Déléguer l’autorité au système ? L’extériorisation de la fonction judiciaire et le dé-agencement des juges : Les retombées inattendues du déploiement de l’intelligence artificielle en justice
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L’écosystème dans lequel les tribunaux opèrent a évolué de manière particulièrement brusque depuis 2020, passant d’une culture privilégiant le « format papier » à un « mariage de convenance » non balisé avec des intermédiaires privés, sur lequel la justice dépend en tant qu’infrastructure essentielle. Ainsi, les tribunaux, institutions démocratiques, se livrent spontanément à des partenariats non encadrés avec des compagnies multinationales, dont la mission est de commercialiser les données. Ceci, devant une pénurie de ressources et des pressions croissantes de désengorger les cours de justice.
Sans aucun doute, l’essor des prédictions algorithmiques en justice soulève une préoccupation primordiale en ce qui concerne l’indépendance judiciaire, l’ossification du racisme systémique et l’enracinement des inégalités socio-économiques. En d’autres termes, la justice « à deux vitesses » (automatisée et traditionnelle) et la prolifération du « poor man’s justice ».
D’autre part, le déploiement non encadré de l’IA risque d’empiéter sur diverses lois et de figer la jurisprudence dans un carcan qui ne correspond aucunement au modèle de l’arbre vivant et de l’interprétation contextuelle. Compte tenu des retombées significatives de ces partenariats invisibles sur les plans institutionnel et social, cet article s’attarde sur l’assujettissement de la justice à des technologies privées dans une perspective (comparative) transsystémique. L’article se penche ainsi sur l’impact institutionnel de la numérisation de la justice et sur les conséquences de la standardisation et de l’automatisation sur l’État de droit et sur l’évolution progressive de la jurisprudence.
The ecosystem in which the courts operate has evolved particularly abruptly since 2020, moving from a culture favoring “paper format” to an unstructured “marriage of convenience” with private intermediaries, on which justice depends as an essential infrastructure. Courts, as democratic institutions, are spontaneously entering into unregulated partnerships with multinational companies, whose mission is to commercialize data. This, in the face of a shortage of resources and growing pressure to unclog the courts.
Without a doubt, the rise of algorithmic predictions in justice raises a paramount concern with regard to judiciary independence, the ossification of systemic racism and the entrenchment of socio-economic inequalities. In other words, “two-tier” justice (automatized and traditional) and the proliferation of “poor man’s justice”.
On the other hand, the uncontrolled deployment of AI risks encroaching on various laws and freezing jurisprudence in a straitjacket that in no way corresponds to the model of the living tree and contextual interpretation. Given the significant institutional and social repercussions of these invisible partnerships, this article examines the subjection of justice to private technologies from a trans-systemic (comparative) perspective. The article examines the institutional impact of the digitization of justice and the consequences of standardization and automation on the rule of law and the progressive evolution of jurisprudence.
* Karen Eltis est professeure titulaire à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa, section de droit civil. Ses recherches se concentrent sur le cyberdroit et sur l’impact des nouvelles technologies sur les droits constitutionnels et sur la gouvernance dans une perspective de droit comparé.