La Lgislation maritime canadienne
et le Code civil qu6becois
Jean Pineau*
Ce n’est pas sans une certaine appr6hension que nous abordons
un tel sujet, tant nous nous heurtons A chaque instant h un contexte
historique, A la complexit6 constitutionnelle propre A un Etat conf6-
d6ral et A 1’absence d’int6r~t que le l6gislateur semble manifester A
l’6gard du domaine maritime.
Cette 6tude n’a nullement ]a pr6tention d’analyser les problhmes
de fagon pr6cise et d6taillde: une telle ambition nous obligerait A
faire oeuvre de b6n6dictin et la vocation nous fait aujourd’hui d6faut;
elle a seulement pour but de poser une question que l’Office de
R6vision du Code civil devra bien se poser un jour (et A laquelle il
devra m~me r6pondre), de montrer avec quelle sagesse et quelle
science les codificateurs qu6b6cois ont su envisager les problames
qui se soulevaient A cette 6poque, celle de ]a marine & voile, et de
constater la confusion et la carence des l6gislateurs f6d6ral et provin-
cial de l’6poque des navires nucl6aires.
Aussi envisagerons-nous, dans une premiere partie, ]a clair-
voyance du l6gislateur d’hier et, dans une seconde partie, la carence
du l6gislateur d’aujourd’hui.
I. La clairvoyance du l~gislateur d’hier.
Jusqu’A l’6poque de la codification, la voie du St-Laurent r6gissait
toute l’activit6 6conomique du Bas-Canada. Qu6bec 6tait, alors, une
ville prosp~re; mais, ds 1867, le d6clin 6tait amorc6 au profit
de Montr6al qui allait connaltre un prodigieux essor: 500 navires
atteignaient le nouveau port l’ann6e de ]a Conf6d6ration, le nombre
des entr6es ayant ainsi doubl6 en l’espace de 30 ans, la valeur des
importations 6tant pass6e de $19. millions en 1865 A $28. millions
I’ann6e suivante.
George-Etienne Cartier porta un grand int6r6t au transport;
il favorisa le d6veloppement du syst~me des canaux, mais, les chemins
de fer am6ricains cr6ant une concurrence nouvelle au grand r6seau
fluvial du Canada,
il adopta rapidement une autre politique que
ron appela <>, dont la r6alisation,
* Docteur en droit, Professeur h la Facult6 de Droit de rUniversiM Laval.
No. 1]
LtGISLATION MARITIME CANADIENNE
d’ailleurs, assura la creation du Canada moderne. Ainsi que le dit
Mason Wade, <>1
Devant une telle situation g~ographique et 6conomique, face A
une telle politique des transports, les codificateurs ne pouvaient
pas se ddsint6resser du domaine maritime. Toutefois, ils se trouvaient
dans une position bien inconfortable;
leur rapport en t6moigne.
D’autre part, nous ne devons pas oublier que le code civil fut pro-
mulgud un an avant que naisse la Confed6ration; c’est pourquoi il
conviendra de nous placer A l’6poque de la codification, puis A
l’6poque de ]a Confed6ration.
1. Avant la Conf6dcration.
L’Angleterre, maitresse des mers, est, alors, le plus grand pays
maritime du monde; comme tous les Etats, elle veille particuli6rement
Sl’instrument de puissance qu’est le navire, puisque la marine mar-
chande repr6sente une force sur le plan politique et 6conomique.
Puisqu’il est du r6le de l’Etat de contr6ler et r6gir tout ce qui
contribue A sa puissance 6conomique et politique, il est indispensable
que les instruments d’industrie –
qui
sont des biens essentiels A la vie d’une nation, soient soumis A son
all6geance et soient prot6g6s par cet Etat, d’autant plus que lesdits
instruments sont destines A circuler A l’6tranger. I1 n’est donc pas
6tonnant que l’Angleterre consid~re comme un domaine r~serv6
toutes les questions relevant du milieu marin, dans un pays r~duit
et tout ce qui s’y rapporte –
Sl’6tat de colonie.
Les codificateurs, naturellement, ont pleinement conscience de
ce probl~me et sentent que leurs travaux, de quelqu’envergure qu’ils
soient, n’auront qu’une faible port6e:
Le sujet des lois maritimes ne peut 6tre trait6 en ce pays que d’une mani~re
imparfaite. Dans les colonies d’une puissance maritime, les lois concernant
la marine sont n~cessairement en grande partie celles de l’Empire, et ne
peuvent cons~quemment 6tre modifi~es ou contr6l~es par la l6gislature
locale.2
Us n’ont done aucune illusion sur l’impuissance dans laquelle ils
se trouvent, de bitir une l6gislation qui serait propre au Bas-
Canada. Cependant, comme nous le verrons et comme le notent les
1 Mason Wade, Les Canadiens frangais, tr. Adrien Vienne, (Ottawa, 1963),
t. 1, p. 347.
en matiares civiles, Code civil du Bas Canada, (Quebec, 1865), t. 3, p. 225, ci-apr~s
2 Septi Me rapport des Commissaires chargds de codifier les lois du Bas Canada,
appel6 le Septiame Rapport.
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[Vol. 14
commissaires, tous les vaisseaux n’6taient pas soumis A la loi imp6-
riale; une certaine cat6gorie pouvant y 6chapper, il fallait bien
6dicter pour celle-l. quelques r~gles auxquelles cette minorit6 serait
soumise.
Malgr6 l’importance de l’obstacle que constituait l’tat de colonie,
les codificateurs ont eu l’immense m6rite d’analyser legislations et
jurisprudences europ~ennes de l’6poque et de bitir un ensemble de
r~gles vivantes qui ne compromettaient
les int6r~ts de personne
et pr6servaient l’avenir:
Le seul travail de codification qu’on en puisse faire ne peut gu6re s’6tendre
h plus qu’une indication de ses sources principales et une 6nonciation des
r~gles g~n6rales qui sont communes A la plupart des syst~mes de droit
maritime, et qui peuvent s’appliquer A nos circonstances et n~cessit6s locales.3
Une telle m6thode leur fut possible, car une v6ritable codification
des lois maritimes avait
t6 effectu~e sous l’impulsion de Colbert
‘Ordonnance sur la Marine.” Ce sont
en 1681, connue sous le nom de
les dispositions de cette mgme ordonnance qui furent reprises, sans
grands changements, en 1807, par le Code de commerce frangais;
ce sont ces mgmes dispositions que l’Angleterre adopta, mais aussi
adapta aux diff6rents besoins des 6poques nouvelles:
(L’Ordonnance de Colbert) a fourni en grande partie les principes du droit
maritime d’une grande partie du continent et est la principale base sur
laquelle les tribunaux de l’Angleterre, au moyen d’une s6rie de discussions
confirm6es et aidges d’une lgislation prudente, ont 6tabli son syst~me actuel.5
Nos codificateurs avaient, donc, comme principales sources:
l’Ordonnance de 1681, les commentaires d’Emerigon ( et de Valin,7
l’ouvrage de Pardessus, s la doctrine am6ricaine 9 et dcossaise, 10 enfin
la jurisprudence et les auteurs anglais,” <>.12 Avec tout cela, ils allaient faire
un petit code maritime qui ne pouvait d~plaire aux anglais et qui
pouvait 6tre fort utile aux < du Bas-Canada.
Ce travail, en effet, n’ tait pas inutile, puisqu’une classe de
vaisseaux naviguant A l’int6rieur de cette province 6tait assujettie
A la legislation de cette derni~re. L’art. 1 du Titre Deuxi~me du
Code civil intitul6 <,13 disposait que l’Acte
du Parlement Imp6rial, The Merchant Shipping Act, 1854,14 contenait
les lois relatives aux bitiments anglais dans le Bas-Canada; l’art.
2, al. 1, 6dictait que les bitiments anglais devaient 6tre enregistr6s
conform6ment aux r6gles prescrites par l’acte imp6rial, 15 et l’art. 2,
al. 2, pr6cisait que:
Les btiments de moins de quinze tonneaux et ceux de moins de trente
tonneaux de port, employ6s respectivement Z une navigation particuli~re
ou dans le commerce de cabotage, tel que sp6cifi6 dans l’acte ci-dessus
mentionn6 (The Merchant Shipping Act, 1854), ne sont pas assujettis A
l’enregistrement.
C’est dire qu’une l6gislation propre 6tait n~cessaire au Bas-Canada;
mais les codificateurs ont fait preuve d’une grande prudence et
d’une belle clairvoyance destin6es A 6viter de s6rieux conflits, en
n’allant pas trop loin dans le particularisme:
I1 est aussi probable que nos tribunaux se considreraient obliges, mame
dans les mati~res qui ne sont pas touch~es par les dispositions sp~cialement
obligatoires pour nous, h se conformer au but g~n~ral et A l’esprit de cet
acte, comme 4tant une loi de l’Empire fondde sur des raisons d’utilit6
publique.16
En aucun moment ils n’ont oubli6 que les dispositions les plus
importantes relevaient de l’autorit6 souveraine et que, par cons6-
quent, elles 6chappaient A leur champ d’action; il en 6tait ainsi pour
tout ce qui concernait l’enregistrement, la propri6t6, la vente et
l’hypoth~que des vaisseaux, les maitres, l’embarquement, la d~charge,
le salaire et le traitement des matelots, les r6gles relatives A la
siret6 et destinies A pr~venir les accidents, la responsabilit6 des
propri~taires de vaisseaux. N6anmoins, un statut provincial –
re-
transcrit dans le code –
r6gissait les <> navi-
guant A l’int6rieur et non enregistr6s comme btiments anglais, quant
A leur >, c’est-h-dire leur transfert, et quant & l’hypo-
thfque. Les codificateurs adoptaient done une politique logique et
sage.
12 Septi~me Rapport, loc. cit., p. 227.
13 Voir le Septi~me Rapport, loc. cit., p. 289.
14 17 & 18 Vict., 1854, c. 104.
‘5 Aux art. 17 et 19 du Merchant Shipping Act, 1854.
10 Septi~me Rapport, loc. cit., p. 229.
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[Vol. 14
Ils allaient, toutefois, se heurter A une difficult6 plus s6rieuse
en abordant les questions de privilege maritime. Le Code 6nonce
un certain nombre de privileges sur les b~timents, 17 leur cargaison Is
et leur fret,19 privileges < et
fortement .inspir6s de l’0rdonnance de Colbert, mais ne correspondant
pas A la notion anglaise qui se rapproche davantage de l’id6e de
gage maritime.20 Il y a done en ce domaine une divergence notable
entre le droit anglais et le droit frangais. Les codificateurs ont bien
vu le probl~me et ont propos6 une solution qui peut paraitre judicieuse,
mais aussi source de conflits dont ils 6taient conscients, puisqu’ils
ont pris la peine de s’expliquer dans leur rapport. Les dispositions
du Code civil s’appliquent incontestablement aux bitiments qui
naviguent A l’int6rieur de la province et & ceux qui ne sont pas
enregistr~s, disent-ils:
Elles s’appliquent 6galement dans l’opinion des Commissaires, aux britiments
les contestations h leur 6gard s’6lbvent devant nos
enregistr~s lorsque
tribunaux ordinaires; mais si le litige a lieu devant une Cour de Vice-Ami-
raut6, on suit alors une autre r~gle et c’est alors le droit maritime de
l’Angleterre qui doit guider le juge dans ses d6cisions. 2 1
Ainsi, selon le tribunal qui sera saisi, on appliquera telle ou telle
loi, chaque juridiction ayant sa loi!
I1 est assez clair, toutefois, que les codificateurs sentaient ]a
faille que recelait un tel syst~me, puisqu’ils eurent soin d’affirmer
la question de 1’assujettissement des bAtiments anglais enre-
que
gistr6s aux privileges reconnus par notre loi municipale, semblait
d’abord susceptible de doute, >22 mais que, malgr6 tous les conflits
l’expression adans
possibles,
l’opinion des commissaires > montre que l’on peut avoir une opinion
diffdrente! N6anmoins, une explication nous est donn6e; cette solu-
tion, nous disent-ils, n’est pas extravagante:
le risque. D’ailleurs,
ils prenaient
En Angleterre, sous le droit commun dont l’administration est confi6e aux
tribunaux ordinaires, le gage des bAtiments n’est pas reconnu, tandis que
dans la Cour d’Amiraute le gage maritime est exerc6 sur les batiments par
le moyen d’une action r6elle in rem.23
17 Art. 2383 C.c.
Is Art. 2385 C.c.
