exercise it. >>” En principe,
le titulaire d’un pouvoir discr6tionnaire ne peut sous-d6lguer celui-ci ; la r~gle
est la m~me au Canada”5 . Seule une disposition expresse de la loi rendra licite
une telle op6ration. La situation est la m~me en France, oti la d6l6gation peut
cependant, dans la plupart des cas, 6tre autorisfe par d6cret0 6. Aux Etats-Unis,
les tribunaux ont tendance A interpr6ter largement les lois et h conclure qu’elles
autorisent la d6l6gation de certains pouvoirs’0 7 ; il reste cependant qu’en r~gle
g6n6rale, les actes qui requi~rent l’exercice d’un jugement personnel ne peuvent
8tre d~l6gu6s et doivent demeurer sous le contr6le de l’autorit6 concern~e”‘0 .
Dans l’ensemble, les droits des pays occidentaux semblent reconnaitre le prin-
cipe dont nous avons fait 6tat ci-dessus”9.

Qu’en est-il des pays qui 6taient nagu~re socialistes ? De fagon assez sur-
prenante, il existait en Union sovi6tique une procedure de contr6le permettant
de faire respecter le principe 6nonc6 ci-dessus. II ne s’agissait pas d’un recours
ouvert au simple citoyen”‘. II incombait plut6t au procureur public de protester
contre l’adoption d’un d6cret lui paraissant invalide”‘. Cette protestation pou-

t 3Vitanyi, supra, note 98 a la p. 113 ; Bassiouni, supra, note 98 aux pp. 813-14.
‘0H.W.R. Wade, Administrative Law, 6e 6d., Oxford, Clarendon Press, 1988 a la p. 358 ; voir
aussi P.P. Craig, Administrative Law, 2e 6d., Londres, Sweet & Maxwell, 1989 aux pp. 306-10.
10 5R. Dussault et L. Borgeat, Traitd de droit administratif, t. I, 2e 6d, Ste-Foy, Qu6., Presses de

l’Univ. Laval, 1984 aux pp. 529-39.

‘0 6J.-M. Auby et R. Drago, Traitj de contentieux administratif, t. II, 3e 6d., Paris, L.G.D.J., 1984

aux pp. 285-86.

‘0 7K.C. Davis, Administrative Law Treatise, vol. 1, 2e dd., San Diego, K.C. Davis, 1978 aux pp.
216-20; C.H. Koch, jr, Administrative Law and Practice, vol. 1, St. Paul, Minn., West, 1985 aux
pp. 39-42 et la mise A jour au livre de M. Koch intitulde 1990 Pocket Part aux pp. 8-9.

lSRunkle c. U.S., 122 U.S. 543 a la p. 557, 30 L. Ed. 1167 (1887); Cudahy Packing Co. of the
Fort Peck Indian Reservation c. Holland, 315 U.S. 357, 62 S. Ct. 651 (1942) ; Assiniboine and
Sioux Tribes c. Board of Oil and Gas of the State of Montana, 792 F.2d 782 aux pp. 794-95 (9th
Cir. 1986).

10 9Le droit administratif allemand est au m~me effet : M.P. Singh, German Administrative Law

in Common Law Perspective, Berlin, Springer-Verlag, 1985 aux pp. 26-27.

11011 fallut attendre 1987 pour que les citoyens puissent contester devant les tribunaux la ldgalit6
d’une d6cision de l’administration, ce qui ne semblait pas comprendre les actes 4 caract~re norma-
tif: D.G. Barry, , Administrative Justice: The Role of the Soviet Courts in Controlling Adminis-
trative Acts >>dans G. Ginsburgs, 6d., Soviet Administrative Law: Theory and Policy, Dordrecht,
Pays-Bas, Martinus Nijhoff, 1989, 63 A la p. 80; M. Lesage, < UURSS : De la 16galit6 socialiste l'6tat de droit >> (1989) 105 R.D.P. 2715 la p. 280.
‘..W.E. Butler, Soviet Law, 2e dd., Londres, Butterworths, 1988 A la p. 96 et s. ; W. Gellhorn,

< Review of Administrative Acts in the Soviet Union >> (1966) 66 Col. L. Rev. 1051.

1992]

CONGRtS HENRI CAPITANT

1045

vait amener l’organe concern6 A rescinder l’acte; en cas de refus, un autre pro-
cureur pouvait s’adresser A un organe plus 6lev6 dans la hi6rarchie, afin que ce
dernier annule l’acte attaqu6. Les d6cisions des Soviets Supremes, qui exer-
gaient le pouvoir 16gislatif, et celles de leur Praesidium, ne pouvaient cependant
8tre contestdes ; mais celles des minist~res pouvaient l’8tre 2 .

