Article Volume 59:3

La place réservée à l’avis des peuples Autochtones dans le cadre du processus de prise de décision concernant le plan Nord ou l’exploitation du Nord québécois : perspective juridique interne et internationale

Table of Contents

McGill Law Journal Revue de droit de McGill

LA PLACE RSERVE LAVIS DES PEUPLES

AUTOCHTONES DANS LE CADRE DU PROCESSUS DE

PRISE DE DCISION CONCERNANT LE PLAN NORD OU
LEXPLOITATION DU NORD QUBCOIS : PERSPECTIVE

JURIDIQUE INTERNE ET INTERNATIONALE

Doris Farget et Marie-Pier Fullum-Lavery*

Cet article prsente les normes de droit
interne et international encadrant la prise en
compte de
lavis des peuples autoch-
tones lorsque des dcisions gouvernemen-
tales sont susceptibles davoir un impact sur
leurs vies, leurs territoires ou sur leurs droits.
Larticle met en lumire certaines ambiguts
quant linterprtation de ces normes et pro-
pose des pistes de solution afin dy remdier.

Il tend dmontrer que le rgime de con-
sultation en place au Canada devrait prendre
en compte lavis des peuples autochtones de
manire plus importante. Pour ce faire, les au-
teures mettent en lumire les intrts du droit
au consentement pralable, libre et clair, outil
de conciliation, uvrant lacceptabilit de pro-
jets denvergure et la prise en compte des
peuples autochtones en tant que partenaires de
ceux-ci. Larticle propose galement une inter-
prtation novatrice des normes de droit interna-
tional et rappelle quelles peuvent asseoir
lintgration du droit au consentement en droit
interne.

This article compares domestic and inter-
national standards concerning the importance
attached to taking indigenous peoples views in-
to account when government decisions or poli-
cies have the potential effect of encroaching up-
on their lives, territories, or rights. This article
highlights some of the ambiguities related to
these standards interpretation and emphasizes
possible solutions.

It aims at demonstrating that the Canadi-
an regime of consultation should take into ac-
count indigenous peoples opinions more effi-
ciently. To do so, it underlines the interests of
the right to free, prior, and informed consent as
a tool supporting conciliation, encouraging
large-scale projects acceptability, and enhanc-
ing indigenous peoples status as collaborators.
The article also promotes an innovative inter-
pretation of international standards and serves
as a reminder of their interaction with domestic
law.

* Doris Farget, docteure en droit et charge de cours, Facult de droit, Universit de
Montral. Elle est actuellement stagiaire postdoctorale au Dpartement danthropologie
de lUniversit McGill. Marie-Pier Fullum-Lavery est diplme de la Facult de droit de
lUniversit de Montral. Les deux auteures souhaitent remercier Jean Leclair pour la
lecture dune version antrieure de larticle et les commentaires constructifs quil a for-
mul.

Doris Farget et Marie-Pier Fullum-Lavery 2013

Citation: (2014) 59:3 McGill LJ 595 Rfrence : (2014) 59 : 3 RD McGill 595

596 (2014) 59:3 MCGILL LAW JOURNAL REVUE DE DROIT DE MCGILL

Introduction

I.

II.

La place quivoque des peuples autochtones dans le
processus de prise de dcision li au Plan Nord
A. Le droit commun la consultation : un droit lacunaire
B. Les ambiguts dans la mise en uvre du Plan Nord
1. Le dcalage entre les discours politique et juridique

sur la place des peuples autochtones dans le processus
de prise de dcision

2. Le manque de reprsentativit des parties avec

lesquelles Qubec a ngoci

Lintrt des normes promues par lordre juridique
international et par le systme interamricain
A. La catgorie projet de dveloppement denvergure :
forces et limites dans le contexte de lexploitation du

Nord qubcois

B. Le droit lobtention du CPL : gense dune norme

dintrt dans le cadre de lexploitation du Nord qubcois

1. Signification du droit au CPL
2. Les conditions dapplication du droit au CPL :

des interprtations ambigus

3. Mise en uvre des conditions dapplication dans

le cadre du Plan Nord

C. Une certaine convergence du droit international

quant au rle de ltat

III.

Linteraction entre le droit international et le droit interne

Conclusion

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LA PLACE RSERVE LAVIS DES PEUPLES AUTOCHTONES 597

Introduction

Le 9 mai 2011, le gouvernement libral de Jean Charest dvoilait son
projet politique pour le nord du Qubec : le Plan Nord1. Vaste projet de
dveloppement territorial, il vise mettre en valeur le potentiel
nergtique, minier, forestier et touristique de lespace qui se situe au
nord du 49e parallle. Le gouvernement libral projetait dappliquer le
plan 72 % de la superficie totale de la province, ce qui se traduit alors en
un total de 120 000 personnes affectes, dont 33 000 Autochtones2, pour
un total de 63 villes, villages et communauts. Ce projet dexploitation
denvergure devrait porter sur de nombreuses ressources naturelles,
notamment minrales (comprenant aussi des lments de terres rares)3,
forestires4, hydrauliques et oliennes5.

1 Dans le cadre de cet article, nous conservons le terme Plan Nord, parce que nous avons
fait lanalyse de ce grand projet de dveloppement industriel et conomique sous cette
appellation, telle que propose par le gouvernement Charest dans son dernier mandat.
Suite son accession au pouvoir en septembre 2012, le gouvernement pquiste a re-
nomm ce projet, favorisant lappellation Le Nord pour tous (Gouvernement du Qu-
bec, Le Nord pour tous : un dveloppement durable, responsable et rassembleur , en
ligne : ). Cette nouvelle
qualification nentrane pas de transformations fondamentales sur le plan du contenu
du projet. Par rigueur, nous prfrons toutefois conserver lappellation Plan Nord. Cette
appellation est dautant plus pertinente que le 7 avril 2014, soit quelques jours avant la
parution de cet article, le Parti Libral du Qubec (PLQ) a gagn les lections provin-
ciales et est devenu le nouveau parti majoritaire lAssemble nationale. Par ailleurs, il
est important de mentionner quun nouveau site Internet a t labor pour le projet
Le Nord pour tous . Il remplace le site initial du Plan Nord, rendant ce dernier inac-
cessible et liminant les discours et prises de position qui y taient publis. Nous au-
rons donc recours au nouveau site Internet uniquement lorsquil reprend des lments
identiques ceux publis sur le site du Plan Nord, sachant que malgr la victoire du
PLQ aux lections provinciales du 7 avril 2014, le site internet gouvernemental pro-
mouvant le Plan Nord na pas encore t rhabilit.

2 Ce chiffre est approximatif car aucune statistique fiable nexiste ce sujet. De plus, il ne
prend en compte que les populations des peuples Inuit, Cri, Naskapi et Innu, tel que
lindique le site internet gouvernemental du Secrtariat au dveloppement nordique
(Gouvernement du Qubec, Le portrait du Nord qubcois (2013), en ligne : Dvelop-
pement nordique ). Remarquons quaucune
mention nest faite des peuples Anishnabe et Atikamekw qui revendiquent pourtant
certains territoires au nord du 49e parallle.

3 Gouvernement du Qubec, Le potentiel conomique : Les ressources minrales
(2013), en ligne : Dveloppement nordique .

4 Gouvernement du Qubec, Le potentiel conomique : Les ressources forestires
(2013), en ligne : Dveloppement nordique .

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Dans le cadre dun tel projet, quil soit libell de Plan Nord, Dvelop-
pement nordique ou Le Nord pour tous, le gouvernement du Qubec dit
vouloir assurer un dveloppement conomique respectueux des cosys-
tmes et des populations locales. Le dveloppement du Nord qubcois
peut, en effet, comporter des avantages multiples pour les populations au-
tochtones et plus largement pour les populations locales : rsolution de
problmes sociaux, conomiques et sanitaires; cration de nouveaux lo-
gements; cration demplois et accs la formation; installation
dinfrastructures de sant, dducation et autres; dveloppement cono-
mique; expansion de lentrepreneuriat autochtone ou encore protection du
patrimoine. Le Plan Nord pourrait aussi tre loccasion rve de concrti-
ser une nouvelle relation entre les peuples autochtones et ltat, quil soit
fdral ou provincial, cest–dire une relation base sur la confiance, la
loyaut et le dialogue dgal gal6. Pourtant, dans son tat actuel, ce pro-
jet comporte de nombreuses incertitudes pour les droits des Premires na-
tions dont le territoire est affect7.