1 Art. 2386 C.c.
20 Pour une discussion plus 6labor~e des c common law possessory liens t, voir,
par exemple, Carver on Carriage of Goods by Sea, 11th ed., by Raoul P. Colin-
vaux, (London, 1963), vol. 2, para. 1325 et seq., pp. 1099 et seq., et Scrutton on
Charterparties and Bills of Lading, 1.7th ed., by W. L. McNair, A. A. Mocatta
and M.J. Mustill, (London, 1964), pp. 372 et seq.
21 Septibme Rapport, lc. cit., p. 231.
22 Ibid.
23 Ibid.
No. 11
L]tGISLATION MARITIME CANADIENNE
Une telle justification nous parait boiteuse, car il est 6vident que
celui qui voudra exercer un gage sur un bAtiment, n’aura pas le
mauvais goit de s’adresser A une Cour de common law: son choix
sera rapidement fait! D’autre part, n’y a-t-il pas lA contradiction
avec le principe qu’il est souhaitable de se conformer au but g~n6-
ral et A l’esprit des lois de l’Empire fond~es sur des raisons d’utilit6
publique? Malgr6 les reserves que l’on peut 6mettre sur l’opinion
des commissaires, il n’en demeure pas moins vrai que toute cette
r~glementation touchait les nombreux vaisseaux qui naviguaient dans
la province et qu’une r~glementation semblable r~gissait les pays
de droit 6crit qui avaient copi6 l’Ordonnance de Colbert.24
De nouveaux probl~mes allaient se poser aux codificateurs, lorsque
les questions relatives aux propri6taires,
ceux-ci durent traiter
maitres et matelots:
… la position coloniale dans laquelle nous sommes situ~s rend indvitable
une certaine imperfection dans notre Idgislation en matilre de droit mari-
time. Le sujet de ce chapitre est Fun de ceux oti la difficult6 se fait sentir,
et on verra que les articles soumis, A une ou deux exceptions pros, ne font
qu’exprimer des rlgles g~n6rales de leur nature et fond6es sur des autoritks
si certaines et si universelles qu’on ne peut h~siter h les proclamer. 25
I1 n’y a donc IA aucun commentaire A faire, puisque, par prudence,
les commissaires se sont born6s A 6noncer une r6glementation reconnue
et applique par tous les pays maritimes, de telle sorte qu’aucun
conflit grave n’6tait prdvisible.
I1 en 6tait de mgme pour tout ce qui concernait le Titre Troisi~me
consacr6 A l’affr~tement; les r~gles 6tant identiques dans tous les
pays maritimes, les codificateurs se sont appuy6s sur l’Ordonnance
de Colbert et les solutions tir6es de cette ordonnance par la doctrine
et la jurisprudence anglaises. 26 Cela 6tait d’autant plus ais6 qu’il
s’agissait lA d’usages consacr~s par les textes et que ces dispositions
avaient, le plus souvent, un caract~re suppl6tif. L’affr~tement fut
donc une question trait6e tout A fait comme elle devait l’6tre A
l’6poque de la codification. Cette apprdciation est 6galement valable
pour le transport des passagers, ainsi que pour l’assurance maritime
qui fait l’objet du Chapitre II du Titre Cinquihme.27
24 Isambert, op. cit., t. 19, no. 981, pp. 282-283.
2 Septi~me Rapport, loc. cit., p. 233.
20Ibid., p. 235.
27 Notons que nous n’entreprendrons pas l’analyse des dispositions relatives A
l’assurance maritime, car, compte tenu de l’importance de ce domaine, une 6tude
particuli~re serait ncessaire, ce qui ddpasserait de beaucoup le but que nous
nous sommes fix6. Nous nous contenterons de rappeler que l’assurance est nde
dans le milieu maritime et qu’elle a pour ancltre le pr~t h la grosse aventure;
c’est pourquoi nous nous 6tonnons de voir les codificateurs consacrer un Titre VI
McGILL LAW JOURNAL
[Vol. 14
Un an apr~s la promulgation du Code civil, la Conf6d6ration
voyait le jour. Quelles en furent les cons6quences?
2. Apras la Conf6d6ration.
L’article 91, para. 10, de
‘Acte de l’Amgrique britannique du
Nord 28 donne comptence exclusive au Parlement du Canada pour
tout ce qui concerne < navigation and shipping>> que l’on a maladroi-
tement traduit par <>.
Lorsqu’on s’est demand6 ce que pouvait signifier cette formule, on
s’est accord6 pour admettre qu’elle devait 6tre interprft6e le plus
largement possible.29 D’une fagon g6n6rale, on sait que cet art. 91
peut donner au pouvoir f6d6ral, par application de la th6orie des
pouvoirs ancillaires, la possibilit6 de l6gif6rer sur des mati6res nor-
malement de comp6tence provinciale: cette difficult6 a souvent
t6
mise en relief et particuli~rement par Antonio Perrault.3o Toutefois,
eu 6gard au nouveau Code civil, il ne semblait pas que les difficultfs
fussent insurmontables, puisque les commissaires, conscients de l’6tat
d’inffriorit6 dans lequel ils se trouvaient en tant que colonis6s,
avaient fait preuve, comme nous l’avons vu, d’une extreme prudence,
en adoptant des r~gles reconnues le plus souvent par tous les pays
maritimes et en renvoyant au Merchant Shipping Act, 1854.31
II convenait seulement d’adapter le Code civil A cette nouvelle
situation 3 2 et A se r6f6rer aux lois f6d6rales nouvelles que l’on
trouvait dans les Statuts Revis6s du Canada de 1886, 33 qui ne pouvaient
6tre que les lois anglaises dfjA connues du l6gislateur qufbecois;
A cette institution qui a d6jA compl~tement disparu A leur 6poque. Toutefois, une
grande attention a 6t6 portde aux questions d’assurance et un effort considfrable
de synth~se a conduit les commissaires h rfdiger un texte complexe, mais trbs h
jour A la veille de la Conffddration.
28 30 & 31 Vict., 1867, c. 3.
29 A.-G. Canada v. A.-G. Ontario, Quebec and Nova Scotia, [1898] A.C. 700 h
p. 713, 67 L.J.P.C. 90 4 p. 93, C.R. [12] A.C. 48 A p. 66, Montreal City v. Montreal
Harbour Commissioners, [1926] A.C. 299 A pp. 312-313, 95 L.J.P.C. 60 A pp. 66-67.
30 Trait6 de droit commercial, (Montr6al, 1936), t. 1, pp. 161 et seq., pp. 172
et seq.
31 17 & 18 Vict., 1854, c. 104.
32 Voir art. 2355 C.c.
33 Viz., l’Acte concernant l’enregistrement et la classification des navires, c. 72,
l’Acte des matelots, c. 74, l’Acte des matelots de l’intgrieur, c. 75, l’Acte des wau-
frages et du sauvetage, c. 81, l’Acte concernant la sfiret6 des navires et les mesures
6 prendre pour privenir les accidents 6, bord, c. 77, l’Acte concernant la navigation
dans les eaux canadiennes, c. 79, l’Acte concernant la responsabilit6 des entrepre-
neurs de transport par eau, c. 82, l’Acte concernant le cabotage canadien, c. 83.
No. 1]
L]tGISLATION MARITIME CANADIENNE
end’autres termes, il suffisait d’une mise A jour qui fut op6r~e en
1888.34
‘Aucune modification notable ne devait 6tre, apport6e. pendant
un, demi-sicle. Cependant, le Statut de Westminster,3 5 adopt6 par
le Parlement imperial le 11 d6cembre 1931 allait donner au Parlement
f~d~ral <> et d’6dicter toute loi nouvelle m6me’-si celle-lh devait
tre incompatible avec la l6gislation d’Angleterre. 3 Aussi, le:Parle-
ment, canadien se pr~valut rapidement, de ce droit et-adopta en 1934
la-Loi sur la marine marchande 37 qui fut mise en vigueur le 1er-aofit
f1 faut dire qu’il in’y avait dans cette nouvelle, loi aucune
1936.
innovation, car une convention sign&e – Londres le 10 d6cembre”
et les autres Dominions – A reproduire
1931, engageait le Canada –
dans sa lgislation maritime les principales dispositions de la Loi
imp6riale. I1 ne fallait pas, en effet, bouleverser le syst~me ni troubler
l’harmoni e et l’uniformit6 qui incontestablement dvitaient tout conflit
dans les limites de l’Empire. La, grande diff6rence entre la loi
ant~rieure A 1936 et la loi de 1936 r6side uniquement dans son
intitul6: la premiere a pour ‘ titf.
Act,
189-4> (l’Acte de 185438 avait 6t6,, en effet, modifi6 ent 189436), et
la seconde <>,
<<The, Merchaiit ,Shipping
,Nanmoins, 1936 devait
tre une ann6e faste, pour le milieu
marin; en plus de la Loi sur la marwe marchande, la L oi relative au
transport des marchandises par eau et la Loi concernant le- Cogr&.
d’Amirautg4 l 6taient mises en vigueur cettemme arn e. Sil’adoption
de la Loi sur la marine marchande n’apportait pas. de, grands chan-
‘en allait pas de m~me avec. les
gements .dans les principes, il
nouvelles l6gislations ‘sur les transports et sur la Gour d’Amiraut6.
A)- La 16gislation sur les transports.
L’volution 6conomique et technique du commerce maritime et
de la navigation devait modifier profond6ment la nature, des con-
ventions conclues entre les armateurs, et les chargeurs, en- vue
d’organiser l’exploitation, maritime. Jadis, lea chargeurs .affr6taient
34 S.R.Q. 1888, art. 6254.-
35 22 Geo. 5, 1931, c. 4.
Art. 2(2).
37 24-25 Geo. V, S’C: 1934, c. 44.
3817 & 18 Vict., 1854, c. 104.
39 57 & 58 Vict., 1894, c. 60.
401 Ed. VIII, S.C. 1936, c. 49.
4124-25 Geo. V, S.C. 1934, c. 31.
.
.
McGILL LAW JOURNAL
[Vol. 14
un navire et assumaient fr~quemment les fonctions de transporteur,
qui 6taient Ia continuation de la fonction de chargeur; plus tard,
ces fonctions de chargeur et de transporteur allaient se dissocier.42
Cette sp6cialisation des fonctions ne pouvait qu’avoir des cons6-
quences importantes sur Ia fagon d’exploiter les navires et provoquer
l’affrontement de deux mondes: celui des chargeurs et celui des
armateurs; les intfrcts en pr6sence a’laient s’opposer A partir de
Ia fin du 19e sicle, sur le plan juridique, 6conomique et politique.
Jusqu’alors, les armateurs soumettaient les chargeurs A des con-
ditions contractuelles extr~mement d~favorables A ces derniers qui
ne pouvaient qu’adh6rer aux clauses exorbitantes proposdes et exig6es
par l’armement, clauses par lesquelles les transporteurs d6gageaient
dans tous les cas leur responsabi’it6.
. L’Am~rique se trouva bient6t plac6e A Ia t8te du groupe des pays
de chargeurs, pays qui cherchaient A obtenir un am6nagement
substantiel de Ia responsabilit6 du transporteur, alors que Ia Grande-
Bretagne, pays d’armateurs, d6fendait les positions acquises favo-
risant le maintien de toutes ces clauses de non-responsabilit6.
Les Etats-Unis lancrent l’offensive en adoptant une loi fixant
les conditions dans lesquel’es s’effectuerait d~sormais le transport
des marchandises et frappant de nullit6 les clauses qui y d6rogeaient:
ce fut le Harter Act du 13 f6vrier 1893, 43 du nom de son promoteur,
applicable A partir du ler janvier 1894. L’id6e principale fut d’6tablir
une irresponsabilit6 l6gale de l’armateur dans certains cas bien deter-
min6s – notamment les faits et fautes du capitaine et de l’6quipage
<> –
afin de prohiber clairement
toute autre clause d’irresponsabilit6.
