Article Volume 44:2

La Disposition préliminaire du Code civil du Quebec

Table of Contents

La Disposition pre1iminaire du

Code civil du Qu6bec

Alain-Frangois Bisson”

A tous les codificateurs ou recodificateurs, la ques-
tion se pose de savoir s’il convient de gouvemer le sens de
l’ceuvre codificatrice par le recours Zi des dispositions gdnd-
rales ou prdliminaires organisatrices et orienteuses du sys-
tame. Le codificateur qudbdcois de 1991 a choisi
d’exprimer l’effet de codification dans une seule disposi-
tion prdliminaire de deux alindas, riche de contenu et po-
tentiellement de grandes consdquences, sous ses apparen-
ces lapidaires. On peut, avant meme tout effort de thdorisa-
tion proprement dite, tirer d’importants enseignements des
6tapes de sa formation et de ses commencements, tant doc-
trinaux que pratiques, d’application.

Le nouveau Code civil n’est pas un code de droit pri-
v6 ; c’est un code de droit commun, qui n’a pas le droit pri-
v6 pour objet exclusif. De plus, la Disposition prdliminaire
a dj4 commenc6 a exercer une inttressante double action
sur la doctrine et la jurisprudence. La doctrine a vu sponta-
ndment que la Disposition prdliminaire comporte une di-
rective gdndrale implicite d’interprdration dynamique, 16gi-
timant une grande varidtd de moyens et de procddds. Par
ailleurs, sans Eire encore exploitde autant qu’elle pourrait
l’tre sans doute, la Disposition prdliminaire a fait une en-
trde plutt rapide dans les ddbats et motivations judiciaires,
dans les domaines les plus divers, du droit civil proprement
dit au droit fiscal ou au droit du travail, en passant par la
procddure civile et le droit municipal, deux domaines dans
lesquels la Cour suprdme a d6jh consacr6 sa Idgitimit6 ar-
gumentative.

L’avenir seul le dira, mais la Disposition prdliminaire
pourrait Etre porteuse d’une rdorganisation intellectuelle et
pratique de tout le syst~mejuridique qu6bdcois.

The utility of including preliminary provisions in a
civil code as a means of outlining both the organizational
nature as well as the spirit of the law is a question often
posed by drafters seized with
the responsibility of
(re)codification, as the case may be. In 1991, the drafters of
the Civil Code of Quebec expressed the spirit of the Code
in a preliminary provision consisting of but two para-
graphs. Despite its succinctness, however, its content holds
a wealth of nuances that may prove to have very important
consequences. Furthermore, much can be learned from its
early beginnings, and how its language and focus changed
with each new drafting.

The new Civil Code of Quebec does not codify pri-
vate law, but rather thejus commune, which does not only
encompass the private law. Furthermore, the preliminary
provision has already had an interesting impact on both
doctrine and jurisprudence. Almost instantly, doctrine rec-
ognized that the preliminary provision gives an implicit
general directive of dynamic interpretation. At the same
time, the preliminary provision has been ushered into the
courtroom to be debated as a point of law in fields ranging
from civil law proper to tax law and labour law, while in
the areas of civil procedure and municipal law, the Su-
preme Court has confirmed the preliminary provision’s le-
gitimacy.

Perhaps the preliminary provision holds the key to an
intellectual and practical reorganization of the Quebec legal
system, helping us to perceive and consider the law in new
ways. This, however, only time will tell.

. Professeur titulaire i ]a Facult6 de droit de l’Universit6 d’Ottawa. Texte ldg&ement remani6 et
augment6 de notes de ]a conference Wainwright prononcde le 22 octobre 1998 1 ]a Facultd de droit de
‘Universit6 McGill. Le ton personnel, voire A l’occasion familier, en a dt6 largement conserv6. Le
conftrencier est redevable A madame Julie Boulanger et A monsieur Jean Faullem, assistants de re-
cherche, de l’aide apportde dans la reunion d’une partie de la documentation utile h la preparation de
cette conference et dans la verification de certains details.

Revue de droit de McGill 1999

McGill Law Journal 1999
Mode de r6fdrence: (1999) 44 R.D. McGill 539
To be cited as: (1999) 44 McGill L.J. 539

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MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL

[Vol. 44

Introduction

I. La Disposition pr6liminaire en gestation

A. Premiere version : le Code 6tablit le droit
B. Deuxibme version: le Code 6tablit le droit priv6
C. Troisi~me version: le Code 6tablit le droit commun

II. La Disposition pr6liminaire en action

A. Action sur la doctrine
B. Action sur la jurisprudence

Conclusion

1999]

A. -F BISSON – LA DISPOSITION PRELIMINAIRE DU C.C. .

Introduction

Le bruit a couru, et court encore parfois, que 1’auteur de cette conference serait
aussi l’auteur de la Disposition pr~liminaire du Code civil du Quibec de 1991 ou qu’il
aurait pris une part tr~s importante h sa redaction. I1 profite donc de l’honneur excep-
tionnel qui lui est fait de s’adresser au plus averti des auditoires pour dire, une fois
pour toutes, qu’il n’est pas 1’auteur de la Disposition prrliminaire, m~me si, par les
commentaires qu’il a fait parvenir au Minist~re de la justice’, il n’est pas impossible
qu’il ait eu quelque vague influence sur sa formulation, et m~me si, dans le milieu des
annres 80, une 6poque o i la Disposition prrliminaire 6tait encore la cible d’6tranges
attaques, il s’en est fait, avec d’autres, le d~fenseur, contribuant peut-tre ainsi hi sa
survie. Il parlera donc de la Disposition pr6liminaire avec toute la nalvet6 d’un obser-
vateur extdrieur, avec tous les hasards que cela comporte.

Aurait-il d’ailleurs 6t6 l’auteur de la Disposition pr~liminaire qu’il se serait rap-
pel6 ce que dit la sagesse judiciaire en la personne de Lord Halsbury : nul n’est dans
une pire situation pour interpreter une loi que celui qui a particip6 h sa r~daction. I1 se
serait rappel6 aussi Paul Valery, opportunrment cit6 par le regrett6 Pierre Carignan:
<‘. Peut-etre
enfin se serait-il surtout rappel6 cet avertissement de Gilles Vigneault, entendu sur les
ondes, parole de porte, parole terrible pour tous les juristes bavards de la plume, 16-
gislateurs, juges ou auteurs de doctrine: <>.

Cette mise au point 6tant faite – mise au point qui n’est donc en aucune fagon un
acte de d6solidarisation – c’est prrcisrment 1’ambition et la vocation de toute codifi-
cation rdelle des lois civiles que de prrd6terminer,
tous risques, l’interpr6tation des
activitrs humaines ordinaires dans le but de pr6venir les contestations qui peuvent en
rsulter ou d’en < la solution’. D~s lors, dans toute entreprise de codification
ou de recodification, comme celle i laquelle le Quebec, avec rcemment bien d’autres
pays dans le mond&, vient de procrder, la question se pose de savoir s’il nest pas op-
portun d’insister sur cette destination englobante, doubl~e d’un souci d’exposition or-

‘Notamment dans une lettre assez critique (qui elle-meme n’est pas

l’abri, rdtrospectivement, de

toute critique) adress~e i la direction du droit civil le 4 juillet 1984.

2 Hilderc. Dexter, [1902] A.C. 474 i la p. 477.
R Carignan, <> (1986) 20 R.J.T. 27 a lap. 29.

‘Voir M.-J. Longtin, < dans La r-

forme du Code civil, cinq ans plus tard, Cowansville (Qc.), Yvon Blais, 1998, 1 lap. 30.

11 est 6tonnant que le Qubec soit encore pr~sent6 comme <> (J.-L. Baudouin et Y. Renaud, Code civil dut
Qudbec, Code de procddure civile, Montrdal, Wilson & Lafleur, 1998 h lap. 20).

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROITDE MCGILL

(Vol. 44

donn6e du droit, de la codification et s’il ne convient pas de gouverner le sens, dans
la d6finition ou, A tout
tous les sens du mot, de l’ceuvre codificatrice, par le recours
le moins, la mise en valeur pr6alable de notions essentielles et par le recours A des
pr6ceptes organisateurs et orienteurs du syst~me. Autrement dit, faut-il –
et, si oui,
comment et dans quelle mesure –
exprimer ce qu’un 6minent auteur frangais con-
temporain a propos6 d’appeler l’effet de codification’ ?

Qu’on les nomme parties g6n6rales, dispositions g6n6rales, dispositions liminai-
res, titres ou dispositions pr6liminaires, dispositions introductives ou autrement, la
question se pose a tous les codificateurs de leur utilit6, de la forme qu’elles doivent
emprunter et de l’6tendue des fonctions qu’elles doivent remplir. La question, qui re-
1ve de Fart de 16giffrer autant que de la conception de l’ordre juridique, ne va pas
sans discussion, parfois vive. Elle regoit les rdponses les plus diverses, ainsi que
1atteste le droit codifi6 compare, selon la conjoncture politique au sens large, les hu-
meurs sociales et intellectuelles du moment et du lieu, les opinions qui animent et di-
visent parfois la pratique et la doctrine, voire les personnalit6s pr6sentes dans les
6quipes de codification. De cette diversit6 de r6ponses, et avant d’en venir A la r6ponse
du l6gislateur qu6b6cois, il ne parait pas inutile de saisir quelques exemples tir6s de
codifications 6trang~res influentes.

Le projet de Code civil des Frangais de 1801 comportait, comme on le sait, un
substantiel livre pr6liminaire de trente-neuf articles qui portait la marque du plus con-
nu des quatre codificateurs frangais, Jean Etienne Marie Portalis. Le livre constituait,
t c6t6 de quelques dispositions plus techniques, un mini-trait6 de philosophie du droit
et de la loi, ainsi que de l’application et de l’interpr6tation de celle-ci, o6i se conju-
guaient, en un style vigoureux et parfois pompeux, l’esprit du l6gislateur r6volution-
naire et la plus belle sagesse juridique antique7. Mais le Conseil d’ttat et certains tri-
bunaux judiciaires jug~rent tout cela beaucoup trop doctrinal8 et Portalis dut accepter’

6 G, Cornu, Codification contemporaine : valeurs et langage dans Codification, valeurs et lan-
gage, Actes d colloque international de droit civil compar, Conseil de la languefrangaise, Mont-
rdal, Universit6 McGill et Universit6 de Montr6al, 1985, 31 A lap. 42.

