De la cause d’action et de la comp6tence internationale
H. Patrick Glenn*
Introduction
souvent de caract6re unilat6ral –
La d6cision de la Cour supreme dans l’affaire Wabasso’ est
importante h trois 6gards. D’abord, sur le plan processuel, elle est une
contribution int6ressante h la d6finition de la ’cause d’action’, cette
notion classique, omnipr6sente et fuyante de tout syst~me de droit
judiciaire. Deuxi~mement, en permettant, h l’option du demandeur,
qu’une cause d’action soit 6troitement d~finie, elle permet un
61argissement important de la comp6tence internationale des tribunaux
qu6b6cois. Troisi~mement, elle se situe dans un mouvement remar-
quable d’expansion –
de la
comp6tence internationale des tribunaux des pays occidentaux. Nous
nous proposons d’examiner successivement ces trois aspects de l’affaire,
mais il faut pr6ciser ce qui est d~jh 6vident, que notre perspective est
celle du droit judiciaire et du droit international priv6, et que cette
perspective ne coincide pas n6cessairement avec celle du droit civil.
Parlant pr~cis6ment de la fronti~re entre la responsabilit6 d6lictuelle et
la responsabilit6 contractuelle, MM. Batiffol et Lagarde remarquent que
sur le plan international “il n’est pas dit que les qualifications du droit
civil s’imposeront”. 2 Nous croyons que la d6cision de la Cour supreme
est 6minemment justifiable sur les plans processuel et international,
mais pour des raisons que la Cour a choisies de ne pas longuement
d6velopper dans son jugement.
I. De la cause d’action
L’article 68 du Code de proc6dure civile ne donnait comp6tence aux
tribunaux du Quebec, dans les circonstances de l’affaire, que si l’on
pouvait conclure que “toute la cause d’action [avait] pris naissance” au
Qu6bec. D’ofi l’intrft pour
le demandeur d’articuler sa cause
uniquement en termes de faits rattach6s h la province, et d’6carter du
dossier judiciaire tout 616ment extra-territorial (et notamment contrac-
tuel). Dans quelle mesure la notion de la ’cause d’action’ permet-elle
une telle d6marche?
*De ]a Facult6 de droit, Universit& McGill. L’auteur tient h remercier le professeur
Y.-M. Morissette, qui a lu et comment6 le texte.
‘Wabasso Ltd v. The National Drying Machinery Co. 119811 1 R.C-S. 578, inf.
[19791 C.A. 279, inf. [19771 C.S. 782.
1H. Batiffol & P. Lagarde, Droit internationalpriv6, 6e 6d. (1976), t. II, aux pp. 224-5.
REVUE DE DROIT DE McGILL
[Vol. 27
II est important de rappeler A ce stade certaines donn~es essentielles
de notre syst~me de droit judiciaire. Tout d’abord, il est facultatif ou, si
vous voulez, optionnel.3 Rien n’oblige le citoyen de d~fendre ses droits,
rien ne l’emp&che d’en saisir les tribunaux. Cons6quence technique de
ce principe de base, c’est au demandeur, et non pas au juge, de formuler
la pr~tention qui justifierait l’intervention du tribunal. Da mihifactum,
dabo tibi jus, ou, dans
frangaise
contemporaine, “[l]es parties choisissent librement les faits qu’elles
entendent invoquer au soutien de leur pr~tention; le juge ne doit pas en
introduire d’autres”. 4 La charge d’all~gation est donc au demandeur et
l’articulation de la cause d’action est en principe sa responsabilit6. Cette
option du demandeur est un grand principe qui domine notre syst6me de
droit tout entier; ce sont les exceptions au principe qui doivent se
justifier, dans des domaines donn~s.
langage de
le
la doctrine
II existe certes des exceptions, dont certaines sont dict~es par le
droit judiciaire m~me. C’est dire que la ’cause d’action’ est celle
formul6e par le demandeur, on non, selon les cas, et en vertu de crit6res
qui peuvent 6tre diff6rents selon le domaine dans lequel la question se
pose. La ’cause d’action’ devient donc une notion “fluctuante et
prot~iforme”, selon l’expression de Motulsky.5 D&finie de fagon large et
abstraite, et impos~e par lejuge en mati~re de lispendens ou chose jug~e
pour emp~cher l’encombrement des r6les et le harclement d’un
d6fendeur, elle peut r~apparaitre mince et particularis6e, en suivant
pr~cis~ment les pr~tentions du demandeur dans d’autres domaines,
comme celui qui nous int~resse pr~sentement. Ce qu’est une ’cause
d’action’ aux fins de
la comp6tence
internationale n’est donc pas n6cessairement ce qu’elle est aux fins de
d6ecider s’il y a chose jug~e, ou si un regime d6lictuel ou contractuel est
applicable en droit civil interne.
l’article 68 C.p.c. et de
Le point de depart du raisonnement de la Cour supreme se trouve
donc tr6s justement dans un rappel des allegations du demandeur, A
Perrot, Droit judiciaire prive (1961), t. I, aux pp. 110-2.
3R. Savoie & L. Taschereau, Procedure civile (1973), t. I, aux pp. 38-9; H. Solus & R.
4H. Motulsky, Ecrits [;] Etudes et Notes de procedure civile (1973), A la p. 51. Le
principe est consacr6 par I’article 117 du Code de proc6dure civile du Quebec: l’objet de
la demande et ses causes doivent 6tre exposes dans le bref m~me ou dans une d~claration
qui y est jointe. I1 ne s’agit point, bien sfir, de cacher des faits du juge, et le d6fendeur est
parfaitement libre d’all6guer des faits diffrents. La question est simplement de savoir s’il
existe de bonnes raisons, selon ]a nati~re, pour 6carter le choix fait par le demandeur
(voir Ia discussion des paragraphes suivants). En droit civil, malgr6 la vigueur de certaines
interventions, la r~ponse A cette question ne semble pas tout A fait claire, d’oz une
difficult6 de transposer une solution civiliste A d’autres domaines, conme ]a comp6tence
internationale. Voir A. Tunc, “Torts [;] Introduction” in International Encyclopedia of
Comparative Law (1981), vol. XI, nos 32-48.
5Supra, note 4, A la p. 101.
19821
WABASSO
l’effet que “Faction est bas6e sur des faits et actes qui sont survenus A
Trois-Rivi~res”. 6 C’est dire que Faction ne vise pas d’autres faits. On
retrouve le mme th~me dans les conclusions du jugement, of. il est
pr6cis6 que “toute la cause de
‘action telle que libelle a pris naissance
dans le district de Trois-Rivi~res”. 7 En mettant ainsi l’accent sur le
choix du demandeur, la Cour supreme revient a la these qu’elle avait
d~fendue dans la c1lbre affaire Ripstein v. Trower & Sons Ltd, A
savoir que dans les affaires de comptence internationale il faut regarder
“toute la cause d’action telle que constitue”.8 La Cour d’appel du
Quebec s’est exprim~e r6cemment dans un langage presque identique
dans l’affaire Procon (Great Britain) Ltd v. Golden Eagle Co.,9 elle
aussi une affaire de comp6tence internationale dans laquelle l’option du
demandeur a W respect~e. La jurisprudence, sur ce point, devient de
plus en plus importante.
6Supra, note 1, A la p. 582 (C.S.C.).
7Ibid., A la p. 592 [nos italiques].
8[1942] S.C.R. 107, A lap. 114 (M. lejuge Rinfret) [nos italiques]. La decision de la
Cour supreme a W renvers~e par le Privy Council: Trower & Sons Ltd v. Ripstein
[1944] A.C. 254.