Cette loi devait inspirer Ia loi du Canada << concernant le transport des marchandises par eau>>, sanctionn6e le 4 niai 1910 44 et modi-
fi~e le 19 mai 1911. 45 Nous trouvons dans cette loi des dispositions
prohibant certaines clauses, d’autres 6num6rant les cas dans lesquels
le transporteur n’est pas responsable, d’autres encore limitant ]a
responsabilit6 du transporteur et r~glant le problhme du transport
des marchandises d’une nature dangereuse.
Le besoin se fit rapidement sentir, d’unifier le droit des transports
loi 6taient
maritimes sur le plan international;
les conflits de
42 Nous nous expliquerons plus longuement sur cette transformation dans notre
‘anachronisme de Ia legislation quebecoise. Voir
deuxi~me partie, en montrant
infra A pp. 42 et seq.
43 Feb. 13, 1893, c. 105, 27 Stat. 445, 46 U.S.C. 190.
44 9-10 Ed. VII, S.C. 1910, c. 61.
45 1-2 Geo. V, S.C. 1911, c. 27.
No. 1]
L]kGISLATION MARITIME CANADIENNE
nombreux, les solutions d~licates et la n6cessit6 d’harmoniser les
r6formes de plus en plus pressante; le jeu de la concurrence inter-
nationale l’exigeait. On pensa, alors, qu’ll serait possible d’atteindre
le but d’unification par l’adoption conventionnelle de r~gles sembla-
bles, m6thode d6jh utilisde avec succ~s pour le r~glement des avaries
communes, avec les fameuses Rgles d’York et d’Anvers.4 6 Il parut,
toutefois, difficile d’aboutir A une entente d’envergure, tant les
int6r~ts en pr6sence 6taient rivaux, mais on 6tudia tr~s s6rieusement
le probl~me de la responsabilit6 du transporteur. C’est ainsi qu’en
septembre 1921, l’International Law Association, ayant r~uni A La
Haye les grandes associations maritimes de m~me que les repr&
sentants des divers groupes int6ress6s, adopta des r6gles sur les
transports maritimes sous connaissement, connues sous le nom de
R~gles de La Haye 1921. Ces R~gles valaient comme connaisse-
ment-type et devaient tirer toute leur force de leur adoption par la
convention des parties. On aboutissait donc pour la premiere fois
h une entente entre armateurs et chargeurs, soutenue par ]!attitude
favorable des banquiers et des assureurs.
Il est incontestable que l’Angleterre joua un r~le determinant dans
l’adoption de ces R~gles; cependant, il faut ajouter que ce z6le fut
simplement le r6sultat de la pression exerc6e par les Dominions,
et, en particulier, par le Canada. En effet, les Dominions, pays de
chargeurs, hostiles, donc, aux contrats d’adh6sion qui leur 6taient
impos6s par les armateurs anglais, et fortement impr6gn6s de l’esprit
du Harter Act, manifestaient vigoureusement leur d6sir de voir
6tablir une r6glementation obligatoire de la responsabilit6 du trans-
porteur. Comme l’crit le Doyen Ripert:
Ils firent entendre si haut leur voix, que l’Angleterre, dont la politique
6conomique 6tait alors contraire A l’intervention de l’Etat dans les conventions
relatives au transport et dont la technique juridique s’accomnmodait real d’une
loi 6crite sur ce point, comprit la n6cessit6 de leur donner satisfaction. 47
Malgr6 l’engagement des associations maritimes d’oeuvrer pour
transformer les R~gles en loi obligatoire, les pays h6sit6rent A les
adopter, chacun attendant que le voisin prenne le premier la d6cision!
D’autre part, les pays de droit 6crit nourrissaient quelques doutes
A l’6gard d’une r6glementation d’esprit et de r6daction anglo-saxonne,
46 Ces fameuses R~gles, qui datent de 1877, 1890, 1924 et 1950, furent prdc6d6es
par les R~gles d’York de 1864 et les R6solutions de Glasgow de 1860. On aurait
avantage A consulter George Rupert Rudolf, The York-Antwerp Rules, (London,
1926) et Lowndes & Rudolf: The Law of General Average, 9th ed., by J. F. Donald-
son, C. T. Ellis and C. S. Staughton, (London, 1964), pour plus de renseignements
i ce sujet.
47 G. Ripert, Droit maritime, 4e 6d., (Paris, 1952), t. 2, p. 259.
McGILL LAW JOURNAL
[Vol. 14
difficile d’application et d’interprdtation pour un esprit cart6sien.
C’est pourquoi de nouvelles conf6iences internationales furent ndces-
saires, afin de parvenir, sur la base des R~gles, A l’6laboration d’une
les
convention, internationale qui engagerait de fagon d6finitive
Etats par leur signature et leur rAtification: ce fut la Convention
de Bruxelles du 25 aofit 1924 sur Funification de certaines r6gles
en mati~re de connaissement, reproduction des R~gles de La Haye
avec quelques modifications de dMtail. 48
La Grande-Bretagne qui n’avait pas attendu la signature de la
Convention” de Bruxelles pour introduire les R9gles de La Haye
dans sa legislation interne,49 r~ussissait, de cette fagon, & imposer A
tous les pays maritimes, les r~gles qu’elle 6tait oblig~e d’adopter
elle-m~me sous la pression des Dominions.50
C’est seulement douze ans apr~s la conf6rence de La Haye que
les R~gles comme l6gislation interne, imitant
le Canada adopta
ainsi l’attitude prise par la Grande-Bretagne d~s 1924: la Loi sur
le 23
le transport des marchandises par eau” fut sanctionn6e
juin 1936.52 Mais, contrairement A la Grande-Bretagne, le Canada
ne ratifia pas la Conv.ention de Bruxelles, ce qui est fort regrettable,
ce peut 6tre une source de difficult6s
car –
lorsqu’il s’agit de, r6gler les problmes relevant d’un transport A
caract&re international. Certes, la reconnaissance juridique du droit
pour le Canada de ratifierdes accords internationaux ne remonte
pas loin dans. le temps, mais il est non moins vrai que le Canada
aurait fort bien pu ratifier cette convention de Bruxelles, s’il en
avait exprim6 le d~sir. C’est avec la Conf6rence imp6riale tenue
en 1923 que disparurent
nous le verrons –
les derniers vestiges du contrble imperial sur les accords politiques ou
commerciaux. Les pl~nipotentiaires des dominions regurent ddsormais leurs
pleins pouvoirs du Roi, mais celui-ci.n’agit plus que sur l’avis du gouverne-
ment int4ress6 et les accords 6chappbrent ainsi au droit de regard des
ministres britanniques … D’ailleurs, Sa Majest6 s’effaga bient6t complbte-
ment en dl~guant les pouvoirs symboliques qui lui restaient au gouverneur
48 Le texte de la Convention est reproduit dans Carver, op. cit., t. 2, Appendix
2, pp. 1267-1290.
49 La Convention do Bruxelles a 6th sign~e le 25 aofit 1924, alors que The
Carriage of Goods by Sea Act, 1924, 14 & 15 Geo. 5, 1924, c. 22, a 6t6 sanctionn
le ler ao-at 1924’
6o Une liste des pays qui ont ratfid la Convention se trouve dans Carver,
op. cit., Appendix 5, pp. 1320-1327, ainsi qu’une liste des colonies britanniqugs
ayant ratifi6 la Convention, ibid., Appendix 3, pp. 1304-1308. Les pays qui l’ont
adbptde par voie de idgislation domestique sont mentionn6s ibid., pp. 1297-1304,
pp. 1398-1320.
51 S.R.C. 1952, c. 291.
521 Ed. VIII, S.C. 1936, c. .49
No. 1]
L2GISLATION MARITIME CANADIENNE
gdn6ral du Canada, qui, bien entendu, ne les exercera que sur lavis du
Conseil des ministres. 5 3
Quoi qu’il en soit, il n’est jamais trop tard pour bien faire et il
n’est pas ridicule de pr6tendre que la ratification est encore possible
quarante-trois ans apr~s.
Parall~lement A la idgislation sur les transports, une nouvelle
loi sur les juridictions maritimes voyait le jour.
B) La legislation sur la Cour d’Amirautg.
Un R~glement Royal d~cr6t6 par Louis XV 54 et enregistr6-au
greffe du Conseil Sup6rieur le 22 novembre 1717, 6tablissait une Cour
de l’Amiraut6 charg~e de connaitre les litiges maritimes, A ‘exclusion
de tout autre tribunal et de rendre la justice au nom de l’Amiral
de France. A la conqu~te, le Conseil militaire exerga la juridiction
d’Amiraut6 pendant quatre ans, puis Murray, devenu Gouverneur
g6n6ral de la Colonie, se vit attribuer –
les
pouvoirs d’un juge de Vice-Amiraut6; le juge-Potts devait lui succ6der,
investi d’un pouvoir juridictionnel quasi illimit6.
le 1-9 mars 1764 –
Ce n’est qu’en 1891 que fut 6tablie au Canada une v6ritable
Cour de l’Amiraut6 coloniale, 55 conform6ment A ce que permettait
le Colonial Courts of Admiralty Act, 1890,56 adopt6 par le Parlement
imp6rial, qui abolissait toutes les cours de Vice-Amiraut6 existantes,
alors, dans les colonies. Comme’le dit.-M. W. Morn:
Par cette Loi de l’amirautW de 1891, notre Parlement f ddral constituait la
Cour de l’6chiquier du Canada, la Cour coloniale de 1’amiraut6 dans tout le
pays avec la juridiction confdr6e A une Cour coloniale, de l’amiraut6 par le
Colonial Courts of Admiralty Act de 1890.57
La juridiction de cette nouvelle Cour 6tait <> par l’art. 2,
para. 2 du Colonial Courts of Admiralty Act, 1890 qui donnait aux
Cours coloniales le droit exercer la juridiction ‘de la ‘High Court
in England, mais elle l’6tait si vaguement que la High Court et les
tribunaux de common law se disput~rent la juridiction en matibre
maritime jusqu’A ce qu’intervint The Supreme Court of Judicature
(Consolidation) Act, 1925,58 qui pr~cisa, enfin, les litiges relevant
53J._y. Morin, La conclusion d’accords internationaux par’les provinces cana-
diennes & la lumiare du droit comparg, (1965), 3 Ann. can. dr. int. 127 h p. 133.
54 R~glement concernant les si~ges d’amiraut6 que le noi veut 6tre 6tablis dans
tous les ports des isles et colonies frangaises, en quelque partie du monde qu’elles
soient situdes, Edits, Ordonnances Royaux, Diclarations et Arr~ts du Conseil
d’Etat du Roi, concernant le Canada, (Qudbec, 1854), t. 1, pp. 358 et seq.
55 54-55 Viet., S.C. 1891, c. 29.
UG 53 & 54 Vict., 1890, c. 27.
57 Juridiction maritime de nos tribunaux, (1943), 3 R. du B. 3 b pp. 9-10.
58 15 & 16 Geo. 5, 1925, c. 49.
McGILL LAW JOURNAL
[Vol. 14
de la juridiction d’amiraut6, cette dernihre loi s’appliquant 6galement
A Ia Cour de l’Echiquier puisque le Colonial Courts of Admiralty
Act, 1890 6tait encore en vigueur en 1925.
Cette loi devait 8tre abrog6e par la Loi sur l’AmirautM 5 qui fut
sanctionn~e le 28 juin 1934,60 consequence des nouvelles possibilit6s
qui 6taient donn6es au Canada par le Statut de Westminster. II
s’agissait donc 1A de ]a premiere loi canadienne sur la juridiction
maritime.
Ce bref apergu historique est destin6 A faire comprendre que des
conflits de juridiction entre la Cour de l’Echiquier si86geant en
Amiraut6 et les tribunaux de droit commun pouvaient se poser au
Canada, et par cons6quent dans la Province de Qu6bec, de la mame
fagon qu’en Angleterre, puisque ]a Cour coloniale d’Amiraut6 avait
une juridiction tout A fait identique A celle de la High Court d’An-
gleterre.