Le territoire traditionnel de six Premires nations sur onze enracines
au Qubec concide avec celui du Plan Nord luvre. Il sagit de celui des
Innus, des Anishnabes, des Atikamekws, des Inuits, des Cris et des Nas-
kapis. Les trois dernires Nations voient leurs droits protgs par la Con-
vention de la Baie-James et du Nord Qubcois8 et par la Convention du

5 Gouvernement du Qubec, Le potentiel conomique : Les ressources nergtiques ,
2013, en ligne : Dveloppement nordique .

6 Dans Bande indienne de Shubenacadie c Canada (PG), la Cour suprme a dailleurs en-
courag une relation base sur le respect ([2000] 193 FTR 267 au para 74, 1
CNLR 282). Voir aussi Jean-Francois Gaudreault-DesBiens, The Ethos of Canadian
Aboriginal Law and the Potential Relevance of Federal Loyalty in a Reconfigured Rela-
tionship Between Aboriginal and Non-Aboriginal Governments: A Thought Experi-
ment dans Ghislain Otis et Martin Papillon, dir, Fdralisme et gouvernance autoch-
tone : Federalism and aboriginal governance, Qubec, Presses de lUniversit Laval,
2013, 51.

7 Dans un article ddi au Plan Nord et ses effets sur le droit des peuples autochtones,
Jean Leclair qualifie plusieurs aspects du projet de nbuleux ( Leffet structurant des
droits reconnus aux peuples autochtones sur le dbat entourant le Plan Nord dans
Carole Lvesque et Daniel Sale, dir, Les peuples autochtones et le Plan Nord : lments
pour un dbat, Montral, Cahier Dialog, 2012 [ paratre]). Voir aussi Hugo Asselin,
Plan Nord : les Autochtones laisss en plan (2011) 41 Recherches amrindiennes au
Qubec 37 [Asselin, Autochtones ]; Jean-Paul Lacasse, Le Plan Nord : au-del du
discours, une quadruple incertitude territoriale , Institut de la gestion financire-
Qubec, Qubec (14 dcembre 2011), en ligne : [Lacasse, Plan Nord ].

8 Convention de la Baie James et du Nord qubcois et conventions complmentaires,
Qubec, Publications du Qubec, 2006 la p 8 [Convention de la Baie James et du Nord

LA PLACE RSERVE LAVIS DES PEUPLES AUTOCHTONES 599

Nord-Est qubcois9, deux ententes conclues au sens de larticle 35(3) de la
Loi constitutionnelle de 198210. La premire teint tous les droits ances-
traux existants et potentiels sur le territoire de la Baie-James11. De plus,
le 24 juillet 2012 la nation Crie a sign avec le gouvernement du Qubec
lEntente sur la gouvernance dans le territoire dEeyou Istchee Baie-
James12. Celle-ci donne naissance un gouvernement rgional compos
galit de membres de la nation Crie et de Jamsiens, qui disposera de
comptences accrues en matire de gestion du territoire et des res-
sources13. Trois autres nations revendiquent, en revanche, des droits an-
cestraux et des titres aborignes potentiels, cest–dire non encore recon-
nus par les instances tatiques, mais que ces nations considrent nan-
moins comme tant inhrents leur souverainet. Il sagit des nations In-
nue14, Atikamekw15 et Anishnabe16, qui nont pas encore conclu dentente
dfinitive ayant valeur constitutionnelle pour rgler leurs revendications

qubcois]. La Convention de la Baie-James et du Nord qubcois a t signe le 31 jan-
vier 1978 et plusieurs ententes complmentaires sy sont ajoutes depuis (ibid).

9 Convention du Nord-Est Qubcois, 31 janvier 1978, Ottawa, Affaires indiennes et du
Nord du Canada, 1984. Voir aussi Convention du Nord-Est Qubcois et conventions
complmentaires, Qubec, Publications du Qubec, 2008.

10 Loi constitutionnelle de 1982, art 35(3), constituant lannexe B de la Loi de 1982 sur le

Canada (R-U), 1982, c 11 [Loi constitutionnelle de 1982].

11 Convention de la Baie James et du Nord qubcois, supra note 8.
12 Entente sur la gouvernance dans le territoire dEeyou Istchee Baie-James, Gouverne-
ment du Qubec et les Cris dEeyou Istchee, 24 juillet 2012, en ligne : Secrtariat aux
affaires autochtones .

13 Ibid aux para 81-87, 123-47. La parit de voix entre Cris et Jamsiens, au sein du con-
seil du Gouvernement rgional, est assure pour les dix premires annes dopration
du Gouvernement rgional (ibid au para 82).Voir aussi Cabinet du premier ministre du
Qubec, communiqu Cration du gouvernement rgional dEeyou IstcheeBaie-
James (24 juillet 2012), en ligne : Site officiel du premier ministre du Qubec .

14 Jean-Paul Lacasse dmontre que le Nitassinan est un territoire occup, nomm, am-
nag et gr par les Innus. Ce faisant, il y a existence dun titre aborigne potentiel pour
ce peuple sur celui-ci (Jean-Paul Lacasse, Les Innus et le territoire : Innu tipenitamun,
Qubec, Septentrion, 2004 aux pp 194-209 [Lacasse, Les Innus]). Il dmontre aussi que
les Innus ont des droits sur le territoire dimplantation du Plan Nord (Lacasse, Plan
Nord , supra note 7 la p 7).

15 Voir Henri Dorion et Jean-Paul Lacasse, Le Qubec : territoire incertain, Qubec, Sep-

tentrion, 2011 la p 210.

16 Hugo Asselin rappelle que les territoires ancestraux de la communaut des Abitibiwinis
de Pikogan et dau moins une communaut atikamekw, celle dObedjiwan, seront affec-
ts, puisquils chevauchent le 49e parallle (Asselin, Autochtones , supra note 7 la
p 39). Voir aussi La Nation Anishnabe mcontente du Plan Nord , CBC (25 mai 2011),
en ligne : .

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territoriales globales avec le gouvernement. Ces trois Nations se sont vues
imposer en 1975 lextinction de leurs droits sur le territoire couvert par la
Convention de la Baies-James et du Nord Qubcois17, sans mme avoir pu
participer aux ngociations ayant men cette entente18. En raison de
linjustice cause, elles continuent revendiquer leurs droits sur une par-
tie du territoire dapplication de la Convention de la Baie-James, lest de
la frontire du territoire dapplication de ladite convention, ainsi quau
nord du 49e parallle, sur le territoire du Plan Nord19.
Bien que le Parti libral du Qubec soit pass lopposition parlemen-
taire, et ce de septembre 2012 avril 2014, lexploitation du nord de la
province est demeur dactualit sous le gouvernement pquiste de Pau-
line Marois20. Ce projet, quil soit nomm Plan Nord ou Le Nord pour tous,
a ainsi continu dployer ses effets. Dans ce contexte, il parat impor-
tant de mettre en lumire deux problmes qui sont apparus au cours des
derniers mois dans le cadre de la prsentation et du dveloppement du
Plan Nord.

17 Convention de la Baies-James et du Nord Qubcois, supra note 8.
18 Il convient de rappeler que la politique dextinction des droits entrine par le gouver-
nement fdral et les gouvernements provinciaux a t dcrie sur le plan internatio-
nal. Pour le Comit des droits de lhomme des Nations Unies, elle constitue une viola-
tion des droits autochtones et est incompatible avec le Pacte international relatif aux
droits civils et politiques (19 dcembre 1966, 999 RTNU 171, RT Can 1976 no 47, 6
ILM 368 (entre en vigueur : 23 mars 1976, accession du Canada 19 mai 1976), art 1
[PIDCP]) et avec le Pacte international relatif aux droits conomiques, sociaux et cultu-
rels (19 dcembre 1966, 993 RTNU 3, RT Can 1976 no 46, 6 ILM 360 (entre en vi-
gueur : 3 janvier 1976, accession du Canada 19 mai 1976), art 1 [PIDESC]). Voir Comi-
t des droits de lhomme, Observations finales du Comit des droits de lhomme : Cana-
da, Doc off CCPR, 65e sess, Doc NU CCPR/C/79/Add.105 (1999) au para 8; Examen des
rapports prsents par les tats parties en vertu de larticle 40 du Pacte, Doc off CCPR,
85e sess, Doc NU CCPR/C/CAN/CO/5 (2006) au para 8.