Rien de comparable ne semble exister en R6publique populaire de Chine 13 ,
o5i la place occup6e par le droit dans la vie sociale est bien moindre qu’en Occi-
dent 14. Pour cette raison, cette absence ne nous parailt pas devoir 6tre d6termi-
nante dans la recherche d’un principe g6n6ral de droit. Au surplus, rien dans la
tradition chinoise ne semble s’opposer A la r~gle d6crite ci-dessus.

Du c6t6 du droit musulman, il existe peu de principes traditionnels concer-
nant le droit administratif”‘. De plus, en 1981, le Conseil des Gardiens de l’Iran
a d6clar6 que le Parlement ne pouvait d6l6guer une partie de son pouvoir 16gis-
latif, sauf si le d6l6gataire 6tait un comit6 parlementaire, agissant pendant une
p6riode de temps limit6e” 6. I1 est donc logique de supposer que la r~gle delega-
tus non potest delegare est 6galement reconnue dans ce pays”‘ .

112Parmi les protestations qui ont 6td traduites en anglais, on peut relever des exemples oil cer-
transfrms ill6galement. Ainsi, le pouvoir d’imposer une amende pour vio-
tains pouvoirs ont d6
lation des r~gles concernant les poids et mesures avait dt6 conf6r6 aux inspecteurs d’ttat; il ne
la demande
pouvait donc 8tre exerc6 par des ordonnances de comit6s ex~cutifs locaux rendues
des inspecteurs (<< An Incorrect Procedure of Imposing Fines > dans The Soviet Procuracy Pro-
tests: 1937-1973, trad. par L. Boim et G.G. Morgan, Alphen aan den Rijn, Pays-Bas, Sijthoff &
Noordhoff, 1978 aux pp. 7-8 [ci-apr~s Soviet Procuracy Protests). De Ia m8me fagon, aux termes
d’une ordonnance d’un comit6 exdcutif, les miliciens 6taient autoris6s A exiger des simples
citoyens qu’ils leur pr~tent main-forte afin d’arr~ter les ivrognes et les hooligans. Cette disposition
fut consid6r6e ill~gale, seuls les miliciens 6tant habilitds A faire respecter l’ordre public ( A Vio-
lation of the Statute on the Issuance of Ordinances by Local Executive Committees > dans Soviet
Procuracy Protests, ibid., 10). Enfin, une ordonnance du minist~re de la Marine marchande de
I’URSS, qui prescrivait le montant des amendes et conflait aux bureaux loeaux le soin de d6finir
les actes r6prdhensibles, fut rescindde (< A Violation of the Law on the Issuance of Ordinances >
dans Soviet Procuracy Protests, ibid., 22). Cette demi~re protestation semble bien fondde sur le
principe delegatus non potest delegare (voir 6galement < A Violation of the Law on the Issuance dans Soviet Procuracy Protests, ibid., 32). Quelle que soit la frquence avec of Ordinances laquelle la r~gle fut invoqu6e en pratique, son existence ne semble pas faire de doute. 113L'adoption r6cente d'une loi permettant de demander l'annulation d'actes de l'administration ne s'6tend pas aux actes A caract~re normatif : J.-P. Fa et S.-C. Leng, < Judicial Review of Admi- nistration in the People's Republic of China > (1991) 23 Case W. Res. J. Int’l L. 447; S.G. Wood
et L. Chong, <(China's Administrative Procedure Law: An English Translation with Comments >
(1991) 43 Admin. L.R. 89 aux pp. 92-93.
114Z. Hairong, << The Re-Establishment of the Chinese Legal System: Achievements and Disap- (1991) 10 C.J.Q. 44; E. Donahoe, (1988) 41 Stan. L. Rev. 171 ; R.H. Folsom et J.H. Minan, Law in the People’s
Republic of China: Commentary, Readings and Materials, Dordrecht, Martinus Nijhoff, 1989 aux
pp. 3-18.

15H. de Wael, Le droit musulman -Nature et ivolution, Paris, C.H.E.A.M., 1989 aux pp.

56-57.

“6S.H. Amin, << The Legal System of Iran > dans K.R. Reddin, 6d., Modern Legal Systems
Cyclopedia, vol. 5, 6d. r6v., Middle East, Buffalo, William S. Hein, 1990, 5.80.1 A la p. 5.80.8.
117pour un exemple de sous-d616gation ill6gale dans la tradition mamluk, voir E. Tyan, Institu-

tions du droit public musulman, t. II, Paris, Sirey, 1956

la p. 175.

