Article Volume 42:4

De la passivité à l’activisme des investisseurs institutionnels au sein des corporations : le reflet de la diversité des facteurs d’influence

Table of Contents

De la passivit6 a I’activisme des

investisseurs institutionnels au sein des
corporations: le reflet de la diversitd

des facteurs d’influence

Raymonde Crete et St6phane Rousseau*

Les investisseurs institutionnels sont les participants les
plus importants du march6 des valurs mobili~res canadien. ILs
d6dtiennent une portion importante des actions des corporations
publiques et remplacent progressivement les 6pargnants indivi-
duels comme principaux actionnaires de celes-ci.

La transformation de

‘actionnariat des corporations pu-
bliques s’accompagne d’un plus grand activisme des investis-
seurs institutionnels dans Ia rdgie d’entreprise. Lour activisme
est toutefois un ph~nom~ne complexe en raison de la diversite
des
susceptibles
d’influencer
leur comportement, des diff6rents modes
d’intervention utiliss et des objectifs poursuivis.

en presence, des

institutions

facteurs

Deux principales theses sont avanc.es dans la literature
pour expliquer l’activisme ou la passivite des investisseurs insti-
tutionnels. D’une part, la these de la sureglementation soutient
que des contraintes
limitent
l’interventionnisme des investisseurs aupr.s des entreprises et
les incitent A conserver une attitude passive. D’autre part, des
auteurs font valoir que cc sont plut8t des enisaves de nature
&onomique et organisationnelle qui freinent l’activisme des in-
vestisseurs institutionnels.

reglementaires

importantes

La presente etude rend compte do la complexit6 de
‘activisme des investisseuss institutionnels et contribue A une
meilleure comprehension des facteurs qui influencent
leur
comportement. Los auteurs examinent ce ph6nomhne au regard
des contraintes et des incitatifs identifies par la litterature en
utilisant des donnes recueillies lots d’entrevues effectue.s au-
pres d’investisseurs institutionnels canadiens, ainsi quo des
donndes issues do recherches ant6rieures. Cette analyse jette un
regard critique sur les facteurs d’influence et permet ainsi de
minux apprecier la valour explicative des thases avances jus-
qu’ici.

Institutional investors are the most important participants
in Canada’s securities markets. They hold significant stakes in
public companies and are gradually displacing individual inves-
tors as their main shareholders.

This transformation in the ownership of public compa-
nies is coupled with a greater activism by institutional investors
in corporate management. Their activism is however a complex
phenomenon due to the diversity of institutions on the scene,
the range of factors that influence their behaviour, and the dif-
ferences in both chosen methods of intervention and objectives
sought.

Two main theses exist in the literature to explain the ac-
tivism or passivity of institutional investors. On the one hand,
the thesis of overregulation maintains that regulatory con-
straints limit the intervention of institutions and encourage them
to remain passive. On the other hand, some authors argue that it
is economic and organizational barriers that curb the activism
of institutional investors.

This study describes the complexities of institutional-
investor activism and seeks to contribute to a better understand-
ing of the factors that influence institutional investors’ behav-
iour. The authors scrutinize the various barriers and incentives
to activism identified in the literature against data gathered from
interviews with Canadian institutional investors and data from
earlier studies. Their analysis permits a critical evaluation of
these factors and of the explicative value of the theses for-
warded to date.

“Raymonde Crate, Professeure, Facult6 de droit, Universit6 Laval. St6phane Rousseau, ttudiant au
doctorat, Facult6 de droit, Universit6 de Toronto. Les auteurs expriment toute leur reconnaissance aux
repr~sentants des diff&ents investisseurs institutionnels et des organismes intermdiaires qui ont ac-
cept6 de participer aux entrevues effectudes dans la preparation de la pr6sente 6tude. Leur pr6cieuse
collaboration nous a fourni une source d’informations extremernment riches aux fins de cette recherche.
Les donnes A la base de cette 6tude sont A jour au 1′ septembre 1996.

Revue de droit de McGill
McGill Law Journal 1997
Mode de r6f&ence : (1997) 42 R.D. McGill 863
To be cited as: (1997) 42 McGill LI. 863

MCGILL LAW JOURNAL!REVUE DE DROITDE MCGILL

[Vol. 42

Introduction

I. M6thodologie

II. L’activisme des investisseurs institutionnels : d6finition du ph6nombne

II1. Diff6rentes perceptions du mandat, diffdrents comportements

A. Gestionnaires de

d’entreprises ?

fonds, propri6taires d’actions ou dirigeants

B. Poursuite dobjectfs collat6raux de nature dconomique, politique et sociale
C. Respect de devoirs fondamentaux envers les clients ou les b6n~ficiaires

IV. Une approche pragmatique dans les relations avec les entreprises

en portefeuille
A. L’analyse coOt/b6n6fice des interventions
B.

Impact de I’analyse coOt/b6n6fice sur les manifestations d’activisme

V. Un regard particulier sur quelques <<6l6phants dans un magasin de porcelaine>

VI. Influences externes

A. Un march6 concurrentiel marqu6 par une importante concentration

6conomique et g6ographique des investisseurs institutionnels

B. Vuln6rabi/it6 dconomique ou politique
C. L’environnement /6ga/

1. La fragmentation de I’actif des investisseurs institutionnels
2. Survol des contraintes

indirectes de

la

r6glementation des

compagnies et des valeurs mobilibres

3. Quelques effets potentiels des contraintes sur les investisseurs

institutionnels

Conclusion

19971

R. CR-TE ET S. ROUSSEAU-

INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS

865

Introduction

institutionnels a modifi6 de fagon significative

Au cours des trois demi~res ddcennies, la croissance 6conomique considdrable des
investisseurs
la structure de
l’actionnariat des compagnies canadiennes et amdricaines’. Au Canada, les actifs qu’ils
d~tiennent sous forme de titres de compagnie sont passes de 4,7 Milliards (G)$ en
1969 t plus de 160 G$ en 1995, ce qui reprdsente environ 38% de la valeur des actions
des compagnies. Aux ttats-Unis,
la fin de 1994, les investisseurs institutionnels pos-
sddaient 51,5% de la valeur des actions, pour une valeur de plus de 3 000 G$3. Les in-
vestisseurs institutionnels remplacent ainsi progressivement les 6pargnants individuels
comrne actionnaires des compagnies publiques. k titre d’exemple, ces investisseurs
ddtenaient en 1992 plus de la moiti6 des actions des 50 plus importantes compagnies
publiques canadiennes’. De plus, les investisseurs institutionnels constituent les partici-

‘Le terme ((investisseur institutionnel> dasigne les investisseurs, autres que des individus, qui g6-
rent des fonds de mani~re professionnelle au sein d’une institution ou pour le compte de leurs clients.
Ce terme grndrique inclut les banques et autres institutions de d~p&t, les compagnies d’assurances, les
caisses de retraite, les conseillers en placement, les courtiers en valeurs mobili res, les institutions
publiques ou para-publiques, les fonds d’investissement et les fondations. Le terme < ou
< peut englober toutes ces institutions. II d6signe les activit~s intellectuelles,
tactiques et stratrgiques pos~es sur un portefeuille par un investisseur. Voir L.I. Beaudoin, Le contrat
la p. 25 ; M.M.
de gestion de portefeuille de valeurs mobilires, Cowansville, Yvon Blais, 1994
Blair, Ownership and Control, Rethinking Corporate Governance for the Twenty-First Century, Wa-
shington, Brookings Institution, 1995 aux pp. 147-65 ; D.L. Ratner, Institutional Investors: Teaching
Materials, Mineola, The Foundation Press, 1978. Sur la croissance des investisseurs institutionnels
voir en grn&al Conseil conomique du Canada, L’encadrement du syst~me financier, Ottawa, Ap-
provisionnement et services, 1987 aux pp. 1-11 ; Conseil tconomique du Canada, Les marchisfi-
nanciers et la mondialisation, Ottawa, Approvisionnement et services, 1989 h lap. 15 et s. ; OCDE,
Tendance des marchis des capitaux, N0 62, Paris: OCDE, drcembre 1995 aux pp. 16-20.

2 J.G. MacIntosh, < (1996) 26
Can. Bus. L.J. 145 t lap. 147 [ci-apris (1994) 23 Can. Bus. L.J. 23 i la p. 33. Voir aussi K.E. Montgome-
ry et D.S.R. Leighton, <> (1993) 57:4 Bus. Quart. 39

lap. 40.

MCGILL LAW JOURNAL! REVUE DE DROITDE MCGILL

[Vol. 42

pants les plus actifs du march6, effectuant environ 70% de toutes les transactions qui y
sont r6alis6es’.

Les institutions d6sign~es par le terme <> participent dif-
f~remment
l’h6g6monie du secteur financier dans l’actionnariat des compagnies pu-
bliques. En effet, ‘envergure de celles-ci au sein du march6 des valeurs mobilires va-
rie en fonction des cat6gories d’institutions d6sign~es par ce terme. Le plus grand
groupe d’investisseurs institutionnels est celui des caisses de retraite. Les 100 caisses
de retraite les plus importantes ont des actifs de 304 G$, dont 28% est investi en ac-
tions canadiennes’. Les fonds de placement, qui ont connu une croissance ph6nom-
nale au cours des vingt demi~res annes, occupent 6galement une place pr6pond6rante
sur le march6 avec des actifs de 146 G$, dont 36% est investi en actions canadiennes9.
Les compagnies d’assurance-vie, qui g~nent des actifs de 160 G$, ont accentu6 rcem-
ment leur pr6sence au sein de l’actionnariat des compagnies publiques et investissent
20% de leurs actifs dans les titres de celles-ci”. Les banques, pour leur part, ont 6t6
traditionnellement des investisseurs marginaux sur le march6 des valeurs mobili6res et
ne consacrent que 1,3% de leurs actifs de 770 G$ aux titres de compagnies”.

L’institutionnalisation du march6 des valeurs mobili~res signifie que les titres des
compagnies publiques sont maintenant concentrds en grande partie entre les mains
d’institutions financi~res qui d6tiennent une expertise et une envergure 6conomique
sup6rieures A celles de la plupart des 6pargnants individuels. Cette transformation de la
composition de l’actionnariat des compagnies publiques exerce une influence signifi-
cative sur la r6gie d’entreprise de celles-ci”. Plutbt que de suivre la Wall Street Rule,

6 >, Toronto Stock Exchange Review (d6cembre 1995) 3 ; voir 6galement
B. Marotte, (Too Much for Too Few and Too Little Known for Comfort> Ottawa Citizen (19 aont
1995) El ; Montgomery et Leighton, supra note 5 A lap. 40.

SJ. De Leon, > Rev. de la Banque du Canada (hiver

1995-96) 23 A lap. 42.
‘L. Bak et S. Dempsey, <> Benefits Canada (avril 1996) 37 A lap. 49.
‘ E. Fine et M. Zelmer, Le march6 canadien des fonds mutuels>> Rev. de la Banque d Canada
(hiver 1992-93) 57 A la p. 61 ; Investment Funds Institute of Canada, Communiqu6 de presse, IFIC
Releases December Statistics> (15 janvier 1996).

” MacIntosh, Corporate Governance>>, supra note 2 A lap. 182. Les donn es relatives A la propor-

tion des actifs investie en actions canadiennes ne sont pas disponibles.

ibid. a lap. 181.
U2L’int&& suscit6 par le r6le des investisseurs institutionnels au sein du march6 des valeurs mobili-
res a 6t6 accompagn6 d’une pr6occupation marqude des auteurs A l’gard de la r6gie d’entreprise ou
qui avait 06 ndgligde auparavant au Canada. M~me si cette expression est
devenue un lieu commun dans le domaine du droit corporatif et des affaires, elle demeure floue et peu
de definitions satisfaisantes sont offertes par ]a littdrature. De fagon g6n~rale, nous pouvons affirmer
que la r6gie d’entreprise concerne les r6gles de fonctionnement, de contr6le et d’imputabilit6 qui r6-
gissent l’organisation interne des entreprises. Cette notion englobe ]a vaste question de ]a s6paration
des pouvoirs et des relations entre les actionnaires, les dirigeants et les autres constituantes de
l’entreprise. L’objectif principal de la rdgie d’entreprise est d’assurer ]a rentabilit6 de 1’entreprise et
l’appr6ciation de la valeur du patrimoine des actionnaires, tout en portant une attention aux int&rets
des autres constituantes de ‘entreprise. H.M. Bybelezer, dans L. Sama, dir., Corporate Structure, Finance and

1997] R. CR-TE ET S. RoussEAu – INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS

867

c’est-a-dire vendre leurs actions lorsqu’ils ne sont pas satisfaits de la conduite des affai-
res d’une compagnie, les investisseurs institutionnels adoptent une attitude de plus en
plus interventionniste afin de prot6ger les int&ts des actionnaires et d’amliorer le
rendement des entreprises’3. Ils dtlaissent ainsi 1’attitude passive qu’ils ont traditionnel-
lement manifest~e” et exercent une influence croissante sur la gouverne des corpora-
tions en modifiant la dynamique des relations internes, ainsi qu’en proposant des chan-
gements aux structures de r6gie d’entreprise”.

L’activisme des investisseurs institutionnels a 6t6 accuelli avec enthousiasme par
les comrnmentateurs qui consid~rent que ces interventions contribueront
amrliorer la
r6gie d’entreprise des corporations et qu’elles auront, du mme coup, des effets b6n6fi-
ques sur le rendement des corporations en les rendant plus concurrentielles”. De plus,
ils soutiennent que la surveillance accrue effectu6e par les investisseurs institutionnels
rnduira les comportements opportunistes des dirigeants et des actionnaires majoritaires
qui menacent le patrimoine des autres actionnaires”.

L’impact rel de l’activisme des investisseurs institutionnels sur le rendement des
corporations demeure toutefois ambigu’8. Des 6tudes empiriques rdcentes effectu~es
par des chercheurs en 6conomie financi~re au Canada et aux Etats-Unis remettent en
cause les effets positifs de l’activisme des investisseurs institutionnels notds par des

Operations, vol. 5, Toronto, Carswell, 1988, 53 A la p. 54 ; J.H. Matheson et B.A. Olson, < (1992) 76 Minn. L. Rev. 1313
b la p. 1315, n. 2 [ci-apr;s <] ; Where Were the Directors?, Report of the To-
ronto Stock Exchange Committee on Corporate Governance in Canada, Toronto, 1994 A la p. 7

3 Blair; supra note I aux pp. 165-95 ; R.A.G. Monks et N. Minow, Power and Accountability, New
York, Harper Business, 1991 ; K.E. Montgomery, <> (1996) 26 Can. Bus. L.J. 189 [ci-apr s <].

“4 Canada, Rapport de la Commission royale d’enqudte sur les groupements de socitis, Ottawa,
Approvisionnement et Services, 1978 L lap. 325, selon qui les investisseurs institutionnels sont pres-
que toujours des actionnaires inactifs.

” P.A. Koval, < dans The Canadian Institute, Duties and
Liabilities of Officers and Directors, Toronto, 1992 ; S. Rousseau, < (1996) 37 C. de D. 305 [ci-aprbs <>].

6 B.S. Black, Agents Watching Agents: The Promise of Institutional Investor Voice>> (1992) 39
U.C.L.A. L. Rev. 811 [ci-apr~s >] ; A.F. Conard, > (1988) 22 J.L. Reform 117 ; R.J. Daniels et R. Morck, < dans Daniels et Morck, supra note 2 A la p. 3 ; J.G. MacIntosh, > (1993) 31 Osgoode Hall L.J. 371 [ci-
aprbs <(Role of Institutional Investors>>] ; Matheson et Olson, supra note 12 ; Montgomery et Leigh-
ton, supra note 5.

17 Voir sur cette probltmatique A.A. Berle et G.C. Means, The Modem Corporation and Private
Property, New York, MacMillan, 1932 ; M.C. Jensen et W. Meckling, <> (1976) 3 J. Fin. Econ 305.

” R. Kochhar et P David, <> (1996) 17 Strat. Mgmt. J. 73. Cette 6tude indique que les investisseurs institutionnels sont
susceptibles d’avoir une attitude interventionniste en raison de la taille de leur investissement, mais
qu’ils ne sont pas meilleurs dans l’6valuation des investissements que les autres investisseurs.

868

MCGILL LAW JOURNAL! REVUE DE DROITDE MCGILL

[Vol. 42

etudes ant6rieures’9 et questionnent l’existence d’une correlation entre la r6gie
d’entreprise et le rendement des corporations. Une etude menee par Rao et Lee-Sing
pour le compte d’Industrie Canada indique, par exemple, qu’il n’existe pas de relation
significative entre, d’une part, les structures de regie d’entreprise et le niveau de pro-
priet6 institutionnelle, et, d’autre part, le rendement des corporations”. Une autre 6tude
effectuee par la professeure Josee St-Pierre va 6galement dans ce sens et conclut >.

Bien que la litt&ature 6conomique ne soit pas unanime sur les effets positifs de
l’activisme des investisseurs institutionnels, il est indeniable que ces demiers occupent
une place prpond~rante au sein des compagnies publiques et modifient de fagon si-
gnificative la structure de l’actionnariae . Dans ce contexte, l’objectif de la pr6sente
etude n’est pas d’6valuer la validit6 ou la justesse des 6tudes empiriques concernant
l’impact de l’activisme institutionnel, mais plutet de comprendre les divers facteurs qui
peuvent influencer le comportement des investisseurs institutionnels dans leurs rela-
tions en tant qu’actionnaires de compagnies publiques. Jusqu’i pr6sent, les nombreuses
etudes qui se sont penchees sur cette question ont pour la plupart adopt6 une des deux
thbses suivantesP.

D’une part, la th~se de la surrglementation a 6t6 avanc~e par certains auteurs, qui
soutiennent que les investisseurs institutionnels font face A des contraintes rglementai-
res importantes qui limitent leur interventionnisme A l’6gard des entreprises et les inci-
conserver une attitude passiv&. Les tenants de cette thbse identifient au moyen
tent

ring: The Empirical Evidence> (1992) 39 U.C.L.A. L. Rev. 895 [ci-apr~s (Empirical Evidence>].

“9 Pour un sommaire de ces etudes, voir B.S. Black, The Value of Institutional Investor Monito-
20 Rao et Lee-Sing, supra note 2. L’tude de MacIntosh et Schwartz note toutefois une relation po-
sitive entre le niveau de proprit6 institutionnelle et la valeur des entreprises : J.G. Macintosh et L.P.
Schwartz, Les investisseurs institutionnels et les actionnaires dominants contribuent-ils A faire aug-
menter la valeur de l’entreprise ? >> dans Daniels et Morck, supra note 2 A ]a p. 357. Aux ttats-Unis
une etude r&cente appuie les conclusions de Rao et Lee-Sing : S. Wahal, Pension Fund Activism and
Firm Performance>> (1996) 31 J.EQ.A. 1.

21 J. St-Pierre, L’adhesion des societes ouvertes a une politique de regie : La substitution des diffd-

rents principes,, Cahier de Recherche, DAE-1996-04, Dep. Sc. Gestion et tconomie, U.Q.T.R.

22 Voir par exemple R. Le Cours et M. Tremblay, Au Canada, les grandes familles r6sistent en-
core>> La Presse [de Montrial] (2 mai 1993) AI ; Shareholders’ Dissent>> The [Toronto] Globe and
Mail (28 avril 1986) A6 ; D. Stoffman, > Canadian Business
(juillet 1990) 45.

‘ Certains auteurs ont tentd de reconcilier les deux theses : B.S. Black et J.C. Coffee Jr.,

Essentiellement, la r6glementation encourage la fragmentation de l’actif des investisseurs institu-
tionnels dans une multitude de compagnies, ce qui diminue la taille de leur investissement dans des
compagnies particulires, et, par cons&luent, leur intr&t 6conomique vis-4-vis ces compagnies. La
r6glementation peut 6galement freiner Ia coordination des actions des investisseurs institutionnels qui
d6sirent faire front commun pour intervenir

l’6gard d’une compagnie.

2 J.C. Coffee, Jr., > (1993) 93 Col. L.
Rev. 795.
2 7 Les auteurs explorent des contraintes telles les pratiques d’investissement, le mode de rdmun6ra-
tion, les conflits d’int6rts, les pressions politiques et la culture.
2 8Comme le souligne Roe: (1990) 59 U.

Cin. L. Rev. 357.

‘o Voir Coffee, Jr., A Half-Time Report>>, supra note 26 . lap. 866.
3 Brancato, supra note 3 ; K.E. Montgomery, <(Survey of Institutional Shareholders> (1992) 4:4
Corp. Gov. Rev. 5 [ci-apr~s Survey>>] ; W.M. O’Barr et J.M. Conley, Fortune and Folly: The Wealth
and Power of Institutional Investing, Howewood, Business One Irwin, 1992. Sur l’importance des
dtudes empiriques : N. Wolfson, (The Need for Empirical Research in Securities Law (1975-76) 49
S. Cal. L. Rev. 286.

1997] R. CREIE ET S. RoussEAu – INVESTISSEURS INSTITuTIONNELS

871

diera son impact sur les manifestations d’activisme des investisseurs. Ensuite, nous
examinerons le cas particulier de trois investisseurs institutionnels canadiens qui se
d6marquent en raison de la taille de leurs actifs, de l’importance de leurs placements
dans les actions de compagnies et de leur activisme 4 l’6gard de la r6gie d’entreprise.
Enfin, nous traiterons de 1’environnement exteme en examinant certaines forces de
nature 6conomique, politique et l6gale qui peuvent favoriser ou freiner l’activisme des
investisseurs institutionnels.

I. M6thodologie

En vue de mieux saisir les diff&ents facteurs qui peuvent influencer le comporte-
ment des investisseurs institutionnels canadiens, nous avons jug6 bon d’effectuer une
6tude sur le terrain en proc&lant A des entrevues aupr~s de quelques institutions et or-
ganismes qui occupent une place importante sur la sc~ne financi~re. I s’agit d’un
6chantillon certes limit6 mais qui regroupe un nombre diversifi6 d’investisseurs insti-
tutionnels. Parmi ceux-ci, nous retrouvons trois gestionnaires de portefeulle du secteur
public, incluant deux caisses de retraite publiques, trois caisses de retraite du secteur
priv6, deux fonds d’investissement (fonds mutuels) et deux conseillers en placement.
Quatre de ces institutions sont A Montral, tandis que les autres sont h Toronto. Au to-
tal, treize personnes ont 6t6 interrog es au sein de ces institutions. Nos interlocuteurs
faisaient partie de la haute direction, la plupart occupant le poste de vice-prdsident
charg6 des investissements au sein de ces entreprises et deux d’entre eux, le poste de
conseillerjuridique. Nous avons 6galement proce16 A des entrevues aupr s de deux or-
ganismes interm~diaires situ~s A Toronto qui offrent des services de conseil aux inves-
tisseurs institutionnels canadiens. Pralablement A ces entrevues, nous avons achemin6
un questionnaire regroupant environ vingt-cinq questions afin de permettre A nos inter-
locuteurs de connaitre les diff~rents sujets de discussion. Toutes les entrevues ont eu
lieu en personne, sauf une par t~l~phone, et ont dur6 en moyenne 90 minutes. Les pro-
pos sont rapport6s en frangais ou en anglais, selon la langue d’usage de chacune des
personnes interview.es. f1 y a lieu de noter, en terminant, que l’anonymat des institu-
tions et de leurs repr6sentants a 6t6 respect6 en utilisant des noms fictifs qui apparais-
sent dans le texte en caract~res italiques.

II. L’activisme des investisseurs institutionnels : d6finition du

ph6nombne
Dans le contexte de la rgie interne des corporations, le terme <> est sou-
vent utilis6, avec diff~rentes connotations, pour qualifier les activit~s les plus visibles
de certains actionnaires qui remettent en question le comportement des entreprises”.

2 Au sujet du ph6nom~ne de l’activisme dans le contexte de la rgie interne des entreprises aux
lttats-Unis, voir L. Talner, The Origins of Shareholder Activism, Investor Responsibility Research
Center, 1983 ; Monks et Minow, supra note 13 aux pp. 230-38 ; DJ. Baum et N.B. Stiles, The Silent
Partners: Institutional Investors and Corporate Control, Syracuse, Syracuse University Press, 1965
aux pp. 14-27 ; concemant plus particuli~rement l’activisme des investisseurs institutionnels, voir par
exemple Blair, supra note 1 aux pp. 165-95.

872

MCGILL LAW JOURNAL! REVUE DE DROIT DE MCGILL

[Vol. 42

Cet activisme a surtout 6t6 mis en 6vidence aux ttats-Unis, lA oi le ph~nom~ne a 6t6
marqu6 par des interventions relativement intenses de la part d’individus ou de groupes
d’actionnaires. Les premires manifestations de ce ph6nom~ne apparaissent d~s le d6-
but des ann6es 1930, au moment oa les fr~res Gilbert, consid&rs comme des pionniers
en ce domaine, commencent A faire valoir leurs droits de fagon plus apparente en vue
d’accroritre les m6canismes d’imputabilit6 des corporations et d’assurer aux actionnai-
res une plus grande part des b6n6fices des entreprises”. Alors qu’au d6but les interven-
tions soulevaient surtout des questions de nature interne, le ph6nom~ne a pris une am-
pleur diffdrente compter des ann es 1960, A l’6poque des grands mouvements politi-
ques et sociaux qui ont marqu6 la socidt6 am~ricaine. Divers groupes d’intrats, de
meme que les investisseurs institutionnels, ont alors mis l’accent sur la responsabilit6
sociale des corporations, notamment sur les questions touchant l’environnement, la
protection des consommateurs, les droits fondamentaux et le bien-atre public’. Parmi
les moyens utilis~s pour atteindre leurs objectifs, les activistes, en leur qualit6
d’actionnaires, soumettaient des propositions en vue de leur diffusion par le biais des
documents d’information pr6par6s par les corporations pour les assembl6es annuelles.
In6vitablement, en raison des questions soulevdes et de l’approche militante adopt6e
par certains groupes, les corporations visles ont parfois contre-attaqu6 vigoureusement,
contribuant ainsi a donner ii ces campagnes de sensibilisation une couverture m6diati-
que consid~rable?’ . Tel fut le cas, entre autres, lors des efforts entrepris en 1966 par une

33 L. Loss et J. Seligman, Securities Regulation, vol. 4, 3′ &l., Boston, Little, Brown and Company,
1989 A ]a p. 2008 ; Baum et Stiles, ibid aux pp. 14-17 ; Monks et Minow, ibid. A la p. 230 P.J. Ryan,
(1988-89) 23 Ga. L.
Rev. 97 aux pp. 116-17, n. 77 ; A.R. Palmiter, The Shareholder Proposal Rule: A Failed Experiment
in Merit Regulation>>, (1994) 45 Ala. L. Rev. 879 A la p. 897 ; S.W. Liebeler, A Proposal to Rescind
the Shareholder Proposal Rule>> (1983-84) 18 Ga. L. Rev. 425 aux pp. 459-61 ; W. Werner,
> (1981) 81 Colum. L. Rev. 1611 A lap. 1613. Les questions
traitaient notamment du lieu des assembl6es annuelles, du vote cumulatif, de l’dlection des adminis-
trateurs, de la nomination des vrificateurs, des droits de preemption, de la r~munmation des diri-
geants et de l’envoi de rapports postdrieurement aux assembl0es. Voir Talner, ibid. aux pp. 2-4 D.C.
Bayne, (The Basic Rationale of Proper Subjecb> (1956-57) 34 U. Det. L. Rev. 575 N la p. 595 ; T.L.
Feagans, (S.E.C. Rule 14a-8: New Restrictions on Corporate Democracy?
(1984) 33 Buff. L. Rev.
225 A lap. 239.

3′ Talner, ibid aux pp. 4-46 ; D. Vogel, Lobbying The Corporation: Citizen Challenges to Business
Authority, New York, Basic Books, 1978 aux pp. 71-102 ; Ryan, ibid. aux pp. 117-18 ; Feagans, ibid.
aux pp. 23945 ; L.S. Black, Jr. et A.G. Sparks III, (The S.E.C. as Referee-Shareholder Proposals and
Rule 14a-8>> (1976-77) 2 J. Corp. L. I aux pp. 4-5 ; D.E. Schwarz et E.J. Weiss, (1976-77) 65 Geo. L.J. 635 aux pp. 642-48 ; P.E. Wallace,
Disclosure of Environmental Liabilities under the Securities Laws: The Potential of Securities-
Market-Based Incentives for Pollution Contro> (1993) 50 Wash. & Lee L. Rev. 1093 aux pp. 1135-
36.
3′ Talner, ibid aux pp. 4-28. La r6glementation en mati~re de propositions d’actionnaires contient
une liste de conditions qui peuvent restreindre 1’acc s des actionnaires aux circulaires d’information
pr6parOes par la direction des corporations. Voir Securities Exchange Act of 1934, Rule 14a-8, 17
C.ER. 240 (1995) ; Loss et Seligman, supra note 33 aux pp. 2004-12 ; Ryan, ibid. aux pp. 116-17;
Liebeler, supra note 33 aux pp. 431 et 459-61 ; Palmiter, supra note 33 A ]a p. 897 ; R. Crate, The
Proxy System in Canadian Corporations: A Critical Analysis, Montrdal, Wilson & Lafleur, 1986 At ia
p. 187 et s. Concernant les actions prises suite au refus des corporations d’inclure les propositions des

1997] R. CR-TE ET S. ROUSSEAU- INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS

873

la compagnie Eastman Kodak de revoir
organisation appele FIGHT, qui demandait
sa politique d’emploi h I’dgard des Noirs, de mme que lors de la cdl~bre campagne
mende contre General Motors et identifi~e comme une croisade anti-pollution. Durant
cette p6riode, les actionnaires activistes ont 6galement men6 des campagnes antimilita-
ristes en vue de stopper la fabrication de certains types d’armement par les compagnies
Dow Chemical Co. et Honeywell.

Les comptes rendus de ces premieres manifestations d’activisme aux Etats-Unis
font ressortir certains dlments communs qui mdritent d’etre soulignds afin de mieux
apprcier l’6volution subsquente de ce ph6nom6ne. Dans la plupart des cas, les ac-
tionnaires ont conduit leurs initiatives dans le cadre des assembldes annuelles des cor-
porations, notanment sous la forme de questions soumises en personne ou par le biais
de propositions diffus~es dans les circulaires d’information, parfois meme en enga-
geant des batailles de procurations. Cet activisme se caractdrisait 6galement par
l’approche militante adoptde par certains protagonistes qui ont mend leurs campagnes
comme de vdritables croisades.

Vues sous cet angle, il n’est pas surprenant que des interventions semblables soient
devenues des exemples dvidents <> tel que ce terme est ddfini aux Etats-
Unis, A savoir > ou encore <3 ‘. Par contre, comme nous le verrons, ce terme tel qu’utilisd dans le
contexte canadien ne comporte pas ndcessairement les memes connotations, ou du
moins, ses manifestations se font plus timides.

Au Canada, un bref rappel des premiers signes de l’activisme axd sur la respon-
sabilit6 sociale des corporations fait clairement ressortir le contraste avec l’expdrience
amdricaine. Au debut des anndes 1980, une organisation rdunissant des groupes reli-
gieux soumettait des propositions h titre d’actionnaire en vue des assembldes annuelles
de la compagnie Alcan et de plusieurs grandes banques canadiennes37. L’objectif visd

actionnaires, voir par exemple, S.E.C. c. Transamerica Corp., 163 R 2d 511 (3d Cir. 1947), cert. de-
nied, 332 U.S. 847 (1948) ; Medical Committee for Human Rights c. S.E.C., 432 F. 2d 659 (D.C. Cir.
1970), cert. granted, 401 U.S. 973, vacated as moot, 404 U.S. 403 (1972).
16 Ce sont les definitions du Merriam Webster’s Collegiate Dictionary, 10 6d. et du American Heri-
tage Dictionary, respectivement [traduction des auteurs]. Quant au Oxford English Dictionary, il le
d~finit ainsi : A doctrine or policy of advocating energetic action>.

” Au sujet du mcanisme des propositions soumises par les actionnaires, voir la Loi canadienne sur
les socidtis par actions [ci-apr~s L.C.S.A.], L.R.C. 1985, c. C-44, art.137. Pour une comparaison en-
tre les m~canismes canadiens et amdricains, voir Crte, supra note 35 aux pp. 183-234. Au sujet des
propositions soumises par les groupes religieux, voir la circulaire d’information prdparde par Alcan
Aluminium Ltd. en vue de ‘assemblfe du 16 f6vrier 1982 et la circulaire de la Banque Canadienne
Imp6riale de Commerce pour l’assemble annuelle tenue h Toronto le 20 janvier 1983 ; des proposi-
tions d’actionnaires ont 6t6 soumises aux assembies annuelles des banques suivantes : Banque
Royale, 12janvier 1984; Banque de Montr6al, le 16janvier 1984; Banque de Nouvelle-cosse, le 17
janvier 1984 ; Banque Toronto-Dominion, le 18 janvier 1984 ; Banque Canadienne Imp6riale de
Commerce, le 19 janvier 1984. Au sujet du rdle des groupes religieux runis sous le Task Force on
the Churches and Corporate Responsibility, voir B. Davis, > (1993-94) 6 :1 Corp. Gov. Rev. 1 ; M. Mittelstaest, > The [Toronto] Globe and Mail (12 novembre 1983) B3 ; M. Mittelstaest, <(CIBC sha- reholders get calls from bank's staff on proxy's significance>> The [Toronto] Globe and Mail (20 jan-
vier 1983) B3.

Davis, ibid.
Greenpeace Foundation of Canada c. Inco Ltd. (20 f6vrier 1984), (Ont. S.C.) [non publif], conf.

par (21 mars 1984), (Ont. C.A.) [non publi6].

40 Varity Corp. c. Jesuit Fathers of Upper Canada (1987), 59 O.R. (2′) 459, 38 D.L.R. (4) 157
(H.C.), conf. par (1987) 60 O.R. (2d) 640,41 D.L.R. (4) 284 (C.A.) ; J. Carlisle, <> The [Toronto] Financial Post (7 juin 1990) 27.

” KE. Montgomery, Shareholder Activism in Canada: A Survey of Institutional Shareholders,
Working Paper Series No. NC 92-014-B, National Centre for Management Research and Develo-
pment, The University of Western Ontario, octobre 1992 [ci-apr;s Shareholder Activism]. Voir aussi

1997] R. CRiTEET S. RoussEAu- INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS

875

Durant la p6riode intense des prises de contr6le au cours des ann6es 1980, de

meme qu’au cours de la prsente d~cennie, alors que les compagnies ont eu recours
une panoplie de mesures d~fensives, les investisseurs institutionnels ont pris con-
science de la n6cessit6 de prot6ger les intr&ts des actionnaires. Es ont ainsi fait valoir
leur opposition concernant les mesures qui permettent aux dirigeants de prot6ger leurs
postes au sein des compagnies vis~es, notamment h 1’6gard des regimes de droits de
souscription (pilules empoisonn~es), des ententes de blocage, des mandats 6chelonn~s
au sein des conseils d’administration et de la creation d’actions subalternes et d’actions
privilgi6es comportant des droits discrdtionnairesg”. Les investisseurs institutionnels

le rsum6 des rsultats de cette enquete dans Montgomery, <>, supra note 31 A la p. 5 ; K.E.
Montgomery et D.S.R. Leighton, Institutional Shareholders in Canada Part Two: Activism on the
Rise, Working Paper Series No. NC 93-011-B, National Centre for Management Research and Deve-
lopment, The University of Western Ontario, mai 1993 ; Montgomery, <>, supra note 13
aux pp. 190-91 ; S. Rousseau, Analyse de P’mergence de Vactivisme des investisseurs institutionnels
au sein des compagnies publiques, m6moire de maitrise en droit, Universit6 Laval, 1995 [ci-apr-s
Analyse] ; ce demier m6moire a 6t6 publi6 en partie : voir Rousseau, L’influence des investisseurs
institutionnels >, supra note 15 ; Koval, supra note 15 ; MacIntosh, <,
supra note 16 aux pp. 379-86 ; B. Dalglish, Maclean’s [Toronto Edi-
tion] (18 mai 1992) 46 ; B. Marotte, > Ottawa Citizen (20
f6vrier 1993) D6 ; < Ottawa Citizen (29
mars 1993) D10 ; B. Marotte, The [Montreal] Gazette (18 f6vrier 1993) El ; A. Mayer, <> The Toronto Star (22 avril 1995) Dl ; dans le contexte am6ricain, voir
O’Barr et Conley, supra note 31 aux pp. 1-39 et 175-205 ; Monks et Minow, supra note 13 aux pp.
182-238 ; Blair, supra note 1 aux pp. 165-72 ; United States Congress, Senate Committee on Ban-
king, Housing, and Urban Affairs, Subcommitte on Securities, The Impact of Institutional Investors
on Corporate Governance, Takeovers, and the Capital Markets, Washington, U.S. G.P.O., 1990 [ci-
apr~s The Impact of Institutional Investors] ; R.D. Rosenbaum et M.E. Korens, >, New York, Practising Law Insti-
tute, Corporate Law and Practice Course Handbook Series, PLI No. B4-6938, septembre 1990.

” Montgomery, >, ibid. A lap. 326 et s. ; Mayer, ibid ; depuis la fin des ann6es 80, les
r6gimes de droits de souscription ou > The [Toronto] Globe and Mail (14 septembre 1994) BI ; J. Partridge, < The [Toronto] Globe and Mail (27 juin 1994) B1 ; C.R.
McCall, oPoison Pills – The 1995 Proxy Season>> (1995) 7:3 Corp. Gov. Rev. 8 ; P. Bloomfield,
<> The [Toronto] Financial Post (11
d~cembre 1991) 17 ; H. Cleland, <> (1992) 4:3
Corp. Gov. Rev. 1 ; W.M. Mackenzie, <> (1996) 8:3 Corp. Gov. Rev. 1 ; W.M.