19 Voir Lacasse, Les Innus, supra note 14 aux pp 28, 197, 207; Dorion et Lacasse, supra
note 15 aux pp 211, 216, 219-20. Cette zone est bien identifiable sur la carte des com-
munauts autochtones disponible sur le site du Dveloppement nordique (Gouverne-
ment du Qubec, Les communauts autochtones , en ligne : Dveloppement nordique
).

20 Le Parti Qubcois indiquait sur sa plateforme lectorale : Le dveloppement du
Grand Nord qubcois sera une priorit pour un gouvernement du Parti Qubcois qui
a adopt, ds 2001, la Politique de dveloppement du Nord du Qubec (Parti Qub-
cois, Lavenir du Qubec est entre vos mains, 2012 la p 20). Le point 34 de sa plate-
forme lectorale ajoutait :

Adopter une stratgie de gestion intgre des ressources du Nord afin
dencadrer le dveloppement des projets notamment miniers, daider les mu-
nicipalits du Nord faire face aux nouveaux dfis lis au dveloppement de
la rgion et de favoriser la pleine participation des Premires Nations, les
Inuits et les populations nordiques aux projets de dveloppement de la rgion
(ibid).

LA PLACE RSERVE LAVIS DES PEUPLES AUTOCHTONES 601

Le premier a trait lambivalence des interprtations, plus ou moins
gnreuses, quant la place que devrait occuper lavis des peuples au-
tochtones dans le processus dcisionnel et la faon dont cet avis devrait
tre recueilli. ce propos, on constate en premier lieu quil ny a pas
dhomognit parfaite dans les positions des peuples autochtones. Celles-
ci peuvent varier en fonction du contexte, de la communaut interroge,
mais aussi lintrieur mme de chaque nation. Nanmoins, plusieurs
peuples autochtones au Canada se positionnent en faveur de lobtention
par ltat du consentement pralable, libre et clair (CPL). En effet, se-
lon plusieurs organisations dont trois reprsentent des peuples du Qu-
bec, la norme minimale en la matire est lobtention du CPL21. En se-
cond lieu, force est de constater que le droit international ne rpond pas
clairement la question. Certaines dispositions de la Dclaration des Na-
tions Unies sur les droits des peuples autochtones font rfrence la fois
aux notions de consultation et de consentement 22, laissant ainsi
place ce que Kenneth Deer a appel la querelle des C . En troisime
lieu, soulignons que la Cour suprme du Canada, dans larrt Nation
hada c. Colombie-Britannique (Ministre des forts), a consacr le droit
la consultation tout en sopposant la reconnaissance dun quelconque
droit de veto aux peuples autochtones dans le cadre du processus dci-
sionnel23. Mentionnons finalement quau cours des derniers mois de mise
en uvre du Plan Nord certains reprsentants autochtones ont t invits
aux tables de ngociations par le gouvernement du Qubec, mais que ces
derniers ne font cependant pas lunanimit au sein des nations ou des
communauts au nom desquelles ils se sont positionns. Nous y revien-
drons.

Le second problme porte sur les lacunes du rgime de consultation en
place au Canada. Pour certains, la consultation est tout simplement une

21 Ces trois organisations sont le Grand Conseil des Cris, lAssemble des Premires Na-
tions du Qubec et du Labrador et le Conseil des Innus du Nitassinan. Voir Groupe In-
ternational de Travail pour les Peuples Autochtones, Dclaration de la Confrence in-
ternationale sur les industries extractives et les peuples autochtones , Manille, 23-25
mars 2009 [non publie], en ligne : aux pp 5-6 [DCIIEPA]; Kenneth Deer,
FPIC: The C stands for Consent , 10e session du Forum permanent sur les ques-
tions autochtones, prsent New-York, 18 mai 2011, en ligne : ; Ghislain Picard,
Le prochain gouvernement provincial du Qubec aura cent jours pour tenir un sommet
avec les Premires nations (24 aot 2012), en ligne : Assemble des Premires Nations
du Qubec et du Labrador .

22 Dclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, Rs AG, Doc off
AG NU, 61e sess, Doc NU A/RES/61/295 (2007), art 19, 32(2) [Dclaration des Nations
Unies].

23 2004 CSC 73 au para 48, [2004] 3 RCS 511 [Nation hada].

602 (2014) 59:3 MCGILL LAW JOURNAL REVUE DE DROIT DE MCGILL

norme inadquate. Kenneth Deer, au nom de plusieurs organisations ca-
nadiennes, en donnait clairement la raison, lors de la 10e session de
lInstance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones. Il
indiquait ce qui suit :

Replacing the established standard of consent with the lesser stand-
ard of consultation would mean that at the conclusion of such a pro-
cess taking place, governments or corporations would continue to be
free to act in their own interests and the interests of other powerful
sectors of society while unilaterally and arbitrarily ignoring the
decision taken by Indigenous peoples. This is contrary to the very
purpose of FPIC24.

Il mettait ainsi en vidence le simple caractre formaliste du droit la
consultation pour les tats et pour les tierces parties telles que les com-
pagnies extractives, un droit qui ne garantit pas avec certitude la prise en
compte de lavis rendu par la Premire nation concerne25. De plus, le
droit la consultation ne correspond pas ce que proposent certaines
normes plus exigeantes du droit international, en particulier le droit au
consentement, ni ce que revendiquent plusieurs organismes autoch-
tones26. Les lacunes du rgime de consultation sont dautant plus domma-
geables considrant ltendue du projet un projet de dveloppement
denvergure dont plusieurs composantes auront vraisemblablement des
rpercussions significatives sur le territoire et le fait que ce type
dinitiatives acclre gnralement la perte de contrle des peuples au-
tochtones sur leurs territoires27.
tant donn que la consultation savre parfois tre une norme inad-
quate, le droit international impose sous certaines conditions lobtention
du consentement des peuples autochtones. Ainsi, dans un de ses juge-
ments, la Cour interamricaine des droits de lhomme (la Cour interam-
ricaine) a dj consacr cette norme28. Lhypothse que nous formulons
soutient que le rgime canadien tel quappliqu naccorde pas une place ef-
fective aux avis rendus par les peuples autochtones dans le processus de

24 Deer, supra note 21.
25 Ce problme a galement t soulev par le Rapporteur spcial des Nations Unies sur
les droits des peuples autochtones a plusieurs reprises, notamment en juillet 2012. Voir
James Anaya, Rapport du Rapporteur spcial sur les droits des peuples autochtones,
Doc off AG NU, 21e sess, Doc NU A/HRC/21/47 (2012) au para 47 [Anaya, Rap-
port 2012 ].

26 Voir par ex supra note 21.
27 DCIIEPA, supra note 21; Extractive Industries Review, Vers un nouvel quilibre : Rap-
port final de la Revue des industries extractives, vol 1, Washington, Groupe de la
Banque mondiale, 2003 aux pp 20, 48 [Revue des industries extractives].

28 Affaire Saramaka People (Suriname) (2007), Inter-Am Ct HR (Sr C) n172, [2007] 2

Inter-American Yearbook on Human Rights 628 [Saramaka People].

LA PLACE RSERVE LAVIS DES PEUPLES AUTOCHTONES 603

prise de dcision, sous prtexte de la prservation de lintrt gnral.
Cette situation a pour effet de maintenir le statu quo et la tutelle de
ltat. De plus, elle va lencontre du droit lautonomie gouvernemen-
tale des peuples autochtones et de ldification dune coexistence plus
quitable. Or, la lumire des normes de droit international et rgional,
un renforcement de la place rserve ces avis en droit interne simpose.