7On peut trouver le texte de ce livre pr6liminaire dans P.A. Fenet, Recueil complet des travaux prj-
paratoires d Code civil, t. 2, Paris, Au depot, 1827 A la p. 3 et s., ainsi que dans les tr~s utiles extraits
choisis et pr6sentfs sous la direction de R Ewald, dir., Naissance du Code civil, La raison du lgisla-
teur, Paris, Flammarion, 1989 A ]a p. 92 et en annexe de l’article de M.-C. Belleau, Pouvoir judi-
ciaire et codification : perspective historiqueo (1997-98) 28 R.D.U.S. 67 A lap. 120.

‘Le Tribunal d’appel de Lyon, en particulier, fit les observations suivantes :

Toutes les maximes contenues dans ce livre pr6liminaire, m~me 1.es moins contest6es,
sont certainement des abstractions indtaphysico-ligales essentiellement sujtes, comme
tout ce qui est mtaphysique, A controverse, A discussion, i interpr6tation. II peut 8tre
utile aux publicistes de les d6velopper, aux lgislateurs de les m&Iiter, mais il est tr~s
dangereux de les 6riger en principes, et de les consacrer dans un Code (Fenet, ibid., t. 4
A lap. 36).

9Ce qu’il fit, semble-t-il, d’assez bonne grace, si ron en juge par ses discours de pr6sentation au
Corps 16gislatif, notamment celui du 24 novembre 1801 (3 frimaire an X). Voir le Rapport Boulanger

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A.-F BISSON – LA DISPOSITION PRELIMINAIRE DU C.c.Q.

de r6duire le livre pr6liminaire un modeste titre pr6liminaire de six articles”. Cepen-
dant, de nombreuses dispositions du projet de livre pr61iminaire survivront, en quan-
tit6 in6gale et sous des formes diverses, dans des codes aux titres pr6liminaires plus
prolixes, tels ceux des codes civils de la Louisiane, de Porto Rico ou du Chili.

La question fera de nouveau surface un sicle et demi plus tard, alors que la
Commission de r6forme du Code civil frangais d6battra, longuement et de fagon par-
fois houleuse”, le point de savoir si un projet de nouveau Code civil devrait compor-
ter, 1’imitation du code civil allemand notamment, une longue et substantielle partie
g6n6rale. Cette solution ayant t6 finalement 6cart6e'”, la Commission accouchera en
1959 d’un projet de livre pr6liminaire d’une cinquantaine d’articles portant sur la
force obligatoire des lois, r~glements et instruments intemationaux, les conflits de lois
dans le temps et dans l’espace, le r6le du juge et l’exercice anormal des droits”. Mais
le projet de code et le projet de livre pr6liminaire n’auront jamais de suite, le 16gisla-
teur frangais ayant,
tort ou s raison, opt6 dans les ann6es 60 pour des r6formes ef-
fectu~es

l’intdrieur meme du Code Napol6on.

Le code civil allemand, le Birgerliches Gesetzbuch, le fameux ) et, aujourd’hui encore, mais d6class6, au nouvel art. 41.2
de la Loi d’interprdtation du Quibec, L.R.Q. c. 1-16.

” Voir, pour l’amorce de ces d6bats, les Travaux de la Commission de r~forme du Code civil, annde
1945-1946, Paris, Sirey, 1947 h lap. 97 et s. ; parall~lement, avec une partie des memes acteurs, voir
Rapport Boulanger, supra note 9 ‘ la p. 73 et s.
‘2Elie avait d’ailleurs 6t6 fortement attaqu6e d’entr6e dejeu:

Ce n’est pas autre chose qu’une ide de professeur en quete d’un plan pour une intro-
duction a son cours de droit civil. Je ne mets assur~ment dans cette remarque rien de
d6sobligeant, mais si un professeur de droit peut devenir lgislateur, il est clair qu’un
16gislateur n’a pas ‘ s’instituer professeur de droit (Rapport Boulanger, ibid. ‘ lap. 75).

‘>D’apras divers textes dactylographi6s r6unis dans un document (photocopi6, s.d.) intitl6 >),
loi d’introduction au BGB qui 6tait en fait un livre final plut6t
que pr6liminaire du projet de BGB que le l6gislateur allemand d6cidera, aprbs discus-
sion, de laisser en dehors du code’6, foumira sans doute quelques indices,
travers les
conflits d’autorit6s qu’elle r~gle, sur l’importance du code dans l’ordonnancement ju-
ridique imp6rial et, aujourd’hui, r6publicain f6d6ral allemand, mais rien qui soit ou-
vertement et clairement exprim6″.

Le codificateur suisse de 1907 suivra une autre voie. I1 6cartera sans grand d6bat
l’id6e d’une partie g6n6rale A l’allemande’8 et placera en t&e du code civil un bref titre
pr6liminaire de dix articles 6nongant quelques principes fondamentaux pour
l’interpr6tation et l’application de la loi. Deux de ces articles –
r6glant de fagon mod6r6e, en quelques lignes soigneusement discut6es et 61abor6es”,
le probl~me des sources du droit et les rapports du juge et de la loi, devaient 6tre pro-
mis t une juste r6putation universelle, au point que lon pardonnera volontiers
un
auteur suisse d’avoir 6crit, sans aucune modestie nationale, que le titre pr6liminaire de
son code 6tait >’.

les articles 1 et 4 –

Mais alors, pour prendre un dernier exemple, par oii entrera-t-on dans 1’6difice ju-
ridique bAti par le nouveau et encore incomplet code civil n6erlandais (le Burgerlijk
Wetboek, >), v6ritable laboratoire de droit commun europ6en ? Pas de grande
partie g6ndrale A la mani~re allemande, mais pas non plus de ces dispositions pr61imi-
naires A la mani~re frangaise ou suisse. Le premier artisan de la r6forme, le professeur
Meijers, avait bien propos6 un titre pr61iminaire de neuf articles r6glant les rapports
entre les sources du droit et 6nongant quelques principes fondamentaux, notamment
en matire d’abus de droit. Sa th6orie des sources, ax6e sur la loi, la coutume et
l’dquit6, futjug6e tr~s critiquable (mais il n’est aucune th6orie g6n6rale des sources au

gislatifs. Voir I.S. Forrester, S.L. Goren et H.-M. Ilgen, The Gennan Civil Code, South Hackensack,
Rothman, 1975 A la p. XVI.

6 Voir S.L. Goren et I.S. Forrester, hitroductory Act to the Gernan Civil Code and Marriage Law of

the Federal Republic of Germany, South Hackensack, Rothman, 1976 h la p. VII.

” Ii y a certes bien ‘art. 2 de la loi d’introduction : . Litt6ralement, ceci signifie doi au sens du Code civil et de
cette Loi est toute norme de droit >. II faut cependant 8tre quelque peu initi6 pour y voir, A premiere
l’quivalent fonctionnel de l’art. 4 C.N. ou de l’art. I’ du code civil suisse. Voir H. Buch, La
lecture,
nature des principes g6n6raux du droit> (1962) 39 Rev. D.I. & D.C. 55 A la p. 78.

” E. Huber, le maitre d’oeuvre de la codification, d6clarera : (H. Deschenaux, Le titre prdlinzinaire du Code civil, Fribourg, tditions universitai-
res, 1969 Ak la p. 5 et s.).

“‘ Voir notamment pour la genkse de l’art. 4 du code civil suisse, D. ManaY, Lejuge entre la loi et

l’quitd, Lausanne, Payot, 1985 A la p. 45 et s.

” P. Thor, Le Code civil suisse, Zurich, tditions polygraphiques, 1950 Ak la p. 26. Cette image du
portique est rdcurrente : voir Rapport Boulanger, supra note 9 A la p. 87. Au satisfecit architectural
d6em6 par Pierre Tuor, on opposera d’ailleurs le m6contentement exprim6, en recourant d6j4 A ]a
m~me image, par le tribun Andrieux, lors des d6bats parlementaires sur le titre pr6liminaire du Code
Napolkon, en 1801 : Est-ce 1 un portique qui r6ponde a la majest6 de l’&lifice ?>> (Fenet, supra note
7, t. 6 A la p. 58).

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A. -F BISSON – LA DISPOSITION PR-LIMINAIRE DU C.cQ.4

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monde qui ne soit, par quelque biais, tr6s critiquable). Quant aux principes fonda-
mentaux, ils furent jug6s mieux it leur place en un autre endroit. En cons6quence, le
titre pr61iminaire a 6t6 supprim 2’. Mais, n’ayant pas voulu d’entr~e principale, le co-
dificateur n6erlandais a dfi se m6nager bien des portes de c6t6 ou des passages int6-
rieurs : d’une part, par un livre troisi~me sur le droit patrimonial en g6nral>>, dans
les dispositions g6n6rales duquel on retrouve, pris en sandwich entre la bonne foi et
l’abus de droit, un article 12 qui, pour la d6termination de ce que demandent la raison
et l’6quit6, en appelle aux principes g6n6raux du droit et aux conceptions n6erlandai-
ses du droit ; d’autre part, par des dispositions qui,
la fin de certains titres ou sec-
tions2, invitent l’interpr~te h proc6der A des extensions analogiques des cas trait6s par
le code A des cas non pr6vus ou non sp6cifiquement r6glement~s, exprimant ainsi,
mais de fagon dispers~e, l’effet de codification.

Ces quelques exemples, qui pourraient 8tre multipli6s par dix, illustrent d’une fa-
qon remarquable la belle constance dans l’inconstance de l’esprit humain aux prises
avec un probl~me pourtant commun et permanent. Au gr6 des codifications ou des re-
codifications, et quelquefois chez le m~me codificateur, les dispositions pr6liminaires
apparaissent et disparaissent, s’allongent et raccourcissent, se campent firement en
dispositions pr6alables h tout entendement du syst~me ou, perdant leur caract~re pr6-
liminaire, vont se noyer dans la masse normative.