9[19761 C.A. 565, A lap. 568, ofi M. lejuge Lavoie 6nonce: “Vu
‘article 68.2 C.P.,
6tant d’avis que la cause d’action … telle qu’intent6e, a pris naissance dans le district
judiciaire de Quebec…”. Voir aussi aux ttats-Unis, A. Ehrenzweig & E. Jayme, Private
International Law (1973), vol. 2: Special Part: Jurisdiction, Judgments, Persons
(Family), A la p. 35, au sujet des tribunaux des 6tats qui “narrowly define the
requirements of the causative act” pour 6tablir leur comp6tence dans des causes inter-
6tatiques. I! est A noter que dans toutes ces affaires le tribunal est oblig6 de qualifier la
cause d’action sur la foi des simples allegations des parties, et dans l’ignorance de la loi
applicable au fond de l’affaire. Le dernier phdnom~ne est dict6 par l’article 6 du Code
civil, qui dispose que seule la loi qu~b~coise est applicable pour determiner Ia competence
des tribunaux du Quebec. Encore une fois, les questions de comp6tence internationale se
distinguent de celles du droit civil. La qualification qui s’impose est certes rudimentaire et
consiste simplement en une constatation que les faits qui ont eu lieu A l’int6rieur de Ia
province sont pertinents A un domaine de droit donn&. Mais le lien entre fait et droit doit
s’6tablir mime A ce stade du litige, et on ne pourrait pas conclure, par exemple, que
puisqu’il y avait simple inex~cution (sans qualification plus exacte) au Quebec, toute une
cause d’action a pris naissance au Qu6bec. Si l’inex~cution 6tait d’une obligation
contractuelle, Ia preuve de la formation du contrat ferait partie de Ia cause d’action, et le
contrat aurait pu 6tre conclu A l’tranger. Dans les affaires Wabasso, Trower (en Cour
supreme) et Procon, Ia d6marche intellectuelle est donc la m~me: 1) le tribunal prend
connaissance des allegations du demandeur, et du d~fendeur, le cas ch~ant; 2) le tribunal
constate que la qualification contractuelle exclut la competence locale parce que le
contrat a W conclu A l’6tranger, d’ofi Ia ndcessit6 de qualifier; 3) le tribunal d6cide que
l’option du demandeur de presenter les faits qu’il veut presenter doit atre respect~e, que
les faits purement locaux qui sont pr~sent~s sont pertinents A un domaine de droit autre
que le contractuel, et qualifie en faveur de cet autre domaine. La suite de nos remarques
(infra, parties II et III) porte sur la meilleure justification de ces decisions.
Mc GILL LAW JOURNAL
[Vol. 27
Le texte de l’article 68 exige, cependant, que toute la cause d’action
ait pris naissance au Quebec. 10 De fagon g6n~rale, sont donc exclues de
la competence des tribunaux du Quebec les causes qui sont effec-
tivement inter-provinciales ou internationales, a moins qu’un autre
texte en autorise l’audition. Mais encore une fois, il s’agit de toute la
cause d’action telle que libelle, et rien en principe n’oblige le deman-
deur de presenter des faits qui sont extra-provinciaux, A condition 6vi-
demment que les faits intra-provinciaux qu’il pr6sente constituent une
cause d’action valable. Dans Wabasso, donc, le demandeur ne se plaint
pas de vices de conception ou de fabrication survenus en Pennsylvanie.
II limite son action A la faute du d~fendeur de ne pas avoir, au Qu6bec,
rempli son obligation de renseignement sur la fagon d’entretenir
l’appareil.” Cette d~marche a requ l’approbation de la Cour supreme. I1
s’agit cependant d’une faute d’omission, et M. le juge Mayrand a fait
remarquer en Cour d’appel qu’une telle omission ne peut pas 6tre
localis~e au Quebec, “car elle s’est poursuivie depuis la naissance du
contrat en Pennsylvanie
l’incendie au
Quebec. ‘ 1 2 Toute l’omission n’a pas eu lieu au Quebec; toute la cause
d’action n’a donc pas eu lieu au Quebec. Mais doit-on d~s lors en
d~duire que la conclusion de la Cour supreme est mal fond~e? Pensons
un peu au d~roulement du procs. Le demandeur all~gue et prouve que
des renseignements 6taient n~cessaires, qu’il n’y en avait pas dans la
documentation de la compagnie et que les techniciens du d6fendeur
n’ont den dit lors de l’installation de l’appareil A Trois-Rivi~res. Le
demandeur a-t-il aussi le fardeau de prouver que nulle part ailleurs au
monde, ses employ6s n’ont requ de directives ad~quates? Doit-il
prouver, pour 6tablir une cause d’action, un n6gatif sur le plan universel?
N’est-ce pas plut6t au d6fendeur de prouver qu’effectivement des
instructions ont W donn6es ailleurs? Si elles ont 6 donn~es, l’action
de la Wabasso sera certainement rejet~e sur le fond; 3 si elles n’ont pas
jusqu’A la survenance de
IVoir infra, pour le d~veloppement historique du texte actuel de l’article.
“Voirsupra, note 1, aux pp. 287-8 (C.A.). II est donc normal que lors de ‘audition de
l’affaire sur le fond, tout 6lment de preuve ne se rapportant pas i ces faits soit exclu.
12lbid.
13La question de savoir si des renseignements ont W donn~s ailleurs relive
uniquement du fond de ‘affaire, car la question de competence est rigl~e une fois qu’il est
dtabli qu’il n’y avait pas d’instructions donn6es au Quebec. Ainsi on a visd juste en
affirmant, lors de l’audition de la requite, que “vous [nel nous avez pas dit dans la
province de Quibec comment entretenir ]a machine”, supra, note 1, i la p. 782 (C.S.)
[nos italiques]. Cette restriction de la cause d’action A ce que le demandeur a le fardeau de
prouver, peut avoir des consequences aussi dans des cas de fautes par commission. Un
demandeur qui prouve, au Quebec, un dommage caus6 par un produit difectueux, ne
binfficie-t-il pas d’une prisomption de fait pour 6tablir la faute? Si c’est au difendeur
d’apporter une preuve contraire, ]a cause d’action n’est-elle pas complete au Quebec dans
l’absence de cette preuve, m6me dans le cas de fabrication 6trangre? Voir cependant,
1982]
WABASSO
W donn~es, la competence des tribunaux qu~b~cois est 6tablie et le
demandeur recevra son jugement, sur sa preuve qu’il n’a pas requ de
renseignements au Quebec. La cause d’action est limit~e A ce que le
demandeur pr~sente, et h ce que le demandeur doitprouver.14 La cause
d’action peut 6tre une omission, mais le demandeur n’est oblig6 ni de
pr6senter ni de prouver la totalit& de l’omission pour 6tablir une cause
d’action valable.
Ainsi, la notion processuelle de la ’cause d’action’ est parfaitement
capable de supporter l’interpr~tation de l’article 68 donn6e par la Cour
supreme. Mais pourquoi une telle interpr6tation? Quelles sont les
raisons qui militent pr~cis~ment en faveur de cette restriction de la
notion de ’cause d’action’ pour &largir la competence de nos tribunaux?
La Cour supreme nous a indiqu6 pourquoi les arguments tires du droit
civil n’ont pas influ& sur sa d6cision, et ce sujet sera l’objet des
interventions des autres conf~renciers. Le jugement est muet, cependant,
sur les crit~res relevant du droit international priv6 et de la competence
internationale. Pourtant, d’excellentes justifications existent dans ces
domaines.