Par consquent, au-del des positions de chacun, quelle est la norme
applicable dans le cadre dun projet de dveloppement comme le Plan
Nord ou quelle importance ltat devrait-il attribuer lavis des peuples
autochtones? Le droit applicable peut-il tre interprt de manire lais-
ser aux peuples autochtones une place substantielle dans le processus de
prise de dcision? Le degr de diligence raisonnable exige-t-il de tenir
compte et daccommoder leurs avis, de la naissance du projet jusqu sa
mise en uvre, ou nimpose-t-il que de les couter, sans garantie de prise
en compte? Si la diligence raisonnable exige de tenir compte de leurs avis,
dans quelles circonstances le prescrit-elle?
Ces questions sont dautant plus pertinentes considrant lambigut
de la situation en pratique. Le projet Plan Nord tel que dcrit par le gou-
vernement qualifie les peuples autochtones de partenaires29. Pourtant, cet
attribut na aucune rsonance en droit. Par exemple, le projet de loi sur la
Socit du Plan Nord, premier discut lAssemble nationale, ne dfinit,
ni ne leur garantit, ce statut30. Or, ce qualificatif nimpliquerait-il pas plus
que la simple consultation? Dans ltat actuel de confusion, le droit inter-
national des peuples autochtones peut-il nous servir de rfrence?
la lumire des deux problmes voqus plus haut et des questions
identifies, cet article vise faire tat des ambiguts actuelles et propo-
ser des solutions quant linterprtation des diverses normes applicables
de droit interne et de droit international. Il a pour objectif de mettre en
vidence les lacunes du rgime de consultation en place au Canada et de
recommander des pistes pour y remdier. Cet article tend dmontrer
que ce rgime peut prendre en compte lavis des peuples autochtones de
manire plus importante, en intgrant lobligation dobtenir leur CPL.
Lorsquapplique, cette norme a parfois t interprte comme confrant
aux peuples autochtones un pouvoir de veto : le terme consentement, du
latin consentire, supposant de donner son accord et daccepter quelque

29 Voir Gouvernement du Qubec, Le Plan Nord : un modle unique de concertation , en ligne :
Dveloppement nordique
[Plan Nord].

30 PL 27, Loi sur la Socit du Plan Nord, 2e sess, 39e lg, Qubec, 2011, art 4-5 [Socit

Plan Nord].

604 (2014) 59:3 MCGILL LAW JOURNAL REVUE DE DROIT DE MCGILL

chose31. Par consquent, si lobtention du consentement nest pas acquise,
le gouvernement et la tierce partie intresse ne pourront pas mener
terme le projet. Il serait nanmoins inexact de rduire le droit au CPL
au seul droit de veto. Le CPL constitue aussi un outil de conciliation,
uvrant au respect mutuel et lacceptabilit du projet. Autrement dit,
en cas dapprobation, ce droit contribuera ce que le projet soit men
terme et garantira sa viabilit sociale. Il permettrait en outre aux peuples
autochtones de passer de simples observateurs acteurs dun projet
commun, redonnant ainsi tout son sens la notion de partenariat.

Pour ce faire, nous examinerons dabord la place quivoque jusquici
rserve aux peuples autochtones dans le processus de prise de dcision
li au Plan Nord (I). Nous nous concentrerons ensuite sur les intrts et
sur lambigut des normes promues par lordre juridique international et
par le systme interamricain (II). Nous analyserons brivement
linteraction entre droit international et droit interne pour mettre en lu-
mire le potentiel des normes externes (III) et nous conclurons en met-
tant quelques recommandations sur ce que devrait tre la place rserve
lavis des peuples autochtones chacune des tapes de la mise en uvre
du Plan Nord.

I. La place quivoque des peuples autochtones dans le processus de prise

de dcision li au Plan Nord

La place des peuples autochtones dans le processus de prise de dci-
sion tel quil sest droul jusqu prsent est quivoque. En effet, aucune
certitude nexiste quant la prise en compte des positions autochtones
dans la mise en uvre du Plan Nord, ni en vertu du droit commun la
consultation (A), ni dans le cadre de la mise en uvre du projet telle
quelle sest prsente jusqu ce jour (B).

A. Le droit commun la consultation : un droit lacunaire

La place des peuples autochtones dans le processus de prise de dci-
sion concernant le Plan Nord est ambigu. Cela vient du fait que le droit
la consultation, comme dfini par la Cour suprme dans larrt Nation
hada, nimpose pas la prise en compte de lavis des peuples autochtones
lorsquun projet gouvernemental produit des effets sur leurs territoires
ancestraux32. Ne permettant pas une participation effective des peuples

31 Dictionnaire Larousse, 2013, sub verbo consentir .
32 Nation hada, supra note 23.

LA PLACE RSERVE LAVIS DES PEUPLES AUTOCHTONES 605

autochtones la prise de dcision, le droit interne savre tre lacunaire33.
Pour en faire la dmonstration, il nous faut brivement prsenter les dci-
sions de la Cour suprme et les conditions de mise en uvre du droit la
consultation.
Depuis le dbut des annes 1990, la plus haute instance judiciaire fa-
vorise de nouvelles pratiques : la consultation et laccommodement. Une
premire fois voque dans larrt R c. Sparrow34, puis dans larrt Del-
gamuukw c. Colombie-Britannique35, lobligation de consulter sera dfini-
tivement consacre dans larrt Nation hada 36 . Comme lobligation
daccommoder, elle sapplique dans le cadre des droits ancestraux et des
droits issus de traits protgs par larticle 35(1) de la Loi constitution-
nelle de 198237. Ces obligations rsultent du principe dhonneur de la Cou-
ronne, qui impose de ne pas traiter cavalirement les intrts des
peuples autochtones lorsque ceux-ci allguent de faon srieuse lexistence
de droits ou de titres ancestraux38. Autrement dit, daprs larrt Nation
hada39, la Couronne doit respecter les intrts potentiels des peuples au-
tochtones alors mme quils nont pas encore t reconnus. Dans laffaire
Alcan c. Conseil tribal Carrier Sekani40, la Cour suprme rappelle que
trois conditions donnent naissance lobligation de consulter. Il faut
dabord que la Couronne envisage de prendre une mesure. Il faut gale-
ment quelle ait connaissance de lexistence possible dune revendication
autochtone ou dun droit potentiel. Enfin, la mesure ou la dcision proje-
te doit avoir un effet prjudiciable sur la revendication autochtone ou sur
un droit potentiel.
En ce qui a trait la premire condition, une mesure gouvernemen-
tale ne se limite pas une action entranant des effets immdiats sur des
terres ou des ressources, mais elle doit porter atteinte des revendica-
tions ou des droits actuels41. Il sagit dune part de dcisions prises en
vertu dun pouvoir discrtionnaire, dont la porte est individuelle et qui

33 Sur la diffrence entre les concepts de participation et de consultation, voir Hubert Tou-
zard, Consultation, concertation, ngociation : une courte note thorique (2006) 1 : 5
Ngociations 67.

34 [1990] 1 RCS 1075 la p 1119, 70 DLR (4e) 385.
35 [1997] 3 RCS 1010 la p 1113, 153 DLR (4e) 193.
36 Nation hada, supra note 23.
37 Loi constitutionnelle de 1982, supra note 10, art 35(1).
38 Nation hada, supra note 23 au para 27.
39 Ibid.
40 2010 CSC 43 au para 31, [2010] 2 RCS 650 [Alcan].
41 Ibid au para 44.

606 (2014) 59:3 MCGILL LAW JOURNAL REVUE DE DROIT DE MCGILL

ont un effet sur la gestion de terres ancestrales et de ressources42. Il sagit
dautre part de la planification stratgique touchant lutilisation de la res-
source en cause et, depuis 2010, de dcisions stratgiques prises en haut
lieu 43. la diffrence des dcisions prises en vertu dun pouvoir discr-
tionnaire, les dcisions stratgiques nont pas un effet immdiat sur les
terres et les ressources, mais comportent nanmoins un risque deffets
prjudiciables sur celles-ci. Il sagit par exemple de cessions de conces-
sions de fermes forestires, de lapprobation dun plan pluriannuel de ges-
tion forestire visant un vaste secteur gographique, de la cration dun
processus dexamen relativement un gazoduc important, de lexamen
approfondi des besoins dinfrastructure et de capacit de transport
dlectricit dune province44. Pour le Ministre des Affaires autochtones et
du Dveloppement du Nord canadien, les mesures gouvernementales qui
sont frappes dune obligation de consulter portent par exemple sur des
changements structurels ou organisationnels rduisant la capacit dci-
sionnelle de ltat45. Sur ce point, le ministre ajoute les propos suivants :

Les actions du gouvernement qui pourraient avoir des effets prjudi-
ciables sur des droits ancestraux ou issus de traits peuvent compor-
ter, par exemple, des dcisions relatives un pipeline qui pourraient
affecter les espces sauvages dans leur mouvement, leur reproduc-
tion ou leur accessibilit; des dcisions concernant la pollution dcou-
lant de constructions ou dutilisations qui pourraient affecter la flore
ou la faune; des changements apports des rglements ou des po-
litiques susceptibles de limiter lutilisation des terres; une gestion du
cycle de vie de terres qui pourrait avoir des consquences sur des
obligations juridiques et des relations avec les groupes autochtones;
ou des dcisions concernant lutilisation de ressources naturelles
susceptibles de limiter lapprovisionnement des groupes autochtones
et lutilisation quils font de ces ressources46.