Quoi qu’il en soit, se refusant au silence comme h la prolixit6, le codificateur
qu6b6cois de 1991 aura choisi, comme mesure 616mentaire de prudence dans un sys-
t~me plein de vie mais en proie h d’insidieuses sollicitations, d’exprimer l’effet de co-
dification avec une sobri~t6 peut-6tre unique en son genre, facilit6e par le fait que plu-
sieurs principes fondamentaux sont pos6s ds les premiers articles du Livre premier
sur les personnes et qu’A tort ou h raison, un certain nombre de r~gles concemant
l’effet et l’application des lois ont 6t6 jug~es plus i leur place dans d’autres instru-
ments normatifs.

C’est donc une disposition pr6liminaire de deux alin6as que nous avons, une seule
disposition en majest6, et il parait utile de la citer, ne serait-ce qu’afin de la comparer
avec des versions ant6rieures :

Le Code civil du Qu6bec r6git, en harmonie avec ]a Charte des droits et libert6s
de la personne et les principes g6n~raux du droit, les personnes, les rapports
entre les personnes, ainsi que les biens.
Le code est constitu6 d’un ensemble de r~gles qui, en toutes matires auxquel-
les se rapportent la lettre, ‘esprit ou l’objet de ses dispositions, 6tablit, en ter-
mes expr~s ou de fagon implicite, le droit commun. En ces matires, il consti-
tue le fondement des autres lois qui peuvent elles-mames ajouter au code ou y
d6roger.

A.S. Hartkamp, > dans Nouveau Code civil
nierlandais, Le droit patrimonial, trad. par P.C. Haanappel et E. Mackaay, Deventer (Boston),
Kluwer Law & Taxation, 1990 au n 18.
22Voir par ex. l’art. 58 du livre 3 et l’art. 216 du livre 6 du code civil n~erlandais.

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROITDE MCGILL

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Une premiere tentation serait de prendre la Disposition pr61iminaire mot A mot et
d’en analyser chaque terme dans un but de syst6matisation. Mais ce serait avoir la
pr6tention d’6tablir une dogmatique a priori de la Disposition pr6liminaire, ce qui, on
en conviendra, serait hasard6 : rien n’est jou6 en effet, et il faudra de longues ann6es
pour que se produise pleinement l’effet de codification, pour ne pas dire l’effet de
syst~me, r6solument recherch6 par la Disposition pr6liminaire. Une seconde tentation
serait de la saisir intuitivement en bloc, comme un grand moment po6tique. Mais nous
sommes devant une disposition surcharg6e de signes et dont le flou artistique porterait
At des reveries vagabondes trop peu scientifiques. Ah ! en v6rit6, c’est la mer ! D’aussi
larges 6tendues ne peuvent s’embrasser d’un coup et, suivant le conseil de saint Tho-
il a sem-
mas d’Aquin, selon lequel it faut entrer dans la mer par les petits ruisseaux,
b16 qu’il y aurait plus d’utilit6 et de s6curit6, plus d’enseignement aussi peut-8tre, A
suivre la Disposition pr6liminaire dans les 6tapes de sa formation, puis dans ses com-
mencements, tant doctrinaux que pratiques, d’application.

Ainsi, A la Disposition pr6liminaire en gestation succ6dera la Disposition pr6limi-

naire en action.

I. La Disposition pr6liminaire en gestation

Les historiens du droit ne manqueront pas un jour de relever ce paradoxe : que
salu6e par la doctrine 6trang~re comme <> et une cristallisation de >’, comme
>’ et comme exprimant la volont6
d’6tablir une des plus amples codifications civilistes du XXe si~cle2 , la Disposition
pr6liminaire du Code civil du Qudbec ne sera pourtant pas venue au monde sans diffi-
cult6. Partie de rien, elle aura rencontr6 beaucoup d’hostilit6 et n’aura finalement as-
sur6 sa viabilit6 qu’apr~s bien des ajustements de formulation.

Le projet de l’Office de r6vision du Code civil, ne comportait pas de titre ou de
disposition pr6liminaire. I1 ne s’agissait pas d’un oubli, ce qui aurait d’ailleurs 6t6 bien
6tonnant, mais d’un choix d6lib6r6. La raison qui en fut donn6e, dans les mois qui
l’Assembl6e nationale, 6tait que > (Pri~res de saint Thomas d’Aquin, trad. par
M. l’abb6 Sertillanges, Paris, L’art catholique, 1921 A lap. 104).

2 J.-L. Bergel, > dans Le nouveau code
civil du Qudbec, Interpritation et application, Montr6al, Thrnis, 1993 [ci-aprs Interprtation et ap-
plication], 3 At lap. 7.

R. Cabrillac, <> D. 1993.Chron.267 h lap. 269.
26H.W. Baade, Recension de Quebec Civil Law: An Introduction to Quebec Private Law de J.E.C.

Brierley et R.A. Macdonald (1995) 40 R.D. McGill 571.

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A.-F BISSON – LA DISPOSITION PRELIMINAIRE DU C.C.Q.

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des lois g6n6rales du Qu6bec, intitul6 : Loi d’interprjtation>>’ . Va pour la promulga-
tion. Mais, pour le reste, comment abandonner les orientations fondamentales d’un
syst~me qui, en d6pit d’un appareil doctrinal de plus en plus puissant, ne va pas en-
core toujours de soi, t une loi aussi peu inspir6e et aussi mal fagot6e que la Loi
d’interprdtation, venue se superposer en 1868,
la suite d’on ne salt toujours pas
quelle grossi~re erreur d’optique, au titre pr6liminaire du Code civil du Bas Canada,
pourtant applicable aux ? Comment, de surcroit, abandonner ces
orientations h une loi qui, ce qui n’est pas une mince 6tranget6 en pays de droit civil
codifi6, repose sur une conception 6triqu6e de la fonction l6gislative et traduit un pro-
fond malaise A l’6gard de celle-ci ? Le 16gislateur ne croira pas devoir suivre sur ce
point les recommandations implicites du rapport de l’Office. Le nouveau Code com-
portera done une disposition pr6liminaire, dont la complexion va s’affirmer au cours
de trois phases de discussion auxquelles correspondent autant de versions successives.

A. Premibre version : le Code 6tablit le droit
Ds 1982, une disposition prdliminaire apparaite A l’occasion du projet de loi 106
portant r6forme au Code civil du Quebec du droit des personnes. I1 convient de la
citer :

Le Code civil r6git, sauf les dispositions particulires de la loi, les personnes
qui se trouvent au Qu6bec, l’exercice de leurs droits, leurs rapports entre elles
ainsi que leurs biens.
Ce Code est constitud d’un ensemble de r~gles qui, en toutes mati~res aux-
quelles se rapportent resprit, la lettre ou l’objet de ses dispositions, dtablit le
droit et constitue le fondement des autres lois.

En cas de silence ou d’insuffisance, ces rfgles sont compl6t6es par celles qui se
d6gagent d’une jurisprudence constante et d’une doctrine reque ou des princi-
pes g6n6raux du droit ainsi que parfois de Ia coutume et des usages.

D’embl6e, s’y discemait, dans ses 616ments et sa terminologie, une certaine in-
fluence du rapport des codificateurs de 1866, du code civil suisse, voire des discours
de Portalis, ce qui n’6tait pas le signe de mauvaises frquentations intellectuelles, tan-

27 -A. Cr6peau, <> de ]a classification alphanum6rique, le chapitre 1-16 des Lois
refondues du Qu6bec.

“En 1981 d6j, des projets de titre prdliminaire circulaient au Minist~re de la justice. tnongant, en
une quinzaine d’articles, des directives d’interpr&ation et des rfgles g6n6rales de droit transitoire, ils
6taient d’une facture trbs diffdrente de celle des versions successives de ]a Disposition prdliminaire,
mais on pouvait cependant y noter, d~s ce moment, la volont6 d’installer solidement le futur code
dans son r6le suppldtif en cas de lacunes des autres lois, ainsi qu’une attirance pour la thdorie de
l’effet imm6diat de la loi nouvelle qui devait pr6sider, quelque dix ans plus tard,
l’61aboration de la
Loi sur l’application de la rifonne du Code civil, L.Q. 1992, c. 57, mod. par. L.Q. 1995, c. 33.

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROITDE MCGILL

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dis qu’au surplus, sans en avoir W influenc6e, la disposition ne disait au fond rien de
tr~s diff6rent de ce que l’on pouvait trouver dans le titre pr6liminaire r6cemment re-
mani6 de certains codes 6trangers d’honorable r6putation, comme par exemple celui
du code civil espagnol.

Pourtant, la Disposition pr6liminaire d6plut, comme en t6moignent notamment les
auditions de la Commission permanente de la Justice, puis de la Sous-commission des
Institutions. Elle contenait, il est vrai, quelques maladresses, les unes v6nielles, les
autres moins. Parler de l’exercice des droits paraissait bien superflu. Mettre l’esprit
avant la lettre ne pouvait qu’6tre source de perplexit6 et s’accordait mal au demeurant,
avec la place par ailleurs tr~s secondaire assign6e aux principes g6n6raux du droit.
R6gir les personnes qui se trouvent au Qu6bec pouvait 8tre interpr6t6 comme annon-
gant un retour incongru A un principe de stricte territorialit6 des lois. Dire que le Code
6tablit le droit, sans qualificatif, pouvait bien passer comme l’expression d’un truisme
navrant, tout en laissant le champ d’op6ration du Code dans un vague inqui6tant.

Mais les attaques porteront surtout sur le Code comme fondement des autres lois
faut-il s’en 6tonner quand on sait que le projet n6erlandais de titre pr6liminaire

et –
se brisa pr6cis6ment sur cet 6cueil ? –

sur les sources compl6mentaires du droit.

