COMPETENCE JURIDICTIONNELLE ET LEX FORI DANS LA
CONVENTION DE VARSOVIE
Jacques G. de Villeneuve*
L’action qui d6coule du contrat de transport international semble 6tre clai-
rement r~glement6e par la Convention de Varsovie de 1929. Cependant, 6tant
donn& que certains silences ou certains renvois explicites aux lois nationales des
tribunaux saisis, donnent ‘ ceux-ci un r6le tour 1 fait important, c’est un acte
grave que de choisir un tribunal pour connaitre du procs. Car parallklement
A cet octroi de puissance particuli~re au tribunal saisi, la Convention de Varsovie
ouvre la porte de nombreux tribunaux au cr6ancier insatisfait par le transport
a6rien. I1 pourra donc se produire cc que nous pourrions appeler des “conflits
a priori” de competence juridictionnelle, car selon la situation oil il se trouvera,
le demandeur 6ventuel aura intrt A saisir tel tribunal plut6t que tel autre,
a condition de rester dans les limites d6finies par la Convention.
I. Les diverses possibilit~s de saisine
L’article 28 alin6a I ouvre un large champ d’actions aui creancier. “L’action
tre port6e au choix du demandeur dans le territoire
en responsabilit6 devra
d’une des Hautes parties contractantes, soit devant le tribunal du domicile du
transporteur, du siege principal de son exploitation ou du lieu oit il possede
un 6tablissement par les soins duquel le contrat a 6t6 conclu, soit devant le tri-
bunal du lieu de destination.”
Le texte de l’article 28 exclut la competence de tout autre tribunal.1 Mais il
autorise d6j! une comp6tence multiple seulement limit6e par la n6cessit6 qu’il
s’agisse d’un tribunal siegeant dans le territoire d’un pays contractant, un
autre tribunal risquant de refuser d’appliquer une convention par laquelle il
ne se consid~re pas comme i6.2
1. LA COWPTENCE DU TRIBUNAL DU DFENDEUR; LA NOTION DETABLISSEMENT
Le droit commun frangais connait, en mati~re de litige a propos de contrats,
trois comptences possibles. 3 Le tribunal du domicile du d~fendeur, le tribunal
*Docteur en droit, dipl6m6 d’Etudes Sup&ieures d’Economie Politique, Paris.
2f., art. 32: “Sont nulles routes clauses qui entraineraicnr . .
. unc modification des raglcs de
comp6tences”. Mais dans certaines limites des clauses d’arbitrage sont possiblcs.
21l peut 6tre note au passaic que la difinition du transport international exclut de la Convention
trr euxpays dont Fun n’est pas signataire de la Convention: cf., Ic jugcmcnt
les transports effectus e
nave du 8 mars 1955: (1955) 9 Rev. Fr. de Dr. afrien 335. Li
du tribunal de lre instance dc
Convention n’est pas applicable entre ]a Suisse et la Turquie: celle-ci n’ayant pas adh6r6 A ]a Con-
vention de Varsovie, le transport de Suisse en Turquie ne r~pond pas a la definition du transport
international de ‘art. 1 paragraphe 2 de ]a Convention. Cependant ces probl~mes se posent de moins
la Convention (elle a &6 ratifi6
en moins, ]a presque totalit6 des principaux &ats ayant adh&6
par au moins 85 pays, actuellemeni).
3Art. 420 du Code de Proc6dure Civile, pour les actions du contrat de transport terrestre, devant
le tribunal de Commerce, 21 juin 1855, Rouen D.P.55.2.336, et sur pourvoi, 26 avril 1856. Req.
D.P.56.1.290.
No. 4]
LA CONVENTION DE VARSOVIE
285
dans 1’arrondissement duquel la promesse a 6t6 faite et la marchandise livre
ou le tribunal dans le ressort duquel le paiement devait 8tre effectuE.
Le premier tribunal possible dans le cadre de la Convention de Varsovie
correspond aux principes g~nraux de procedure frangaise selon lequel le tribunal
normalement comp&ent pour connaltre d’un litige est le tribunal du domicile
du d~fendeur.
Le texte frangais de Varsovie pr~voit quatre comptences:
-le
-le
-le
tribunal du domicile du transporteur;
tribunal du si~ge principal de son exploitation;
tribunal du lieu oa il poss~de un &ablissement par les soins duquel
le contrat a 6t6 conclu;
-le
tribunal du lieu de destination.
Mais le texte anglais parle de “The Court having jurisdiction where the carrier
is ordinarily resident”.
Tandis que le texte amricain reprend le texte fran~ais et parle du domicile
of the carrier.4
Mais pouvons-nous interroger sur cette difference dans les textes des difft-
rents pays: qu’entendre par domicile du transporteur? D’apr~s le droit anglais5
une socikt est domicilie dans le pays of elle a 6t6 incorporated. Mais elle est
r~sidente dans le pays oA elle a des organismes exercant sa direction et son
contr6le. Si cette direction ou ce contr6le sont divises entre plusieurs pays,
alors la Socit6 est considre comme r~sidente dans chacun de ces pays, ce qui
est le cas dans chaque pays oii les compagnies ont une part d’exploitation
importante. Donc le texte anglais permet la competence dans chaque pays oft
l’entreprise A une exploitation importante, m~me hors du pays oil elle a son si~ge
social. Mais de m~me le tribunal di siege principal de son exploitation (dans
le texte anglais principal place of business) semblerait se rattacher A la meme
conception d’exploitation principale dans chaque pays (il n’est pas parlk de
‘ete diffirence de textes a pos6 des difficults. En effet, la notion de domicile en droit anglo-
saxon est diffrcnte de la notion frangaise. La traduction la plus proche – mais non exacte – du
domicile frangais est ordinary residence qui est 1’expression employe dans le texte anglais. Le terme
domicile aux USA est beaucoup plus strict. Ce qui a amen6 un arrat qui n’aurait pas 6t6 Ic mame si
les USA avaient adopt6 la traduction anglaise de la notion frangaisc de domicile. Galli v. Re-al
Brazilian International Airlines, 7 avril 1961, 7 Avi. 17,614.
II s’agissair d’un voyage aller-retour
Rio de Janeiro-New York. L’action est porttc devant la cour a New York. Celle-ci refuse sa
comp6tcnce. Le domicile et la principal place of business sont au Br~sil, le billet a t6 achetE au Brasil,
Ic point de destination 6tait le Brasil. La compagnie brasilienne &tair peut-etre residente aux USA,
mais n’y avait pas son domicile (place of incorporation) qui 6tait au Br~sil.
“Dicey, Conflict of Laws, 7 me 6d. p. 478.