En d’autres termes, les probl~mes de juridiction 6taient au
Canada ceux que l’on connaissait en Angleterre et devaient 6tre
r6gl6s de la m~me fagon qu’en Angleterre jusqu’A ce que la Cour
d’Amiraut6 du Canada ne ffit plus une Cour coloniale. En cons6-
quence, le 16gislateur canadien –
ne pouvait que subir les lois et les prec6dents de l’Empire. Aussi
n’est-iI pas surprenant de voir ]a Cour Sup6rieure et la Cour d’Appel
de la Province saisies de litiges maritimes; toutefois, le probleme
ne se pose plus de la mgme fagon, A notre avis, depuis la Loi sur
V’Amirautg, 1934, loi essentiellement canadienne: nous l’aborderons
dans la seconde partie de cet expos6.
f6d6ral et a fortiori provincial –
Ainsi, nous avons essay6 de montrer que compte tenu de la
situation dans laquelle se trouvait le Canada et la Province de
Qu6bec, les codificateurs et le l6gislateur qu6becois ne pouvaient gu~re
faire mieux, devant prendre en consideration tantbt le statut de
colonie auquel ils 6taient soumis, tant6t leur incapacit6 de l6gif6rer
dans un domaine r6serv6 au pouvoir f6dgral. Ils ont fait preuve de
prudence et de clairvoyance. Cependant, ce qui est vrai pour le l6gisla-
teur de 1866 peut fort bien ne plus l’8tre pour le l~gislateur de 1967;
c’est pourquoi parler de carence l6gislative se justifie.
II. La carence du lgislateur d’aujourd’hui.
Tout d’abord, nous devons pr6ciser dans le temps ce que nous
entendons par <<aujourd’hui>>: il ne serait pas erron6, croyons-nous,
de pr6tendre que les textes du code civil n’ont pas 6t6 remanis de
59 S.R.C. 1952, c. 1.
60 Sous le titre: Loi d’amirautM, 1934, 24-25 Geo. V, S.C. 1934, c. 31.
No. 1]
L]tGISLATION MARITIME CANADIENNE
fagon substantielle depuis 1888! Nous ne reprocherons pas au l6gisla-
quant A notre sujet
teur qu6becois d’avoir vdcu dans l’inactivit6 –
taut que le pouvoir f6ddral qui avait compdtence ne s’affirmait
–
pas. Mais son immobilisme devient coupable apr~s l’ann6e 1936 qui
marque une 6tape s6rieuse dans l’histoire juridique du milieu mari-
time canadien, car il eut
t6 alors opportun que la Province efit
une lgislation qui s’alignit sur la legislation f6ddrale, afin de rdgler
de fagon uniforme les probl~mes qui 6ventuellement pourraient 8tre
soumis A la loi qu6becoise.
I1 convient donc de relever maintenant l’anachronisme des disposi-
tions du code civil et, en m~me temps, le d6faut d’int6rft que le
l6gislateur f~dral semble manifester depuis trente ans A 1’endroit
de la chose maritime. Nous envisagerons deux categories de pro-
blames: celui de la loi applicable et celui de la juridiction comp6tente.
1. La loi applicable.
Nous savons qu’en vertu de l’art. 91, para. 10, de I’Acte de
l’Am6rique Britannique du Nord,61 le Parlement f6ddral a comp-
tence exclusive en mati~re de <> et que ce
domaine doit 6tre entendu dans son sens large.62 Compte tenu de
ce principe de base et de la lgislation f6d6rale existante, nous devons
nous demander quel est robjet des dispositions actuelles du Code civil.
A) Dispositions relatives au navire et aux gens de mer.
I1 n’est gu~re utile d’6piloguer sur ‘art. 2355, premiere disposition
relative aux bitiments marchands: A. Perrault retragant l’historique
de la 16gislation anglaise et canadienne nous laisse entendre que ce
texte aurait pu 6tre h nouveau r~dig6 d~s 1894,63 ann6e au cours
de laquelle le Parlement imp6rial adopta sa nouvelle loi de la marine
marchande.6 4 C’est dire qu’apr~s 1936, le lgislateur qu6becois aurait
tout de mgme dfi songer A une quelconque mise A jour mais, peut-6tre,
attend-il 1988, afin de c6ldbrer l’authentique centenaire de
‘article
2355.
Les dispositions des chapitres I, II et III, du Titre II, consacr~s
A l’enregistrement des b timents, au transport des bftiments enre-
gistr~s et h
‘hvpoth~que sur les b~timents, sont totalement inappli-
cables aux btiments immatriculds; nous avons d~jA dit que tout
bAtiment devait avoir une nationalit6 et devait 6tre en principe
61 30 & 31 Vict., 1867, c. 3.
62 Voir supra A p. 32.
63 Perrault, op. cit., t. 2, pp. 565 et seq.
64 The Merchant Shipping Act, 1894, 57 & 58 Vict., 1894, c. 60.
McGILL LAW JOURNAL
[Vol.,14
imma ricul. L’art. 6 de la Loi sur la marine marchande65 nous indique
.les hypotheses dans lesquelles un navire ne peut pas obtenir la
nationalit6 britannique 66 et l’art..8 L=.m., 67 precise quels navires
sont – exempt~s de l’immatriculation i ce sont
les navires dont. la jauge au registre est d’au plus quinze tonneaux et qui
sont employds exclusivement h la–navigation sur les lacs, fleuves ou rivi~res
ou sur le littoral du Canada,-ainsi que les yachts, de plaisance dont la jauge
au registre ne d~passe pas vingt tonneaux, oiL qu’ils soient employ6s ou
exploit6s.
Seuls
les navires britanniques enregistr6s donformment aux
dispositions de la Loi sur la marine mar6hande b~nficieront des
droits et privileges accord6s par cette loi aux navires britanniques
immatricul6s dans quelque ‘partie des dominions de Sa Majest6;06
cela ne signifie pas que les bAtiments de moins de 15 tonneaux ou
lea-yachts de moins de 20 tomieaux qui’ sont exempt6s de l’immatri-
culation ne soient soumis A aucune rdglementation: les art. 107 A
113 L.m.m.,69 pr6voient ]a d6livrance de permis sp6ciaux. Nous avons
donc deux catdgories de btiments: les bAtiments immatricul6s qui,
par le fait de leur immatriculation, sont britanniques et soumis ‘ ]a
Loi sur la marine marchande, et l es bitiments exempt6s de cette
immatriculation par l’art. 8 L.m.m., appel6s commun6ment < qui ne sont soumis A cette mgme loi que sur le plan admi-
nistratif, dana les limites des art. 10.7 A 113 L.mm.
Les articles 2356 A 2382 C.c., sont done abrog6s par la Loi sur
la marine marchande du Canada, quant aux navires immatriculs.10
Qu’en est-il du chapitre IV consacr6 au privilge ou gage maritime
sur les bAtiments, leur cargaison et leur fret?
Dans
‘esprit ‘des codificateurs, nous avons d6jA eu l’occasion de
le dire, les art. 2383 A 2388 s’appliquent aux bitiments qui naviguent
Sl’int6rieur de la province et A ceux qui ne sont pas enregistr~s,
ainsi qu’aux bitiments enregistr6s lorsque le litige est port6 devant
nos tribunaux de droit commun.
Tout d’abord, nous somimes tent6 de dire que ces dispositions
ne peuvent pas aujourd’hui s’appliquer aux navires immatricul6s,
puisqu’il s’agit de bitiments ‘britanniques soumis A la legislation
f6ddrale et que seule cette derni~re a autorit6. Par cons6quent, les
65 S.R.C. 1952, c. 29.
66 L’art. 6 fut abrog6 et remplac6 par 9-10 Eliz. II, S.C. 1060-61, c. 32, art.’ 3.
67 Tel qu’Abrog6 et remplac6 par-9-10 Eliz. II, S.C. 1960-61, c. 32, art. 4.
68 Art. 7, para. 1, L.m.m.
69 Tels qu’abrog~s et remplac~s par 13-14 Eliz. II, S.C. 1964-65, c. 39, art. 5.
70 Sur la vente d’un bateau, voir Labrie v. Deschamps, [1959] C.S. 1: demande
fond~e sur
‘art. 2861 C.c.; art. 73 L.m.m., applicable.
No. 1]
LEGISLATION MARITIME CANADIENNE
textes du Code civil ne pourraient 6ventuellement s’appliquer qu’aux
< titulaires d’un <> d~livr6 par le pr6pos6
en chef des douanes d’un port de la.,Province de Qu6bec. Toutefois,
s’agissant d’un navire immatricul6, le pouvoir fTd6ral n’a nullement
l6gif~r6 en mati&re de privilege maritime; nous relevons simplement
quelques dispositions 6parses dans la Loi sur la marine marchande:
l’art. 201 affirme qu’ <> (il ne -peut 6tre d~chu
de son privilege que parce qu’il en-poss6dait un!) ; l’art. 213 pr6voit
le pr6l~vement du montant des gages impay6s sur le navire; dans
l’hypoth~se de saisie et vente des navires pour acquitter les amendes
impos~es par la loi, P’art. 490 (2) L.m.m., dispose que ; l’art. 540 pr~voit le recouvrement de l’indemnit6 de
sauvetage lorsque les biens sont sous saisie dans une autre poursuite
devant la Cour d’Amiraut6; l’art. 675 reconnait A l’armateur un
droit de r6tention pour fret au d6barquement des marchandises;
l’art. 679 pr6cise l’ordre dans. lequel doit s’effectuer l’emploi du
produit de la vente des marchandises qui se trouvaient h bord.
Est-ce A dire que l’on doive s’en tenir strictement ou exclusivement
ces dispositions, ou bien” que l’on doive faire appel, en outre, A la
loi anglaise, 6tant donn6e l’origine de cette loi qui fut 6videmment
r~dig~e en tenant compte du droit maritime- anglais, ou encore A
la loi qu6b6coise en l’absence de lgislation f6d~rale? Avant 1936,
la Loi sur la marine marchande 6tant une loi imp6riale, on devait
incontestablement se r6f~rer au droit maritime anglais; mais depuis
le Statut de Westminster,71 peut-on soutenir le m~me point de vue?
Voilb. un probl~me que nous aurons malheureusement l’occasion de
rencontrer A nouveau au sujet du transport de passagers.7 2
Les art. 2389 4 2406 C.c. faisant l’objet du Chapitre V consacr6 aux
propri~taires, maitres et matelots, sont 6galement tout A fait inad6-
quats. Tout d’abord, certains d’entre eux ont 6t6 abrog6s implicitement
par des dispositions de la Loi sur la marine marchande ou de la
Loi sur les transports 7 qui traitent du meme sujet; d’autres doivent
7′ 22 Geo. 5, 191, c. 4.
72 La jurisprudence ne nous aide nullement La Cour Supreme a statu6 sur une
‘art. 2383 C.c.; mais nous ignorons s’il s’agit de bitiments
action bas6e sur
immatriculs ou non et le problhme de la loi compdtente- n’a 6t6 soulev6 A aucun
moment: St-Lawrence Metal and Marine Works Inc. v. Canadian Fairbanks-
Morse Co., [1956] S.C.R. 717.
73 S.R.C. 1952, c. 271.
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[Vol. 14
8tre pris en consid6ration en m6me temps que la r6glementation
portant sur l’affrktement. A titre d’exemple, nous pouvons citer
l’art. 2392 du Code civil, envisageant la co-propri6t6 du navire telle
qu’elle 6tait connue de Colbert et du droit frangais, (c’est-A-dire
navire divis6 en 24 parts ou quirats dont les titulaires sont co-pro-
pri6taires selon certaines r6gles essentiellement frangaises), alors
que l’art. 10 L.m.m. envisage la co-propri~t6 telle qu’elle est connue
du droit anglais, c’est-h-dire une division du navire en 64 parts
dont les titulaires peuvent 6tre soumis A une r~glementation diff~rente
selon qu’ils sont des joint-owners ou des co-owners, la co-propri6t6
des premiers se rattachant A la notion de joint-tenancy, celle des
seconds se rattachant A la notion de tenancy in common, autant de
notions qu’il serait bien difficile de trouver en droit frangais! L’art.
2396 sur 1’engagement de l’6quipage est totalement supplant4 par les
art. 146 et seq. L.m.m.; I’art. 2398 renvoie aux r6gles de l’affr~tement,
etc. Nous pourrions analyser ce chapitre article par article et trouver
pour chacun un texte qui le supplante. Seuls, nous semble-t-il, les
batiments non
les < pourraient b6n6ficier de ces dispositions datant de l’6poque de la
marine A voile. Plus int6ressant cependant nous apparailt 6tre le
problme pos6 par le Titre III du Code civil et r6glant l’affr~tement.
immatricul6s, c’est-A-dire
B) Dispositions relatives au transport maritime.