1046

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 37

Au terme de ce survol, il parait que dans la plupart des pays examin6s, un
organe dont les pouvoirs sont limit6s ne peut transf6rer 1’exercice effectif de
ceux-ci sans conserver la responsabilit6 ultime de la d6cision prise. Par ailleurs,
dans tous ces pays, le pouvoir l6gislatif est libre de d616guer une partie de ses
pouvoirs i un organisme ou un individu. Cette constatation conduit
se deman-
der s’il faut assimiler le Conseil de s6curit6 h un organe exergant un pouvoir
souverain. A notre avis, la r6ponse n6gative ne fait aucun doute. En droit inter-
national public, les Etats sont d6tenteurs de la souverainet6. Ils cr6ent des r~gles
par leurs actes ou par la conclusion de trait6s. Dans cette derni~re hypoth~se, ils
d6l6guent parfois certains pouvoirs h une organisation intemationale, et ceux-ci
sont par d6finition limit6s. Dans ces conditions, les fonctions confi6es h un
organe coll6gial, qui requi~rent l’exercice d’un jugement d’opportunit6, ne
peuvent 6tre enti~rement exerc6es par d’autres. Ce principe g6n6ral est, au fond,
d’application courante dans l’interpr6tation de la Charte des Nations Unies.
C’est ce que nous constaterons en examinant la possibilit6 de recourir h la force.

C. Les pouvoirs du Conseil de sicuriti et la guerre du Golfe

A l’origine, la Charte des Nations Unies pr6voyait que les actions coerci-
tives entreprises au nom des Nations Unies seraient confi6es aux forces arm6es
mises A la disposition du Conseil de s6curit6, conform6ment h des accords sp6-
ciaux”‘. Un comit6 d’6tat-major, compos6 des chefs d’6tat-major des membres
permanents du Conseil119, devait assurer la direction strat6gique de ces forces”‘
.
De plus, ce comit6 devait venir en aide au Conseil lors de l’61aboration des
plans pour l’emploi de la force arm6e121 . En pratique, aucun n’accord n’a 6t6
conclu et le comit6 d’6tat-major n’a pas jou6 le r6le envisag6 par les auteurs de
la Charte. Dans ces conditions, si le Conseil d6cide de recourir h la force, il lui
incombe d’61aborer un m6canisme de mise en oeuvre de ses d6cisions, dans le
respect des objectifs 6nonc6s par la Charte’.

La Charte indique clairement la voie A suivre, en offrant deux fagons de
proc6der. La premiere consiste h cr6er un organe subsidiaire 2 . Une telle
d6marche serait autoris6e par la th6orie des pouvoirs implicites. II suffirait de
cr6er un comit6 du Conseil charg6 de coordonner des op6rations militaires pr6-
cises. L’avantage de cette formule est 6vident : dans un telle hypoth~se, les d6ci-
sions sont prises h la majorit6 des voix. Sauf indication h l’effet contraire, les

UsArt. 43.
119At. 47(1), 47(2).
12 0Art. 47(3).
12’Axt. 46.
122pour plus de d6tails, voir Y Le Bouthillier et M. Morin, << Rdflexions sur ]a validit6S des op6- rations entreprises contre l'Iraq en regard de la Charte des Nations Unies et du droit canadien [1991) A.C.D.I. ( paraltre). 12 Art. 29. Cette approche a d'ailleurs t6 employde lors de la crdation de la commission charge d'administrer le Fonds de compensation des Nations Unies, lequel devait servir ,a indemniser les ttats ayant subi des dommages par suite de l'invasion et de l'occupation du Kowe'it par l'lraq. Le Conseil d'administration de cette commission prend ses d6cisions par une majorit6 de neuf voix sur quinze et les membres permanents n'y ont pas le droit de veto : Rapport prdsentd par le Secrd- faire gdizral en application du paragraphe 19 de la rdsohition 676 (1991) d Conseil de sdcuritj, Doc. off. CS NU, 46' ann6e, Doc. NU S/22559 (1991), n' 10. 1992] CONGRtS HENRI CAPITANT 1047 membres permanents ne disposent pas d'un droit de veto. De plus, rien n'oblige le comit6 cr 6 par le Conseil 6laborer lui-m~me des plans d'int6ret strat6gique. I1 suffit qu'il approuve dans ses grandes lignes le d6roulement des op6rations, en particulier le d6clenchement d'une offensive ou le type de cibles visdes. Dans de telles conditions, l'ampleur des op6rations entreprises reflte bien un consen- sus parmi les membres du comit6, qui repr6sentent la communaut6 intematio- nale. Aucun Etat ne peut d6clencher seul les hostilit6s on proc6der une op6- t6 approuvde par le comit6. De plus, le comit6 peut mettre ration qui n'a pas fin aux op6rations on d6cr6ter une tr~ve. En cas de d6saccord au sein du comit6, le Conseil peut renverser la d6cision qui a 6t6 prise. Bien entendu, dans cette hypoth~se, le droit de veto retrouve toute son importance; mais la situation serait la m~me si le Conseil supervisait les agissements du comit6 d'6tat-major. Le Conseil de s6curit6 peut 6galement permettre certains membres de l'ex6cution [de ses] d6cisions [...] pour le prendre << [I]es mesures n6cessaires maintien de la paix et de la s~curit6 internationales >>124. Le Conseil doit prendre
une << d6cision >> qui sera << ex6cut6e >> par les membres'”. Cette formulation lui
impose l’obligation de dgfinir le type de mesures envisagdes1″. L’article 42
envisage d’ailleurs << des d6monstrations, des mesures de blocus et d'autres ope'- rations exicutges par des forces a6riennes, navales ou terrestres de Membres des Nations Unies >> [nos italiques]. Cette phras6ologie montre bien que la nature
pr6cise des mesures ex6cutdes par les Etats doit 6tre d6finie par le Conseil. II
en ira ainsi d’un embargo maritime, accompagn6 de l’autorisation d’arr~ter les
navires marchands afin d’inspecter leur cargaison 27. Une telle d6cision n’a pas
pour effet de conf6rer une marge de manoeuvre illimitde aux ttats membres;
elle peut fort bien 8tre exicutie par ceux-ci.