McGILL LAW JOURNAL
[Vol. 8
siagc social, ou de head office, cc qui renverrait au pays d’origine). II semblerait
donc que l’id&e de-tribunal du domicile du transporteur, ou du siege principal
de son exploitation, soit une notion divisible, qui se renouvelle dans chaque
pays oei l’cntreprise a une exploitation importante.8
En droit franais, qui admet le principe d’unit6 de domicile el droit interne,
on autorise en fait la pluralit6 de domiciles dans le cas de soci&fs 6trangares:
on a tendance7 A considrer le domicile A l’tranger comme domicile inexistant.
Les cntreprises
trang&res ont i 6tre cnregistr&s en France apres que leur ex-
ploitation a 6t autoris&e. Cet enregistremcnt leur confrera un domicile
commercial qui peut 6tre considr6 comme celui dont nous parle Particle 28
de la Convention.
La notion de domicile en France est rattach&e 1 l’ide de principal &tablisse-
ment. Cependant il a & jug6 que les socift&s peuvent &re consid~r&s comme
domicili&s au siege principal de leurs operations bien que leur siege social
soit dans un autre lieu.8
Nous voyons donc que les notions de tribunal du domicile du transporteur
ou de sa ordinary residence et du siege principal de son exploitation sont restes
tras floues. I1 s’agit en fait de notions plus &onomiques que juridiques. On
semble avoir soigneusement voulu 6viter de s’en remettre A des notions juridiques
trop pr&ises et restrictives, par exemple le si&ge social. En Angleterre oa la
notion de domicile de la soci&t6 6tait sp&ialement d~finie (Country where it is
incorporated) on a substitu6 la notion de residence, plus souple. En effet cette
competence 6tait n~cessaire pour complter celles du lieu de l’6tablissement,
.. . ou du lieu de destination. Car ces comp~tences assurent aux plaideurs la
possibilit6 d’agir atun endroit oa ils trouveront un patrimoine de la Societ6
suffisant pour garantir leur cr~ance.
II ne fallait pas rendre comp&ents les
tribunaux du lieu de destination ou du lieu oi une petite agence de la Compagnie
a 6tabli le contrat et renvoyer le plaideur, s’il ne voulait pas saisir les tribunaux
I1
d’un de ces lieux au si~ge social ou au centre originaire d’exploitation.
fallait qu’il puisse s’adresser au Tribunal du siage principal de l’exploitation
ou du lieu oille transporteur possde un 6tablissement qui a conclu le contrat
s’il y 6tair plus facile d’y trouver des garanties.
Le problme du lieu de formation du contrat est 6cart&; cela 6vite les nom-
breuses divergences, notamment de la jurisprudence fran~aise sur le lieu et Ic
moment de formation du contrat. La comp&ence est en effet au tribunal non
du lieu de formation du contrat, mais de celui oil le transporteur a un 6tablisse-
ment qui a conclu le contrat.
6Mais il se peur qu’on consid~re strictement la notion dc siage principal dc l’exploitation, cc qui
renvoic en principe au pays d’Origine. C’est une notion de fait appr&ci& par Ics tribunaux, (en cc sens,
Mc Garnault, avocat d’Air-Francc).
7Cf., BATIzPOL, Trait dr droir international prive. No 690. Ccpendant, dans Ic cas de socift~s 6tran-
g~res, ne peut-on consid6rer qu’il s’agir seulement d’une sorte dc domicile 61u, pour permettre les
poursuites.
tgeq.. 17 juillct 189 9, MED.P.]. 22S.
No. 41
LA CONVENTION DE VARSOVIE
Devant les tribunaux, la question s’est souvent posse de savoir cc qu’il fallait
entendre par la notion d’itablissement du transporteur. La question peut avoir
une certaine importance, car une definition restrictive peut enlever la possibilit6
de recours l o i on a pris le billet.
La Cour supreme de New-York9 declare qu’un plaideur est autoris& 1 assigner
Ic transporteur devant le tribunal du lieu de vente du billet, quoique ledit billet
y ait 6t vendu non pas directement par la transporteur en cause, mais par son
agent gn6nral, qui 6tait en l’occurrence un autre transporteur a&ien. La Cour
s’est donc attach& 1 la notion de vente plut6t qu’i celle d’6tablissement. Elle
se rattache A la notion de lex loci contractus.
Au contraire le tribunal de premiere instance de Gen~ve 0 d&lare que l’action
ne peut &re intent&e devant le tribunal o6 le transporteur possde un &ablis-
sement, selon l’article 28 de la Convention de Varsovie, qu’a condition d’en-
tendre par &tablissement le lieu d’une vritable exploitation commerciale et
non un simple guichet. La notion d’&ablissement sur laquelle le tribunal
Suisse a mis l’accenr est donc li& A celle de domicile. Le tribunal restreint donc
la compftence a celle du tribunal d’un domicile vritable du transporteur. I1
se rattache A l’id& que le demandeur doit agir devant le tribunal du domicile
du d~fendeur: actor sequitur forum rei …
La Convention de Varsovie ne semble donc pas connaitre la competence des
gares principales, qui existe en droit interne francais pour les transports ferro-
viaires, depuis qu’elle a &6 reconnue en 1844 par notre jurisprudence.” En
elfet on ne peut reconnaltre la comp&ence des tribunaux des lieux des principaux
&ablissemcnts d’une compagnie arienne, car il en r~sulterait une trop grande
multiplicit6 des tribunaux comp~tents, et donc des lois applicables dans la
mesure oCi la Convention reconnait des pouvoirs i la loi nationale du tribunal
saisi par le demandeur. Cette solution serait cependant tr~s protectrice du
d~fendeur, mais si lon s’en r~f~re A l’esprit de la Convention de Varsovie, le
danger du transport arien est A la charge de celui qui est assez t~mraire pour
Futiliser. Il n’y a donc pas A rechercher sp&ialement A prot&ger l’usager1 2
dej! assez prot~g6 par la multiplicit6 des comp~tences accord&s.
2. LE TRIBUNAL DU LIu Dr.. DESTINATION
Une facilit6 est laiss& par l’article 28 a la personne l~s&e par le transport.
L’action en responsabilit& contractuelle peut encore etre porte devant le tri-
bunal du lieu de destination. Le Code de procedure civile fran~ais donne
OCour supr-mc dc New-York, 30 janvicr 1956, Bulletin d’informations juridiques No 11, mars 1956.
Dans ]c m-me sens, en appel de la d&ision pr&it. Suite, voir Cour suprime de New York, Appellate
division, 18 dembrc 1955, R.F. D.A. (1956) 2, p. 195.
‘Tribunal de premiire instance de Gcnive, 26 mars 1957, (1958) 12 Rev. Fr. de Dr. airien 190.
“Cf., la Cour d’appel des USA, district de Colombia, le 7 janvier 1954: N’est pas comp&ent le
tribunal du lieu d’une quelconque des agences de la compagnie de transport.
“Cf., J. Grandbois de Villeneuve: L’idit dr danger dans l’ivolution du droit airien. Thse, Paris 1960
p. 170.