Nous avons d6jA mentionn6 l’6volution des donn6es 6conomiques
et politiques du domaine du transport. Il convient, maintenant, de
rappeler qu’A l’6poque de la codification, le v6ritable et le seul affr6-
tement consistait A louer un navire et les services d’un capitaine et
d’un 6quipage, conform6ment A certains usages confirm6s par 6crit
dans la charte-partie.74 Ce contrat relevant de la volont6 des parties,
les dispositions du Code civil n’6taient que suppl6tives. Le connaisse-
ment, certes, 6tait connu, mais il n’avait pas le r6le qu’on lui reconnalt
aujourd’hui; il 6tait un simple requ d6livr6 A l’exp6diteur de la
marchandise par le maitre du navire qui attestait ainsi qu’il avait
effectivement pris la marchandise en charge.
Alors que, jadis, le chargeur jouait souvent, par l’affr~tement, le
r6le de transporteur –
lorsque l’armateur, fournissant le navire et
le mat6riel humain –
confiait 6galement la gestion nautique A l’affr&
teur –
ce chargeur allait bient6t ne plus jouer un r~le aussi actif
dans le transport et. confier sa marchandise A l’armateur qui devien-
74 C’est ainsi que
‘on er6a des chartes-parties-types, class6es en deux grandes
time-charter et la charte-
cat6gories connues dans tous les pays maritimes: la
partie au voyage3,.
No. 1]
LGISLATION MARITIME CANADIENNE
dra un v6ritable transporteur. Cela est d’autant plus ais6 A com-
prendre que le commerce est en plein dveloppement et que le nombre
des chargeurs s’accrolt; ces derniers n’ont plus n~cessairement besoin
d’un navire entier pour exp6dier leurs marchandises. A l’id6e de
location de navire, va se substituer l’idde de sollicitation d’un espace
dans le navire; A l’idde d’obligation de conduire tel navire 4 tel port,
va se substituer l’ide d’obligation de transporter et de livrer telle
marchandise A telle personne.
Les relations entre l’armateur et le chargeur vont done se trans-
former litt~ralement et cette transformation se concrdtisera par
le d~clin de l’usage de la charte-partie et le ddpart d’une nouvelle
forme de transport, connue sous le nom de >, le connaissement 6tant non seulement un regu certifiant que
le transporteur a pris en charge la marchandise, mais constituant,
en outre, la preuve du contrat de transport, le titre repr6sentant la
marchandise et un instrument n6gociable. Par cons6quent, nous
sommes en pr6sence d’un changement radical dans le domaine du
transport maritime et les chargeurs moins arm6s qu’ils ne l’6taient
lorsqu’ils <> un navire –
car ils ne sont plus n~cessaire-
ment de <> –
vont se voir 6crasds par les
exigences des transporteurs qui ins~rent dans les connaissements
des clauses par lesquelles ils ddgagent leur responsabilit6 dans tous
les cas. C’est A cette place que se situe le conflit entre pays de
chargeurs et pays d’armateurs, qui devait se terminer par l’adoption
des R~gles de La Haye, ldgislation imp6rative au Canada et s’appli-
quant uniquement au transport sous connaissement.
Ces indications suffisent, nous semble-t-il, pour comprendre que
l’affr~tement tel que congu par le lgislateur de 1866 ne correspond
plus du tout A la r6alit6. Certes, les dispositions suppl6tives concernant
la charte-partie demeurent, mais elles sont si universelles qu’elles
n’apportent rien, les parties r~glant, en principe, les litiges pr6visibles
par des clauses ins6r~es dans la charte-partie. 75 Mais qu’en est-il du
75 Cela ne signifie pas que ce sujet ne soit pas source de litiges. Pour s’en
convaincre, il suffit de se r~f~rer h: Mannix Limited v. N. M. Paterson & Sons
Limited, [1965] 2 Ex. C.R. 107 (affaire dans laquelle Smith, D.J.A., d6clare les
art. 2424 et 2427 C.c. applicables ainsi que la jurisprudence qu~b~coise, mais
s’appuie sur la doctrine et la jurisprudence anglaises), ainsi qu’h National Gyp-
sum Company v. Northern Sales Limited, [1964] S.C.R. 144 (affaire dans laquelle
une clause d’arbitrage ins~r~e dans la charte-partie est d6clar6e nulle par appli-
cation de la lgislation qu~b~coise, dans un jugement d4livr6 par Fauteux, J.,
(Taschereau, C.J., et Abbott, J., concurrents), alors que MM. les juges Cart-
wright et Ritchie, dissidents, la ddclarent valide par application de la lgislation
anglaise).
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[VCol. 14
transport de marchandises sous connaissement, mode de transport
le plus utilis6 aujourd’hui?
Nous savons que-ce mode de transport est soumis depuis 1936,
sur le plan interne, A la Loi sur le transport des marchandises par
eau 76 qui reproduit les R~gles de La Haye et que, sur le plan inter-
national, le Canada n’a pas ratifi6 la Convention de Bruxelles.
Plusieurs probl~mes se posent et le plus important nous semble atre
celui du domane d’application de cette Loi.
Rappelons, tout d’abord, afin d’6viter toute confusion, que cette
loi est compos6e de sept articles num6rot~s en chiffres arabes et
d’une annexe intitul6e <<R~gles sur les connaissements>>, compos~e
de neuf articles num6rot6s en chiffres romains; c’est cette annexe
qui reproduit les R~gles de La Haye.
Un premier probl~me est pos6 par l’art. 2 qui est ainsi r~dig6:
Sons rdserve des dispositions de la prdsente loi, les rbgles sur les connaisse-
ments contenues dans l’annexe … seront ex6cutoires relativement et quant
au transport de marchandises par eau dans des navires voiturant des mar-
chandises de quelque port du Canada A tout autre port, soit h l’int~rieur,
soit en dehors du Canada.
En d’autres termes, cette loi ne s’applique pas au transport de
marchandises par eau, dont le point de d6part est situ6 en dehors
du Canada. C’est un point sur lequel les R~gles de La Haye different
de la Convention de Bruxelles, puisque, selon Particle 10 de cette
Convention, les dispositions de celle-ci s’appliquent <>; c’est ,6galement un point
qui est une incontestable source de conflits que l’on connait bien
en Angleterre, les textes anglais et canadiens 6tant les m6mes, et
que l’on ignore aux Etats-Unis ott la loi nationale, d6clar6e d’ordre
public, est applicable A tous les transports au d6part ou A destination
d’un port national. 77
Ainsi, lors d’un transport dont le point de d6part est situ6 en
dehors du Canada et dont le point d’arriv6e est un port du Canada,
quelle loi va-t-on appliquer? II est 6vident que la loi canadienne de
1936 ne s’appliquera pas, compte tenu de l’art. 2; Ia Convention de
Bruxelles ne sera pas davantage applicable, puisque le Canada n’a
pas ratifi6 cette Convention. Le tribunal saisi du litige devra donc
se demander quelle est la loi applicable et aura A r6soudre un problame
76 S.R.C. 1952, c. 291.
77-Le texte du pr6ambule du Carriage of Goods by Sea Act des Etats-Unis,
Apr. 16, 1936, c. 229, 49 Stat..1207, 46 U.S.C. 1300, se lit comme suit: c Every
bill of lading or similar document of title -which is evidence of a contract for
the carriage of goods by sea to or fromn ports of the United States, in foreign
trade, shall have effect subject to the provisions of this chapter. 2
No. 1]
L.GISLATION_ MARITIME CANADIENNE
de droit international priv6. Normalement, il fera appel A la loi
d’autonomie des parties, c’est-h-dire la loi qui a
t6 choisie par les
parties. Si cette derni~re n’apparaIt pas clairement dans le contrat,
en l’esp~ce le connaissement, il devra celui-ci, compte
tenu de l’intention des parties, qui se d6gage des clauses et stipula-
tions du connaissement: 78 ainsi pourra-t-il h6siter entre la loi du
lieu de formation du contrat ou la loi du port de destination, ou,
6ventuellement la loi du tribunal saisi 7 9
Cela nous amine A poser la question suivante: les dispositions
du Code civil qu6becois seront-elles applicables en certaines hypo-
theses, celle pr6cis6ment 6voqu6e ci-dessus?
Prenons l’hypoth~se d’un transport Le Havre/Quebec:
la loi
applicable sera la loi d’autonomie du contrat. Les parties auront
donc pu prdvoir que les r~gles applicables seront celles 6dict6es en
cette mati~re par le Code civil qu6b6cois et, dans ces conditions, les
parties au contrat seront effectivement soumises aux art. 2407 A
2460 C.c.: nous doutons, cependant, de trouver de tels >
qui se soumettraient d6lib6r~ment A une r6glementation valable A
l’6poque de la marine A voile, mais qui n’a aucun bon sens en 1968.
En l’absence de toute indication directe ou indirecte de la volonte
des parties, le juge devra s’arrter A telle ou telle loi, la lex loci
contractus, la loi du lieu d’ex6cution, la loi du pavillon ou la lex fori,
suivant ce que l’on a appel6 la que les parties ont
entendu donner A leur contrat. C’est 1A que reside le veritable conflit
de lois, que l’on parvient toujours A r~soudre, mais souvent avec
des arguments sp6cieux: on peut, en effet, remarquer que le tribunal
saisi parvient fr6quemment A le contrat dans son propre
pays, ce qui lui permet d’appliquer sa propre loi! Dans de telles
conditions, pourquoi ne pourrait-on pas admettre que les parties
ont entendu localiser leur contrat au port de destination, c’est-h-dire
Qu6bec, et, par cons6quent, appliquer les dispositions cent&naires
de notre code?
A ce sujet, quelques autres observations s’imposent:
D’abord, dans
transport New-
York/Montr6al,
les parties pourraient convenir que leur contrat
sera soumis A la loi des Etats-Unis de 1936; si, A la suite de
l’hypoth~se
semblable d’un
78 Art. 8 C.c.
7 General Accident Fire and Life Assurance Corporation v. Paterson Steam-
ships Limited, [1950]; R.L. 515 (C.S. 1943), confirm6 par la Cour d’Appel le 28
novembre 1948, no. 2481. Dans cette affaire, on s’en tint aux clauses du connais-
sement; aucune loi ne fut invoqude, reais, en revanche, on fit appel aux- auteurs
anglais et i la jurisprudence amdricaine.
McGILL LAW JOURNAL
[Vol. 14
dommages A la marchandise transport6e, une action 6tait intentde
devant un tribunal canadien, ce tribunal aurait, A notre avis, l’obliga-
il pourrait difficilement
tion de se r6fdrer A la loi am~ricaine:
pr~tendre que l’ordre public s’y oppose, que ce soit sur le plan f6d~ral
puisque aucune loi f6d6rale ne pr6voit le transport dont le point de
d6part est situ6 en dehors du Canada, ou sur le plan provincial
puisque les dispositions du Code civil sur le transport maritime ne
sont pas imp6ratives. Et pourtant, dans certaines hypotheses, le
tribunal saisi pourra 6ventuellement 6carter la loi d~termin6e par
les parties au profit de la loi du for, sous le pr6texte que la disposition
litigieuse relive d’un domaine r~serv6 A la loi du for, laquelle d6clare
cette clause comme 6tant contraire A l’ordre public.80 Il n’y aurait
pas lieu de soulever un tel problbme si le Canada avait ratifi6 la
Convention de Bruxelles.
Dans l’hypoth~se inverse d’un transport dont le point de d6part
est un port du Canada et le point de destination un port 6tranger,
par exemple Qu~bec/Le Havre, il convient de remarquer ceci: si,
A la suite de dommages, une action est intent6e devant un tribunal
canadien, ledit tribunal appliquera sans difficult6 la loi canadienne;
mais si l’action est intent6e devant un tribunal frangais, celui-ci
n’appliquera la loi canadienne que s’il localise le contrat A Qu6bec.
Dans un tel cas, il n’y aurait, IA encore, aucun probl~me si le Canada
avait ratifi6 la Convention de Bruxelles: la Convention s’appliquerait,
alors.