Des repr6sentants de la pratique commerciale s’6murent ‘

l’id6e que le titre sur
les personnes morales pfit avoir primaut6 sur les lois commerciales ou en d6ranger
l’6conomie, tandis qu’une intervenante bien connue des commissions de consultation
sur la r6forme du Code civil s’61eva contre le fait que la Disposition pr6liminaire, en
faisant du Code le fondement des autres lois, ne reconnfit pas la place primordiale de
la Charte qudbicoise des droits et liberts de la personne dans la hi6rarchie des lois .
Quant au troisi~me alin6a de la Disposition pr6liminaire sur les sources compl&
mentaires du Code, si les repr6sentants de la Chambre des notaires” et de la Commis-
sion des services juridiques2 d6clar~rent pouvoir fort bien s’en accommoder, il n’en
fut pas de m~me pour l’opposition officielle, qui s’interrogea et interrogea sur la si-
gnification de certains de ses termes”, et surtout pour le Barreau, qui en r6clama car-
r6ment la suppression, avec succ~s comme on le verraM. Ce qui d6plut principalement,
ce furent la jurisprudence constante et la doctrine reque. Pourtant, la jurisprudence
constante est une notion mondialement famili~re aux civilistes et la Cour supreme du

” Sans que la Disposition prdliminaire fit d’ailleurs expressfment 6voqu6e par eux, quoiqu’ils
I’eussent 6videmment A 1’esprit. Voir Qu6bec, Assembl6e nationale, Commission permanente de ]a
justice, > dans Jour-
nal des dibats: Commissions parlementaires, n* 7 (12 avril 1983) A lap. B-407 (J.-P. L.toumeau) et h
lap. B-439 (P. Martel).

“Voir ibid., n 29 (28 avril 1983) t lap. B-1730 (M. Dolment).
J’Voir ibid., n0 7 (12 avril 1983) 4 lap. B-396.
‘Voir ibid., n 8 (13 avril 1983) A la p. B-478.
“Voir ibid., n 7 (12 avril 1983) A lap. B-395 et n 8 (13 avril 1993) A lap. B-478.
‘4Voir ibid., n0 7 (12 avril 1983) A lap. B-420.

1999]

A.-F BISSON – LA DISPOSITION PRELIMINAIRE DU C.C.Q.

549

Canada en fait 6tat t l’occasion, ne serait-ce que pour en constater l’absence ‘3. En ce
qui conceme la doctrine reque, un 6minent universitaire et jurisconsulte qui avait
pleine vocation i en faire partie 6, en rajouta. I1 ironisa en petit comit6 : La doctrine
reque, qu’est-ce que cela veut dire ? Cela veut-il dire : quand mon 6diteur a requ le
manuscrit de mon dernier livre ?>. Pourtant, le qualificatif reque 6tait d6jh dans le
vocabulaire de Portalis”‘, qui, en grand orateur du sikcle des Lumi~res, ne peut etre
soupqonn6 d’employer des mots sans signification raisonnable, ainsi que dans celui
des codificateurs de 1866”.

B. Deuxibme version: le Code 6tablit le droit priv6
Pour indgales que fussent les critiques adress~es

la Disposition prdliminaire,
elles eurent le m6rite de provoquer une seconde r6flexion chez le lgislateur. C’est
une Disposition pr6liminaire substantiellement remanide qui rdapparut done en 1984,
roccasion du projet de loi 20 portant r6forme au Code civil du Qubec du droit des

personnes, des successions et des biens.

I1 faut aussi citer cette version, car le 16gislateur avait manifestement fait son lit:
un qualificatif subira encore une modification capitale, mais, pour le reste, la Disposi-
tion prdliminaire ne changera plus que sur des ddtails mineurs ou relativement
mineurs.

Le Code civil du Qu6bec r6git, en harmonie avec la Charte des droits et libert~s
de la personne, les principes g6n6raux du droit et le droit international priv6, les
personnes, l’exercice des droits civils, les rapports entre les personnes ainsi que
les biens.
Le code est constitu6 d’un ensemble de rgles qui, en toutes matires auxquel-
les se rapportent la lettre, l’esprit ou l’objet de ses dispositions, 6tablit, en ter-
mes expr~s ou par implication, le droit priv6. En ces matires, il fonde les au-
tres lois qui peuvent elles-memes ajouter au code ou y d6roger.

Outre 1’apparition du qualificatif > (Gauthier c. Beaumont,
[1998] 2 R.C.S. 3 h la p. 39, 162 D.L.R. (4′) 1 [ci-aprs Gauthier avec renvois aux R.C.S.]) et <(juris- prudence arr~t~e> (Qu6bec, Commissaire charg6 de codifier les lois du Bas Canada en mati6re civile,
Code Civil du Bas Canada: Rapports, Qudbec, Desbarats, 1865 ‘ lap. 217 [ci-apr~s Rapports]). Le
terme jurisprudence a 6t6 d6fini comme une [h]abitude de juger dans un certain sens et, lorsque
celle-ci est 6tablie (on parle de jurisprudence constante, fix6e), r6sultat de cette habitude : solution
consacr6e d’une question de droit consid6r6e au moins comme autorit6, parfois comme source de
droib> (G. Cornu, dir., Vocabulairejuridique, Paris, P.U.F., 1987 [ci-aprs Vocabulairejuridique]).

‘1 s’agit du professeur Jean Pineau, aussi r6put6 pour sa science en droit civil que pour son esprit

“Voir Fenet, supra note 7, t. 1 ‘ la p. 471 : >, hdr6sie de vocabulaire en syst~me moderne de droit civil codifi6, a d6ciddment ]a
vie dure et fournit parfois le moyen d’6crire des 6normit6s. Voir R(D.) c. S.(C.), [1993] 4 R.C.S. 141 A
lap. 177, 108 D.L.R. (4′) 287.

‘”Qu6bec, Assembl6e nationale, Sous-commission des institutions, ].

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A.-E BissoN – LA DISPOSITION PR8LIMINAIRE DU C.C.Q.

nit6. En r6ponse aux questions de l’opposition officielle, les l6gistes du gouvemement
la justifi~rent par le besoin d’affirmer, en contexte nord-am6ricain, que l’on 6tait en
pays de droit civil, 6voqu~rent les spectres de la common law et firent valoir que ce
qu’ils appel~rent le < livre de Frederick Parker Walton sur le domaine et
l’interpr6tation du Code civil du Bas Canada, montrait assez la n6cessit6 d’une dispo-
sition comme celle-lW3 . C’est finalement A des amendements de d6tail que l’on proc&
dera : les r6f6rences au droit international priv6 et A l’exercice des droits seront sup-
prim6es comme 6tant inutiles ; <> sera remplac6 par < et fonde>> sera remplac6 par l’expression <M .

En fin de d6bat, le d6put6 Leduc posera subitement la question suivante : <>.
Sa question tombera A plate et Ia Disposition pr6liminaire sera adopt6e sans autre
amendement.

C. Troisibme version : le Code 6tablit le droit commun
Le 17 d~cembre 1986, le gouvemement ayant chang6 de mains et alors qu’on
s’appr&ait k d6battre de certains articles du projet de loi 20 laiss6s en suspens, le nou-
veau Ministre de la justice demanda la r6ouverture de la Disposition pr6liminaire pour
y proposer un amendement. C’6tait pour remplacer, dans he deuxi~me alin6a, les mots
>. Faisant allusion A la vive controverse
doctrinale et jurisprudentielle soulev6e autour et t propos de ‘affaire Laurentide Mo-
tels, he ministre d6clara qu’il convenait <>. Les I6gistes du gouvernement, qui 6taient d’ailleurs les memes que ceux qui
avaient conseih6 le gouvemement pr6c6dent, vinrent pr6ciser, en se fondant sur les
formules particuli~rement 6tudi6es d’un auteur de doctrine’, qu’il fallait entendre par
droit commun:

1’ensemble des principes et des r~gles qui s’appliquent
tous les sujets de droit
A moins qu’il n’y ait des r~gles exorbitantes de ce droit commun pr6vues dans
les lois ou dans les r~gles de common law exclusivement applicables A la cou-
ronne ou aux corporations publiques’

et qu’il s’agissait lA d’une expression <> que celle de droit priv6.

C’est avec ce changement majeur que la Disposition pr61iminaire sera adopt6e a
‘unanimit6, apr~s que l’on eut indiqu6 que l’expression <>, par pr6cau-

43Voir ibid. A lap. S-CI-27.
‘Ibid. At ]a p. S-CI-28 et s.
41Voir ibid. la p. S-CI-30.
“Beauport c. Laurentide Motels, [1986] R.J.Q. 981, 3 Q.A.C. 163 (C.A.) [ci-apr~s Laurentide Mo-

tels avec renvois aux R.J.Q.].
4p. Garant, < auraient sans doute
mdrit6 plus d’attention : voir J.E.C. Brierley, ] ; J.-M. Brisson
et N. Kasirer, Code civildu Quibec, Eition critique, Cowansville (Qc.), Yvon Blais, 1997

that is the common law of the land –

lap. 1.

‘ Voir C. Gonthier, vIntroductory Remarks dans The New Civil Code: Ottawa, A Practical Guide

To What An Ontario Lawyer Needs To Know About Quebec Law, Ottawa, le mercredi 6 avril 1994
lap. 9 (disponible A la bibliothbque de droit, Universit6 d’Ottawa, cote KEQ222.285.N486 1994).

‘ J. Boileau, ( dans Journal des dibats : Commissions parlementaires, n 3 (27
aoflt 1991) 4 la p. SCI-70. I1 convient de noter que, contrairement A ce que laisse entendre cet
dchange, le professeur Brierley n’dtait nullement directement impliqu& dans la r6vision de ]a ver-
sion anglaise du Code ((. Mais comment
cette expression latine s’est retrouv6e dans la version anglaise d6finitive de la Dispo-
sition pr6liminaire, cela demeure un myst~re. Aucune recherche ne laisse voir jus-
qu’ici qu’elle aitjamais 6t6 discut6e et adopt6e par l’Assembl6e nationale.

De cette longue gestation de neuf ann6es, dont les 6tapes n’ont 6t6 d~crites qu’h
grands traits, sans insister plus qu’il n’6tait n6cessaire sur la faiblesse ou la bizarrerie
de certaines interventions, il r~sulte en tout cas que la Disposition pr~liminaire n’est
pas un simple omement d’architecture, une simple decoration de fagade ; elle est elle-
m~me 61ment premier d’architecture, de disposition de l’6difice juridique. S’y ex-
priment finalement les volont6s l6gislatives les plus fortes, les plus d6cid6es, dont il
convient alors de voir si, et comment, elles ont commenc6 i se traduire en action.