L’approche retenue en 1990 par le Conseil de s6curit6 est tout autre. Par sa
r6solution 678, adopt6e le 29 novembre 1990, il autorise << les Etats qui coop6- rent avec le Gouvernement koweitien, si au 15 janvier 1991 l'Iraq n'a pas plei- nement appliqu6 >> les resolutions qui exigent principalement le retrait incondi-
tionnel du Kowe’it, << user de tous les moyens n6cessaires >> pour atteindre cet
objectif < et pour r6tablir la paix et la s6curit6 internationales >>. Le Conseil a
ainsi confi6 l’enti~re responsabilit6 d’une op6ration coercitive aux Etats
membres qui d6sirent y participer. Ceux-ci peuvent d6terminer unilat6ralement
quelles sont les mesures n6cessaires au r6tablissement de la paix et de la s6curit6
internationales. La rdsolution n’est circonscrite par aucun facteur, qu’il soit ter-
ritorial ou temporel, qu’il s’agisse de l’armement utilis6 ou des objectifs vis6s.
C’est ainsi que le premier ministre du Royaume-Uni a 6voqu6 la possiblit6 de
recourir aux armes nucl6aires et que plusieurs observateurs se sont demand6 si
l’objectif poursuivi par les Ittats-Unis d’Am6rique n’6tait pas le renversement
ou l’assassinat de Saddam Hussein.

124Art. 48(1).
125Art. 48(2).
126Goodrich et Hambro, supra, note 48 aux pp. 172-73; H. Kelsen, The Law of The United
Nations: A Critical Analysis of Its Fundamental Problems, New York, Frederick A. Praeger, 1950
aux pp. 744-56.

127R6s. CS 665, Doc. off. CS NU, 45′ ann6e, Doc. NU S/1NF/46 (1990).

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REVUE DE DROIT DE McGILL

[Vol. 37

Le Conseil de s~curit6 peut-il autoriser les Etats membres A d6terminer
individuellement quelles mesures sont n6cessaires au r6tablissement de ]a paix
et de la s6curit6 internationales ? L’arrt Certaines dipenses des Nations
Unies’2 permet de r6pondre par la n6gative
cette question. II convient d’ail-
leurs de souligner que dans cet arr&t, la Cour d6clare A plusieurs reprises que le
Conseil de s6curit6 a le pouvoir < exclusif d'ordonner une action de nature coercitive2 g. Elle ajoute cependant que le Conseil peut s'appuyer sur d'autres articles que l'article 43 pour agir 3 : [1]a Charte ne dMfend pas au Conseil de s6curit6 d'agir au moyen des instruments de son choix: aux termes de l'article 29 il 'peut cr6er les organes subsidiaires qu'il juge n~cessaires h l'exercice de ses fonctions' ; en vertu de l'article 98 il peut charger le Secr6taire g6n6ral d"autres fonctions' >>”‘. On peut se demander si la Cour a envisag6 l’hypoth~se
d’une d6l6gation de responsabilit6 aux ttats.