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(Vol. 8
comp6tence au tribunal du lieu oi5 la promesse a 6t& faite et la marchandise
livr~e, ces deux 6lments devant obligatoirement Etre r~unis. Le droit arien
permet que soit competent le tribunal du lieu de destination. ttant donn~es
les distances sur lesquelles s’effectuent les transports ariens, il 6tait n~cessaire
de ne pas obliger le demandeur, qui est en g~nral le destinataire, 3 A intencer au
loin un proc~s A une compagnie aerienne, alors que les seuls rapports qu’il a eu
avec cette compagnie sont au lieu de destination. II s’agit donc d’une possibilite
qu’on a considre comme ncessaire A cause de la sp~cificit6 du transport arien.
En effet supposons un n~gociant de Tokyo 16s6 par un mauvais transport de sa
marchandise par Air-France, depuis Rome jusqu’A Tokyo; avoir A intenter
Faction i Rome ou i Paris, Equivaudrait nous semble-t-il sauf au cas o
les
int&r&ts en jeu seraient considrables, A 6carter toute responsabilit6 pratique du
transporteur et d’att~nuer par lU l’efficacit& de la Convention de Varsovie. C’est
donc dans un souci de commoditE et surtout d’efficacit6 de la convention que
cette competence a 6t6 retenue par la Convention de Varsovie.
Mais nous pouvons de plus relever une autre raison en faveur de cette com-
ptence: au cas ox la marchandise aurait 6t6 endommag&e au cours du transport,
mais aurait cependant ft6 achemine jusqu’l son but, la constatation du dom-
mage et son Evaluation, l’enqu~te 6ventuelle seront plus faciles par le tribunal
du lieu de destination. Ce tribunal est en g~nral celui qui pourra le mieux avoir
connaissance des faits de la cause. D’autre part, il sera moins difficile, eu
6gard A la puissance respective des parties, I la Compagnie de d~fendre A un
proc~s lointain qu’au destinataire d’attaquer dans un pays 6tranger.
3. LE TRIBUINAL DU LIEU DU DOMMAGE
Pour des raisons d’utilit6 pratique, on a rejet6 le principe de competence du
lieu du dommage. A l’origine cette competence avait 6t6 prevue. Les dl6gu~s
frangais er anglais ont demand6 le rejet de la proposition. Mais nous devons
6tudier deux cas:
S’il s’agit d’un accident A un passager ou a une marchandise au cours d’un
vol normal, la difficult& de localisation exacte et le manque d’intrft de l’6tat
survol6 pour connattre de cette cause, obligent A 6carter cette competence.
Mais juid au cas d’un accident survenu A l’aronef lui-m~me, qui interrompt
le voyage arien: la competence ratione loci ne serait-elle pas une solution
normale: elle assurerait l’unitE des poursuites 6ventuelles en un lieu d~termin6.
Mais l’affaire risque d’6tre connue d’un tribunal susceptible de refuser l’applica-
tion de la Convention de Varsovie si son gouvernement ne l’a pas ratifice.’4
La question cependant peut rester pose, surtout maintenant o
la plupart des
3 ,Le transport s’effectuant en gn&ral apras la conclusion d’un contrat entre IYcxpditcur er Ie dcsti-
natairc, ]a maichandise cst passie aux risqucs du destinaraire qui sera done le premier’inrress6 A
laction. Mais on a parfois objec6 1 ccla qu’en g~nral Ic contrit dc transport a 6t6 conclu par
‘exp~diteur avec le transporteur er que donc Faction contractuelle ne pourrait etrc ouverre qu’a
P’expMditour.
z’/. les rapports Anglais et Fran~ais. Minutes de Ia Convention de Varsovic. OACI Doc. 7838.
No. 4]
LA CONVENTION DE VARSO VIE
pays ont ratifi6 la Convention. Car si
‘accident d’avion a caus6 des dommages
i la surface, la Convention de Rome de 1952 reconnait la competence des “tribu-
naux du pays du lieu du dommage”, comme seuls comp~tents1 5: la competence
de cc tribunal, reconnue pour les r&lamations des passagers amenerait PunitE
de juridiction pour tous les proc s relatifs a cet accident. Mais en matire de
transport sans dommages aux tiers 1 la surface, a part des possibilit~s d’enqu&te 6
cc syst~me ne serait int&essant pour personne. Ii n’y a donc pas toujours des
raisons d’Etablir une nouvelle compktence, mais celle-ci pourrait &tre souhaitable
parfois. Le fait d’6carter la competence du lieu du dommage reste dans la ligne
traditionnelle du droit, qui ne reconnalt pas en principe le lieu du dommage
comme g~n&ateur de comp&ence en mati&e contractuelle.
C’est pour donner plus d’efficacit6 pratique A la Convention de Varsovie
qu’on a instaur6 un regime de comptence multiple. Mais c’est la source de
nombreuses difficult~s qui, en fait, restreignent lefficacit6 du syst~me et multi-
plient la complexit6 des conflits susceptibles de survenir.
Le demandeur sera tent6 de choisir le tribunal non pas en fonction de la
commoditE, mais en fonction de la loi qu’il voudra voir appliquer A son cas”7
car la Convention ouvre largement la porte A l’application de la loi nationale
du tribunal. Et ce n’est certes pas 1U cc que visait la Convention de Varsovie.
II. Les consequences du choix du tribunal par le demandeur
On a reproch6 quelquefois A la Convention de Varsovie d’abandonner trop
de points A la lx fori. Or celle-ci variant naturellement avec le tribunal saisi,
cela expose la jurisprudence A des divergences pr~judiciables A l’unit:6 du droit
international priv6 a~rien. La lex fori tant la seule loi A laquelle se r~fhre la
Convention, en cas de silence de celle-ci sur un probkme, cc sera la loi du for
qui sera la base d’appr&iation du juge. C’est d’ailleurs normal, car le juge tout
naturellement est port6 A appliquer sa propre loi, ou a interpreter la convention
en fonction de sa propre loi.
D’aprhs les travaux pr~paratoires de la Convention, il apparalt que m~me
IA o6 il n’y a pas eu expresse r~f&ence A la loi du for dans le texte, la loi nationale
est en g~n&al tacitement consid&& comme devant &tre appliqu& en cas de
doute.’8 On ne doit donc pas rechercher l’esprit de la convention ou les prin-
cipes g~n&aux du droit: “La tendance des juges de droit civil, &rit M. BATIFFOL,
15de Juglart. La Convention de Rome du 7 octobre 1952.
‘t Mais des procedures internationalcs offrent des possibilit&s de participation aux &ats membres de
l’OACI-voir l’art. 26 de la Convention de Chicago, et I’annexe 13 i cette meme convention: en cas
d’accidcnt a&ien sur Ic territoire d’un &at contracrant, cet &at devra prendre toute mesure suscep-
tible de conserver les 6l6ments d’une enqu&te qui pourra Etre faite aprs notification de l’&at du lieu
de l’accident, par une commission d’experts du pays dont ressort la compagnie a&ienne. Cette
procdure s’est r&6vl& assez efficace et est frquemment employ&e.