MCGILL LAW JOURNAL/REVUE DE DROIT DE MCGILL

[Vol. 42

sont 6galement intervenus pour pr6venir les comportements opportunistes dans les si-
tuations de conflits d’intr&ts, par exemple dans le cas de transactions entre personnes
lies conclues au d6triment des int&rrts des actionnaires minoritaires ou encore dans le
cas de r6gimes de r6mun~ration excessifs mis en place en faveur de la direction ‘ . Dans
le march6 canadien, caract&is6 par la concentration de l’actionnariat entre les mains
d’actionnaires majoritaires ou principaux, les institutions ont pu b6n6ficier de certaines
dispositions r6glementaires visant A prot6ger les actionnaires minoritaires, notamment
celles qui imposent une 6valuation indtpendante et l’approbation par la minorit6 des
transactions entre parties li~es”. Au fil des ans, certaines institutions ont 6galement d6-
velopp6 des relations 6troites et continues avec les compagnies dans lesquelles elles ont
des investissements importants, leur permettant ainsi de participer au processus d6ci-
sionnel”. Elle ont exerc6 des pressions afin de remplacer des membres de la direction

Mackenzie, <

‘” Montgomery, >, supra note 31 ; MacIntosh, , supra note
16 A la p. 383 ; Investors battle NorTel: Pension funds urge caution for Northern Telecom investors
as company presents stock option plan that may dilute shares by 16%>> The [Toronto] Financial Post
(18 avril 1995) 1 ; > The [Toronto] Globe and Mail (3 juin 1992) B1O ; J.S. Lublin, Investors
push to ax pensions for outsiders The Wall Street Journal (10 avril 1995) B1 ; J.A. Grundfest, (1992-93) 45 Stan. L.
Rev. 857 A la p. 931 [ci-aprbs >] ; J.E. Heard, <> (1995) 63 U. Of Cinn. L. Rev. 749 aux pp. 765-66 ; R.L. Shorten, Jr., An
Overview of the Revolt Against Executive Compensation)) (1992-93) 45 Rutgers L. Rev. 121 aux pp.
123-26.
” Au sujet de la r6glementation, voir C.V.M.Q., Instruction g6n6rale Q-27, Mesures de protection
des porteurs minoritaires a l’occasion de certaines opdrations dans M. Thriault, Droit des valeurs
mobili~res au Qudbec, vol. 1, Montr6al, Wilson & Lafleur, 1992 A lap. C-188 ; OSC Policy No. 9.1,
Take-Over Bids, Issuer Bids, Going Private Transactions and Related Party Transactions, CCH Ca-
nadian, Can. Sec. L Rep. par. 471-901. Certaines politiques adopt6es par les commissions des valeurs
mobilires et des bourses pr6voient des dispositions de protection dans le cas d’6mission d’actions
subaltemes : voir C.V.M.Q., Instruction g6nrale Q-17, Les actions subalternes, dans Th~riault, ibid. A
la p. C-131 ; OSC Policy 1.3, Restricted Shares, CCH Canadian, Can. Stock Exchanges Manual, par.
471-102 ; Bourse de Montreal, Politique 1-10, Restricted Shares, CCH Canadian, Can. Stock Exchan-
ges Manual, par. 5000-010 ; TSE Policy Statement on Restricted Shares, Can. Stock Exchanges Ma-
nual, North York, CCH Canadian, 1994, par. 830-091. Au sujet des transactions entre parties lies,
voir par exemple Xerox Canada, OMERS settle dispute>> The [Toronto] Globe and Mail (15 fdvrier
1994) B15 ; E. Heinrich, The [Toronto] Financial
Post (19 octobre 1995) 1 ; W.M. Mackenzie, , A Call For Shareholder Solidarity
(1995) 7 :4 Corp.
Gov. Rev. I [ci-aprbs Shareholder Solidarity>>] ; J. Kazanjian et M. McNee, Tensions in Corporate
Governance: Minority Shareholders in U.S. Controlled Canadian Public Companies>> (1995) 7 :2
Corp. Gov. Rev. 1.
“Koval, supra note 15 aux pp. 43-46 et 57-58 ; Montgomery, Survey>>, supra note 31 h la p. 6;
Blair, supra note 1 aux pp. 162-63 ; J. Pound, *> (1993-94) 78 Minn. L. Rev. 1443 [ci-apr~s Corporate Cooperation] ; J.E. Heard,
Insights (Dcembre 1991) 18 ; E.B. Rock,
Active Institutions Sharpen their Focus for 1992
(1993-94) 15 Cardozo L. Rev. 987 [ci-apr~s
> The [Toronto] Financial Post (17 mai 1991) 1 ; D. Hogarth,
Muscle-flexing marks break with tradition The [Toronto] Financial Post (17 mai 1991) 6. Deux re-
pr6sentants de l’Ontario Teachers’ Pension Plan Board ont 6t6 61us au sein du conseil de Maple Leaf
Foods ; voir The [Toronto] Financial Post (22 juin 1995) 2. Teachers a 6galement obtenu deux si~ges
au conseil de Maple Leaf Gardens ; voir T. Van Alphen, Toronto Star (12 octobre 1994) Cl. Dans le
contexte am~ricain voir Blair, ibid. aux pp. 163 et 170-72 ; Grundfest, supra note 43 aux pp. 882,
887, 891 et 894.

47 Au sujet des r6formes concernant les m~canismes de surveillance, voir Montgomery et Leighton,
supra note 41 aux pp. 14-15 ; The [Toronto] Globe and Mail (26 mars 1994) B18 ; RL. Wilson, 1995 Proxy Season
Review > (1995) 7:4 Corp. Gov. Rev. 3 aux pp. 5-6 [ci-apr~s 1995 Proxy Season Review ] ; Gilson
et Kraaknan, supra note 24 aux pp. 871-73 ; O’Barr et Conley, supra note 31 aux pp. 185-86 ; Black,
(Agents Watching , supra note 16 aux pp. 839-44 ; Barnard, supra note 42 A lap. 1136. Au sujet des
programmes d’6valuation visant plus particuli6rement les compagnies qui ont un rendement insatis-
faisant, voir U.S. Congress, The Impact of Institutional Investors, supra note 41 aux pp. 43-44 ; S.
Foerster, L’activisme institutionnel des caisses de retraite du secteur public : le module CalPERS
appliqu6 au Canada > dans Daniels et Morck, supra note 2, p. 44 5 aux pp. 455-56 ; L. Lipin, A list of
laggards appears to back investor activism The Wall Street Journal (3 octobre 1995) C1 ; J.N. Gor-
don, Institutions as Relational Investors: A New Look at Cumulative Voting > (1994) 94 Colum. L.
Rev. 124

lap. 134.

S Montgomery, >, supra note 16 A ]a p. 377 ; MacIntosh,
, supra note 2 aux pp. 174-75 ; T. Corcoran, The Toronto Star (9 d~cembre
1991) B3 ; L. Lowenstein, What’s Wrong With Wall Street: Short-term Gain and the Absentee Share-
holder, Reading, Addison-Wesley, 1988 A lap. 60. Au sujet du lobbying exerc6 auprbs des gouveme-
ments par les investisseurs institutionnels, voir Mayer, supra note 41 ; Roe, Strong Managers, Weak
Owners, supra note 24 A ]a p. 224 ; Blair, supra note 1 aux pp. 169-70 ; J.E. Zanglein, (1991) 7 Labor Lawyer 771 Ala p. 794.

1997] R. CRTE ET S. RoussEAu- INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS

879

sibility Research Center font des efforts importants en vue de coordonner et orienter les
actions des investisseurs institutionnels’.

Parmi ce groupe diversifi6 d’actionnaires, le style d’activisme peut varier consid6-
rablement. Dans certains cas, leurs interventions se manifestent ouvertement et peuvent
parfois attirer l’attention des m6dias, plus particuli6rement lorsque des questions con-
trovers~es sont soumises aux assembl6es d’actionnaires, lorsque des changements
surviennent au sein de la direction des compagnies suite aux pressions exerces par les
investisseurs institutionnels, ou encore lorsque des recours judiciaires ou administratifs
sont intent6s”. En d’autres occasions, les actions se font discr~tement et sans publicite’.

Les multiples facettes des interventions des investisseurs institutionnels refl~tent
bien la port6e 6tendue du ph6nom~ne que l’on d~signe par l’expression <>.
Entendu dans un sens large, ce terme permet certes de rendre compte du mouvement
daris son ensemble, mais tel que d6fini pr6c&emment, il n’est pas n6cessairement ap-
proprid6 pour qualifier chacune de ses manifestations au Canada7 . En effet, les d6mar-
ches entreprises par les investisseurs institutionnels ne correspondent pas toujours i
‘approche vigoureuse ou militante que recouvre 1’expression >. Une telle
approche n’est qu’un des styles d’intervention employds par les actionnaires canadiens.
En raison de la connotation qui sous-tend cette expression, sans compter les infdrences
possiblement ngatives, on peut comprendre pourquoi certains observateurs ont prdf&6
terminologie plus neutre, parlant d’un r6le de <, de
utiliser une
> ou de > pour designer les diffdrents moyens mis en oeuvre
par les investisseurs institutionnels en vue d’6valuer et d’influencer le comportement
des entreprises 8 . A cette terminologie, il y aurait lieu d’ajouter la dimension de
> exerc6 par certaines institutions, en particulier dans le contexte canadien.

, Concernant les organisations intermdiaires au Canada, voir MacIntosh, <(Role of Institutional In- vestors>>, supra note 16 t la p. 384 ; MacIntosh, <>, supra note 2 aux pp. 175-
76 ; P.G. Hellyer, > (1995-96) 8:1 Corp. Gov.
Rev. 7 aux pp. 7-9 ; W.M. Mackenzie, > (1995-96) 8:1
la p. 4 ; McCall, supra
Corp. Gov. Rev. 12 aux pp. 12-13 ; Montgomery et Leighton, supra note 41
note 42 aux pp. 8-10 ; W.M. Mackenzie, <(Options, Too Much of a Good Thing?>> (1995) 7:3 Corp.
Gov. Rev. 1 t lap. 2. Concemant les organisations interm&Iiaires aux ttats-Unis, notanment an sujet
de l’Investor Responsibility Research Center, du Council of Institutional Investors et du Institutional
Shareholder Services, voir Black, (Shareholder Passivity>>, supra note 24 A ]a p. 573 ; Rock, supra
note 26 aux pp. 479-81.

5 5O’Barr et Conley, supra note 31 aux pp. 186-87.
Macintosh, Role of Institutional Investors>>, supra note 16 la p. 381 ; Montgomery et Leighton,
supra note 41 aux pp. 7-8, P. Waldie, > The [Toronto] Financial Post (24 mars 1994) 1.

>7Voir supra note 36 et texte correspondant.
58Les auteurs canadiens et am~ricains se rffrent aux termes suivants : institutional investor moni-
toring>>, <>, ou >. Voir par exemple Black, >, supra
note 16 aux pp. 813, n. 3 et 816 ; Fisch, supra note 26 h lap. 1015 ; M.A. Utset, > (1995) 44 Emory LJ. 71.
Sur la distinction entre les tennes anglais > et odiscipline>>, voir Rock, supra note 26 A la
p. 453.

880

McGILL LAwJOURNAL/ REVUE DE DROITDE MCGILL

[Vol. 42

Le degr6 d’intervention peut ainsi varier consid&ablement d’un investisseur h
l’autre, allant d’une surveillance limit~e A un contr6le O1ev6, dont les multiples manifes-
tations peuvent atre plus ou moins visibles. Au cours de la demire d~cennie, les ob-
servateurs, tant dans la presse que dans les revues sp6cialis6es, ont port6 une attention
particulire aux interventions de quelques institutions, plus sp6cialement h celles des
gestionnaires de portefeuille du secteur public, tels la Caisse de d6p6t et placement du
Qu6bec, 1’Ontario Teacher’s Pension Plan Board, 1’Ontario Municipal Employee’s Re-
tirement System (OMERS) et leurs homologues am6ricains comme le California Pu-
blic Employees’ Retirement System (CalPERS), TIAA-CREF, le State of Wisconsin
Investment Board et le New York City Employee’s Retirement System. Ces gestionnai-
res sont souvent pergus comme 6tant les plus actifs, alors que les institutions du secteur
priv6, tels les gestionnaires de caisses de retraite priv6es, les fonds d’investissement, les
compagnies d’assurance, les soci6t6s de fiducie, les banques et les conseillers en pla-
cement, sont g6n~ralement consid&6res comme plus ou moins passives. Cette distinc-
tion entre l’approche activiste des gestionnaires du secteur public et l’attitude plus pas-
sive des autres institutions ressort 6galement de certaines 6tudes empiriques, notam-
ment de l’enquete effectu6e en 1992 par Kathryn Montgomery’.

Tout en reconnaissant la possibilit6 d’dtablir certaines tendances, il est important de
noter que les apparences de passivit6 et d’activisme peuvent atre trompeuses, car les
perceptions d6pendent en grande partie de l’6tendue de l’information que les acteurs
sont prts A divulguer, de meme que de la publicit6 donn6e ces activit6s. A cet 6gard,
les principaux gestionnaires de fonds du secteur public peuvent difficilement 6chapper
la divulgation de leurs activit6s et peuvent m~me b6n6ficier de la publicit6 g6n&6e
par leurs interventions, tandis que les gestionnaires du secteur priv6 peuvent choisir de
demeurer dans l’ombre. I1 faut noter aussi que l’attitude plus ou moins active des insti-
tutions d6pend d’un nombre consid6rable de facteurs. La nature, l’intensit6 et le style
de surveillance exerc6e par celles-ci peuvent varier selon le type, la taille, la structure,
les opdrations, la culture et l’environnement 16gal propres h ces investisseurs, de meme
que selon la nature des questions soumises, les objectifs poursuivis et les entreprises vi-
s6es. Compte tenu de la diversit6 des investisseurs institutionnels et des nombreux fac-
teurs qui peuvent affecter leur comportement, il est donc important de conserver un es-
prit critique
l’6gard des g6n~ralisations et de retenir, du moins, que l’activisme des
institutions peut prendre de multiples formes qui ne sont pas toujours visibles et que les
classifications entre les institutions passives et actives ne sont aucunement 6tanches.

III. Diff6rentes perceptions du mandat, diff6rents comportements

Divers facteurs d’ordre 6conomique, politique, juridique, organisationnel et cultu-
rel ont 6t6 mis en 6vidence dans la litt~rature sp~cialis~e pour tenter de comprendre le
comportement plus ou moins actif des
tant
qu’actionnaires de compagnies. Parmi ces 6tudes, l’enquete effectu~e par Montgomery
constitue un bon point de d6part dans le contexte canadien, en ce qu’elle fait ressortir,
par ordre d’importance d6croissante, une s6rie d’616ments positifs et n6gatifs. D’une

institutionnels en

investisseurs

S9 Montgomery, (Market Shift>, supra note 13 A lap. 198.

1997] R. CRL-TE ET S. RoussEAu -INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS

881

part, parmi une dizaine de facteurs susceptibles d’entrainer l’activisme des institutions,
les trois plus importants sont lis aux situations d’abus de pouvoir par la direction ou
par l’actionnaire majoritaire, 1’existence d’un devoir fiduciaire envers les clients, et h
la taile et nature des investissements’ . D’autre part, parmi les treize raisons qui expli-
queraient un comportement passif, les plus importantes sont attribu6es, premi~rement,
aux efforts en terme de temps et de cofits que ndcessitent les interventions, deuxi~me-
ment, a la connaissance insuffisante des compagnies et de l’industrie, et troisi~mement,
t 1’existence d’investissements altematifse.

Dans le cadre des entrevues que nous avons effectu~es aux fins de cette 6tude, les
investisseurs institutionnels appelds A se prononcer sur des questions similaires ont
6galement reconnu l’influence relative des nombreuses variables 6num&6res, mais en
insistant, par la mgme occasion, sur l’essence meme de leurs fonctions et sur
l’interrelation de ces multiples facteurs d’influence. De leurs commentaires, il se d6-
gage une trame de fond qui sous-tend plusieurs des raisons identifi~es et qui tient
la
perception de leur mandat comme gestionnaires de portefeuille. Qu’ils soient des in-
vestisseurs passifs ou actifs, tous admettent que leur objectif consiste A maximiser le
rendement des investissements gd6rs. Par contre, tous n’ont pas la meme vision des
616ments constitutifs de leur mandat.

A. Gestionnaires de fonds, propri6taires d’actions ou dirigeants

d’entreprises ?

La perception du mandat confi6 aux investisseurs institutionnels peut diffdrer de
faqon significative selon la nature de l’institution et des investissements impliqu6s. La
plupart des investisseurs du secteur priv6 interrog~s au cours de notre enqu~te se con-
sid~rent avant tout comme des <> (<), c’est-
h-dire des personnes appel&es h 6valuer les tendances du march6 et t effectuer 1’analyse
financi&e des compagnies en vue de l’achat et de la vente de titres. Ils recherchent des
investissements susceptibles d’offrir le meilleur rendement possible et une bonne li-
quidit6. S’ils sont insatisfaits de l’entreprise dans laquelle ils investissent, ils prferent
vendre plutbt que de redresser la situation. Cette perception s’exprime dans les termes
suivants par un gestionnaire d’un important conseiler en placements du secteur priv6
(Placements A) en rponse h une question visant A d~terminer la r6action de son insti-
tution en cas d’insatisfaction h l’6gard des compagnies dans lesquelles elle investit:

Montgomery, Survey>>, supra note 31 aux pp. 6-7. Par ordre d’importance d6croissante, les au-
tres facteurs dnum6r6s dans cette enquate sont les suivants : le manque de confiance A l’dgard de la di-
rection, l’insatisfaction A l’dgard du rendement de la compagnie, la difficult6 de disposer des investis-
sements, la diminution de la valeur des actions, l’activisme de la part des autres institutions et, enfin,
l’absence d’opportunit( de placements altematifs.
61 biL Par ordre d’importance dcroissante, les autres facteurs sous-jacents A la passivit6 sont les
suivants : le mandat pereu ou explicite comme propri6taire passif, la taille et la nature des investisse-
ments, la publicit6 n6faste, l’absence de leadership parmi les institutions, les conflits potentiels r~sul-
tant d’op6ations d’initi6s, les conflits potentiels avec les autres clients, les conflits potentiels avec
d’autres investissements, Ta pression pour le rendement A court terme, la resistance potentielle de la
part de la direction.

McGILL LAW JOURNAL/REVUE DE DROITDE MCGILL

[Vol. 42

Gn6ralement, on vend. On n’est pas des redresseurs de compagnies, on est des ges-
tionnaires de portefeuille . Plus loin, il explique comme suit le comportement relati-
vement passif de son institution dans la rdgie inteme des compagnies : <. On retrouve des propos semblables chez un autre conseiller en placements, dont
1’entreprise de gestion (Placements B) est la filiale d’une institution bancaire. Celui-ci
rdsume sa position comme suit : My business isn’t to run a company… What I am
supposed to do is maximize value over a long period of time of my client’s portfolios>.
Dans la meme veine, voici comment s’exprime le directeur des investissements d’une
importante caisse de retraite privde (Caisse privie A), dont tous les titres canadiens sont
g&ris A l’inteme. I1 compare sa fonction h celle des gestionnaires des ligues majeures
du secteur public dans les termes suivants :

We tend to go along with the company unless there is something really wrong,
in which case we will sell our shares… Our decision generally, if we don’t like
something, is to sell the shares rather than hold on to them, without getting in-
volved in the company. Because we are a private organization, not a government
organization, we do have the responsibility to work within the private sector.
Sometimes it is easier simply to sell the shares rather than to get all in-
volved…We really look for liquidity. We are market people, we are not corporate
managers. It is quite a different mentality[…] And that is a big difference be-
tween us and what you will find with somebody that you will talk to at OMERS
or Teachers… I have noticed how they have changed over the years, because
they did start as portfolio managers too, but their holdings are so large and there
really is no liquidity[…] I have to be able to get out of shares, it is very important.
Then, they [OMERS, Teachers] say they cannot get out of the shares…They are
so big, like the Caisse [Caisse de ddpdt et placement du Qudbec], relatively to
our own market that it is like a dinosaur moving around in a small pond… They
do get involved a lot into being the managers of the companies. They go and talk
to companies about how they are running their company and how they should
be more efficient. We will not. We will go to a management and will say we are
unhappy […] We will just give them hints, maybe which way they should go.
But it is more likely we will leave […] When we are asked for a vote, we will
vote, but we will never go pro-actively and tell the management that we think
they should straighten up. That is not our role at alt2.

Cette constante chez la plupart de nos interlocuteurs du secteur priv6 traduit la vision
traditionnelle du gestionnaire de portefeuille perqu comme un qui ach~te ou vend des titres et qui prdf~re disposer de ceux-ci si le rendement
de la compagnie est insatisfaisant, plut6t que de s’ingdrer dans ses affaires intemes. La
perception de leur mandat est notamment faqonnde par leur formation et leur exp6-
rience en analyse financi6re, de meme que par la culture de l’industrie dans laquelle ils
6voluente. Comme il sera explicit6 davantage dans la demi~re section de cette 6tude”,

‘2 Nos italiques.
V3 LUauteur amdricain Black fait 6galement rrfdrence A ]a formation des gestionnaires de portefeuille,

voir , supra note 24 A lap. 563.

64Voir la Section 6, ci-dessous, sur les influences extemes.

19971 R. CRfEEETS ROUSSEAU- INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS

883

leur objectif est d’obtenir un rendement supfrieur aux indices du march6 et de se d6-
marquer ainsi de leurs concurrents dans l’industrie en effectuant une s6lection appro-
pride de titres et non en intervenant dans la direction ou la gestion des entreprises.

L’explication donn e par ces investisseurs pour justifier leur relative passivit6
consiste A d~finir leur mandat par opposition A la fonction attribute normalement A un
dirigeant d’entreprise ou h un propri~taire d’actions qui d6tient des titres A long terme
et qui doit d6montrer une certaine loyaut6 A l’6gard des compagnies dans lesquelles il
investit. Une opposition similaire entre les fonctions ressort 6galement de certaines.
6tudes am&icaines qui tentent d’expliquer le comportement passif des gestionnaires de
portefeuille americains et britanniques dans la rgie d’entreprise!. En faisant appel A la
distinction entre les options et >”, Coffee rdsume comme suit l’attitude
d’un bon nombre d’institutions : <>’. Au fil des ans, devenues prisonni~res en quel-
que sorte de leur structure, de leur histoire et de leur culture, ces institutions ont d6ve-
lopp6 des comp6tences et des habilet~s A l’int~ieur d’un environnement politique et
16gal donn6 et voient difficilement la n6cessit6 de sortir des chemins battus A moins
d’etre assur~es de la rentabilit6 6conomique de leurs efforts .

Par ailleurs, on remarque que la valeur des investissements et les mdthodes de ges-
tion utilises contribuent h modifier le comportement des investisseurs institutionnels
et, par le fait meme, la perception de leur mandat. Au Canada, il n’est pas rare de re-
trouver des investissements significatifs, particuli~rement parmi les investisseurs insti-
tutionnels du secteur public, compte tenu des sommes consid~rables que ceux-ci sont
investir et de la taille relativement limitde du march6 canadien des valeurs
appels
mobili~res ‘ . Plus rcemment, certaines de ces institutions, en collaboration avec
d’autres intenndiaires financiers, ont commenc6 A mettre en commun des sommes
consid~rables pour financer des projets de grande envergure?’.

65 Coffee, Jr., <>, supra note 26 A ]a p. 906. Comme leurs homologues am6ri-
cains, plusieurs investisseurs institutionnels britanniques se peroivent comme suit : . Voir Black et Coffee, Jr., supra note 23 A lap. 2071.

“A.O. Hirschman, Exit, Voice, and Loyalty: Responses to Decline in Firms, Organizations, and
States, Cambridge (Massachusetts), Harvard University Press, 1970 aux pp. 4-5. Au sujet du recours
A ces strategies par les investisseurs institutionnels, voir Patry et Poitevin, supra note 26 aux pp.
408-10.

6′ Coffee, Jr., (A Half-Time Reporto, supra note 26 A lap. 906.
Pour expliquer la difficult6 des institutions A apporter des changements organisationnels majeurs
en vue d’exercer une surveillance accrue des compagnies, des auteurs am6ricains font rf&ence A la
notion de (path dependence>> ; voir Black et Coffee, Jr., supra note 23 aux pp. 2000, 2004 et 2071 ;
M.J. Roe, >
(1992-93) 102 Yale L.i. 1927 aux pp. 1992-93 ; Roe, Strong Managers, Weak Owners, supra note 24
aux pp. 266-67.

69Cet aspect sera examin6 dans la section V, ci-dessous.
“‘ A. Lachance, Le boss de la Caisse : H~riier de Jean Campeau, Jean-Claude Scraire est-il
l’homme de la situation ou l’homme du gouvemement ?>> Revue Commerce (12 d6cembre 1995) 28.
qui drtiennent des
actions
long terme et qui doivent effectuer un travail de supervision h l’6gard des
politiques et des decisions importantes de la compagnie. Le mandat va done au-delM de
la gestion traditionnelle de portefeuille. Voici comment le vice-pr6sident de ]a Caisse
publique C retrace 1’6volution de l’attitude de la Caisse A l’6gard de la r6gie
d’entreprise :

[Before the late 1980’s], there was very little in the way of corporate govern-
ance thought about seriously because we were very much smaller then. I think
we operated more like portfolio managers. If we did not like what was going
on, we would sell it. We did not realize that we could not sell it, either because
it had dropped too low and there wasn’t anybody to sell it to or there was
something else. The thing that brought everybody’s attention was, first, the Ca-
nadian Tire and then Inco. It was those two that galvanized people’s thinking
and said: And then we
started to say: <(Oh God! It's pretty significant. Well isn't anybody doing any- thing about it or saying anything?7 >

Non seulement ces gestionnaires de portefeuille des ligues majeures se considrent-ils
comme des propri6taires, mais 6galement comme des propritaires permanents> qui
demeurent captifs du march6 canadien et qui, cons&juemment, sont appel6s A jouer un
rrle plus actif A l’6gard de la direction. Comme l’exprime le vice-pr6sident de Caisse
publique C:

It means that we are long term investors… [S]ince BCE is the largest capitali-
zation company in Canada and represents, maybe 8% of the TSE, probably 8%
of our equity funds are going to be in BCE. On occasion, we might have 10 or
11, if we fall in love with it, or it might be down to 6 or 7 if we hated it. But we
are never going to be out of it. So we began to realize that we are permanent
investors in BCE […] and we are significant investors, probably the third larg-
est owner of the company […] We simply must pay attention […].

la perception des investisseurs

De m~me,
institutionnels comme propri6taires
d’actions> ressort clairement des propos du vice-prsident aux investissements de la
Caisse publique B, lorsque celui-ci fait 6tat des communications avec la direction des
entreprises concemant les questions stratdgiques :

operations de banques d’affaires. C’est ainsi qu’il a particip6 au consortium financier qui a appuy6 la
fusion des papeti~res Stone Consolidated et Rainy River

ibid. la p. 34.

” Nos italiques.

1997] R. CRLTE ET S. RoussEAu- INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS

885

Consulting regarding corporate strategy? I would say particularly where the
stocks are held in an active fashion […] We do that on a regular basis. We visit
companies to discuss their operations in the companies in which we have ac-
tive holdings. The point is : we don’t consult with them because of the proxy.
We consult with them because we are an owner of that company72.

La difficult, voire l’impossibilit6, de disposer de ce type d’investissements ne peut
qu’engendrer cette loyaut6 et, selon les circonstances, un activisme plus marqu6 de la
part des investisseurs institutionnels. II ne faut pas croire, cependant, que seuls les ges-
tionnaires de portefeuille du secteur public se retrouvent dans une telle situation. M~me
si la tendance g6n6rale des gestionnaires du secteur priv6 semble favoriser les investis-
sements liquides et une attitude relativement passive
l’6gard de la r6gie interne des
entreprises, la taille des investissements et le comportement de ces gestionnaires peut
aussi varier de fagon significative. En faisant 6tat des r6actions possibles de son insti-
tution en cas d’insatisfaction par rapport
la direction d’une entreprise, le secr6taire du
Fonds mutuel A souligne que l’attitude de son institution d6pendra de plusieurs fac-
teurs et que, parmi ceux-ci, 1’existence d’investissements significatifs pourra la forcer
r6agir autrement que par la vente de ses actions.

The answer I give to this could be all of a)> to . It depends on the situa-
tion. [conserver les placements] : would not be typical. If we strongly
disagreed, we wouldn’t just sit there passively and not do anything. We could
sell our holdings if there was liquidity in the market to do it. All I say is a)>> to
d)>> depending on the issuer, its prospects, the size of the holding and liquidity
in the market. Reducing our holdings without doing anything else is less likely
also, but we are probably more likely to reduce our holdings and complain or
retain our holdings and complain. It is a lot harder when you own a big block
of companies to start to unwind positions.

Du c6t6 du secteur public, meme si leurs investissements significatifs et leurs manifes-
tations d’activisme sont souvent donn6s en exemple, les gestionnaires interrog6s re-
connaissent que leurs m6thodes de gestion varient et que leur activisme ne vise en fait
qu’une partie de leur portefeuille d’actions. Les propos du vice-pr6sident aux investis-
sements de la Caisse publique A illustrent bien cette distinction:

k la Caisse publique A, on g~re nos placements en actions de deux fagons. II y
a la fagon exit>, c’est 80% du portefeuille, soit peu pros 10 milliards. exit>,
c’est-4-dire qu’on ach~te et on vend. I1 n’y a aucune loyaut6: > On
ach~te les actions d’une compagnie, et si t un moment donn6 on l’aime plus,
on les vend. Mais malgr6 cela, BCE, on l’ach~te, on la vend, mais BCE c’est
8% de l’indice. Si on n’aime pas BCE, on prend un tr~s, trs gros risque de ne

72Nos italiques.
7 La question A laquelle ce participant dtait appel6 h r6pondre 6tait libellde comme suit : Au cours
des demi~res ann6es, quel comportement votre institution a-t-elle habituellement adopt6 dans les cas
oti elle 6tait en d6saccord avec la direction des compagnies dans lesquelles elle investit ?

a) Disposition des placements
b) Diminution des placements
c) Diminution des placements et interventions en vue d’influencer ]a direction
d) Conservation des placements et interventions en vue d’influencer la direction
e) Conservation des placements

886

MCGILL LAW JOURNAL! REVUE DE DROITDE MCGILL

[Vol. 42

pas 6tre dans BCE. Or, si on n’dtait pas content du management de BCE,
l’approche <> ne serait pas pertinente parce qu’on ne peut pas sortir de
BCE. C’est 600 millions de dollars qui y sont placrs.

Tout en reconnaissant l’implication plus grande des investisseurs institutionnels dans le
cas d’investissements significatifs, un gestionnaire de la Caisse publique B tient h pr6-
ciser qu’ils ne deviennent pas pour autant des <> et que leur role est de sur-
veiller la direction, comme le ferait un mandant
l’6gard de son mandataire : <<[w]hen we own shares, we are an owner of that company, not a partner. We are not a partner with management. Management works for us. And if they are not doing their job pro- perly, then we will hold them [responsible]. And if the board of directors isn't holding to [that] task, then we will. We are not treating that [case] as a partnership with Mr. X [le principal actionnaire et dirigeant d'une compagnie dans laquelle cette caisse detient un investissement significatif]>>. Et il conclut en ces termes : <<[t]his is a public compa- ny [...] and our interests have to be the interests of all the shareholders>>. En tant que
gestionnaire d’une caisse de retraite publique, cette prudence dans le choix des termes
est certes prvisible, car le rfle d’associ6 pourrait 8tre perqu, aux yeux du public,
comme outrepassant le mandat confi6 habituellement A un investisseur institutionnel.

I1 y a lieu de mentionner, par contre, que la fonction de supervision plus 6troite
qu’exercent les institutions dans certaines entreprises s’apparente A plusieurs 6gards h
une fonction de <> ou de <>, m~me si elles n’en re-
goivent pas le titre formellement. Par exemple, les consultations et les n6gociations sur
les questions stratrgiques et sur le choix des principaux dirigeants, auxquelles certaines
institutions sont appel es participer, se rapprochent 6troitement du travail de supervi-
sion confi6 habituellement aux membres des conseils d’administration des grandes en-
treprises. Au-del des normes l6gales qui 6tablissent un partage des pouvoirs entre les
dirigeants et les actionnaires, il est donc difficile d’6tablir concr6tement une ligne de
demarcation claire entre les fonctions exerc6es, car la proprit6 d’actions peut 6gale-
ment impliquer un travail de supervision et de contrrle de la part des actionnaires, En
fait, indrpendemment des titres officiels conf~rns aux principaux acteurs d’une compa-
gnie, on constate que la detention d’un pourcentage relativement important d’actions
risque d’entrainer une confusion de rrles entre les dirigeants et les propri6taires
d’actions. Cette confusion de r les peut Wtre plus ou moins manifeste car, plac~es dans
des situations semblables, certaines institutions semblent craindre de r6v6ler la nature
exacte de leurs relations, comme si la 16gitimit6 de leurs actions pouvait alors 6tre mise
en doute. La question est de savoir maintenant si ces craintes sont justifires, ce qui d6-
passe le cadre de cette 6tude. On peut noter, du moins, que la gestion de portefeuille, au
Canada, a connu des changements profonds au cours des deux derni~res drcennies et
que certaines institutions sont graduellement sorties du cadre traditionnel rattach6 A ce
travail en exergant des fonctions de plus en plus polyvalentes et complexes, mais sans

“, Voir par exemple S. Davison, Stirring pension plan mammoth beginning to spark controversy:
Questions greet new tactics of Ontario Teachers’ Pension Fund> The Toronto Star (13 mars 1995) D6.
Par contre, Ta rfrence A ]a notion d’associ6 n’est pas toujours per~ue de fagon ngative. On peut lire,
A ce sujet, les propos d’un ancien president de ]a Caisse de deptt qui reconnalt express~ment le rOle
de la Caisse comme <> dans plusieurs compagnies. Voir Guy Savard, The Caisse: A Balan-
cing Act>> (1993) 58:1 Business Quarterly 30 aux pp. 31, 35 et 36.

1997] R. CRfTE ET S. RoussEAu – INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS

887

que les mentalit6s aient eu le temps de s’adapter A ces nouvelles rdalitds et d’en appr6-
cier toutes les implications.

B. Poursuite d’objectifs collat6raux de nature 6conomique,

politique et sociale

Tel que mentionn6 pr~c~demment, les investisseurs institutionnels, en raison de
leur mandat de gestionnaires, doivent maximiser le rendement de leurs investissements
et, dans la poursuite de cet objectif, certains facteurs peuvent contribuer plus particuli-
rement t l’6mergence d’un activisme de leur part. Parall~lement h cet objectif
d’optimisation du rendement financier, le mandat confi aux investisseurs peut prdvoir
un second volet qui peut 6galement favoriser leur activisme. Tel est le cas, notamment,
pour les institutions dont la mission comprend des objectifs collatdraux de nature 6co-
nomique, politique et sociale.

le d6veloppement 6conomique

Dans plusieurs 6tats am6ricains, la legislation et les politiques r6gissant les caisses
de retraite du secteur public et les fonds cr66s par les syndicats pr6voient diverses dis-
positions qui visent A promouvoir
local,
l’environnement, le bien-etre public, la protection des droits fondamentaux et
‘6thique7′ . On retrouve ainsi plusieurs exemples aux ttats-Unis oOi les institutions,
dans la poursuite de tels objectifs, ont canalis6 une partie de leurs investissements
dans les entreprises d’une r6gion donn6e pour encourager, notamment, la cr6ation
d’emplois et la construction de maisons unifamiliales ou pour aider des entreprises en
difficult6s financi~res, ou encore ont tout sinplement refus6 d’investir dans certains
pays, comme en Afrique du Sud ou en Irlande. De meme, en tant qu’actionnaires,
certains investisseurs institutionnels. ont soumis ou appuy6 des propositions en ma-
ti~re de responsabilit6 sociale lors des assembl~es g6n&ales d’actionnaires”. Or, la
poursuite de tels objectifs ne manque pas de susciter la critique d’un bon nombre
d’observateurs, surtout lorsqu’elle influence le comportement des investisseurs dans

7 Voir par exemple Romano, supra note 26, particuli6rement aux pp. 808-11 ; J. Melton et M. Kee-

nan, The Socially Responsive Portfolio: Balancing Politics and Profits in Institutional Money Mana-
gement, Chicago, Probus, 1994 ; B. Longstreth et H.D. Rosenbloom, Corporate Social Responsibility
and the Institutional Investor, A Report to the Ford Foundation, New York, Praeger, 1973 ; P.J. Wes-
sel, > (1986) 35 Buff. L. Rev.
323 ; A. Bradley, How Institutions Voted on Social Policy Shareholder Resolutions, Washington,
IRRC, 1994 ; R.G. Vanecko, <> (1992-93) 87 Nw. U. L. Rev. 376 b la p. 412 et s. ; K.E Murrmann, J.D.
Schaffer et R.E. Wokutch, < “. M~me
si la Caisse de d6p6t insiste sur la compatibilit6 de ces deux objectifs, plusieurs obser-
vateurs de’la sc~ne financikre considkrent que le deuxikme volet de la mission est inap-
propri6, en ce qu’il permet d’agir conformrment h des visdes politiques, de fagon a
privilrgier des investissements de nature locale au ddtriment des intdrts des bdndficiai-
res et des actionnaires. I1 va sans dire que les critiques portent ainsi une attention par-
ticulikre A certains choix d’investissement qui se sont avdrds peu judicieux a posteriori,
notanment dans les affaires Steinberg et Provigo”.

Pour le moment, notre objectif n’est pas d’6valuer la mission de la Caisse de ddp6t
et la justesse des propos exprim6s A son sujet, mais plutt de mettre en 6vidence les
616ments de son mandat qui peuvent l’inciter A assumer un rrle plus actif dans certaines
entreprises. D’une part, tout comme les autres investisseurs institutionnels, la Caisse de
d~p6t peut juger opportun d’intervenir dans la direction des compagnies dans le but
d’optimiser le rendement de ses investissements. D’autre part, paralllement 1k cet ob-
jectif d’optimisation, elle peut vouloir intervenir dans le but de promouvoir le develop-
pement 6conomique du Quebec. A titre d’exemple, sa participation au sein d’une qua-
rantaine de conseils d’administration lui permet, non seulement de superviser plus
6troitement la gestion des compagnies dans l’intdret des actionnaires, mais 6galement
de s’assurer que les int~r~ts 6conomiques du Qubec soient pris en compte si n~ces-
saire’ . En cela, la mission de la Caisse et les incitatifs qui en ddcoulent se distinguent
de ceux attribu~s A ses homologues dans le domaine de la gestion de portefeuille, dont
la charge (officiellement du moins) se lirnite 1 un objectif d’optimisation du rendement

78 Romano, supra note 26. Les auteurs O’Barr et Conley rapportent, A ce sujet, les propos de cer-

tains gestionnaires de portefeuille; voir supra note 31 aux pp. 116-22.

79 Caisse de deprt et placement du Qubec, Rapport annuel, 1994 A la p. 4.

M. CWti et L. Courville, > dans C.E. Forget, dir., La Caisse de dipdt et placement du Quibec, Montrial,
Institut C.D. Howe, 1984, 74 ; P. Arbour, Quebec Inc. et la tentation du dirigisme, Montreal,
L’tincelle, 1993 aux pp. 17-81. Pour une analyse des implications conomiques du deuxikme volet
de ]a mission de la Caisse de dep~t, voir J.E. Pesando, An Economic Analysis of Government Invest-
ment Corporations, with Attention to the Caisse de Dipt et Placement du Quebec and the Alberta
Heritage Fund, Ottawa, Economic Council of Canada, mars 1985 aux pp. 3:8-3:10.