Enfin, F’art. 4 de la Loi de 193681 pr6cise que:
Chaque connaissement ou titre du mn~me genre ddlivr6 au Canada qui contient
ou prouve quelque contrat auquel s’appliquent les R~gles, doit renfermer
une d~elaration formelle qu’il sera exdcutoire sous rdserve des dispositions
des R1gles, telles qu’appliques par la pr~sente loi.
80 Cf. National Gypsum Company v. Northern Sales Limited, [1964] S.C.R. 144.
II s’agit d’une charte-partie sign~e A New-York, relative it un transport de farine
de New-York A Montrdal et pr~voyant une clause d’arbitrage au cas de litige entre
les parties au contrat. Malgr6 l’existence de cette clause, l’une des parties exerce
une action devant la Cour d’Amiraut6 du district de Quebec, dont l’incomp6tence
est soulev~e par le d6fendeur, compte tenu prdcis~ment de l’existence de cette
clause d’arbitrage. La Cour Supr6me juge qu’une telle clause a pour objet de
faire exdcuter les obligations des parties, et que c’est lh une question de proc6dure.
qui, en l’hypoth~se selon la
La procddure 6tant gouvern~e par la lex fori –
la Cour juge
majorit6 des juges, est la procedure de la Province de Quebec –
que ladite clause est contraire A Fordre public qudb~cois. (Deux juges dissidents
consid~rent que le litige porte sur une question de fond et non de procedure et
qu’en ins~rant une clause d’arbitrage dans ce contrat, l’intention des parties
6tait de soumettre celle-ci h la loi amdricaine qui autorlse une telle clause). Le
mnme problhme se serait pos6 s’il s’6tait agi d’un connaissement et non point d’une
charte-partie.
No. 1]
LEGISLATION MARITIME CANADIENNE
Est-ce-h-dire que si le connaissement ne renferme pas cette d~clara-
tion formelle, le juge canadien ne pourra pas appliquer les R~gles
et devra A nouveau se demander quelle est la loi applicable, quelle
est, par cons6quent, la loi d’autonomie des parties? Cet art. 4 de la
Loi de 1936 est la reproduction de l’art. 3 du Carriage of Goods by
Sea Act, 1924,82 lequel art. 3 n’est pas consider6 comme excluant
la possibilit6 pour le juge anglais de se r6f6rer A l’art. 1 de l’Acte
(correspondant A l’art. 2 de notre loi de 1936) et d’appliquer les
R~gles. Toutefois, l’insertion de cette d6claration dans le connaisse-
ment permettra au juge 6tranger 6ventuellement saisi du litige, de
<1ocaliser>> le contrat en Grande-Bretagne. 3 C’est 6videmment de
tre compris: la r6f6rence
cette m~me fagon que notre art. 4 doit
aux R~gles, inscrite dans le connaissement 6mis dans un port du
Canada, indiquera au tribunal 6tranger devant lequel une action sera
exerc6e, que les parties ont entendu se soumettre A la loi canadienne.
comme son
correspondant l’art. 1 du Carriage of Goods by Sea Act, 1924 anglais
–
est, en soi, une source de difficult6s 84 puisque fatalement son
application soul~vera des probl~mes de droit international priv6,
toujours d6licats A r~soudre et que, d’autre part, les dispositions
du Code civil pourraient 6tre th6oriquement applicables, ce qui n’est
vraiment pas souhaitable, compte tenu de la v6tust6 et de la d6su6tude
de telles r~gles.8 5
Nous voyons done que l’art. 2 de la Loi de 1936 –
Cependant, il y a d’autres cas dans lesquels la loi f6d6rale ne
s’applique pas.
L’article I, paragraphe c des R~gles se d6finit les <>
dont le transport est r6gi par elles, comme > Ainsi la loi
f~d~rale ne s’appliquera ni au transport des animaux vivants, ni
au transport des marchandises en pont6e. Ce sont les stipulations
du contrat qui, par cons6quent, feront ici la loi des parties, ou, A
d6faut, la loi du lieu oil le contrat a
t6 <>. s7
. Tetley, Marine Cargo Claims, (Montrdal, 1965), pp. 2 h 10.
81 1 Ed. VIII, S.C. 1-936, c. 49.
8214 & 15 Geo. 5, 1924, c. 22.
8 3 Scrutton, op. cit., pp. 401 h 403.
84 Sur les difficulths en droit anglais, voir ibid., p. 395.
85
8 8 Annexe de la loi de 1936.
87 Talbot v. Cie de Transport du Bas-St-Laurent, [1949] C.S. 25; C6t6 v. Cie
de Transport du Bas St-Laurent, [1958] C.S. 311. Dans ces deux affaires portant
sur un transport de chevaux, lesdits chevaux eurent un sort identique: le tr6pas,
mais le transporteur eut un sort plus heureux dans un cas que dans l’autre!
McGILL LAW JOURNAL
[Vol. 14,
D’autre part, l’art. 5 de la Loi de 1936 pr6cise que:
en ce qui concerne le transport des marchandises par eau dans des navires
voiturant des marchandises d’un port ou endroit du Canada A quelque autre
port ou endroit du Canada, l’art. VI des R~gles est ex~cutoire comme si
ledit article se rattachait A des marchandises de n’importe quelle cat6gorie,
au lieu de marchandises particuli~res, et comme si la reserve du deuxi~me
paragraphe dudit article 6tait omisHe.5
Le premier paragraphe de l’art. VI des R~gles, dont il s’agit,
est ainsi r6dig6:
Nonobstant les dispositions des articles precedents, il sera loisible A un
voiturier… et A un exp~diteur, A l’6gard de marchandises particulibres
quelconques, de conclure une convention en n’importe quels termes sur la
responsabilit6 de voiturier pour ces marchandises ainsi que sur les droits
et immunitAs du voiturier h l’6gard de. ces marchandises, ou sur son obliga-
tion quant h la navigabilit6 du bitiment, dans la mesure oit cette stipulation
ne ddroge pas A l’itrrt
public, ou sur le soin ou la diligence de ses servi-
teurs ou agents pour le chargement, la manutention, l’arrimage, le transport,
la garde, le soin et le d~chargement des marchandises voitur6es par eau,
pourvu que, dans ce cas, nul connaissement n’ait t6 ou ne doive 6tre d6livr6
et que les termes convenus soient incorpor~s dans un regu qui constituera
un document non n~gociable et sera marqu6 comme tel.
Nous ne pouvons rsister A l’envie de faire observer la lourdeur,
la complexit6, l’ambiguit6 d’une telle disposition dont le m6rite le
plus sftir n’est certainement pas la clart6. Quoi qu’il en soit, il faut
comprendre que dans le cadre d’un transport de cabotage, la loi
f~d6rale peut 6tre 6cart6e si les parties conviennent d’un transport
dont les conditions seraient inscrites dans un regu qui n’aurait
nullement le r6le du connaissement tel que nous le connaissons
aujourd’hui. Ce serait un simple rc~piss6 qui constituerait la preuve
du contrat et en contiendrait les clauses, lesquelles seraient ]a loi
des parties; A d6faut de stipulations permettant de r6gler un litige
6ventuel, une nouvelle fois, le juge serait amen6 A clocaliser>> le
contrat.
Enfin, certains pourraient 6tre tent6s de pr6tendre que la loi
f6d~rale ne s’applique pas aux transports qui s’effectuent A l’int6rieur
de la Province; nous avons dejA not6 que les tribunaux, afin d’6viter
les empi~tements du pouvoir f6d6ral dans les domaines assign6s auk
provinces, ont d6cid6 de qualifier -de < trade and commerce > de
juridiction f6d6rale, toute op6ration 6conomique internationale et
interprovinciale, et de <> de juridiction
provinciale,
cette
derniere operation pourrait comprendre, selon certains, le cas du
transport maritime effectu6 d’un port de la province A un autre port
toute op6ration 6conomique
intraprovinciale;
88Le texte de Particle reproduit ci-dessus est celui du S.R.C. 1952, c. 291, qui
modifie en de petits ddtails le texte original du 1 Ed. VIII, S.C. 1936, c. 49.
No. 1]
LEGISLATION MARITIME CANADIENNE
de la province, transport qui serait ainsi soumis aux dispositions
du Code civil. Soutenir un tel point de vue serait oublier que le Parle-
ment f~d6ral a dissoci6 le transport maritime du <> pour l’annexer A la rubrique <>;
il est incontestable que <> forme un tout
dont on ne peut gu~re d~crocher le transport intraprovincial et
que le mot <> englobe aussi bien les navires que l’embar-
quement de marchandises et le commerce maritime. Comment
pourrait-on, alors, pr~tendre que le transport maritime serait du
> et non point du
I1 nous paralt 6vident que le commerce maritime, m~me s’il est
intraprovincial, relive de la rubrique <>,
soumis, par cons6quent, A la 16gislation f6d6rale; on comprendrait
mal pourquoi le Parlement se serait ainsi exprim6, s’il n’avait pas
entendu soumettre A sa juridiction tout ce qui concerne la marine
marchande, afin d’6tablir au Canada une l6gislation unifi6e dans
un domaine aussi vital.
Il est un dernier titre du Code civil que nous aborderons mainte-
nant, le titre IV consacr6 au transport des passagers. Comme le
transport de marchandises, le transport de passagers est, pour les
m~mes raisons, r6gi par la loi f6d6rale. Toutefois, ce qui caract6rise
ce sujet, est pr6cis6ment l’absence de 16gislation! L’art. 664 L.m.m.,
dispose, certes, que:
Les transporteurs par eau doivent, aux 6poques, de la mani6re et aux
conditions dont Us ont respectivement donn6 avis public, recevoir et trans-
89La Cour Suprame fut amen6e incidemment A 6voquer la question dans l’opi-
nion qui lui fut demandEe au sujet de: Validity of Industrial Relations and
Disputes Investigation Act (Can.), and Applicability in Respect of Certain Emn-
ployees of Eastern Canada Stevedoring Co. Ltd., [1955] 3 D.L.R. 721, [1955]
S.C.R. 529.
Les avis des juges sont partag6s: M. le juge Abbott exclut nettement de la
juridiction f~d~rale le <>
restreint l’exercice des droits civils, se borne b ajouter que > (p. 736);
is not always of federal concern>>, est admettre
[pr6tendre que inland shipping …
que c’est parfois de comp6tence f6d6rale!]; au contraire, M. le juge Kellock est
includes loading and discharge of
cat~gorique:
all shipping whether engaged in local or interprovincial or international waters>>
(p. 753); M. le juge Cartwright est aussi cat6gorique: operation of ships and the performance of such acts as are essential parts of
‘transportation by ship’ fall within the words ‘navigation and shipping’ in s.91 (10)
and so within the jurisdiction of Parliament even in the case of a purely intra-
provincial line of ships.D (p. 772).
r’navigation and shipping’ …
McGILL LAW JOURNAL
[Vol. 14
porter, conform~ment At cet avis, toutes les personnes qui demandent un
passage… h moins que…
il n’existe un motif raisonnable et suffisant
de ne pas le faire.
VoilA un texte qui nous parait quelque peu bref –
bien que nous
pour 6tablir le r6gime juridique du
appr6cions fort la concision –
transporteur maritime de passagers. Ainsi, quelle loi doit-on appliquer,
lorsque le pouvoir f6d6ral qui seul avait comp6tence, n’a pas l6gif6r6?
C’est ce m~me probl~me auquel nous avons fait allusion lorsque
nous avons envisag6 la question des privileges maritimes.
Nous n’avons pas la pr6tention de rdsoudre de fagon d6finitive
de telles difficultds; d’6minentes personnalit6s, d’une competence
incontest6e, ont tent6 d’apporter une solution, mais la discorde r~gne.