17Pourvu naturellement que la Compagnie attaquic posside un patrimoine susceptible de per-
mettre l’ex&ution de la sentence.
“f., Warsaw Minutes and Documents ICAO Doc. 7838.
McGILL LAW JOURNAL
(Vol. .8
est d’interpr&ter un trait6 comme un element de la legislation interne, plut6t
que de se referer aux concepts et i l’esprit du trait”. 19
Par exemple ‘-‘O “la convention ne determine pas l’tendue du dommage A
payer en cas de mort, de blessure, ou autre lesion corporelle. 2
1 Ce dommage
doit-il 6tre direct, indirect, physique ou seulement moral? A-t-il un caractLre
contractuel ou delictuel? Etant donne que dans chaque cas c’est la lex fori qui
va tout dterminer, on pourrait difficilement envisager une regle generale, tant
que la convention n’aura pas etE completee A cet effet.”
La loi nationale est donc importante en cas de silence de la Convention.
Mais celle-ci comporte de plus un certain nombre de references expresses a la
lexfori. L’importance de certaines de ces references montre combien il est grave
pour le demandeur de choisir un tribunal.
1.
PROCiDURE
L’article 28, alin~a 2, prescrit que les r~gles de procedure suivies seront celles
du tribunal saisi, dc m~me les modalit~s de condamnations aux depens suivront
les regles de la loi du tribunal. Cette formule de l’alinea 2 de l’article 28, sous-
entend que les jugements ne seront pas executoires dans le territoire des autres
6tats contractants: l’execution ne se fera que dans le cadre et selon la loi de l’rat
dont le tribunal aura 6t6 saisi. Cela repondait aux voeux des delegues britan-
niques qui s’opposaient aux possibilites d’excution directe a l’etranger.12
2. LA FAUTJE DE LA PERSONNE Lf SiE
L’article 21 dclare que “dans le cas oas le transporteur fait la preuve quc la
faute de la personne lese a caus6 le dommage ou y a contribu6, le tribunal
pourra conformement aux dispositions de sa propre loi, ecarter ou attnuer la
responsabilit du transporteur”. La Convention s’en remet donc au droit interne
sur la question. Nous voyons l’influence du choix du tribunal sur l’issue du
proc~s, car selon la loi applicable, la faute de la victime ne. sera pas considere
ou bien elle attdnuera ou ecartera la responsabilite, le demandeur cherchera une
loi ne considerant pas le fait de la victime comme 6vnement exon~ratoire.
D’aprs l a jurisprudence frangaise23 le d6biteur est exonere par la preuve dc
la faure du crEancier, si l’inexecution provient uniquement de cette faute, car la
faute du creancier n’exonere pas le d~biteur de la sienne. Le defendeur devra
prouver que la faute du creancier lesE a Ete la seule cause du dommage 4 . En
“BATi.OL: Traite elwntntaire de droit international privi, Paris 1959 No 39. Contra: Ic jugement en
appel de I’affaire Nordisk-Transport (J.C.P. 1953.11.7513 note de Juglart): le juge saisi doit essayer
dans un but d’unification de se faire une ide internationale du texte litigicux.
20Matesco: Droit airim alronautique (1954) p. 223.
“1 Art. 17, Convention de Varsovie.
“Cf., de Juglart: Traite Ul tnntair, de droit airin, p. 343.
“‘Cass. req., 5 fvrier 1929, S.1929.1.247.
24CF., aussi par exemple I’arret de la Cour de district – Sud de New-York, du 27 juin 1955 (USA
Reports 1954, p. 70) un passager qui ne met pas sa ceinture et se rend I la porte pour dire au revoir
1 un parent et fait une chute mortelle, ne pourra obtenir rparation du prejudice subi.
No. 4]
LA CONVENTION DE VARSOVIE
effet, en particulier pour le transport de marchandises, choses en principe
inertes durant le transport, l’admission de ces marchandises est soumise A un
contrat entre l’expditeur et le transporteur. Elle doit respecter une srie de
r~gles fort strictes. Si ces r~gles sont m~connues par l’exp~diteur, le transporteur
pourra invoquer cette carence 5. L’application de cet article 21 ouvre au trans-
porteur une possibilit6 d’exonraxion parallkle ‘ la preuve exonratoire pr~vue
par 1’article 20: le transporteur n’est pas responsable s’il prouve que lui ou ses
proposes ont pris toutes mesures ncessaires pour Eviter le dommage ou qu’ils
ne pouvaient les prendre. La loi du for va intervenir pour determiner les effets
de la faute prouv&e de la victime sur la pr~somption de faute ou la faure 6tablie
du transporteur ou de ses proposes. Par ailleurs les conditions g~nrales de
l’A.I.T.A. contiennent des dispositions 6cartant la responsabilit6 du trans-
porteur en face de certaines fautes prcises de la victime ou du vice propre de
ses biens.
3. L’INDEMNISATION sous FORME DE REN-rE
L’article 22 de la Convention envisage 6galement le recours i la loi interne
du tribunal saisi.
Article 22, alin~a 1: “Dans le transport de personnes … dans le cas oA
d’apr~s la loidu tribunal saisi, l’indemnisation peut 8tre fixe sous forme de
rente, le capital de la rente ne peut d~passer la limite fixe par cc m~me
article”.
Le tribunal saisi a une incidence sur la forme du versement de l’indemnit.
Mentionnons que la jurisprudence franqaise refuse d’allouer des rentes assorties
d’une 6chelle mobile destine i protger le b~n~ficiaire contre la hausse des prix,
ce qui fait que les tribunaux fixent le montant de l’indemnit& en capital. Alors
qu’en Allemagne, l’indemnisation de la victime est obligatoirement sous forme
de rente et en Autriche l’indemnisation sous forme de rente est recommande.
4. LF DiLAI POUR INTMETER L’AcEIoN
L’article 29 precise que “le mode de calcul du d~lai dans lequel Faction en
responsabilitE doit ktre intente est dftermin6 par la loi du tribunal saisi.”
Le Major Beaumont, dans son projet de revision de la Convention, estime
que le d~lai de deux ans fix6 par le texte est trop long pour les transporteurs qui
ne savent pas si une procedure sera ouverte: un dlai d’un an serait suffisant.2 1
Pour les marchandises et bagages un d~lai pr~alable est pr~vu pour faire une
reclamation au transporteur: 7 jours pour les bagages, 14 jours pour les marchan-
25En effet d’apr~s l’arr. 16 alin~a 2, le transporteur, s’il doit exiger une lectre de transport riguli~re,
n’est pas tenu d’examiner si ces renseignements cc documents sont suffisants et exacts. L’art. 10
ulin~a 2: ‘expditeur supportera ]a responsabilit6 de tout dommage subi par Ic transporteur ou route
aurre personne i raison de ses indications et d~clarations irr~guli~res, inexactes ou incomplktes.