” Voir par exemple Arbour, ibid. ; J. Davidson, > Canadian Press (26 juillet 1993)
Steinberg Fails Quebec Inc. Test>> The [Toronto] Financial Post (24 avril 1992) 10.

‘2 Selon les informations recueillies au cours de nos entrevues, la Caisse de dep&t exigerait une pr6-
sence au sein des conseils d’administration des compagnies pubiques (ouvertes) dans lesquelles elle
d~tient au moins 10% des actions.

1997] R. CRTE ET S. RoussEAu- INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS

889

financier. Par ailleurs, on remarque que le rfle interventionniste exerc6 par la Caisse de
d6p6t peut ressembler, certains 6gards, A celui jou6 par d’autres investisseurs institu-
tionnels, en ce qu’il d~passe la simple fonction de <> et de
< pour int~grer une fonction de dirigeant ou de gestionnaire
d’entreprise.

C. Respect de devoirs fondamentaux envers les clients ou les

b6n6ficiaires

Dans le cadre de leur mandat de gestion, les investisseurs institutionnels peuvent
8tre appelks
exercer un droit de regard dans 1’administration des compagnies afin de
respecter certaines obligations minimales de prudence et de diligence qui leur sont im-
pos6es par la loi ou par les documents qui rgissent leurs relations avec leurs clients ou
leurs b6n6ficiaires”. Le mandat qui leur est confid et les obligations sous-jacentes peu-
vent done amener les gestionnaires
exercer certains droits qui d~coulent de la propri&
t6 des actions qui composent leur portefeuille!. Dans le r~le de surveillance
qu’implique la detention d’actions, 1’exercice des droits de vote constitue un des pre-
miers moyens d’intervention qui permettent aux institutions de prot6ger leurs intr&ts
en participant A l’61ection ou i la destitution des administrateurs, de m~me qu’A
‘approbation des changements structurels importants lors des assemblies des action-
naires’. Cependant, meme si ‘exercice des droits de vote apparait comme un devoir
minimal, les gestionnaires ne partagent pas tous n~cessairement les memes preoccupa-

Pour les administrateurs de r6gimes de retraite, voir par exemple Loi sur les rigimes compl~men-
taires de retraite, L.R.Q., c. R-15.1, art. 151 [ci-apres L.R.C.R.] ; au sujet de cette loi, voir Y. Ouel-
lette, > (1991) 25 R.J.T. 147 ; en Ontario, voir Pension Benefits Act, S.O. 1987, c.
35, art. 23 ; pour les devoirs impos6s aux conseillers en valeurs, voir la Loi sur les valeurs mobiliares,
L.R.Q., c. V-1.1 [ci-aprbs L.V.M.], R~glement, art. 234.1. Concemant les obligations d6coulant du
contrat de ]a gestion de portefeuille, voir Beaudoin, supra note 1 aux pp. 85-126. Concernant les de-
voirs g~n6raux impos6s aux administrateurs du bien d’autrui au Quebec, voir Code civil du Quibec,
art. 1309-1318 ; concernant les devoirs fiduciaires des administrateurs de rgimes de retraite dans les
provinces de common law, voir M.L. Dickson, <> (1988-89) 9 Estates & Trusts Journal 39 ; C.R.
McCall, >
(1994) 6:3 Corp. Gov. Rev. 1. De fagon g6n~rale, voir B.Z. Gelfand, Regulation of Financial Institu-
tions, Scarborough, Carswell, 1995.

” Concernant les obligations minimales pr6vues habituellement dans les contrats qui r~gissent les
relations entre les gestionnaires de portefeuille et leurs clients, voir Pozen, supra note 26 aux pp. 143-
44.

85 Loi sur les compagnies, L.R.Q., c. C-38, art. 21, 63, 77, 87, 89, 92, 123.101 et s., 123.77 et
123.126 [ci-apr~s L.C.Q.] ; L.C.S.A., supra note 37, art. 6(3), 103(5), 106(3), 109, 173 et s. et 183.
L’approbation des actionnaires est n6cessaire pour trois types de changements : les changements
d’ordre financier (augmentation ou diminution du capital-actions, cr6ation de nouvelles cat6gories
d’actions ou modification des droits et obligations des actions existantes), les changements affectant
les structures de base de la compagnie et les changements remettant en question 1’existence corpora-
five. R~gle g6n~rale, 1’approbation de ces changements se fait par le vote favorable des deux tiers des
actionnaires r~unis en assembl6e g6ndrale.

890

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL

[Vol. 42

tions A cet 6gard et, cons~quemment; le temps et les ressources alloues h ce type
d’interventions peuvent varier consid6rablement.

Aux ttats-Unis, les gestionnaires de caisses de retraite, qui constituent de loin les
plus importants investisseurs institutionnels, ont modifi6 graduellement leur compor-
tement en tant qu’actionnaires des compagnies en portant de plus en plus d’attention A
l’exercice de leurs droits de vote au cours de la demi~re d~cennie. Les facteurs les plus
significatifs qui expliqueraient ce changement d’attitude ont 6t6 l’adoption, en 1974, de
la loi fd6rale rrgissant les caisses de retraite, sumommie ERISA, de m~me que les ef-
forts drployrs par la suite par l’administration f&t6rale pour sensibiliser les gestionnai-
res A l’existence de leurs devoirs fiduciaires, tel que prvu dans cette l~gislation “. De-
puis 1988, le minist~re du travail, responsable de cette loi, a largement publicis6 des di-
rectives prcisant que les devoirs fiduciaires comportaient une obligation d’exercer les
droits de vote rattach6s aux actions d6tenues par les gestionnaires7 .

Ces efforts de sensibilisation ont, semble-t-il, contribu6 A modifier sensiblement le
comportement des gestionnaires de caisses de retraite h l’6gard de l’exercice des droits
de vote. Les auteurs O’Barr et Conley soulignent, au terme de leurs entrevues aupr~s
d’investisseurs institutionnels, que les gestionnaires de caisse de retraite priv~e respec-
tent fid~lement les directives du minist re f~d&al du travail mentionnes pr~crdem-
ment, tout en notant par ailleurs qu’en comparaison avec leurs homologues du secteur
public, ils semblent manifester peu d’enthousiasme face aux interventions sur la r6gie
d’entreprise’. En fait, pour ces gestionnaires, l’important est de respecter leurs devoirs
fiduciaires prvus par la loi, et donc de prendre les mesures n6cessaires pour exercer
les droits de vote en portant une attention particuli~re aux sujets qui peuvent avoir un
impact direct sur la valeur des actions ‘ . Ces gestionnaires en sont donc venus graduel-

86 Voir Employee Retirement Income Security Act of 1974, 29 U.S.C. 1001 et s. Au sujet de cette
lgislation et des devoirs fiduciaires, voir B.L. Krikorian, Fiduciary Standards in Pension and Trust
Fund Management, Stoneham, Butterworth, 1989 aux pp. 225-32. Au sujet de l’influence de cette
16gislation sur le comportement des gestionnaires des caisses de retraite et des efforts de sensibilisa-
tion du U.S. Department of Labor (DOL), voir W.L. Cary et M.A. Eisenberg, Cases and Materials on
Corporations, 7′ ed., New York, Foundation Press, 1995 aux pp. 246-49; O’Barr et Conley, supra
note 31 aux pp. 181-85 ; Rock, supra note 26 aux pp. 477-78.

8 Cary et Eisenberg, ibid

lap. 247. En 1988, le minist~re du travail a fait parvenir une lettre con-
tenant ces directives au prsident du Comit6 de la caisse de retraite de ]a compagnie Avon. Les au-
teurs font souvent rdfdrence t cette lettre, sumonimme Avon Letter, qui a dt6 largement diffusre. Par la
suite, en 1990, cette prise de position a 6t r6itdaie et pracis~e davantage dans une lettre envoyde 4
Robert A.G. Monks, qui dtait alors prsident d’une importante association d’investisseurs institution-
nels, soit l’Institutional Shareholders Services. Depuis lors, l’administration a publl6 rdgulirement un
bulletin d’interprdtation en vue de formaliser sa position t ce sujet. Voir le plus r6cent bulletin : 29
Code of Federal Regulations Part 2509,94-2 (1995).

88O’Barr et Conley, supra note 31 aux pp. 183, 185 et 194-95.
89Ibid. Voir aussi l’analyse de Black et Coffee Jr. au sujet du comportement des investisseurs insti-
tutionnels britanniques, comparativement A leurs homologues am~icains, supra note 23 aux pp.
2038-40.

1997]

R. CRETE ETS. RoussEAu- INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS

891

lement t considrer 1’exercice des droits de vote comme faisant partie int6grante de
leur mandat de gestion et de leur devoir gdnral de prudence et de diligencer.

Meme s’ils ne sont pas assujettis A I’ERISA, les gestionnaires du secteur public in-
terrog6s par O’Barr et Conley reconnaissent d’embl6e la n6cessit6 d’exercer leurs
ce qui correspond A leur tendance interventionniste plus marqu6e ‘ .
droits de vote –
Non seulement se pr6occupent-ils de respecter cette obligation minimale et implicite de
leur mandat, mais ils prennent 6galement l’initiative de soumettre des propositions
d’actionnaires et de d6velopper des politiques en vue de publiciser leurs prises de posi-
tion sur diff6rents sujets concemant la r~gie d’entreprise, notamment les mesures d6-
fensives, le vote confidentiel, la r~munration des dirigeants, la structure et la compo-
sition des conseils d’administratione.

II semble qu’il y ait 6galement, au Canada, une preoccupation croissante de la part
des investisseurs institutionnels A l’6gard de 1’exercice des droits de vote rattach6s aux
actions des compagnies et ce, meme en l’absence d’exhortations comparables A celles
diffus6es par le minist~re am~ricain du travail en vertu de I’ERISA. A titre indicatif,
l’enquete men6e par Montgomery aupr~s d’une centaine d’institutions montre que
celles-ci consid~rent l’exercice des droits de vote comme le moyen d’action le plus im-
portant pour influencer les entreprises dans lesquelles elles investissent’. Cependant,
mis i part ce d6sir d’influencer la direction des entreprises, il n’existe aucun moyen de
v6rifier dans queue mesure et de quelle fagon les institutions s’acquittent g6n6ralement
de leurs obligations a cet 6gard. Le degr6 d’attention qu’elles accordent A cette tche
peut varier consid6rablement selon la nature des institutions, les m6thodes de gestion,
les investissements en cause et les questions soulev~es.

‘oO’Barr et Conley, ibid. la p. 183.

En vertu de la common law et des lois sp~ciales qui pr6voient leur constitution, les institutions du
secteur public sont apparemment assujetties A des normes semblables A celles pr6vues t I’ERISA. Voir
The Impact of Institutional Investors, supra note 41 4 la p. 28.
92 Ibid. aux pp. 185-88. Pour des exemples de politiques adopt6es par les gestionnaires de caisse de
retraite du secteur public, voir California Public Employees’ Retirement System, Domestic Proxy Vo-
ting Policies, Sacramento, janvier 1995 ; TIAA-CREF, Policy Statement on Corporate Governance,
1993 ; State of Wisconsin Investment Board, Proxy Voting Guidelines ; New York City Employees’
Retirement System, Statement of Procedures and Policies for Voting Proxies, as amended on June 29,
1995 ; Teachers’ Retirement System of the City of New York, Proxy Voting Guidelines, 31 d6cembre
1994. Concemant les interventions des investisseurs institutionnels ax6es sur l’exercice des droits de
vote, voir Black, <(Shareholder Passivity>>, supra note 24 aux pp. 571-72 ; Pound, supra note 45 aux
pp. 1047-1053 et 1057.

Par ordre d’importance d6croissante, les divers moyens d’intervention 6num&6rs par Montgomery
sont les suivants : 1) Voter par procuration ind6pendamment de la direction 2) Agir de fagon collec-
tive avec d’autres actionnaires pour exercer des pressions 3) Consultations avec la direction concer-
nant les r6sultats 4) Consultations avec ]a direction – dialogues h caract~re g~n6ral 5) Consultations
avec la direction concernant la composition du conseil d’administration 6) Mise en place de politiques
concernant l’exercice des droits de votes aux fins de diffusion aupr~s de la direction 7) Questions lors
des assembl&es d’actionnaires 8) Nomination d’administrateurs sp~cifiques au sein du conseil
d’administration 9) Consultations avec
les proc&Iures du conseil
d’administration. Voir Montgomery, <, supra note 31 aux pp. 6-8.

la direction concernant

MCGILL LAW JOURNAL/REVUE DE DROIT DE MCGILL

[Vol. 42

Pour les institutions de taille importante, certains indices permettent de croire que
le respect de ce devoir constitue une preoccupation r6elle. Parmi ces indices, on peut
citer les politiques adopt~es au cours des cinq derni~res ann6es par les plus importants
gestionnaires de portefeuille du secteur public tels la Caisse de d6p6t, Teachers et
OMERS’. Ces derniers ont chacun adopt6 une politique qui d6finit les principes devant
r6gir ‘exercice des droits de vote dans les entreprises en portefeuille, notamment sur
les questions concernant le conseil d’adrninistration, la r6mun&ation de la direction, les
offres publiques d’achat et les droits des actionnaires. Une de ces politiques, celle
adopt6e par Teachers, precise meme de fagon d6taillde le processus de cet exercice A
I’6gard de la gestion interne et externe de son portefeuiller. Dans le cadre de la gestion
interne, les questions d6licates font l’objet d’une attention particuli~re de ]a part des
personnes charg~es d’6valuer l’opportunit6 des actions requises. Des discussions sont
pr6vues avec les principaux dirigeants et, dans les cas les plus controvers6s, le comit6
des investissements du conseil d’administration de la caisse de retraite est avis6 de la
position sugg&rde par le personnel. Dans le cadre de la gestion externe, les gestionnai-
res doivent agir conform6ment aux principes 6tablis dans cette politique et rendre
compte annuellement de leurs actions quant 1’exercice des droits de vote. L’adoption
d’une politique semblable fournit ainsi un cadre de r6fdrence A partir duquel les ges-
tionnaires peuvent 6valuer les questions soumises en tenant compte des particularit6s
de chaque situation. En 1995, par exemple, Teachers expose dans son rapport annuel
qu’elle a exerc6 ses droits de vote A I’6gard des actions d6tenues dans 317 compagnies
publiques canadiennes et qu’elle s’est oppos~e At 111 propositions (35%) soumises en
vue des assembles d’actionnaires, consid6rant que ces dernires allaient t rencontre
des meilleurs int&&ts des actionnaires ‘ .

De m~me, A la luni~re de nos discussions avec les investisseurs institutionnels, on
constate qu’il existe une pr6occupation face A 1’exercice des droits de vote, mais que
celle-ci se manifeste avec une intensit6 variable et selon des approches diverses. Cer-
tains ont adopt6 une politique interne concemant cet aspect de leur mandat de gestion,
alors que d’autres s’inspirent plut6t des politiques ou des recomnandations soumises
par certaines organisations interm6diaires. Nos interlocuteurs font tous une distinction
entre, d’une part, les questions de routine, qui caract6risent la trs grande majorit6 des
propositions soumises, et, d’autre part, les questions controvers6es, h l’6gard desquelles
ils portent une attention particuli~re. ls se pr~occupent notamment des propositions
concemant les mesures d6fensives, la r6mun~ration des dirigeants et les changements
structurels importants. Pour guider leurs actions dans ces cas-I,
ils tiennent compte,
s’il y a lieu, de leur politique interne ou encore des recomnandations sounises par le
courtier Fairvest Securities, qui offre un service de conseil aux investisseurs institu-
tionnels. Certains de ces gestionnaires s’inspirent aussi des politiques adopt6es par
d’autres associations telles PIAC et la Toronto Society of Financial Analysts.

Voir par exemple Caisse de d@pbt et placement du Qu6bec, supra note 52 ; Ontario Municipal
Employees Retirement System, supra note 52 ; Ontario Teachers’ Pension Plan Board, supra note 52.

“Ontario Teachers’ Pension Plan Board, ibid.

Ontario Teachers’ Pension Plan Board, Annual Report 1995 I lap. 20.

1997]

R. CR TE ET S. RoussEAu- INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS

893

Si tous semblent manifester un int6r& plus marqu6 pour les questions controver-
s es, i demeure difficile de connaitre l’ampleur r6elle de la surveillance exerc6e par les
‘6gard des compagnies en portefeuille. I est permis de
investisseurs institutionnels
penser que certains investisseurs proc~dent h une surveillance limit6e de ces compa-
gnies, compte tenu de l’importance relative de leurs investissements dans celles-ci et de
leurs m6thodes de gestion. Certains de nos interlocuteurs font d’ailleurs 6tat de facteurs
de cette nature pour expliquer la diff&ence de comportement entre les investisseurs.
Voici comment le vice-pr6sident responsable des investissements h la Caisse publique
B s’exprime au sujet de 1’attention que portent g6n6ralement les gestionnaires de caisse
de retraite priv6e
l’exercice des droits de vote rattach6s aux actions de leur porte-
feuille:

Would you say that there are many proxy guidelines in Canada ?

I would say there is a huge break, if you look at the large public funds. Some of
them will have guidelines if you drop down into the relatively large, but pri-
vately sponsored pension plans have little or no interest in this subject at all, as
far as I am concerned. When I go to PIAC, there are 127 members of pension
plans that are members of PIAC. And when you try to discuss things like proxy
voting in one of those meetings, the majority of the members’ eyes glaze over
and they have a little nap. The large pension funds debate the things for a
while…The point is : we manage money internally. Most pension funds do not
manage money internally. They parcel it out to outside managers and there is […]
a sort of a distancing of yourself from that responsibility when that happens.

Ce meme dirigeant fait ressortir un autre facteur d’influence, lequel sera examin6 dans
la demi~re section et est reli aux situations de conflits d’int&&ts susceptibles de freiner
l’activisme des gestionnaires de caisse de retraite du secteur privY7 . En dernier lieu,
lorsqu’appel6 A se prononcer sur le comportement des autres gestionnaires de porte-
feuille, tels les conseillers en placement et les fonds mutuels, cet interlocuteur fait de
nouveau r6f~rence t la taille des institutions tout en notant une diff&ence au plan des
obligations l6gales impos6es aux investisseurs institutionnels. II conclut en ces termes :
<.

En r~sum6, dans ‘esprit de cet intervenant, les diffurences de comportement entre
les investisseurs institutionnels s’expliqueraient notamment par l’importance 6conomi-
que des institutions, par 1’existence d’obligations l6gales et par les m6thodes de gestion
diff&entes”8. A son avis, les institutions qui semblent plus pr6occup6es par les ques-

97Voir t ce sujet la section 6.3, ci-dessous.
“Concemant l’opinion exprim~e par ce dirigeant au sujet des obligations l~gales imposoes aux in-
vestisseurs institutionnels, il y a lieu de se demander si les gestionnaires de fonds mutuels ne sont pas
tenus
des devoirs semblables 4 ceux imposes aux administrateurs de caisses de retraite. Voir par
exemple Ontario Securities Act, R.S.O. 1990, c. S. 5, art. 114(1). Au sujet des devoirs fiduciaires ap-
plicables aux conseillers en placement et aux fonds d’investissement aux E5tats-Unis, voir T. Frankel,
The Regulation of Money Managers, vol. 2, Boston, Little, Brown & Co, 1978 A lap. 343 et s. Sur les
obligations minimales g6n6ralement pr6vues dans les relations contractuelles des fonds mutuels, voir
Pozen, supra note 26 aux pp. 143-44. Par ailleurs, meme si l’opinion exprim6e prac&emment 6tait

894

MCGILL LAW JOURNAL/REVUEDEDROITDE MCGILL

[Vol. 42

tions relatives A r’exercice des droits de vote figurent parmi les plus importantes et as-
sument la gestion de leurs actifs A l’interne, tandis que les autres gestionnaires d61-
gueraient la gestion A l’exteme, se distangant ainsi des compagnies dans lesquelles ils
investissentf.

Ces propos trouvent un 6cho aupr~s de certains auteurs, qui consid~rent 6gale-
ment que la d616gation de pouvoirs des gestionnaires externes constitue un des fac-
teurs contribuant A la passivit6 des investisseurs institutionnels A l’6gard des compa-
gnies en portefeuille’ . On pr6tend que les gestionnaires externes, en raison du mandat
de placement qui leur est confi6 et de leur structure de r6mun6ration, voient peu
d’int&&t, d’un point de vue 6conomique, A consacrer des 6nergies importantes h
l’exercice de leurs pouvoirs de surveillance en tant qu’actionnaires des compagnies
faisant partie de leur portefeuille . Confront~s A une vive concurrence au sein de
l’industrie de la gestion de portefeuille, ils consacreraient principalement leur temps et
leurs ressources A 1’analyse des titres aux fins de placement, plut6t qu’A interagir h ti-

inexacte d’un point de vue formel, il est intdressant d’observer dans quelle mesure le degr6
d’int&iorisation des normes 16gales est susceptible d’influencer le comportement des investisseurs.

” Les institutions financires peuvent s’acquitter de leur mandat de plusieurs fagons, entre autres, en
conservant A l’interne la gestion du portefeuille, y incluant l’exercice des droits de vote, ou en dld-
guant cette gestion
des gestionnaires extemes en partie ou en totalit6. Aux fins de 1’exercice des
droits de vote, les gestionnaires extemes peuvent aussi se voir confier une discretion totale ou limit6e,
dans la mesure oti leurs mandants peuvent soit leur demander de voter conform~ment A certaines po-
litiques ou principes pr6-dtablis, soit conserver le pouvoir de leur donner des instructions sp&ifiques
sur les questions controversies. Au sujet de l’administration des caisses de retraite du secteur priv6 et
de la d61lgation des pouvoirs de gestion, voir L.R.C.R., supra note 83, art. 152-155 et 168-170,
Rousseau, supra note 15 aux pp. 317-19. Dans le cas d’un r6gime de retraite garanti,
les contribu-
tions des participants sont vers~es sous forme de primes A une compagnie d’assurance-vie conform6-
ment A un contrat de rentes. Lorsque le r6gime de retraite est garanti, le comit6 de retraite n’a aucun
contr61e sur les placements qui sont effectu6s avec les contributions vers6es par les participants, Dans
le cas d’un r6gime de retraite , le comit6 de retraite est responsable de l’application des
modalit6s du r6gime. A cet effet, il doit notamment dtablir une politique de placement qui d6terminera
comment seront investis les fonds sous sa responsabilit6. Le comit6 de retraite peut d6lguer ses pou-
voirs de gestion du r6gime (art. 152-55). Le cas 6ch~ant, la d~l~gation se fait au moyen d’un contrat
conclu entre le comit6 de reraite et l’administrateur du r6gime qui d crit les droits et obligations de ce
demier. Ce contrat est accompagn6 de la politique de placement du comit6 de retraite que devra res-
pecter l’administrateur du r6gime. Mentionnons que le comit6 de retraite peut r6partir la gestion de ]a
caisse de retraite parmi plusieurs gestionnaires grace A des ententes contractuelles. En outre, rien
n’empche ces gestionnaires de sous-d6l6guer la gestion de ]a caisse A un autre gestionnaire (art. 152).
Lorsque la gestion du regime de retraite est d6l6gu6e, le fiduciaire qui investit l’actif du regime est
g~nralement responsable de l’exercice des droits de vote aff~rents aux actions composant le porte-
feuille du r6gime. Cet exercice pourra toutefois 8tre circonscrit par ]a politique de placement dtablie
par le comitd de retraite. De fagon g6n~rale, concemant le processus relatif A 1’exercice des droits de
vote par les institutions financi~res aux ttats-Unis, voir Krikorian, supra note 86 aux pp. 187-232,

” Coffee, Jr., A Half-Time Report>, supra note 26 aux pp. 861-68 ; Barnard, supra note 42 Ai lap.
1142. Voir aussi le compte rendu des entrevues mendes par O’Barr et Conley, supra note 31 aux pp.
170-71.

‘ La question relative aux incitatifs de nature 6conomique sera examin6e dans ]a prochaine section

portant sur l’analyse coft-b6nfice. Voir la section IV.A ci-dessous.

1997] R. CR-TE ET S. RoussEAu- INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS

895

tre d’actionnaires avec les compagnies'”. Pour les institutions d~lguantes, il y a lieu
de mentionner aussi que la gestion exteme des actifs permet de concentrer leurs
6nergies sur le choix des gestionnaires et des m6thodes de gestion, de meme que sur
la r6parfition des actifs selon les diff~rents types de placement, plut6t que sur le choix
des titres eux-memes”‘. Ce partage des taches, comme le mentionne notre interlocu-
teur de la Caisse publique B, peut ainsi entrainer une forme de distanciation entre les
institutions d616guantes et les compagnies s6lectionn~es aux fins d’investissement,
dans la mesure oia les institutions d61 guent 6galement leurs obligations de sur-
veillance des entreprises dans lesquelles elles d6tiennent des actions.

A la lumi~re des recherches empiriques men6es jusqu’t maintenant, il est difficile
d’6valuer pleinement l’exactitude de ces propos et de ces hypotheses, mais certaines
donn6es empiriques fournissent des indications pertinentes A cet 6gard, notamment
sur la difference de comportement entre les conseillers en placement et les gestionnai-
res de caisse de retraite du secteur priv6, d’une part, et les gestionnaires de caisse de
retraite du-secteur public, d’autre part. Les r6sultats de l’enqu&e effectu6e par Ka-
thryn Montgomery montrent que pros de 45% des gestionnaires des caisse de retraite
du secteur public s’engageraient dans une forme d’activisme en cas de d6saccord avec
les compagnies, tandis que seulement 21% des gestionnaires de caisse de retraite du
secteur priv6 et 31% des conseillers en placement agiraient de fagon similaire”‘. De
m~me, en r6ponse A une question sur l’approche adopt6e r6cemment par les institu-
tions A l’6gard des compagnies dans lesquelles elles investissent, l’enquete r6v~le que
65% des gestionnaires de caisse de retraite du secteur public se consid~rent comme
plus actifs, comparativement
36% pour les conseillers en placement et seulement
18% pour les gestionnaires des caisse de retraite du secteur priv6’>. En tenant compte
de la taille des institutions, les r6ponses aux deux questions pr6c6dentes fournissent
6galement des indications d6montrant un activisme plus marqu6 de la part des institu-
tions qui sont plus importantes 6conomiquement en regard des actifs d6tenus par cel-
les-ci dans des actions canadiennes 6 . Cette enqu~te n’indique pas, par ailleurs, dans

,02 Cet aspect relatif au contexte 6conomique caractffisant cette industrie sera examinMe plus en d6-

tails dans Ia demri&e section de cette 6tude. Voir la section VI.A ci-dessous.

’03 Coffee, Jr., <, supra note 31
‘0’ Montgomery, Shareholder Activism, supra note 41 A lap. 19. 1 y a lieu de noter, cependant, que
certains r~sultats ne sont pas toujours conformes A ces indices. Sur une 6chelle de 1 b 5 allant de la
passivit6 A un activisme 61ev6, les institutions dtaient appel6es A 6valuer leur comportement gfn~ral en
tant qu’actionnaires des compagnies. Les conseillers en placement se sont allous en moyenne la cote
]a plus 6levde correspondant A 2,8, tandis que les gestionnaires des caisses de retraite des secteurs pri-
v6 et public se sont accordds respectivement la cote de 2,2 et de 2,1.

‘0 Les institutions sont class es dans les cat6gories suivantes : 1) les institutions de taille plus petite
sont celles qui poss;dent moins de 500$ millions d’actif investis dans des actions canadiennes, 2) les
institutions de taille moyenne d6tiennent entre 500$ millions et 2 G$ d’actif et 3) les institutions plus
importantes d6tiennent au moins 2 G$ d’actif. Montgomery, Shareholder Activism, supra note 41 aux
pp. 19-20. En r6ponse A la question sur le comportement des institutions en cas de d6saccord avec les
compagnies dans lesquelles elles investissent, 47% des institutions de grande taille s’engageraient
dans une forme d’activisme en cas de d~saccord avec les compagnies, tandis que seulement 25% des

MCGILL LAW JOURNAL! REVUE DE DROITDE McGLL

[Vol. 42

quelle mesure la d616gation de pouvoirs A des gestionnaires extemes peut expliquer ]a
passivit6 relativement plus grande des gestionnaires de caisses de retraite du secteur
priv, comparativement h leurs homologues du secteur public.

Actuellement, an Canada, il semble qu’un nombre important d’administrateurs de
caisse de retraite fassent appel h des gestionnaires externes pour la gestion de leur
portefeuille, tant des secteurs priv6 que public. Une des enqu~tes pr6par~es par
Benefits Canada r~v~le en effet qu’en 1995, le pourcentage des actifs g6r6s t l’externe
chez les 100 plus importantes caisses de retraite canadiennes 6tait de 64,5%”. En
partant des hypotheses soumises pr~c~demment, il y aurait lieu de voir si un nombre
plus important de gestionnaires de caisse de retraite du secteur priv6 d6l guent la ges-
lion de leur portefeuille A l’exteme, comparativement aux gestionnaires du secteur
public. Aux ttats-Unis, du moins, les 6tudes sugg~rent que tel serait le cas ‘.

En conclusion, on constate que le devoir impos6 aux investisseurs institutionnels
d’agir dans le meilleur intr&t de leurs clients implique non seulement une obligation
d’effectuer les placements appropri6s, mais 6galement une obligation de surveillance
i l’6gard des compagnies en portefeuille. Si l’exercice des droits de vote rattach6s aux
actions des compagnies apparait comme un moyen plus ou moins incoutoumable
pour s’acquitter de cette tAche, certains indices permettent de croire que les investis-
seurs institutionnels ne manifestent pas tons la m~me preoccupation A ce sujet et que
les 6nergies qu’ils y consacrent sont d’intensit6 variable.

IV. Une approche pragmatique dans

les relations avec

les

entreprises en portefeuille
De par leur formation, leur expdrience et la culture de leur milieu, les gestionnaires
de portefeuille font preuve d’un esprit pragmatique qui les porte tout naturellement h
6valuer l’opportunitd de leurs actions en fonction des b~n6fices qu’ils peuvent en retirer
et des cofits qui s’y rattachent. Malgr6 les incertitudes in6vitables que comporte ce genre
d’6valuation, un tel processus de rationalisation influence leur comportement de manitre
significative, soit en les dissuadant d’intervenir dans les entreprises dans lesquelles ils
investissent on, au contraire, en les incitant A agir au sein de celles-ci.

A. L’analyse co~tlbdndfice des interventions

Selon la th~orie de l’action collective formulae par Olson, un actionnaire ration-
nel r6alisera une intervention si cette derni~re s’av~re profitable pour lui an terme

institutions de taille moyenne et 20% des institutions de petite taille feraient de meme. Au cours des
deux ann6es pr~c&lant cette enqu~te, 50% des institutions de grande taille auraient adopt6 une appro-
che plus active A l’gard des compagnies, tandis que 28,7% des institutions de petite taille et 30,0%
des institutions de taille moyenne auraient adopts une telle approche.

“7Bak et Dempsey, supra note 8 A lap. 53.
” Romano, supra note 26 A lap. 832.

1997] R. CR-TE El S. RoussEAu- INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS

897

d’une analyse cofit/b~n6fice 9. Pour un actionnaire, le b6n6fice brut qui r6sulte d’une
intervention est compos6 de deux 16ments. Tout d’abord, il comprend une portion du
b~n~fice de nature collective d6coulant de l’am6lioration du rendement de la compa-
gnie, qui se traduira concr~tement par une augmentation du prix ou de la valeur des
actions et des revenus de cette compagnie’ . Ce b6n6fice pourra 6galement r~sulter
des interventions destin6es t empecher la r6alisation des transactions ayant pour effet
de diminuer l’avoir des actionnaires ; mentionnons t ce sujet les interventions dans le
contexte des operations de privatisation ou des transactions effectu6es entre parties
lies”‘. En second lieu, le b6n6fice brut comprend un b6n6fice particulier qui ne pro-
fite qu’A l’actionnaire ayant effectu6 l’intervention ‘
. Ce b6n6fice pourra etre, par
exemple, le fait d’8tre perqu comme un investisseur institutionnel defendant la cause
des petits actionnaires, une telle perception pouvant entrainer une augmentation des
actifs confi6s celui-ci ou accroitre au plan politique la 16gitimit6 d’une institution du
secteur public”3. L’intervention pourra 6galement permettre 1’acquisition d’une exper-
tise t l’6gard de cette compagnie ou de l’industrie dont elle fait partie, ce qui pourra
servir ultdrieurement dans l’achat ou la vente d’actions de cette compagnie ou de
compagnies faisant partie de cette industrie”.

Les cofits associ6s aux interventions sont nombreux et susceptibles de varier en
fonction de la forme d’activisme choisie, que ce soit par le biais de l’exercice des
droits de vote, de la sollicitation de procurations, de consultations et de n6gociations
avec la direction d’une entreprise, ou par les actions en justice”‘. II n’est pas dans no-
tre intention de pr6senter une liste exhaustive des cofits relids A l’activisme des inves-
tisseurs institutionnels, mais simplement de mentionner, h titre indicatif, les cat6gories
de cofits qui peuvent en d6couler. On retrouve, entre autres, les cofits n6cessaires pour
assurer la supervision continue de la direction des entreprises, les cofits associ6s
l’organisation et A la coordination des actionnaires, incluant ceux rsultant des cons6-
quences de nature 16gale, les cofits associds A la mise en oeuvre de l’objet meme de

‘ M. Olson, Jr., The Logic of Collective Action: Public Goods and the Theory of Groups, 2 &.,
Cambridge (Massachusetts), Harvard University Press, 1971 aux pp. 23-24. Olson d~signe cet avan-
tage comme un Rock, supra note 26 aux pp. 460 et 465-66 ; Hardin, supra note 109 aux pp. 35-37.
.Conard, supra note 16 A lap. 147.
“‘ Rock, supra note 26 h lap. 460.
… Pozen, supra note 26 aux pp. 143 et 146-47 ; Rock, ibid. aux pp. 460-61.

898

MCGILL LAW JOURNAL!REVUE DE DROITDE MCGLL

[Vol. 42

l’intervention, les cofits particuliers pour un investisseur (mesures de r6torsion prises
par la direction, image ntgative projetde dans le public, etc.) et enfin, le risque d’un
litige”‘. Cette analyse coOft/bdndfice peut ainsi avoir pour effet de dissuader
l’investisseur
intervention, dans
l’hypothse oii il ddcide d’agir seul, pourra bdndficier du meme coup i ses co-
actionnaires. En tant que >, ces demiers recevront une partie
des bdndfices sans avoir i en assumer les cofots”‘.

institutionnel d’agir, d’autant plus que son

La prise en compte des cofots associds aux interventions apparait comme un fac-
teur influant de fagon drterminante sur le comportement des investisseurs institution-
nels canadiens. Tel qu’indiqu6 pr6cddemment, l’enqu~te men6e par Montgomery
montre que, parmi les treize raisons qui expliqueraient un comportement passif de ]a
part des institutions, les plus importantes sont attribues aux efforts en termes de
temps et de cofots que ndcessitent les interventions”‘. Cette observation rejoint 6gale-
ment plusieurs des commentaires exprimds par les participants A nos entrevues.
Comme
‘explique le vice-prdsident aux investissements de la Caisse publique B,
l’opportunit6 des interventions et les ressources pouvant y 8tre consacrdes sont 6va-
lues en tenant compte des b6ndfices pouvant 8tre retirds et des coots s’y rattachant:

Basically, it’s a resource issue […], we’ve only got so many resources to devote
to an activity of this nature and if we haven’t got them, then we have to pass on
some opportunities […] It comes down – hopefully for us I believe this to be
the case –
it comes down to an issue of return. If we’re going to be spending
some resources on something, we want to get value added for our time and
money […] And the issue is, we don’t try to deal with everything. We are going
to take the ones that have the best potential pay-off. In some cases, maybe we
should be doing something, but we haven’t got people, or the resources, the
time or the knowledge to deal with it.

Les budgets et le personnel disponibles pour interagir avec les compagnies 6tant limi-
tds, il faut donc effectuer des choix sur la base de la rationalit6 6conomique des ac-
tions envisagdes”‘ . L’une des vice-prdsidentes de cette meme caisse de retraite du
secteur public rdsume d’ailleurs de fagon tr~s rdaliste leur position A cet 6gard : <[w]e are not here to save the world, I always say, we are here to make money>>. Cette atti-
tude sdlective, qui restreint l’ampleur de l’activisme des investisseurs institutionnels,
caractdrise 6galement la gestion de la Caisse publique A. Comme le mentionne le
vice-pr6sident aux investissements de cette dernire, 80% de leur portefeuille est gdr6

“‘ Conard, supra note 16 it lap. 146 ; Mann, supra note 109 t lap. 62 ; Rock, ibid. ; Pozen, ibid. A

lap. 144.

… L’expression ,>, supra note 31 t lap. 7.
“9 Au sujet des contraintes de budget et de personnel, voir Black et Coffee, Jr., supra note 23 aux

pp. 2068-69.

1997] R. CRTE ET S. ROUSSEAU – INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS

899

selon l’approche oexit>, tandis que 20% des actifs est g6r6 selon l’approche
voice ‘ .

Dans ce processus d’analyse cofit/bdndfice, les gestionnaires seront plus enclins &
intervenir 1’6gard de leurs placements les plus significatifs, puisque la rentabilit6 de
leurs interventions est proportionnelle
la taille de leurs investissements'”. En
d’autres mots, l’investisseur qui ddtient un pourcentage d’actions important on un
bloc d’actions correspondant L une valeur mondtaire 6levde sera, a priori, plus sus-
ceptible d’adopter une approche interventionniste par rapport A celui qui ne ddtient
qu’un faible nombre d’actions. En effet, le premier retirera des brnrfices plus impor-
tants de ses interventions alors que les cofits demeureront les memes pour ces deux
actionnaires. En outre, il subira des pertes plus considdrables si la compagnie n’est
pas gdr6e de fagon optimale.

Analys~e sous l’angle d’un choix entre les stratdgies d’exit> et de voice>,
l’existence de placements importants dans certaines compagnies peut 6galement fa-
voriser une approche interventionniste de la part des institutions, en raison des cofits
comparativement plus 6levrs que pourrait entrainer la vente des actions’ 2. Dans le ca-
dre de nos entrevues, le tdmoignage donn6 par le conseiller juridique principal du
Fonds mutuelA fait 6tat d’une prdoccupation relativement A la vente d’actions:

It’s a lot harder when you own a big block of companies to start unwind posi-
tions. If you own 15% of a company and they’ve done something to hurt that
value, the last thing you want to do is dump your securities, because you’re just
going to depress the price further. So, what you can hopefully do is buy more
because basically the stock price has gone down and you’re hoping that you
can correct the management situation and spike the securities’ price up again.