Plusieurs projets de dveloppement qui sont ou seront mis en uvre dans
le cadre du Plan Nord, notamment dexploration et dexploitation minire
et forestire, sont susceptibles de limiter lutilisation des terres et de mo-
difier lutilisation des ressources. De plus, en vertu des conditions tablies
par la Cour, il nest pas ncessaire que le projet ait des effets immdiats
sur les terres et les ressources. De ce fait, le Plan Nord ou les projets as-

42 Dans larrt Nation hada, il tait question de loctroi par ltat dun permis de coupe de

bois (supra note 23).

43 Alcan, supra note 40 au para 44.
44 Ibid.
45 Ministre des Affaires autochtones et du Dveloppement du Nord Canada, Consultation
et accommodement des Autochtones : Lignes directrices actualises lintention des fonc-
tionnaires fdraux pour respecter lobligation de consulter, Ottawa, Travaux publics et
Services gouvernementaux, 2011 la p 20.

46 Ibid la p 11.

LA PLACE RSERVE LAVIS DES PEUPLES AUTOCHTONES 607

simils constituent une mesure gouvernementale pour laquelle la consul-
tation des peuples autochtones dont les revendications ou les droits poten-
tiels sont affects est obligatoire.
Cette affirmation est dautant plus vraisemblable que le Plan Nord est
une dcision des autorits provinciales. En la matire, larrt Alcan rap-
pelle que la responsabilit dengager la consultation incombe ltat
provincial et/ou fdral et non aux tiers, incluant entre autres les en-
treprises prives. Cet arrt de 2010 prcise toutefois quune entreprise
publique mandate par ltat a le fardeau de consulter47. On peut donc
raisonnablement penser que la Socit du Plan Nord devra respecter cette
obligation.

La deuxime condition donnant naissance lobligation de consulter
veut que la Couronne ait connaissance de lexistence de revendications ou
dun droit potentiel. Cette condition est aussi remplie, en particulier dans
le cas des Innus, des Anishnabes et des Atikamekws qui ont fait part de
leurs revendications au gouvernement provincial maintes reprises48. Ces
revendications sont en outre actuelles.
En ce qui concerne la troisime condition, celle qui a trait aux effets
prjudiciables apprhends, ceux-ci doivent prcisment tre relis la
mesure gouvernementale envisage, par opposition aux effets gnraux
que pourrait entraner le projet dans lequel sinscrit la mesure49. Latteinte
doit galement tre contemporaine, prvenant ainsi la naissance rtroac-
tive de lobligation50. Dans le cadre du Plan Nord, les activits de prospec-
tion et dexploration tant dj luvre, les atteintes sont actuelles et les
effets prjudiciables apprhends sont relis prcisment ces activits51.

Par ailleurs, lintensit de lobligation de consulter varie en fonction de
la solidit de la preuve appuyant lexistence des droits ou du titre ances-
tral revendiqus et de limportance des effets ngatifs apprhends52. Une
revendication qui serait douteuse ou marginale engendrerait une obliga-
tion de consultation dans sa plus simple expression, soit une obligation
dinformer les populations autochtones des mesures quentend prendre le
gouvernement et des effets potentiels de telles mesures, alors quune re-

47 Alcan, supra note 40 au para 91.
48 Voir supra notes 8-10, 13.
49 Voir Alcan, supra note 40 au para 53.
50 Ibid au para 49. Si une mesure gouvernementale a t adopte dans le pass en contra-
vention avec lobligation de consultation de la Couronne, ce nest que dans le cas o une
mesure envisage produirait de nouveaux effets prjudiciables quune obligation de
consultation pourrait alors natre (ibid).

51 Voir aussi Lacasse, Plan Nord , supra note 7.
52 Voir Nation hada, supra note 23 au para 39.

608 (2014) 59:3 MCGILL LAW JOURNAL REVUE DE DROIT DE MCGILL

vendication plus solide pourrait engendrer des obligations plus contrai-
gnantes. Lobligation de consultation pourrait alors prendre la forme
dune consultation approfondie en vue dobtenir une solution provisoire
acceptable, ou dune participation officielle des instances autochtones la
prise de dcision. Dans ce cas, le gouvernement peut soumettre le litige
la mdiation, en ayant recours des dcideurs impartiaux53. Nanmoins,
il ne sagit l que de suggestions, car [l]a nature prcise des obligations
qui naissent dans diffrentes situations sera dfinie mesure que les tri-
bunaux se prononceront sur cette nouvelle question 54. La consultation
approfondie ne garantit donc pas un droit la participation effective et
nassure pas non plus la prise en compte de lavis rendu par les peuples
autochtones, comme cest le cas dans le cadre du droit au consentement.
La Cour indique au contraire quil faut agir au cas par cas, avec souplesse,
pondration et flexibilit tout au long du processus55. Par ailleurs, elle
nenvisage pas la possibilit dune htrognit des points de vue autoch-
tones et les cas de division. Le droit la consultation est rglement
comme si tous les peuples autochtones concerns et toutes leurs compo-
santes avaient une position identique.
Quant lobligation daccommodement, la Cour suprme suggrait
dans larrt Nation hada quelle pouvait natre au cours de consultations
menes de bonne foi56. Autrement dit, le processus de consultation des
peuples autochtones pourrait conduire une obligation de concilier les
droits revendiqus par les communauts autochtones avec dautres int-
rts socitaux, afin de parvenir un compromis raisonnable pour tous57.

53 Ibid au para 44.
54 Ibid au para 39.
55 Ibid au para 45.
56 La Cour suprme indique clairement les conditions de mise en uvre de cette obliga-

tion :

Sil ressort des consultations que des modifications la politique de la Cou-
ronne simposent, il faut alors passer ltape de laccommodement. Des con-
sultations menes de bonne foi peuvent donc faire natre lobligation
daccommoder. Lorsque la revendication repose sur une preuve premire vue
solide et que la dcision que le gouvernement entend prendre risque de porter
atteinte de manire apprciable aux droits viss par la revendication,
lobligation daccommodement pourrait exiger ladoption de mesures pour vi-
ter un prjudice irrparable ou pour rduire au minimum les consquences de
latteinte jusquau rglement dfinitif de la revendication sous-jacente [nos ita-
liques] (ibid au para 47).

57 La Cour suprme reprend la dfinition de la notion daccommodement donne par le
Trsor de la langue franaise (Paul Imbs, dir, Trsor de la langue franaise : Diction-
naire de la langue du XIXe et du XXe sicle (1789-1960), 1971, t 1, sub verbis accommo-
dement et accommoder ). Elle indique notamment :

LA PLACE RSERVE LAVIS DES PEUPLES AUTOCHTONES 609

pas

obligation

de moyens nimposant

Cependant, en aucun cas le gouvernement nest tenu ce rsultat.
Comme dans le cas de lobligation de consulter, qui nexige pas la prise en
compte de lavis des peuples autochtones affects, cela rduit considra-
blement la porte de lobligation daccommodement, qui ne constitue
quune
juridiquement
lamnagement de compromis. De plus, bien que minimalement balise,
lobligation daccommodement, comme lobligation de conduire une consul-
tation approfondie, laisse ltat une certaine discrtion, ntant pas d-
finie en fonction dune norme objective et gnrale. Quest-ce qu une
preuve premire vue solide 58 ou une atteinte potentielle […] dune
haute importance pour les Autochtones 59? Ces notions sont subjectives.
En outre, tout comme lobligation de consulter, lobligation daccommoder
laquelle est tenue la Couronne nexige pas la participation des Autoch-
tones la prise de dcision et nattribue pas un caractre obligatoire
lavis rendu par ces derniers60. Dans cette mesure, si lon considre que
seuls les peuples autochtones sont mme de dfinir quels sont leurs in-
trts, les obligations de consultation et daccommodement les protgent
moins efficacement que lobligation dobtenir leur consentement. la dif-
frence de la consultation, la mise en uvre de lobligation dobtenir le
CPL nest pas laisse la discrtion de ltat. De plus, elle permet des
solutions de compromis et implique la participation active des Autoch-
tones. Cest dans ce sens que les obligations de consulter et daccommoder
paraissent lacunaires61.