Selon Lefroy, on doit appliquer le droit provincial A titre suppl6-
tif, lorsque le Parlement du Canada n’a pas lgif6r6 dans des mati6res
qui rel~vent de sa comp6tence; 9 selon Laskin, c’est la common law
anglaise qui doit 6tre appliqu6e A titre suppl6tifY1 II ne nous appar-
tient pas d’exposer et de discuter les theses oppos6es de ces savants
auteurs, ce qui n’entrerait pas dans le cadre de cette 6tude – mais
nous devons avouer qu’aucun des arguments avanc6s par l’un ou
par l’autre ne nous convainc pleinement. Sans oser prendre parti,
il nous semble que la solution la plus logique, mais non la plus satis-
faisante par ses rdsultats, consisterait A pr~tendre qu’A d6faut de
l6gislation f6d6rale, devrait 6tre appliqude la loi qui 6tait en vigueur
avant l’Acte de l’Am6rique Britannique du Nord,92 c’est-A-dire les
dispositions du Code civil de 1866 lorsque les int6rcts en jeu seraient
qu~b6cois, la loi des provinces anglaises lorsque seraient en jeu les
int6rcts canadiens-anglais, et la loi de conflit dans l’hypoth~se d’int6-
rats mixtes. Cela signifie que th6oriquement la Cour d’Amiraut6
pourrait 6tre 6ventuellement amen6e, dans le domaine des privileges,
A appliquer les art. 2383 et seq. du Code civil, dans nos premiere
‘art. 2388 C.c., ddictant que les
et troisi~me hypotheses; mais
dispositions contenues dans ce chapitre ne s’appliquent pas aux
causes en cour de Vice-Amiraut6 et que les causes devant ce tribunal
sont jug~es suivant les lois civiles et maritimes d’Angleterre, la Cour
devrait se tourner vers la loi anglaise. Ainsi vont les choses:
simpliciter! En revanche, s’agissant de transport de passagers, les
art. 2461 et seq. C.c., s’appliqueraient, mais le moins que l’on puisse
dire est que la l6gislation provinciale en ce domaine n’est pas tr~s
riche (art. 1673, 1676) et que les passagers m6ritent mieux!
90 A. H. F. Lefroy, Canada’s Federal System, (Toronto, 1913), p. 127, note 7.
91 Bora Laskin, Canadian Constitutional Law, 3rd ed., (Toronto, 1966), p. 817.
Voir aussi Sir Owen Dixon, The Common Law as an Ultimate Constitutional
Foundation, (1957-58), 31 Aust. L.J. 240.
92 30 & 31 Vict., 1867, c. 3.
No. 1]1
LPGISLATION MARITIME CANADIENNE
Cet apergu suffit A d6montrer, nous en sommes sfir, la confusion,
1’6quivoque, l’incertitude dans lesquelles nous nous mouvons doulou-
l’incompr6hensive carence des 16gislateurs
reusement, mais aussi
tant f6d6ral que provincial qui font de l’inactivit6 ou de l’immobilisme
leur r~gle d’or.
Malheureusement, il ne peut y avoir ici un terme i cette d6sola-
tion; ce n’est pas seulement la loi comp6tente qui nous cr6e des
soucis, c’est aussi la juridiction comp6tente.
2. La juridiction compitente.
Le bref rappel historique 6voqu6 pr6c6demment devrait nous
aider A comprendre le problme que nous voulons poser
3
Nous savons que, quarante ans apr~s l’6tablissement de la Cour
le Statut de Westminster 94 permettait au
d’Amiraut6 coloniale,
Parlement f~d6ral d’6tablir une Cour d’Amiraut6 proprement cana-
dienne: c’est ce qu’il fit en 1934. 5 H61as, le 16gislateur canadien
eut peu d’imagination ou si peur d’en avoir trop qu’il se borna –
pourrait-on pr6tendre – A remplacer dans un texte anglais les mots
<> et <> par d’autres sonnant plus
jeunes: <> et <>, et encore sommes-
nous au-dessous de la v6rit6!
En vertu de l’art. 3 (1), la Cour de l’Echiquier du Canada continue
d’etre Cour d’Amiraut6 (mais elle n’est plus Cour coloniale) et poss~de
<>.
L’art. 18, avec ses 7 paragraphes et son annexe, precise la juri-
diction de cette Cour: il ne s’agit pas 1A d’un module de texte 16gislatif.
I1 nous suffira de noter que la juridiction de la Cour d’Amiraut6
du Canada est semblable A <>. 96
Cependant, il convient de se rappeler que, jadis, la juridiction
maritime de la Haute Cour n’6tait d6finie nulle part, de telle sorte
que Cours de common law et juridiction d’Amiraut6 s’4puisaient
A livrer bataille sur le problme de leur comp6tence respective. I1
fallut attendre l’ann6e 1925 et The Supreme Court of Judicature
93 Sur Phistorique de la Cour d’Amiraut6, cf. Perrault, op. cit., t. 2, pp. 570 et
seq., et W. Morin, Juridiction maritime de nos tribunaux, (1943), R. du B. (en
quatre parties) 3, 53, 103, 178.
94 22 Geo. 5, 1931, c. 4.
05 24-25 Geo. V, S.C. 1934, c. 31, aujourd’hui S.R.C. 1952, c. 1.
DO Art. 18(1).
McGILL LAW JOURNAL
[Vol. 14
(Consolidation) Act, 1925 97 pour que cesse cette instabilit6 et cette
ins~curit6 et pour que soit d6finie de fagon dfinitive ]a juridiction
d’Amiraut6 de la Haute Cour. C’est pourquoi le lgislateur f6d6ral
6dicta dans son art. 18 (2) que l’article 22 du Supreme Court of
Judicature (Consolidation) Act, 1925, 6tait applicable par la Cour
d’Amiraut6 du Canada, <.mutatis mutandis, comme si ledit article t6 r66dict6 par la pr~sente loi>), et qu’il inscrivit
de cet Act avait
le contenu de cet art. 22 en annexe de la loi canadienne. On constate,
A la lecture de ce texte, que la comp6tence de ]a Cour d’Amiraut6
couvre presque tous les cas de litiges maritimes.98
NManmoins, il nous semble qu’une question m6rite d’6tre posse,
bien qu’une r~ponse lui ffit donn6e depuis longtemps par la force des
choses: la Cour d’Amiraut6 est-elle seule comp6tente, ou bien les
tri’bunaux de droit commun partagent-ils cette competence? En
d’autres termes, la comp6tence de la Cour d’Amiraut6 est-elle exclusive
ou non?
Dans l’ouvrage d’A. Perrault, nous lisons ceci: 9
Aux termes de cette loi f~drale (]a Loi sur l’Amiraut 00) et de l’art. 2388
les
C.c., (dernier article du Chapitre IV traitant des privilfges maritimes),
causes vues en Cour d’amiraut6 ne sont pas soumises aux dispositions du
Code civil, mais aux lois civiles et maritimes d’Angleterre et aux lois fddd-
rales canadiennes. Par contre, les litiges d’ordre maritime, soumis aux
tribunaux de la province de Quebec, doivent 6tre ddcid~s d’aprbs les lois
fdddrales, les dispositions du Code civil et autres lois statutaires qudbecoises.
Je crois qu’il y a, a ce sujet, juridiction concurrente entre la Cour do
1Echiquier sifgeant en amiraute et nos tribunaux civils.
Ailleurs, le mgme auteur nous dit: 1 0
Nous avons prdsentement une Cour coloniale d’amiraut6. En autant quo ]a
province de Quebec est concernde, il y a juridiction concurrente entre nos
tribunaux de juridiction civile et cette Cour coloniale d’amiraud.
Pour le moment, nous ferons seulement deux observations: F’art.
2388 C.c. ne concerne que le chapitre consacr6 aux privilfges et,
par cons6quent, est circonscrit, dans l’esprit des codificateurs, ‘ ce
chapitre; d’autre part, la Cour de l’Echiquier du Canada, en sa
juridiction d’Amiraut6 n’est plus aujourd’hui une Cour coloniale.
7 15 & 16 Geo. 5, 1925, c. 49.
9sSavoy Shipping Limited v. Quebec Hydro-Electric Commission, [1959] Ex.
C.R. 292, [1959] R.L. 270; Iwai & Co. V. The Panaghia, [1960] Ex. C.R. 499;
Anglo-Canadian Timber Products Ltd. V. Gulf of Georgia Towing Co., (1965),
50 W.W.R. 122 (Exch.). Cf. dgalement sur incomp6tence de la Cour d’AmirautM,
Toronto Harbour Commissioners V. The Robert C. Norton, [1964] Ex. C.R. 498,
et Turcot v. Bouchard, [1942] C.S. 164.
99 Op. cit., t. 2, p. 575.
100 S.R.C. 1912, c. 1.
10’ Op. cit., t. 2, p. 292.
No. 1]
LEtGISLATION MARITIME CANADIENNE
M. W. Morin, dans son long article d6j h cit6, pr6tend 6galement
que la Cour d’Amiraut6 n’a pas de juridiction exclusive, sauf rares
exceptions, qu’il relive dans la Loi sur la marine marchande:
Les dispositions de notre Loi d’amiraut6 ne sont nulle part aussi exclusives
eu 6gard h la juridiction de la Cour d’Amirautk que le sont au mgme 6gard
certaines dispositions de notre Loi de la marine marchande du Canada,
1934.102
Le seul argument de l’auteur est le suivant: pour d6finir la juridiction
de la Cour d’Amiraut6, il faut tenir compte de la Loi sur l’Amirautg
et de la Loi sur la marine marchande.10 3 Cette derni~re, en effet,
dans certains de ses articles, pr6cise que, dans telle ou telle hypothbse,
la Cour d’Amiraut6 a le pouvoir de prendre telle ou telle mesure;
I’auteur voit, IA, ce qu’il appelle <>
accord6e A la Cour d’Amiraut6 et conclut qu’en dehors de ces cas
pr6vus par la Loi sur la marine marchande (les art. 41, 43, 89 para.
4, 91, 210, 457, 464, 535, 536, 569 para. 3, 573, 582, 583, 650 para. 1,
685, 702 L.m.m. 1934),1-04 la Cour d’Amiraut6 n’aurait pas une comp6-
tence exclusive.0 5
Cette argumentation ne nous parait pas convaincante. Lorsque le
Parlement f6d6ral adopta en 1934 la Loi sur la marine marchande,
et, par cons6quent, les articles cites, il n’entendait pas r6gler les
probl~mes de juridiction qu’il avait pr6tendu r6soudre dans la Loi
sur l’Amirautg quelques jours plus tat. (La Loi sur l’Amiraut6 fut,
en effet, sanctionn~e le 28 juin 1934, alors que la Loi sur la marine
marchande le fut le 3 juillet 1934). I1 se bornait A copier le Merchant
Shipping Act et A lui apposer le sceau du Canada: tous les articles
cit6s se retrouvent dans le statut imp6rial de 1854 106 ou de 1894 ; 107
or, on peut comprendre que le Merchant Shipping Act ait eu
le soin de confier A la juridiction d’Amiraut6 certaines mati~res, A
une 6poque otL les Cours de common law et la Haute Cour de justice
si6geant en Amiraut6 se disputaient leur comp6tence respective.
D’ailleurs, il est remarquable que l’art. 22 du Supreme Court of
Judicature (Consolidation) Act, 1925108 reprend la plupart des sujets
envisages dans les articles cites de la Loi sur la marine marchande
et que l’on rencontre mgme une divergence entre l’un de ces textes
de la Loi sur la marine marchande et l’une des dispositions de cet
102 Loc. cit., p. 106.
103 S.C.R. 1952, c. 29.
104 24-25 Geo. V, S.C. 1934, c. 44.
105 I1 s’agit des art. 42, 44, 91, 93, 214, 462, 469, 542, 543, 576 para. 3, 580,
589, 590, 658, 693, 710 L.m.m., dont on trouve le texte dans les S.R.C. 1952, c. 29.
106 17 & 18 Vict., 1854, c. 104.
107 57 & 58 Vict., 1894, c. 60.
10815 & 16 Geo. 5, 1925, c. 49.
McGILL LAW JOURNAL
[Vol. 14
art. 22.: l’art. 210 L.m.m. 1934 (art. 214 L.m.m. –
S.R.C. 1952)
affirme que la Cour d’Amiraut6 n’a pas juridiction pour entendre
ou juger une action intent6e par un navire en recouvrement de gages
n’exc~dant pas $250.00, alors que l’art. 22, para. 1, sous-para. a –
viii
de l’Acte 1925 lui donne comp6tence pour toute r6clamation de gages
par un marin, quel qu’en soit le montant. M. W. Morin, soulignant
cette anomalie, estime que la Loi sur l’Amiraut6 devrait pr6valoir
sur le texte de la Loi sur la marine marchande;19 n’y a-t-il pas ]h
contradiction avec l’ide pr&c demment exprim~e par l’auteur, selon
laquelle la comp6tence de la Cour d’Amiraut6 serait exclusive seule-
ment dans les hypotheses pr6vues par la Loi sur la marine marchande?