Dans le contexte canadien, il faut en outre souligner que la concentration des actions
entre les mains de quelques investisseurs institutionnels peut davantage faciliter
l’dmergence de cet activisme, en r&tuisant les cofits de coordination des interven-
tions”‘

Tout en reconnaissant la pertinence de la rentabilit6 6conomique dans l’6valuation
faite par les investisseurs institutionnels de l’opportunit6 d’intervenir, il ne faut pas
oublier que l’accroissement du rendement des portefeuilles susceptible de rrsulter des
interventions ne pent procurer que des avantages indirects certains types de gestion-

“0 Voir les propos du vice-prdsident de la Caisse publique A.
,2, Voir Black, Agents Watching , supra note 16 aux pp. 821-22 ; Coffee, Jr., A Half-Time Re-

la p. 867 ; Pound, supra note 45 aux pp. 1041-43 ; Patry et Poitevin, supra note
port>, supra note 26
26 A lap. 428. L’auteur John Pound fait la distinction entre le pourcentage d’actions et Ia valeur mar-
chande des actions et souligne qu’un actionnaire, meme s’il ne drtient qu’un pourcentage relative-
ment peu dlev6 des actions, serait nranmoins susceptible d’adopter une attitude interventionniste en
raison de la valeur monrtaire totale de son investissement.

,23Patry et Poitevin, ibid. aux pp. 427-28.
’23Cette question sera 6tudi~e plus en dftails dans la section VI, ci-dessous ; voir infra notes 253-58

et texte les accompagnant.

MCGILL LAW JOURNAL/REVUE DE DROITDE MCGILL

[Vol. 42

naires 4 . En effet, dans l’hypoth~se oii ceux-ci agissent non pas pour leur propre
compte, mais plut6t comme interm&liaires pour le compte de leurs clients,
‘augmentation du rendement des portefeuilles b6n6ficie directement A ces demiers ou
aux b6n6ficiaires du patrimoine gdr6. Notamment pour les conseillers en placement et
les fonds mutuels, les avantages indirects qui pourraient r6sulter de cette augmenta-
tion se traduiront au plan de la r~munration qu’ils regoivent pour s’acquitter de leur
mandat de gestion. Or, la r6mun6ration de ces gestionnaires est g6ndralement 6tablie
non pas en fonction du rendement du portefeuille, mais plut6t selon un pourcentage
de la taille des actifs qu’ils g~rent'”. En consequence, un rendement sup6rieur du
portefeuille r6sultant de ‘activisme de ces gestionnaires n’entrainera une augmenta-
tion de leur r~mun6ration que dans la mesure ofi les gestionnaires r~ussissent t attirer
de nouveaux clients ou A obtenir la gestion d’une part plus importante des actifs de
leurs clients actuels’26 . Autrement dit, une performance relativement meilleure de ces
interm6diaires pourra influer sur leur r~mun6ration future et non actuelle.

A rinstar de quelques observateurs, i faut pr6ciser du reste que ces gestionnaires
doivent assumer les cofts d’intervention A meme leur r6munfration, alors que la ma-
jeure partie des b6n6fices directs revient A leurs clients’7. Or, il semble que cette r6-
mun6ration, m~me si les termes du contrat ne le pr6voient pas de fagon expresse, ne
permet de couvrir g~n6ralement que les d6penses leur permettant de s’acquitter des
obligations minimales relativement A ‘exercice des droits de vote’2>. Au-dela de cette
tiche, il devient plus difficile pour les gestionnaires de consacrer des 6nergies sup-
pl6mentaires, surtout s’ils doutent de la rentabilit6 de leurs actions. Et il faut croire
que cette difficult6 est encore plus grande pour les gestionnaires extemes de fonds in-
dexds, qui doivent minimiser leurs frais de gestion compte tenu des modalit6s de leur

124 Concemant l’incidence de ]a r6mun6ration sur ‘activisme des investisseurs institutionnels, voir
par exemple Pozen, supra note 26 aux pp. 143-44 ; Coffee, Jr., Liquidity versus Control>, supra note
26 aux pp. 1326 et 1362-66 ; A Half-Time Reporto, supra note 26 aux pp. 863-66 et 903-05 ; Black,
>, supra note 16 aux pp. 877-78 ; Patry et Poitevin, supra note 26 aux pp. 422-25
et 430-31.

” D. Cohen, The Fee Fixation: should management fees be tied to performance% Benefits Cana-
da (novembre 1990) 92 ; J.E. Hatch et M.J. Robinson, Investment Management in Canada, 2 dd.,
Scarborough (Ontario), Prentice-Hall, 1989 aux pp. 680-81 ; Patry et Poitevin, supra note 26. Au su-
jet de la rdmun6ration des gestionnaires de portefeuille aux ttats-Unis, voir Frankel, supra note 98
aux pp. 241 et s. ; Pozen, supra note 26.

116 Dans le cas d’une augmentation des actifs confi6s par les clients actuels, il faut noter que ]a r6-
mundration est habituellement 6tablie en fonction d’un pourcentage d6croissant des actifs gdr6s. Voir
Coffee, Jr., , supra note 26 A ]a p. 1326 qui donne, A titre d’exemple, la
structure de rdmuniration suivante :1/3 de 1% pour le premier 500$ millions, 1/4 de 1% pour les
250$ millions suppl6mentaires, etc. Selon lui, une modification du mode de r6mun~ration des ges-
tionnaires pourrait constituer un incitatif qui favoriserait leur activisme : ibid. aux pp. 1362-66 ; voir
aussi Coffee, Jr., A Half-Time Report>>, supra note 26 aux pp. 903-05.

’27 Pozen, supra note 26 aux pp. 143-44 ; Coffee, Jr., , ibid. aux pp. 1326-
27 ; Coffee, Jr., A Half-Time Report>, ibid aux pp. 863-66 ; Patry et Poitevin, supra note 26 aux pp.
430-31.

Pozen, ibid

1997] R. CRETE ET S. ROUSSEAU – INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS

901

r6munration”9 . Comme le rapportent O’Barr et Conley sur la base de leurs entrevues
aupr~s d’investisseurs institutionnels am6ricains : <<[e]xternal money managers rarely propose to do anything out of the ordinary. Their perception is that attention to corpo- rate governance is unrelated to their incomes>> .

Cette observation rejoint certains commentaires exprim6s par les participants A
nos entrevues au sujet de la perception de leur mandat en tant que <>’. Un des dirigeants de la Caisse publique C, apr~s avoir amplement d6-
crit l’approche active de son institution, sugg~re que pour certains gestionnaires, toute
forme d’activisme apparait comme une perte de temps :

Some of the managements are old-fashioned and believe that you shouldn’t
rock the boat. It’s one happy family. Whatever the banks want to do, they still
think like a portfolio manager. <. And so, they think this is a waste of time.

Par ailleurs, ce meme interlocuteur du secteur public mentionne que certains investis-
seurs institutionnels se voient parfois forc6s d’agir. I1 cite en exemple 1’action en jus-
tice intent~e r6cemment contre la compagnie am~ricaine Ford suite A l’offre d’achat
des actions de Ford Canada’ 2. II tient n6anmoins
souligner que les cofits de ce type
d’intervention constituent un facteur dissuasif dans la mesure ofi les investisseurs doi-
vent eux-m~mes en assumer les frais :

A problem with these other firms [lesfonds mutuels et les socijts defiducie] is
that the legal cost comes out of National Trust’s pocket, out of Mackenzie Fi-
nancial’s pocket, out of the partners’. They can’t charge it back. […] They can’t
pass the cost off as we can […] It has to come out of their corporate coffers [ …]
That’s another reason why you don’t find too many mutual funds or trust com-
panies and so forth doing this, unless they have no choice.

En somme, qu’ils soient du secteur priv6 ou public, il ressort des commentaires ex-
prim6s que tous ont cette pr6occupation de mesurer la rentabilit6 de leurs actions en
tenant compte des b6n6fices qui peuvent en r6sulter au profit du patrimoine g6r6 et en
faveur de leur institution, tout en 6valuant les cofits que n6cessitent ces interventions.
Ainsi, la prise en compte de ces facteurs pourra justifier une attitude plus ou moins
active de la part des institutions et, dans l’hypoth~se oa celles-ci d6cident d’intervenir,
leur 6valuation pourra influencer de fagon importante les manifestations de leur acti-
visme. C’est ce que nous verrons maintenant.

‘” Coffee, Jr., Liquidity versus Control>, supra note 26 A la p. 1341 ; Coffee, Jr., , supra note 26 aux pp. 863-64; Rock, supra note 26 a lap. 474.

” 0O’Barr et Conley, supra note 31 a lap. 197.
“‘ Voir la section ElI.A ci-dessus.
… Au sujet de cette action et de l’opposition des actionnaires minoritaires relativement au prix des
actions offertes par Ford en vue de 1’acquisition de toutes les actions de Ford Canada Ltd, voir <> Canadian Press (12 septembre 1995) ; Ford Canada hopes parent will buy it out>> Ca-
nadian Press (21 juillet 1995).

902

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROITDE MCGILL

[Vol. 42

B. Impact de I’analyse co1tlbdn6fice sur les manifestations

d’activisme

Conscients des cofits qu’impliquent les diffdrentes formes d’activisme au sein des
entreprises dans lesquelles ils investissent, les gestionnaires de portefeuille ne sont
portrs A intervenir que s’ils ont la certitude de la profitabilit6 de leurs actions, de ma-
ni~re i obtenir des rsultats tangibles qui se refltent, ii court ou moyen terme, dans ]a
valeur ou le prix des actions de leur portefeuille. ls accorderont ainsi une attention
particulire aux cas affectant le plus directement les droits et les int&rts des actionnai-
res'”. De meme, leur activisme se traduira souvent par des interventions de nature
rdactive et ad hoc, plut6t que proactive et continue. Les propos du conseiller juridique
principal du Fonds mutuel A ddcrivent bien cette attitude :

If it’s a big issue, then we have people who will get involved in it. But overall
[…] time is a factor. Time and resources are a factor, especially when it hasn’t
been proven that regular review of corporate governance practice pays off. It
hasn’t been proven to anybody that it does. It’s too nebulous, because there are
so many different things that are going on. So what you end up doing is on ad
hoc basis, you’re responding to specific situations where you can see clearly
that you can get value out of it.

Une approche semblable ressort 6galement des commentaires du directeur des investis-
sements de la Caisse privie A :

That’s the type of thing that goes through our head, rather than be pro-active,
feeling that we should be involved in governance. That’s really not something
that affects us unless a specific event, like in Canadian 77re, affects us and the
price of our shares. That moves us to do something, but virtually nothing else
will.

Cette attitude ractive se refl~te notanment dans les initiatives qu’ont prises les inves-
tisseurs institutionnels pour empecher les comportements opportunistes. On peut citer
en exemple le cas de transactions entre personnes lires, qui prdsentent des risques
d’abus ou d’iniquit6 i l’gard des actionnaires minoritaires”. Au Canada, la structure
de ‘actionnariat est caractrrise par une concentration significative des actions entre
les mains d’actionnaires majoritaires au sein des compagnies publiques”. Les institu-
tions ont t6 particulirement attentives aux situations de conflits d’intrets qui peuvent
survenir dans ce contexte, en s’appuyant sur une rglementation qui vise justement A
prdvenir les transactions abusives ou in&tuitables ddclench~es par des actionnaires

“‘ Les auteurs Black et Coffee, Jr., notent un comportement semblable de la part des investisseurs
institutionnels britanniques : voir supra note 23 aux pp. 2003 et 2005. Au sujet des inverventions
ponctuelles et des changements A court terme recherchs par les investisseurs institutionnels amdri-
cains, voir Coffee, Jr.,
, supra note 26 A lap. 870.

‘>Voir supra note 43.
, R.J. Daniels et J.G. MacIntosh, <(Toward a Distinctive Corporate Law Regime (1991) 29 Os- goode Hall L.J. 863 A la p. 884 ; D.H. Thain et D.S.R. Leighton, <(Ownership Structure and the Board (1991) 4 Can. Inv. Rev. 61 A ]a p. 62 ; Rousseau, Uinfluence des investisseurs institution- nels>>, supra note 15 aux pp. 309-11.

1997] R. CRt-E ET S. RoussEAu- INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS

903

majoritaires ou d’autres initi~s’36 . Les r6sultats de l’enqu&e de Montgomery r6v~lent
d’ailleurs que les r6pondants consid~rent ce type de situations comme 6tant le facteur le
plus important susceptible d’encourager leur implication dans la direction des entrepri-
ses’37.

C’est ainsi que, par l’exercice de leurs droits de vote ou dans le cadre de negocia-
tions avec les entreprises, les institutions ont manifest6 leur opposition relativement A
des fusions et d’autres formes de restructuration,
des opdrations de privatisation,
comme celles propos es par les compagnies Maple Leaf Foods, Goodyear Tire,
Crown, Seagrams, Hayes-Dana et Canadian Tire 38. En raison des investissements si-
gnificatifs que d6tiennent certains interm~diaires financiers, ceux-ci disposent d’un
pouvoir de n6gociation d6terminant A l’6gard de ce type de transactions, qui n~cessitent
habituellement l’approbation d’une majorit6 sp~ciale d’actionnaires ou le d6p6t d’un
pourcentage 6lev6 d’actions, conf~rant ainsi une sorte de droit de veto aux investisseurs
les plus importants’39 . D~s lors, pour 6viter les confrontations, les entreprises qui envi-

36 Au sujet de la r~glementation visant A prot6ger les actionnaires minoritaires et certains exemples
d’activisme de la part des investisseurs institutionnels, voir Rouseau, ibid. aux pp. 336-44 ; J.G. Ma-
cintosh et L.P. Schwartz, (Les investisseurs institutionnels et les actionnairse dominants contribuent-
ils A faire augmenter la valeur de l’entreprise ?> dans Daniels et Morck, supra note 2, 359. La r6gle-
mentation f&lrale pr6voit, entre autres, le recours pour oppression pr6vu A l’art. 241 L.C.S.A., supra
note 37. La rMglementation provinciale relative aux valeurs mobili~res confere, d’une part, des pou-
voirs d’intervention aux commissions des valeurs mobili~res et impose, d’autre part, des obligations
particuli~res dans le cas de transactions entre parties li~es. Dans le cas d’op6rations de privatisation,
de restructurations ou autres transactions entre parties liOes, les 6metteurs sont tenus de fournir une
‘approbation des transactions par la minorit6. Voir su-
6valuation ind~pendante des titres et d’obtenir
pra note 44.

… Montgomery, , supra note 31 aux pp. 5-7. Voici, par ordre d’importance d~croissante,
les neuf facteurs susceptibles de favoriser l’activisme institutionnel : 1) Abus de pouvoir par la direc-
tion ou par l’actionnaire majoritaire 2) Responsabilit6 fiduciaire envers le client 3) Taille et nature des
investissements 4) Manque de confiance A l’dgard des habilet6s de la direction 5) Insatisfaction con-
cemant le rendement de l’entreprise 6) Difficult6 de disposer des investissements 7) Baisse de la va-
leur des actions 8) Activisme de la part des autres institutions 9) Absence de possiblit~s
d’investissements altematifs.
13 Au sujet des transactions propos6es par Maple Leaf Foods et Goodyear Tire and Rubber, voir
Rousseau, L’influence des investisseurs institutionnels >, supra note 15 aux pp. 342-43. Au sujet des
transactions propos6es par Crown, Seagrams et Canadian Tire, voir Macintosh, Corporate Gover-
nance , supra note 2 A lap. 173. Au sujet des affaires Hayes-Dana et LSI Logic, voir G. McLaughlin,
Canadian stockholders caught in parental vise The [Toronto] Financial Post (22 juillet 1995) 1 ; B.
Critchley, Shareholders grumble as LSI plays hardball in minority buyout bid The [Toronto] Fi-
nancial Post (15 juillet 1995) 35.

” Voir par exemple l’Instruction g6ndrale Q-27, supra note 44, qui pr6voit que les oprations de
privatisation et autres transactions entre parties lies doivent Atre approuvges par la majorit6 des ac-
tionnaires minoritaires de chaque categorie de titres affect6e par ces transactions. Dans le cadre du
m6canisme d’acquisition forc~e des actions, les lois provinciale et f~d&ale sur les compagnies pr6-
voient que, suite t une offre publique d’achat accepte par les d6tenteurs d’au moins 90% des actions
de la categorie vis~e, l’initiateur de l’offre peut exiger que les actionnaires dissidents lui vendent leurs
actions aux conditions de I’OPA. Voir L.C.Q., supra note 85, art. 51 ; L.C.S.A., supra note 37, art.
206. S’ils sont insatisfaits de ces conditions, les actionnaires dissidents des compagnies f&hlrales peu-

904

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL

[Vol. 42

sagent des op6rations de cette nature effectuent g6ndralement des consultations infor-
melles aupr~s des principaux actionnaires de mani~re A s’assurer
l’avance de leur ap-
pui.

Par contre, les affrontements sont parfois in6vitables et certains aboutissent mme
devant les tribunaux ou les commissions des valeurs mobili6res”. Tel fut le cas lorsque
des investisseurs institutionnels ont intent6 des proc6dures judiciaires ou administrati-
yes afin d’obtenir la juste valeur de leurs actions dans les cas de changements structu-
rels importants, notamment dans les affaires Domglas, C.I.L., Xerox et Ford, ou pour
bloquer une offre publique d’achat qui excluait les d6tenteurs d’actions subaltemes,
comme dans l’affaire Canadian Tire”‘. II s’agit toutefois d’initiatives exceptionnelles en
raison des cofots potentiellement 6lev6s de ces interventions, comme en t6moigne le di-
rigeant des Placements B qui fut impliqu6 dans l’action judiciaire prise par des action-
naires dissidents de Domglas :

Sometimes, you have to bum up a lot of money to do what is right and we’ve
done it. I was involved with Domtar when they did a force out for Dominion
Glass […]
I was in court
[…], that was a kind of seminal case on that particular thing. That was a
squeeze-out provision […] We spent an awful lot of money and time on that.
Mind you, we got 67$ for it instead of 20$ ’42.

and they were trying to buy us out at 20$ a share […]

Convaincus des gains r6els qu’ils peuvent retirer de leurs initiatives, il semble que les
investisseurs institutionnels soient prets A consacrer des 6nergies et des ressources
consid6rables pour ce type d’interventions qui s’av~rent parfois longues et cofiteuses.

Meme si les gestionnaires n’interviennent gtndralement que dans les cas critiques,
ils doivent exercer, du moins pour les fins de leurs placements, une surveillance conti-
nue du comportement des entreprises, surtout celles dans lesquelles ils ont des investis-

vent toutefois s’adresser au tribunal, afin que celui-ci fixe ]a juste valeur des titres vis6s. Voir art.
206(9) L.C.S.A.

‘ Koval, supra note 15 aux pp. 45-46 ; Daniels et Waitzer, supra note 5 aux pp. 35-36.
… Domglas Inc. c. Jarislowsky, Fraser & Co., [1980] C.S. 925, 13 B.L.R. 135, conf. par [1982]
C.A. 377, 138 D.L.R. (3′) 521 ; General Accident Assurance Co. of Canada c. Lomex Mining Corp.
Ltd., (1988), 66 O.R. (2′) 783, 40 B.L.R. 299 (Ont. H.C.) ; Xerox Canada Inc. c. Ontario (Municipal
Employees Retirement Board) (1991), 3 B.L.R. (2’) 68 (Ont. Gen. Div.). Laction judiciaire contre Xe-
rox intente par OMERS a 6t6 r6gl6e hors cour en 1994 ; voir OMERS gets Xerox shares >, The
[Toronto] Financial Post (15 fdv. 1994) 19 ; Xerox Canada, OMERS settle dispute> The [Toronto]
Globe and Mail (15 f6v. 1994) B15. Au sujet de laction intent6e contre Ford, voir E. Heinrich, , supra note
44 ; J. Kazanjian etM. McNee, Tensions in Corporate Governance> (1995) 7:2 Corp. Gov. Rev. 1.
,41 Voir Domglas Inc. c. Jarislowsky, Fraser & Co., ibid. Selon les conclusions du jugement, ia
juste valeur des actions a 6t6 fix~e t 36$ et non A 67$ comme l’affi-me l’intervenant.

1997] R. CRL TE ET S. ROUSSEAU- INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS

905

sements importants’. Lorsque le rendement d’une compagnie est insatisfaisant et ce,
de fagon chronique, certains considrent qu’ils sont en mesure d’identifier la source du
problme et qu’ils peuvent faire des suggestions A la direction de l’entreprise pour re-
m~dier it la situation. Si la source du problme se situe an sein de la direction elle-
m~me, il arrive parfois que des institutions exercent leur influence de maniere ‘a provo-
quer les changements n6cessaires. A titre d’exemple, au cours des ann6es 1990, quel-
ques institutions de taille importante ont contribu6 au remplacement de certains mem-
bres de la haute direction de compagnies telles Teleglobe, Greyhound Lines, Dominion
Textile, CAE, M6tro Richelieu, Labatt et Moore'”. De fagon plus retentissante, des
changements semblables ont eu lieu aux ttats-Unis au sein des entreprises General
Motors, IBM, American Express, Eastman Kodack, Sears et Westinghouse’. Cepen-
institutionnels veulent s’aventurer dans ce genre
dant, peu d’investisseurs
d’interventions trs conflictuelles pour des raisons reli6es A leur disponibilit6 et A leur
d6sir de pr6server de bonnes relations avec les entreprises et avec leurs dirigeants, sur-
tout du c6t6 des gestionnaires du secteur priv6.

Parall~lement A ces interventions ponctuelles dans les situations critiques, on ob-
serve une tendance de la part des actionnaires institutionnels it intervenir de fagon con-
tinue sur certains sujets qui les proccupent tout particuli~rement et qui prsentent des
616ments communs applicables h plusieurs compagnies. Les sujets de pr&lilection aux-
quels ils accordent une attention soutenue concernent les relations actionnaires-
compagnies, surtout chez les compagnies qui limitent ou empechent les investisseurs
de disposer de leurs titres, chez celles qui restreignent on 6iminent leurs droits de vote,
de meme que chez celles qui entralnent la dilution de leurs avoirs. Comme le souligne
l’auteur amricain Black dans une de ses 6tudes sur les investisseurs institutionnels, les
actions continues sur des questions frquentes permettent ainsi de r&luire les cofits de
l’activisme, en raison des 6conomies d’6chelle qui en r6sultent'”.

A cela, on peut ajouter que les efforts de syst6matisation, qui se traduisent par le
d6veloppement de certains principes directeurs visant A guider les interventions des
gestionnaires dans des situations semblables, peuvent 6galement contribuer it minimi-
ser le temps et les ressources n6cessaires pour agir’ 5. Aux fins de l’exercice de leurs
droits de vote et des consultations effectu6es aupr~s des entreprises, plusieurs gestion-
naires de portefeuille b6n6ficient d’ailleurs de ce processus de syst6matisation en fai-
sant appel aux services de conseils offerts par le courtier institutionnel Fairvest Securi-
ties qui procide A une 6valuation des entreprises du TSE 300 selon leur conformit6 A
des normes d6velopp~es par PIAC. Ces normes recouvrent quatre champs principaux
de rgie interne, t savoir le conseil d’administration, les droits des actionnaires, la pro-

“5 Voir supra notes 62-65 et texte correspondant.
‘”Le Cours et Tremblay, supra note 22.
‘”Pound, supra note 45 aux pp. 1059-60 ; Blair, supra note I aux pp. 163, 170 et 172 ; Grundfest,

supra note 43 aux pp. 882-900.

” Black, Shareholder Passivity>, supra note 24 aux pp. 580-84. Sur les 6conomies d’6chelle dans
, supra note 16 aux pp. 818 et 834-35 ; Patry et

ce contexte, voir aussi Black, <)’-‘. Black cite en exem-
ple les interventions concernant le vote confidentiel, le choix du lieu d’incorporation,
l’approbation des actionnaires pour certaines d6cisions importantes (comme les >, l’6mission d’un nombre important d’actions), les amende-
ments aux statuts constitutifs, le vote cumulatif et la rmundration des dirigeants, de
meme que la structure et la composition du conseil d’administration”‘.

Du c6t6 canadien, meme si certains de ces sujets ont attir6 l’attention des action-
naires institutionnels sur les mesures d6fensives, le vote confidentiel et la r6mun&ation
des dirigeants, il n’est pas 6vident que ces investisseurs aient privil6gi6 davantage les
questions de structure et de processus. Contrairement A la situation qui pr6vaut chez
nos voisins du sud, oii les questions de nature procddurale semblent pr6occuper les in-
vestisseurs institutionnels, on remarque au Canada que plusieurs de ces questions ont
d6jA 6t6 rgl6es par
l’adoption d’une rglementation qui exige ou favorise
l’approbation pralable des actionnaires pour diffdrents types d’oprations ; parmi cel-
les-ci, les mesures d6fensives dans le contexte des offres publiques d’achat, l’dmission
d’un nombre important d’actions, la creation d’actions subaltemes et les transactions
entre parties lides’.

‘” Fairvest Securities Corporation offre le service : Canadian Corporate Governance Rating Ser-
vice. Pour un rdsum6 de ce service, voir Rating Corporate Governance Practices> (1994) 6:2 Corp.
Gov. Rev. 1.
’41 Wilson, 1995 Proxy Season Review>, supra note 47 ; R.L. Wilson, <1996 Proxy Season Re- view (1996) 8:4 Corp. Gov. Rev. 8 [ci-apr~s 1996 Proxy Season Review>>].

lap. 580.

‘0 Black, Shareholder Passivity , supra note 24
.. Ibid. aux pp. 580-81 ; voir aussi Black, Agents Watching>>, supra note 16 A lap. 836.
… Pour les mesures d~fensives, voir l’Instruction g6nrale canadienne C-38, Mesures de d6fense
contre une offre publique, reproduite dans M. Thfriault, Droit des valeurs mobili~res du Quibec, vol.
1, Montr6al, Wilson & Lafleur A la p. D-122. Cette instruction dispose d’un certain nombre de princi-
pes directeurs qui visent A prot6ger et a maximiser les int6rats des actionnaires. Elle favorise ]a libre
concurrence des offres publiques d’achat, de mnani~re t pernettre aux actionnaires d’obtenir le
meilleur prix dans un tel contexte. A cette fin, cette instruction, bien qu’elle n’exige pas express6ment
l’approbation des actionnaires pour ‘adoption des mesures d6fensives, favorise une telle approche.

1997] R. CRTE ET S. ROUSSEAU-

INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS

907

Ces protections proc6durales 6tant assur~es, les investisseurs institutionnels cana-
diens ont pu exercer leurs pouvoirs de surveillance h l’6gard de telles op6rations en
s’inspirant de certains principes directeurs visant A prot6ger les intrets des actionnai-
res”. Avec la vague des pilules empoisonn~es>> qui a 6merg6 depuis la fin des annes
1980, ils ont surveill6 6troitement le contenu de ces regimes de mani~re A preserver
leur libert6 de disposer de leurs actions au meilleur prix possible. De nos discussions
avec certains gestionnaires, on note 6galement qu’en raison de ce droit de regard con-
f~r6 aux actionnaires, plusieurs entreprises, d6sireuses d’adopter des mesures sembla-
bles, pr6ferent consulter au pr~alable les investisseurs les plus importants et, le cas
6ch6ant, modifier les termes des r6gimes propos6s en tenant compte de leurs deman-
des. Ainsi, au fil des ans, il est intressant de constater que le contenu des r6gimes de
la suite des pressions continues
droits de souscription a 6volu6 de fa~on significative
exerc6es par les institutions et par Fairvest’ .

Outre cette diff6rence qui existe entre les deux pays au plan de la r6glementation et
de son impact sur le comportement des investisseurs, on remarque que les institutions
canadiennes n’ont pas encore accord6 une attention significative h la structure et a la
composition des conseils d’administration, contrairement L leurs homologues am6ri-
cains 5 . Des initiatives, telles la publication, en 1994, du rapport de la Bourse de Toron-
to sur la r6gie d’entreprise et l’adoption de ses recommandations'”, ont sans doute sen-

Concemant cette instruction, voir S.M. Beck et R. Wildeboer, > dans Acquisitions and Take-overs, Meredith Memorial Lectures, Cowansville,
Yvon Blais, 1987, 119 ; V. Loungnarath, dans R. Crte, dir., Les mesures difensives en mati~re d’offres publi-
ques d’achat au Canada, Cowansville, Yvon Blais, 1991, 5. Concemant l’dmission d’un nombre im-
portant d’actions, voir le R6glement de la Bourse de Toronto, art. 19.06 reproduit dans CCH Cana-
dian, Canadian Stock Exchanges Manual, vol. 1, par. 803-921 A la p. 85809. Concemant la creation
d’actions subaltemes et les transactions entre parties lides, voir supra note 44.

. Rousseau, L’influence des investisseurs institutionnels>>, supra note 15 L la p. 336 et s. ; Mayer,

supra note 41 ; Strauss, supra note 42 ; Partridge, supra note 42 ; McCall, supra note 42
Bloomfield, supra note 42; Cleland, supra note 42.

‘” McCall, ibid ; P. Anisman et C.R. McCall, > (1994) 6:5 Corp. Gov. Rev. 1 ; P. Anisman, > (1991)
3:1 Corp. Gov. Rev. 1 ; P. Anisman, > (1990) 2:3 Corp. Gov. Rev. 4.

(1990) 2:2 Corp. Gov.

‘ Black, Shareholder Passivity>>, supra note 24 A lap. 581.
116 Where Were the Directors?, Report of the Toronto Stock Exchange Committee on Corporate Go-
vernance in Canada, supra note 12. En 1993, la Bourse de Toronto a mis sur pied un comit6 sur la
r6gie d’entreprise qui a remis son rapport final A la fin de 1994. UL16ment essentiel du rapport est
d’dnoncer une s6rie de lignes directrices visant am6liorer la r6gie d’entreprise. Toutefois, les lignes
la Bourse de To-
directrices expos6es n’ont pas de force contraignante et les compagnies inscrites
ronto n’ont pas A s’y conformer. Le rapport requiert plut6t que celles-ci divulguent, chaque ann6e,
dans leur rapport annuel ou dans leur circulaire de procurations, leurs propres rfgles de r6gie
d’entreprise, en faisant r6f6rence aux lignes directrices. Le cas 6ch6ant, les compagnies devraient
expliquer les diffdrences entre leurs rfgles et les lignes directrices du rapport. Concemant les directi-
ves adopt&es par la Bourse de Toronto, voir le R~glement de la Bourse de Toronto, art. 19.17 repro-

908

MCGILL LAW JOURNAL/REVUE DE DROITDE MCGILL

[Vol. 42

sibilis6 les entreprises A ces questions. Certains indices mis en 6vidence dans l’enquete
de Montgomery permettent cependant de croire que les institutions manifestent peu
d’intr&t cet 6gard”7. De meme, h la lumi~re des commentaires exprim6s par les inter-
venants dans le cadre de nos entrevues, il appert que l’ensemble des gestionnaires de
portefeuille soit peu int6ress6 h consacrer des 6nergies A des interventions dont les
fruits ne se manifestent qu’A long terme ou dont les b6n6fices demeurent incertains.

Leur scepticisme s’exprime justement h 1’6gard des actions qui visent h ameliorer
les m~canismes de r6gie d’entreprise par une r6forme de la structure et de ]a composi-
tion des conseils d’administration. Les propos du conseillerjuridique du Fonds mutuel
A, rapport~s prc6demment, rendent bien compte de cette tendance'”. Apr~s avoir sou-
lign6 le caracthre
n6buleux>> des b~nfices qui peuvent r6sulter de ce type
d’interventions, ce meme interlocuteur pr6cise davantage la position de son institution
A ce sujet, dans la foul~e du rapport de la Bourse de Toronto qui exige de la part des
compagnies la divulgation de leurs pratiques en mati~re de rgie d’entreprise : <[w]e haven't really focused on the TSE rules, quite franily. We haven't [...] checked on whether companies are complying or if they're not [...] I don't necessarily think there's been a big awareness of it yet>. Par ailleurs, compte tenu de la publication r6cente de
ce rapport, ce conseiller entrevoit la possibilit6 d’une attention accrue, t l’avenir, dans
les cas critiques oi le rendement des compagnies serait nettement insatisfaisant et oi
les m6canismes de r6gie interne s’av&eraient inefficaces pour rem6dier A la situation.

Du c6t6 des gestionnaires du secteur public que nous avons interrog6s, les opinions
divergent quant A la n6cessit6 de surveiller et de proposer des changements concemant
la structure et la composition des conseils d’administration. II y a, par exemple, chez le
vice-pr6sident aux investissements de la Caisse publique A, une remise en question des
principes en mati&e de r6gie d’entreprise que certaines institutions ont adopt~s au
cours des ann es 1990 et qui incluent des normes concernant la structure et la compo-
sition des conseils d’administration. En s’appuyant sur une dtude scientifique r6cente
qui examine le lien entre ces principes et la performance fmanci~re des entreprises du
TSE 300, le gestionnaire de cette caisse publique souligne qu’il n’y a pas n6cessaire-
ment de corr6lation entre la conformit6 h ces normes et le rendement des compagnies
et que son institution s’interroge par cons&tuent sur l’opportunit6 d’intervenir en ]a
mati~re. Au cours d’une discussion sur les perspectives d’avenir de l’activisme des in-
vestisseurs institutionnels au Canada, cet interlocuteur nous a m~me dit anticiper une
mise en veilleuse de ces principes concemant la rgie d’entreprise. II rsume sa pens~e

duit dans CCH Canadian, Can. Sec. L Rep. par. 803-932. Au sujet de ce rapport, voir Rousseau,
L’influence des investisseurs institutionnels>>, supra note 15 aux pp. 373-74.

“‘ Montgomery, Survey>>, supra note 31 A la p. 8. Parmi les dix situations 6numerics dans cette
enquate pour caractdriser, par ordre d’importance, les diffdrentes manifestations de l’activisme des in-
vestisseurs institutionnels, les Consultations avec la direction concemant ]a composition du conseil
d’administration>> sont plac6es au sixi~me rang, alors que les Consultations avec la direction concer-
nant les proc~dures du conseil d’administration>> viennent au dernier rang. Pour ]a liste des 6nonces,
voir supra note 93. Voir aussi le rdsum6 de ces rdsultats dans Montgomery, supra note 13 h lap. 195.

.. Voir texte correspondant A la note 133 et s.

1997]

R. CRtTE E S. RoussEAu- INVESTISSEURS INSTITuTIONNELS

909

comme suit: <>.

Tous ne partagent cependant pas la meme vision A ce sujet, comme en t6moignent
les gestionnaires des deux autres caisses publiques et quelques dirigeants des organisa-
tions interm~diaires que nous avons interrogds. Ceux-ci font part d’une pr6occupation
significative et grandissante de leur institution
‘6gard de la structure et de la com-
position des conseils d’administration. Comme le prdcise la vice-pr6sidente charg6e
des investissements en actions de la Caisse publique B :

We pay a lot of attention to the board and it’s certainly a very important factor.
We have been instrumental in seeing some boards change where we have a
large investment either because they have far too large a board and the man-
agement has also indicated they thought the board was too large or because we
were unhappy with certain members. We made some suggestions. We don’t put
forward specific names but we pay a lot of attention to it in doing our analysis.
We will look at the composition of the board, its independence, and use sort of
the Dey Report as a basis. And on occasion, we vote against the board. It’s not
enough to cause us not to invest in a company because there can be a great op-
portunity. If there’s a poor board, it can be an opportunity to make changes’59 .

Tout en s’inspirant de normes relatives t la structure et A la composition des conseils
d’administration aux fins de leur 6valuation, ces gestionnaires admettent effectuer une
surveillance limit6e des entreprises en se concentrant surtout sur celles dont le rende-
ment est insatisfaisant. Le vice-prdsident responsable des investissements de la Caisse
publique B d6crit ainsi cette attitude :

We analyse companies in terms of their governance. We do look at that but
we’re not going to take activity particularly strong; we’re not going to target a
company that is doing well. We’re likely to target companies that are doing
poorly with poor governance to try and make the changes… It’s just that we
have a limited amount of time to spend on this activity. We want to put it where
we get the most effect.

Dans l’ensemble, t la luni-re des donndes empiriques disponibles et des r6sultats de
nos entrevues, on remarque que le comportement des investisseurs institutionnels ca-
nadiens se caract~rise avant tout par une approche pragmatique qui tient compte A la
fois des b6n6fices et des cofits pouvant r6sulter de leurs interventions. Cette approche
les amine ainsi A intervenir principalement dans les situations oa ils sont assures des
gains nets qu’ils peuvent r6aliser ou des pertes A 6viter, notamment dans les situations
d’abus ou d’iniquit6 ainsi que dans le cas de ddcisions strat6giques ou de changements
structurels importants qui risquent d’affecter la valeur de leurs portefeuilles. En revan-
che, certaines formes d’activisme concemant par exemple la structure et la composition
des conseils d’administration demeurent peu prises car pour plusieurs, la preuve n’a
pas encore 6t6 faite que ces initiatives donnent des rdsultats positifs tangibles. En outre,
meme s’il existe certains principes g6nraux balisant l’6valuation du comportement des
entreprises en ce qui a trait A leur r~gie, ceux-ci ne sont pas pour autant 6rig6s en dog-

‘ Cette interlocutrice fait r6f6rence au Rapport Dey. II s’agit du rapport de ]a Bourse de Toronto

intitul6 Where Were the Directors, supra note 12.

_J

910

McGILL LAW JOURNAL! REVUE DE DROITDE MCGILL

[Vol. 42

mes applicables indistinctement h toutes les compagnies ; les institutions les consid6-
rent plut6t comme des guides dont I’application varie selon les circonstances.

Dans ce tableau trac6 grands traits, les investisseurs institutionnels apparaissent
g6n&alement comme des actionnaires paisibles qui gardent l’oeil ouvert et n’h6sitent
pas A se manifester au moment opportun, en privil6giant surtout les interventions sus-
ceptibles de porter des fruits A court ou it moyen terme. Pour les entreprises, ces insti-
tutions repr6sentent d’importants pourvoyeurs de fonds qu’elles ne peuvent ignorer.
proc6der de fagon
Face
pr6ventive par des consultations informelles aupr~s des principaux investisseurs afin de
s’assurer de leur appui et de pr6server leurs sources de fimancement pour l’avenir.

cette puissance latente, les compagnies sont plus enclines

V. Un regard particulier sur quelques

((61phants dans un

magasin de porcelaine>
Dans l’univers des investisseurs institutionnels canadiens, trois institutions se d6-
marquent en raison de la taille de leur actif, de l’importance de leurs placements dans
les compagnies et de leur activisme A l’6gard de la r6gie d’entreprise. Ces institutions
sont la Caisse de d6p6t et placement du Qu6bec, l’Ontario Teachers’ Pension Plan
Board (Teachers) et l’Ontario Municipal Employees Retirement System (OMERS).