[L]es termes accommoder et accommodement [sont] respectivement d-
finis ainsi : Accommoder qqc. . Ladapter , la mettre en correspondance
avec quelque chose… et Action, rsultat de laction daccommoder (ou de
saccommoder); moyen employ en vue de cette action. […] Action de (se)
mettre ou fait dtre en accord avec quelquun; rglement lamiable, tran-
saction. Laccommodement susceptible de rsulter de consultations menes
avant ltablissement du bien-fond de la revendication correspond exacte-
ment cela : la recherche dun compromis dans le but dharmoniser des int-
rts opposs et de continuer dans la voie de la rconciliation. Lengagement
suivre le processus nemporte pas lobligation de se mettre daccord, mais
exige de chaque partie quelle sefforce de bonne foi comprendre les proc-
cupations de lautre et y rpondre (Nation hada, supra note 23 au para 49).

58 Ibid au para 44.
59 Ibid.
60 Ibid au para 48.
61 Sur le plan qubcois, les critiques sont similaires. Le gouvernement provincial a pro-
duit un Guide intrimaire en matire de consultation des communauts autochtones en
2008 (Qubec, Groupe interministriel de soutien sur la consultation des Autoch-
tones, Guide intrimaire en matire de consultation des communauts autochtones,
Qubec, Secrtariat aux affaires autochtones, 2008). Celui-ci se fonde sur la jurispru-
dence de la Cour suprme et prne linstauration dun dialogue. Nanmoins,
linstauration dun dialogue ne signifie pas que le gouvernement ait obligation de pren-

610 (2014) 59:3 MCGILL LAW JOURNAL REVUE DE DROIT DE MCGILL

Pour conclure, il est important de prciser que les obligations de con-
sultation et daccommodement sont des obligations continues qui se pour-
suivent au-del du rglement formel des revendications 62. Ainsi, bien
quen change de compensations financires et dautres services la Con-
vention de la Baie-James et du Nord Qubcois prvoie que les Inuits et
les Cris cdent, renoncent et abandonnent toutes leurs revendications ter-
ritoriales63, le principe de lhonneur de la Couronne demeure applicable.
La Couronne se doit dagir honorablement aussi bien ltape de la ngo-
ciation que de la mise en uvre des ententes ayant une valeur constitu-
tionnelle64. De plus, les ententes sur les revendications territoriales glo-
bales, autrement appeles ententes modernes, comme la Convention de la
Baie-James, ne constituent pas des codes complets. Elles restent donc
soumises au principe dhonneur de la Couronne et ses corollaires, dont
lobligation de consulter65. Par consquent, les obligations de consulter et
daccommoder les peuples autochtones, telles que dfinies par la Cour su-
prme, sappliquent tant dans le cas des Innus, des Anishnabes et des
Atikamekws, que dans le cas des Cris, des Inuits et des Naskapis.
Outre la place incertaine accorde lavis des peuples autochtones dans le
cadre du droit commun la consultation, dautres ambiguts se manifes-
tent, lies la mise en uvre de ces normes dans le cadre du Plan Nord.

B. Les ambiguts dans la mise en uvre du Plan Nord

Deux problmes se posent dans la mise en uvre spcifique du Plan
Nord. Le premier porte sur la place des peuples autochtones dans le pro-
cessus de prise de dcision li au Plan Nord. On remarque un dcalage
entre le discours juridique et le discours politique qui, comme nous lavons
dj indiqu, qualifie les peuples autochtones de partenaires. Cela nous
porte nous interroger sur la place effective qui leur est accorde au stade

dre en compte le point de vue des autochtones. De plus, le guide suggre que le gouver-
nement tablisse, lorsque cela est possible , des moyens de conciliation, voire des pos-
sibilits daccommodement en collaboration avec les communauts autochtones (ibid
la p 9). Telle que formule, cette obligation sapparente davantage une aspiration va-
riant en fonction des circonstances.

62 Voir Nation hada, supra note 23 au para 32.
63 Convention de la Baie James et du Nord qubcois, supra note 8 la p 6.
64 Premire nation crie Mikisew c Canada, 2005 CSC 69 au para 57, [2005] 3 RCS 388.
65 Voir Beckman c Little Salmon/Carmacks, 2010 CSC 53 au para 38, [2010] 3 RCS 103,
juge Binnie : Je ne crois pas que le trait du Yukon tait cens constituer un code
complet. Quoi quil en soit, lobligation de consulter dcoule du principe de lhonneur de
la Couronne, qui sapplique indpendamment de lintention expresse ou implicite des
parties […] . De plus, ce principe semble sappliquer la Convention de la Baie-James
(ibid au para 12).

LA PLACE RSERVE LAVIS DES PEUPLES AUTOCHTONES 611

de llaboration du projet et dans le cadre de sa mise en uvre. Le second
problme a trait la reprsentativit. La question est alors de savoir si les
institutions autochtones consultes dans le cadre de llaboration du Plan
Nord jusqu ce jour sont reprsentatives.

1. Le dcalage entre les discours politique et juridique sur la place des

peuples autochtones dans le processus de prise de dcision

Le Plan Nord est prsent par le gouvernement provincial comme
tant un projet collectif initi par une vision commune laquelle ont
consenti et contribu les populations locales dont les Autochtones66. Celui-
ci qualifie mme le projet de modle unique de concertation 67. Le mi-
nistre responsable des affaires autochtones indique ce quit suit :
La mise en uvre du Plan Nord se fera dans un esprit de respect
mutuel, et les gnrations futures pourront sinspirer leur tour de
ce modle de partenariat novateur, fond sur le dialogue et le res-
pect. Son dveloppement intgrera la vision autochtone telle quelle
voluera au cours de sa mise en uvre68.

Le site Internet gouvernemental indique galement que les Nations au-
tochtones ont t associes en tant que partenaires et continueront
ltre :

Le Plan Nord est le fruit des rflexions dlus du gouvernement du
Qubec, dlus des rgions, de reprsentants des Premires Nations
(crie, naskapie, innue) et des Inuit qui, de pair avec les reprsen-
tants de milieux conomiques, sociaux, communautaires et environ-
nementaux, ont dessin le Nord de demain.
Pendant plus dune anne, plus de 450 personnes ont travaill en-
semble tablir des modes de collaboration nouveaux, afin que le
Plan Nord devienne ralit. Une telle dmarche de concertation est
sans prcdent69.

Crant des attentes lgitimes chez les peuples autochtones et chez la ma-
jorit non autochtone, les rfrences au respect mutuel, la collaboration,
la concertation ou au dialogue constituent autant de principes direc-
teurs propres encadrer ltablissement, mais aussi le droulement du
projet, toutes les phases de sa mise en uvre.

66 Voir Gouvernement du Qubec, Une vision commune (2013), en ligne : Dveloppe-

ment nordique .

67 Plan Nord, supra note 29.
68 Gouvernement du Qubec, Mot du ministre responsable des affaires autochtones
(2013), en ligne : Dveloppement nordique [Mot du ministre].

69 Plan Nord, supra note 29.

612 (2014) 59:3 MCGILL LAW JOURNAL REVUE DE DROIT DE MCGILL

Cependant, ces rfrences manent du discours politique. Elles ne
transparaissent pas dans la lgislation discute ce jour, qui aura pour
vocation dencadrer juridiquement ce projet. Alors que le site officiel du
Plan Nord promet que le conseil dadministration de la Socit du Plan
Nord sera en partie compos de reprsentants des Nations autochtones70,
le projet de loi sur la Socit du Plan Nord ne garantit pas la prsence au-
tochtone au sein de cet organe qui administrera le projet et en coordonne-
ra les investissements et la mise en uvre, en vertu des plans quinquen-
naux labors par le gouvernement. Larticle 26 du projet de loi, qui insti-
tue le conseil dadministration de la Socit, indique simplement la chose
suivante :

La Socit est administre par un conseil dadministration compos
de 15 membres, dont le prsident du conseil et le prsident-directeur
gnral. Au moins huit membres, dont le prsident, doivent, de lavis
du gouvernement, se qualifier comme administrateurs indpen-
dants.
Le gouvernement nomme les membres du conseil dadministration,
autres que le prsident de celui-ci et le prsident-directeur gnral,
en tenant compte des profils de comptence et dexprience approu-
vs par le conseil. Ces membres sont nomms pour un mandat dau
plus quatre ans71.