II. De la competence internationale des tribunaux du Quebec
Les origines de l’article 68 C.p.c. remontent A 1849, quand la loi
portant r~forme du syst~me judiciaire de 1’6poque a codifi6, pour la
premiere fois, les r6gles de competence territoriale. Au domicile du
d6fendeur, principe de droit coutumier,
lieu
d’assignation du d~fendeur, le lieu ofi la cause d’action a pris naissance,
et le lieu de la situation des biens du d6fendeur. 1 Ces dispositions furent
calqu~es sur celles d’une loi anglaise de 1846 6tablissant la competence
territoriale interne des County Courts anglaises. 6
furent ajout~s
le
avant l’affaire Wabasso, La Cooperative Fdre de Qu.bec v. Dubuc [1965] R.P. 286
(C.S.): “Considering that it does not appear that the alleged defective fabrication…
occurred in the Province and that, in consequence, the whole cause of action … did not
arise within the province”.
14Voir Trowers & Sons Ltd v. Ripstein, supra, note 8, A la p. 263 (P.C.).
I’Voir l’Acte pour amender les lois relatives aux cours de juridiction civile en
premiere instance, dans le Bas-Canada, 12 Vict., c. 38 (Bas-Canada), arts 14 (pour le
lieu d’assignation du d~fendeur et le lieu oi la cause d’action a pris naissance), et 94 (pour
le lieu de la situation des biens du d~biteur). Pour les r~gles coutumi~res de comp6tence
sous l’ancien r6gime, voir D. Jousse, Nouveau commentaire sur l’ordonnance civile du
mois d’avril 1667 (1767), t. I, aux pp. 18-22. Nous ignorons l’application v~ritable de ces
rfgles dans la colonie.
‘6En ce qui concerne au moins le lieu d’assignation du dMfendeur et le lieu oil Ia cause
d’action a pris naissance. Voir An Act for the more easy Recovery of Small Debts and
Demands in England, 9 & 10 Vict., c. 95, art. 60 (U.K.), etS~n~cal v. Chenevert (1861)
12 L.C.R. 145 (Q.B.), ofi l’on retrace ‘histoire legislative de ces dispositions. En ce qui
REVUE DE DROIT DE McGILL
[Vol. 27
Ces dates sont importantes car il en r6sulte que notre 16gislation
contemporaine est bas6e en partie sur le droit coutumier, peu favorable
aux r6clamations extra-territoriales, et en partie sur le module anglais de
la premiere moiti6 du dix-neuvi~me si~cle, une 6poque ofi la competence
internationale des tribunaux anglais n’avaient pas encore W admise,
et oii la comptence territoriale interne restait fort restr~einte. 17
La 16gislation qu6b6coise est rest6e inchang6e jusqu’h la fin du dix-
neuvi me si~cle.18 De nombreux jugements t6moignent de la grande dif-
ficult6 que les dernandeurs du dix-neuvi~me si~cle, surtout des commer-
gants, ont 6prouv6 en essayant de poursuivre un d6fendeur 6loignd, m6me
dans un autre district judiciaire du Qu6bec.’ 9 La notion de ’cause d’action’
conceme la situation des biens du d6fendeur, il semble aussi que cc fut la 16gislation
anglaise qui servit de mod le. Les articles 173 et 174 de la Coutume de Paris permettant
de procder par voie d’arr6t sur les biens des d6biteurs forains furent retranch6s de la
Coutume par le comit6 d’experts de Carlton en 1772 parce qu’ils n’avaient jamais 6t6
appliqu6s dans la Nouvelle-France. VoirAn Abstract of Those Parts of the Custom ofthe
Viscounty and Provostship of Paris, which were received and practised in the Province
of Quebec, in the Time of the French Government (1772), A la p. ii. Sur les r~gles
anglaises portant sur leforeign attachment, copi6es aussi dans plusieurs juridictions des
Etats-Unis, voir K. Nadelmann, “Jurisdictionally Improper Fora” in Nadelmann, von
Mehren & Hazard, Twentieth Century Comparative and Conflicts Law [;] Legal Essays
in Honour of Hessel L. Yntema (1961), pp. 321 et seq., aux pp. 323-6.
“Pour
les raisons historiques de ces conditions en Angleterre, qui reposent
essentiellement sur les difficult6s d’6tablir unjury dans une cause extra-frontalire, voir
A. Sack, “Conflicts of Laws in the History of the English Law” in Law [;] A Century of
Progress [;] 1835-1935 (1937), vol. III, pp. 342 et seq.
‘8Voir l’article 34 du Code de procedure civile de 1867, incorporant les dispositions de
l’Acte pour amender les lois relatives aux cours de juridiction civile en premire
instance, dans le Bas Canada, 12 Vict., c. 38, de 1849, avec quelques changements de
terminologie que la jurisprudence a trouv6s sans cons6quence. Voir notamment Wurtele
v. Lenghan (1874) 1 Q.L.R. 61 (C.S.); Meservier v. The Canadian Pacific Railway Co.
(1885) 11 Q.L.R. 161 (C. Rev.).
‘9Voir pour des refus de competence, Warren v. Kay (1856) 6 L.C.R. 492 (C.S.);
Rousseau v. Hughes (1857) 8 L.C.R. 187 (C.S.); Sdndcal v. Chenevert, supra, note 16;
Gault v. Wright (1865) 13 L.C.J. 60 (C.S.); Pattison v. La Cie d’Assurance Mutuelle de
Stanstead et Sherbrooke (1870) 16 L.C.J. 25 (C.S.); Wurtele v. Lenghan, supra, note
18; Vzina v. La Cie d’Assurance sur lefeu de New York (1876) 1 Q.L.R. 207 (C.S.);
Mulholland v. La Cie de Fonderie deA. Chagnon (1877) 21 L.C.J. 114 (C.S.); Cloutier
v. Lapierre (1878) 4 Q.L.R. 321 (C. Rev.); Trudel v. Duval (1878) 4 Q.L.R. 180 (C.S.);
La Cie d’Assurance Nationale v. Paige (1879) 2 L.N. 93 (Q.B.); Gault v. Bertrand
(1879) 24 L.C.J. 9 (C.S.); Archambault v. Bolduc (1881) 2 Dorion Q.B.R. 110; Ross v.
Fontaine (1885) 30 L.C.J. 297 (C. Rev.); Ross v. Rouleau (1885) 1 M.L.R.S.C. 424;
Paquet v. The Canadian Pacific Railway Co. (1885)
8 L.N. 78 (C. Circuit);
Meservier v. The Canadian Pacific Railway Co., supra, note 18; La Cie de Navigation
de Richelieu et d’Ontario v. The Phoenix Insurance Co. of Brooklyn (1886) 2
M.L.R.S.C. 192; La Banque d’Ontario v. La Cie d’Assurance sur le feu Standard
(1887) 15 R.L. 380 (C.S.). Une jurisprudence minoritaire acceptait une notion moins
large de la cause d’action, souvent consid6r~e comme ayant pris naissance au lieu de la
19821
WABASSO
ne permettait pas d’6chapper h ces difficult~s car les tribunaux eurent t6t
fait de d6ecider que “cause d’action” voulait dire “toute la cause
d’action” et ils ne se montr~rent pas sympathiques A une d6finition
6troite de la cause d’action.20 La jurisprudence anglaise sur la notion de
’cause d’action’ fut souvent cit6e au soutien de ces conclusions. 21
le
Les Codes de 1897 et de 1966 n’ont gu~re modifi& la situation. En
lieu de conclusion du contrat fut ajout6 comme chef
1900,
suppl6mentaire de comp6tence, mais la solution avait d~jAi W admise
par la jurisprudence.2 2 Jusqu’h nos jours les efforts des demandeurs
qu6b6cois afin d’atteindre des d6fendeurs 6trangers ou trans-frontaliers
ont continu6, mais avec les m~mes difficultds qu’au dix-neuvi~me si~cle.