La Caisse de d6p6t et placement du Qu6bec est le plus important gestionnaire de
portefeuille au Canada et sans doute l’investisseur institutionnel le plus puissant”. La
Caisse de d6p6t a 6t6 constitu6e en 1965 A l’initiative du gouvernement Lesaget “.
L’objectif initial justifiant sa cr6ation 6tait de doter le gouvemement d’une institution
qui pourrait recevoir les fonds provenant du R6gime des rentes du Qu6bec et effectuer
le placement de ces fonds dans le but d’en faire croitre la valeur”. L’important r6ser-
voir de capitaux qu’allait repr6senter la Caisse de d6p6t incita 6galement le gouverne-
ment Lesage i la mettre sur pied. En effet, une telle institution allait permettre au gou-
vemement qu6b6cois d’avoir acc~s A des capitaux pour le financement du d6veloppe-
ment 6conomique du Qu6bec et donc d’acqu6rir une certaine ind6pendance vis-t-vis
des march6s financiers'”. La Caisse de d6p6t avait ainsi le potentiel de devenir un ins-

’60 Stoffman, supra note 22 t la p. 46. Contrairement A la croyance populaire, ]a Caisse de d6p~t
n’est pas une caisse de retraite, mais bien un gestionnaire de portefeuilles qui investit les fonds qui
proviennent de caisses de retraite, de r6gimes d’assurances et d’organismes publics qu6bdcois. En ef-
fet, elle n’est pas responsable du fonctionnement et de l’administration d’aucune caisse de retraite.
Caisse de d6p6t et placement du Qu6bec, Rapport d’activitis 1995, Montral, p. 4.

6, Charte de la Caisse de dip6t et placement du Quebec, L.Q. 1965, c. 23. Sur l’histoire de la

Caisse de d6p6t: M. Pelletier, La Machine & milliards, Montreal, Qu~bec/Amdrique, 1989.

’62 ‘id6e d’une institution telle ]a Caisse de d6p6t a germ6 lors des travaux entourant la cr.ation du
R6gime des rentes du Qu6bec qui devait foumir un r6gime universel de retraite aux travailleurs qu6-
b#cois. Voir Pelletier, ibid. aux pp. 15-22.

” IbiL aux pp. 33-38. La Caisse de d6pft petit financer le gouvemement du Qu6bec en achetant les
obligations 6mises par ce demier. En 1995, la valeur des obligations du gouvemement qu6b6cois que
d6tenait la Caisse s’dlevait 9,7 G$. La Caisse n’achte toutefois pas la totalit6 des obligations 6mises
par le gouvemement du Qu6bec ou ses soci6t6s d’6tat. Caisse de de6pt et placement du Qu6bec, Rap-
port d’activits 1995, supra note 161 A lap. 20.

1997] R. CRtTE ET S. RoussEAu- INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS

911

trument financier de premier plan pour le gouvemement. Le premier ministre Lesage
r6suma ces considerations A l’occasion du discours qu’il prononga en seconde lecture
du projet de loi sur la Caisse de d6p6t:

La Caisse de d6p6t et placement est appel6e t devenir l’instrument financier le
plus important et le plus puissant que l’on ait eu au Qu6bec jusqu’ici […] [U]ne
partie consid6rable de l’dpargne des habitants du Qu6bec va 8tre investie par un
organisme gouvememental. Dans ces conditions, celui-ci doit etre orient6 de
fagon A servir le plus efficacement possible les int6r~ts de ceux qui seront appe-
ls A y investir et A y d6poser une fraction de leurs revenus ” .

sous

forme d’actions, d’obligations,

L’actif de la Caisse de d6p6t n’a cess6 de croltre depuis sa cr6ation, aliment6 notam-
ment par l’arriv~e de nouveaux d6posants'”, passant de 179 M$ A ses d6buts en 1966 A
plus de 51 G$ en 199566. Apr~s avoir limit6 ses investissements ?i des placements obli-
gataires durant sa premi~re ann6e d’op6ration, la Caisse a progressivement diversifi la
composition de son portefeuille pour en venir h d~tenir des investissements dans les
principales cat6gories de placements. Son portefeuille est actuellement compos6 de
placements
hypoth~caires,
d’investissements immobiliers et de valeurs court terme. Ses placements les plus im-
portants sont effectu6s en obligations et en actions de compagnies. En 1995, pr~s de la
moiti6 de son actif 6tait consacr6e aux placements obligataires, pour une valeur
d’environ 22,7 G$, et pr~s de 40% 6tait investi dans des actions de compagnies, pour
une valeur d’environ 16 G$’67. Avec environ 27,4% de ses 51 G$ d’actif investis sous
forme d’actions canadiennes, la Caisse constitue un investisseur dominant sur le mar-
ch6 des valeurs mobili~res canadien'”. Son portefeuille d’actions canadiennes, d’une
valeur de 14 G$, repr6sente pr~s de 3,3% de la capitalisation boursi~re des compagnies
canadiennes qui s’616ve A environ 430 G$'”.

de

titres

La Caisse de d6p6t n’est pas le seul investisseur institutionnel de cette envergure
au sein du march6 boursier canadien. Teachers et OMERS, qui constituent les deux
plus grandes caisses de retraite au Canada, sont 6galement des participants de premier

,’ Cit6 dans Pelletier, ibid A la p. 292. Guy Savard, ancien pr6sident et directeur g6n6ral de la
Caisse de d6pot, pr&ise ce volet du r6le de la Caisse : Our contribution to the development of the
Quebec economy is designed to have long-lasting positive economic effects for Quebec in terms of
employment, investments and enhancement of the quality of life enjoyed by our fellow Quebecers. In
so doing, we strive, through the use of our long-term patient capital, to eliminate market inefficiencies
whenever possible and to fulfill the roles that few financial institutions can assume>. Savard, supra
note 74 A la p. 33. Voir aussi S. Brooks, Who s in Charge – The Mixed Ownership Corporation in
Canada, Halifax, L’Institut de recherches politiques, 1987 aux pp. 84-93.

‘ Outre les fonds du Rdgime des rentes du Qu6bec, la Caisse g&re d6sormais des fonds provenant

d’organismes gouvemementaux, de soci6t s d’ttat, et d’associations professionnelles.

” Caisse de d6p6t et placement du Qu6bec, Rapport d’activitis 1995, supra note 161 A lap. 3. Le
second plus important gestionnaire de portefeuille au Canada, Les Placements T.A.L. Lt e, g~re un
actif d’environ 23,3 G$, soit moins de la moiti6 de l’actif g6r6 par la Caisse. Bak et Dempsey, supra
note 8 t lap. 59.

167 Caisse de d6p6t et placement du Qu6bec, Rapport d’activitis 1995, supra note 161 aux pp. 3 et

13.

‘6sIbid. Alap. 13.
‘6 Euromoney, supra note 2 i la p. 73.

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROITDE MCGILL

[Vol. 42

. Teachers est la caisse de retraite de l’ensemble des en-
plan dans ou sur ce march’
seignants de niveaux primaire et secondaire de l’Ontario”‘. Ce n’est qu’en 1990 qu’elle
a fait son entr6e sur le march6 des valeurs mobilibres. Auparavant, la caisse de retraite
ne pouvait investir que dans des obligations du gouvemement de l’Ontario, ce qui
‘avait men.e A accumuler un d6ficit actuariel de 3,7 G$ en 1991′”. Depuis ‘abolition
de cette restriction, Teachers est devenue progressivement un des principaux investis-
seurs institutionnels canadiens. En 1995, elle ddtenait un actif d’environ 42 G$ qui re-
pr6sentait plus de 13% de r’actif total des 100 plus importantes caisses de retraite ca-
nadiennes’ 3.

Teachers poss~de d6sormais un portefeuille de placements diversifi1 comptant des
titres obligataires, des titres immobiliers et des actions de compagnies. La caisse de re-
traite favorise en premier lieu les placements en actions et en second lieu, les place-
ments en obligations’7″. Ces demiers, d’une valeur de 13,6 G$ forment actuellement
35% de l’actif de la caisse de retraite alors que les actions en repr6sentent 62%, pour
une valeur de 24,5 G$’7 . Avec 31% de son actif investi dans les titres de compagnies
canadiennes, Teachers ddtient une part apprdciable du march6 des valeurs mobilibres
canadien ; son portefeuille de 12,2 G$ repr6sente pros de 2,8% de la capitalisation
boursi~re des entreprises canadiennes.

De taille plus modeste que la Caisse de d6pt et la caisse de retraite Teachers,
OMERS est la caisse de retraite des employds des collectivit6s locales de l’Ontario”‘.
L’objectif principal de la caisse de retraite est d’assurer la croissance de ‘actif g6r6 de

.7 En rdalit6, les plus importantes caisses de retraite sont, dans

‘ordre, Teachers, le Regime de re-
traite des employds du gouvemement et des organismes publics du Qubec (RREGOP), et OMERS.
Les fonds du RREGOP sont toutefois g& s entirement par la Caisse de d6p6t, ce qui diminue
l’importance de cette caisse de retraite dans le cadre de notre dtude. Ces trois institutions dominent
largement les autres caisses de retraite. Leur plus proche rivale, en terme d’actif, est la caisse de re-
traite des employ~s des centres hospitaliers de l’Ontario, dont l’actif est inf6rieur de 15 G$ a ‘actif de
OMERS. Voir Bak et Dempsey, supra note 8 A lap. 44.

,” Teachers’Pension Act, R.S.O. 1990, c. T.1 ; Ontario Teachers’ Pension Plan Board, Annual Re-

port 1995, North York, 1996.

d’environ 500 MS.

,’2Ontario Teachers’ Pension Plan Board, ibid. A la p. 23. Le deficit actuariel pour l’ann6e 1995 est

.Ibid a lap. 7 ; Bak et Dempsey, supra note 8 a lap. 44.
‘ Ontario Teachers’ Pension Plan Board, OTPPB’s Statement ofInvestment Policies and Goals, To-
ronto, 1995, section B.1 ; Ontario Teachers’ Pension Plan Board, supra note 171 a lap. 12. L’objectif
de la caisse de retraite est d’avoir 66% de son actif consacr6 aux placements en actions et 34% de son
actif consacr6 aux placements t revenu fixe tels les obligations et d6bentures.

‘ Ontario Teachers’ Pension Plan Board, supra note 171 A la p. 1.
176 Ontario Municipal Employees Retirement System Act, R.S.O. 1990, c. 0-29. OMERS regroupe
plus de 1000 employeurs faisant partie des collectivits locales ontariennes pour un total de plus de
200 000 bn6ficiaires. Voir OMERS, 1995 Annual Report, Toronto, 1996, p. 5 ; Ontario, Task Force
on the Investment of Public Sector Pension Funds, In whose interest?, Toronto, Queen’s Printer, 1987
aux pp. 187-215.

1997] R. CRTE ET S. ROUSSEAU – INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS

913

mani~re A pouvoir financer ad~quatement la retraite des b6n6ficiaires’,. OMERS, tout
comme Teachers, ne se reconnait pas de mission concurrente, contrairement A la Caisse
de d6p6t:

Social or political imperatives cannot be accomodated where the one and only
uniting common factor to all our members and employers is the rate of return
I[…]I

It is not appropriate to use the OMERS Fund, which is held in trust for
OMERS plan participants, to accomplish broader social objectives. However
laudable it may seem to assist specific industry sectors, promote domestic eco-
nomic development, create local jobs, or encourage a safe and healthy envi-
ronment, our fiduciary responsability prevents us from pursuing any invest-
ment opportunities that do not primarily benefit our participants’78.

A l’instar de Teachers, OMERS ne pouvait investir son actif que dans les obligations
du gouvernement de l’Ontario pendant les premires ann6es de son existence. En 1975,
cette restriction fut toutefois lev6e, ce qui permit A la caisse de retraite d’entrer sur le
march6 des valeurs mobilires et d’en devenir un des principaux participants. En 1995,
OMERS poss&lait un actif d’environ 24 G$, ce qui repr6sente pros de 8% des 304 G$
formant l’actif des 100 plus importantes caisses de retraite canadiennes'”.

Tout comme la Caisse de d6p6t et Teachers, OMERS d6tient un portefeuille de
placements diversifi6 qui privil6gie les investissements dans les actions et les obliga-
tions. La caisse de retraite consacre environ 19% de son actif a des investissements en
titres obligataires pour une valeur de 4,8 G$, et environ 57% en actions de compagnies
pour une valeur de 13,7 G$'”. Les placements effectu6s dans des compagnies publi-
ques canadiennes s’616vent & pros de 10 G$, soit 36,6% du portefeuille, ce qui repr6-
sente environ 2,3% de la capitalisation boursi~re canadienne.

Dans le cadre de leurs activit6s de placement, ces institutions participent au finan-
cement de jeunes entreprises ainsi qu’au financement de fusions, d’acquisitions et
d’autres restructurations corporatives, jouant par lh un r6le qui s’apparente & celui des
banques d’affaires (merchant banks) et d6passe celui de simple investisseur’8″. La
Caisse de d6p6t est sans doute la pionni~re dans ce domaine, ses premi~res activit6s de
banque d’affaires remontant & la fin des ann6es 1960. En fait, tout au long des deux
demi~res d6cennies, ce volet des activit6s de la Caisse a 6t6 intimement liM A la r6alisa-

‘n Les cotisations des employeurs et des employ6s ne contribuent qu’ 45% du financement du r6-
gime de retraite. Le reste des fonds doit 6tre g~n6r6 par le rendement de cet actif. OMERS, OMERS
Investment Practices, Toronto, 1995 A la p. 2.

7 IbidL aux pp. 3, 10 et 11.
‘ Bak et Dempsey, supra note 8 A lap. 44 ; OMERS, 1995 Annual Report, supra note 176 A la p. 4
Ontario, Task Force on the Investment of Public Sector Pension Funds, supra note 176 A lap. 190.
‘ OMERS, 1995 Annual Report, ibid. aux pp. 11-14.
… La notion de banques d’affaires, dont l’origine anglo-saxonne remonte au XlX”” sicle, d6signe
de nos jours les institutions financires qui oeuvrent dans le vaste domaine du financement en four-
nissant A la fois des capitaux et de l’expertise en cette mati~re. D.W. Pearce, dir., The MIT Dictionary
of Modern Economics, 3’ &l., Cambridge, M.I.T. Press, 1986 ; G.E Boreham, <> (1990) 97:5 Canadian Banker 6. Voir aussi L barrola et N. Pasquarelli, Nou-
veau dictionnaire 6conomique etsocial, Paris, Editions sociales, 1981.

MCGILL LAW JOURNAL! REVUE DE DROIT DE MCGILL

[Vol. 42

tion de sa mission qui consiste promouvoir le drveloppement 6conomique du Qu6-
bec’

.
Ainsi, depuis sa crdation, la Caisse s’associe t des entreprises en effectuant des in-
vestissements privrs ou publics et en 6tablissant avec celles-ci des relations privildgides
A long terme, dans le but de participer h leur croissance et d’obtenir un rendement fi-
nancier concurrentiel'”. Ainsi, elle a contribu6 activement A la naissance et h toutes les
6tapes du d6veloppement de Provigo en finangant et en facilitant les fusions et les ac-
quisitions de cette entreprise'”. La Caisse de ddprt a 6galement jou6 un rrle pr6pond6-
rant dans le ddveloppement de Viddotron, entreprise qubdcoise de cablodistribution,
en appuyant sa prise de contrOle de Cablevision Nationale, dont elle 6tait un action-
naire important'”. De m~me, le financement de la Caisse a 6t6 un facteur ddterminant
dans 1’expansion de compagnies telles Artopex, Canam Manac et Telesystem Natio-
nal,86.

En 1995, le portefeuille des participations de la Caisse comportait plus de 200 pla-
cements et sa valeur atteignait 2,8 G$, soit 5,5% de l’ensemble de ses placements. Pour
mieux g&er cette activit6, la Caisse a mis sur pied cinq filiales destin6es A realiser des
placements dans des crdneaux spdcifiques du march’. Ces filiales sont Capital CDPQ
(petites entreprises), Capital d’Amdrique CDPQ (moyennes entreprises), Capital
tlcommunications), Sofinov
Communications CDPQ
(technologies de pointe), et Capital International CDPQ (marchds 6trangers). Parmi les
placements rcents effectuds par ce groupe, mentionnons la participation de Sofinov au

(communications

et

” Le gouvemement du Parti Qurb~cois a consid~r6 l’opportunit6 de crder une vritable banque
d’affaires A la fin des annes 1970. Cette demire aurait utilis6 les fonds de la Caisse de deprt pour ef-
fectuer des placements plus dynamiques. Le gouvemement n’a pas donn6 suite A ce projet. Cepen-
dant, les membres du conseil d’administration de ]a Caisse de drp6t ont par la suite favoris6 un plus
grand interventionnisme de la Caisse du crt6 du d~veloppement 6conomique, comme l’illustre cette
remarque de Marcel Cazavan, president de la Caisse A cette 6poque: <<[t]out en reconnaissant le bien- fond6 des objectifs poursuivis jusqu'ici, le conseil consid~re que la Caisse de deprt doit maintenant orienter davantage ses ressources vers le ddveloppement 6conomique du Qudbec : Caisse de drp6t et placement du Qubec, Rapport annuel 1978 cit6 dans Pelletier, supra note 161 A lap. 150. ,' Caisse de drp6t et placement du Qubec, Rapport d'activitis 1995, supra note 161 aux pp. 28- 32. Ces investissements sont effectus sous forme d'actions, de debentures et de titres d'emprunt. '" D~s 1967, la Caisse drtenait des actions de Couvrette et Provost Lte qui allait servir de base ,A ia cration de Provigo. A la fin des annes 1980, Ia Caisse exerga une influence importante sur la direc- tion de Provigo en favorisant ]a nomination de Pierre Lortie et de Bertin Nadeau au conseil d'administration. Elle permit 6galement A Unigesco, appartenant A Bertin Nadeau, de devenir 'actionnaire principal de Provigo en lui cdant une partie de ses actions. Ceci assurait le contr~le qubdcois de Provigo, qui demeuraitjusqu'alors incertain dtant donn6 ]a participation que d~tenaient les Sobeys dans 1'entreprise. Nadeau, qui devint le prsident du conseil d'administration et chef de di- rection de Provigo, fut plus tard 6vinc6 de ces postes par ]a Caisse elle-meme en raison des pi~tres r6- sultats financiers de I'entreprise. Voir Pelletier, supra note 161 aux pp. 131, 146-148 et 231-244. "' ]bid aux pp. 93-96 et 214-216. La Caisse avait acquis le contrrle de Cablevision Nationale en 1971 avec la Banque Laurentienne, La Sauvegarde et Assurance-vie Desjardins. Ibid aux pp. 216-22. ' Caisse de drpbt et placement du Qubec, Rapport d'activitis, supra note 161 aux pp. 28-31. Ces participations sont 6galement effectuds par le biais de soci~t~s de capital de risque. 1997] R. CR-TE ET S. ROUSSEAU- INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS 915 premier appel public A 1'6pargne d'Axcan Pharma et la cr6ation de Seragen Bio- pharmaceutique, ainsi que l'investissement de Capital Communications CDPQ dans Labatt Communications Inc. (LCI)'" . La Caisse a 6galement exerc6 le r6le de banque d'affaires pour permettre h des in- t&rSts qu6b6cois d'acqu&ir ou de conserver le contr6le de grandes entreprises ayant une position strat6gique au sein de l'6conomie qu6b6coise'". Dans cette perspective, la Caisse a acquis le contr6le de Gaz M6tropolitain et de Domtar'", au d6but des ann6es 1980, de concert avec des soci6t6s d'ttat qu6b6coises, et s'est associ6e avec Brascan,. la famille Bronfman, pour prendre le contr6le de No- soci6t6 de holding appartenant randa"'. Plus tard, en 1989, le risque que Steinberg 6chappe au contr6le d'int&&ts qu6- b6cois en 6tant vendu Oxdon Investments a incit6 la Caisse s'associer avec Socanav pour former la Corporation d'acquisition Socanav-Caisse (CAS) et lancer une offre publique d'achat (OPA) de 1,3 G$ sur Steinberg, dont la Caisse fournit plus de 90% du financement' . Si CAS r6ussit A prendre le contr6le de Steinberg, la transaction, qui constitue h ce jour la plus audacieuse de la Caisse, n'eut malheureusement pas les r6- sultats escompt6s'3. L'empire Steinberg dut 8tre d6mantel6 quelques ann6es apr~s la prise de contr6le en raison de 1'endettement excessif de Socanav et de l'inexp6rience de son pr6sident Michel Gaucher dans le secteur de l'alimentation"'. Toutefois, la Caisse de d6p6t conserve les actifs immobiliers de Steinberg, d'une valeur d'environ 1 G$, qu'elle s'6tait appropri6e en 6change de son financement de I'OPA de CAS'9". ,e Ibid aux pp. 29-30. '89Ces activit~s ont fait 'objet de vives critiques de la part de ceux qui s'opposent aux interventions de l'.tat dans l'dconomie, de m~me que de ]a part de ceux qui percevaient la Caisse comme un ins- trument d'intervention dconomique contr616 par le gouvemement du Parti Qu6bdcois. Voir par exemple Arbour, supra note 80 ; K Anderson, Take the Politics Out of Quebec's Pension , The [Toronto] Financial Post (31 mai 1996) 11. La menace que Power Corporation et la Caisse de d6- pt acqui~rent une participation majoritaire dans Canadien Pacifique servit de pr6texte au gouveme- ment f&16ral pour presenter le projet de loi S-31, la Loi sur la limitation de la proprijtj des actions des socidtds, dont l'objet 6tait d'interdire aux gouvemements provinciaux et i leurs organismes et so- cidt~s d'ttat de d&enir plus de 10% d'une compagnie de transport canadienne ou pancandienne. Ce projet de loi ne vit jamais le jour mais sa presentation eut, dans une certaine mesure, pour effet de faire avorter cette prise de contr6le. Sur cette affaire, voir Pelletier, supra note 161 aux pp. 193-221; Pesando, supra note 80. '" S. Brooks, supra note 164 aux pp. 61-63 ; Pelletier, ibid aux pp. 177-86. Voir aussi In the Matter of the Caisse de ddpbt et placement du Quebec, (1982) 4:16 O.S.C.B. 429C. ... Pelletier, ibidi aux pp. 186-89. 92 Pelletier, ibid aux pp. 275-80 ; K. Dougherty, Caisse forges bold new role The [Toronto] Fi- nancial Post (28 aofit 1989) 1 ; Steinberg Financing , The [Toronto] Financial Post (16 mars 1990) 22 ; K. Dougherty, Caisse a Canadian powerhouse - largest money manager The [Toronto] Fi- nancial Post (23-25 janvier 1993) 21. 193 Steinberg Fails Quebec Inc. Test , supra note 81. Voir aussi Arbour, supra note 80 aux pp. 43- 49. "' K Dougherty, Steinberg saga ends in failed buyout - Grocer's The [Toronto] Financial Post (26 d6ecembre 1992) 15. " Caisse de d6p6t et placement du Qu6bec, Rapport d'activit~s 1995, supra note 160 A la p. 33. Sur 1'entente entre Socanav et la Caisse pour le financement de 'OPA de CAS, voir Investissements 916 MCGILL LAW JOURNAL!REVUE DE DROITDE MCGILL [Vol. 42 Teachers utilise 6galement une parlie de l'actif de son portefeuille d'actions pour r6aliser des activit6s de banque d'affaires. Ce volet des op6rations de Teachers est en plein d6veloppement, alors que la caisse de retraite recherche de nouvelles occasions d'investissement au sein du march6 canadien pour son actif croissant. Jusqu'at pr6sent, Teachers a investi plus de 600 M$ dans de telles op6rations, mais ce montant pourrait bien doubler prochainement puisque son conseil d'administration a d6cid6 de consa- crer 3% de l'actif total de la caisse de retraite de telles activit6s'". M~me si Teachers ne possde pas la mission sp6cifique de contribuer au d6veloppement 6conomique provincial ou national, ses op6rations de banque d'affaires poursuivent un tel objectif, comme l'indiquait son rapport annuel de 1994: <<[t]he [ ...] merchant banking portfolio is one of Canada's largest active pools in assisting companies to fulfill their potential in terms of financial stability, product development, competitive market share, and job creation>>” ‘ .

Tout en reconnaissant l’importance du rfle jou6 par Teachers dans le financement
de petites et moyennes entreprises, il faut remarquer que ce sont toutefois ses activit6s
de banque d’affaires dans le secteur du fmancement des acquisitions et des restructura-
tions qui ont requis les investissements les plus substantiels et suscit6 le plus d’intr&”
‘.
Parmi les transactions d’envergure auxquelles Teachers a particip6, mentionnons la
tentative de prise de contr~le de Labatt par Onex Corp. oii Teachers, qui d6tenait 6%
des titres de Labatt, fournit 100 M$ pour financer l’offre de 2,3 G$ de Onex’ 7. L’offre
de cette derni~re fut battue par celle d’Interbrew SA, mais l’existence d’offres concur-
rentes pour les titres de Labatt fit monter les ench~res, ce qui permit Teachers de r6a-
liser un profit d’environ 40 M$ sur son investissement dans cette compagnie2′.
Teachers a 6galement appuy6 l’acquisition de Maple Leaf Foods par Wallace McCain
en investissant 150 M$ dans cette transaction d’un milliard de dollars, ce qui fait d6-
sormais de la caisse de retraite un actionnaire important de Maple Leaf Foods” ‘. Enfin,

t

Oxdon Inc. c. Corp. d’acquisition Socanav-Caisse Inc., [1989] R.J.Q. 2387 (C.S.). Les actifs immo-
billers de Steinberg ont 6t6 touches assez s6vrement par ]a rdcession du debut des annes 1990 et Ia
chute du march6 de l’immobilier qui l’a accompagn e. K. Lhger, <(New King of the Caisseo The [Toronto] Financial Post (29-31 juillet 1995) 12. " Ontario Teachers' Pension Plan Board, supra note 171 A la p. 20. "7 Ontario Teachers' Pension Plan Board, Annual Report 1994, North York, 1995. Dans son rapport annuel de 1995, Teachers ne fait plus mention de cet objectif. '" A. Bell, > The [Toronto] Globe and Mail (15

mars 1995) B2 ; S. Davison, < Reuter News Service –
Canada (13 mars, 1995) ; The new power of pension funds>> (1995) 7:7 M & A 19 ; J. McNish,
> The [Toronto] Globe and Mail (2 juin
1995) B2 ; A. Willis, Looking forward to retirement>>, Maclean’s (27 mars 1995) 36.

’99 Corcoran, ibid ; McNish, ibid.

McNish, ibid

20 Teachers d6tient le pouvoir de nommer trois administrateurs au conseil de Maple Leaf Foods.
Willis, supra note 198 ; McNish, ibid. George Engman, responsable du secteur de merchant banking
de Teachers, r6sume ainsi les motifs qui l’ont pouss6 a appuyer Wallace McCain : (The spirit of our

1997]

R. CR7E ET S. ROUSSEAU – INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS

917

Teachers s’est associ6 Steve Stavro pour former la compagnie MLG Ventures qui a
fait 1’acquisition du Maple Leaf Gardens de Toronto et de l’6quipe de hockey les Ma-
ple Leafs de Toronto”. Teachers a fourni 55,7 M$ des 113,75 M$ d6boursds pour ac-
qu6rir ces deux entreprises.

Comparativement aux investissements de la Caisse de d6p6t et de Teachers, les ac-
tivit~s de banque d’affaires d’OMERS sont plut6t modestes. La caisse de retraite di-
versifie ses placements en actions canadiennes en investissant dans diverses categories
d’entreprises, mais ce sont les placements dans les grandes entreprises, celles qui ont
une valeur de plus de 150 M$, qui dominent son portefeuile d’actions canadiennes 3.
OMERS consacre n6anmoins une petite partie de l’actif de son portefeuille d’actions A
des placements de participation04. Ces investissements sont toutefois r~alis6s unique-
ment dans une perspective d’am6liorer le rendement des fonds investis.

Comme nous pouvons le constater, les trois institutions sont tr~s actives sur le
march6 des valeurs mobilires et investissent une portion considdrable de leurs actifs
dans les titres de compagnies. Si la taille des portefeuilles d’actions de ces institutions
leur confere un statut particulier au sein du march6 canadien, c’est toutefois l’existence
d’investissements significatifs dans des compagnies individuelles qui influence le
comportement des investisseurs institutionnels et la perception de leur mandat. En ef-
l’gard des affaires de ‘entreprise est largement tributaire de la taille
fet, leur intdr&
de leur investissement.

Les trois institutions sont contraintes d’effectuer la plus grande partie de leurs pla-
cements en actions dans le march6 canadien qui ne reprdsente qu’entre 2 et 3% du
march6 mondial des valeurs mobilires”. En effet, en vertu de la Loi de l’impt sur le
revenu, les caisses de retraite ne peuvent investir plus de 20% de leur actif en actions
6trang~res sans subir de p6nalite. Ces investisseurs doivent ainsi concilier cette limite

partnership in acquiring control of this company was to employ Wallace’s acumen in this business
and our capital to build a profitable company

(Davison, supra note 198).

‘0’ Davison, ibid. ; McNish, ibid.
20 OMERS, 1995 Annual Report, supra note 176 A la p. 12.
20 Corcoran, supra note 198. Les investissements que OMERS poss~de dans des compagnies fer-
m~es s’6lvent 353 MS. Ce sont gdn&alement ces compagnies qui b~n6ficient des placements de
participation. OMERS, 1995 Annual Report, supra note 176

lap. 13.

20 OMERS, OMERS Investment Practices, supra note 177 A la p. 11 : OMERS has evaluated
many proposals for direct investment in public sector ventures over the years. We are willing to make
and have made, such investments where the level of return is deemed to be commensurate with the
level of risk […] OMERS strives to remain alert in the pursuit of all prudent investment opportunities
that may be expected to enhance the Fund’s total return.

206 K. Ambachtsheer, .
Teachers, OMERS et la Caisse constituent ainsi les plus importants actionnaires de ces
compagnies, ce qui est susceptible de modifier la nature de leurs relations avec elles?6 .

Rappelons que les placements importants peuvent entrainer des coots de transac-
tion dleves pour les investisseurs, ce qui rend l’option de la vente (exit) moins at-
trayante1 7 . En effet, il peut etre difficile de trouver preneur pour d’importants blocs
d’actions sur le march6 sans subir des pertes substantielles 8. De plus, meme si la vente
des blocs d’actions est desormais facilitee par 1’existence du block trading””9 , il doit etre
possible de remplacer cet investissement par un autre investissement de qualit6 qui
maintiendra la diversification du portefeuille. Or, cela peut s’av~rer difficile
realiser
6tant donne la petite taille du march6 des valeurs mobilires canadien. Par exemple, si
la Caisse de dep6t vend sa participation dans BCE qui s’61ve A plus de 400 M$, quel
titre peut-elle acquerir en 6change pour conserver des placements dans le secteur des
tel~communications au Canada ? Ainsi, les institutions abordent leurs placements si-
gnificatifs dans une perspective d’investissement
long terme of l’option de la prise
de parole (voice) est pr6f&6re t celle de la defection (exit)”0 .

214 The Performance 500>, Canadian Business (juin 1996) 152. Dans son rapport annuel de 1995,
OMERS mentionne ceci : <>. OMERS, 1995 Annual Report, supra note 171 a lap. 8.

2,5Patry et Poitevin, supra note 26 aux pp. 412-13 ; Daniels et Waitzer, supra note 5 h lap. 33.
216 Rock, supra note 26 aux pp. 453-64 ; Pozen, supra note 26 ; Black, <, supra note 12 aux pp.
1354-56.
217 Coffee, Jr., <,Liquidity versus Control>, supra note 26 A lap. 1329 ; Matheson et Olson, ibid. aux
pp. 1477-82. Ces risques sont particuli~rement 6lev6s au Canada ox le march6 des valeurs mobilieres
est caract6ris6 par une faible liquidit6. D.J. Fowler et C.H. Rorke, <> (1988) 5:1 Can. J. Admin. Sci. 13.

2,’ Les investisseurs institutionnels transigent genralement entre eux pour cette raison. Garten, su-
pra note 23 A lap. 626 ; MacIntosh, , supra note 16 aux pp. 874-76.

‘ Dans leur prdsentation devant le comit6 senatorial sur la rdvision de la Loi canadienne sur les
socijtjs par actions, supra note 37, OMERS et Teachers faisaient remarquer qu’ils ont une perspec-
tive d’investissements
long terme. Ainsi, les repr~sentants d’OMERS indiquaient : . M~me si ]a Caisse de d6p6t ne semble pas effectuer systdmaiquement
ses investissements A long terme, elle adopte une telle perspective A l’6gard des entreprises dans les-
quelles elle poss~de des placements significatifs. Voir Fascicule n0 5, supra note 208, et Fascicule n*
6, supra note 210.

.. Gordon, supra note 47.
“” Voir Ayres et Cramton, supra note 45 ; J.H. Dobrzynski, Relationship Investing> Business Week

(15 mars 1993) 68 ; Gordon, ibid. ; Matheson et Olson, The [Toronto] Globe and Mail (19 avril

1994) B7.

1997] R. CRITE ET S. RoussEAu-INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS

921

investors normally have a very good knowledge, not only of that company but
of the industry in which that company operates’.

leurs attentes, ils n’h6sitent pas

Lorsque l’information obtenue par ces contacts permet aux investisseurs de constater
que l’administration des entreprises ne rdpond pas
critiquer les dirigeants, comme rindiquent les reprdsentants d’OMERS : <<[o]ur role as an institutional investor or a pension fund is to issue the wake-up call when we see companies not performing the way our analysis indicates that they should be perfor- ming>>. Dans certains cas,
investisseurs vont jusqu’A remettre en cause
l’administration des entreprises et jouer un r6le pr6pond6rant dans la destitution et le
remplacement des dirigeants en place’6. Les contacts r6guliers entre les investisseurs et
les dirigeants obligent donc ceux-ci A rendre compte de leur administration A des ac-
tionnaires sophistiquds qui ddtiennent des investissement significatifs, ce qui contribue

les

accroitre l’imputabilit6 de ces dirigeantse ‘ .

La supervision exerc6e par les investisseurs institutionnels peut 6galement se tra-
duire par des interventions plus directes qui s’apparentent A une fonction de direction.
Ainsi, certains investisseurs 6changent des informations et des ides avec les dirigeants
au sujet de questions telles les grandes orientations strat6giques de l’entreprise, ses plus
r6cents rdsultats financiers, les transactions d’affaires envisag6es, ou certaines de ses
politiques spdcifiquese. De plus, lorsqu’ils le jugent ndcessaire, les investisseurs
n’h6sitent pas t exprimer leur opinion et h intervenir A l’6gard de transactions particu-
lires qui sont susceptibles d’avoir des r6percussions consid6rables sur l’entreprise. Par
exemple, la soci&t6 Seagram a subi les critiques de nombreux investisseurs institution-
nels lorsqu’ele a restructur6 ses investissements pour d6laisser le secteur industriel et
se consacrer au secteur des communications et du divertissement’. Plus particuli6re-

Les propos rapport~s sont ceux de Jean-Claude Delorme, qui s’exprimait A titre personnel devant
le comit6 s6natorial sur les banques et le commerce. S6nat du Canada, Comit6 sur les banques et le
commerce, D61ib6ations du groupe de travail sur la rgie des soci6t6s [Montr6a], Fascicule No. 4, 20
f6vrier 1996. http:llparl30.parl.gc.calenglishlsenatelcon-f/corp-f/O4CU-F.htm.
[date d’acc~s 5 mai
1997] [ci-apri-s Fascicule d 4].

22 Snat du Canada, Comit6 sur les banques et le commerce, D61ibrations du groupe de travail sur

la r~gie des soci&tds, Fascicule No. 5, supra note 208.

” Pour des exemples voir R. Siklos, <. Bien que l’impact de ces communications sur la valeur des
entreprises demeure ambigul
, elles donnent n6anmoins aux dirigeants une meilleure

23 A. Gibbon, Investors cool to Seagram plan>> The [Toronto] Globe and Mail (7 avril 1995) B 1 ;
B. Milner, > The [Toronto] Globe and Mail (7 avril 1995) Al ; B. Mil-
ner, Bronfman wins over skeptics> The [Toronto] Globe and Mail (I 1 avril 1995) B 1. Seagram a ac-
quis une participation de 15% dans Time Warner en 1994 pour amorcer ]a reorientation de ses activi-
t6s : Bronfman slams Time rumours>> The [Toronto] Globe and Mail (2juin 1994) B1.

2″ A. Gibbon, Seagram likely to face MCA queries>> The [Toronto] Globe and Mail (31 mai 1995)
B5 ; M. Ingram, investors cool to Seagram plan>> The [Toronto] Globe and Mail (7 avril 1995) B 1.
Fidelity Management et la Caisse de d6p6t et placement du Qu6bec ont r6duit consid~rablement leur
participation dans Seagram au cours du changement d’orientation des activit~s de la soci6t6. Le nom-
bre d’actions d6tenues par la Caisse est pass6 de 15,6 millions en 1992 A 8,9 millions en 1995. Voir
Caisse de dep6t et placement du Qubec, supra note 210.

‘>P Brent, <, The [Toronto] Financial Post (23 mars 1994) 14 ; I.
Jack, > The [Toronto] Globe and Mail (21 juillet 1994) B3 ; J. MacFar-
land, Behind Labatt rebellion – Giant shareholder wake up>> The [Toronto] Financial Post (17 sep-
tembre 1994) 6 ; M. Strauss, Grumbling investors make Labatt a target>> The [Toronto] Globe and
Mail (19 avril 1995) BI.

“> Strauss, ibid. ; Corcoran, supra note 198.
2″ Savard, supra note 74.
2” Black, Empirical Evidence>>, supra note 19 aux pp. 917-27 ; J. Chemoff et M.G. Star, Three
Studies Support Relationship Investing>> Pensions & Investments (11 janvier 1993) 3 ; R.H. Koppes et
M.L. Reilly, An Ounce of Prevention: Meeting the Fiduciary Duty to Monitor an Index Fund
Through Relationship Investing>> (1995) 20J. Corp. L. 413 aux pp. 416-21 ; MacIntosh et Schwartz,
supra note 20.