Il est surprenant de noter que les dispositions de ce projet de loi ne don-
nent aucune garantie de participation aux Premires nations et
nvoquent aucunement cet enjeu, alors quil parat trs prsent dans le
discours politique. Dun point de vue juridique, nous considrons donc que
la participation effective des peuples autochtones affects llaboration
et la mise en uvre du Plan Nord nest pas assure.

2. Le manque de reprsentativit des parties avec lesquelles Qubec a

ngoci.

Au stade de llaboration du Plan Nord, ce sont les conseils de bandes
et les conseils tribaux des quatre nations Cri, Inuit, Naskapi et Innu qui
ont t invits participer deux tables de concertation, celle des parte-
naires et celle des partenaires autochtones72. Cette collaboration au stade

70 De plus, le conseil dadministration de la Socit du Plan Nord, charge de coordonner
la mise en uvre du Plan Nord, sera compos de reprsentants des rgions, des nations
autochtones, du secteur priv et du gouvernement du Qubec (ibid).

71 Socit Plan Nord, supra note 30, art 26.
72 La table des partenaires runit des reprsentants du secteur municipal, des nations au-
tochtones, des domaines conomique et environnemental, du milieu scolaire et de la re-
cherche ainsi que des reprsentants des ministres et dautres organismes concerns
par le Plan Nord. Le mandat de cette table consiste, entre autres, dterminer les prio-
rits conomiques et sociales des divers groupes reprsents. Le gouvernement qub-

LA PLACE RSERVE LAVIS DES PEUPLES AUTOCHTONES 613

de llaboration du projet est fondamentale, puisquelles associent en
amont les peuples autochtones au processus de dcision, mais elle nest
pas sans soulever quelques difficults qui ont trait la reprsentativit et
la mise en uvre de lobligation de consulter court et moyen terme.
Ces difficults sont dautant plus importantes signaler quelles
sajoutent au fait que la position des nations autochtones affectes est
prsente de manire homogne par les mdias. Les Cris, les Inuits et les
Naskapis sont perus comme favorables au projet, alors que les Innus, les
Atikamekws et les Anishnabes y seraient dfavorables. La ralit est plus
complexe. Aucune gnralisation ne peut tre faite en la matire, certains
Innus, Inuits ou Cris se positionnant aussi contre le projet73.

Le manque de reprsentativit des parties autochtones avec lesquelles
Qubec a ngoci se manifeste plusieurs gards et soulve quelques in-
terrogations. Premirement, certaines nations autochtones paraissant fa-
vorises par rapport dautres. Pourquoi aucune mention nest jamais
faite des peuples Anishnabe et Atikamekw, dont certaines des commu-
nauts revendiquent pourtant des droits ancestraux et un titre au nord du
49e parallle? Leur exclusion des tables de ngociations fait preuve dun
dsquilibre dans la prise en compte des intrts autochtones74. Ce ds-
quilibre sexpliquerait-il par lmergence dun discours commun partag
entre certains peuples autochtones ou certains segments de ceux-ci
et le gouvernement provincial, conduisant lignorance des positions qui
ne concordent pas suffisamment avec le point de vue du gouvernement75?

cois a galement mis en place, en collaboration avec le Secrtariat aux Affaires autoch-
tones, une seconde table de concertation, celle des partenaires autochtones, afin quil y
soit abord plus spcifiquement les enjeux de nature autochtone propres au territoire
vis (Gouvernement du Qubec, Plan Nord : table des partenaires (2013), en ligne :
Dveloppement nordique ). On retrouve
la table des partenaires autochtones les mmes instances de reprsentation autoch-
tones que celles prsentes la table des partenaires (Ministre des Ressources natu-
relles, communiqu Les partenaires unis pour le Plan Nord (6 novembre 2009), en
ligne : Ministre des Ressources naturelles du Qubec . Sous le gouvernement libral de Jean Charest, cette
table de concertation tait coprside par la ministre des Ressources naturelles et mi-
nistre responsable du Plan Nord, accompagne du ministre des Affaires autochtones
(ibid).

73 Voir Asselin, Autochtones , supra note 7 aux pp 39-40. Cette htrognit des posi-
tions au sein de chaque Nation est aussi apparue clairement dans le cadre dune conf-
rence sur le Plan Nord (Confrence Plan Nord : Perspectives, dfis et promesses pour
les communauts autochtones nordiques, prsente la Facult de droit de lUniversit
McGill, 11 fvrier 2012 [non publie]).

74 Ce constat est galement fait par dautres auteurs, voir notamment Leclair, supra

note 7.

75 Voir par ex Jeremy Webber, Rapports de force, rapports de justice : la gense dune
communaut normative entre colonisateurs et coloniss dans Jean-Guy Belley, dir, Le

614 (2014) 59:3 MCGILL LAW JOURNAL REVUE DE DROIT DE MCGILL

Deuximement, les chefs des communauts de Natashkuan76 et de
Mashteuiatsh sigent au nom de la nation innue. Or, le second chef
semble siger la table des partenaires en sa qualit de reprsentant du
secteur des ngociations du Conseil tribal Mamuitun mak Nutakuan. Par
consquent, il reprsenterait plus largement les communauts dEssipit,
de Mashteuiatsh et de Natashkuan, soit trois Premires nations innues
sur neuf. Qui a dsign ces instances de reprsentations comme tant l-
gitimes pour tous les Innus : les membres de ce peuple issus des neuf r-
serves ou le gouvernement?

Troisimement, la consultation des conseils de bande est-elle suffi-
sante dans le cadre dun projet de si grande ampleur, sachant que des di-
visions existent, sans parler du fait que les conseils constituent des insti-
tutions coloniales de gouvernement? Le gouvernement nest-il pas tenu de
dcider en ayant conscience de tous les points de vue? ce titre, ne con-
viendrait-il pas dinviter la table des ngociations des organismes repr-
sentant les intrts des femmes et des jeunes autochtones? De mme,
linvitation des ans ne serait-elle approprie, ceux-ci jouant un rle par-
ticulier au sein des communauts.
Quatrimement, ce jour, plusieurs organisations autochtones ne
considrent pas avoir t consultes. Par exemple, lassistant excutif du
prsident de la corporation Makivik indiquait lhiver 2012 quil ne pou-
vait dfinir ce qutait le Plan Nord et esprait que le Nunavik puisse de-
venir un partenaire77. Ghislain Picard, chef de lAssemble des Premires
Nations du Qubec et du Labrador, rappelait quen novembre 2009 son
organisation navait pas t invite la premire table des partenaires du
Plan Nord78. Ces allgations font preuve de lacunes dans la mise en uvre
de lobligation de consulter.
Cinquimement,
le gouvernement nest pas sans savoir que
lobligation de consulter se poursuivra tout au long de la ralisation du
Plan Nord, en aval et toutes les tapes de sa ralisation. ce titre, le
ministre responsable des affaires autochtones indique que la participation

droit soluble : contribution qubcoise ltude de linternormativit, Paris, LGDJ, 1996,
113 aux pp 116-17. Voir aussi Derrick Bell, Silent Covenants: Brown v. Board of Educa-
tion and the Unfulfilled Hopes for Racial Reform, Oxford, Oxford University Press,
2004.

76 Encore appele Nutakuan.
77 Harry Tulugak, allocution, Confrence Plan Nord : Perspectives, dfis et promesses
pour les communauts autochtones nordiques, prsente la Facult de droit de
lUniversit McGill, 11 fvrier 2012 [non publie].

78 Ghislain Picard, allocution, Confrence Plan Nord : Perspectives, dfis et promesses
pour les communauts autochtones nordiques, prsente la Facult de droit de
lUniversit McGill, 11 fvrier 2012 [non publie].