De l’avis de la Cour, l’interpr6tation de la Charte doit 6tre conforme aux
buts d6clar6s des Nations Unies, lesquels < ne sont pas illimit6s 132. Ces buts consistent notamment A < prendre des mesures collectives efficaces en vue de pr6venir et d'6carter les menaces A la paix et de r~primer tout acte d'agression ou autre rupture de la paix >33. L’autorisation donn6e A un grand nombre d’ttats
de determiner individuellement le type de mesures n6cessaires au r6tablissement
de la paix constitue-t-elle une mesure collective ? Poser la question, c’est y
r6pondre. Advenant l’effritement du consensus initial, un ttat demeure libre de
continuer seul les hostilit6s, en fonction de ses int6r~ts propres. S’il s’agit d’un
membre permanent, il peut utiliser son droit de veto et faire obstacle
toute ten-
tative visant A resteindre l’ampleur de la r6solution adopt6e par le Conseil. Une
telle situation constitue A notre avis une menace A la paix potentielle. De plus,
le pr6ambule de la Charte pr6voit que les ttats membres s’engagent h accep-
ter les principes et instituer les m6thodes garantissant qu’il ne sera pas fait usage
de la force des armes, sauf dans l’int6r~t commun
. La r6solution 678 ne con-
tient aucune balise permettant d’atteindre cet objectif.

D’autre part, il faut noter que seul l’article 53(1) de la Charte pr~voit
express6ment la possibilit6 d’autoriser des op6rations militaires, h condition que
celles-ci soient entreprises en vertu d’accords r6gionaux. Dans cette hypoth~se,
le Conseil doit < 8tre tenu pleinement au courant de toute action entreprise ou envisag6e ,'4, ce qui lui permet de se prononcer sur l'opportunit6 du recours la force. Cette formule assure le caract~re collectif de telles op6rations. Enfin, nous avons vu qu'il existe un principe g6n6ral de droit interdisant un orga- nisme aux pouvoirs restreints de tranf6rer ceux-ci des tiers. Toutes ces raisons permettent de conclure que la Charte n'autorise pas une d6l6gation illimit6e de pouvoir comme celle qui a W faite lors de la guerre du Golfe. '28Supra, note 82. '29Ibid. aux pp. 163, 165, 171, 177. 130Ibid a Ta p. 167. 1311bid. a la p. 177. 132Jbid. aux pp. 167-68. 133Art. 1(1). lMArt. 54. 1992] CONGRES HENRI CAPITANT 1049 Peut-on invoquer la pratique ou le consentement des ttats pour r6futer cette argumentation ? En ce qui concerne le premier point, seule la guerre de Cor6e peut constituer un prfc6dent en mati~re d'op6rations coercitives. On sait qu'en l'absence de l'Union sovi6tique, le Conseil de s6curit6 a recommand6 aux Etats membres de placer leurs forces militaires << la disposition d'un comman- dement unifi6 sous l'autorit6 des Etats-Unis >>, afin de venir en aide
la Cor~e
du Sud et de repousser l’invasion par la Cor6e du Nord 3′. Par la suite, le Con-
seil a 6t6 paralys6 par le veto sovi6tique. I1 convient de remarquer que le Conseil
a simplement formul6 une recommandation. De plus, la d6cision de confier le
commandement unifi6 aux ttats-Unis a 6t6 fortement critiqu~e, notamment par
celles que nous avangons 36.
certains ttats, pour des raisons semblables
Compte tenu du fait que le Conseil s’est content6 de recommander la cr6ation
d’un commandement unifi6, certains auteurs 3 7 soutiennent qu’il a simplement
avalis6 une op6ration de 16gitime d6fense collective. Vu le retour imminent de
l’Union sovi6tique, le Conseil n’avait pas r6ellement la capacit6 de prendre en
charge les op6rations militaires. Dans cette perspective, en se contentant de for-
muler des recommandations, il n’aurait pas pris les mesures n6cessaires pour
maintenir la paix et la s6curit6 internationales > 38. Or ces derni~res sont les
seules qui peuvent mettre fin au droit de l6gitime d6fense collective. A Fin-
verse, peu apr~s l’invasion du Kowe’t, le Conseil est intervenu energiquement
en imposant un embargo et rien ne s’opposait
ce qu’il supervise le d6roule-
ment des op6rations militaires139.

Par ailleurs, un pr6c6dent fortement critiqu6 ne saurait constituer une pra-
tique < toujours et uniform6ment >> accept6e 40. En pr6sence d’une violation des
principes fondamentaux r6gissant le fonctionnement d’une organisation, le con-
sentement d’une majorit6 des Etats n’est d’aucune utilitV1 . En somme, la pra-
tique des Etats doit 6tre uniforme et non ambigud avant de pouvoir modifier les
termes expr~s de la Charte des Nations Unies. Rien de tel n’existe dans le cas
de la r6solution 678 du Conseil de s6curit6.