II. La Disposition pr6liminaire en action

Si l’on s’en tenait i quelques d~tails tr~s malicieusement et malhonn~tement s6-
lectionn6s, il serait possible de faire croire que le codificateur de 1991 a largement
rat6 son effet et que la Disposition pr6liminaire n’a pas fait une entree tr~s dynamique
dans le monde juridique qu~b6cois. Car si l’on peut faire seulement reproche aux
cours de recyclage du Barreau et de la Chambre des notaires d’avoir accord6 un trai-
tement” imprudernment sommaire, quoique nullement n6gatif,
la Disposition pr~li-
minaire, d’autres d6tails, mat6riels et intellectuels, pourraient inqui~ter.

D6tails mat6riels : c’est, par exemple, un 6diteur pourtant s6rieux qui, publiant une
version du nouveau Code civil coordonn~e h celle du Code civil du Bas Canada”, omet
tout simplement de reproduire la Disposition pr6liminaire. C’est encore une 6dition r6-
cente du nouveau Code civil qui, dans ses tables de concordance avec le Code civil du

” Elle apparait d’ailleurs, en tant qu’6quivalent, dans la version anglaise de la c6lbre introduction
de Maurice Tancelin i la r6dition de ‘ouvrage de 1907 de ER Walton, The Scope and Interpretation
of the Civil Code of Lower Canada, Toronto, Butterworths, 1980 A lap. 2.

‘ Une vingtaine de lignes. On ne saurait toutefois en faire grief au professeur Monique Ouellette
qui, d6j
lourdement charg6e du droit des personnes, n’avait manifestement pas requ mandat d’en dire
davantage. Voir M. Ouellette, dans La reforme du Code civil, Sainte-
Foy (Qc.), Presses de l’Universit6 Laval, 1993, 3 A lap. 15.

“M. Gaudet, Codes civils comparis et dispositions transitoires, Montr6al, Wilson & Lafleur, 1993.
L’exemple du traitement par pr~t6rition de dispositions essentielles vient cependant parfois de haut :
voir par ex. la m~saventure arriv6e i l’art. 1, al. 2 du Code de procidure civile (), comis > par
la refonte g6n~rale des lois de 1977, sous pr~texte qu’il ne s’agissait que d’une disposition de droit
transitoire, et dont les codificateurs de 1965 avaient pourtant dit qu’il posait le principe de
‘application imm6diate des lois de proc&Ture. Voir H. Reid et D. Ferland, Code de procddure civile
annot6 du Quebec, vol. 1, Montr6al, Wilson & Lafleur, 1979 t lap. 32. Au d6but des ann&es 90, le 16-
gislateur lui-meme, les tribunaux et la doctrine auront oubli6jusqu’4 son existence.

554

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL

[Vol. 44

Bas Canada, indique ]a du Code civil du Quibec, mais pas la Dis-
position pr6liminaire. Par ailleurs, la Disposition pr6liminaire, malgr6 sa pr6sence dans
les motifs, est parfois absente de ]a d6gislation cit6e > en tte du texte informatis6 de
certains jugements 7, tandis qu’elle ne parait pas toujours exciter ‘attention des r6dac-
teurs d’abstracts et de sommaires des recueils de jurisprudence officielse.

Dtails intellectuels: ce sont des auteurs, au demeurant excellents, qui en foumis-
sent des exemples. Assez nombreux sont ceux qui qualifient la Disposition pr6liminaire
de pr6ambule et vont m~me parfois jusqu’A substituer pr6ambule A disposition pr6-
liminaire>9. II est vrai qu’au cours des d6bats parlementaires, les 16gistes du gouverne-
ment eux-memes en auront A roccasion fait autant, sans doute pour des raisons tac-
tiques’ . Mais ce n’est pas un pr6ambule ; c’est une disposition6 . Un auteur se demande
pourtant si ]a disposition, malgr& son caract~re pr61iminaire, ne pourrait pas foumir de
nouvelles donnes sur les relations entre le droit commun et certains aspects de discipli-
nes particuli~res”. Ce omalgr& est surprenant car Voir par ex. Augustus c. Gosset, [1995] R.J.Q. 335 (C.A.), en ligne: QL (AQ) [ci-apr6s Augustus]
Godbout c. Longueuil (Ville), [1995] R.J.Q. 2561 (C.A.), en ligne : QL (AQ) [ci-apr~s Godbout].

Voir par ex. Dord c. Verdun, [1997] 2 R.C.S. 862, 150 D.L.R. (4′) 385 [ci-apr~s Dore avec renvois

6 Voir Gonthier, supra note 50 A la p. 9 ; J.-L. Baudouin, Conference de cl6ture dans Interprita-
tion et application, supra note 24, 319 A la p. 323 ; D. Lemieux, > (1992) 42 U.T.L.J. 484 A la p. 499 [ci-apr~s ].

(1994) 15 Admin. L.R. (2′) 275

‘2M.-F. Bich, (Droit du travail quebecois : genbse et generation dans Glenn, supra note 59, 515

la p. 541 ; voir toutefois Syndicat des eiployies et employis professionnels-les et de bureau, section
locale 57 c. Caisse populaire Saint-Stanislas de Montral, R.E.J.B. 98-09766, en ligne : Repertoire
6lectronique de jurisprudence du Barreau (arbitrage de grief) (date
d’accs : 13 octobre 1999) [ci-apr~s Syndicat des employdes et enployis].

63 Vocabulairejuridique, supra note 35, s.v. Prliminaire

: >.

‘ 4C. Lemieux, ctl6ments d’interprdtation en droit civil (1994) 24 R.D.U.S. 221.

aux R.C.S.].

5>Voir par ex. Bergel, supra note 24 t la p. 7 ; L. Lilkoff, dans H.P. Glenn, dir., Droit quibicois et droitfranFais : com-
la p. 402 ; S. Nor-
,nunaut, autononie, concordance, Cowansville (Qc.), Yvon Blais, 1993, 399
mand, De la n6cessit6 de commentaires officiels au Code civil du Quebec> (1991) 51 R. du B. 288 A
la p. 293 ; G. Trudeau, < dans Le Code civil et les relations du travail,
Sainte-Foy (Qc.), Departement des relations industrielles de l’Universit6 Laval, 1993,79 A lap. 81.

‘ Sans ces raisons en effet, certaines d6clarations auraient de quoi estomaquer : voir Projet de loi

20, supra note 42 t lap. S-CI-28.

1999]

A.-E BISSON – LA DISPOSITION PRELIMINAIRE DU C.c.Q.

555

qurbecoisP.

Mais, pour irritants qu’ils puissent 6tre, ces quelques details que la probit6, pour
certains d’entre eux, commanderait d’ailleurs de replacer dans leur entier contexte, ne
peuvent etre aucunement mis en balance avec l’intdressante double action que la Dis-
position prdliminaire a djt commenc6 d’exercer, sur la doctrine d’une part et, d’autre
part et surtout, sur la jurisprudence, car c’est lM que se jouera son destin et, avec lui,
celui du systxne tout entier.

A. Action sur la doctrine
La Disposition pr~liminaire va orienter les commentaires et les rdflexions de la
doctrine dans deux directions solidaires et qui ne sont ici srpar~es que pour les be-
soins de l’expos6.

La doctrine va d’abord voir spontandment que la Disposition prdliminaire corn-
porte une directive g~n6rale implicite d’interprrtation, non pas large, comme on le
voit trop souvent 6crit!, mais dynamique au sens propre, ce dynamisme pouvant tr~s
16gitimement conduire l’interpr~te A des interpr6tations strictes comme
des inter-
pr6tations extensives, en fonction de la position et de la nature des normes, ainsi que
des situations t traiter.

II est impossible de rendre compte dans le detail de la faqon dont la doctrine ex-
prime ce dynamisme, auquel invitent des commentaires officiels67 aux r~f6rences por-
talissiennes. La doctrine, y compris le present conf~rencier, a d’ailleurs proc~d6 par
petites touches, grands coups de chapeau et, au total, d’assez confortables grn~rali-
tds’.Au demeurant, rien de bien neuf n’est possible sous le soleil, depuis plus de sept
mille ans, aurait pu dire La Bruy~re, qu’il y a des hommes, et qui interpr~tent. Mais la
doctrine, de fagons diverses et de diffrents points de vue, a bien relev6 en quoi cer-

Comparer J.E.C. Brierley, Preface

lap. 746: 4It is with the Preli-
minary Provision in mind, and in exploiting its full import, that a general theory of interpretation of
Quebec private law must be constructed .

(1994) 39 R.D. McGill 743

6 Car la prdtention de tout 61argir, et de tout 61argir en meme temps, se heurte h d’insurmontables

obstacles rationnels et pratiques.

67Ces commentaires demeurent cependant quelque peu en deq de ce qui aurait pu et dQ atre dit. En
particulier, 6tant donn6 l’6volution significative du texte de la Disposition prdliminaire au cours des
d~bats parlementaires, il est surprenant de constater l’absence de toute rdfdrence au droit commun
(celui-ci apparait toutefois dans les commentaires sous les articles 300 et 1376) : Quebec, Ministre de
lajustice, Commentaires du ministre de lajustice, t. 1, Quebec, Publications du Quebec, 1993 aux pp.
1,204 et 833 [ci-apr~s Commentaires du ministre de la justice].

‘On pourra consulter, entre autres : Baudouin, supra note 61 ; Bergel, supra note 24 ; A.-F. Bisson,
Dualit de syst~mes et codification civiliste dans Conferences sur le nouveau Code civil du Qui-
bec, Cowansville (Qc.), Yvon Blais, 1992, 39 ; A.-F. Bisson, Nouveau Code civil et jalons pour
l’interprdtation : traditions et transitions
(1992) 23 R.D.U.S. 1 [ci-apr~s Nouveau Code civil ] ; P.-
A. C&t, > du Code’ .

Cinq 616ments peuvent dos maintenant retenir I’attention:

(1) >, Code et
Charte 6tant plac6s A presque 6galit dans un rapport de r6ciprocit6 inter-
pr~tative, comme I’ont d6jh fait voir par anticipation, quelque opinion que
1’on ait du r6sultat, certains arrets de la Cour supreme”.