Dans la plupart des causes vraiment inter-provinciales ou internatio-
nales, la competence des tribunaux du Quebec est exclue. 23 L’arr~t
Wabasso, en donnant une d6finition 6troite de la ’cause d’action’,
permet simplement de tirer le maximum de comp6tence territoriale du
texte de l’article 68 C.p.c.
conclusion du contrat, pr6sageant en cela la Loi amendant Particle 94 du Code de
procedure civile, 63 Vict., c. 41. Voir Jackson v. Coxworthy (1862) 12 L.C.R. 416
(C.S.); Clark v. Ritchey (1863) 9 L.C.J. 234 (C.S.); O’Connor v. Raphael (1867) 11
L.C.J. 123 (Q.B.); Thomson v. Dessaint (1870) 14 L.C.J. 184 (C.S.); Lapierre v.
Gauvreau (1873) 17 L.C.J. 241 (C. Rev.); Welch v. Baker (1876) 21 L.C.J. 97 (C.S.);
Tourigny v. The Ottawa Agricultural Insurance Co. (1880) 3 L.N. 196 (Q.B.); The New
York Central Sleeping Car Co. v. Donovan (1882) 4 M.LR.Q.B. 392; Quebec
Steamship Co. v. Morgan (1883) 6 L.N. 324 (Q.B.); The Western Assurance Co. v.
Bossitre Frtre & Co. (1890) 20 R.L. 233 (C.S.).
20Voir surtout les arrats Warren v. Kay et Rousseau v. Hughes, supra, note 19;
Wurtele v. Lenghan, supra, note 18; S~n~cal v. Chenevert, supra, note 16, ainsi que
Meservier v. The Canadian Pacific Railway Co., supra, note 18. Le Code de 1897
consacre l’expression toute la cause d’action.
2’Voir Rousseau v.Hughes, supra, note 19; &ndcal v. Chenevert, supra, note 16;
Meservier v. The Canadian Pacific Railway Co., supra, note 18. Il s’agissait souvent de
d6ecisions anglaises se rapportant bt la comp6tence territoriale interne des tribunaux
anglais, ou plus rarement de d6cisions interpr6tant de fagon stricte le Common Law
Procedure Act, 1852, 15 & 16 Vict.,c. 76 (U.K.). Voir par exemple, Sichel v. Borch
(1864) 2 H. & C. 954, 159 E.R. 395 (Ex.);Allhusen v. Malgarejo (1868) L.R. 3 Q.B.
340; Corke v. Gill(1873) L.R. 8 C.P. 107;Readv.Brown (1889) 22 Q.B.D. 128;Felton
v. Bower & Co. [1900] 1 Q.B. 598; Payne v. Hogg [1900] 2 Q.B. 43.
22Voir Loi amendant Particle 94 du Code de procddure civile, 63 Vict., c. 41
(Qu6bec). Voirsupra, note 19, pour la jurisprudence. En 1901, la comp6tence en mati~re
de diffamation par unjournal fut 6tablie pour le district ofi r6side le demandeur, si rcrit y a
circul6: Loi amendant l’article 94 du Code de procedure civile, I Ed. VII, c. 33
(Qu6bec).
23Les m~mes difficult6s se posaient A l’int6rieur du Qu6bec pour atteindre un
d6fendeur dans un autre district judiciaire. Voir, pour des refus de comp6tence sous le
r6gime des codes de 1897 et 1966 (en mati~re intra et extra-provinciales): B6langer v.
Labelle (1897) 1 R.P. 7 (C.S.); The Beaubien Produce and Milling Co. v. Richardson
(1900) 3 R.P. 464 (C.S.); The Beaubien Produce and Milling Co. v. Robertson (1900)
McGILL LAW JOURNAL
[Vol. 27
III. Des limites de runilat~ralisme juridictionnel
Cet 6largissement, relativement modeste, de la competence des
tribunaux du Quebec, fait contraste avec une expansion remarquable de
territoriale des tribunaux d’autres juridictions. En
la competence
France, d6jh avec le Code Napoleon, la simple nationalit6 frangaise du
demandeur (personne physique ou personne morale) suffisait pour
18 C.S. 429; Magann v. Auger (1901) 31 S.C.R. 186; Lipschitz v. Rittner (1902) 4 R.P.
311 (C.S.); Hamel v. Stapleton (1903) 9 R.J. 365 (C.S.); La Cie de Ferronerie du
Canada v. Delorme (1904) 6 R.P. 215 (C.S.); Landry v. Hurdman (1903) 5 R.P. 273
(C.S.); Amyot v. B6langer (1907) 9 R.P. 6 (C.S.); Joly v. Godbout (1907) 9 R.P. 93
(C.S.); The Richmond and Drummond Fire Insurance Co. v. Macdonald(1911) 12 R.P.
274 (C.S.); Bell v. Chase (1916) 22 R.L.n.s. 438 (C.S.); The James McLaren Co. v.
Kirouac (1921) 27 R.L.n.s. 182 (K.B.); Gaudette v. Radtke (1935) 39 R.P. 17 (C.S.);
Lewis Bros Ltd v. Groulx (1937) 62 B.R. 448; Giasson v. Begin (1938) 42 R.P. 242
(C.S.); Bock & T6treau Ltd v. Mackay (1940) 44 R.P. 244 (C.S.); Trower & Sons Ltd
v. Ripstein, supra, note 8 (P.C. (Can.)); Aetna Biscuits Co. v. Boivin [1944] B.R, 54;
Sorel Industries Ltd v. Rhoades. [1945] B.R. 247; Pelletier v. Binz (1950)
55 R.P. 212 (C.S.); Woodhouse & Co. v. Brind’Amour [1951] B.R. 552; Porter Co. v.
Les Constructions St-Laurent Lt~e [1952] B.R. 662; La Cooperative F~d~r~e
de Quebec v. Dubuc, supra, note 13; Thomas Caya Inc. v. Medenco [1968] C.S.
15; Besse v. Little [1968] B.R. 323; Boross v. Heritiers Boross [19711 C.S. 434;
Kondylis v. Greyhound Lines of Canada Ltd [1973] R.P. 241 (C.A.); Cornwall
Chrysler Plymouth Ltd v. Lapolla [1974] C.A. 490; Canadian Javelin Ltd v. Mac-
Gibbon [19751 C.S. 181; Rustop Automotive Rustproofing Ltd v. Bower, Hessian &
Associates 11975] C.S. 297; Ferme Bergeron Inc. v. Soci~t6 Agricole de Laurierville
[1975] C.S. 837; Marion v. La Socit6 Radio-Canada [1978] C.S. 509; Ford du
Canada Lte v. Filion [1980] C.A. 199; Les Industries Vanox Lt~e v. Les Produits
Alcan Canada Ltde [1980] C.S. 490. Pourtant, comme au dix-neuvi&me si~cle, une
jurisprudence minoritaire a 6t6 favorable k la competence locale, soit en raison du lieu de
conclusion d’un contrat soit en adoptant une conception 6troite de la cause d’action. Voir
Carpenter v. Pinault (1898) 13 C.S. 352; Reeves v. McCullock (1901) 4 R.P. 285
(C.S.); Timossi v. Palangio (1904) 6 R.P. 452 (C.S.); Boulay v. La Socigt franpaise de
sp~cialit~s alimentaires (1913) 44 C.S. 532; Normandin Turcotte Ltd v. Robert Crean
Co. (1921) 27 R.L.n.s. 245 (C.S.); Gr~goire v. Labrie (1929) 31 R.P. 373 (C.S.);
P6ladeau v. Audit Bureau of Circulations [1 966] R.P. 164 (C.S.); Maurice Carrier Inc.
v. Art Cement Flooring Ltd [1972] R.P. 184 (C.S.); Frenette v. Larochelle [1976] R.P.