D. Les problmes posgs par l’ampleur des operations militaires

Le droulement de l’offensive a6rienne et terrestre de 1991 montre bien
que les probl~mes mentionn6s ci-dessus ne sont pas simplement juridiques.
Mme si l’on ne conteste pas la validit6 de la r6solution 678, il demeure que
celle-ci autorisait uniquement l’emploi de mesures << n6cessaires >> A l’expulsion
des forces iraqiennes du Koweit << et au r6tablissement de la paix et de la s6cu- rit6 internationales >. Une operation qui ne contribuait pas directement A l’affai-

13 5Rdsolution du 7 juillet 1950, Rs. CS S/1588, Doe. off AG NU, 5e sess., Supp. n’ 2, p. 27

(1950).

136Voir Le Bouthillier et Morin, supra, note 122.
‘371bid.
‘ 38 Art. 51 de la Charte.
139Voir Le Bouthillier et Morin, supra, note 122, partie I.B.1.
140Avis consultatif sur la Namibie, supra, note 33 i la p. 22.
141 Compgtence de l’Assemblie gengrale pour l’admission d’un Etat aux Nations Unies, supra,
note 83 ; Composition du Comitj de la sicuritj maritime de l’Organisation intergouvernementale
consultative de la navigation maritime, supra, note 83.

1050

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 37

blissement des forces arm6es iraqiennes n’6tait donc pas autoris6e par cette for-
mulation’42. L’application de bonne foi de la r6solution conduit ici A ne pas viser
une cible dont l’utilit6 militaire semble douteuse’43. Le droit humanitaire impose
des r~gles semblables. Ainsi, l’article 23(g) de l’Annexe de la Convention de La
Haye IV'” interdit la destruction de propri6t6s ennemies < sauf les cas o ces destructions ou ces saisies seraient imp6rieusement command6es par les n6ces- .De fagon g6n6rale, les forces arm6es ont l'obligation de ne sit6s de la guerre diriger leurs op6rations que contre des objectifs militaires "s. II s'agit ici encore d'une manifestation du principe de la bonne foi lors du d6roulement d'un conflit arm6. En effet, les destructions inutiles n'accroissent pas les chances de succ~s d'un bellig6rant ; les Etats sont donc en droit de s'attendre A ce qu'il n'en soit pas fait usage. De fagon similaire, le principe de proportionnalit6 interdit les attaques causant incidemment des pertes en vies humaines, des blessures ou des dommages aux biens < qui seraient excessifs par rapport A l'avantage militaire concret et direct attendu >146.

Dans ces conditions, il convient de s’interroger sur l’ampleur des bombar-
dements a6riens de 1991, en particulier sur la destruction syst6matique des
moyens de transports et des centrales 6lectriques. Rappelons que la presque
totalit6 du territoire iraqien a 6t6 touch6e, les routes, les ponts, les voies ferro-
viaires, les raffineries, les centres de distribution de p6trole, les installations
6lectriques et les aqueducs 6tant vis6s 47. S’il 6tait l6gitime de couper certaines
voies de communication pour tenter d’empecher le d6ploiement des missiles
Scuds, le nombre et la diversit6 des objectifs retenus semble d6mesur6s ;
Charles-Philippe David, professeur d’6tudes strat6giques au Collge militaire
royal de St-Jean et A l’Universit6 de Californie A Los Angeles, conclut qu’il
n’6tait pas n~cessaire de proc6der ainsi pour obtenir la lib6ration du Kowe’it”4 .
De plus, les gouvernements 6gyptiens, tunisiens et jordaniens ont, chacun A leur
fagon, d6nonc6 la destruction syst6matique de l’infrastructure civile de l’Iraq ;
pour sa part, le pr6sident alg6rien s’est ralli6 Saddam Hussein durant l’offen-
sive a~rienne149.

’42J. Quigley, The United States and the United Nations in the Persian Gulf War: New Order

or Disorder?

(1992) 25 Cornell Int’l L.J. 1 aux pp. 17-19.

143Convention de Vienne stir le droit des traitis, supra, note 4, art. 26; Charte, art. 2(2).
‘”Convention concernant les Lois et Coutunies de la Guerre sur Terre, 18 octobre 1907, 205

Cons. T.S. 277 A ]a p. 293.