Mais cette carence doit 6tre assez grave pour pouvoir arre considr&e comme constiruant une faute
genratrce du dommage.
2-Lors des travaux prhparatoires de la Convention, le d Ikgu6 frangais, M. Ripert avait proposE
un dlai de prescription de 1 an. On a pr~f& un d&lai de dch~ance de 2 ans, apras de longues dis-
cu’-ions (cf., les Minutes de la Convention de Varsovie OAC[ Doc. 7838).
McGILL LAW JOURNAL
[VoI. 8
discs, d’apr~s le protocole de la Haye .27 Mais rien n’est pr~vu pour les doni-
mages corporels.
Aux U.S.A. une clause des compagnies pr~cisait que toute rclanation devait
ftre faite par Ecrit dans les 30 jours suivant 1’6v~nement gnrateur. On s’est
demand. si une telle clause 6tait valable, la jurisprudence semble l’admettre.’
D’ailleurs I’A.I.T.A. dans ses conditions g6nrales, a repris l’obligation pour
l’usager de pr~venir le transporteur dans le dMlai de 30 jours A compter du
dommage ou du retard.
La loi nationale dterminera si le d~lai s’6coule de jour A jour, si on compte le
jour de depart du d~lai ou celui de sa fin.
Une question importante a EtE souleve par cet article 29. La qualification
du d~lai d~pend du mode de calcul du d~lai. Elle depend donc de la lex fori.
S’agit-il d’un vritable d~lai de dch~ance ou d’un d~lai de prescription, le texte
dclare: “L’action doit 6tre intente sous peine de d~ch~ance dans les 2 ans”.
La question est tr~s importante, car le dlai de prescription peut seul ktre inter-
rompu ou suspendu.
En France, l’exercice de l’action contractuelle en cas de transport est enferm6
dans un dlai tr~s court toujours considr6 cormme un d~lai de prescription. ‘
Les travaux pr~paratoires montrent que le d~lai devait 8tre considr6 comme un
d~lai de prescription. Mais cc dlai 6tait tr~s long .(deux ans) et les causes de
suspension et d’interruption r~gles par la loi du for, auraient pu faire durer cc
d~lai ind~finiment, laissant peser sur le transporteur la menace d’une action.
Ce qui fait que sur proposition du d6l~gu6 italien M. GIANNINI, on est arriv6 ii
la redaction definitive qui fait de cc d6lai un dlai de dch~ance. ,
M. RoDikRE pense qu’il s’agit d’un d~lai prefix instituant une dech~ance, la
plus grande longueur du d~lai compensant sa nature. Cependant d’apras cet
auteur, l’interruption a parte debitoris resterait possible. Car le delai est destin6
A prot~ger le d~biteur qui peut y renoncer par exemple par une reconnaissance
de responsabilit6.30 La jurisprudence semblerait s’orienter dans le m6me sens. 3’
Nous voyons donc quc, selon le tribunal saisi, les conceptions pourront changer,
la question risque d’Etre discute selon les pays, de savoir s’il s’agit d’un vri-
roLe texte original de la Convention pr~voyait 3 jours, pour les bagages, 7 jours pour les mar-
chandises, cc qui 6rait trs court.
28Dans une affaire Indemnity Insurance v. P.A.A. 57 F. Supp. 980, 1 Avi. 1243 (1944); confirm6 dans 58
F. Supp, 338, 1 Avi. 1247 (1944), ]a Cour de New York dcclare qu’il n’y a pas incompatibilit6 entrc
cette clause et les dispositions de la Convention de Varsovie. Le dlai de 30 jours n’est qu’un aver-
rissement 6crit, condition antirieure a F’action qui doit Etre intent6c dans les dcux ans. Cependant
ceett clause n’est-elle pas contraire 1 1’esprit de ]a Convention qui n’a pas privu dc tlles restrictions
‘action. Quoiqu’il en soit cc pr6alable est maintenant en g~n~ral demand6 par les
l ‘exercice de
compagnies (cf. conditions A.I.T.A.).
29cf., article 108 e 433 du Code de Commerce Frangais, et ]a loi du 2 Avril 1936 (article S).
3R. Rodiere-Droit des transports, II, 1139.
31cf. Wanderer v. Sabena: New York Supreme Court 10 Fvrier 1949-(1949) 12 Rev. G6n. de l’Air
S21.
No. 4]
LA CONVENTION DE VARSOVIE
table ddlai de dch~ance. Et l’importance, A l’interprdtation, vient de l’ampli-
tude possible des variations en fait du ddlai. par le jeu de la loi nationale.
5. LE DOL OU LA FAUTE EQUIVALENTE AU DOL
L’article 25, alina 1, a fait couler beaucoup d’encre avant sa revision par le
protocole de la Haye.
Cet article 25 original nous disait: “Le transporteur n’aura pas le droit de se
prrvaloir des dispositions de la prdsente convention qui excluent ou limitent sa
responsabilit6 si le dommage provient de son dol ou d’une faute qui d’apr~s la
loi du tribunal saisi est considre comme Equivalente au dol”.
C’est ici que jusqu’au protocole de la Haye, le choix du tribunal par le
demandeur a revdtu une importance primordiale. La personne 16se par un
transport arien, pouvant choisir entre les tribunaux de plusieurs 6tats, peut,
par son choix, influer sur le fond m~me du droit qui lui sera appliqu6. En effet,
selon que la loi du tribunal saisi donne une notion plus ou moins s~v~re de la
faute 6quivalente au dol, le demandeur ne pourra que trs difficilement, ou au
contraire pourra trs ais~ment 6carter les limitations de responsabilit6 de la
convention de Varsovie. Aussi en droit interne, de tr~s vives controverses sont-
elles nes i propos de la d~finition de la faute 6quivalente au dol.
En effet, des solutions tr~s diffrentes 6taient concevables suivant le tribunal
saisi: un passager saisissant un tribunal pouvait ne pas arriver a 6carter la
limitation de responsabilit6 de la convention. Un autre, devant le mme
accident, saisissant un autre tribunal, pouvait fort bien se faire accorder une
reparation plus complke. Ii y a eu des 6tapes dans l’6volution de la juris-
prudence A ce sujet.
La convention de 1929 fixait un plafond de responsabilit6 . Prenons le chiffre
de la limitation de responsabilit6 pour les victimes corporelles des accidents
adriens.. L’article 22 nous indique que la responsabilitE du transporteur envers
chaque voyageur est limit6 A 125.000 francs Poincar6. L’6volution post~rieure
de la conjoncture mondiale, notamment la crise de 1929, la guerre de 1939 et
leurs sdquelles ont amend une tr~s forte devaluation. Le chiffre de la limitation
n’a pas suivi assez vite la hausse des prix. Quoique relev6 a 2 millions d’A.F.,
il est rest6 nettement trop bas. Or la Convention de Varsovie n’avait pas telle-
ment voulu une faible limitation de responsabilit6 du transporteur. Le chiffre
de 125.000 F. correspondait A un prejudice moyen. I1 visait surtout A la quanti-
fication des risques courus par le transporteur pour lui permettre de s’assurer
6ventuellement contre ces risques.