(2) Hannonie […] avec les principes g6n6raux du droit>>, 8tres normatifs 6nig-
matiques et plastiques toujours en attente de service, sur I’existence auto-
nome, la nature, la provenance et les fonctions 16gitimes desquels on ne s’est
jamais gu~re entendu72, mais qui sont comme l’ane et I’armature du

9Indeed

it can be argued that in the civil law tradition of France and Quebec, the recognition of
the ultimate insufficiency of legislative enactment is a central tenet of the very philosophy of the Civil
Code as a style of law-making>> (J.E.C. Brierley, Quebec’s “Common Laws”: How many are thereo
dans Md1langes Louis-Philippe Pigeon, Montr6al, Wilson & Lafleur, 1989, 111 A la p. 116).

7OCertains auteurs vont meme plus loin, voyant dans la Disposition pr6liminaire la volont6 du l6gis-

lateur de rattacher les deux textes dans un rapport 6galitaire et de placer le Code civil en haut de la
hidrarchie des normes I6gislatives. Voir Baudouin, supra note 61 A lap. 323 ; Lemieux, supra note 61
A lap. 296.

7 Voir par ex. Bdliveau St-Jacques c. EE.E.S.R, [1996] 2 R.C.S. 345, 36 D.L.R. (4′) 129 [ci-apr~s

Bdliveau St-Jacques avec renvois aux R.C.S.] ; Gauthier, supra note 35.

” Cela tient sans doute pour bonne partie t la varidt6 des domaines du droit et des ordres politiques,
existant ou en construction, dans lesquels les diverses autorit6sjuridiques sont appeldes A exercer leur
mission. Dans un ocdan de littdrature, on pourra consulter par ex. J. Boulanger, dans A. Jaubert, dir., Michel
Foucault: du monde entier, Paris, elditions de Minuit, 1986, 788 ; B. Oppetit, < (1987) 32 A.P.D. 179 ; E. Pattaro, Les principes g6n6raux
du droit entre raison et autorit6& dans G. Haarscher et al., dirs., Arguments d’autoritj et arguments de
raison en droit, Bruxelles, Nemesis, 1988, 273 ; G. Soulier, dans Ordresjuridiques et espaces marchands, Montrdal, Wilson & Lafleur,
1999, 17 a la p. 29 ; M. Van Hoecke, The Use of Unwritten Legal Principles by Courts>> (1995) 8
Ratio Juris 248 ; J.E.C. Brierley et R.A. Macdonald, dirs., Quebec Civil Law, An Introduction to Que-
bec Private Law, Toronto, Edmond Montgomery, 1993 A lap. 128. Comparer R. Rodi~re, Les prin-
cipes gdn6raux du droit priv6 frangais)> dans Journdes de la Socijtd de legislation comparie, Annie
1980, Paris, Socidt6 de 16gislation compar6e – Librairies techniques, 1981, 309 A la p. 317:

C’est une cat6gorie [les principes g6n6raux] vaine et pr6tentieuse. Que si l’on veut si-
gnifier par I que la Raison, la Justice, l’lquit6, le Bon Sens doivent nous guider, on
n’ajoute rien aux commandements de l’esprit dans toutes les sciences et les arts, sauf A
remplacer Bon Sens par Logique dans certaines. Encore les juristes n’en sauraient etre
dispens6s !

1999]

A.-F BissON – LA DISPOSITION PRELIMINAIRE DU C.c.Q.

systme3 et que certains iront d6busquer dans la 16gislation elle-meme,
d’autres dans l’esprit du droit national, d’autres encore dans la tradition juri-
dique, d’autres enfin dans une espce de raison universelle, ou en tout cas de
large 6tendue, que le droit compar6 serait propre A fournir4 .

(3) Ensemble de r~gles >, appel i l’interpr6tation logique et A la mise en coh6-

rence, si elle n’est pas d6jA clairement r6alis~e, des normes codifiese’.

(4) oDe fa~on expresse ou implicite , clin d’ceil encore aux principes g~riraux
du droit et i l’interpr6tation logique, plus sp6cialement cette fois aux vertus
de 1’analogie 76.

(5) La lettre, l’esprit ou l’objet>, trois r6f6rences-piliers, rapproch6es de fagon
>, supra note 61 i lap. 500).

7 Buch, supra note 17 a la p. 70. C’est 6galement une ide r6currente en doctrine qu6b6coise rd-
cente que la mise en 6vidence des principes g6n6raux du droit par la Disposition prdliminairejustifie-
rait un recours intensif au droit compar6. Voir J.E.C. Brierley, The New Quebec Law of Trusts: The
Adaptation of Common Law Thought dans Glenn, supra note 59, 383 aux pp. 396-97 ; H.P. Glenn,
Le droit compar6 et l’interpr6tation du Code civib dans Interprtation et application, supra note 24,
175 A la p. 190 ; Gonthier, supra note 50 1 lap. 9 ; P.-G. Jobin, Le droit compar6 dans ]a r~forme du
Code civil du Qu6bec et sa premiere interpr6tation > (1997) 38 C. de D. 476. tvidemment, ces excel-
ents auteurs ne soutiennent nullement que le droit compar6 (entendons, les droits 6trangers) serait
source oblig6e de droit. Mais le danger est 1M, constant, source potentielle de d6sordres des motiva-
tions judiciaires et, i leur suite, de d6sordres de syst~me : que l’on passe un peu trop facilement du re-
cours au droit compar6 pour d6couvrir, construire ou raffermir les principes g6n6raux du droit, ou en
6tendre le rayon d’action, h un pr6texte tir6 des principes g6n~raux du droit pour encombrer les argu-
mentations d’exemples 6trangers, bien inutilement la plupart du temps.

la p. 12.

(1995) 20 R.R.J. 1067 ; M.J. Falcon Y Tella, Quelques remarques 4 propos de l’analogie
en droit
(1998) 41 R.I.E.J. 67 (article accompagn6 d’une bibliographie colossale, quoique non ex-
haustive, en angues allemande, anglaise, espagnole, frangaise et italienne).

7M. Tancelin, Des obligations, 4′ Ed., Montreal, Wilson & Lafleur, 1988 A la p. 128.
” G. Cornu, Rapport de synthse dans F Paychre, dir., La dicouverte du sens en droit, Stuttgart,

Franz Steiner Verlag, 1992, 81 h la p. 84 [ci-apr~s Rapport de synthse ].

“Voir Tancelin, supra note 77.

558

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROITDE MCGILL

[Vol. 44

lemment le doyen G6rard Cornu, <>.

Tout cela rend assez peu dignes d’int~r& les controverses d6plorablement scolai-
res qui font rage actuellement, aux plus hauts niveaux d’appel, sur ce qui serait la
bonne m6thode d’interpr6tation”. Pas davantage ne parait-il d’un grand intdrat
d’opposer, sans parler de la m6thode litt6rale, la m6thode ex6g6tique A la m6thode t6-
l’autre, il y a bien des passerelles subtiles et, surtout, l’ex6g~se
16ologique. De l’une
a son temps et ses lieux, les aventures t616ologiques ont les leurs’ =. A toutes les m6-
thodes –
et en ce sens, sous ses allures plut6t lapidaires, elle est 6minemment prati-
que –
la Disposition pr6liminaire fait bon accueil, pourvu certes que le Code soit
maintenu dans le rOle qu’elle lui assigne.

Or, et c’est le deuxi6me point sur lequel la Disposition pr6liminaire va exercer
une action sur la doctrine, celle-ci va voir dans la Disposition prdliminaire,
c~t6 de
sa fonction interpr6tative et en relation avec elle, une fonction organisatrice du sys-
tame. Les 616ments ici importants de la disposition peuvent se ramasser ainsi : 6tablis-
sant le droit commun, le Code constitue le fondement des autres lois, qui peuvent el-
les-m~mes y ajouter ou y d6roger. C’est un droit d’application g6ndrale et un droit
suppl6tif, mais laissant leur place aux lois particuli~res ou sp6ciales, ce qui n’est au
le droit d’exception 6mane de la
fond que normal dans un syst~me homog~ne oi
m~me autorit6 que celle qui 6dicte le droit g6n6ral.

D6j, sous

’empire du Code civil du Bas Canada, l’importance de son r6le en
tant qu’expression du droit commun avait 6t6 abondamment discut6e et g6n6ralement
reconnue”. Mais, par sa formulation meme, la Disposition pr6liminaire a redonn6 vi-
gueur et 16gitimit6 accrues A ce rfle, incitant la doctrine A des efforts de clarification
sans pr6c6dent dans la redisposition des pieces sur l’6chiquier des sources, dans un
sens favorable au r6le central, quoique non exclusif, du Code civil.

C’est ainsi, pour ne prendre que deux importants exemples, qu’en droit du travail
d’abord, domaine dans lequel s’6taient manifest6es des inqui6tudes pr6cipitdes, une
doctrine remarquable de clart6 et de concision a aussit6t remis les pendules h l’heure.
Elle a pu facilement montrer, mais encore fallait-il le faire avec talent, que la Disposi-
tion pr6liminaire ne contenait aucune d6claration de guerre A la 16gislation du travail,
et qu’il se pouvait en revanche qu’en tant que droit commun, d’application g6n6rale et

“Supra note 78 A lap. 85. Voir en 6cho Part. 31 de la Convention de Vienne sur le droit des traitis,

23 mai 1969, 1155 R.T.N.U. 331 (entrde en vigueur: 27janvier 1980).
8 Voir notamment PG. du Quebec c. 2747-3174 Quibec Inc., [1996] 3 R.C.S. 919, 140 D.L.R. (4′)
577 ; Verdun c. Toronto Dominion Bank, [1996] 3 R.C.S. 550, 139 D.L.R. (4′) 415 ; Haida Nation v.
British Colunibia (Minister of Forests), (1997) 153 D.L.R. (4′) 1, 45 B.C.L.R. (3′) 80 (C.A.C.-B.).

” Et les retours t la lettre aussi, parfois 6tonnamment porteurs d’6volution du droit. Voir Rapport

de synthise>>, supra note 78 a lap. 85.

