Article Volume 19:3

De l'appel et de l'évocation

Table of Contents

De l’appel et de l’dvocation *

Marc A. Parent **

Introduction

a. Le problme

Le contr6le judiciaire de 1’Administration s’exerce de deux fagons
g~n~rales: le recours aux brefs de prerogative (nous nous int~res-
serons plus pr~cis~ment aux brefs de prohibition et de certiorari I
qui, au Quebec, sont refondus dans le bref d’6vocation),2 et le droit

* Cet article n’engage aucunement la responsabilit6 de la Commission d’appel
de l’immigration ou du Ministre de la Main-d’oeuvre et de l’Immigration, mais
plut6t celle de l’auteur.

Nous tenons h remercier Janet V. Scott, prdsidente de la Commission d’appel
de l’immigration, lean-Paul Geoffroy, Juge en chef du Tribunal du travail, ses
collfgues, Marie A. Lefebvre et Me Guy A. Mattar du Barreau d’Ontario, pour
leurs suggestions et commentaires utiles fournis h roccasion de la rddaction
de cet article.

** B.A., B.Sc.Soc. (Politique), LL.L., D.E.S.D. (Public) (U. d’Ottawa), membre
du Barreau du Quebec. Auparavant Conseiller juridique en chef de la Com-
mission d’appel de l’immigration, l’auteur est pr~sentement agent des appels
h la Commission de la Fonction publique du Canada.

1 Ontario Judicature Act, sections 629, 630, h la page 2399:

629. Mandamus, prohibition and certiorari may be granted upon a sum-

mary application by originating notice.

630. No writ of mandamus, prohibition or certiorari shall be issued, but
all necessary provisions shall be made in the judgment or order
(Forms 88 and 89).

2 Article 846 C.P.C.:

846. La Cour supdrieure peut, t la demande d’une partie, 6voquer avant
jugement une affaire pendante devant un tribunal soumis A son
pouvoir de surveillance ou de contr6le, ou reviser le jugement d6ji
rendu par tel tribunal:
1. dans le cas de d~faut ou d’exc~s de juridiction;
2. lorsque le r~glement sur lequel la poursuite a 6t6 fortune ou le

jugement rendu est nul ou sans effet;

3. lorsque la procedure suivie est entach~e de quelque irr~gularitd
grave, et qu’il y a lieu de croire que justice n’a pas &6, ou ne
pourra pas 6tre rendue;

4. lorsqu’ll y a eu violation de la loi ou abus de pourvoir 6quivalant

hi fraude et de nature A entrainer une injustice flagrante.

Toutefois, ce recours nest ouvert, dans les cas pr~vus aux alindas 2, 3 et 4
ci-dessus, que si, dans l’esp~ce les jugements du tribunal saisi ne sont pas
susceptibles d’appel.

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d’appel accord6 en vertu d’une disposition spdciale et precise h
cet effet. Or, qu’arrive-t-il lorsque ces deux recours coexistent? Le
recours d’appel au fond h une Cour d’appel prime-t-il sur celui du
contr6le judiciaire de la 16galit6 par les cours sup6rieures, ou est-ce
le contraire, ou enfin est-ce qu’il y a moyen de concilier l’existence
de ces deux recours?

b. Intdrt

Voilh un probl~me d’actualit6 tr~s 6pineux 6tant donn6 le re-
cours g6n6ral au bref de pr6rogative et le grand nombre de droits
d’appels accord6s par les statuts3 Le temps, l’argent et l’6nergie
d6pens6s par les justiciables et les praticiens h la recherche du
remde appropri6 h une situation particuli~re h travers les dddales
du droit administratif sont consid6rables.

c. Plan

Examinons donc l’6tat du droit i cet 6gard avant la tr~s rdcente
d6cision rendue le 30 mars 1972 par la Cour supreme du Canada
dans l’affaire Pringle v. Fraser. Nous 6tudierons ensuite cette d6-
cision plus en ddtail, quant h sa nature et quant h sa portde dans
le domaine f6ddral –
sujet h la port6e de La Loi sur la Cour
f~drale en cette mati~re –

et dans le domaine provincial.

I. L’dtat du droit

Afin de mieux cerner les deux notions de contr6le judiciaire
et d’appel nous ne pouvons faire mieux que de citer le passage
suivant du Rapport du groupe de travail sur les tribunaux admi-
nistratifs au Quebec,4 lequel 6num~re parallklement les principales
caract6ristiques de ces deux m6canismes de contr6le judiciaire:

1. a) L’appel est une voie de recours h laquelle on ne peut recourir que

si un texte 1gislatif le permet.

b) Le pouvoir de surveillance et de rdforme prend sa source dans la
common law et il n’est pas n6cessaire qu’une loi accorde aux justi-
ciables le droit de s’en prdvaloir. Bien plus, les textes ldgislatifs

3 Voir, par exemple, le recensement des lois accordant un tel droit d’appel
contenu dans le Rapport du groupe de travail sur les tribunaux administratifs
aa Qudbec (Rapport Dussault), dirig6 par Me Ren6 Dussault, (Publication
du minist~re de la Justice du Qudbec: 1970), aux pp. 203-204. Voir aussi: Ren6
Dussault, Le contr6le judiciaire de l’Administration au Qudbec, (Presses de
l’Universit6 Laval: 1968), h la p. 299.
4 Rapport Dussault; ont collabor6 aux travaux de ce groupe de travail,
Mes. Ren6 Dussault, Patrice Garant, Yves Ouellette, Gilles Pdpin, E. Lacroix
et M. le juge Paul Robitaille.