1997] R. CR TE ET S. RoussEAu- INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS

923

compr6hension des attentes des actionnaires, ce qui facilite la gestion de l’entreprise
dans le respect de leurs int6r~ts. D’ailleurs, selon une enqute effectu6e par Foerster,
les gestionnaires des principales caisses de retraite canadiennes sont d’avis que les diri-
geants d’entreprise devraient 6couter davantage les ides formul6es par leurs actionnai-
res, particulirement lorsque ceux-ci ont des connaissances ou une exp6rience perti-
faire valoir 6 . Grace au travail des analystes, les investisseurs institutionnels ac-
nente
qui~rent pour leur part une meilleure connaissance des entreprises dont ils sont action-
naires et deviennent plus en mesure d’appr6cier la valeur de l’entreprise et ses perspec-
tives de croissance?7 .

L’ampleur des activit6s de partenariat de la Caisse de d6p6t, Teachers et OMERS
est difficile 6tablir avec exactitude. Comme l’ont indiqu6 nos entrevues, les investis-
seurs sont g6n6ralement r6ticents h reconnaitre qu’ils sont des associ6s ou des partenai-
res des entreprises, puisque ce r6le pourrait &re perqu conme outrepassant le mandat
qui leur est confi6. Outre cette crainte, les investisseurs paraissent d6sirer que leurs re-
lations avec les entreprises conservent une apparence modeste afin d’6viter les critiques
soutenant que ces relations soul~vent un risque de comportements opportunistes de la
part des investisseurs. Selon ces critiques, les investisseurs peuvent etre tent6s d’utiliser
leurs relations avec certaines entreprises pour maximiser leurs propres investissements
ou r6aliser des objectifs particuliers au detriment de l’int&& de l’ensemble des action-
nairesP’. Ainsi, lorsqu’ils reconnaissent 1’existence de relations avec les entreprises, les
investisseurs tentent de mininiser l’importance de leur r6le ; une remarque des repr6-
sentants de la caisse de retraite Teachers illustre bien : <[w]e will be instrumental in getting the board to do certain things such as making changes in the composition of the board, but we do not want to manage any of these companies> 9.

Le cas de la Caisse de d6p6t, dont les interventions ont fait l’objet de critiques

plusieurs reprises par des commentateurs remettant en cause la validit6 des objectifs
qu’elle poursuivait, montre que ces craintes ne sont pas sans fondement. On a reproch6
A la Caisse d’8tre pr6occup6e davantage par le d6veloppement 6conomique du Qu6bec

6 S. Foerster, supra note 47 aux pp. 445, 466. On rapporte que les investisseurs institutionnels sont
de plus en plus consult6s au sujet de transactions projet~es. Koval, supra note 15 aux pp. 45-46 ; Da-
niels et Waitzer, supra note 5 aux pp. 35-36.

.. Les entreprises sont de plus en plus conscientes de l’importance des relations avec les investis-
seurs institutionnels. Berenbeim note dans son 6tude que les entreprises fournissent des informations
plus 6labores et utiles, en plus d’organiser des activit~s destinees t promouvoir les relations avec les
investisseurs institutionnels. La plupart des entreprises 6tudides poss&laient un membre du personnel
en charge de la gestion et de la coordination des relations avec les investisseurs institutionnels. Voir
Berendeim, supra note 228 aux pp. 27-45. Voir aussi W. Skowronski et J. Pound, > Bartn’s (3 octobre 1994) 53 ; Rock, supra note 45 ; Romano, supra note 26.
“9 S6nat du Canada, Comit6 sur les banques et le commerce, Groupe de travail sur la r6gie des so-

cidt~s, Fascicule No. 6, supra note 210.

MCGILL LAW JOURNAL! REVUE DE DROITDE MCGILL

[Vol. 42

que par le rendement des entreprises et les int6rts des actionnaires”. Citons notam-
ment le cas de Provigo oti la Caisse de ddp6t a 6t6 s6v~rement critiqude pour son inter-
vention dans la transaction par laquelle Unigesco visait vendre Provigo (Univa) 4
Blackstone Capital Partners2 ‘ . Avant m6me que
ind6pendant
d’administrateurs d’Univa n’ait 6rnis son avis an sujet de la transaction, la Caisse de
d~p6t s’y est d~clar~e oppos6e, contestant A la fois sa 1galit6 et son opportunite”‘.
L’opposition de la Caisse a fait 6chouer la transaction”‘ . Par la suite, la Caisse a acquis
26% des actions d’Univa d6tenues par Unigesco pour en devenir I’actionnaire princi-
pal2’ .

le comit6

Enfin, les 6changes qu’ont les investisseurs avec les dirigeants d’entreprise soul-
vent 6galement un risque de d6lit d’initi6 de la part de ces investisseurs en leur permet-
tant d’acqu~rir des informations privil6gies. D6tenant ainsi une longueur d’avance sur
le grand public, les investisseurs au courant de certaines donn6es peuvent r6aliser des
gains particuliers en transigeant sur les titres concemr6s”‘ .

En r6sum6, la Caisse de d6p6t et placement du Qu6bec, OMERS et Teachers occu-
pent une place pr6ponddrante au sein du march6 des valeurs mobili~res canadien. Les
trois institutions g&ent des actifs qui s’616vent A 117 G$, dont 36,2 G$ sont investis
sous forme d’actions canadiennes, repr6sentant environ 8,4% du march6. Tout en re-
connaissant l’importance collective des autres investisseurs institutionnels, nous de-
vons toutefois remarquer qu’aucun autre investisseur, ou groupe d’investisseurs, ne
poss~de l’envergure de ces trois institutions au Canada dans le march6 des actions.
Aussi, elles repr6sentent une force dominante derriere
transformation de
l’actionnariat des compagnies publiques.

la

Leur h~g6monie se fait ressentir de mani~re particulire dans la gouveme des
compagnies. ttant donn6 la petite taille du march6 canadien, elles doivent concentrer
leurs placements dans des compagnies individuelles, ce qui influence de fagon signifi-
cative leur attitude i l’gard de celles-ci. En effet, la concentration des investissements
de la Caisse de d6p6t, OMERS et Teachers s’accompagne d’une intensification des re-
lations qu’ils entretiennent avec les compagnies. Le partenariat qui s’6tablit ainsi entre
les entreprises et les investisseurs se traduit par des activit6s de surveillance et de con-
tr6le par lesquelles les investisseurs accentuent leur pr6sence dans la gouveme des en-

ST. Corcoran, > The [Toronto] Globe and Mail (11
juin 1993) B2 ; < The [Toronto] Financial
Post (23 d6cembre 1993) 8 ; <> The [Toronto] Financial Post (3 aofit
1989) 10.

2″ Arbour, supra note 80 aux pp. 38-42 ; B. McKenna et A. Gibbon, Caisse under fire for putting
Hex on Univa buyout>> The [Toronto] Globe and Mail (20 mars 1993) Al ; E Tremblay, Caisse-
Univa>> 26 mai 1993 (PC – QL) ; The Caisse end of the Food Chain> The [Toronto] Globe and Mail
(15 juin 1993) A20.

2″ McKenna et Gibbon, ibid. ; J. McNishby et B. McKenna, > The [Toronto] Globe and Mail (6 mars 93) 1.

.4> McNishby et McKenna, ibid. ; F Tremblay, ,, 12 mars 1993 (PC – QL).
” Presse Canadienne, La Caisse de d6p6t achte Univa> 2 juillet 1993, (PC – QL) ; oCaisse to buy

Univa stake> The [Toronto] Globe and Mail (14juin 1993) Al.

… Voir infra notes 337-38 et 362 et le texte correspondant.

1997] R. CRTE ET S. RoussEAu- INVESTISSEURS INSTITuTIONNELS

925

treprises. L’ampleur de ce ph~nom~ne est toutefois difficile A circonscrire avec exacti-
tude, 6tant donn6 la r6ticence dont font preuve ces institutions quant
la divulgation de
leurs activit~s de partenariat. Soucieuses de l’image qu’elles projettent, ces institutions
craignent que la l6gitimit de leurs interventions ne soit remise en doute en raison des
risques de comportements opportunistes qu’elles soulvent.

VI. Influences externes

Dans ce march6 en pleine effervescence qu’est celui de la gestion de portefeuille,
les institutions flnanci~res doivent constamment faire la preuve de l’efficacit6 de leur
gestion, de manire A se maintenir dans la course ou A l6gitimer leur existence. k cette
fin, elles doivent atteindre des objectifs de rendement ou des objectifs collatdraux, en
vue de s’assurer une r6putation de bon gestionnaire aupr s de leurs commettants ac-
tuels ou futurs et meme, dans certains cas, aupr s de l’opinion publique. Pour mieux
comprendre le comportement des investisseurs institutionnels, il est donc important de
tenir compte du march6 dans lequel ils 6voluent, en examinant les forces de nature
6conomique et politique qui peuvent freiner ou favoriser leur activisme.

A. Un march6 concurrentiel marqu6 par une importante concentration

6conomique et g6ographique des investisseurs institutionnels

Les investisseurs institutionnels 6voluent dans un march6 marqu6 par une concur-
rence trs vive, qui les force maximiser le rendement de leurs portefeuilles. Or,
comme plusieurs observateurs le soulignent, ce rendement ne s’6value pas en termes
absolus, mais plut6t en termes relatifs : en comparant la performance de l’un par rap-
port A celle des concurrents dans cette m~me industrie ou en fonction de certains indi-
cateurs de march6 tel le TSE 300′. Dans un tel contexte, les gestionnaires tentent
d’obtenir un rendement au moins 6gal ou sup&ieur A celui de leurs concurrents ou ii
celui de l’indice choisi selon les circonstances. Pour les gestionnaires extemes, il s’agit
1 d’une preoccupation majeure, puisque l’6valuation de leur rendement influera direc-
tement sur leur capacit6 de conserver leur clientele actuelle et d’en recruter une nou-
velle, affectant en consquence leurs revenus, qui sont habituellement 6tablis en fonc-
tion du montant des actifs g6rs 2 . Au contraire, les gestionnaires internes, qui g~rent
les fonds d’une caisse de retraite priv~e ou publique, n’ont pas
rechercher une nou-
velle clientele, car ils agissent de fagon exclusive pour le compte d’un commettant et
leurs revenus ne d6pendent habituellement pas du montant des actifs gdr&s ou du ren-

46 Coffee, Jr., <(A Half-Time Report>, supra note 26 Ai la p. 868 ; Fisch, supra note 26 aux pp. 1020-

22 ; sur l’Nvaluation du rendement relatif des gestionnaires, voir EJ. Elton et M.J. Gruber, Modern
Portfolio Theory and Investment Analysis, 4 6d., New York, John Wiley & Sons, 1991 aux pp. 642-
85 ; R.A. Brealey et aL, Principles of Corporate Finance, 2′ dd. can., Toronto, McGraw Hill Ryerson,
1992 aux pp. 939-44.

47 Coffee, Jr., <.

Si l’on se fie aux commentaires exprim6s par les participants A nos entrevues, il
semble bien que la performance relative soit une preoccupation majeure. Les propos
suivants du vice-pr6sident des Placements B montrent bien l’importance qu’ils y atta-
chent:

[i]n the pension areas, institutional areas and the mutual funds areas, our port-
folios […] are subject to extensive third party measurement. As a philosophy,
compared to our competition, annually we would like to place ourselves in the
top half of the returns available from all of the universe of competitors…We
wish to do that consistently […] We’ve been very successful in the last ten or
twelve years.

II en est de meme pour le directeur des investissements de la Caisse privde A (gdr6 a
l’inteme) : <<[w]e will buy some shares to make ourselves better than other pension funds. Our main goal is to beat the other pension funds.>> La performance relative est
6galement un facteur important pour un des gestionnaires des Placements A. Il 6voque
en ces termes la pression qu’exerce la concurrence sur leurs activit6s : . Finalement, mgme les institutions du secteur public qui
recueillent leurs fonds sans etre tenus de rechercher une nouvelle client~le portent une
attention au rendement relatif, comme l’exprime le vice-prdsident de la Caisse publi-
que A : <.

En raison de la forte concurrence qui caract~rise ce march6 et de ses rdpercussions
sur l’6valuation comparative du rendement des gestionnaires de portefeuille, on peut
comprendre que bon nombre d’entre eux soient peu enclins A d6ployer des dnergies
importantes pour surveiller et intervenir en tant qu’actionnaires des entreprises, dans ]a
mesure oti les bdn6fices rdsultant de ces interventions profitent, du meme coup, a
l’ensemble des investisseurs, alors que ces demiers n’en partagent pas n6cessairement
les cofits’. Et meme si la rpartition des cofits entre les actionnaires est toujours pos-
sible, la coordination qu’exige la formation d’un tel groupe engendre 6galement des

‘, Certains efforts ont 6t6 faits rrcemment pour relier une partie des revenus des gestionnaires A des
objectifs de rendement. On rapporte que Teachers, en 1996, a mis en place un nouveau programme
qui pr6voit des primes pour les gestionnaires dans la mesure oi le rendement est suprieur ai certains
indices. Voir A. Willis, <, voir supra note 117.

1997] R. CRETE ET S. RoussEAu – INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS

927

cofits. En consequence, l’activisme de 1’un des actionnaires risque de ne pas am6liorer
le rendement relatif de celui-ci et peut meme le r&luire si l’on tient compte des cofits
qu’il devra encourir Plusieurs observateurs ne manquent d’ailleurs pas de souligner ce
probl~me pour expliquer la passivit6 des investisseurs institutionnels en tant
qu’actionnaires de compagnies publiques”‘.

I1 ne faut cependant pas croire que ce facteur freine toutes les formes d’activisme
ou influence tous les investisseurs de la m~me fagon. Tout d’abord, il y a lieu de rappe-
ler qu’en raison de leurs obligations fiduciaires, les gestionnaires doivent remplir cer-
taines t~ches minimales qui d6coulent de leur mandat de gestion et ce, ind6pendam-
ment de tout partage des cofits entre les actionnaire? ‘ . Parmi celles-ci, on peut inclure
l’exercice des droits de vote rattach6s aux actions en portefeuille. De meme, les inter-
m6diaires peuvent difficilement demeurer passifs lorsque le comportement d’une en-
treprise affecte, de fagon 6vidente, les int6rts de leurs b6n6ficiaires, notamment lors de
changements structurels importants ou de comportements abusifs.

Tel que soulign6 plus haut, la pr6sence d’investisseurs institutionnels importants
peut 6galement favoriser l’activisme au sein des compagnies publiques”3 . En effet,
certaines institutions, en raison de la taifle de leurs investissements, trouvent plus
avantageux d’intervenir que de se comporter en passagers clandestins ‘ et de retirer
ainsi des b6n6fices significatifs de leurs initiatives tout en en assumant les cofits “. De
plus, la concentration de l’actionnariat entre
les mains d’un nombre restreint
d’actionnaires peut faciliter
les cofots
d’interventionf6 . A cet 6gard, les investisseurs institutionnels canadiens, comparative-
ment i leurs homologues am~ricains, b6n6ficient d’une situation avantageuse en raison
de la petitesse du march6 et de leur importante concentration 6conomique et g6ogra-
phique. Vu sous cet angle, il est int~ressant de souligner que le march6 canadien se
rapproche davantage de la situation qui pr6vaut au sein des institutions financi~res bri-
tanniques’.

la formation de coalitions et r6partir

Comme l’ont not6 les participants i nos entrevues, le march6 canadien ressemble

une grande famille caract&is6e par la presence de quelques acteurs importants, qui sont
situ~s pour la plupart A Toronto et Montr6al et qui peuvent facilement communiquer

.. Concemant l’impact de l’6valuation du rendement relatif sur le comportement des investisseurs
institutionnels, voir Fisch, supra note 26 aux pp. 1021-22 ; Black, < dans le contexte de
l’activisme des investisseurs institutionnels, voir par exemple Rock, supra note 26 aux pp. 454, 460-
64 et 473-74 ; Black et Coffee, Jr., supra note 23 aux pp. 2063-2064 et 2070 ; vA Half-Time Report>,
supra note 26 aux pp. 843-44 et 866-67.

” Voir la section m1I.C ci-dessus.
.Voir supra notes 70-71 et texte correspondant, ainsi que la section V, ci-dessus.
2, Au sujet de ‘expression <, supra note 26 aux pp. 869-71 ; concemant les cofits directs et indi-
rects de la coordination, voir Black et Coffee, Jr., supra note 23 aux pp. 2055-2059, 2063 et 2064.

.. Black et Coffee, Jr., ibid. b lap. 2002.*

928

MCGILL LAW JOURNAL! REVUE DE DROIT DE MCGiLL

[Vol. 42

entre eux pour coordonner leurs interventions”8 . Par contre, selon les t6moignages re-
l’Agard des actions col-
cueillis, quelques institutions disent demeurer tr~s prudentes ;
lectives pour des raisons attribu6es a la rivalit6 entre les investisseurs institutionnels et
aux contraintes de nature l6gale, particulirement
la r~glementation relative aux va-
leurs mobili~res 9 . Comme d’autres de nos interlocuteurs l’ont soulign6, la pr6sence de
Fairvest et de PIAC repr~sente alors un instrument d’interm~diation tr~s utile pour les
investisseurs institutionnels lorsque des questions controvers6es sont port6es al leur at-
tention. ils peuvent non seulement prendre connaissance de la position sugg6r6e par
ces interm liaires, mais 6galement faire part de leurs propres reactions et tenter de
connaitre celles de leurs homologues”. Le recours A Fairvest et t PIAC facilite 6gale-
ment la coordination entre les investisseurs pour des actions de nature collective. Ainsi,
dans l’affaire Canadian 7ire, l’action aupr s des commissions des valeurs mobili~res a
6t6 engag~e et coordonne par Fairvest6 ‘.

B. Vuln6rabilit6 6conomique ou politique
Le march6 financier est tiss6 de relations multiples et fragiles A travers lesquelles
les investisseurs institutionnels doivent savoir manoeuvrer avec habilet6 et prudence.
ls 6voluent dans un univers oil il est important de projeter une image d’efficacit6 et de
loyaut6 envers les clients ou les b6n6ficiaires du patrimoine g6r6, tout en 6tant confron-
t~s h des pressions 6conomiques ou politiques parfois inconciliables avec les int6r~ts de
ces demiers. La vive concurrence qui existe au sein de l’industrie de la gestion de por-
tefeuille peut expliquer la crainte des gestionnaires extemes d’intervenir comme ac-
tionnaires des compagnies en portefeuille, dans la mesure oil leur activisme serait sus-
ceptible de faire fuir des clients potentiels ou actuels parmi ces entreprises”. Le d6sir

” Selon les rdsultats de l’enquete de Montgomery, il semble d’ailleurs que Faction collective soit
un des moyens les plus fr~quemment employ6s parmi les diff6rents moyens d’action utilis6s par les
investisseurs institutionnels pour exercer leur influence. Panni Ia liste des moyens 6num~rs,
1’exercice des droits de vote vient au premier rang, alors que l’action collective vient au deuxi~me
rang. Voir ]a liste des moyens 6num6r6s par ordre d’importance, supra note 93.

2″Au sujet de l’impact de la r6glementation sur les investisseurs institutionnels, voir la section VI.C

ci-dessous.

“0 Par exemple, au cours de l’ann6e 1995, dans le cadre de son service d’analyse de procurations,
Fairvest a fait des recommandations spifiques concemant 76 compagnies et en 1996, il a diffus6 61
avis, appel~s Shareholder Alerts>>, concemant les rdgimes d’options, les pilules empoisonn~es) , les
structures de capital-actions comprenant des actions subaltemes, l’approbation de placements priv6s.
Voir Wilson, 1996 Proxy Season Review>>, supra note 149. Au sujet des services offerts par Fairvest,
voir MacIntosh, , supra note 2 aux pp. 175-76.

262 Voir supra note 141.
162 Au sujet des conflits d’int&rts auxquels sont confront6s les investisseurs institutionnels et de leur
d~sir de pr6server leurs relations commerciales, voir Montgomery, <, supra note 13 A la
p. 198 ; Montgomery, Survey>>, supra note 31 i la p. 7 ; Rousseau, Analyse, supra note 41 aux pp.
141-46 ; MacIntosh, >, supra note 2 aux pp. 161-62. Chez les auteurs am~ri-
cains, cette question a 60 abondamment trait~e, voir Black et Coffee, Jr., supra note 23 aux pp. 2059-
61 ; Rock, supra note 26 aux pp. 469-72 ; Black, >, supra note 26 aux pp. 857 et 862-63 ; Grundfest, supra note
43 aux pp. 919-22 ; Krikorian, supra note 86 aux pp. 210-32.

1997] R. CR-TE ET S. ROUSSEAU – INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS

929

de preserver les relations commerciales avec la client~le est un facteur que les gestion-
naires ne peuvent ignorer et qui influence leur comportement en tant qu’actionnaires.
C’est ce dont t6moigne le prdsident de Teacher’s en d~crivant son experience ant6-
rieure dans une institution financi~re du secteur priv6:

When we talk about why life insurance companies are not active in corporate
governance, I used to be with a life insurance company and, let me tell you,
you could lose your client very quickly if you voted against the proxy of a
company. That is a fact of life and that is a problem for many institutions6 4 .

Comme les compagnies d’assurance, les conseillers en placements, les banques et les
fonds mutuels peuvent faire face h des conflits d’int&rts en raison des relations
d’affaires qu’ils entretiennent avec les compagnies en portefeuille. Dans un contexte oi
ces investisseurs institutionnels sont en comp6tition pour obtenir la gestion des caisses
de retraite privdes, i peut 6tre difficile pour un gestionnaire de s’opposer, en tant
qu’actionnaire, aux politiques ou aux decisions d’une entreprise, si celle-ci lui d6lgue
d6jh la gestion de ses fonds. Par ailleurs, ce gestionnaire doit aussi 6valuer
l’opportunit6 de son intervention en tenant compte des intr&ts des b6n6ficiaires pour
qui il g&e le patrimoine, tel que l’exige son devoir de loyaute”. L’un des dirigeants des
Placements A fait d’ailleurs 6tat d’une situation conflictuelle semblable A laquelle son
institution a d6jh t6 confrontde. I1 rappelle qu’au moment de l’approbation, en 1988,
de la premi~re <> soumise au Canada par la compagnie Inco, Pla-
cements A a vot6 en faveur du rgime propos6 malgr6 le caractire controvers6 de la
proposition, tout en prcisant que la compagnie Inco 6tait l’un des clients de la firme’.
Sur la base des comptes rendus de la presse, il semblerait que d’autres gestionnaires
aient rdagi de m8me, par crainte des consequences n~fastes pour leurs affaires 6′ . Selon
les gestionnaires du secteur public que nous avons interrog~s, ce type de pression 6co-
nornique constitue un facteur important qui permet d’expliquer la difference de com-
portement entre les gestionnaires du secteur priv6 et ceux du secteur public t l’6gard
des compagnies en portefeuille. En rponse une question visant h identifier les motifs
pour lesquels les gestionnaires s’abstiennent d’exercer une influence
l’6gard des en-
treprises dans lesquelles ils investissent, la vice-prdsidente de la Caisse publique B
mentionne : <(private pension fund managers have more to lose in getting involved in 2 3F. Grossi, Can. Inv. Rev. (Printemps 1996) 36 A lap. 39.
264 Par exemple, dans l’affaire opposant la compagnie Ford au moment de la privatisation de Ford
Canada, Mackenzie Financial s’est joint un groupe d’actionnaires minoritaires qui contestaient le
prix offert pour l’achat des actions par Ford, malgr6 le fait que cet investisseur institutionnel gdrait un
portefeuille pour le compte de la caisse de retraite de Ford Canada. Voir A ce sujet E. Heinrich, < The [Toronto] Financial Post (6 juillet 1995) 1.

26′ Au sujet de la controverse soulev~e dans l’affaire Inco, voir Rousseau, <>, supra note 15 aux pp. 354-55.

266J McNish, < The [Toronto]
Globe and Mail (20 octobre 1988) B1. Voir aussi, R. Crate, Les investisseurs institutionnels et leurs
conflits d’int&ts dans le contexte des mesures d~fensives)> dans Crte, dir., supra note 152, 193 aux
pp. 205-06.

930

MCGILL LAW JOURNAL/REVUEDEDROITDE MCGILL

[Vol. 42

this type of thing. They can offend clients>. Des propos semblables sont exprimes, de
fagon plus d6taill~e, par le vice-pr6sident de la Caisse publique C:

Most of the private money managers are afraid of aggravating customers. Pri-
vate money managers’ business is different than the public pension fund man-
ager’s. We don’t have to acquire our assets, we don’t want any more money to
come in the door. Five million dollars a day come in here whether we like it or
not. We don’t have to advertise to get it. It just comes, whereas any other firm’s
wealth is created by the more assets they manage. So they want to acquire
more and more assets. [They want to avoid] anything that would hurt them
from a publicity point of view. If they raise Cain against […] Alcan […] for
some improper practice, then Alcan’s pension plan would not use them.

Non seulement les gestionnaires de portefeuille doivent-ils agir de fagon A ne pas se
mettre
dos leurs clients actuels, mais ils doivent 6galement 6viter d’etre pergus
comme des fauteurs de troubles>> qui s’immiscent inopportundment dans les affaires
des entreprises. Avec une telle r6putation, les gestionnaires pourraient craindre une r6-
ticence des compagnies A leur confier la gestion de leurs portefeuilles.

Le maintien de bonnes relations d’affaires est particuli~rement important dans le
contexte canadien, oa des liens 6troits existent au sein du milieu financier en raison de
la concentration 6levde du march6 et de l’interconnexion des entreprises et des institu-
tions financi~res. De tels liens apparaissent notanment au sein des conseils
d’administration, oil l’on observe plusieurs directorats crois6s qui favorisent la solidari-
t6 entre les gens d’affaires. Ce facteur est 6voqu6 surtout par les gestionnaires du sec-
teur public, comme en t6moigne le vice-prdsident de la Caisse publique B dans ses
propos concernant la relative passivit6 des caisses de retraite privies : <<[t]here's a poli- tical conflict as well. If you're DuPont or if you're Alcan Aluminium or something and you're trying to vote the proxies for your pension plan and you've got to vote "No" on the CEO of somebody who knows your CEO or even sits on your board, for example. It can't be done. They won't do it, they just avoid it>>.

Dans ce contexte, il faut 6galement signaler les mutations profondes qui ont mar-
qu6 l’6volution du march6 financier canadien depuis les deux dernires d6cennies, en
raison du ddcloisonnement des institutions financi~res qui favorise la concentration et
les interrelations entre elles. Un tel ph6nom~ne est d’ailleurs mis en 6vidence par un
intervenant de la Caisse publique A :

On a une tr~s forte concentration des institutions financires [au Canada].
Les banques ont presque p6ndtr6 tous les secteurs, hormis l’assurance, oi
elles sont en train de le faire. Elles ont 30% des fonds mutuels. De plus, el-
les ont annonc6 r6cemment la creation de filiales qui investiraient directe-
ment dans les compagnies. Non seulement elles vont 8tre preteuses mais
elles vont 8tre investisseures.

Quant au dirigeant d’une organisation interm~diaire, il consid~re que l’existence de ces
interrelations au sein du march6 financier risque d’affecter l’ind6pendance des investis-
seurs institutionnels : <. Ce m~me dirigeant men-
tionne aussi qu’il est parfois difficile pour les institutions financi~res de trouver des

1997] R. CRttE ET S. ROUSSEAU- INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS

931

professionnels libres de tout conflit d’int&rgts pour les assister dans leurs interventions
auprbs des entreprises, notamment lorsqu’il s’agit de faire appel aux services d’un avo-
cat pour intenter une action judiciaire ou administrative. On note, en effet, que les
grandes compagnies monopolisent d6j les services de plusieurs professionnels, tels les
conseillers juridiques, les comptables et les courtiers en valeurs mobili~res, et que le
nombre de fumes oeuvrant dans ces domaines de sp6cialisation diminue sans cesse
cause de leurs regroupements.

Appel6s h 6voluer dans cette communaut6 <>, on comprend pourquoi
les investisseurs institutionnels pr6ferent agir dans un esprit de collaboration avec les
entreprises ou intervenir de fagon tr~s discrete afin de ne pas heurter les entreprises
dans lesquelles ils investissent. En comparaison avec le style d’intervention adopt6 par
le conseiller en placement Jarislowski, qui s’est fait connaitre pour son activisme rela-
tivement visible au Canada, le gestionnaire des Placements A d6crit 1’attitude de sa
firme en ces termes : <>

Pour ces gestionnaires du secteur priv6, il est important aussi de preserver
‘anonymat dans la mesure du possible. Ainsi, plut6t que d’intervenir directement au-
pros des entreprises, ils s’adressent volontiers aux organisations interm&liaires comme
Fairvest, dans les cas oti ils jugent opportun d’intervenir aupr~s d’une entreprise. k ti-
tre d’exemple, en r6ponse h une question visant h connaitre le comportement de son
l’6gard des <> adopt6es par les compagnies, le vice-
institution
pr6sident de la Caisse privie A explique : <<[w]e get from Fairvest their regular moni- toring device, we will work with them. If we want to get a change done, we will often do it through them rather than directly with the company. They make a good interme- diate step for us>. Au sujet de l’anonymat, il explique : <.
Dans cette perspective, il convient de mentionner les efforts faits au cours des ann6es
1990 par l’organisation religieuse Task Force of the Churches and Corporate Respon-
sibility, qui a incit6 plusieurs compagnies canadiennes A pr6server la confidentialit6 des
votes exerc6s par les actionnaires an moment des assembles”. L’objectif 6tait de per-
mettre A ces demiers d’exercer leurs droits de vote de fagon anonyme et d’6viter ainsi
les pressions de la part de la direction des compagnies.

Ceux qui craignent les contacts ou les affrontements directs avec les compagnies
peuvent 6galement appuyer discr~tement les initiatives prises par quelques grandes
institutions, notamment celles de Teachers, de OMERS et de la Caisse de d6p6t, qui
sont reconnues pour leurs manifestations d’activisme plus visibles et directes. Tous les
interlocuteurs du secteur public que nous avons interrog6s perqoivent d’ailleurs trbs

267 Davis, supra note 37 aux pp. 2-3 ; Wilson, <<1996 Proxy Season Review>> supra note 149 A la

932

MCGILL LAW JOURNAL/REVUE DE DROIT DE MCGILL

[Vol. 42

bien cette attente de la part des gestionnaires du secteur priv6. Comme l’exprime la
vice-prgsidente de la Caisse publique B : <<[t]hey look to others to do so so more than they do. They might support you, they are all for it, but they won't lead the charge>>. Le
vice-pr6sident de la Caisse publique A rench6rit : <.

Contrairement A leurs homologues du secteur priv6, les institutions publiques les
plus importantes n’h6sitent pas manifester publiquement leur opposition sur certaines
questions en cas de disaccord avec la direction des entreprises. La publicit6 entourant
ce type d’actions peut mme s’av&er b6n6fique pour ces interm6diaires financiers dans
la mesure oa ils apparaissent agir dans le meilleur int&& de leurs b~n6ficiaires2 ” . Par
contre, tout en jouissant d’une certaine indpendance A l’6gard des compagnies en
portefeuille, ces institutions demeurent tr~s sensibles A l’image qu’elles projettent aux
yeux du public ; sachant que leurs interventions sont 6troitement surveill6es par les
m dias, elles en mesurent soigneusement l’impact. I1 est int~ressant de noter d’ailleurs
que parmi une quinzaine de facteurs risquant de d6courager l’activisme institutionnel,
les r6sultats de l’enqu&e de Montgomery r6v~Ient que les gestionnaires du secteur
public identifient la crainte d’une publicit6 n~faste comme l’un des plus importants.
Le vice-prsident de la Caisse publique C a indiqu6 combien la prudence 6tait de mise
en ce domaine : <<[w]e are a big target [ ...] There are mixed feelings. I think that the pensioners want to ensure that they get their pension cheque on time. But if there's too much publicity, then people will say : 'Oh, here's the government interfering again...The members of the plan get very nervous'>>. Cette sensibilit6 A l’6gard de
l’opinion publique est d’autant plus grande pour une institution comme la Caisse de
d6p6t, que sa mission A deux volets rend plus vuln6rable A I’6gard du pouvoir politi-
que2?0.

En fait, pour les interm6diaires financiers du secteur public, il semble que les inter-
ventions publiques soient loin d’8tre le mode privil6gi6 d’activisme. La tendance, tout
comme chez leurs coll~gues du secteur priv6, est de favoriser plut6t les 6changes priv~s
effectu6s dans un esprit de collaboration avec la direction des compagnies en porte-
feuille. Certains de nos interlocuteurs consid~rent que cette attitude s’explique notam-
ment par la taille relativement restreinte du march6 canadien et par des traits culturels
propres A cette communaut6 de gens d’affaires, qui les distinguent de leurs voisins du

2

‘” Au sujet des divers facteurs susceptibles d’encourager l’activisme des gestionnaires du secteur
public, voir O’Barr et Conley, supra note 31 aux pp. 185-94 et 231-32 ; Rock, supra note 26 aux pp.
479-80 ; Black et Coffee, Jr., supra note 23 t la p. 2014.
19 Montgomery, , supra note 31 aux pp. 7 et 10 ; Montgomery, Shareholder Activity, su-
pra note 41, Exhibit 2. Concemant la liste de facteurs susceptibles de d6courager l’activisme institu-
tionnel, voir supra note 61 et le texte correspondant. Les gestionnaires du secteur public situent la
crainte de la publicit6 nfaste au troisi~me rang, tandis que les gestionnaires de caisses de retraite pri-
v6es et les conseillers en placement classent respectivement ce facteur au neuvi~ve et dixi~me rang.

270 Concernant la mission de la Caisse de d6pft et placement du Qu6bec, voir supra notes 79-81 et
161-64 et texte correspondant ; concemant les situations conflictuelles et les pressions politiques aux-
quelles sont confront6s les gestionnaires du secteur public, voir Romano, supra note 26.

1997] R. CRI TE ET S. ROUSSEAU – INVESTISSEURS

INSTITUTIONNELS

933

Sud. Ces participants font remarquer qu’aucune institution canadienne n’a encore mis
en place le syst~me d’6valuation americain qui am~ne des institutions comme Cal-
PERS A publiciser annuellement une liste noire de compagnies dont le rendement est
jug6 insatisfaisant’. Voici comment deux dirigeants de la Caisse publique B pergoivent
la difference de comportement au sein de chaque milieu:

Premier interlocuteur:
When I look at the CalPERS program, they target a fair number of companies
every year [ …], ten or fifteen on their list, and they go public with it. The first
thing they do is publish the list of companies and then they start visiting the
companies. So they make it a public issue. We don’t go about in the same [ …]
kind of process […] We’re going to look at each company as unique […] No-
body wants to go public with these things in Canada. It’s a different culture
than in the U.S.

Deuxi~me interlocuteur:

We don’t think the best way to go about it, at least initially, is in the public
fashion. We would rather do it working with management. I think it’s far more
constructive, less hostile and more receptive. Nobody loses face and we try to
present ideas in a constructive fashion, i.e. ‘Have you thought of this, have you
thought of that?’ […] We find that seems to work more effectively.

La meme reticence h l’6gard d’un tel syst~me d’6valuation est exprim~e par le vice-
president de la Caisse publique C:

In Canada, it would probably be very hurtful to copy their system because
Canada is very small, it’s like a family, and if we said, “BCE is on our hit list>>
this year”, it would be like singling out a member of the family and then ad-
vertising it. You do it behind closed doors, quietly and say : “Please, can’t you
do something about this and we’ll visit you in another three months, but let us
know when it’s done”. If they still are not getting through, then maybe, in a
year and a half or two years after a certain time and pressure you finally may
have to go public, maybe leak the story to the press or call a press conference.

Pour ces gestionnaires, un dialogue discret est done pr6f~rable une intervention sur la
place publique – moyen de demier ressort. I n’est pas certain, par ailleurs, que ce
comportement differe de celui observ6 aux ttats-Unis, sugg~rent nos interlocuteurs. I1
est vrai que l’activisme institutionnel au sud de la frontire a donn6 lieu h des confron-
tations qui apparaissent plus intenses et plus largement publicis~es que celles rappor-
tees au Canada, mais on peut difficilement 6valuer la nature r6elle des relations entre
les investisseurs institutionnels et les entreprises h partir de perceptions fagonn~es en
grande partie par des comptes rendus qui mettent surtout en 6vidence ces 6v6nements
publics.

271 Au sujet des programmes d’6valuation visant plus particuli~rement les compagnies qui ont un
rendement insatisfaisant, voir U.S. Congress, The Impact of Institutional Investors, supra note 41 aux
pp. 43-44 ; Foerster, supra note 47 aux pp. 455-56 ; L. Lipin, <
> Wall Street Journal (3 octobre 1995) Cl. ; Gordon, supra note 47 A la p. 134.

934

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROITDE MCGILL

[Vol. 42

C. L’environnement Idgal
Les investisseurs institutionnels op&ent dans un environnement lgal complexe.
Dans le cadre de leurs activit~s, ils doivent respecter les r~gles 6dict6es par leurs lois
constitutives de meme que par Ia r6glementation g~nrale du droit des compagnies et
des valeurs mobili~res. Selon les auteurs qui soutiennent la th~se de Ia surr6glementa-
tionm, ce cadre r6glementaire limite l’activisme des investisseurs institutionnels t
l’6gard des entreprises et les incite
conserver une attitude passive. Selon eux, il est
n~cessaire de proc~der A une r6duction des barri~res 16gales qui limitent l’activisme des
investisseurs afin de faciliter Ia surveillance des corporations. Dans cette section, nous
examinerons sous un angle critique l’influence de ‘environnement legal sur le compor-
tement des investisseurs institutionnels. Nous verrons que Ia valeur explicative de la
thse de Ia surr6glementation parait consid6rablement r6duite lorsque l’impact des
facteurs d’ordre 6conomique et organisationnel est pris en compte.

1. La fragmentation de I’actif des investisseurs institutionnels

Tant au Canada qu’aux ttats-Unis, la rdglementation des activit6s de placement
impose des limites relatives A Ia portion des actifs que les investisseurs peuvent placer
dans des titres de compagnie, de m~me qu’au niveau des investissements qu’ils peu-
vent effectuer dans des compagnies particulires. Selon des auteurs am6ricains, ces
contraintes rglementaires empachent les investisseurs institutionnels d’acqu6rir des
participations importantes dans les titres des companies et constituent ainsi l’une des
principales sources de la passivit6 des investisseurs institutionnels ” . Elles encouragent
Ia fragmentation des placements des investisseurs institutionnels dans une multitude de
compagnies, ce qui mitige leur int~r& et leur influence.