Ii ne s’agissait donc pas uniquement du
versement d’une indemnit6 forfaitaire, mais aussi de la reparation du prdjudice,
ce prejudice 6tant cependant Evalu6 A priori.
On a cherch6 A resteindre l’application de cette limitation trop basse. Pour
cela la victime n’avait que la solution de prouver la faute 6quipollente au dol.
La jurisprudence fran~aise, en particulier, a tendu, pour pallier l’insuffisance
de la convention de Varsovie, A faciliter cette preuve. Mais les jurisprudences
McGILL LAW JOURNAL
[V”ol. 8
ou les lois des divers pays ne donnaient pas de cette faute une definition uniforme.
La victime d’un accident arien, au cours d’un vol international tel qu’il est
d~fini dans l’article ler alin~a 2 de la Convention de Varsovie, devait donc
choisir avec grand soin le tribunal a qui il voulait faire connaitre d’une action
en responsabilit6. En France, la loi du 2 mars 1957, modifiant l’article 42 de
la loi du 31 mai 192432 pour 1″aligner sur le texte de la convention de Varsovie,
a adopt6 du wilful misconduct la d~finition suivante: “la faute considre comme
6quipollente au dol est la faute inexcusable, c’est-A-dire d6lib6r& et impliquant
la conscience de la probabilit6 du dommage et son acceptation t~m~raire sans
raison valable”. Le dol ou la faute 6quipollente d’un pr~pos6 dans l’exercice
de ses fonctions permettra 6galement de rejeter la limitation de responsabilit6.
Sur quel crit&re en effet se baser, pour appr&ier la faute 6quivalente au dol?
Kafta 3 nous en propose une: -11 ne faut pas appr~cier la faute en elle-meme
mais A travers ses consequences probables, et la gravit6 des dommages qu’en-
traine in6vitablement la d~faillance des gens de l’air”. Le protocole de la Haye,
ratifi par la France en 196014, modifiant la Convention de Varsovie et en meme
temps le droit interne frangais, puisque celui-ci avait align6 son droit national
sur le texte de la convention le 2 mars, 1957, et avait accept6 le protocole en
1960, marquera un point final A cette Evolution et uniformisera les lkgislations
sur cette question. Ce texte d&ide d’augmenter de 100% le plafond de l’indem-
nit&, ce qui &ablit une reparation moyenne raisonnable”. Mais, par contre,
la notion de faute Equivalente au dol devient plus stricte. Le nouvel article 23
de la convention devient le suivant: “les limites de responsabilit6 de l’article
22 ne s’appliquent pas si on prouve que le dommage r~sulte d’un acte ou d’une
omission des proposes ou du transporteur, fait soit avec l’intention de provoquer
un dommage, soit t~mrairement et avec conscience qu’un dommage en re’sultera
probablement, pour autant que dans le cas d’un acte ou d’une omission des
pr~pos&s, la preuve soit 6galement apport& que ceux-ci ont agi dans l’exercice
de leurs fonctions.” Donc le domaine de la faute quivalente au dol, qui avait
cherch A s’&endre jusqu’a la faute lourde, se voit de nouveau restreint a la
notion de faute intentionnelle.36
Nous avons insist6 assez longuement sur cette question, car elle montre
bien combien le choix d’un tribunal par le demandeur peut influer sur le fond
-‘Article 118 du Code dc l’Aviation Civile et Commerciale.
33Kafral: “‘La rparation des dommages causis aux voyageurs dans les transports a&iens”: Revue
Trimestrielle de Droit Civil 1929 p. 995. Contra: la jurisprudence fran~aise: on doit appr&ier la faute
en elle-mme: Arrar Broche-Hennessy:J.C.P. 1952, No. 6985.
Le protocole de la Hayc n’esr pas encore en application, n’ayant pas encore &6 ratifi par un
nombre suffisant de pays. (Il faut 30 ratifications, il n’y en a encore que 18.)
35Le chiffre en est actuellement de 5,800,000 AF.
3La jurisprudence marque d’ailleurs acruellement le mime durcissement en mati&cre maritime, en
France. La Cour de Cassation vient en effet de dicider qu’en droit maritime ]a faute lourde, ne sau-
tablic par Particle
rait, i l’inverse du dol ct de la fraude, faire acre a la limitation de responsabiliti
5 de la loi du 2 Avril 1936. Cette solution met fin 1 une controverse qui opposait depuis longtemps
la Cour de Cassarion. (Cass. 11 mars, 1960.D.1960.277, note Rodi~re, ct 1960.
les juges de fonds a
JCP.II.115501bis note de Juglart.)
No. 4]
LA CONVENTION DE VARSOVIE
du proc~s. Nous avons pris l’exemple d’un plaideur, qui avait choisi un tribunal
fran~ais, et nous avons vu tout cc qui pouvait lui arriver de sp6cifique dans le
cadre de la lexfori fran~aise, avant que le protocole de la Haye n’ait unifi
les
interpretations et enlev6 le renvoi i la lex Jori pour la definition de la faute
6quivalente au dol.
III. Le problme de l’ex~cution et les questions soulevges par ces
comp~tences multiples
Tous ces cas ne r~v~lent pas de conflits de juridiction A proprement parler-
II ne s’agit pas de conflit de juridictions saisies, mais d’une sorte de conflit
entre juridictions A saisir.
Etant donn6 que, ainsi que nous P’avons vu, la resolution de nombreuses
questions depend de la loi du juge saisi, le demandeur aura int&r&t i connaitre
cette loi avant de choisir le tribunal devant lequel il portera son action. Mais
la diversit de lois applicables peut avoir des inconv~nients pratiques, lorsqu’au
cours d’un m~me accident des dommages ont 6t6 causes 1 des personnes diff-
rentes, susceptibles de saisir des juridictions diff6rentes, dans des pays diffrents
et selon des lois variables qui risquent d’amener des solutions contradictoires
A des causes identiques.
Le texte de la Convention de Varsovie n’a pas pr~vu d’exception de litis-
pendance, ni m~me, comme la convention de Rome relative aux dommages
causes aux tiers A la surface, le droit pour le transporteur de faire 6tat de l’en-
semble des reclamations et cr~ances. Cette carence de la Convention de Varsovie
semble devoir rendre ncessaire un accord en la mati~re, sur le plan international.