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qui avaient pour but, h toutes fins utiles, de la supprimer ont dt6
jug6s comme n’ayant pratiquement aucun effet.

2. a) L’appel est adress6 h la Cour d6signde par la loi qui l’autorise.

b) Le pouvoir de surveillance et de rdforme relive de la juridiction
du tribunal de droit commun, la Cour sup6rieure (voir toutefois
l’article 36 C.P.C., relatif au quo warranto).

3. a) L’appel s’exerce par l’intermddiaire d’une vole de recours facilement
identifiable, m~me si les r~gles de procedure h suivre peuvent 8tre
plus ou moins prdcisdes par le lgislateur. Cette vole de recours
unique, c’est l’appel.

b) Le pouvoir de surveillance est mis en oeuvre par l’intermddiaire
de nombreuses voles dont il n’est pas facile de pr~ciser ni les con-
ditions de recevabilit6, ni l’achat de chacune (6vocation, mandamus,
quo warranto, action directe en nullit6, etc.).

4. a) L’appel autorise le juge, en principe, t confirmer la decision soumise
h son contr61e, it l’annuler ou h la modifier, c’est-b-dire t la rem-
placer par une autre, il lui permet aussi, en certaines circonstances,
d’obliger l’organisme en cause t prendre une decision.

b) Le pouvoir de surveillance accorde au juge ces m~mes pr6rogatives
sauf, et l’exception est fort importante, celle de substituer sa propre
t celle de l’organisation en cause. Le pouvoir de surveil-
decision
t
lance n’est pas en soi une voie de reformation, contrairement
l’appel, et c’est h tort que l’article 33 du Code de proc6dure civile
parle du droit de surveillance et ode r~forme)> de la Cour sup6rieure.
Il en ira autrement, toutefois, lorsque la decision soumise au con-
tr6le de surveillance du juge rev6tira un caract~re (ministdrieb>,
auquel cas celui-ci prendra la decision que l’organisme aurait dfi
adopter. Par ailleurs, il va de sol que ce n’est qu’exceptionnellement
que
‘appel sera utilis6 pour obliger un organisme h prendre une
decision; les procedures de mandamus et d’injonction permettront
gdn6ralement d’atteindre ce rdsultat.

5. a) L’appel permet au juge qui en est saisi d’exercer son contr6le non
seulement sur la ldgalit6 de la decision de l’organisme, mais aussi
sur son opportunit6, sur les mdrites de cette decision. Il en va
diff6remment si le ldgislateur stipule que rappel n’est autoris6
que sur les questions de droit. Par ailleurs, m6me si le contr6le
n’est pas limit6, le juge d’appel hdsite, en r~gle gdn~rale, A exercer
son contr6le sur les m6rites de la d6cision, prdfdrant laisser h
l’organisme en cause le soin de se prononcer sur ce sujet.

b) Le pouvoir de surveillance n’autorise pas le juge bt se prononcer
en principe, sur les mdrites d’une decision. Il ne faut pas oublier,
cependant, qu’il appartient en fait au juge de tracer la fronti~re
entre ce qui relive du droit et ce qui est du domaine de l’oppor-
tunit6. Par ailleurs, s’il est exact de soutenir que le juge d’appel
exerce son contr6le sur la lWgalit6 des actes poses par les organis-
mes administratifs, iR en va quelque peu diffdremment du pouvoir
de surveillance dont le rayon d’action a pour pivot la notion de
l’ultra vires; ainsi, les erreurs de droit commises h l’int~rieur d’une
juridiction ne sont pas sujettes au pouvoir d’annulation du juge,

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sauf, sur un bref d’6vocation, lorsqu’elles apparaissent h la lecture
du dossier.5

Le pouvoir de surveillance et de r6forme des cours sup6rieures
entre apparemment en conflit avec le droit d’appel statutaire accordd
de plus en plus fr6quemment aux justiciables par le 16gislateur.
Ces deux recours ont depuis fort longtemps prdsentd de s6rieux
probl~mes de choix de recours aux justiciables. Nombre de pra-
ticiens r~glent le probl~me en ayant recours simultan6ment ou
successivement aux deux moyens, en essayant par le fait mame
de rdussir dans l’un ou l’autre cas. Le problime du choix de re-
cours n’est de ce fait d’ailleurs que ddplac6 car il appartient alors
au juge de d6cider de l’affaire. Sur quelle base? La jurisprudence
a r6ussi b d6gager, h partir des textes de lois applicables, des prin-
cipes gdn6raux devant prdsider h ce choix dans chaque cas.

En effet, tout en ne pouvant pas 6tablir de r~gle immuable ‘a
cet dgard en mati~re de droit administratif g6n6ral, il semble que
les juges ont eu tendance 6 ne pas autoriser le recours au certiorari
sur des questions de faits.6 De m~me, une certaine jurisprudence
a voulu que, devant un droit d’appel suffisant, un juge refuse
un tel remade.7 II est clair, cependant, que ce dernier crit~re est
beaucoup plus flou. En effet, dans l’affaire Re Spalding,8 la Cour
a arr~t6 que le fait qu’il y ait possibilit6 d’un appel n’est qu’un
des dlments h consid6rer dans l’6mission d’un tel bref de pr6ro-
il a 6t6 ddcid6 dans
gative. Dans le sens contraire, cependant,
l’affaire R. v. Dnieper9 que l’existence d’un appel statutaire inter-

5 Ibid., aux pp. 259-260.
OR. v. Kennan, (1913) 28 O.L.R. 441,

la p. 444; Re Shaw Dairy Co., [1938]

O.W.N. 162, A la p. 165; Caruana v. Dillon, [1971] C.S. 230.