” Encore que cette importance aurait W d’ordre plus utilitaire que substantiel. Voir J.-M. Brisson,
Le Code civil, droit commun ?> dans Interpretation et application, supra note 24, 292 a la p. 293 et
s. [ci-apr~s XCode civil, droit commun ?>>].

1999]

A.-F BissoN – LA DISPOSITION PRLIMINAIRE DU C.C.Q.

suppl6tive, le Code apporte des compl6ments int6ressants, et peut-8tre dans certains
cas essentiels, h l’encadrementjuridique des relations du travailr.

C’est ainsi encore qu’une non moins remarquable doctrine de droit public, mais
dont les r6flexions s’6tendront bien au-dela de celui-ci, ne pourra en arriver qu’i la
conclusion que, 6tant sauves les r~gles de common law publique qui paralyseraient
6ventuellement le jeu a priori du droit commun codifi6, le droit commun exprim6 par
le nouveau Code et ses sources affili~es avait pleine vocation
remplir, dans un rap-
port de totale substitution”, le r6le que tient dans les autres provinces la common law
non publique>>. Encore une fois, la probl6matique n’&ait pas neuve, mais cette con-
clusion A laquelle on pouvait d~j parvenir non sans quelque peine autrefois a puis6 de
nouvelles forces et, pour tout dire, des certitudes dans la Disposition pr6liminaire. Les
consequences de cette conclusion dapassent d’ailleurs la sphere provinciale.

Une partie importante de cette doctrine s’est en effet constitute pour r6pondre au
souci manifest6 par le Minist~re fddaral de la justice, au lendemain de l’entr~e en vi-
gueur du nouveau Code civil, de faire proc6der aux 6tudes n6cessaires ‘ en vue, no-
tamment, de l’harmonisation de la 16gislation f6d~rale avec le droit civil de la pro-

‘ Voir Le Code civil et les relations du travail, supra note 59, notamment les interventions de P.
Verge A la p. 13 ; C. Fabien
la p. 16 ; F. Morin a lap. 67 ; G. Trudeau A lap. 79. La Disposition pr6-
liminaire invite d’ailleurs 4 une s6rieuse r66valuation de la dichotomie excessive, devenue dogmatique
chez certains, op6rde entre le droit des rapports collectifs de travail et le droit des rapports individuels
de travail. Voir Bich, supra note 62 A la p. 538 et s.

8 Et, faut-il ajouter, de totale substitution du C.c.Q. au C.c.B.-C., sous r6serve bien entendu des li-
mites que le partage des comp6tences impose au pouvoir d’abroger des dispositions pr6-conf&ldrales
dans des domaines aujourd’hui de comp6tence f6d~rale ; sous r6serve 6galement de tout ce qu’il nest
pas interdit (mais pas toujours obligatoire non plus) de conserver des interpr6tations ant~rieures, la oil
l’on peut estimer qu’il n’y a pas eu de modification substantielle de l’6tat du droit r6sultant de l’ancien
Code. Mais ces reserves mises part, l’argument tir6 par certains auteurs du libell de ]a disposition
finale du Code et de l’art. 10 de la Loi d’interpritation, pour conclure
la non abrogation entire du
C.c.B.-C. meme dans les domaines de comp6tence provinciale, est stupffiant. Voir M. Tancelin, < (1994) 39 R.D. McGill 748 ; R.A. Macdonald, <> dans Milanges Paul-Andrd Cripeau, Cowansville (Qc.), Yvon Blais, 1994, 579
la
p. 632.

” S’il est permis de r6sumer de fagon aussi p6remptoire des 6tudes souvent tr~s nuanc~es et dont les
auteurs ne se r6ferent pas toujours explicitement A la Disposition pr6liminaire en tant que telle. Voir
notamment <>, supra note 83 ; J.-M. Brisson, > (1994) 28 R.J.T. 411 ; J.-M. Brisson et A. Morel, (1996) 75 R. du B. can. 297 ; P. Garant, Code civil du Qu6bec, Code de proc&lure
civile et soci6t6 distincte> (1996) 37 C. de D. 1141. Du point de vue d’un (privatiste>, voir aussi
J.E.C. Brierley, > dans Contemporary Law [/] Droit contemporain, Cowans-
ville (Qc.), Yvon Blais, 1992,22

lap. 32.

“On les trouvera r6unies pour la plupart dans Canada, Ministre de la justice, L’harmonisation de la
ligislationfidrale avec le droit civil qu~bdcois et le bijuridisme canadien : Recueil d’dtudes, Ottawa,
Minist~re de Ia justice, 1997 [ci-apr~s L’harmonisation de la Mgislationfidgrale].

560

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROITDE MCGILL

[Vol. 44

vince de Qu6bec. On sait d’ailleurs, pour reprendre Ia formulation de certains au-
teurs”, oque l’on s’entend g6n6ralement A affirmer qu’il n’existe pas de droit commun
proprement f6dral, si ce n’est une common law d’application particulikre en ce qui
touche les immunit6s et privileges de Ia Couronne et que . Sans doute, Ia question de l’harmonisation
se serait de toute fagon pos6e, m~me en 1’absence de disposition pr6liminaire. Mais, il
est certain que Ia Disposition pr6liminaire, avec le puissant appareil doctrinal qu’elle a
stimul6, en a consid~rablement affermi les contours. On en voit d’ores et d6jh une
possibilit6 d’effet palpable dans le projet f6d6ral de Loi d’harmonisation no. 1 du
droitfidral avec le droit civil’ visant k reconnaitre , < a 6t6
rapidement d6couverte>> par les plaideurs et les juges, beaucoup plus rapidement, en
a-t-on l’impression, que n’avait 6t6 d6couverte, h ses d6buts, l’importance de la
Charte quibicoise des droits et libertis de la personne elle-meme.

La Disposition pr6liminaire va en effet etre abondamment invoqu~e devant et par
toutes les juridictions, des arbitres de griefs ou du Bureau de r6vision de l’6valuation
fonci~re, par exemple, h la Cour supreme du Canada, en passant par toutes les juridic-
tions intermddiaires, de premiere instance, de contr6le ou d’appel. Elle sera invoqu6e
avec, certes, des assertions et des consequences assez diverses, d’autant qu’il faut 6vi-
demment tenir compte de la teneur et de la nature des textes A interpr6ter et
appli-
quer et que la Disposition pr6liminaire elle-meme doit parfois jouer en conjonction
avec d’autres textes du Code civil, eux-memes h vocation fortement organisatrice,
comme les articles 300 et 1376 dont la port6e pratique, en tant qu’applications parti-
culi~res” de la Disposition pr6liminaire!’, n’est pas encore pleinement pr~cis~e.

‘ Voir par ex. le (Qu’elle soit d’ailleurs perque de fagon r6solument positive ou, sinon n6gativement, avec r6serve.
Code civil, droit commun ?o, supra note 83

lap. 314. I1 s’agit bien en effet d’applications par-
ticuli~res (comme ‘est aussi par ex. l’art. 2877), i partir desquelles il serait donc illgitime de raison-
ner a contrario pour exclure, dans les cas non sp6cifi~s, la vocation de droit commun du Code.

lap. 374.

” En bonne logique, le jeu combin6 de ces trois dispositions devrait aboutir A un r6trdcissement
spectaculaire du champ d’op6ration de la common law en droit public. La chose est 6vidente dans le
domaine des obligations, sp6cialement dans celui de la responsabilit6 : Ct6, supra note 86 h la p.
423, cit6 avec approbation dans l’arr& Dori, supra note 58 i ]a p. 877. L’ampleur de ce r6tr~cisse-
ment potentiel dans l’application de certaines lois particuli~res de droit public est cependant plus dif-
ficile ?’ supputer. Voir G. P6pin, (1997) 57 R. du B.
633. La logique devrait en tout cas conduire aussi ? des effets analogues dans d’autres domaines. Voir

562

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL

[Vol. 44

Toujours est-il que la Disposition pr~liminaire va etre invoqu6e:
(1) par les uns, pour affirmer que le Code civil est, toutes disciplines confondues,
une loi fondamentale, si ce n’est 4la loi fondamentale du Qu6bec)>, parfois
mise en relation
cet 6gard avec la Charte des droits et libert6s de la
personne ;

(2) par les autres, pour affirmer la pleine vocation suppl~tive du Code, en cas de

silence ou d’insuffisance des lois sp6ciales ou particuli res” ;

(3) par d’autres encore, pour souligner, s’il en est besoin, ]a possibilit6 pour les

lois sp6ciales ou particuli~res de d6roger au Code civil’;

(4) par d’autres enfin –

et l’on entre ici dans un champ de mines –

pour affir-
mer que, d~s qu’une loi a une finalit6 de droit public, et sauf r~gle contraire
de droit public, 16gif6r6e ou non, le Code civil n’en peut 6tre consid6r6
comme le fondement que dans la mesure oii cette loi fait appel, principale-
ment ou accessoirement, A des notions de droit priv6101.

Cette restriction aux notions de droit priv6 est une proposition qui, dans sa g6n6-
ralit6, parait tr~s critiquable parce que, renversant l’ordre des choses voulu par la Dis-
position pr6liminaire, elle traduit une mauvaise compr6hension non seulement de la
notion de droit commun elle-m~me, mais aussi – pour reprendre un autre mot im-
portant de la Disposition pr6liminaire –
de la notion d’objet. Cet objet, en effet, au-
quel se rapportent toutes mati~res dans lesquelles le Code 6tablit le droit commun, a
sans doute trait aux finalit6s poursuivies, mais tout autant, mat6riellement, aux insti-
tutions r6glement6es par le Code elles-m~mes, dont certaines constituent comme la
la sphere
grammaire de l’ordre juridique, sans qu’il y ait lieu de les rattacher a priori
priv6e plut6t qu’A la sphere publique” . I1 faut avoir l’audace de le dire – maigre au-

R.P. Gagnon, L. Lebel et P Verge, Droit du travail, 2′ &., Sainte-Foy (Qc.), Presses de l’Universit6
Laval, 1991 aux pp. 740-41.