344 (C.A.); Procon (Great Britain) Ltd v. Golden Eagle Co., supra, note 9; Timesavers
Sanders of Minneapolis v. Henderson Furniture Ltd in H. Reid & D. Ferland, Code de
procedure civile annotj du Quebec (1981), vol. III, pp. 672 (C.A.); Boudreau v. P.E.
Boisvert Auto Lt~e, C.S. (Montr6al, 500-05-003-788-807), 16 juillet 1980 (M. le juge
Turmel). L’article 75 C.p.c. n’a pas non plus permis de joindre un d6fendeur 6tranger au
cas o& l’action a 6t6 port~e contre plusieurs d6fendeurs dont l’un domicili6 au Quebec:
voir Liman v. KL.M. Royal Dutch Airlines [1974] C.A. 505; Cornwall Chrysler
Plymouth Ltd v. Lapolla, supra. Par contre, i’article 71 C.p.c. permet de joindre un
d6fendeur 6tranger dans une action incidente en garantie, sans qu’aucun autre chef de
comp6tence ne soit 6tabli: voir Tarshis & Sons Ltd v. Browning Manufacturing Co.
[1971] C.A. 591; A.S.G. Industries Inc. v. Corp. Superseal, C.A. (Quebec, 200-09-
000395-811), 3 mars 1982 (MM. les juges Montgomery, Turgeon et Monet).
19821
WABASSO
6tablir la comp6tence des tribunaux frangais.24 Aujourd’hui, avec la
derni~re refonte du Code de proc6dure civile frangais, m~me
le
demandeur 6tranger pourrait, dans les circonstances de Wabasso,
attraire un d6fendeur am6ricain devant les tribunaux francais. L’article
46 du nouveau Code de proc6dure civile frangais permet au demandeur
de saisir, A son choix: 1) en mati~re contractuelle, la juridiction du lieu
de la livraison effective de la chose, ou du lieu de l’ex6cution de la
prestation de service; 2) en mati~re d6lictuelle, la juridiction du lieu du
fait dommageable, ou celle dans le ressort de laquelle le dommage est
subi. 21 Quelle que soit la qualification donn~e au probl~me, bien rares
seront en France les demandeurs oblig6s de poursuivre dans un lieu qui
ne leur convient pas.
Dans la Communaut6 6conomique europ6enne, si la Convention de
Bruxelles du 27 octobre 1968 retient en principe le domicile du
dfendeur comme chef de comp6tence, 26 la Convention 6tablit aussi une
s6rie de “comp6tences
sp6ciales” nettement plus favorable aux
demandeurs. En particulier, lorsque le d6fendeur est domicili6 dans l’un
des 6tats de la Communaut6, le demandeur peut poursuivre en mati~re
contractuelle au “lieu ofi l’obligation a t6 ou doit tre ex6cut6e, ‘ ‘2 7 et la
Cour de Justice a en outre d6cid6 que cette “obligation” est celle
“servant de base At l’action judiciaire”, donc celle avanc6e par le
24Voir article 14 C.civ.fr. Voir 6galement Batiffol & Lagarde, supra, note 2, aux pp.
412 et seq., et les r~frences y cit6es. L’article 4 de la Convention de Bruxelles, 27
septembre 1968 in (1979) 68 Rev.crit.dr.int.priv6 141 let les amendements apport~s 4i la
Convention le 9 octobre 1978 in (1979) 106 Journal de droit international [ci-apr~s:
Clunet] 204], 6tend la position privil6gi6e des demandeurs de nationalit6 frangaise ceux
qui sont simplement domicili~s en France. Au Quebec, 1’article 27 du Code civil, pourtant
comparable h l’article 14 du Code civil franqais, n’a pas requ la m~me extension. Voir
J.-G. Castel, Droit international prive qudbcois (1980), aux pp. 669-7 1. Plus g6n~rale-
ment, voir Gutteridge, Le conflit des lois de competence judiciaire dans les actions
personnelles (1933) 44 Recueil 115.
21Sur Ia 1dgislation frangaise, voir Huet, Le nouveau Code de procddure civile du 5
d6cembre 1975 et la competence internationale des tribunaux fran(ai’s (1976) 103
Clunet 342; Gaudemet-Tallon, La competence internationale a l’preuve du nouveau
Code de procedure civile: am~nagement ou bouleversement? (1977) 66 Rev.crit.dr.int.
priv6 1; Normand, (1981) 80 Rev.trim.dr.civ. 433, et les r~f~rences A Ia jurisprudence
r6cente admettant la comptence non pas simplement de la juridiction du lieu ofi le
dommage s’est produit, mais celle ofi le pr6judice se trouve support& au moment oil la
victime introduit son action en r6paration. Ce dernier d6veloppement se reproduit aussi en
Am6rique du Nord: voir infra, notes 33 et 37.
26Article 2 de la Convention, supra, note 24. Sur la Convention, voir G. Droz,
Competence judiciaire et effets des jugements dans le March Commun (1972); M.
Weser, Convention Communautaire sur la comp~tence judiciaire et l’ex6cution des
decisions (1975); Jenard & Lemontey, Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968,
Juris-classeur de droit international, fasc. 631.
27Voir l’art. 5 de ]a Convention, supra, note 24.
REVUE DE DROIT DE McGILL
[Vol. 27
demandeur et non pas n6cessairement l’obligation caract6ristique du
contrat.28 En mati~re dM1ictuelle, le d~fendeur peut
tre attrait devant le
tribunal du lieu ofi le “fait dommageable s’est produit”, expression
ambigud que la Cour de Justice interpr~te comme ouvrant une option au
demandeur de poursuivre ou bien au lieu du fait g6n~rateur du dommage
ou bien au lieu de la survenance de ce dommage. 29
Dans
les juridictions de common law, le m~me ph~nom~ne
d’expansion de competence se produit. En Angleterre, la comptence
internationale des tribunaux ne fut cr6e qu’en 1852,30 mais depuis cette
date les chefs de competence se sont multiplies, notamment pour
permettre la comptence des tribunaux anglais en matibre de contrats
soumis A la loi anglaise, en mati~re de violation en Angleterre de
contrats conclus en Angleterre ou ailleurs, et en mati~re de torts commis
en Angleterre.31 Le Privy Council a notamment d6cid6 qu’en l’absence
de relations contractuelles entre les parties, l’omission de mettre en
garde le demandeur contre des marchandises d6fectueuses constitue un
tort commis au lieu ofi
le d6fendeur avait dfi recevoir les renseigne-
ments.32
En Am6rique du Nord, l’ouverture des tribunaux est encore plus
prononc~e. Aux Etats-Unis, deux ph~nom~nes sont A noter. D’abord, on
a vu apparaitre une s6rie de long arm statutes qui admettent la
competence locale selon une liste de crit6res extensifs, notamment le fait
de pratiquer le commerce dans l’Etat, de contracter pour livrer des
choses ou des services dans l’Etat, de commettre un tort par acte ou
omission dans l’ttat, ou de causer des dommages dans l’ttat par un acte
ou omission en dehors de l’Etat.3 Le deuxi~me ph6nom~ne est plus
r6cent et consiste dans l’abandon pur et simple de toute 6num6ration des
28Cour de justice des Communautds europ~ennes, 6 octobre 1976, et commentaires
Huet in (1977) 104 Clunet 714, et Holleaux, La Convention de Bruxelles du 27 septembre
1968 sur la competence judiciaire et l’ex~cution des decisions en matieres civile et
commerciale: cinq annes d’application en France (1978) 105 Clunet 520. II semble
6vident que le contrat dans l’affaire Wabasso a W ex~cut& A Trois-Rivibres, o6z les
techniciens de la d~fenderesse sont venus assembler et installer
‘appareil: voir supra,
note 1, A la p. 783 (C.S.).
29Cour de justice des communaut6s europ~ennes, 30 novembre 1976, et commentaires
Huet in (1977) 104 Clunet 728, et Holleaux in (1978) 105 Clunet 525.