7 R. v. Page, (1923) 53 O.L.R. 70, h la p. 75; voir aussi: R. v. Denny, (1921)
51 O.L.R. 121, aux pp. 122-123; R. v. Pelletier et Eld, (1934) 71 C.S. 240; R. v.
Gratton, [1944] O.W.N. 759; O’Laughlin v. Halifax Longshoremen’s Association,
(1970) 15,D.L.R. (3d) 316; R. v. Development Appeal Board; ex parte C.I.L.
Ltd., (1970) 9 D.L.R. (3d) 727; Re Legarg and Calgary Municipal Planning
Commission, (1972) 28 D.L.R. (3d) 703; In the Matter of the Anti-Dumping
Tribunal, R.S.C. 1970, c. A-15 and in the Matter of the finding of the Anti-
Dumping Tribunal made on March 13, 1970 etc., (1973) 30 D.L.R. (3d) 678.

8 (1955) 16 W.W.R. 157; Voir aussi: de Smith, Judicial Review of Administra-

tive Action, 2e 6d., (Londres), h la p. 436.

9 (1970) 9 D.L.R. (3d) 661; voir aussi: Paulowick v. Dowkochuk, (1940) 48
Man. R. 6; Canadian British Aluminium Company Ltd. v. Dufresne et autres
et le Syndicat National des Employds de l’aluminium de Baie-Comeau, mis
en cause, [1964] C.S. 1, h la p. 20; Saine v. Beauchesne, Gobeil, College of
Physicians and Surgeons of the Province of Quebec and Lasalle, [1963] R.S.C.
435; R. v. Venables; Ex parte Jones, (1971) 15 D.L.R. (3d) 355 (B.C.):

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dit h un juge d’octroyer un bref de prohibition. Le fait d’avoir retenu
une preuve lors du proc6s initial et de la pr6senter seulement lors
de l’audition de la requ~te demandant le certiorari, a conduit un
juge h refuser cette requ~te.10

D’autre part, les juges h6sitent beaucoup moins h interveir 11
devant un ddfaut ou exc~s de juridiction dvident ou i l’occasion
de circonstances spdciales.12

Cependant, h part le caractire individuel du juge devant lequel
l’affaire est instruite, des consid6rations d’ordre pratique ou pro-
c6durier s’ins~rent souvent dans les ddbats, h savoir s’il y a lieu
h l’6mission d’un bref de pr6rogative dans tel ou tel cas. En effet,
les juges souvent n’accorderont pas ces brefs s’il n’y a pas vrai-
ment avantage h le faire, 13 ou encore si le requ6rant a retard6 h
instituer les procddures 14 ou enfin si la personne n’a pas inscrit
en appel mais a demand6 le certiorari alors que celui-ci 6tait pro-
hib6 statutairement.’r

La jurisprudence qudb6coise en la mati~re n’est pas tellement
consid6rable car les droits d’appel au fond ne pleuvaient pas en
droit qu6b6cois, jusqu’ah r6cemment, et que cons6quemment le
probl~me du choix de remade ne se posait presque pas.

La jurisprudence en mati~re d’immigration ‘

reflfte bien la

1oCanadian Coachways Ltd. v. Canadian Labour Relations Board, (1966)

56 W.W.R. 324.

“Heidner v. McCormack, [1949] W.W.R. 1970; Mgthot v. la Ville de Quebec,

[1972] C.A. 126.

12Track v. Bierschenk, [1971] 2 W.W.R. 79; Samuels v. Council of College of

Physicians and Surgeons, (1966) 17 W.W.R. 385.

13 R. v. Labour Relations (Ont.); Ex parte International Association of Bridge,

etc., Workers, Local 721, (1970) 7 D.L.R. (3d) 696.
14R. v. Stafford, [1904] 2 K.B. 33, aux pp. 43-45.
15 Re Alder; ex parte Ready, (1968) 67 D.L.R. (2nd) 513.
‘0 Pour une analyse de la structure administrative et judiciaire en mati~re
d’immigration, voir notre article, Affaires d’immigration en appel, (1972) 32
R. du B. 194. Notons cependant qu’un arrat tr~s r6cent de la Cour d’appel
fdd6rale, Srivastava v. Le Ministre de la Main-d’oeuvre et de l’immigration,
(jugement du juge-en-chef Jackett en date du 16 f6vrier 1973, 36 D.L.R.
(3d) 688), modifie quelque peu le arapport des forces> en pr6sence en d6cr6tant
que le fonctionnaire ht l’immigration et l’enqu~teur spdcial sont tous deux seule-
ment des fonctionnaires administratifs et que la Commission d’appel de 1’immi-
gration est un tribunal de premiere instance dont appel h la Cour d’appel
f6d6rale. Ceci impliquerait alors que l’audition devant la Commission serait
de novo.

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tendance jurisprudentielle g6n6rale.’1 Les juges d6cident dans cha-
que cas du remade h apporter.

II. Modification de l’itat du droit

Deux nouveaux facteurs ont consid6rablement modifi6 1’6tat du
droit en la mati~re: d’une part l’arrt Pringle v. Fraser 18 et d’autre
part l’article 29 de la Loi sur la Cour fdd~rale.19

a. L’arrit Pringle v. Fraser:

La Cour supreme du Canada si6geant au grand complet apporta 0
le 30 mars 1972, un 616ment de solution jurisprudentielle important
ce probl~me du choix entre l’appel et l’6vocation. I1 d6coule de
cette d6cision que, en vertu de l’article 22 de la Loi sur la Com-
mission d’appel de l’immigration,2’ la Commission d’appel de l’im-
migration n’est aucunement sujette aux recours en revision aupr~s
des cours sup6rieures provinciales en ce qui a trait h l’adminis.
tration de la justice en mati~re d’immigration.