Si plusieurs personnes intentent dans des pays diffrents une action en in-
demnisation du montant limit6 pr~vu dans la convention, le texte de Varsovie
ne pr~voit pas la possibilit6 d’en faire 6tat. Par ailleurs la pluralit6 des tribu-
naux comp~tents risque de permettre plusieurs dcisions contradictoires A
propos d’un mme accident: Non seulement l’action risque d’8tre fractionne,
mais encore elle risque d’amener des solutions divergentes. Un m~morandum
de M. Bosco 7 r~clame un protocole adoptant entre les contractants l’exception
de litispendance pour suspendre une d~cision du tribunal saisi, si une action sur
le m~me objet est dej! en cours. D’autre part, il faudrait accepter entre pays
contractants, l’autorit6 de la chose juge et des possibilit~s d’excution A
l’6tranger. Cela nfcessite que la decision 6mane d’une juridiction compftente
selon la convention, que la decision soit d6finitive et ex&utoire dans le pays
qui a rendu la decision, enfin, que la dfcision ne soit pas en contradiction avec
celle dans le pays oft on demande l’excution. 8
37OACI Comit6 Juridique–Documents No. 4541.
3Cela ne devrait pas non plus soulever de difficults si on admetrair 6galement I’exceprion de
litispendance. Cependant l’adoption dc celle-ci peut poser des probI~mes. Aussi M. Van der Meulen
(OACI Doc. 5541) propose-t-il, pour 6carter les problames poses par I’acceptation de l’exception de
litispendance et de lautorit6 de la chose juge en pays itranger, la compEtence d’une juridiction
internationale sous l’6gide de I’OACI.
McGILL LAIV JOURNAL
[Vol. 8
11 est evident qu’en l’absence d’un tel protocole, dans le choix du tribunal
par le demandeur, doit entrer en ligne de compre, au premier plan, le fair que,
pour obtenir l’ex&ution dans un pays 6tranger sans avoir A pratiquement re-
commencer le procas, par la r~vision au fond dans le pays requis, le demandeur
doit examiner les gages d’execution que presente le transporteur dans le pays
of il introduit Faction: l’acte final de la conference internationale de droit
priv6 aerien, qui s’est tenue A la Haye en 1955, a recommande au Comit
juri-
dique de I’O.A.C.I. d’etudier un systme de garantie du paiement des indem-
nires dans le cas de responsabilite du transporteur, par exemple par l’assurance
obligatoire, soit par une garantie fournie par une banque, soit par un dep6t en
esp ces; et d’etudier et inserer des rhgles internationales pour l’execution des
jugements A l’Etranger. L’adoption du protocole recommand6 par M. Bosco
aurait pour effet de restreindre, de facto, la possibilite de faire jouer la pluralite
de competence pour agir sur le fond du procas, mais d’assurer plus d’eflicacit6
et d’uniformite A la jurisprudence.
IV. Les problkmes soulev6s par les transports successifs et par le
transport par un autre que le transporteur contractuel
En cas de transport successif, un problme de conflit de juridiction pourrait
se poser: quelle est la compagnie a~rienne que l’on doit poursuivre, donc en quel
pays doit-on saisir le juge en cas de transport A ex6cuter par plusieurs trans-
porteurs par air successifs? L’article 1, alin~a 3, declare que -le transport A
ex~cuter par plusicurs transporteurs par air successifs est cens6 constituer pour
l’application de cette convention un transport unique lorsqu’il a et6 envisage
t6 conclu sous la forme d’un
par les parties comme une seule operation, qu’il air
seul contrat ou d’une serie de contrats, et il ne perd pas son caractere inter-
national par le fait qu’un seul contrat ou une serie de contrats doivent 6tre
executes integralement dans le territoire d’un mme etat”. L’unit6 de voyage
entraine l’usage uniforme du texte de la Convention de Varsovie, meme pour
un tron~on de voyage interne A un pays.3″
Mais elle ne cree pas d’unit6 de juridiction competente, puisqu’elle renvoie
A Particle 28, alinea 1. En droit frangais des transports, le premier voiturier est
responsable unique des transports vis-a-vis du plaignant. Cette responsabilite
resulte plus de la qualit de commissionnaire que de celle de voiturier. 40 Les
transporteurs interm~diaires ne sont pas responsables, sauf si on prouve leur
faute, et si on peut localiser I’accident dans la portion de transport qu’ils ont
effectu. Le dernier voiturier est dans la meme situation 4l. Mais le premier
transporteur aerien, considerE comme commissionnaire, peut 6carter sa respon-
“Si
le voyageur traite s~par~ment avec les transporteurs, il y a plusicurs contrats distincts qui
chacun doivent &rre internationaux cf. par exemple-Circuit Court du Comt de Cook (Illinois) I
29 novembre, 1948. (1950) 13 Rev. Gin. de Pair 962 (n.,e Lacombe).
“REile r~sulte donc plus de l’applicarion des articles 97, 93 cc 99 du Code dc Commerce FranSais,
plut6c que de celi de ‘article 103.
41Cass. 4 fvrier, 1914 (D.P.1916.1.141).
No. 4]
LA CONVENTION DE VARSOVIE
sabilit6. Par exemple, les conditions g~n~rales Air-France dclarent que -le
transporteur qui Emet une lettre de voiture en vue d’un transport
effectuer par
d’autres transporteurs, n’agit qu’A titre de repr6sentant de ces derniers. Aucun
transporteur ne peut 8tre tenu pour responsable d’un dommage qui se produit
alors que les marchandises ne sont pas sous sa garde, 1 moins qu’il ne soit prouv6
que le dommage r~sulte de sa faute ou de son dol”.42 Pour les accidents de
personne, par contre, il n’y a pas de responsabilit6 du premier voiturier, sauf
en cas de stipulation expresse du transporteur prenant la responsabilit6 person-
nelle sur tout le trajet. En effet la localisation est ici chose facile et il n’y a pas
de raisons de choisir un autre transporteur que celui qui est responsable de
1’accident.
En droit international, la competence sera r~gie par ‘article 30, alin~as 2 et
3, de la Convention de Varsovie. Le probl~me est important, car selon qu’un
des transporteurs, ou chacun sera responsable, le nombre des tribunaux comp8-
tents sera celui de 1’art. 28, ou bien le mime, multipli6 par le nombre de trans-
porteurs susceptibles d’6tre attaqu~s.
En droit international il faut soigneusement distinguer transports successifs
et transports uniques A excuter par plusieurs transporteurs successifs. L’article
30 ne concerne que ces derniers: les crit~res de distinction r~sideront dans la
fa~on dont les parties ont envisag6 l’opration, selon qu’elles 1’ont consid~r~e
comme un seul transport, ou comme plusieurs op&rations cons6cutives. Chaque
transporteur est considr6 comme une partie au contrat. U n’y a pas de diffrence
entre le premier transporteur et les suivants: le premier est ici sens& agir pour
lui pour la partie de transport qu’il effectuera, et comme repr~sentant des autres
pour les autres portions du transport. Le plaignant peut donc toujours agir
contre le transporteur qui a effectu6 la portion de transport au cours de laquelle
s’est produit le fait dommageable. Pour le transport de personne, c’est son seul
recours4 3: le transport considrE comme unique pour le contrat de transport, peut
tre fragment6 pour l’exercice de l’action en responsabilit6. Pour le transport
de marchandises, l’exp~diteur a en plus un recours contre le premier transporteur,
et le destinataire contre le dernier, cc qui leur permet d’avoir un r~pondant
facile A atteindre, en cas de difficults de localisation du dommage.