145Art. 48 du Protocole I -Protocole additionnel arex Conventions de Gendve du 12 aofit 1949
relatif d la protection des victimes des conflits armds internationaux (Actes de la Confirence diplo-
matique sur la rdaffirmation et le diveloppenment du droit international hunanitaire applicable
(1974-1977), vol. 1, Berne, D6partement politique f6d~ral, 1978
dans les conflits armis -Genve
A la p. 115 [ci-apr~s Protocole 1]) ; bien que cette convention n’ait pas
td ratifide par plusicurs
ttats parties a la guerre du Golfe, l’art. 48 est n6anmoins consid6r6 de droit coutumier: U.S.
Department of Defense, Conduct of the Persian Gulf War: Final Report to Congress, Appendice
0, < The Role of the Law of War > a p. 0-13.
‘ 46protocole I, ibid. art. 51(5)(b), 57(2)(a)(iii). Ces dispositions peuvent elles aussi 8tre consi-
d6r~es de droit coutumier. Le principe de proportionnalit6 s’applique aussi dans les cas de 16gitime
d6fense: Le Bouthillier et Morin, supra, note 122.

147C.-P. David, La Guerre du Golfe: L’illusion de la victoire ?, Montr6al, Art Global, 1991 aux

pp. 202-03.
148 bid.
1491bid. aux pp. 213-15.

1992]

CONGRES HENRI CAPITANT

1051

Le gouvemement am6ricain a pris position sur le sujet; il affirme que les
objectifs retenus 6taient militaires parce qu’ils soutenaient l’effort de guerre ira-
qien”5O. Plus particuli~rement, le rdseau de distribution d’dlectricit6 devait A son
avis 8tre vis6, parce que certaines installations militaires n’6taient pas munies de
g6n6ratrices’51 . Aucun d6tail n’est fourni sur le nombre de ces installations et sur
leur importance strat6gique. Itait-il n6cessaire de priver la majeure partie du
pays d’61ectricit6 pour d6loger les forces iraqiennes du Kowe’t ? A ce compte,
la destruction des ressources alimentaires serait acceptable parce qu’elle contri-
bue h affamer les militaires ennemis152 . Ce n’est pas IA l’esprit du droit huma-
nitaire, qui vise A prot6ger la population civile des cons6quences de la guerre.
Plus le nombre d’objectifs situ6s A proximit6 de civils est 6lev6, plus les victi-
mes << par ricochet >> seront nombreuses. Lors de l’offensive a6rienne, on a
estim6 que 15 000 civils avaient 6t6 blessds ou tu6s” 3.

Par ailleurs, il est impossible de passer sous silence les progr~s notables
accomplis par la diplomatie sovi6tique quelques jours avant l’offensive ter-
restre. Ces d6marches culmin~rent avec l’acceptation par Saddam Hussein
d’une proposition sovidtique impliquant le retrait du Kowe’ 54. Seule la ques-
tion des dommages causds par l’invasion restait en suspens ; la responsabilit6 de
l’Iraq 6tait toutefois inddniable en droit international et ne n6cessitait aucun
engagement de sa part. A tout le moins, un d6lai de quelques jours aurait permis
d’61ucider le s6rieux de cette acceptation. Le cas 6chdant, un bain de sang aurait

15 0U.S. Department of Defense, supra, note 145 aux pp. 0-10 0-16.
15 1Ibid. a la p. 0-11 ; une premiere version du rapport aurait soutenu que des instructions pr6-
t6 achemin6es en temps utile aux pilotes: M.R. Gordon, < Pentagon Study cises n'avaient pas Cites Problems With Gulf Effort > New York imes (23 f6vrier 1992) 1.

152 L’art. 54(1) du Protocole I, supra, note 145, interdit clairement de provoquer la famine. L’art.
54(2) interdit de << mettre hors d'usage des biens indispensables a la survie de la population civile >>,
alors que l’art. 52(2) d6finit un objectif militaire comme un bien qui apporte < une contribution effective A l'action militaire et dont la destruction [...] offre en l'occurrence un avantage militaire prdcis >. A priori, l’ensemble du r6seau de distribution d’6lectricit6 est un bien indispensable A la
survie de Ia population civile. II est difficile de croire qu’il 6tait impossible de couper l’alimenta-
tion des installations militaires sans priver d’6lectricit6 toute la population civile des r6gions vis6es.
Rappelons toutefois que le Protocole I n’a pas W ratifi6 par les
.tats-Unis et d’autres ttats
membres de la coalition. Ces dispositions ne peuvent done s’appliquer, sauf si elles codifient le
droit international coutumier, ce qui nous apparait probable.