(i) Les faits

Tel qu’dnonc6 en d6tail par l’honorable juge Georges Addy, si6.
geant en appel,22 un certain E.E. Pringle, enquteur special agissant
en vertu de la Loi sur l’immigration3 6tablit une ordonnance
d’expulsion le 2 octobre 1970 h l’endroit de H.H. Fraser au motif,
entre autres, que le fils de ce dernier est faible d’esprit (sous-alin6a
31(1) (a) du R~glement de l’Immigration,2 qui r6f~re au sous-alin6a
5(a) (i) de la Loi). Aussit6t Fraser remplit et signifie h l’enqu~teur
sp6cial un avis d’appel h la Commission, conform6ment aux dis.
positions des R~gles de cette dernimre. 5

17 Pour l’dmission: Caruana v. Dillon, [1971] C.S. 230; Re Fraser and Pringle,
[1971] 2 O.R. 749; R. v. Montemurro, [1924] 2 W.W.R. 250. Contre l’mission: ,
Tirey v. Minister of Manpower and Immigration, [1971] 5 W.W.R. 149; Re
Edery, (1969) 7 D.L.R. (3d) 654; Ex parte Paterson, (1971) 18 D.L.R. (3d) 84;
Ex parte Hosin, (1970) 12 D.L.R. (3d) 304.

18 (1972) 26 D.L.R. (3d) 28.
19 S.R.C. 1970, 2e supp., c. 10.
2o Pringle et Le Minist~re de la Main-d’oeuvre et de l’immigration v. Fraser,
(1972) 26 D.L.R. (3d) 28.

21 S.R.C. 1970, c. 1-3.
2 2 Re Fraser and Pringle, [1971] 2 O.R. 749.
23 S.R.C. 1970, c. 1-2.
241962-86 D.O.R.S. (62-36).
25 P.C. 1967-2084 D.O.R.S. (67-559), a. 4(a).

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DE L’APPEL ET DE L’EVOCATION

Cependant son conseiller juridique lui indique qu’6tant donn6
un arridrd consid6rable d’affaires devant ladite Cour, il se peut
que son appel ne puisse 6tre entendu avant 18 ou 24 mois, ou
m~me plus, qu’entre temps il ne peut quitter le Canada sans
compromettre sa demande en vue d’obtenir le statut d’immigrant
regu h moins d’obtenir une permission sp6ciale 2 6 et enfin que l’or-
donnance est contestable sur une question juridictionnelle. En
raison de ces motifs et puisque la Cour f6d6rale du Canada n’exis-
tait pas alors dans la forme que nous connaissons aujourd’hui,
Fraser demande parall~lement par certiorari h la Cour Supreme
de l’Ontario que l’ordonnance soit annul6e, h ddfaut de quoi il
demande par mandamus soit l’annulation de 1’ordonnance et une
directive au Ministre de proc6der, conform6ment aux dispositions
de la Loi, h la r6ception de l’appelant et de sa famille, soit de
rouvrir 1enqu~te et de prendre en consid6ration la preuve mddicale
de l’appelant, ou soit d’ordonner au Ministre de rdexaminer le fils
de l’appelant.

Cette demande est rejet6e sans motifs par le juge Haines. En
appel, le juge Addy infirme cette d6cision et annule l’ordonnance
au motif qu’il y avait urgence 6tant donn6 l’6tat de sant6 du fils
‘arrir6 des affaires devant la Commission;2 7 le mandamus est
et
refus6 au motif que .da Cour ne peut 6mettre de directives au
minist~re>> (lire le Ministre). La Cour supreme du Canada accueille
l’appel, annule cette derni~re ddcision et rdtablit le jugement du
juge Haines.
(ii) Le point de droit

La Cour supreme du Canada devait d6terminer si, h l’occasion
de la cr6ation de la Commission d’appel de l’immigration, la juri-
diction que lui conf~re l’article 22 reli6 aux articles 11 et 12 de
sa loi organique et des modifications apport6es par ce changement
h la Loi sur l’immigration,2 8 la Cour supreme de l’Ontario est com-
p6tente pour entendre les requites en certiorari visant l’annulation

20 Ceci nest pas tout h fait exact car il est de jurisprudence constante devant
la Commission d’appel de l’immigration qu’un appelant peut demander que
son appel soit entendu m~me s’fl quitte le pays; par interpr6tation, les affaires
Frazier v. Le Ministre de la Main-d’oeuvre et de l’immigration, [1972] 1 A.IA.
299; et Meeser v. Le Ministre de la Main-d’oeuvre et de l’immigration, [1972]
1 A.IA. 436.

27 Le juge a pris judiciairement cormaissance de 1’existence de l’arri6r6; or
aucun affidavit du Greffier de la Commission n’apparalt au dossier refusant
une mise en r6le par pr6f6rence.

2sVoir notre article, Afjaires d’immigration en appel, (1972) 32 R. du B.

194, ii la p. 207.

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[Vol. 19, No. 3

d’une ordonnance d’expulsion faite par un enqu6teur sp~cial en
vertu de La Loi sur l’immigration.