‘0 Common Law Procedure Act, 1852, 15 & 16 Vict., c. 76 (U.K.).
31Voir Order II, Rules of the Supreme Court. La comp6tence est cependant discr6-
tionnaire. Voir 6galement A. Dicey & J. Morris, Conflict of Laws, 10C dd. (1980), aux
pp. 203-15; G. Cheshire & P. North, Private International Law, I0e 6d. (1979), aux
pp. 89-93.
32Distillers Co. v. Thompson [1971] A.C. 458 (P.C. (N.S.W.)).
33Voir g6ndraIement R. Leflar, American Conflicts Law, 3e 6d. (1977), aux pp. 67 et
seq.; Restatement (Second) of Conflict of Laws, 27 (1971). Les circonstances de
19821
WABASSO
chefs de competence, en faveur d’une affirmation g~nrrale de
competence m~me dans
les affaires
les
tribunaux de la Californie peuvent
intervenir sous tout chef de
competence qui n’est pas, et c’est la seule restriction, contraire i la
constitution de la Californie ou des Etats-Unis.3 4 Les d~veloppements
aux
.tats-Unis n’ont pas 6t6 sans influence, semble-t-il, sur les r~for-
mes r~centes dans les juridictions canadiennes de common law.
trans-frontali~res. Ainsi
En effet, si la 1gislation de ces provinces a traditionnellement suivi
le module anglais, 35 certaines r~formes accomplies pendant la derni~re
drcennie 36 se rapprochent peut- tre plus des textes continentaux ou
am~ricains en pr~voyant que le simple dommage supportM (et pas
n6cessairement inflig6) dans une juridiction constitue un chef valable de
competence. 37 Elles vont parfois aussi jusqu’.t admettre qu’aucune
l’affaire Wabasso ne poseraient pas d’obstacle A la competence fondde sur le lieu du
dommage selon cette l6gislation. Voir pour les circonstances proches de celles de
Wabasso, Longines-Wittnauer Watch Co. v. Barnes & Reinecke, Inc. 209 N.E. 2d 68
(N.Y. C.A., 1965).
34Voir Leflar, supra, note 33, et les r~frrences L d’autres 6tats; Ehrenzweig & Jayme,
supra, note 9, h la p. 24.
35Voir gndralement J.-G. Castel, Canadian Conflict of Laws (1975), vol. I, aux pp. 226
et seq.; P. Lown, “Conflict of Laws: Jurisdiction, Recognition and Enforcement” in
Dunlop, Creditor-Debtor Law in Canada (1981), pp. 463 et seq. En Ontario, les termes du
Common Law Procedure Act, 1852, 15 & 16 Vict., c. 76 (U.K.), furent repris par le
Common Law Procedure Act, 1856, 19 Vict., c. 43, art. 35, et &ventuellement incorpor6
en 1881 dans les Rules of Practice. Voir J. MacLennan, The Ontario Judicature Act,
1881, 2e dd. (1884). Dans certaines provinces, les textes r~gissant les County et Dictrict
Courts furent applicables en mati~re de competence extraterritoriale, et ces textes furent
souvent aussi restrictifs que l’Acte pour amender les lois relatives aux cours de
juridiction civile en premiere instance, dans le Bas-Canada, 12 Vict., c. 38 (Bas-
Canada). Voir aussi Comba v. Simpson [19251 4 D.L.R. 1002 (Man. K.B.). En Ontario,
ces textes furent amendrs L l’avantage des demandeurs: voir An Act to make certain
Amendments to the Statute Law, S.O. 1897, c. 14, art. 12 (competence si la cause
d’action a pris naissance en tout ou en partie dans le dictrict).
36Voir pour un sommaire de ces dveloppements et les textes actuellement en vigueur
dans les provinces, R. Sharpe, La responsabilit du fait des produits dans les litiges
interprovinciaux: compdtence, execution et choix de la loi applicable (1981). Voir aussi
Swan, Annual Survey of Canadian Law [;] Conflict of Laws: Part I (1981) 13 Ottawa L.
Rev. 123.
37C’est le cas notamment de l’Ontario. Voir Rules of Practice, Rule 25 (1) (h), A l’6gard
de dommages subis en Ontario d~coulant d’une faute d6lietuelle ou contractuelle ayant eu
lieu A 1’ext6rieur de la province. Le dommage support6 en Ontario peut 6tre purement
prcuniaire. Voir notamment Canadian General Electric Co. v. C.M. Windows & Stained
Glass Ltd (1977) 16 O.R. (2d) 188 (S.C.); Lummus Company Canada Ltd v. Interna-
tional Alloys, Inc. (1977) 80 D.L.R. (3d) 278 (Ont. S.C.); Skyrotors Ltd v. Carrikre
Technical Industries Ltd (1979) 26 O.R. 207 (H.C.); Vile v. Von Wendt (1979) 103
D.L.R. (3d) 356 (Ont. Div. Ct); Poirier v. Williston (1980) 113 D.L.R. (3d) 252 (Ont.
Div. Ct), conf. (1981) 118 D.L.R. (3d) 252 (Ont. C.A.). Voir aussisupra, note 25, pour
la jurisprudence frangaise dans le m~me sens.
Mc GILL LAW JOURNAL
[Vol. 27
limite ne devrait 6tre impos6e A la comp6tence territoriale sous r6serve
toutefois de la discr6tion du tribunal. Ainsi la Nouvelle-Ecosse et l’Ile
du Prince-Edouard ont maintenant une comptence dite “automatique”,
ou universelle, en ce sens que le demandeur n’est nullement oblig6
d’&tablir un chef pr6cis de comptence attach6 h la province. La
comp6tence ne sera refus6e que dans le cas ofi le tribunal consid~re qu’il
y a forum inconveniens. 3 L’Ontario aussi envisage une clause de
comp6tence tr~s g6n6rale.3 9 A tous ces d6veloppements s’ajoute la
d6cision de la Cour supreme dans l’affaire Moran v. Pyle,40 pr6conisant
un test tr~s souple pour d6terminer si un tort a W commis A l’int6rieur
d’une juridiction.
L’affaire Wabasso s’inscrit donc dans un mouvement g6n6ralis6
d’expansion de la comp6tence territoriale. 41 Ce mouvement constitue
une atteinte, d6ji largement accomplie sur le continent europ6en et en
Am6rique du nord, au principe actur sequitur forum rei. Ce sont
maintenant les demandeurs qui sont favoris6s dans leur choix d’un
tribunal. I1 existe plusieurs explications de ce ph~nom~ne: la croissance
des activit6s multi-6tatiques des grands consortiums (Allstate), le
fardeau financier des poursuites a l’6tranger, la facilit6 d’accs aux
616ments de preuve dans la localit6 du demandeur et le mouvement vers
les droits des consommateurs qui regoit ici un reflet juridictionnel. Les
38Voir Nova Scotia Rules of Civil Procedure, Rule 10.07; Prince Edward Island
Civil Procedure Rules, Rule 10.07. Voir dgalement Benedict v. Antuofermo (1975) 60
D.L.R. (3d) 469 (N.S.S.C., T.D.); Canchip Ltd v. Henderson Lumber Co. (1978) 98
D.L.R. (3d) 20 (P.E.I.S.C. (in banco)); Charlottetown Metal Products Ltd v. Miles
Refrigeration Co. (1980) 115 D.L.R. (3d) 63 (P.E.I.S.C.).
39Voir Ministry of the Attorney General (Ontario), Civil Procedure Revision
Committee (Williston Report) (1980), A la p. 55, Rule 19.02. Voir aussi la Rgle 307
des Rkgles de la Cour F~drale.