D’autre part, ce fameux article 22 du Supreme Court of Judicature
(Consolidation) Act, 1925 n’avait-il pas pour but de fixer d6finitive-
ment la comp6tence de la Haute Cour en sa juridiction d’Amiraut6
et d’6viter ainsi les empi~tements continus des Cours de common
law? Si donc l’on s’en r6f~re A ce que l’on devrait consid6rer comme
dtant
‘esprit de cet art. 22, on pourrait croire que le lgislateur
anglais d6sirait emp6cher toute concurrence juridictionnelle et clore
le probl~me; il aurait dfi en 8tre 6galement ainsi pour le Canada,
tout au moins tant que la Cour d’Amiraut6 du Canada ffit une Cour
coloniale, c’est-h-dire de 1925 A 1934. Une telle ide est r6ellement
trop simple; en Angleterre, aujourd’hui, de nombreux litiges mar-
times sont soumis A des juridictions autres que la Haute Cour de
Justice, bien que cette derni6re se soit vu attribuer par le Supreme
Court of Judicature (Consolidation) Act, 1925 et le Administration
of Justice Act, 1956,110 un champ d’application extr~mement vaste.
Certaines actions importantes, certes, doivent 6tre obligatoirement
port~es devant la juridiction d’Amiraut6 –
telles, par exemple, les
actions relatives A ]a limitation de responsabilit6 des propri6taires
de navires, mais, nous disent McGuffie, Fugeman et Gray:
It should be noted… that although all the kinds of action mentioned in
the section may be brought in Admiralty, most of them need not be so
assigned and may be assigned to the Queen Bench’s Division unless it is
desired to take advantage of the procedure in rem, which is only available
in Admiralty.”‘
C’est ainsi qu’au cas de litiges portant sur chartes-parties ou connais-
sements, les parties vont saisir le Queen’s Bench Division si6geant
en tant que <>.112 La complexit6 des pratiques
10o Loc. cit., p. 109.
110 4 & 5 Eliz. 2, 1956, c. 46.
“‘Kenneth C. McGuffie, P. A. Fugeman and P. V. Gray, Admiralty Practice,
(London, 1964), pp. 6-7.
112 Scrutton, op. cit., p. 434 et pp. 441 A 447.
No. 1]
LIGISLATION MARITIME CANADIENNE
inscrite dans l’art. 18 (1) de la Loi sur ‘Amiraut –
anglaises ne doit pas nous inciter A 6pouser celles-ci, et la r~f~rence
A, la juri-
–
diction possde par la Haute Cour de Justice en Angleterre, exerc~e
par elle <>, ne peut
pas constituer un argument tendant A prouver que tout doit se
passer comme en Angleterre et que notre Cour d’Amiraut6 n’a pas
une juridiction exclusive, puisque l’organisation de nos tribunaux
au Canada diff~re pleinement de celle des tribunaux anglais.
Nous aurions done tendance A croire et surtout A souhaiter que
notre Loi sur l’Amirautg, ayant cr66 une Cour d’Amiraut6, par
cons6quent une cour sp6ciale, organis6e de fagon sp~ciale, constitute
de juges sp6cialis6s –
c’est-h-dire connaissant parfaitement les choses
de la mer et le milieu maritime –
ayant A juger selon un droit
particulariste, notre Loi sur l’Amiraut ait voulu soustraire
le
> A la juridiction des tribunaux de droit
commun et l’attribuer exclusivement A une Cour d’exception.
Nous aurions mauvaise grace A soutenir et affirmer de fagon
intempestive ce point de vue, car ce serait pr~tendre que nos juges
errent depuis 33 ans! I1 suffit, en effet, de parcourir les recueils
de jurisprudence depuis le ler mars 1935, date de la mise en vigueur
de la Loi sur l’Amiraut, pour constater que jamais une Cour de la
Province de Quebec ne s’est d~clar~e incomptente sur la base des
art. 18 et seq. de la dite loi.” 3 Nous ajouterons, cependant, que c’est
cet 6tat de fait qui nous trouble le plus et nous incite i une grande
prudence dans notre rsolution de ne pas prendre pour v~rit6 ce que
nous souhaitons qu’elle soit; car seul, l’art. 31 C.p.c., nous paraft
6tre un argument valable.
La Cour Sup~rieure est le tribunal de droit commun; elle connait en premire
instance de toute demande qu’une disposition formelle de la loi n’a pas
attribu6 exclusivement h un autre tribunal.
La Loi sur la Cour de I’EchiquierlH pr6cise dans ses art. 17 et seq.
les mati~res au sujet desquelles elle a une <>
et celles au sujet desquelles elle a une <>, de
telle sorte que l’on peut, tout au moins a priori, r6pondre rapidement
A la question portant sur un 6ventuel conflit de juridiction. La Loi
sur i’Amiraut6 a eu moins de chance: l’art. 3 (1) dispose seulement
113 V.g. Turcot v. Bouchard, [1942] C.S. 164. La Cour rejette une exception
d~clinatoire dans laquelle la ddfenderesse pr6tend que la connaissance de la r&cla-
mation du demandeur appartient h la seule Cour d’Amiraut6, mais le juge se
contente d’affirmer que la Cour d’Amiraut6 n’a pas une compdtence exclusive,
sans motivation convaincante.
114 S.R.C. 1952, c. 98.
McGILL LAW JOURNAL
[Vol. 14
que la Cour de l’Echiquier <.
L’art. 18 (1),
Le qualificatif <> peut-il
tre assimil6 au qualificatif
<? Nous n’oserons pas l’affirmer; mais, alors, que signifie
<> et que signifie l’art. 18 (1) et ‘art. 18 (2) ?
rappelons-le, donne A ]a Cour d’Amiraut6 une
comp6tence aussi vaste que celle poss~d~e par la Haute Cour de
Justice, comp6tence qui fut d6finie et, en d6finitive, circonscrite
par
‘art. 22 du Supreme Court of Judicature (Consolidation) Act,
1925; quant A P’art. 18 (2), <>, il renvoie A l’art. 22 dudit Acte
de 1925: on croit r6ver devant un chef-d’oeuvre de haute 6poque ou
l’objet d’art que l’on trouve beau parce qu’on ne le comprend pas.
Les mots du 16gislateur, comme nous le voyons, ayant 6t6 soigneuse-
ment pes6s, nous ne pouvons plus imaginer que << juridiction g6ndrale >>
puisse vouloir dire <>! Aussi, nous en tenant
A ‘art. 31 C.p.c., nous concluerons qu’il n’y a pas dans la Loi sur
l’Amirautg <> qui attribue comp6tence exclu-
sivement A cette Cour et que copier trop servilement le voisin ne
r6soud pas tous les probl&mes.
Quelle conclusion peut-on tirer de ces observations? Les codifica-
teurs de 1866 se trouvaient dans une situation fort embarrassante
et ont su, malgr6 tout, 16gif6rer avec prudence et de mani~re A
6viter, dans la mesure du possible, tout conflit de lois. Leur m6rite
est grand. Le Parlement f~d6ral, d~s qu’il en a eu le pouvoir, a voulu
avec raison faire oeuvre l6gislative; c’est, alors, que nous sommes
justifi6 A critiquer l’attitude adopt6e tant par le 16gislateur f6d6ral
que par le l6gislateur provincial. Le premier s’est born6 A copier
la l~gislation imp6riale. Certes, il est souhaitable qu’existe dans le
monde une certaine uniformit6 en droit maritime, A cause du carac-
t~re essentiellement international que rev~t cette branche du droit,
principalement en mati~re de transport. Cependant, le Canada aurait
pu et aurait dfi am6liorer des textes sans doute valables quant au
fond, mais parfaitement informes et remarquablement d6sordonn6s.
Quant au l6gislateur provincial, il aurait pu, tout au moins, envisager
l’6tude de certains problhmes maritimes, se demander dans quelle
mesure il avait le pouvoir d’agir, et agir en cons6quence plut6t que
de laisser subsister une l6gislation qui, valable & l’6poque de
la
marine A voiles, est tout A fait inad6quate aujourd’hui! I nous
apparait que toutes les questions soulev6es r6v6lent des difficult6s
r~elles qui n’ont pas beaucoup 6mu les tribunaux, ni les auteurs.
No. 1]
L]GISLATION MARITIME CANADIENNE
Si l’on consid~re la jurisprudence qu~b6coise, on est stup6fait de
voir comment les litiges sont parfois r~solus, le probl~me essentiel
de la loi applicable n’6tant pas mgme pos6. Quant A celul de la
juridiction comp6tente, on s’est toujours content6 d’affirmer qu’il
y avait competence concurrente entre Cour d’Amiraut6 et tribunaux
de droit commun, sans s’interroger sur l’utilit6 ou l’inutilit6 de
cette Cour d’exception. Dans un domaine aussi particulier que le
droit maritime, il est bon, selon nous, qu’existe une juridiction spdciale
avec une organisation propre, compos~e de juges particuli~rement
comp6tents; il est, alors, regrettable que les tribunaux de droit
commun puissent accepter de se saisir de litiges pour le r~glement
desquels une juridiction autre est incontestablement plus apte A
decider. Si l’on n’6tait pas persuad6 d’un tel 6tat de chose, il con-
viendrait, alors, de demander la suppression de cette Cour ancienne
et v~n6rable.
I1 est souhaitable que l’Office de R6vision du Code civil fasse
un inventaire des possibilites de la Province, qu’il propose, le cas
6ch6ant, des textes neufs, clairs et pr6cis, et qu’il prenne connaissance
de ce qui se passe dans le monde maritime, mgme si sont de la comp6tence f6d6rale; il serait bon que la
Province de Qu6bec qui –
compte tenu de l’existence d’un port
aussi important que celui de Montr6al –
est la premiere interess~e
A la chose maritime, fasse comprendre au pouvoir f~d6ral qu’il est
temps de , m~me si le Canadian Maritime
Law Association semble se d6sint6resser totalement de problmes
qui devraient 6tre les siens. Lors des conf6rences pr6paratoires d’un
projet de convention internationale sur la responsabilit6 du trans-
porteur maritime A l’6gard des bagages des passagers, un question-
naire fut adress6 aux diff~rents pays maritimes, notamment le
Canada, sur leurs desirata. Le Canadian Maritime Law Association
r6pondit:
1. In Canada there is already a short sharp section imposing and limiting
liability for passenger’s personnal baggage (on cite ici l’art. 666 L.m.m.,
qui ne r~gle pas ddfinitivement le problkme).
2. There is no move to alter this by any interest in Canada.
3. Thus the position of the Canadian Maritime Law Association is its
general one that it favours uniformity. It has in this matter no pressing
reason either for suporting or opposing the proposed convention.
On demeure confondu devant l’indiff~rence d’une association
dont le but essentiel devrait 6tre pr6cis6ment de prendre une part
active dans l’61aboration du droit uniforme de demain. Si donc de
tels organismes ne se soucient pas de ces questions, ce n’est point
le Parlement f~d~ral qui prendra une initiative quelconque. Si l’Office
58
McGILL LAW JOURNAL
[Vol. 14
de R6vision du Code civil ne s’en pr~occupe pas et si le gouverne-
ment provincial ne prend aucune initiative susceptible de troubler
le d6sordre f6d6ral 6tabli, nous continuerons A errer, A nous interroger
et A apporter aux probl6mes des > fabriqu6es au
moyen de textes archaiques qui, s’ils ont contribu6 A la gloire de
Colbert, ne font pas celle du l6gislateur canadien. Il est aussi navrant
de constater que, d’une fagon gdn6rale, les milieux maritimes, qu’ils
soient canadiens, anglais ou m~me am6ricains parfois, sont souvent
r6fractaires A toute 6volution de ce droit, se complaisant dans des
situations ambigu~s et complexes qui font la force de certains
intfrcts privil6gi6s. C’est peut-6tre IA que se trouve la secrte raison
du conservatisme et de l’immobilisme du monde maritime.