Au nom des neuf juges de la Cour supreme du Canada, le juge

Laskin rdpond par la ndgative h cette affirmation et declare:

Je suis convaincu. que, dans le contexte du programme g6n6ral de l’admi-
nistration des politiques en rhati~re d’immigration, les termes de l’article
22 (Qcomp6tence exclusive pour entendre et decider toutes questions de
fait ou de droit, y compris les questions de comptence >) suffisent non
seulement i rev6tir la Commission de l’autorit6 d6clarde mais encore h
empecher toute autre cour ou tout autre tribunal d’6tre saisis de tout
genre de procedures, que ce soit par voie de certiorari ou autrement,
relativement aux matiares ainsi r6servdes exclusivement a la Commission.
Le fait que cette interpr6tation a pour effet d’abolir le certiorari comme
recours h l’6gard des ordonnances d’expulsion contestables n’est pas une
raison de refuser de donner aux termes leur sens dvident. 29
A son avis, en effet:
[I]es faits de l’espce d6montrent que la juridiction d’appel conf6rde
la Commission est inconciliable avec le maintien de la comp6tence en
mati~re de certiorari des cours sup6rieures provinciales.3 0
II faut noter par ailleurs que la portde de cette juridiction
exclusive semble restreinte hi toute ddcision dont appel depuis
1’enqu~teur spdcial h la Commission; en effet, 1’article 22 de la
Loi sur la Commission d’appel de l’immigration dit bien: <(... com- p6tence exclusive pour entendre et ddcider toutes questions ... h l'occasion de l'tablissement d'une ordonnance d'expulsion ... 8)1s Ainsi, un justiciable pourrait alternativement avoir recours h un recours extraordinaire appropri6 avant la prise de la decision par l'enqugteur spdcial. Deux difficultds typiques qui pourraient servir de fondement h ces recours seraient celle oi l'enqu~teur refuserait d'ordonner la comparution d'un t6moin h la demande de la per- sonne concernde ou encore celle oit l'enqu~teur ferait preuve de par- tialit6 6vidente. Bien sir, et c'est l'argument principal h l'encontre de cette th~se des recours multiples, ces ,,difficult6s)> sont, en
mati~re d’immigration, couvertes par la possibilit6 qu’a un appe-
lant en vertu du sous-alinda 11(3) (e) de la Loi sur Z’immigration de
faire annuler l’ordonnance en appel devant la Commission d’appel
de l’immigration parce que l’enqu~te n’a pas 6t6 complete et r6-
guli~re.
(iii) Analyse du point de droit

Le d6bat dans cette affaire ne porte pas sur le pouvoir g6n6ral
de la Cour Supreme d’Ontario, et des autres cours sup6rieures

29 [1972] R.C.S. 821, 4 la p. 826 (nous soulignons).
30 Ibid., h la p. 827.
31 Nous soulignons.

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DE L’APPEL ET DE L’EVOCATION

provinciales, d’annuler par voie de certiorari en annulation ou
autre procddure de m~me nature, les ordonnances de tribunaux
infdrieurs pour des motifs semblables ht ceux invoquds en
‘affaire
qui nous occupe. L’analyse du juge Laskin ne constitue pas non
plus une interprdtation comparative du texte de loi en regard
d’autres textes de loi semblables, ni ne porte-t-elle sur les mdrites
particuliers de l’affaire.

Ainsi, le savant juge n’attache pas de signification ddmesurde
h la radiation de l’article 39 de la Loi sur l’immigration, tel que
rddig6 h l’6poque, qui ne reconnaissait qu’un droit partiel aux
recours extraordinaires aupr~s des cours supdrieures provinciales.
Cette radiation fait partie intdgrante de la modification intervenue
en 1967.

II n’est donc pas ndcessaire –

cela aurait 6t6 superfdtatoire –

d’exiger une disposition privative prdcise en plus de l’dnoncd gdnd-
ral contenu h l’article 22 de la Loi sur la Commission d’appel de
l’immigration octroyant h cette derni~re <(... compdtence exclusive pour entendre et ddcider de toutes questions de fait ou de droit y compris les questions de compdtence, qui peuvent se poser h l'occasion de l'6tablissement d'une ordonnance d'expulsion etc... , 2 disposition ayant pour but de retirer explicitement aux cours su- pdrieures provinciales, toute compdtence en ce qui a trait h l'6mis- sion de brefs de prdrogative dans les mati~res ddvolues h la juridiction de la Commission. Pour le juge Laskin, la question de juridiction est primordiale et l'on ne peut pas la contourner pour aller au fond de l'affaire en invoquant explicitement ou implicite- ment un quelconque principe de justice naturelle: La probabilit6 d'un retard dans raudition de 1'appel interjet6 par Fraser ne peut, cette question n'dtant pas vis6e par les termes de la loi ni par le mode d'administration, maintenir ou faire renaitre un pouvoir de sur- veillance d'une cour provinciale qui autrement ne pourrait Atre exerc6. De m~me, reffet de l'article 22 et de ses dispositions connexes ne se trouve pas chang6 par le fait qu'en vertu des R~gles dtablies par la Commission, le droit d'appel conf6r6 par la Loi doit s'exercer par la signification, dans les vingt-quatre heures de la signification de l'ordon- nance d'expulsion ou, hi la discrdtion du prdsident, dans un ddlai d'au plus cinq jours, de l'avis prescrit; voir 1'article 4(1)(2) des R~gles.33 (iv) Application du point de droit Mme si l'6minent juriste nous met en garde d~s le ddbut de son jugement en disant qu'il ne traite pas de la compdtence de la Cour supreme de 1'Ontario en matire de certiorari h l'encontre 32 Nous soulignons. 33[1972] R.C.S. 821, la p. 828. McGILL LAW JOURNAL [Vol. 19, No. 3 d'ordonnances d'expulsion, son mode de raisonnement, qui traite du principe en jeu plut6t que des questions techniques ou de pro- c6dure, semble devoir s'appliquer h d'autres domaines que l'immi- gration. Ainsi tout tribunal f6ddral auquel le L6gislateur f6ddral aurait confdr6 une comp6tence d'appel exclusive et complete dans un domaine prdcis ne serait pas sujet h 6vocation devant les cours supdrieures provinciales. Dans une d6cision du 6 avril dernier,34 le juge Grant de la Cour lorsqu'il d6- d'appel de l'Ontario semble favoriser
clare:

The question as to whether the jurisdiction of the Supreme Court of
Ontario to grant certiorari in respect of deportation orders is taken away
by the language of s. 22 of the Immigration Appeal Board Act, 1966-67
(Can.) c. 90 [now R.S.C. 1970, c. 1-3], is considered in the case of Re Fraser
and Pringle et al. [1971] 2 O.R. 749, 19 D.L.R. (3d) 129. Therein Haines,
J., dismissed an application for certiorari on the ground that the Court’s
jurisdiction to grant orders of that nature concerning deportation pro-
ceedings had ceased and that jurisdiction was exclusively in the Board
established by such Act. In an appeal therefrom, reported above, the
Court of Appeal held that the language of ss. 7 and 22 of the Immigration
Appeal Board Act was not sufficiently clear or adequate to oust the
jurisdiction of the Supreme Court of Ontario in such matters. The words
of such statute which were the subject of consideration were that the
Board was to have “sole and exclusive jurisdiction to hear and determine
all questions of fact or law, including questions of jurisdiction”. In an
appeal from such decision to the Supreme Court of Canada, Laskin, J.,
has very recently delivered the judgment of the Court (not yet reported)
[now 26 D.LR. (3d) 28] in which the appeal was allowed and holding
that the words in the Act above referred to were “adequate not only
to endow the Board with the stated authority but to exclude any other
Court or tribunal from entertaining any type of proceedings, be they by
way of certiorari or otherwise in relation to the matters so confided
exclusively to the Board.

It is my opinion that s. 18 of the Federal Court Act, above quoted,
clothes the Federal Court with exclusive jurisdiction in any application
for certiorari of the nature requested by the applicant herein. The motion
should therefore be dismissed.35
Le juge Grant se rdf~re h l’affaire Pringle v. Fraser et arr~te qu’au-
cun recours n’existe aupr~s des cours supdrieures provinciales pour
l’obtention d’un bref d’6vocation en regard d’une decision de la Com-
mission fdddrale des lib6rations conditionnelles 6

I1 ddclare en outre que toute demande h cet effet doit Atre adres-
sde h la Cour fdddrale du Canada, division de premiere instance. Cette

34 Ex parte Hinks, [1972] 3 O.R. 182, aux pp. 185-186.
35 Ibid.
86 S.R.C. 1970, c. P-2.

19731

DE L’APPEL ET DE L’EVOCATION

derniere possibilitd fausse l’analogie quelque peu et distingue la
Commission des libdrations conditionnelles de la Commission d’ap-
pel de l’immigration puisque dans le premier cas aucun appel des
decisions n’est prdvu dans la loi organique alors que dans le
deuxieme cas il y a possibilitd d’en appeler h la Cour d’appel
f6ddrale, et de lh, h la Cour supreme du Canada.

Faut-il alors, en matiere fdddrale, se reporter au principe qui sem-
ble ddcouler de la jurisprudence analysde plus haut, h l’effet que le
droit de r6vision des cours supdrieures, h l’dgard d’un tribunal en
particulier, est retird lorsqu’un droit au fond existe depuis ce tribu-
nal particulier : un tribunal gdndral des appels, en l’occurence la
Cour d’appel fdd6rale? Une rdponse positive nous semble probable,
surtout si l’on rdfere h l’article 29 de la Loi sur la Cour f~d~rale.

b. L’article 29 de la Loi sur la Cour f~drale du Canada:

L’avenement de la Cour fdddrale du Canada postdrieurement au
probleme soulevd dans Pringle v. Fraser a, h toutes fins pratiques,
rdgld le probleme du choix de recours en matiere fdd6rale.

Les articles 18 et 28 de la Loi sur la Cour f~ddrale traitent respec-
tivement de la juridiction de premiere instance et d’appel de la Cour
fdddrale.

Dans son Manuel de pratique sur la Cour fidgrale du Canada, le

juge en chef, W. R. Jackett,” dcrit ce qui suit:

La Division de premiere instance poss:de une competence exclusive de
nature tr~s large en ce qui concerne les offices, commissions bt autres
tribunaux fddraux. Dans la Loi sur la Cour f~drale l’expression ddsigne un organisme ou une ou
plusieurs personnes ayant, exergant ou pr6tendant exercer une competence
ou des pouvoirs, en vertu d’une loi du Parlement du Canada, h l’exclusion
de toute cour supdrieure, cour de district ou cour de comt6 d’une pro-
vince et de tout autre organisme 6tabli par la legislation provinciale
(article 2g de la Loi). En ce qui concerne ces tribunaux la Division de
premiere instance est comp~tente pour 6mettre

a) une injonction
b) un bref de certiorari
c) un bref de prohibition
d) n bref de mandamus
e) un bref de quo warranto

ou pour rendre un jugement ddclaratoire (article 18a de la Loi). Cette
competence s’6tend, en outre, aux autres procddures visant h obtenir
un redressement 6quivalent comme par exemple les actions intentdes

37W.R. Jackett, Manuel de pratique sur la Cour f~d~rale du Canada, (Infor-

mation Canada, Ottawa: 1971), no. de catalogue 12-1971.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 19, No. 3

contre le procureur g6n6ral aux fins d’obtenir une decision d6claratoire
(article 18b de la Loi). La Loi ne semble pas crder un nouveau type de
procddures pour ces questions; il faut donc, h mon avis, que toute pro-
cddure de ce genre intentde devant la Division de premiere instance en
vertu de la Loi sur la Cour fdd6rale soit une procddure qui aurait pu
etre intentde devant quelque autre tribunal m~me si la Loi n’dtait pas
entrde en vigueur.