‘[1975] 1 R.S.C. 393. Cf. Spencer v. Centurion Truck Equipment Ltd (1978) 86
D.L.R. (3d) 40 (N.B.S.C., App. Div.); Krueger v. Raccah (1981) 128 D.L.R. (3d) 177
(Sask. K.B.).
41L’Office de r6vision du Code civil s’est prononc6e en faveur d’une telle expansion,
mais par la simple 61imination du mot “toute” de l’article 68 actuel du Code de procedure
civile, ce qui revient effectivement A la situation qui prdvalait au dix-neuvi~me si~cle
lorsque les tribunaux ont conclu que “Ia cause d’action” voulait n6cessairement dire
“toute la cause d’action”: voir supra, note 20. II semble que l’intention 16gislative
d’O1argir la competence territoriale devrait tre exprim6e avec plus de nettet6. Voir Office
de rdvision du Code civil, Rapport sur le Code civil du Quebec (1977), vol. 1: Projet de
Code civil, Livre neuvi~me: Du droit internationalpriv6, art. 48, A la p. 607, et vol. II,
t. 2: Commentaires, aux pp. 981 et 1004-5. I1 reste toujours possible que les tribunaux
qu6b6cois soient comp6tents, selon le droit actuel, en raison de la conclusion du contrat
au Qu6bec ou en raison de la possession par le d6fendeur de biens situ6s au Qu6bec.
L’Office de revision recommande cependant l’abolition de ces deux chefs suppl6men-
taires de comp6tence, supra.
19821
WABASSO
critiques de la “juridiction exorbitante” se font plus rares aujourd’hui;42
l’ide que la comptence extra-territoriale repr~sente une violation de la
souverainet6 6trang~re perd de son influence. 43 Ce qui est incontestable,
c’est que cette floraison de comptences extra-territoriales a des
consequences s6rieuses pour ‘administration harmonieuse et efficace de
la justice. I1 se pose tout d’abord un probl~me d’harmonisation des
nouvelles r~gles de comp6tence avec celles de la reconnaissance des
jugements 6trangers. Vient ensuite un probl~me de contr6le des
affirmations excessives de comp6tence.
La croissance r~cente de la comp6tence extra-territoriale de nos
tribunaux n’a pas pour autant entrain& une revision parall~le des r~gles
sur la reconnaissance des jugements 6trangers. Le r6sultat est que
chaque juridiction canadienne exerce aujourd’hui une comp6tence
territoriale plus 6tendue que celle qu’elle reconnait aux autres. De
m~me,
la competence que chaque juridiction exerce est souvent
m~connue dans les autres provinces. La d6cision des tribunaux
qu6b6cois sur le fond de l’affaire Wabasso sera sans doute reconnue par
les tribunaux de la Pennsylvanie. 44 Par contre, si l’affaire mettait en
cause la responsabilit6 d’un fabricant domicili6 dans une autre province
canadienne, le droit positif de toutes ces provinces ne permettrait pas la
reconnaissance du jugement. 5 A l’inverse, le droit qu6b~cois refuserait,
lui aussi, la reconnaissance de tout jugement 6tranger rendu dans des
circonstances pareilles h celles de Wabasso.4
1 On comprend facilement
la frustration d’un demandeur qui ne r6ussit pas
faire ex6cuter un
jugement rendu sur un chef de competence universellement admis. On
comprend aussi l’incertitude des plaideurs qui se demandent s’ils
peuvent toujours invoquer en defense les r~gles actuelles de reconnais-
sance des jugements 6trangers. Tout r6cemment, l’un d’eux, du Quebec,
a m~me voulu obtenir un jugement d6claratoire pour savoir si certains
jugements 6trangers seraient reconnus au Quebec, avant mrme que la
procedure sur le fond n’ait commenc6 ft l’6tranger.47 Aux Etats-Unis,
Comp. L.Q. 706, fi la p. 712.
42Voir de Winter, Excessive Jurisdiction in Private International Law (1968) 17 Int’l
43Voir Swan, supra, note 36, aux pp. 131-2, et les r~f~rences y cities.
44Voir Restatement (Second) of Conflict of Laws, supra, note 33, 98, A la
p. 298, et 104, aux pp. 315-6; Ehrenzweig & Jayme, supra, note 9, aux pp. 85-7;
Leflar, supra, note 33, aux pp. 169-71.
4sVoir Castel, supra, note 35, aux pp. 425-46; Blom, The Enforcement of Foreign
Judgments in Canada (1978) 57 Ore. L. Rev. 399, aux pp. 416-7; Sharpe, supra, note
36, aux pp. 112 et seq.; et, pour le mod~le anglais, Pryles, The Basis of Adjudicatory
Competence in Private InternationalLaw (1972) 21 Int’l Comp. L.Q. 61, aux pp. 76-7.
46Voir Castel, supra, note 24, aux pp. 837 et seq.; E. Groffier, Pr~cis de droit interna-
tional priv6 qu~bcois (1980), aux pp. 153 et seq.
4711 s’agit d’actions intent~es contre Bell Asbestos Mines Ltd, une soci~td qu~b~coise,
tats am6ricains pour des dommages qui seraient causes par son produit. Voir
en plusieurs
The Wall Street Journal, 9 f~vrier 1982.
REVUE DE DROIT DE McGILL
[Vol. 27
c’est la clause full faith and credit de la Constitution qui a entraine
l’ouverture des r~gles sur la reconnaissance des jugements 6trangers.48
Au sein de la Communaut6 europ6enne, le probl~me est l’objet de la
Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, qui 6tablit le principe
que toutjugement rendu sur une base de comptence 6tablie par le trait6
sera reconnu par les 6tats membres. 49 Face a une diversit6 de plus en
plus grande entre nos lois provinciales, nous n’avons pas de m6canisme
ad6quat pour assurer un minimum d’efficacit6 des jugements dans les
affaires trans-frontali~res.
i
Finalement,
il y a le probl6me du contr6le des affirmations
excessives de comptence, problkme qui est i6 A la r6forme possible de
la situation actuelle. Car il doit y avoir des limites h la comptence
extra-territoriale des tribunaux – des limites fond6es sur la convenance
des parties, l’accessibilit6 de la preuve, l’efficacit6 des jugements et
l’id6e d’une certaine coop6ration judiciaire
l’int6rieur d’un pays
f6d6r6 et sur le plan international. Deux grandes voies semblent
ouvertes pour l’6tablissement de ces limites et pour une r6forme du droit
positif. La premiere voie, c’est celle de lajurisprudence, qui assumerait
trois tAches: d’abord, d’assurer une certaine liaison entre les r6gles de
comp6tence
locale et celles de la reconnaissance des jugements
6trangers; deuxi~mement, dans les juridictions ayant renonc6 A toute
6num6ration 16gislative des chefs de comptence, de
regarder
attentivement les questions de convenance, de preuve et de harc6lement
des d6fendeurs; et troisi~mement, d’assurer, surtout au niveau des cours
d’appel et de la Cour supreme, qu’aucune juridiction ne d6passe, par le
jeu de ses r~gles de comp6tence et de conflits de lois, certaines limites de
la cooperation judiciaire. II se peut que notre syst~me unitaire de
tribunaux, dont les juges sont nomm6s par le gouvernement f6ddral, se
pr6te moins aux excs de competence locale que le syst~me f6d6ral des
Etats-Unis, et que cette voie jurisprudentielle ait donc de bonnes
chances de r6ussite. Cependant, ce sont les al6as du syst~me
jurisprudentiel qui sont au moins partiellement responsables du
d6s6quilibre actuel entre r~gles de comptence et r~gles de reconnais-
sance; les clauses defullfaith and credit se construisent difficilement
par la voie jurisprudentielle.50 De plus, notre Constitution nous dit tr~s
4Si la clause n’oblige en principe que la reconnaissance des jugements dans d’autres
tats am6ricains dont la comp6tence est compatible avec les exigences de la constitution,
les mfmes principes ont g6n6ralement W applicables it l’gard des jugements 6trangers:
voir Restatement (Second) of Conflict of Laws, supra, note 44.