L’un des principaux tenants de cette th6orie, Mark Roe, soutient que Ia conver-
gence depressions politiques 6manant de divers groupes d’inthets a men6 A l’adoption
de ces contraintes afin d’6viter le contr~le financier du secteur industrie'”. Selon Roe,
l’origine de ces contraintes remonte A Ia fin du XIX si~cle, alors que pr6valait aux
ttats-Unis une id~ologie populiste caract6ris6e par Ia m6fiance des citoyens A l’6gard
de la concentration du pouvoir 6conomiqu&3 . Cette id6ologie, qui favorisait la frag-
mentation du pouvoir 6conomique des institutions financi~res afin d’6viter qu’elles ne
prennent le contr6le du secteur industriel de l’dconomie, fat exploit6e par divers grou-
pes de pression susceptibles de b6n6ficier de l’adoption de contraintes r6glementai-
res”‘ . Ainsi, les petites institutions financi~res requirent 1’adoption de telles contraintes,
l’imposition d’une limite au pouvoir des grandes institutions financi~res repr6sentant

” Voir supra note 24.
273 Black, <(Shareholder Passivity>>, supra note 24 ; Black et Coffee, Jr., supra note 23 ; A. Bhide,

supra note 24 ; Grundfest, <, supra note 24 ; Roe, , supra note 24.

27 Roe, ibid aux pp. 32-48 et 52-53.
27 Ibid. aux pp. 32-36. Cette m6fiance des citoyens, que Roe d~signe par le terme < populisme>, a
d6 un 616ment d6terminant de l’adoption de Ia 16gislation sur les monopoles (antitrust) aux ttats-
Unis : R. Pitofsky, The Political Content of Antitrust>> (1979) 127 U. Pa. L. Rev. 1051.

6Roe, ibid. aux pp. 34-36 et 45-48.

11

1997] R. CRI-E ET S. ROUSSEAU – INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS

935

pour elles une occasion de croissance. Les petites entreprises, croyant atre mieux des-
servies par les petites institutions fmancires, support~rent 6galement cet objectif.

Pourtant, selon Roe, cette r6glementation demeura en place jusqu’A nos jours en
grande partie grace au soutien des dirigeants des grandes entreprises “. Leur support
provient de leur m6fiance A 1’6gard des marchds financiers, qu’ils pergoivent comme
une menace A leur pouvoir. Les dirigeants consid~rent les contraintes impos~es aux
placements des institutions fnancires comme un rempart contre l’intrusion de ces
demires dans la gestion des entreprises. Plus particulikrement, ils sont favorables au
fractionnement de l’actionnariat des compagnies publiques, puisqu’il a pour effet de
transformer les actionnaires en investisseurs passifs A 1’6gard de la gestion des compa-
gnies, ceux-ci n’ayant plus l’intdr& 6conomique pour s’y int&esser. Or, comme l’ont
not6 Berle et Means dans leur ouvrage classique The Modem Corporation and Private
‘actionnariat des compagnies profite aux dirigeants
Propert y’, le fractionnement de
en transfdrant le contr6le de la compagnie entre leurs mains, au d6triment des int6r~ts
des actionnaires2 ‘. La s6paration de la propri~t6 et du contr6le permet ainsi aux diri-
geants d’administrer la compagnie dans leur propre intdr&t sans se soucier des pres-
sions des actionnaires, ce qui menace le rendement et la compdtitivit6 des compagnies

long terme.

sidcle. D’ailleurs, comme

Meme si des contraintes 16gales 6quivalentes existent au Canada, la th~se de Roe
cadre toutefois difficilement avec la situation canadienne. L’origine de ces coniraintes
ne parait pas provenir d’une volont6 politique de tenir les institutions financi~res A
l’6cart du secteur non financier de l’conomie. Le mouvement populiste qui constitue
le point de d6part de la these de Roe a eu beaucoup moins d’ampleur au Canada
‘a fait valoir Jorge
qu’aux ttats-Unis h la fin du XD”
Niosi, il n’y a jamais eu de risque d’un contr6le financier du secteur industriel au Ca-
nada ‘8 . Lorientation commerciale et conservatrice du syst~me financier canadien, op-
pos6e au contr~le industriel, a maintenu les banques A l’6cart du secteur non financier
de l’conomie. Ainsi, traditionnellement, les banques nont pas particip6 au finance-
ment industriel. Elles n’ont pas pris part A la fondation de soci6tds, ni A leur fusion ou A
leur rdorganisation, et n’ont pas investi A long terme dans les titres des socidtds indus-
trielles. De fait, les banques canadiennes s’occupaient essentiellement de financer
l’extraction, le transport et l’6change de produits primaires pour la Grande-Bretagne.
Ainsi, les citoyens n’avaient pas de v6ritables raisons de craindre une concentration du
pouvoir 6conomique entre les mains des banques.

En outre, il faut signaler que la concentration de l’actionnariat des compagnies ca-
nadiennes a limit6 la participation des institutions fmanci~res. La propri6t6 des compa-
gnies a 6t6 historiquement partagde entre, d’une part, les riches familles canadiennes, et
d’autre part, les soci6tes am6ricaines qui avaient traditionnellement la mainmise sur les

2″n bid Alap. 46.
27 Supra note 17.
279 Voir Roe, Strong Managers, Weak Owners, supra note 24 aux pp. 26-49.
no R.A. Shearer, J.F Chant et D.E. Bond, The Economics of the Canadian Financial System, 2! &.,

Prentice-Hall Canada, Scarborough, 1984 aux pp. 296-98.

j. Niosi, Le contrdlefinancier du capitalisme canadien, 2 6d., Qu6bec, P.U.Q., 1982.

936

MCGILL LAW JOURNAL! REVUE DE DROITDE MCGILL

[Vol. 42

industries manufacturi~re et mini~re, laissant peu de place aux institutions financi6-
res ‘2. L’actionnariat des compagnies canadiennes demeure toujours concentr6, comme
le d6montre une 6tude r6cente qui a examin6 766 compagnies canadiennes publiques et
privdes et qui indique que prbs de 77% d’entre elles sont assujetties A un contr6le de
fait on de droit de la part d’un seul actionnaire”.

Au Canada, l’origine de la r6glementation des placements des investisseurs insti-
tutionnels ne semble donc pas d6couler d’une volont6 politique de tenir les institutions
financires A l’6cart du secteur non financier de
l’6conomie. Par ailleurs,
l’identification des facteurs qui ont motiv6 l’61aboration de cette r6glementation est une
question complexe qui d6passe le cadre du prdsent texte. Mentionnons n6anmoins que
des objectifs de politique publique, tel le maintien de la solvabilit6 des institutions fi-
nanci~res et de la confiance du public, ont motiv6 la r6glementation des institutions fi-
nanci~res ds les d6buts du syst~me financier. En effet, les barrires 16gales peuvent
8tre perques comme un moyen d’assurer une gestion prudente des actifs d6tenus en fa-
vorisant la division des risques= . Selon Edward Neave, il est 6galement possible de
rattacher 1’existence de limites impos6es aux investisseurs en mati~re de placements ?
1’6tablissement et au fonctionnement du syst~me de r6glementation des piliers finan-
ciers –
les assurances, les services fiduciaires, les valeurs mobili~res et l’activit6 ban-
caire –
qui a pr6valu au Canada jusqu’au milieu des ann6es 19802″. A son avis, les
restrictions A la taille des investissements sont une des m6thodes utilisdes par le 16gisla-
teur pour empcher l’interpropri6t6 des institutions financi~res, interpropri6t6 qui leur
permettait de prendre le contr~le d’institutions offrant des services diffdrents et de cr6er

2″ D. Francis, Controlling Interests – Who owns Canada?, Toronto, Macmillan, 1986 aux pp. 4-5 ;
W. Clement, The Canadian Corporate Elite- An Analysis of Economic Power, Toronto, McClelland
& Stewart, 1975 aux pp. 125-71. Par exemple, en 1985, neuf (9) families contr6laient 46% des com-
pagnies constituant le TSE300. Taking Aim at Takeoversi> MacLean’s (29 avril 1985) 36. Cette si-
tuation est toutefois en voie de changer G. Lanphier, > Rev. de la Ban-
que du Can. (hiver 1992-93) 21 ; Quebec, Minist&e des finances, L’appui au secteur financier: des
dividendes pour le Quibec, Qudbec, 1993 aux pp. 58-73 ; D. Froment, Les grandes 6tapes du dacloi-
sonnement des institutions financi~res,> LesAffaires (22 ma 1993) B2.

1997] R. CR-TE ET S. RoussEAu – INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS

937

ainsi un conglomdrat exerqant les quatre fonctions financiees? ‘ . Cette hypothse de-
meure toutefois marginale et mdriterait d’etre examinde de manibee plus approfondie.

De plus, la thbse de Mark Roe ne tient pas suffisamment compte des rdalitds des
industries dans lesquelles ces investisseurs font affaires. C’est ce que soulignent plu-
sieurs critiques qui soutiennent que les investisseurs institutionnels ne d6sirent pas ac-
qu6rir des participations importantes dans des compagnies individuelles parce que cette
pratique est incompatible avec leur intdr& 6conornique :

Even before the rules were changed, however, institutional investors were not
using their power in ways that increased the value of porfolio firms for share-
holders – or their own beneficiaries. Had they been doing so, proponents of
restrictive legislation could not have cloaked themselves so effectively in the
mantle of investor protection. Instead, institutional control appeared to be in-
consistent with profitable investment, a view that is reflected in today’s model
of the passive professional institutional investor.

Dans ce contexte, il est permis de douter que ‘abolition des contraintes rglementaires
qui limitent la concentration des placements des investisseurs institutionnels r6sulterait
en un plus grand activisme. L’impact des contraintes rglementaires demeure d’ailleurs
incertain lorsque sont analysdes les caractdristiques des institutions auxquelles elles
s’appliquent. 11 semble en effet que ces institutions puissent acqudrir des participations
importantes dans des compagnies
individuelles malgr6 ces restrictions. Elles
s’abstiennent toutefois d’acqu6rir de telles participations pour d’autres motifs que nous
mettrons en 6vidence.

Les banques poss~lent des actifs de plus de 770 G$ dont seulement 1,32% est in-
vesti sous forme d’actions”. Selon la Loi sur les banques, elles ne peuvent ddtenir plus
de 25% des actions d’une seule compagnie ou contr6ler plus de 10% de ses actions
votantes”. Elles ne peuvent non plus investir plus de 70% de leur actif dans des ac-
tions’. Historiquement, les banques n’ont consacr6 qu’une faible portion de leurs ac-
tifs aux actions de compagnies”‘. Pourtant, les contraintes limitant les placements des

2 E.H. Neave, Canada’s Financial System, Toronto, John Wiley & Sons Canada Ltd., 1981 k lap.
86. Voir aussi Conseil Economique du Canada, Les marchisfinanciers canadiens et la mondialisa-
tion, supra note 1 t la p. 26 et s.

2″ Garten, supra note 23 aux pp. 620-21. Voir aussi A.G. Estreicher, Beyond Agency Costs : Ma-

naging the Corporation for the Long Term > (1993) 45 Rutgers L. Rev. 513 aux pp. 543-47.

2 MacIntosh, Corporate Governance , supra note 2 a la p. 181.
9 Loi sur les banques, L.C. 1991, C. 46, art. 10, 466(1).
2 Ibid., art. 478.
9′ C’est durant l’expansion des chemins de fer entre 1900 et 1915 que les banques ont effectu6
leurs plus importants investissements en actions. Ils ne repr6sentaient n6anmoins qu’environ 5% de
leurs actifs. Aprbs la faillite du Canadian Northern et du Grand Tronc, a cette dpoque, les banques se
sont d6parties de leurs actions pour n’y jamais revenir. J. Niosi, supra note 281 aux pp. 23-27. Certai-
nes banques ditiennent des investissements significatifs dans des compagnies particuli~res ; elIes ne
sont toutefois pas nombreuses, selon notre recherche dans la banque de donnees Disclosure, A jour en
avril 1996. Par exemple, mentionnons que la Banque Nationale du Canada datient 15,66% des actions
de Sodisco-Howen Group, et que la banque CIBC d6tient 9,9% des actions de Canadian Turbo (1993)
Inc. et 13% de Tut Enterprises Inc.

938

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL

[Vol. 42

banques sous forme d’actions ne datent que de 1967′. Auparavant les banquiers ont
toujours eu la pleine libert6 de leurs placements, tant sur le plan l6gislatif que financier.
De fait, les lois sur les banques 6taient forg6es par les banquiers avec l’accord du gou-
vemement. Ainsi, ce sont les banques elles-m~mes, respectant la tradition britannique,
qui se sont abstenues d’effectuer des placements importants dans les titres des compa-
gnies’
. Rappelons que les banques commerciales anglaises ne s’occupent que
d’affaires bancaires et ne se soucient pas de s’immiscer dans l’industrie. Elles sont
simplement des institutions de prt qui ne participent pas aux affaires ni n’exercent de
contr~le sur les entreprises, sauf lorsque leurs prets sont menac6s”. La Commission
royale d’enquete sur le syst~me bancaire et financier rdsume bien l’adh6sion des ban-
la tradition britannique en ce qui conceme leurs activit6s de place-
ques canadiennes
ments: <>’. Pour
cette raison, les banques canadiennes ont depuis toujours manifest6 un d6sint6r& en-
vers les actions de compagnies et le contr6le industriel, quoique cette tendance risque
de changer dans les annmes A venir.

Les compagnies d’assurance-vie, pour leur part, ne peuvent placer plus de 25% de
leurs actifs en titres de compagnies, ni plus de 15% de ces actifs dans les titres d’une
seule compagnie . De plus, elles ne peuvent d6tenir plus de 30% des actions votantes
d’une compagnie. Se conformant A ces contraintes, les compagnies d’assurance-vie in-
vestissent une proportion significative de leurs actifs en actions, soit pros de 20% des
160 G$ d’actifs dont elles ont la gestion7′.

Jusqu’A tr s r6cemment, elles n’avaient toutefois jamais consacr6 une importante
portion de leurs actifs aux investissements en actions. Leur dirigeants prif6raient as-
sortir les termes de leurs placements A ceux de leurs engagements, qui sont pour la plu-
part de longue duroc”. Ainsi, ils ont traditionnellement investi la majeure partie des
actifs qu’ils g&aient sous forme d’obligations et de crances hypoth~caires A long
terme. De plus, ils 6taient plut6t rticents face A l’investissement industriel impliquant

‘ J. Niosi, supra note 281 aux pp. 23-27 ; E.R Neufeld, The Financial System of Canada –

Its

Growth and Development, Toronto, Macmillan, 1972 A lap. 133.

‘ Les banques doivent maintenir une partie de leur actif en placements liquides pour pallier A
d’6ventuels retraits massifs des d6posants, ce qui peut dgalement les inciter A limiter la taille de leurs
participations dans les titres de compagnies. Voir , supra note 16 aux pp. 426-27. Pour une autre
explication, voir Black et Coffee, Jr., supra note 23 aux pp. 2079-81.

Niosi, supra note 281 aux pp. 15-16.
Canada, Rapport de la Commission royale d’enquete sur le systlme bancaire etfinancier, Otta-

wa, Imprimeur de la Reine, 1964

la p. 141.
‘. Niosi, supra note 281 aux pp. 23-25.
Voir par exemple Loi sur les assurances, L.R.Q. c. A-32, art. 244-45.
MacIntosh, <>, supra note 2 A lap. 182.
J. Armstrong, <> Rev. de la Banque die Canada

(printemps 1994) 55 A lap. 62.

1997] R. CRETE ET S. RoussEAu- INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS

939

des risques et consid6raient que les titres de compagnies ne constituaient pas des pla-
cements appropri6s pour leurs compagnies, en raison de leur obligation de prudence ‘.
L’ancienne r6glementation applicable h ces institutions incitait d’ailleurs les dirigeants
h avoir une telle attitude. En effet, les vieilles r~gles exigeaient que les placements
soient effectu6s conform6ment aux directives fond6es sur la notion de placements ad-
mis (legal for life)’. Les placements qui n’6taient pas autoris6s pouvaient 8tre effectu6s
uniquement s’ils faisaient partie d’un panier dont la taille 6tait limit6e. Mme si cette
r6glementation a 6t6 abandonn6e au profit du principe de gestion prudente du porte-
feuille, les dirigeants des compagnies d’assurance-vie demeurent r6ticents A effectuer
des placements substantiels dans des compagnies individuelles, ce qui diminue
l’influence que leurs institutions peuvent exercer a l’6gard de la r6gie d’entreprise .

De leur c6t6, les fonds communs de placement A capital variable on fonds
mutuels>>, qui ont connu une croissance spectaculaire au cours des vingt derni~res
ann6es, g~rent des actifs de plus de 146 G$’. Les fonds mutuels investissent pros
de 75% de leurs actifs en actions, dont 36% en actions canadiennes 5 . Les fonds
mutuels sont assujettis A des restrictions particuli~rement contraignantes qui limi-
tent la concentration de leurs investissements dans des compagnies pr6cises. Ils
ne peuvent d6tenir plus de 25% des actions d’une seule compagnie, ou plus de
10% de ses actions votantes”. De plus, ils ne peuvent investir plus de 10% de
leur actif dans les titres d’une seule compagnie 7, ni d6tenir de titres dans le but

J. Niosi, supra note 281 aux pp. 35-37. De 1963 b 1991, les compagnies d’assurance-vie n’ont
jamais consacr6 plus de 10% de leur actif aux placements en actions. Macintosh, Corporate Gover-
nance >, supra note 2 A lap. 182.

0′ E.R Neufeld, supra note 292 aux pp. 258-85. Voir par exemple Loi sur les assurances, supra

note 297, art. 285.2.

o2 Ce type de r6glementation, qui existe encore en Ontario, dnumre la liste des placements pennis,
lesquels sont d6finis en tenant compte du statut de l’dmetteur et de la s6curit6 des placements : Insu-
rance Act, R.S.O. 1990, c. 1-8, art. 433((1)n). Voir en g6n6ral Stikeman, Elliott, Legal for Life: Insti-
tutional Investment Rules in Canada, Scarborough, Carswell, 1992.

“‘Voir en ce sens Roe, Strong Managers, Weak Owners, supra note 24 aux pp. 60-93. Une recher-
che sur la banque de donn~es Disclosure, juin 1996, n’a r6v616 aucun placement de plus de 10% pour
les plus grandes compagnies d’assurance-vie. Meme si cette banque de donndes n’est pas exhaustive,
cette recherche permet h toute le moins de constater que les placements substantiels des compagnies
d’assurance-vie ne sont pas nombreux.

‘ En anglais, ces fonds portent le nom. open-end funds. L’autre type de fonds commun de place-
ment est la soci6t6 de placement A capital fixe ou closed-end funds qui est plut6t rare au Canada. Voir
M.R. Gillen, Securities Regulation in Canada, Scarborough, Carswell, 1992 aux pp. 391-92 ; J.E.
Hatch et M.J. Robinson, Investment Management in Canada, 2! d., Scarborough, Prentice-Hall,
1989 t la p. 672 ; Investment Funds Institute of Canada, December 1995 Statistics, supra note 9 ;
Fine et Zelmer, supra note 9 t lap. 61 ; D. Slocum, The [Toronto]
Globe andMail (17 novembre 1993) B10.

73.4% de l’actif des fonds mutuels est investi en actions ; Investment Funds Institute of Canada,
December 1995 Statistics, supra note 9 ; Macintosh, , supra note 2 A la p.
186.

Instruction gingrale C-39, art. 2.04(1)b) dans Can. Sec. L. Rep., North York, CCH Canadian

Ltd., par. 470-039.

o’Ibid., art. 2.04(1)a).

940

MCGILL LAW JOURNAL!REVUE DE DROIT DE MCGILL

[Vol. 42

d’exercer le contr6le d’une compagnie 8. Enfin, lorsqu’ils investissent des fonds
provenant de caisses de retraite ou des fonds admissibles au r6gime enregistr6
d’6pargne retraite (REtR), les fonds mutuels ne peuvent placer plus de 20% de
ces fonds i l’6tranger, en vertu de la Loi de l’impt sur le revenu’.

A ces contraintes r6glementaires, il faut ajouter la n6cessit6 pour les fonds mutuels
de ddtenir des placements liquides, ce qui contraint ces investisseurs A fractionner leurs
placements. Les 6pargnants qui investissent dans un fonds mutuel peuvent retirer leurs
capitaux A tout moment lorsqu’ils ne sont plus satisfaits du rendement”. Le caract&e
impr~visible de ces retraits oblige donc les fonds mutuels A ddtenir essentiellement des
placements faciles liquider rapidement sans cofits importants”‘.

Malgr6 ces contraintes r6glementaires et les exigences de l’industrie, il est possible
pour les fonds mutuels de ddtenir des placements importants dans des compagnies par-
ticuli~res. Une soci6t6 de gestion de fonds mutuel peut 8tre le promoteur de plusieurs
fonds mutuels g&ds ind6pendamment”‘. Chacun de ces fonds mutuels doit alors res-
pecter les seuils 6tablis par la r6glementation. Cependant, la soci6t6 qui est le promo-
teur de ces fonds d6tient le contr6le ultime, ce qui lui permet d’influencer le vote des
titres d6tenus et ultimement la gestion des entreprises. Une telle soci6t6 peut 6galement
agir
titre de gestionnaire de portefeuille et d6tenir ainsi le contr6le sur les titres gdr6s
pour le compte des clients qui en sont les vdritables propri~taires. Le rassemblement
des titres que ddtiennent de cette fagon les socidtds de fonds mutuels permet de consta-
ter que plusieurs d’entre elles poss~dent des placements significatifs dans des compa-
gnies3 ‘ . Ainsi, d’importantes socid6ts de gestion de fonds mutuels telles Altamira Ma-
nagement, Mackenzie Financial Management Corporation et Trimark peuvent d6tenir
directement ou indirectment le contr~le de plus de 10% des votes de nombreuses com-
pagnie 3 .

Supra note 207, art. 180.

m’ Ibid, art. 2.04(8).
3 Gillen, supra note 304 aux pp. 391-92 ; Hatch et Robinson, supra note 304 A lap. 683.
… MacIntosh, <>, supra note 2 aux pp. 164-66.
3′ Hatch et Robinson, supra note 304 A ]a p. 673 ; MacIntosh, <(Role of Institutional Investors>, su-

pra note 16 aux pp. 392-95.

313 MacIntosh, ibidl ; K.A. Malatest, <(Mutual Fund Developments>> dans New Developments in Se-
curities Regulation, Policy and Practice, Toronto, Insight Press, 1996, 313. La Commission des va-
leurs mobili~res ontarienne (C.VM.O.) a propos6 que les titres des socidts de fonds mutuels ne
soient pas agr~g~s aux fins de l’application des r~glementations des offres publiques d’achat et des
initi~s lorsque les fonds mutuels d6tiennent ces titres de manire ind6pendante les uns vis-h-vis des
autres. <(Early Warning System and Related Take-Over Bid, Insider Trading and Control Block Dis- tribution Issues> (1995) 18 O.S.C.B. 4887.

,, A titre d’exemple, Altamira Management d6tient 12,5% des actions de Joss Energy, 16,3% et
d’Orvana Minerals. Mackenzie Financial Corporation poss~le 18,9% des actions de Computalog,
20,6% de Dakota Mining, 13,1% de Geomaque Explorations, 20% de Minnova, 15% de Nowsco
Well Service, 10,5% de Numac Oil & Gas, 15,9% de Rea Gold, 12,4% de Russel Metals, et 20,6% de
Serenpet. Templeton Management d6tient 10,1% des actions de Primex Forest Products. Trimark In-
vestment Management possMe 10,4% des actions de Co-Steel, 11,8% de Silcorp, 10,2% de Tarragon

1997] R. CRTE ET S. RoussEAu – INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS

941

Mme si les fonds mutuels ont connu une forte croissance au cours des dernires
anndes, faisant d’eux des participants de premier plan au march6 des valeurs mobili6-
res, les caisses de retraite demeurent n6anmoins les plus importants investisseurs insti-
tutionnels canadiens ‘ . En 1995, les 100 plus grandes caisses de retraite poss~daient
des actifs de 304 G$, dont 28% 6tait investi en actions canadiennes pour une valeur de
84 G$, repr6sentant 20% du march6 des valeurs mobilires”‘ . Les caisses de retraite ne
peuvent investir plus de 10% de leurs actifs dans les titres d’une seule compagnie, ni
d6tenir plus de 30% de ses actions votantes ‘7.Tris peu de caisses de retraite d6tiennent
des investissements significatifs dans des compagnies particuli~res ‘8. De fait, ce sont
uniquement les caisses de retraite publiques qui paraissent effectuer de tels place-
ments ‘ . Outre OMERS et Teachers qui d6tiennent, comme nous l’avons vu, des in-
vestissements importants dans de nombreuses compagnies, certaines caisses de retraite,
comme celles du Canadien National et d’Hydro Ontario, possmlent plus de 10% des
actions de quelques compagnies”z’.

Plusieurs facteurs contribuent A limiter la concentration des placements des caisses
de retraite dans des compagnies particuli~res. Tout d’abord, les politiques de placement
des caisses de retraite, 6tablies conform6ment au principe de gestion prudente du porte-
feuille, restreignent g6n~ralement la r6alisation de placements importants afin d’assurer
la diversification des portefeuilles32 ‘. En ce sens, le dirigeant de la Caisse privie A
mentionnait ceci : <[w]e never have holdings over 10%. Period. Our policy, statements all say : "Not over 10%". It's for diversification reasons, to make sure we have ade- quate diversification . Oil & Gas, et 15,4% de Toromont Industries. Ces donn~es ont 6t6 recueillies A partir de la banque de donnes Disclosure, avril 1996. 31 De Leon, supra note 7 A la p. 42 ; K.E. Montgomery et D.S.R. Leighton, , National Centre for Management Re-
search and Development, Western Business School, The University of Western Ontario, 1993 aux pp.
6-8 [ci-apr~s Institutional Shareholders in Canada, Part I> ; MacIntosh, Corporate Governance ,
supra note 2 aux pp. 147-49.
316 Bak et Dempsey, supra note 8 t lap. 49.
“‘ L.R.C.R., supra note 83, art. 172 et 175 ; Pension Benefits Act Regulation, R.R.O. 1990, c. P-8,
Reg. 909, art. 70(1) et 72(1) ; S.G. Seller, Ontario Pension Law Handbook, Aurora (Ont.), Canada
Law Book, 1994 aux pp. 107-109.

31 De Leon, supra note 7 A la p. 42.

Montgomery et Leighton, (1994) 4 J. Port. Mgmt. 89.

” Coffee, Jr., Liquidity versus Control , supra note 26 A la p. 1329 ; Matheson et Olson,
> demeurent difficiles A d6finir.

..7 Voir supra note 24 et texte correspondant.
… La collaboration entre investisseurs permet, entre autres, de rdpartir les coflts de ces interven-
tions, de m~me que de leur confdrer un impact plus substantiel. L’6tude men6e par Montgomery indi-
que que
‘action collective est le second moyen le plus utilis6 par les investisseurs institutionnels pour
influencer les compagnies dont ils d6tiennent des titres. Montgomery, <>, supra note 31
lap.
8.
329 Outre les travaux des professeurs Black et MacIntosh, voir les textes rpertori6s, supra note 24.
‘ Black, Shareholder Passivity>>, supra note 24 ; Macintosh, supra note 24.
‘ L.V.M., supra note 83, art. 89-91 ; L.C.S.A., supra note 37, art. 126(1). Le seuil fix6 par la
L.C.S.A. est de 10%, mais nous employons celui de la L.V.M. puisqu’il est plus exigeant. Sur la d6-
finition d’initi6, voir V.P. Alboini, Securities Law and Practice, vol. 1, Agincourt, Carswell, 1984
(mise Ajour 1996) au para. 1.17[e].

.3. Koval, supra note 15 aux pp. 40-41. I1 pourrait en 8tre ainsi lorsqu’un groupe d’investisseurs
institutionnels decide d’6tablir une convention de vote fiduciaire. Voir Alboini, ibid, para. 1.17[e.2] ;
P. Chesnay, >, Service de la formation permanente,
Barreau du Quebec dans Ddveloppements ricents en droit commercial, Cowansville, Yvon Blais,

MCGILL LAW JOURNAL! REVUE DE DROITDE MCGILL

[Vol. 42

L’acquisition du statut d’initi6 emporte certaines obligations pour l’investisseur,”‘
dont celle de produire des declarations indiquant l’tendue de son intr&t dans les va-
leurs mobilires de la compagnie ‘ . Ces declarations doivent atre mises 4t jour chaque
fois que son int6r& chang&3″. Ainsi, un investisseur institutionnel qui est initi6 auprbs
d’une compagnie doit, apr s avoir fait une premiere d6claration d’initi6, effectuer ]a
mise Ajour de cette declaration chaque fois qu’il effectue une transaction sur les titres de
la compagni&. En outre, les initi~s ne peuvent pas raliser des oprations sur les titres
de la compagnie lorsqu’ils disposent d’une information privil6gi6e relative ht ces titres,
ni communiquer cette information, sans s’exposer t des sanctions de nature administra-
tive, civile ou p~nale pr6vues par la L.V.M. et la L.C.S.A”‘. Cette prohibition s’6tend
aussi aux personnes qui, de par les relations qu’ils ont avec les entreprises ou avec leurs
initi~s, peuvent acqurir des informations privil6gi6es. Aux fins de cette r6glementation,
l’information privil6gi~e est d6finie comme 6tant >3 ‘.

Selon les auteurs qui soutiennent la thse de la surr6glementation, les r~gles relati-
ves aux offres publiques d’achat (OPA) influencent 6galement le comportement des in-
vestisseurs institutionnels en rendant on6reuse 1’acquisition de participations importan-
tes dans les titres des entreprises et la coordination de leurs actions39. Cette r6glemen-
tation s’applique ds que la participation d’un investisseur dans les titres d’une compa-
gnie devient 6gale ou sup6rieure h 10%’. Le cas 6ch6ant, il est tenu de divulguer
1’6tendue de cette participation ainsi que toute augmentation de la participation sup-

1991 b la p. 51 ; Rousseau, Analyse, supra note 41 aux pp, 148-50. Les soci6t6s de fonds mutuels qui
ddtiennent indirectement le contr61e des titres d6tenus par les diff~rents fonds mutuels dont elles sont
les promoteurs posent un probl~me particulier A cet 6gard. La Commission des valeurs mobilires de
l’Ontario a rdcemment propos6 de ne pas proc&Ier A l’agrdgation des titres d~tenus indirectement par
les soci6t~s de fonds mutuels aux fins de l’application de la r~glementation sur les initi~s. (Early
Warning System and Related Take-Over Bid, Insider Trading and Control Block Distribution Issues>,
supra note 316.
333 Voir P. Fortugno, (La transaction d’initi6 et l’information privil6gi~e : un d6fi A relever en droit
qudb6cois>> (1989) 49 R. du B. 703 aux pp. 716-27.
3″ L.VM., supra note 83, art. 96 ; L.C.S.A., supra note 37, art. 127(1).
’33 L.V.M., ibid., art. 97 ; L.C.S.A., ibiL, art. 127(4). Au d6but des annes 1980, l’omission par la
Caisse de dep6t de produire des d6clarations d’initi6s a dt6 sanctionn~e par ]a Commission des va-
leurs mobilires de l’Ontario A la Caisse de d6p6t : In the Matter of the Caisse de ddp6t etplacement
du Quebec (1982), 4 O.S.C.B. 429-c-431-c.

336A moins de bdn6ficier d’une dispense de cette obligation: L.V.M., supra note 83, art. 99, 100.
Ibid., art. 187, 204, 226, 227, 264 et 272.1. La L.C.S.A ne dispose que d’un recours civil
L.C.S.A.,.supra note 37, art. 131(4). Voir M.R. Gillen, Sanctions against Insider Trading: A Proposal
for Reform>> (1991) 70 R. du B. Can. 215.
33 L.V.M., supra note 83, art. 5 ; L.C.S.A., supra note 37, art. 131(4). Voir R. Crate et M. Weiss,
Qu’est-ce qu’une information privil6gie en mati~re d’op6rations d’initi6s?>> (1989) 15 Can, Bus.
LJ. 385.

‘ Black, Shareholder Passivity>, supra note 24 ; MacIntosh, >, su-

3

pra note 16.

3, L.C.S.A., supra note 37. Cependant, le seuil selon la L.V.M. est dtabli A 20%, supra note 83, art.

19971 R. CR-TE ET S. ROUSSEAU – INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS

945

rieure A 2%”. De plus, lorsqu’une personne propose d’acqu6rir les titres d’une compa-
gnie de manire prendre ou
renforcer une participation 6gale ou supdrieure A 20%
dans une cat6gorie de titres comportant des droits de vote, elle doit proc&ler par voie
d’OPA, h moins de b6n6ficier d’une dispense 2.

Pour 6valuer la participation d’une personne, il est n6cessaire d’ajouter aux titres
qu’elle possde ceux que possdent ses alli6s, ainsi que ceux qu’elle-mme ou ses al-
lies contr6lente. La L.V.M. consid~re notamment comme a1lies les compagnies du
mame groupe, les gens avec qui une personne a des liens, de meme que toute personne
agissant de concert avec elle. Selon l’article 111(3) L.V.M., est pr~sume agir de con-
cert avec l’auteur d’une offre, la personne qui, suite h une entente avec ce dernier ou
avec l’un de ses alli6s, acquiert des titres de la cat6gorie sur laquelle porte l’offre ou
compte exercer de concert avec lui, ou avec l’un de ses alli6s, les droits de vote aff6-
rents a ces titres’. Ainsi, les actionnaires qui se r~unissent pour effectuer une interven-
tion A l’6gard d’une compagnie courent le risque d’8tre qualifi6s d’alli6s les uns des
autres parce qu’ils agissent de concert. Le cas 6ch6ant, la ddtermination de leurs parti-
cipations dans les titres de la compagnie vis~e, en regard des r~gles relatives aux OPA,
devra se faire en consid6rant celles de leurs allies.

Enfin, la r~glementation de la sollicitation des procurations constitue un autre obs-
tacle 16gal qui est fr~quemment cit6 par des auteurs comme pouvant nuire A l’activisme
des investisseurs institutionnels ‘ . Rappelons tout d’abord que ce r6gime permet aux
actionnaires de se faire representer et de voter par fond6s de pouvoir, d6tenteurs de

L.VM. qui sont plus contraignantes que celles de la L.C.S.A.

‘4 L.V.M., ibiL, art. 147.11 et 147.12. Nous traiterons essentiellement des rfgles &lictdes par la
“Ibid., art. 110. Voir V. Loungnarath, supra note 152 aux pp. 203-06.
-> IbiL, art. 111(1) ; L.C.S.A., supra note 37, art. 194. Le contr6le peut provenir du fait qu’ils peu-
vent exercer le droit de vote affdrent A ces titres.

L.V.M., ibiL, art. 5(liens), 9(3) (groupe de compagnies) et 111(2). La Commission des valeurs
mobilires de l’Ontario a propos6 de ne pas proc&ler A l’agr6gation des titres detenus par les societes
de fonds mutuels qui sont les promoteurs de plusieurs fonds mutuels aux fins de l’application de la
rdglementation des offres publiques d’achat. , supra note 313.

incluant, notamment, les conventions de vote fiduciaire –

3, 1Rdcemment, le Comit6 consultatifjuridique aupr s de la C.V.M.Q. a 6mis un avis destin6 A clari-
fier ]a notion d’agir de concert qui a rarement fait l’objet d’interpr6tation par les tribunaux ou la
C.V.M.Q. Dans cet avis, le comit6 a indiqu6 que la conclusion de conventions entre actionnaires dans
un but precis –
cr6ait habituellement une
prdsomption d’agissement de concert. En outre, le comit6 a indiqu6 que des engagements r.ciproques
de voter en faveur des candidats respectivement suggerds par certains actionnaires pour si6ger au con-
seil d’administration pourraient donner lieu au concept d’agir de concert. Dans un tel cas, le comit6
ajoute toutefois qu’il faudrait r6viser Ia conduite des operations r6guli~res de la soci6t6 pour d6ter-
miner s’il y a, ou non, influence ou contr6le de la part des actionnaires lies par ces engagements et,
ainsi, “agissement de concert’ . Avis. Proc~s-verbal d’une rencontre du comit6 consultatif juridique
concemant l’application du titre IV de la Loi sur les valeurs mobili~res
(1992) 23:3 B.C.V.M.Q. 2.
Voir aussi P. Chesnay, supra note 332 aux pp. 60-61.

‘ Ibid ; Black, Shareholder Passivity>, supra note 24 aux pp. 53641 ; G.W. Dent, >’. En r6sum6, les r~gles 6dic-
t6es exigent que chaque fois qu’une assembl~e d’actionnaires est convoqu6e, l’avis de
convocation soit accompagn6 d’un formulaire de procuration et d’une circulaire de
procuration de la direction3 . En outre, toute personne qui proc6de A la > doit envoyer une circulaire de procuration aux actionnaires, 6galement
appelde circulaire de dissident

‘.

L’expression > est d6finie lib&alement par ]a L.V.M.
et la L.C.S.A. Selon la L.V.M., cette expression inclut >” ‘. La
L.C.S.A., pour sa part, d6finit cette expression comme signifiant notamment toute
‘obtention, du refus ou de la r6vocation
communication aux actionnaires en vue de
d’une procuration”. Selon plusieurs, ces termes sugg&ent qu’une communication peut
etre qualifi6e de sollicitation, qu’elle soit effectu6e oralement ou par 6crit”. De plus, il
semble que ces d6finitions soient suffisamment larges pour couvrir des communica-
tions qui ne visent pas sp6cifiquement l’obtention, le refus ou la r6vocation d’une pro-

37 L.V.M., supra note 83, art. 81 ; L.C.S.A., supra note 37, art. 148(1). Voir en gn6ral Crete, supra

note 35 A la p. 61 et s.

M. Martel et P Martel, La compagnie au Quebec – Les aspects juridiques, ldition spteiale,

Montrdal, Wilson & Lafleur, 1994 aux pp. 743-44.

3,9 Ibid a la p. 745.
3″ L..M., supra note 83, art. 81 ; L.C.S.A., supra note 37, art. 149. Une copie de la circulaire doit
8tre d6pos~e auprbs de la C.V.M.Q. ou du directeur charg6 de rapplication de la L.C.S.A. Reglement
sur les valeurs mobiliares, (1983) 115 G.O. I, 1511, art. 154 (tel que modifif) ; L.C.S.A., supra note
37, art. 150(2) ; Rfglement sur les valeurs mobiliares, ibid., n. 632, annexe VIII ; Rglement sur les
socijdts par actions de rigimefdiral, (1979) 113 Gaz. Can. II, 1389, art. 35. Le contenu des circu-
laires de procuration varie en fonction de l’ordre du jour de l’assemblde des actionnaires. Mention-
nons qu’elles peuvent contenir des renseignements concernant
les candidats aux postes
d’administrateurs, la r6mun~ration des dirigeants, les initids de la compagnie, le vdrificateur de la
compagnie, ainsi que tout autre renseignement concemant les points A l’ordre du jour. Voir Crete, su-
pra note 35 aux pp. 88-164.

pros de 15 porteurs de titres ou moins).