En outre, cette competence de la Division de premiere instance en
ce qui concerne les offices, commissions et autres tribunaux fdd6raux
comporte deux exceptions, savoir:

a) Lorsque la Cour d’appel f6ddrale est compdtente (article 28) pour
entendre et juger une demande d’examen et d’annulation d’une drcision
ou ordonnance d’un tel tribunal, la Division de premiere instance est
sans competence pour connaltre de toute procddure relative h cette drci-
sion ou ordonnance (article 28(a) de la Loi), et

b) lorsqu’une loi fdd6rale prdvoit le droit d’interjeter appel d’une
decision ou ordonnance d’un tribunal devant la Cour fdd6rale, la Cour
supreme du Canada, le gouverneur en conseil ou le conseil du Trdsor,
cette decision ou ordonnance ne peut faire l’objet d’un examen ni d’aucune
autre intervention ,,dans la mesure oii il peut en etre ainsi interjet6 appel
sauf . Pour cl’excddanbt,
les recours extraordi-
naires demeurent.

as 29. Nonobstant les articles 18 et 28, lorsqu’une loi du Parlement du Ca-
nada pr6voit expressdment, qu’il peut 6tre interjetd appel, devant la Cour,
la Cour supreme, le gouverneur en conseil ou le conseil du Tr6sor, d’une
decision ou ordonnance d’un office, d’une commission ou d’un autre tribunal
fdd6ral, rendue A tout stade des procedures, cette decision ou ordonance
ne peut, dans la mesure oiL il peut 6tre ainsi interjetd appel, faire l’objet
d’examen, de restriction, de prohibition, d’dvocation, d’annulation ni d’aucune
autre intervention, sauf dans la mesure et de la mani~re pr6vues dans cette loi.

39 Sackett, op. cit., aux pp. 18-19.

19731

DE L’APPEL ET DE L’EVOCATION

I1 est ainsi possible d’invoquer ces deux moyens simultan6ment 40
si le moyen prdvu k l’article 29 ne couvre pas enti~rement tous les
motifs de rdvision ou d’appel, ceux-ci 6tant couverts par la comp6-
tence d’appel ordinaire de l’article 28. C’est le cas oit le droit d’appel
se limite h. des questions de droit et qu’il ne peut Atre exercd que
sur autorisation.

Quel est cet excddent? II faudra, dans chaque cas, examiner les
statuts en prdsence, soit la Loi sur la Cour f~drale et la loi organi-
que crdant le droit d’appel depuis le tribunal infdrieur, puisque l’6ten-
due du pouvoir de revision exerc6 par la Cour d’appel fdddrale varie
considdrablement 4 La nature du remade demand6 et l’6tendue du
pouvoir de r6vision sont donc les deux facteurs cruciaux a d6termi-
ner b cet 6gard.4

Dans le cas de la Commission d’appel de l’immigration par exem-
ple, 6tant donn6 le pouvoir de r6vision tr~s g6n6ral de la Cour d’ap-
pel f6d6rale, tel que d6crit at 1’article 23 de la Loi sur la Commission
d’appel de l’immigration modifi6 par l’Annexe B de la Loi sur la
Cour f~ddrale et 6tant donn6 la nature de la juridiction de la Com-
mission d’appel de l’immigration, le recours qu’un justiciable pour-
rait exercer devant la Cour f6d6rale de premiere instance est, h notre
avis, assez limit6, soit 1’habeas corpus, soit, si la Commission refuse
d’entendre et de rendre une d6cision dans une affaire, un bref de
pr6rogative appropri6. 3 Ces cas d’ouverture sont 6videmment rares.

40Oackett, op cit., h la p. 25, dit:

La r~gle 1314 a 6t6 adopt6e h cette fin. Elle pr6voit qu’une ordonnance
puisse Atre d~cerne apr~s le commencement de l’appel et la pr6sentation
de la deiaande faite en vertu de
‘article 28, joignant les deux proc6dures,
et donnant des directives quant h la conduite des proc6dures ainsi r~unies.
Cette ordonnance, en plus de d6terminer certains d6tails mat6riels, comme
l’intitu6 de la cause qui doit atre utilis6 dans les procedures rdunies,
pourrait contenir des directives pour la pr6paration d’un seul dossier
conjoint pour fixer la date pour le d6p6t et la signification des m6moires
contenant les points d’argument ainsi que pour fixer la date pour l’au-
dition des proc6dures ainsi r6unies. En d’autres termes, lorsqu’on en
appellera dune certaine d6cision, la proc6dure sera assimil6e hi celle
pr6vue pour une demande d’annulation et la Cour d6cernera une ordon-
tablissant une c6dule de dates pour l’accomplissement des
nance sp6ciale
diff6rentes mesures h prendre dans la cause.
41 Ceci pose h nouveau le probl~me de la rationalisation du syst~me d’appel

en droit administratif f6d6ral.