15 3David, supra, note 147 A la p. 203. Les pertes chez les militaires iraqiens pourraient atteindre
80 000 ddc6s et 150 000 bless6s (ibid. la p. 253). Certains soldats ont 6t6 enterr6s vivants, ce qui
est proprement r6pugnant. Cette tactique 6tait peut-8tre justifiable d’un point de vue strictement
juridique, le temps manquant dans le feu de l’action pour offrir l’occasion de se rendre: U.S.
Department of Defense, supra, note 145 aux pp. 0-32 a 0-33. Par ailleurs, Ia destruction du Bun-
ker de Al-Firdus (ou Al’-Amariyah), oii plusieurs centaines de civils p6rirent (David, ibid.
la p.
203), a
t6 officiellement justifide par le fait qu’il s’agissait d’un centre de commandement et de
communication militaire. L’acc~s A ce lieu 6tait apparemment r6serv6 aux militaires, qui gardaient
l’entr~e, entour6e de fils barbels (U.S. Department of Defense, ibid. A la p. 0-14). Les forces de
Ia coalition ignoraient de plus qu’il s’y trouvait des civils. Selon David, il n’existe aucune preuve
du fait que ce bunker 6tait un centre de communication; il s’agirait A tout le moins d’une bavure
(ibid. aux pp. 203-04). Cependant, s’il s’agissait effectivement d’un centre de.commandement, les
forces iraqiennes avaient l’obligation de ne pas y placer des civils : Convention de Gen&ve relative
a la protection des personnes civiles en temps de guerre du 12 aoi2t 1949, 12 aofit 1949, 75
R.T.N.U. 287, art. 28. Il s’agit d’ailleurs d’une des nombreuses violations des r~gles du droit huma-
nitaire commise par les Iraqiens.

15 4David, supra, note 147 aux pp. 223-28.

1052

REVUE DE DROIT DE McGILL

[Vol. 37

t6 6vit6 ; nous retrouvons ici l’intransigeance am6ricaine dont il a 6t6 fait men-
tion auparavant.

Les quelques informations pr6sent6es ci-dessus nous portent A conclure
que l’offensive a6rienne lancfe par la coalition 6tait disproportionn6e dans les
circonstances. II est cependant malais6 de d6terminer apres coup quels 6taient
les objectifs l6gitimes lors d’une offensive militaire. C’est pour cette raison que
la Charte des Nations Unies confie A un organisme coll6gial le soin de prendre
de telles d6cisions : le consensus r6duit les risques d’abus. On est conduit pour
cette raison
remettre en question la validit6 m~me de la r6solution 678, une
question dont nous avons d6jA discut6 ci-dessus.

Conclusion

En droit international public, le principe de la bonne foi joue le plus sou-
vent un r6le suppl6tif. Bien qu’en r~gle g6n6rale, cette notion morale permette
d’6carter des solutions injustes ou d6raisonnables, en pratique, son utilit6 n’est
pas toujours aussi 6vidente. I’exemple du r~glement pacifique des diff6rends et
de son corollaire, l’obligation de n6gocier de bonne foi, est r6v6lateur A cet
6gard. L’exigence morale de la bonne foi ajoute fort peu une obligation juri-
dique particuli~rement vague, celle de n6gocier. Aux termes de la Charte des
Nations Unies, il importe pour le maintien de la paix et de la s6curit6 interna-
tionales que le Conseil de s6curit6 soutienne 6troitement la bonne foi des parties
un diff6rend. En cas de rupture de la paix, la mauvaise foi de l’agresseur met
fin
l’obligation de n6gocier et c’est alors au Conseil de r6tablir l’ordre, tant
par des mesures coercitives que par des propositions de r~glement pacifiques.
Lors de la crise du Golfe, malheureusement, le Conseil n’a sembl6 privil6gier
que la premiere approche.

La notion de bonne foi coiffe 6galement les r~gles d’interpr~tation utilis~es
pour 6lucider le sens du trait6 constitutif d’une organisation internationale. Elle
permet de rendre compte de la th6orie des pouvoirs implicites. Celle-ci inclut
un principe g6n6ral de droit interdisant la d6l6gation de responsabilit6. I1 s’en-
la force n’est pas conforme i ]a
suit que la simple autorisation de recourir
Charte des Nations Unies. M~me en admettant que la r6solution 678 soit valide,
l’ampleur des bombardements lors de la guerre du Golfe semble difficilement
conciliable avec ses exigences et celles du droit de la guerre. Dans ces condi-
tions, il est impossible de ne pas s’interroger sur la bonne foi de la premiere
puissance 6conomique et militaire de la plan~te.

Préface in this issue Bonne Foi Dans la Formation du Contrat, La

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