“0 Quebec (Ministare de la justice) c. Syndicat de la fonction publique du Qudbec, [1998] R.J.Q.

2771 (C.S.), en ligne: QL (AQ) [ci-apr~s Syndicat de lafonction publique].

“Voir par ex. Dori c. Verdun, [1995] R.J.Q. 1321
ooVoir par ex. Quibec (Directeurde la protection de lajeunesse) c. S.., [1997] A.Q. n 3655 au pa-
ra. 8 (C.Q.), en ligne: QL (AQ) [ci-apr s Quibec c. S.P] ; Rosem~re (Vlle) c. Travailleurs et tra-
vailleuses unis de l’alinentation et du commerce, [1997] A.Q. n 2457 (C.S.), en ligne: QL (AQ) [ci-
apr~s Roseinre] ; 172684 Canada Inc. – Corp. de gestion c. Commission de la sant6 et de la sifcuritd
au travail, [1995] B.R.P 367 aux pp. 398-99.

lap. 1328 (C.A.), en ligne : QL (AQ).

‘ 0 Voir par ex. Heiquip Holdings c. Pointe-Claire (Ville), [1997] A.Q. n’ 3409 au para. 147 (C.S.),

en ligne : QL (AQ) [ci-apr~s Hewquip Holdings].

‘0’ Est condensde ici r’argumentation de la d6cision rendue par la Cour du Quebec sidgeant A trois
juges dans l’affaire Pellerin c. Th7drien, [1995] R.J.Q. 259 A la p. 263, en ligne: QL (AQ) [ci-apr~s
Pellerin], inf. par [1995] R.J.Q. 1329, mais sur d’autres motifs.

‘0’ En mati~re de prescription par exemple, seule une dtourderie de r6daction peut expliquer la d6-
claration, sans aucune valeur positive, de ]a Cour supreme, selon laquelle de domaine de la prescrip-
tion estfondaientalenent de droitpriv6> [nos italiques] (Dord, supra note 58 h lap. 881). Comparer
Rufiange c. Q-Zip Inc., [1995] C.A.L.P. 600 aux pp. 605-06.

1999]

A.-F BIssoN – LA DISPOSITION PRELIMINAIRE DU C.c.O.

dace au demeurant – puisque c’est la Disposition pr6liminaire elle-m6me qui le dit :
le Code civil n’est pas un code de droit priv6 ; c’est un code de droit commun, qui n’a
pas le droit priv pour objet exclusif.

En tout cas, les d6buts d’application du Code civil font apparaitre la Disposition
pr6liminaire comme 616ment des d6bats ou des motivations judiciaires dans les do-
maines les plus varies : en droit civil strictement entendu, iI va de soi”, mais aussi en
procedure civile’5, en matire de protection de la jeunesse'” , en droit scolaire’0, en
droit 6lectoral'”, en droit fiscal’, voire en mati~re de d~ontologie polici~re”‘ , sans ou-
blier deux domaines qui revendiquent plus ou moins hautement leur sp6cificit6, le
droit du travail et le droit municipal”‘.

L o i la Disposition pr6liminaire apparait en droit du travail, elle est g6n6rale-
ment cit6e sans antipathie. Et, qu’il s’agisse par exemple d’interpr6tation des conven-
tions collectives ou des contrats de travail, de protection des droits en cas de cession
d’entreprise, de d6lais pour porter plainte pour cong6diement illegal, du calcul des
int6rts sur l’indemnit6 accord~e pour cong~diement illdgal ou encore de la question
r6currente de la norme du contr6le A exercer sur les juridictions inf6rieures du travail,
on fait produire A la Disposition pr~liminaire les effets qu’elle admet elle-meme : on
recourra voiontiers an droit commun pour ajouter substantiellement A la 16gislation du
travail ou en combler les lacunes”2, mais on n’h6sitera pas non plus
l’carter dans les

“4 La Disposition pr6liminaire apparalt alors le plus souvent pour faire le lien entre le Code civil et
la Charte des droits et libert~s de la personne, L.R.Q. c. C-12 ou confirmer celle-ci dans son r6le
d’instrument, elle aussi, de droit civil. Voir Hamel c. Malaxos, [1994] R.J.Q. 173 (C.Q.), en ligne : QL
(AQ) ; Augustus, supra note 57 ; Institut national des arts appliques (INAA) Inc. c. Grogoire, [1997]
R.R.A. 565 (C.S.), en ligne: QL (AQ) ; Giauque c. Rivet, [1997] R.R.A. 571 (C.S.), en ligne: QL
(JQ) ; Kosko c. Assurance vie Desjardins, [1997] A.Q. n 824 (C.S.), en ligne: QL (AQ).

” C’est ainsi que ]a Cour supreme, s’appuyant sur l’autorit6 de la Disposition pr6liminaire, a fait
application de Fart. 2878 du Code civil pour d6terminer la port~e de la prsomption de desertion
d’appel pr~vue
‘art. 503.1 du C.p.c., lui-mame droit commun sanctionnateur : voir Construction
Gilles Paquette Lte c. Entreprises Vgo Lte, [1997] 2 R.C.S. 299, 146 D.L.R. (4) 193.

“* Voir Qu6bec c. S.P, supra note 100.
‘o Voir Commission scolaire Lakeshore c. Szasz, [1996] A.Q. n 2356 (C.S.), en ligne: QL (AQ).
‘0 Voir Pellerin, supra note 102.
‘, Voir Industrielle-Alliance, Compagnie d’assurance sur la vie c. Quebec (Sous-ministre du Reve-

nu), [1997] R.D.I. 526, [1997] R.J.Q. 2928 (C.A.) ; Hewquip Holdings, supra note 101.

“0 Voir Champagne c. Comitj de diontologie policire, [1996] A.Q. n 2489 (C.Q.), en ligne : QL

(AQ).

..’ Pour le droit du travail, voir par ex. le bel ouvrage rcent de P. Verge et G. Vall6e, Un droit du tra-

vail ? Essai sur la spicificitj du droit du travail, Cowansville (Qc.), Yvon Blais, 1997.

,12 Voir par ex. Godbout, supra note 57 ; Automobiles Canbec Inc. c. Union des vendeurs
d’automobiles et employis auxiliaires local 1974, [1996] R.J.Q. 2709 (C.S.), en ligne: QL (AQ) ;
Beaulieu c. 9009-1356 Quebec Inc., [1997] A.Q. n 730 (T.T.), en ligne : QL (AQ) ; Rosemare, supra
note 100 ; Wla Midica c. Syndicat des employe(es) de Villa Mddica (FAS-CSN), [1997] RJ.Q. 905
(C.S.), en ligne: QL (AQ) ; Syndicat des employes et employis, supra note 62 ; Syndicat de lafonc-
tionpublique, supra note 98. Pour d’autres r~f&ences et le caract~re dans Diveloppements r6cents en droit du travail
(1996), Cowansville (Qc.), Yvon Blais, 1996, 189 aux pp. 192-93.

“‘ Voir par ex. lApiciers Unis Mitro-Richelieu Inc. c. Syndicat des travailleurs et des travailleuses
des lpiciers Unis Mdtro-Richelieu, [1996] R.J.Q. 1509 (C.A.), en ligne: QL (AQ); Lecavalier c.
Montrgal (Ville), [1997] A.Q. n 474 (T.T.), en ligne : QL (AQ) ; Zellers Inc. c. Syndicat des tra-
vailleurs et travailleuses de Zellers Inc., [1997] A.Q. n 2411 (C.S.), en ligne: QL (AQ) ; Propritos
Trizec c. Syndicat des travailleurs-euses de l’entretien de la place Ville-Marie, [1997] A.Q. n 4004
(C.S.), en ligne : QL (AQ).

“. Pour reprendre l’expression, transposable, utilis6e A propos du droit commercial dans B. Saintou-
rens, oL’intention du 1dgislateur, aspects de droit commercial frangais > dans Le recours aux objectifs
de la loi dans son application, Bruxelles, Story-Scientia, 195 A lap. 204.

“‘Supra note 58. Voir aussi, sur une tout autre question,

]a chami~re du droit municipal et du droit
du travail, Assoc. des employs cadres de la ville de Salaberty-de-Valleyfield c. Salaberry-de-
Valleyfield, [1998] A.Q. n* 2144 (C.S.), en ligne: QL (AQ).

L.R.Q. c. C-19.

‘ 7Y compris le recours aux d6bats parlementaires et ces travaux postparatoires>> ou excutoi-

res > que sont les Coninentaires du mninistre de lajustice, supra note 67.

1999]

A. -F BIsSON – LA DISPOSITION PRELIMINAIRE DU C.c.e.

565

Conclusion

Cinq ans peine dans la vie d’une nouvelle codification, cinq ans peine dans la
vie d’une Disposition pr61iminaire qui entend lui donner force et consistance, ce sont
les balbutiements de l’enfance et il est certes trop t6t pour dresser un bilan vraiment et
pleinement significatif. Mais, si la doctrine et la jurisprudence r6v~lent quelques
noyaux d’hMsitation, et peut-etre de rdsistance, on y voit bien aussi et surtout en quoi
la Disposition pr~liminaire, disposition hautement symbolique –
signe de reconnais-
sance et banni~re ordonnatrice –
pourrait 8tre porteuse, si on le veut bien, d’une r6-
organisation, intellectuelle et pratique, de tout le syst~me juridique qu6b6cois.

Sur cette r~organisation, le conf~rencier a ses opinions, comme il ‘a laiss6 assez
voir. Mais il ne saurait lui venir h l’esprit l’id6e ind6cente qu’elles pourraient tenir lieu
de ce qui ne peut 8tre que le r6sultat d’une oeuvre collective, affin~e au contact des
r~alit6s pratiques. Et s’il est permis, pour terminer, de plagier Jean Carbonnier”‘, si
cette conf6rence a paru reflter un parti pris, que l’on veuille bien sous-entendre, au
delh de ce parti pris, une sympathie tr~s profonde pour toutes les opinions qui divisent
la doctrine et la jurisprudence, pour tous les sentiments qui font le Qu6bec juridique
d’aujourd’hui.

“Droit civil, t. 1, 66 d., Paris, P.U.F., 1965

lap. VI.