42Voir: Mdthot v. La Vilie de Quibec, [1972] CA. 176.
43Voir: Prata v. Le Ministre de La Main-d’oeuvre et de l’immigration, (d6ci-
sion non rapportde de la Cour f6d6rale du Canada, premiere instance, en date
du 19 juin, 1972, no. T-71-6810). Dans cette affaire la Commission avait refusd
de statuer sur une demande de libdration sous cautionnement alors que la per-

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 19, No. 3

Le remade en l’espbce demeure l’appel h la Cour d’appel fdddrale.
Le probl~me du choix des recours dtant h peu pros rdgl6 au ni-
veau fdddral grace h l’article 29 de la Loi sur la Cour fgddrale, qu’en
est-il du domaine provincial, celui du Qudbec en particulier?

c. Les articles 121 et 122 du Code du travail du Qudbec

Les indications ou les didments de solution fournis par l’arr~t
Pringle v. Fraser peuvent-ils nous aider dans nos recherches, h dd-
faut d’un texte analogue A l’article 29, lequel va plus loin que l’article
846 du Code procddure civile? L’article 846 c.p.c. limite le recours h
l’dvocation aux domaines oit il n’y a pas d’appel de la decision
contestde, sauf pour ce qui est des questions d’exc~s ou de d6faut
de juridiction. C’est donc h cette derni~re exception que nous
nous adressons.

Dans les provinces de Common Law, il n’existe pas, l notre con-
naissance, de texte analogue aux articles 29 de la Loi sur la Cour fg-
ddrale et 846 du Code de procddure civile qui dliminent ou hi tout le
moins rdduisent le problbme du choix des rem~des. Une r6forme on-
tarienne rdcente 44 consacrait officiellement l’existence de deux re-
cours possibles lorsque fht crdde la Divisional Court of Ontario.45
II est prdvu h l’article 2 de cette premiere loi que la Cour peut, sur
requite en rdvision, accorder a un requ6rant un redressement de la
nature du mandamus, du certiorari et de l’injonction, ind6pendem-
ment de tout droit d’appel au fond.

Tout en tenant compte du fait que l’arr~t Pringle se situe dans un
contexte fdddral-provincial, nous sommes disposas hi r6pondre par
l’affirmative iL la question ci-haut. Si l’on rdduit le problkme h ses

sonne sous le coup de l’ordonnance d’expulsion demandait la permission d’en
appeler
la Cour d’appel fdddrale de premibre instance, de l’dmission d’une
ordonnance d’expulsion; cette dernibre ordonna b. la Commission d’entendre
la demande de cautionnement et ce suite bi son interpr6tation de la juridiction
de la Commission en vertu des articles 18(1) et 23(1) de la Loi sur la Com-
mission d’appel de l’immigration. La Commission ne croyait pas avoir juridic.
tion en la mati~re 6tant donn6 que l’affaire 6tait en instance devant Ia Cour
f~drale. En ce qui a trait a 1’enqu~teur special, il n’y a plus de confusion
possible au fond depuis l’arr~t Srivastava v. Le Ministre de la main-d’oeuvre
et de l’immigration, supra, n. 16, lequel ddclare que l’enqu~teur special rend
des decisions administratives et non judiciaires ou quasi-judiciaires. Le seul
recours de la m~me en mati~re de (
l’image de l’article 22 de la Loi sur la Commission d’appel
de l’Immigration. I1 faut noter a cet dgard que l’entr6e en vigueur de
‘article 121 est postdrieure (1969) h celle de l’article 846 c.p.c. et
de son deuxi~me alin6a (1966).

La situation n’est pas tout h fait identique en ce qui a trait h la
revision des ddcisions de la Commission d’appel de l’immigration
face at celles du Tribunal du Travail; car dans le premier cas il y a
appel des ddcisions de la Commission h la Cour d’appel f6d6rale alors
que dans le deuxi~me cas il n’y a pas d’appel des ddcisions du Tri-
bunal du travail sauf en mati6re pdnale.51

De m6me, en parlant d’immigration, mais se servant d’un raison-
nement d’application g6n6rale, le juge Desch~nes de la Cour d’appel
du Qudbec, dans l’affaire Caruana v. Dillon 52 6nonce:

50 121. Nulle action en vertu de l’article 33 du Code de procedure civile,
ni aucun recours extraordinaire au sens de ce code, ni aucune injonction
ne peuvent etre exercds contre un conseil d’arbitrage, un tribunal d’arbitrage,
un arbitre des griefs, un enqu6teur ou le tribunal, en raison d’actes, de pro-
cdures ou de decisions se rapportant & l’exercice de leurs fonctions.

122. Deux juges de la Cour du banc de la reine peuvent sur requite annuler
sommairement tout bref et toute ordonnance ou injonction d6livrds ou ac-
cordds h l’encontre de l’article pr~cddent. (Nous soulignons).

51 Article 104a, Code du travail. Ii apparaitrait, cependant, que malgr6 l’ap-
parente clart6 de cet article, il existe un appel possible en matiare civile depuis
le tribunal du travail h la Cour supreme du Canada en vertu du paragraphe
41(1) de la Loi sur la Cour supreme du Canada, S.R.C. 1970, c. S-19. Si cette
pos~ibilit6 se confirmait il y aurait analogie entre la situation de la Com-
mission d’appel de l’immigration et celle du Tribunal du travail, pas seulement
celle du commissaire-enqu~teur, en ce qui a trait aux brefs d’dvocation.

52 D6cision du 21 ddcembre 1972 de la Cour d’appel du Qudbec, (no. 14090),

district de Montrdal.

19731

DE L’APPEL ET DE L’EVOCATION

D~s lors, si l’Appelant a raison de mettre en doute la competence de
l’enquateur special de procdder 4 une deuxi~me enqute, c’est a la Com-
mission d’appel de l’immigration qu’il doit soumettre son grief: la Com-
mission poss~de en effet competence exclusive mame sur