49Voir l’art. 26 de la Convention, supra, note 24. Ii est A noter qu’il n’existe pas de
contr6le ou de surveillance, dans l’etat reconnaissant, de l’existence de la base de
comptence. Voir Batiffol et Lagarde, supra, note 2, aux pp. 512-3; Droz, supra, note 26,
aux pp. 302 et seq.
sVoir Groffier, Une r~forme urgente: I’execution desjugements au Qugbec (1978) 38
R. du B. 127.
.19821
WABASSO
peu ii l’6gard des imp6ratifs de la coop6ration judiciaire, et la tache des
tribunaux d’appel serait difficile et de longue haleine. La pauvret6 de la
jurisprudence actuelle sur la limitation territoriale de l’article 92(14) de
la Loi constitutionnelle de 186751 et l’exp6rience controvers6e de la
Cour supreme des Etats-Unis dans l’application du crit~re de due
process aux excs de comptence locale 5 2 inspirent des r6serves. I1
s’agirait tout au plus, par la voie judiciaire, de tracer les limites d’un
unilat6ralisme juridictionnel excessif.
L’autre voie, c’est celle plus difficile de la r6forme planifi6e,
lgif6r6e et m~me n6goci6e. Le mod~le par excellence, c’est celui de la
Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, 53 convention “double”
qui 6tablit .4 la fois les chefs de comp6tence judiciaire des tribunaux des
5130 & 31 Vict., c. 3 (U.K.). Voir Exchange Bank v. Springer (1881) 29 G.R. 270
(Ch. Ont.); Stairs v. Allan (1896) 28 N.S.R. 410 (S.C.); McCarthy v. Brener (1896) 16
C.L.T. 201 (Alta S.C.); Deacon v. Chadwick (1901) 1 O.L.R. 346 (Div. Ct); Standard
Construction Co. v. Wallberg (1910) 20 O.L.R. 646 (Div. Ct); Battle Creek Toasted
Corn Flake Co. v. Kellogg Toasted Corn Flake Co. (1922) 22 O.W.N. 308 (H.C.);
McGuire v. McGuire [1953] 2 D.L.R. 394 (Ont. C.A.); Rideout v. Rideout (1956) 4
D.L.R. (2d) 772 (Ont. H.C.); Elash v. Elash (1963) 43 D.L.R. (2d) 599 (Sask. K.B.);
R. v. Judges of Vancouver Family Court (1963) 39 D.L.R. (2d) 552 (B.C.C.A.). Cette
jurisprudence semble s’inspirer de l’arr6t du Privy Council dans l’affaire Ashbury v. Ellis
[1893] A.C. 339 (P.C. (N.Z.)), qui permit aux colonies d’6tendre la competence de leurs
tribunaux aux personnes domicilies en dehors de la juridiction. II est h noter que mime
avant les r6formes des provinces de common law de la derni~re d6cennie, M. le profes-
seur Laskin a soulev6 la question de la compatibilit6 de certaines parties de la 16gislation
ontarienne avec l’article 92(14): voir Laskin, (1956) 34 R. du B. can. 215, A la p. 216.
Dans le m~me sens, voir Castel, supra, note 35, vol. II, A Ia p. 34.
52VoirRestatement (Second) of Conflict ofLaws, supra, note 33, 28; Leflar, supra,
note 33, aux pp. 30-1 et 40-3; Hertz, The Constitution and the Conflict of Laws:
Approaches in Canadian and American Law (1977) 27 U.T.L.J. 1, aux pp. 3-8; Sharpe,
supra, note 36, aux pp. 105-10. Apr~s une longue p6riode de tol6rance des activit6s
6tatiques, la Cour supr6me des Etats-Unis s’est r6cemment montr6e beaucoup plus
exigeante: voir Shaffer v. Heitner 433 U.S. 186 (1977) (inconstitutionnalit6 de la
comp&tence dite quasi in rem du for du lieu des biens); Kulko v. Superior Court of
California 436 U.S. 84 (1978) (inconstitutionnalit6 en mati~re d’obligation alimentaire
d’une comp6tence fond6e sur le simple fait d’avoir envoy6 des enfants dans l’tat du for
pour rejoindre l’autre parent); World-Wide Volkswagen Corp. v. Woodson 444 U.S. 286
(1980) (inconstitutionnalit6 en mati~re de responsabilit6 des d6taillants d’un chef de
comp6tence qui permettrait de poursuivre le d6taillant dans un for ofi le bien a caus& un
dommage, sans que le demandeur ne soit r6sident ou domicili6 dans le for et sans que le
d6taillant n’y exerce une activit); Rush v. Savchuk 444 U.S. 320 (1980) (inconstitu-
tionnait6 d’une comp6tence dite quasi in rem bas6e sur des obligations d’un assureur
situ6es dans le for). Voir les sommaires des arrats et le commentaire de Hertzog in (1980)
107 Clunet 920; H. Smit, “Adjudicatory Authority in Cases of International Contracts”
in Smit, Galston & Levitsky, International Contracts (1981), pp. 300 et seq.
33Supra, note 24.
McGILL LAW JOURNAL
[Vol. 27
6tats membres et les conditions de reconnaissance des jugements5 4
D’autres possibilit6s existent, qui pourraient 6tre mises en oeuvre par la
voie de lois uniformes, et qui pourraient simplement 6tablir un principe
gqn6ral de r6ciprocit6 (toute juridiciton reconnaitrait des jugements
rendus sur un chef de competence qu’elle aurait elle-m~me exerce dans
des circonstances semblables), ou de simples conditions uniformes de
reconnaissance.
I1 est de plus en plus 6vident qu’il y a lieu d’6valuer et de r6former
nos r~gles de comp6tence et de reconnaissance des jugements. L’affaire
Wabasso illustre les limites de la r6forme par la voie pr6torienne. Si le
problme des jugements 6trangers en droit familial a W exacerb6 par
des difficult6s d’ordre constitutionnel, c’est beaucoup moins le cas en ce
qui concerne de simples jugements d’ordre patrimonial. Les r~gles du
dix-neuvi~me si~cle ont bien servi; il nous reste du temps pour preparer
celles du vingt-et-uni~me.
Conclusion
La Cour supreme dans l’affaire Wabasso a r6affirm6 le principe de
la libert6 du demandeur dans la formulation de sa cause d’action,
principe g6n6ral du droit judiciaire qui se justifie particuli~rement en
mati~re de comp6tence internationale. La d6cision, qui est compatible
avec les recommandations de l’Office de r6vision du Code civil, permet
un 61argissement souhaitable de la competence territoriale des tribunaux
du Qu6bec, mais souligne le besoin d’une r6forme en profondeur des
r~gles de comptence internationale et de reconnaissance des jugements
6trangers.
4 bid. L’idde d’un accord “double” a inspir6 les Commissioners on Uniformity of
Legislation in Canada lors de leur pr6paration en 1974 d’une loi module sur les
jugements 6trangers. La loi module, dont les chefs de comp6tence sont largement d6pass6s
par les Igislations provinciales d’aujourd’hui, n’a pas connu un grand succs. Par contre,
A ‘poque
la discordance entre r~gIes de comptence et r~gles de reconnaissance 6tait
beaucoup moins grande qu’elle ne l’est aujourd’hui. Voir Proceedings of the Forty-Fifth
Annual Meeting of the Conference of Commissioners on Uniformity of Legislation in
Canada (1964), Appendix 0: The Foreign Judgements Act.