… L.V.M., ibid, art. 82-83 ; L.C.S.A., ibid., art. 147 et 150 (dispense pour ]a sollicitation faite au-
112 L.V.M., ibid., art. 82(2).
3 3 L.C.S.A., supra note 37, art. 147.
3, Alboini, supra note 331, vol. 2, par. 19.1.2 ; Crete, supra note 35 A la p. 40. C’est d’ailleurs la
position d’Industrie Canada, qui reconnalt qu’une simple discussion entre actionnaires peut constituer
une sollicitation. Industrie Canada, Communications relatives aux actionnaires et sollicitation de pro-
curations, Document de consultation (http:/Iinfo.ic.gc.ca/ic-data/marketplace/cbca/share/toc-e.html),
Aofilt 1995, par. 122 [date d’accb-s 5 mai 1997].

1997] R. CR-TE ET S. RoussEAu – INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS

947

curation, mais qui font partie d’un processus menant h la solicitation et qui en condi-
tionnent le succ~s” ‘. Autrement dit, comme le remarque Alboini, la notion de sollicita-
tion inclut des communications <[that] may not specifically request a proxy, or may not specifically request the execution, non execution or revocation of a proxy>3 .

I1 va sans dire que l’6tendue de cette d6finition crde de l’incertitude pour les ac-
tionnaires qui ddsirent discuter des affaires d’une compagnie. Consciente des difficul-
t6s soulev6es par la r6glementation de la sollicitation des procurations, Industrie Cana-
da se propose d’emboiter le pas A la Securities and Exchange Commission (S.E.C.) des.
Etats-Unis et de modifier cette r6glementation pour permettre aux actionnaires de dis-
cuter collectivement de l’opportunit6 d’interventions A l’6gard d’une compagnie sans
risquer de d~clencher I’application des r~gles du rdgime des procurations “7.

3. Quelques effets potentiels des contraintes sur les investisseurs

institutionnels

Si les contraintes lgales recensdes par les tenants de la thbse de la surrdglementa-
tion paraissent insurmontables en raison de leur nombre, leur impact rdel m6rite cepen-
dant d’etre questionn6 lorsqu’on constate que l’activisme des investisseurs institution-
nels n’a cess6 de croitre au cours de la dernibe ddcennie’.

La r6glementation relative aux initids et aux offres publiques d’achat peut avoir un
impact sur les choix des investisseurs institutionnels en ddcourageant la r6alisation de
placements importants dans des compagnies particuliees. D’une part, les investisseurs
qui d6tiennent des placements reprdsentant plus de 10% des actions d’une compagnie
sont tenus de respecter les obligations de divulgation pr6vues par cette r6glementation.
Or, sans 6tre n6cessairement trbe ondreuses, ces obligations peuvent alourdir les opdra-
tions des investisseurs institutionnels qui g~rent d’importants portefeuilles d’actions et
qui doivent remplir de nombreuses ddclarations relatives A l’tendue de leur intdr&
dans les titres des compagnies de leurs portefeuilles. De plus, les investisseurs perdent

… S.E.C. c. Okin (1943), 132 F. 2d 784 A lap. 786. Voir aussi Crte, ibid aux pp. 41-42 ; L. Getz,
oProxies – The Meaning of Solicitation>> (1975-76) 1 Can. Bus. L.J. 472 A la p. 476.

– Alboini, supra note 331, vol. 2, para. 19.1.2. Black exprime ainsi 1’6tendue de cette d6finition:
(<, supra note 24 A lap. 537). Voir par exemple Brown c. Duby (1980), 28 O.R. (2′) 745, 111 D.L.R.
(3) 418 (H.C.).

. Industrie Canada, supra note 357, par. 126-132 et 136. Sur la rglementation am6ricaine, voir
>, Exchange Act Release No. 29,315, dans CCH,
Fed. Sec. L Rep., par. 84811 (17 juin 1991, Transfer Binder) ; S.E. Clark, ((Push Comes to Shove on
Proxy Reform>> Institutional Investor (avril 1991) 83 ; F. Hawthorne, (1992) 18 J. Corp. L.. 1 ; T.W. Briggs, Shareholder Acti-
vism and Insurgency Under the New Proxy Rules>> (1994-95) 50 Bus. Law. 99.

.. L’tude de Montgomery

indique que 82% des investisseurs interrog s considarent que
l’activisme des investisseurs institutionnels a cni au cours de la derni~re d6cennie. Montgomery,
<>, supra note 13 A la p. 190.

948

MCGILL LAW JOURNAL! REVUE DE DROIT DE MCGILL

[Vol. 42

I’anonymat que nombre d’entre eux recherchent lorsqu’ils doivent divulguer la nature
de leurs placements” ‘.

D’autre part, les initi6s doivent s’assurer que les transactions qu’ils r6alisent ne
sont pas effectu6es alors qu’ils sont en possession d’informations inconnues du public
pouvant influencer le cours des titres de la compagnie. La prudence dont les investis-
seurs doivent faire preuve peut rduire la liquidit6 de leur investissement dans la com-
pagnie dont ils sont initi6s3″. Ainsi, certains investisseurs doivent parfois attendre avant
de r6aliser une transaction en raison des risques de d6lits d’inities y etant rattaches.

L’effet de cette r6glementation sur les placements des investisseurs semble mitig6
pour les gestionnaires du secteur priv6. En effet, comme Fa rv616 notre analyse des
contraintes 16gales directes limitant la taille des investissements, les investisseurs du
secteur priv6 ne sont pas dispos6s h acqu6rir des participations significatives dans les
compagnies”‘. Aussi, nous pouvons croire que la r6glementation relative aux initi~s et
aux OPA a peu d’impact sur les d6cisions de ces investisseurs puisqu’en g6n6ral, ils ne
d6sirent pas d’embl6e effectuer d’investissements importants ” . En ce sens, l’6tude de
Montgomery indique que les investisseurs institutionnels du secteur priv6 consid~rent
que la r6glementation relative aux initi6s est une des barrires les moins importantes a
leur activisme?’ . En effet, cette r6glementation ne peut constituer qu’une barire mar-
ginale pour ces gestionnaires, qui acqui~rent rarement le statut d’initi6.

Les investisseurs institutionnels du secteur public interrog6s par Montgomery ont
plac6 la r6glementation relative aux initi6s au second rang des barrires freinant leur
activisme. Pourtant, les grandes caisses de retraite du secteur public d6tiennent des pla-
cements significatifs dans de nombreuses compagnies malgr6 les obligations qui se
rattachent aux investissements de cette taille. A la lumi~re de ces r6sultats, il est pos-
sible d’avancer que la r6glementation des initi6s a peu d’impact sur la taille des place-
ments de ces investisseurs, mais qu’elle est susceptible d’influencer leurs interventions
lorsqu’ils adoptent une attitude active. Plus particuli~rement, la r6glementation des
transactions d’initi6 peut compromettre certaines formes de partenariat investis-
seur/entreprise. Parmi celles-ci, mentionnons les contacts entretenus par les investis-
seurs institutionnels avec les dirigeants des entreprises et posant un risque particulier de
d6lit d’initi6. En effet, lors de ces contacts, les investisseurs sont susceptibles d’8tre mis
en possession d’information non encore connue du public, ce qui leur permet de rdali-

“9 MacIntosh, , supra note 16 t ]a p. 409, n. 152 ; Grossi, supra

note 263.

MacIntosh, ibid. h lap. 396.

3. Voir supra notes 288 et s. et texte correspondant.
‘ Comme nous 1’avons vu, certains fonds mutuels d6tiennent toutefois des investissements impor-
tants dans des compagnies particulires lorsque nous procddons A I’agrgation de leurs investisse-
ments. Pour l’instant, l’application de la r6glementation relative aux initids h cette situation demeure
probl6matique. Voirsupra notes 313 et s. et le texte correspondant.

3 Montgomery, <, supra note 31 A lap. 10.
‘ Voir la section V, ci-dessus. Voir aussi les tableaux en fin de texte.

1997] R. CRtTE E S. ROUSSEAU – INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS

949

ser des gains particuliers en transigeant sur les titres de 1’entreprise ‘ . Ce risque se pose
avec beaucoup d’acuit6 lorsque les investisseurs sont consult6s au sujet de transactions
projet es par l’entreprise.

Les propos des repr~sentants d’OMERS et de Teachers devant le groupe de travail
sur la r~gie d’entreprise illustrent cette pr6occupation des investisseurs institution-
nels” :

We do not have inside information. If we do, we cannot trade on that informa-
tion. We try to avoid having inside information. When we do, we are restricted
from trading, buying, selling or transacting. We follow those rules religiously.
On many occasions, we refuse to meet with management corporations. Why?
Because we do not want to have insider information. If we have insider infor-
mation, we suspend the trade of the stock. We cannot buy it; no one in man-
agement can buy it; and no one on our board can buy it. That is why, on occa-
sion, we will avoid visiting a company. If someone calls me to set up a meet-
ing, I have to ask myself why they want to meet us367.

La prudence des investisseurs institutionnels face aux d6lits d’initids se manifeste 6ga-
lement par une r6ticence A si6ger au conseil d’administration des entreprises ; comme
l’explique le dirigeant des Placements B :

How can I claim that I’m not an insider? Being on the board makes me an in-
sider. Therefore, if I’m bound by the insider trading rules, I can’t trade. It’s a
restriction that I don’t want. I don’t want to be on a board, I don’t want to be
part of the management, because if I obey the laws, that puts me at a disadvan-
tage for that particular company, because I’m an insider.

Les rdsultats de l’enquete men6e par Montgomery appuient ces propos, indiquant que
la nomination d’administrateurs est un des modes d’activisme les moins pris~s par les
investisseurs'”. Ainsi, 1’exception de la Caisse de d6p6t qui nomme des reprdsentants
au conseil d’administration de nombreuses compagnies, tr~s peu d’investisseurs insti-
tutionnels d~signent des reprdsentants ce poste3 ‘ .

. Jean-Claude Delorme, un ancien pr6sident et directeur gdn6ral de la Caisse de d@6pt, reconnais-
salt ceci devant le groupe de travail sur la rdgie d’entreprise : 4[i]t is true that institutional investors
obtain comprehensive information through the meetings they have regularly with managemenb>.
Fascicule No. 4, supra note 224.

‘6 Dans son 6tude, Montgomery note que le risque de d~lits d’initi6s est la seconde plus importante
contrainte limitant l’activisme des caisses de retraite publiques. Montgomery, , supra note
31 A ]ap. 10.

67 Les dirigeants des entreprises, conscients des risques de d6lits d’initi~s, 6vitent de divulguer des
informations encore inconnues du public, selon Jean-Claude Delorme, ancien pr6sident et directeur
g~n6ral de la Caisse de dept : Corporate executives are usually cautious enough not to disclose in-
formation to institutional investors in private meetings that they would not disclose to financial ana-
lysts in meetings or at the road shows they have with other investors in the market. Voir Fascicule d0
4, supra note 224 ; Fascicule nd 5, supra note 208 ; Fascicule d{ 6, supra note 210.

3″Montgomery, Market Shift>, supra note 13 aux pp. 195-96.

Caisse de d6pft et placement du Qu6bec, Politique et sommaire des principes r~gissant
I’exercice du droit de vote de la Caisse de djp6t etplacement du Quebec, supra note 52 A la p. 2 ; M.
Tremblay et R. Le Cours, dis ont mari6 la Caisse La Presse [de Montrial] (4 mai 1993) C2.

950

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROITDE MCGILL

[Vol. 42

En outre, la r6glementation relative aux initi6s peut influer sur l’action collective.
Rappelons que l’action collective est un mode d’intervention oit les investisseurs
s’associent entre eux, de maniire plus ou moins officielle, dans le but d’exercer des
pressions A l’6gard des entreprises. Selon certains auteurs, cette r6glementation agit de
maniire
compromettre la formation de coalitions d’investisseurs n6cessaires ,a
l’action collectiv& . Les investisseurs institutionnels qui s’associent entre eux af’m
d’intervenir A l’6gard des entreprises risquent d’6tre consid6r6s comme des initi6s et
d’6tre tenus des obligations cofiteuses en temps et en argent, pour le motif qu’ils con-
tr6lent ou dirigent au moins 10% des votes dont sont assortis les titres de la compagnie.
En raison de ce risque, les investisseurs institutionnels 6vitent de se concerter dans un
cadre trop formel7 ‘.

Susceptibles 6galement de freiner l’action collective des investisseurs institution-
nels sont les rbgles relatives aux offres publiques d’achate’. Les investisseurs institu-
tionnels qui choisissent de se concerter au sujet d’une entreprise dont ils sont actionnai-
res peuvent d6clencher l’application de ces rigles en raison de l’6tendue de la d6fini-
tion de la notion d’alli6″ . Plus particuliirement, les investisseurs qui s’entendent entre
eux pour exercer leurs droits de vote dans un sens donn6 peuvent etre consid&6s
comme agissant de concert et 8tre qualifis d’afi~s les uns des autres74. I peut en aller
de m~me pour les investisseurs qui se concertent pour 61ire des administrateurs si leur
concertation mbne A des engagements r~ciproques de voter en faveur de certains candi-
dats375.

Le respect de la r6glementation relative aux OPA impose des cofits pour les inves-
tisseurs qui y sont assujettis, en plus de limiter consid6rablement leur possibilit6 de
disposer de leurs titres36. L’impact de la r6glementation ne devrait toutefois pas 8tre
surestim6. Lors des entrevues que nous avons men6es, cette r6glementation n’a 6t6 cr1-
tiqu6e que par une seule des personnes interrog6es. En l’occurrence, il s’agissait du re-
pr6sentant du Fonds mutuel A qui, contrairement A la majorit6 des autres interlocuteurs,
posslde une bonne formation juridique et est donc en mesure de mieux 6valuer le
contenu et les effets potentiels de la r6glementation.

Si l’impact potentiel des rigles relatives aux OPA sur l’action collective paralt
&tuivoque, il en va autrement pour la r6glementation de la sollicitation des procura-
tions. Celle-ci fait l’objet de critiques tant de la part des auteurs que des participants au
march6, qui soutiennent qu’elle compromet la coordination des interventions des in-

Teachers et ]a caisse de retraite du CN nomment certains administrateurs. Voir Montgomery et
Leighton, (The Unseen Revolution is Here , supra note 5 A lap. 48.

370 Black, Shareholder Passivity>>, supra note 24 ; MacIntosh, , (1991) 4 Can. Inv. Rev. 9 A lap. 10.

” Voir supra note 339 et texte correspondant.
7
‘ MacIntosh, > mises en place par les
compagnies, la vice-prdsidente de la Caisse publique B prdcise que son institution
communique rarement avec d’autres gestionriaires, de crainte de contrevenir aux r~gles
en matire de sollicitation des procurations : <[w]e have pretty strict rules against so- liciting votes from other funds and so we are very careful not to do that [acting collec- tively]. Fairvest does act as an intermediary in such instances, to get input from a lot of people. They publish their 'Alerts' and obviously a lot of people have a look at those>>’

.

Comme l’illustrent ces commentaires, les investisseurs institutionnels d6sirent
6viter 1’application du r6gime des procurations et font preuve d’une grande prudence.
Ceci nuit
l’action collective, mode d’activisme qui requiert un certain degr6 de com-
munication entre les investisseurs afin qu’ils puissent organiser leur intervention. Mal-
gr6 l’effet inhibiteur du r6gime des procurations sur l’activisme des investisseurs,
laction collective constitue le second mode d’activisme le plus important selon les in-
vestisseurs interrog~s par Montgomery”. I1 faut donc croire que la r~glementation de la

‘n Black, <>, supra note 24 aux pp. 536-41 ; MacIntosh, ibid. Sur la d6finition

de sollicitation de procurations voir supra notes 352-53 et texte correspondant.

“8 Sdnat du Canada, Comit6 sur les banques et le commerce, Groupe de travail sur la r6gie des so-
cidt6s, Fascicule No. 6, supra note 210. C. McCall, Shareholder Communications in the U.S. and
Canada>>, (1992) 4:4 Corp. Gov. Rev. 12 A Ia p. 14. Voir aussi Black, ibid A la p. 536 ; MacIntosh,
ibid aux pp. 388-89.

‘” Par exemple, au cours de l’ann6e 1995, dans le cadre de son service d’analyse de procurations,
Fairvest a diffus6 48 avis, appel6s >, concemant les . Voir
A ce sujet McCall, supra note 42.

” Montgomery, , supra note 13

lap. 195.

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROITDE MCGILL

[Vol. 42

sollicitation des procurations n’empche pas toute forme d’action collective, mais que
ce mode d’intervention pourrait avoir une envergure plus importante si le r6gime 6tait
lib6ralis6, comme le propose Industrie Canada.

Dans ce qui pr~cde, nous avons examin6 certains effets potentiels des plus impor-
tantes barires l6gales
l’activisme des investisseurs institutionnels identifi6es par la
litt6rature. Sans etre exhaustive, cette analyse, qui ne d~savoue pas enti~rement la th~se
de la surr6glementation, tente de placer en perspective l’ampleur de l’impact de ces
barri~res. Leur effet parait varier en intensit6 selon leur nature, les divers modes
d’activisme employ~s et les investisseurs en cause. Ainsi, la passivit6 et ‘activisme des
investisseurs institutionnels ne peuvent 8tre expliqu~s en ayant recours uniquement au
cadre r6glementaire dans lequel ils agissent. En raison de la diversit6 des facteurs
d’influence, l’image qui ressort de ce tableau d~fie done les efforts de syst6matisation
de la these de la surr6glementation.

Conclusion

Au cours des demi~res d~cennies, les investisseurs institutionnels sont devenus les
participants les plus importants du march6 des valeurs mobili~res canadien. Ils effec-
tuent la majorit6 des transactions sur les march6s boursiers du pays et d6tiennent une
portion importante et toujours croissante des actions des compagnies publiques, rem-
plagant progressivement les 6pargnants individuels comme principaux actionnaires.
Ainsi, les titres des compagnies publiques sont ddsormais concentr6s en grande partie
entre les mains d’institutions financi~res qui d6tiennent une expertise et une envergure
6conomique sup6rieures t celles de la plupart des 6pargnants individuels.

La transformation de ‘actionnariat des compagnies publiques a entrain6 une mo-
dification de la dynamique de leurs relations internes. En effet, l’institutionnalisation
du march6 des valeurs mobili~res a 6t6 accompagnde d’un plus grand activisme des in-
vestisseurs institutionnels
l’6gard des compagnies dans lesquelles ils investissent.
Comme en ont fait 6tat la presse et les revues sp6cialis~es au cours des quinze demi~res
ann~es, les investisseurs institutionnels sont devenus graduellement des acteurs impor-
tants dans le contexte corporatif, A mesure qu’ils ont d6laiss6 l’attitude passive qui les
caractrisait traditionnellement pour d6ployer des efforts en vue de maximiser le ren-
dement de leurs investissements ou de promouvoir des objectifs collat&aux de nature
politique, 6conomique ou sociale.

L’activisme des investisseurs institutionnels est un ph6nom~ne complexe qui en-
globe une r6alit6 aux multiples facettes. I1 se manifeste par diffdrents modes
d’intervention plus ou moins visibles, allant d’une surveillance Iimit6e des compagnies
un contr6le relativement 6lev6, dont l’objectif est d’influencer et de remettre en ques-
tion la gouverne des entreprises. Son &endue est diffieile A circonscrire puisque les ap-
parences de passivit6 et d’activisme dependent des modes d’intervention privil6gi6s, de
l’information que divulguent les acteurs, de m~me que de la publicit6 donn6e
leurs
activitds. A cet 6gard, il faut souligner que la couverture m6diatique donne une im-
pression tronqu6e de la ralit6 en ce qu’elle ne rapporte g6n6ralement que les formes
les plus visibles d’activisme. Or, comme nous avons pu le constater, de nombreuses

1997] R. CRTE ET S. RoussEAu- INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS

953

institutions prdferent agir de manire discr~te et emploient des modes d’intervention
officieux que ne peuvent percevoir les observateurs extemes. Dans ce contexte, il est
difficile d’identifier les investisseurs activistes et de cemer la nature et l’ampleur de
leurs interventions.

La complexit6 du ph6nom~me d6coule 6galement de la diversit6 des institutions en
pr6sence et des facteurs susceptibles d’influencer leur comportement. Dans une volon-
t6 de syst6matisation, des auteurs ont propos6 diff&ents modules qui tentent
d’expliquer le comportement actif ou passif des investisseurs institutionnels. La th~se
de la surr~glementation a 6t6 avanc6e par les auteurs qui soutiennent que les investis-
seurs institutionnels font face h des contraintes r6glementaires importantes limitant leur
interventionnisme et les incitant A conserver une attitude passive. D’autres auteurs font
valoir que les contraintes r6glementaires n’exercent pas une influence d6terminante sur
l’activisme des investisseurs institutionnels et soutiennent que ce sont plut6t des entra-
yes de nature 6conomique et organisationnelle qui les freinent. Ces modrles, qui four-
nissent un cadre analytique trs riche, identifient avec justesse les principaux facteurs
pouvant influer sur le comportement des investisseurs institutionnels. Toutefois, la po-
larisation du d6bat sur cette question a empech6 jusqu’A pr6sent la pr6sentation d’une
approche plus globale qui rendrait compte des r6alit6s de ce ph6nombne. La pr6sente
6tude a tent6 de rem6dier h cette lacune en abordant le ph6nom~ne de l’activisme sous
un angle empirique et anecdotique, permettant une meilleure compr6hension des fac-
teurs qui influencent le comportement des investisseurs institutionnels dans leurs rela-
tions en tant qu’actionnaires des compagnies publiques.

Nous avons vu que les investisseurs institutionnels, qu’ils soient passifs ou actifs,
poursuivent le m~me objectif dans le cadre de leur mandat de gestionnaires de porte-
feuille, t savoir maximiser le renderient des investissements g6r6s. Cependant, comme
l’ont indiqu6 les entrevues que nous avons r6alis6es, tous n’ont pas la meme vision des
6lments constitutifs de leur mandat, ni de la m6thode appropri6e pour mettre en oeu-
vre cet objectif. Selon la perception de leur mandat, les investisseurs adoptent une atti-
tude plus ou moins active dans leurs relations avec les entreprises dans lesquelles ils
investissent. Divers facteurs interagissent pour moduler la perception que les investis-
seurs institutionnels ont de leur mandat et faire en sorte que ceux-ci se consid~rent soit
comme des gestionnaires de portefeuilles, soit comme des propri6taires d’actions ou
des dirigeants d’entreprise. Pari ces facteurs, l’existence d’investissements significa-
tifs dans des compagnies particulires exerce une influence d6terminante. Les investis-
seurs qui d6tiennent de tels investissements ont tendance A se percevoir non pas uni-
quement comme des gestionnaires de fonds, mais 6galement comme des propri6taires
qui doivent effectuer un travail de supervision des politiques et des d6cisions importan-
tes de la compagnie. A cet 6gard, la difficult6, voire l’impossibilit6 de disposer des pla-
cements significatifs ne peut qu’engendrer la loyaut6 des investisseurs et un activisme
plus marqu6. Dans une moindre mesure, les objectifs collat&aux que certains investis-
seurs doivent poursuivre, ainsi que les devoirs fiduciaires qui leur sont impos6s h titre
de gestionnaires de portefeuille peuvent 6galement les amener A exercer un droit de re-
gard sur I’administration des compagnies.

954

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROITDE MCGILL

[Vol. 42

Nos recherches r6v~lent cependant que ce sont surtout les investisseurs institution-
nels du secteur public qui poss~dent des placements importants dans des compagnies
particuli~res. II n’est donc pas 6tonnant que ce soit eux qui apparaissentjusqu’a pr6sent
comme les plus interventionnistes. S’il faut reconnaitre que les investisseurs institu-
tionnels priv~s n’ont pas la taille d’institutions publiques telles la Caisse de d6p6t et
placement du Qu6bec, OMERS ou Teachers, ce sont surtout la perception de leur man-
dat, leurs pratiques d’investissement et leur pr~f~rence pour des placements liquides
qui limitent leur d6sir d’effectuer des placements significatifs. Contrairement h ce que
soutiennent les tenants de la th~se de la surr6glementation, les contraintes r6glementai-
res directes irnitant la concentration des investissements semblent avoir un r6le mineur
a cet 6gard. Les seuils 6tablis par la r6glementation ont beau permettre aux investis-
seurs d’acqu6rir des participations importantes dans des entreprises particuli~res, ces
demiers 6vitent de le faire, mame lorsqu’ils investissent une portion significative de
leurs actifs en actions.

Le regard particulier pos6 sur la Caisse de d~p6t, OMERS et Teachers a permis de
faire ressortir l’influence des investissements significatifs sur le comportement des in-
vestisseurs. Ces trois institutions, qui g~rent des actifs consid6rables, sont contraintes
de concentrer leurs placements chez certaines compagnies en raison de la petite taille
du march6 canadien dans lequel elles doivent raliser la plus grande partie de leurs in-
vestissements en actions. Ainsi, elles d6tiennent des placements importants dans des
centaines de compagnies canadiennes, ce qui influe sur leurs relations avec ces demi6-
res et contribue a faire d’elles une force dominante qui a favoris6 l’6mergence de
l’activisme des investisseurs institutionnels au Canada.

La detention d’investissements significatifs peut entrainer une confusion de r6les
entre les dirigeants et les propri6taires d’actions. En effet, les investissements de cette
nature sont propices A ‘6tablissement de relations 6troites entre les investisseurs et les
dirigeants, lesquelles peuvent s’apparenter h une forme de partenariat. D’intensit6 va-
riable, ces relations peuvent se traduire par des interventions allant d’une supervision
de la gestion des affaires des entreprises h des activit6s de contr6le qui rel~vent de la
fonction de dirigeants. L’ampleur de la confusion de r6les qui est susceptible de r6sul-
ter demeure cependant diffieile t 6valuer puisque, comme nous avons pu le constater
dans nos entrevues, les institutions plac6es dans des situations semblables craignent de
r6v6ler la nature exacte de leurs relations, comme si la l~gitimit de leurs actions 6tait
alors mise en doute.

La taille des placements ressort donc de notre 6tude comme un facteur qui a un ef-
fet marquant sur le comportement des investisseurs institutionnels. I1 s’en faut toutefois
de beaucoup pour que la presence de ce facteur constitue le gage d’une attitude acti-
viste. En effet, dans le cadre de leurs relations avec les entreprises dans lesquelles ils
investissent, les gestionnaires font preuve d’une approche pragmatique qui les porte A
6valuer l’opportunit6 de leurs actions en fonction des b~n~fices qui peuvent en r~sulter
au profit du patrimoine gr6, ainsi que des coots engendr6s par les interventions, in-
cluant les ressources et le temps dont ils disposent pour ce type d’actions. A cet 6gard,
comme l’ont indiqu6 nos entrevues, l’importance de l’investissement en cause joue un
r6le primordial, puisque la rentabilit6 des interventions est proportionnelle t la taille

1997] R. CRt-E E S. RoussEAu- INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS

955

des investissements, mais l’impact de ce facteur varie selon chacune des situations, en
fonction de l’effet des autres variables.

L’approche pragmatique privil6gi6e par les investisseurs institutionnels influe sur
les manifestations de leur activisme. Ainsi pr6ferent-ils intervenir dans les situations oil
ils ont la certitude du caract~re profitable de leurs actions, comme dans les situations
d’abus, d’iniquit6, ou encore dans le cas de ddcisions strat6giques ou de changements
structurels importants risquant d’affecter la valeur de leurs portefeuilles. Au Canada,
les interventions visant ce type de situations sont d’ailleurs facilitdes par une rdglemen-
tation imposant l’approbation pr6alable des investisseurs. Toutefois, les interventions
qui visent la modification de la structure et de la composition des conseils
d’administration demeurent plut6t rares, en raison de l’incertitude des effets de ces
modifications sur le rendement des compagnies. Nos entrevues nous ont n6anmoins
permis de constater que les investisseurs font une distinction entre les questions de
routine qui reprdsentent la grande majorit6 des propositions soumises et les questions
controversdes, t l’6gard desquelles ils portent une attention particuli~re.

Les investisseurs institutionnels subissent 6galement les effets d’influences exter-
nes qui peuvent freiner ou favoriser leur activisme. La vive concurrence A laquelle sont
assujettis les gestionnaires de portefeuilles est une force majeure influant sur leur corn-
portement. La concurrence se fait particuli~rement sentir lors de l’6valuation du ren-
dement des gestionnaires, qui constitue leur principale prdoccupation. Cette 6valuation
ne s’effectue pas en termes absolus, mais plut6t de faqon relative, en comparant le ren-
dement de l’un par rapport aux autres concurrents de l’industrie, ou en regard de cer-
tains indicateurs du march6. Dans ce contexte, les gestionnaires de portefeuilles peu-
vent etre r6ticents . investir des ressources pour surveiller les compagnies et intervenir
aupr s d’elles, puisque les b6ndfices ddcoulant de ces interventions profitent A
l’ensemble des investisseurs?’, incluant leurs concurrents auxquels leur rendement est
compar6, sans qu’ils aient en supporter les cofits.

L’effet inhibiteur de la m~thode d’6valuation comparative du rendement sur
1’activisme des investisseurs perd toutefois de son importance lorsque l’intervention est
susceptible de procurer des gains qui exc~dent les coots. E en ira ainsi lorsque les in-
vestisseurs d6tiennent des placements significatifs ou
lorsque des coalitions
d’investisseurs peuvent atre formdes pour rdpartir les cofits d’intervention. k cet 6gard,
notre analyse a montr6 que les entraves 16gales A l’activisme des investisseurs institu-
tionnels peuvent poser un frein 1’action collective, mais que ces barri~res n’ont pas un
effet aussi draconien sur la formation de coalitions d’investisseurs que le sugg~re la
thse de la surr6glementation.

Si la concurrence qui existe au sein de ‘industrie de la gestion de portefeuille en-
joint les investisseurs maximiser le rendement des fonds qui leur sont confi~s, elle les
incite 6galement
faire preuve de prudence dans leurs relations avec les entreprises
afin de ne pas faire fuir des clients potentiels ou actuels parmi ces entreprises. Or, les
investisseurs institutionnels peuvent entretenir des relations d’affaires avec les compa-
gnies qui composent leur portefeuille, ce qui les place en situation de conflit d’intdrets

.’ Les b6n6fices profitent 6galement A l’indice de r~f~rence auquel sont compares les investisseurs.

956

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROITDE MCGILL

[Vol. 42

lorsqu’ils doivent d6cider de l’opportunit6 d’une intervention. Ils doivent alors choisir
entre leur d~sir de pr6server les relations commerciales avec leur clientele et leur de-
voir de maximiser le rendement de leur portefeuille. A ce sujet, nous avons vu que le
risque de perdre des occasions d’affaires en raison d’une attitude active est particuli-
rement 6lev6 au Canada, oa la communaut6 d’affaires ressemble A une grande famille.
Les liens 6troits qui existent au sein du milieu des affaires peuvent 6tendre les cons6-
quences n6gatives d’une dt6rioration des relations commerciales des investisseurs aux
filiales et allids de la compagnie en cause. Ainsi, les investisseurs sont r6ticents h indis-
poser les dirigeants d’entreprises en critiquant ]a mani~re dont les compagnies sont
administres ou en exigeant des modifications

leur gouveme.

Les entrevues que nous avons ralis6es ont donc r6v616 que les consequences de
l’activisme sur les affaires des investisseurs repr6sentent une pr6occupation importante
pour les investisseurs du secteur priv6 ; ceci permet d’expliquer en partie ]a diff6rence
de comportement entre ces demiers et les investisseurs du secteur public, dont la
clientele est assure. Appel6s
oeuvrer dans une communaut6 <>, les in-
vestisseurs du secteur priv6 pr6ferent agir dans un esprit de collaboration avec les en-
treprises et intervenir de fagon discrete, afin de pas indisposer les entreprises dans les-
quelles ils investissent, plut6t que de r6aliser des interventions directes comme le font
parfois ceux du secteur public. De meme, ils prferent conserver l’anonymat et
s’adressent aux organisations intermMiaires lorsqu’ils jugent opportun d’intervenir au-
pros d’une entreprise, alors que les investisseurs du secteur public font preuve de moins
de r6ticence L manifester publiquement leur d6saccord avee les dirigeants des entrepri-
ses. Les investisseurs institutionnels du secteur public sont n6anmoins soucieux de
l’image qu’ils projettent, et mesurent soigneusement l’impact de leurs interventions;
ils pr6ferent dialoguer directement mais discritement avec la direction des entreprises
plut~t que d’intervenir sur la place publique, sauf lorsque cette preini~re m6thode
s’av~re infructueuse.

En somme, nous pouvons constater que l’activisme des investisseurs institution-
nels est un ph6nom~ne complexe qui d6fie les efforts de syst6matisation en raison de la
multitude de facteurs qui influencent le comportement des investisseurs. Ainsi, tout en
reconnaissant l’int&& des deux principales theses avanc6es pour expliquer le compor-
tement plus ou moins actif des investisseurs institutionnels, il faut noter que l’analyse
des donnes pr6sent6es dans la pr6sente 6tude invite A la prudence face aux recom-
mandations de ces theses. II en va particuli~rement ainsi pour la thse de la surr6gle-
mentation, dont la valeur explicative apparait consid~rablement mitig6e.

La prudence est d’autant plus de mise que la valeur de l’activisme des investisseurs
institutionnels demeure ambigud selon les chercheurs en 6conomie financi~re. R-
cemment, le maillage entre les secteurs financier et non financier de l’dconomie a
d’ailleurs fait l’objet de critiques qui questionnent le bien-fond6 du pouvoir 6conomi-
que croissant que les institutions f’manci~res’
acqui~rent de la sorte. Au-delA de la

… Voir par exemple T. Corcoran, <> The [Toronto] Globe and Mail (2

f~vrier 1996) B10 ; Marotte, supra note 6. Voir aussi Rock, <>, supra note 45.

1997] R. CRETE ET S. ROUSSEAU – INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS

957

possibilit6 d’un monopole des institutions financi~res sur la propri6t6 des entreprises..,
il serait int6ressant de s’interroger sur l’impact que pourrait avoir une plus grande pr6-
sence des investisseurs institutionnels sur la comp6titivit6 des entreprises. En 6tudiant
de plus pros les effets du pouvoir institutionnel sous l’angle des entreprises elles-
m~mes, une telle 6tude pourrait examiner de quelle mani~re un petit groupe
d’investisseurs en position de contr6le dans de nombreuses compagnies influence leur
la comprehension de la valeur du r6le des investis-
direction. Cet examen ajouterait
seurs institutionnels au sein de la gouverne des compagnies.

… La possibilit6 d’un contr61e de la propri6td des entreprises par les investisseurs institutionnels
avait notamment 6t6 prvue par Drucker et Clark. Drucker, supra note 4 ; Clark, supra note 4. Le d6-
bat sur un tel monopole nous rammne curieusement A la fin du =’
si~cle et au mouvement popu-
liste qui craignait le pouvoir croissant des banques au sein de 1’6conomie. Sur cette question voir su-
pra notes 274 et s. et le texte correspondant.

958

McGILL LAw JOURNAL!REVUE DE DROITDE MCGILL

[Vol. 42

CAISSE DE DEPOT ET PLACEMENT DU QUEBEC

COMPAGNIE

PARTICIPATION

AVCORP INDUSTRIES INC
BIOCHEM PHARMA INC
CAMBRIDGE SHOPPING CENTRES LIMITED
CANAM MANAC GROUP INC
DATAMARK INC
DOMTAR INC
ENERPLUS RESOURCES CORPORATION
ENERPLUS RESOURCES FUND
FOUR SEASONS HOTELS INC
G.TC. TRANSCONTINENTAL GROUP LTD
HEROUX INC
INCO LIMITED
LAIDLAW INC
LE GROUPE VIDEOTRON LTEE
LOGISTEC CORPORATION
NORTH WEST COMPANY INC
POWER FINANCIAL CORPORATION
PROVIGO INC
QUEBECOR PRINTING INC
SCEPTRE RESOURCES LIMITED
SCOTS HOSPITALITY INC
SOCANAV INC
SODISCO-HOWDEN GROUP INC
TECK CORPORATION

TELEGLOBE INC
UNITED WESTBURNE INDUSTRIES LTD
WESTBURNE INC

Source: Banque de donnies Disclosure, avril 1996.

10.1%
8.1%
31.8%
13.1%
7.0 %
18.6%
20.2 %
20.2 %
10.0 %
6.4 %
16.8%
6.0 %
10.7%
17.3%
13.9%
10.5%
10.8%
36.7%
18.3%
14.3%
6.5 %
29.7 %
21.0%
11.0%
16.4 %
11.0%
7.8%

1997] R. CRIE ET S. ROUSSEAU -INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS

OMERS

COMPAGNIE
BATON BROADCASTING INCORPORATED
CANADIAN MARCONI COMPANY
CLEARNET COMMUNICATIONS INC
COMPUTALOG LTD
FORTIS INC
JOHN FORSYTH COMPANY INC
FPI LIMITED
HAWKER SIDDELEY CANADA INC
KERR ADDISON MINES LIMITED
MDS HEALTH GROUP LIMITED
MOORE CORPORATION LIMITED
NOWSCO WELL SERVICE LTD
VITRAN CORPORATION INC

Source: Banque de donnies Disclosure, avril 1996.

PARTICIPATION

11.4%

10%

11.9%

15.5%

13.9%

21.1%

11.3%

23.8 %

14.5%

27.4 %

5.2%

11.6%

16.9%

960

MCGILL LAW JOURNAL/REVUE DEDROITDE MCGLL

[Vol. 42

TEACHERS

COMPAGNIE
ATS AUTOMATION TOOLING SYSTEMS INC
AULT FOODS LIMITED
DMR GROUP INC
DOMINION TEXTILE INC
GLOBELLE CORPORATION
GREEN FOREST LUMBER CORPORATION
HILLCREST RESOURCES LTD
INTER-CITY PRODUCTS CORPORATION
MAPLE LEAF FOODS INC
STRONG EQUIPMENT CORPORATION
WHITE ROSE CRAFTS & NURSERY SALES
LIMITED

PARTICIPATION

29.2%
13%
19.9%
10.8%
11.6%

15.4%
14%
11%
19.6%
25.9 %
21.2%