L’6tablissement, grace A ‘article 30, de la liste des adversaires possibles an
proc~s, permet d’6tablir, conform~ment A l’article 28, la liste des tribunaux
qui peuvent 6tre saisis pour connaitre du procts. Cette liste peut
tre longue, le
plaignant pouvant par exemple saisir des tribunaux et attaquer le responsable
de l’accident ou le premier ou dernier voiturier. Cela est susceptible de multiplier
encore les possibilits de “conflits A priori” dans le choix de la juridiction a
saisir, car les tribunaux et donc les lois du for applicables sont plus nombreux.
2Conditions g~nrales Air France article 11, paragraphe 38.
1,1Sauf si par stipulation expresse, le premier transporteur a assurE la responsabilit& pour l’ensemble
des transports.
McGILL LAW JOURNAL
[Vol. 8
Le projet 1 Montreal de Convention pour l’unification de certaines r~gles
relatives au transport arien international effectu& par une personne aurre que
le transporteur contractuel, permet d’ouvrir dans certains cas de nombreux
tribunaux au demandeur.
Le transporteur de fait est une personne qui effectue le transport ou une part
du transport sans 8tre considr& comme un transporteur successif au sens de
l’article 30 de la Convention de Varsovie44 , le projet de Moritreal proposait de
permettre au demandeur d’intenter une action devant les tribunaux vis6s A
Particle 28 de la Convention de Varsovie, contre le transporteur contractuel ou
contre le transporteur de fait ou l’un et l’autre. Toutefois il pourrait poursuivre
le transporteur de fait devant le tribunal du domicile de ce transporteur ou du
siege principal de son exploitation, et dans ce cas, il peut aussi poursuivre le
transporteur contractuel devant cc mEme tribunal. Si on assigne le transporteur
‘article 7 du projet prEvoit que le
de fait devant le tribunal de son domicile,
transporteur poursuivi pourra appeler le transporteur contractuel en inter-
vention devant le tribunal saisi. Et de toute fa~on, si les 2 transporteurs sont
assign~s devant 2 juridictions, l’indemnit6 ne doit pas d6passer la limitation
de la Convention de Varsovie. 5
Dans les transports internationaux non soumis a la Convention de Varsovie,
la loi applicable au contrat est celle adopt&e par les parties. S’il s’agit de res-
sortissants de pays diffrents on s’attachera au lieu de formation du contrat
et de son execution, 1 moins que ne’ressorte l’intention contraire des parties.40
Les parties ont en effet le choix entre plusieurs lois.4 7 La jurisprudence fran-
Saise, cependant, estime que si un contrat a 6t6 conclu et excut6 en France, A
moins qu’il ne mette en jeu des intfrets commerciaux internationaux, ce contrat
doit 6tre soumis A la loi franSaise et le proc~s connu par un tribunal fransais.48
Mais, en I’absence d’indication, les jurisprudences de droit 6crit et de Common
Law appliquent la lex loci contractus. L’Accord d’Anvers, sign& sous l’gide de
PA.I.T.A. par les transporteurs ariens, precise que la loi du contrat sera la
‘entreprise de transport afrien: les actions
loi nationale du siege principal de
nes du contrat devront 6tre portes devant le tribunal de cc si6ge principal.
Dans ces cas, la designation du tribunal competent et celle de la loi comp6tente
“Par cxcmple en cas de location ou d’affratcerent d’un aironef avec un 6quipage-Voir aussi A cc
sujec les travaux de ]a Ilame Session du Comit6 Juridique de I’ACI A Tokyo en 1957. Le problam
est complexe, car si pour 1’exp6diteur, le commissionnaire est consid~r6 comme lc transporceur, pour
le vrirable transporteur, il sera considir6 commc tant ‘exp~ditcur.
‘5Sur cecte question voir les comptes rendus des travaux de I’OACI dans ]a Revue Frangaise dc
droit arien 1961 p. 15 et 50, et la Convention de Guadallajara de 1961 sur ]a responsabilit6 du trans-
porteut de fait.
“Cass.-Civ. 31 mai 1932, D.1933.1.169.
‘4Cass.-Civ. 5 dcenmbre, 1910.S.1911.1.129.
‘8 Voir de Juglarr-Traiti rljntntaire du droit aerien p. 323.
No. 4]
LA CONVENTION DE VARSOVIE
vont complktement de pair. Les conflits susceptibles de se presenter devcont
suivre les solutions normales du droit international.
Le problame des relations entre les lois nationales et les tribunaux que l’on
peut saisir ne se pose probablement nulle part autant que dans la Convention
de Varsovie; car celle-ci, en mnme temps qu’elle ouvre un vaste champ de com-
ptences juridictionnelles, fait rev~tir au choix qui sera fait une particulire
importance du fait du nombre des renvois aux legislations nationales des tri-
bunaux saisis. La Convention de Varsovie a voulu faire d~pendre la solution
de certains points de droir du choix du tribunal; en fait ne risque-t-elle pas de
produire l’effet inverse: des solutions nationales a certains points de droit le
plaideur risque de faire dfpendre le choix du tribunal. Les plaideurs n’iront
pas dire quelles raisons ils ont de saisir tel tribunal. Mais il est certain que
pour un plaideur avisE e bien conseill6, Particle 28 de la Convention de Varsovie
ouvre un vaste domaine ofi il peut faire jouer des dispositions tres variables
qu’il devra parfois choisir avec soin, car elles sont susceptibles d’orienter 1’issue
du procs en modifiatit le droit applicable i la cause. 49
49Mais cectte multiplicit de juridiction est tris prajudiciable 1 l’uniformit6 du droic a&ien cc de la
jurisprudence, quoique de nombrcux pays sc soicnt alignas sur ]a Convention de Varsovie cc sur ses
compl~ments (notamment Ic prococole de la Hayc). Mais il existe toujours des difficults qui pour-
raicut atre &artes si on admectait I’unit6 de juridiction (cf. ]a Convention de Rome dc 1952) et des
divergences de jurisprudence qui pourraient peut-tre arre actcnu6cs si on s’en remettait A une juri-
diction intcernationale unique, ne serait-cc m8mc qu’en appel (solution dans I’6cude a 6t6 recommandic
SI’OACI pour permettre lunification de ]a jurisprudence cc dont IFid6ce avait daji 6t6 lanc& par de
nombreux auceurs).