LA PLACE RSERVE LAVIS DES PEUPLES AUTOCHTONES 615

des Autochtones est essentielle la russite du projet79. Or, aucune ga-
rantie nexiste ce jour dans la lgislation discute lassemble parle-
mentaire. Rappelons que lAssemble nationale du Qubec a discut des
modalits encadrant la cration de la Socit du Plan Nord. Il est cepen-
dant impossible de prdire le poids qui sera accord aux reprsentants au-
tochtones au sein de son conseil dadministration et de savoir si la repr-
sentativit des personnes dsignes par la province pour intervenir au
nom des divers intrts autochtones sera assure.

Pourtant, certaines solutions existent en droit canadien pour mieux
tenir compte de la reprsentativit des positions autochtones. Des outils
permettant de dfinir clairement les bnficiaires de lobligation de con-
sulter ont t dtermins. La Cour suprme ne sest pas encore prononce
sur la question de savoir qui consulter prcisment. En revanche, la Cour
suprme de la Colombie-Britannique a t confronte cet enjeu en 2009.
Dans laffaire Nlakapamux Nation Tribal Council v. Griffin80, il tait
question de lextension dun dpotoir utilis par lentreprise Metro Van-
couver sur le territoire de la rserve de la Nation Nlakapamux. Au sein
de cette Nation, qui se compose elle-mme de plusieurs bandes, les opi-
nions sur lextension du dpotoir taient divises. Les reprsentants pr-
sums de la bande Ashcroft taient favorables lextension alors que le
Conseil Tribal de la Nation Nlakapamux tait contre le projet. La Cour
suprme de la Colombie-Britannique a donc tabli des balises pour con-
sulter les communauts autochtones en labsence de consensus. Elle sest
fonde sur le critre de la diligence raisonnable pour exiger du gouverne-
ment quil sassure de la prise en considration de tous les points de vue
existants au sein de la communaut81. Ce jugement, bien quil ait t ren-
vers par la Cour dappel de Colombie-Britannique en 201182, propose une
formule qui parat relever du bon sens. Si nous la transposions en con-
texte qubcois, elle signifierait que le gouvernement provincial doit con-
sulter lensemble des peuples autochtones concerns, que leurs revendica-
tions soient ou non rgles par la conclusion dune entente. De plus, en cas
de dissidence au sein dune nation, il lui incomberait de prendre en ligne
de compte tous les points de vue en prsence, dont celui des jeunes et des
femmes autochtones83.

79 Voir Mot du ministre, supra note 68.
80 2009 BCSC 1275, [2009] 4 CNLR 213, inf par 2011 BCCA 78, [2011] 2 CNLR 186.
81 Ibid au para 73.
82 Nlakapamux Nation Tribal Council v British Columbia (Environmental Assessment Of-

fice), 2011 BCCA 78 aux para 68-100, [2011] 2 CNLR 186.

83 En fvrier 2012, lorganisme Femmes autochtones du Qubec dplorait le manque de
prsence des femmes autochtones dans le cadre de llaboration du Plan Nord (Aurlie
Arnaud, allocution, Confrence Plan Nord : Perspectives, dfis et promesses pour les

616 (2014) 59:3 MCGILL LAW JOURNAL REVUE DE DROIT DE MCGILL

Au titre des solutions et au-del de la consultation, le modle de coges-
tion instaur en 2005 par la Norvge sur une partie des terres ancestrales
du peuple Saami, au sein du comt du Finnmark, pourrait tre considr.
Le Finnmark Act a transfr la proprit de prs de 95 % des terres du
comt un organisme foncier quelle institue. La loi prvoit que
lorganisme est administr par un conseil compos de six membres dsi-
gns parit par le Conseil du Comt de Finnmark et par le Parlement
Saami de Norvge84. Dans ce cadre, un poids quivalent est accord de
part et dautre aux Saamis et au Conseil du comt. Le gouvernement pro-
vincial pourrait lui aussi envisager la cration dune vritable socit de
cogestion du Nord qubcois, qui soit adapte au contexte de la province
et la pluralit des groupes autochtones. Nanmoins, en ltat actuel du
projet, cela nest pas envisag. Cette solution pourrait pourtant apaiser
certaines critiques qui ont t mises dans les mdias par lAssemble des
Premires Nations du Qubec et du Labrador et par certains chefs85,
puisquelle permet une forme dinclusion plus effective au processus de
prise de dcision.

Par consquent, le droit la consultation, tel quinstitu par la Cour
suprme et tel que mis en uvre dans le cadre de llaboration du Plan
Nord, ne parat pas tre un outil de conciliation quitable et suffisant,
parce que souvent exerc sans porter attention lidentit et aux repr-
sentations de celles et ceux qui sont consults et sans exiger la prise en
compte de lavis des peuples autochtones. ce titre, les ordres juridiques

communauts autochtones nordiques, prsente la Facult de droit de lUniversit
McGill, 11 fvrier 2012 [non publie]). Concernant les effets lis labsence de prise en
considration du point de vue des femmes autochtones, voir Gerdine Van Woudenberg,
Des femmes et de la territorialit : dbut dun dialogue sur la nature sexue des droits
des autochtones (2004) 34 : 3 Recherches amrindiennes au Qubec 75.

84 Lov 17. juni 2005 nr 85 om rettsforhold og forvaltning av grunn og naturressurser i
Finnmark fylke (Finnmarksloven) (Norvge). Une traduction anglaise est galement
disponible (Act of 17 June 2005 No. 85 relating to legal relations and management of
land and natural resources in the county of Finnmark (Finnmark Act) (Norvge), art 6-
7, en ligne : [Finnmark Act]).
85 Voir Lia Lvesque, Les Premires Nations dnoncent dj le Plan Nord , La Presse
canadienne (9 mai 2011) en ligne : ; Louis-
Gilles Francoeur, Le projet Charest nest pas applaudi partout : les cologistes dplo-
rent un dveloppement lancienne , Le Devoir [de Montral] (10 mai 2011) en ligne :
.
Sur les craintes dun contournement des revendications territoriales et sur la question de
la compensation, voir Tommy Chouinard, Des Innus partent en guerre contre le Plan
Nord , La Presse [de Montral] (21 novembre 2011) en ligne : .

LA PLACE RSERVE LAVIS DES PEUPLES AUTOCHTONES 617

international et interamricain sont porteurs de solutions qui pourraient
servir de modles contribuant lavancement du droit interne. Ces der-
niers semblent accorder une place plus importante au point de vue des
peuples autochtones dans les processus dcisionnels, en particulier dans
le cadre de projets aux rpercussions significatives sur le territoire. Il pa-
rat donc intressant dexaminer les normes qui en sont issues, en particu-
lier lobligation dobtenir le consentement des peuples autochtones,
puisque certaines composantes du Plan Nord supposent de telles rper-
cussions.

II. Lintrt des normes promues par lordre juridique international et par

le systme interamricain

En droit international et interamricain, le droit au CPL nest pas la
seule norme applicable lorsquun tat souhaite autoriser un projet de d-
veloppement ou dinvestissement en territoire autochtone, mais il occupe
une place plus importante quen droit interne. Cette norme apparat dans
la Dclaration des Nations Unies86 ainsi que dans la jurisprudence de la
Cour interamricaine, et certaines conditions encadrent son application.

Linterprtation de la Dclaration des Nations Unies, qui voque la
fois la consultation et lobtention du consentement des peuples autoch-
tones aux articles 19 et 3287, nest pas uniforme. En vertu de ce texte, la
simple consultation en vue dobtenir le consentement constituerait la
norme minimale lorsque les conditions de mise en uvre du droit au
CPL ne sont pas runies88. Lopposition de certains tats influents au

86 Dclaration des Nations Unies, supra note 22.
87 Larticle 19 nonce la chose suivante :

Les tats se concertent et cooprent de bonne foi avec les peuples autoch-
tones intresss par lintermdiaire de leurs propres institutions reprsen-
tatives avant dadopter et dappliquer des mesures lgislatives ou adminis-
tratives susceptibles de concerner les peuples autochtones, afin dobtenir leur
consentement pralable, donn librement et en connaissance de cause [nos ita-
liques] (ibid).

Larticle 32(2) prvoit quant lui ceci :

Les tats consultent les peuples autochtones concerns et cooprent avec
eux de bonne foi par lintermdiaire de leurs propres institutions reprsenta-
tives, en vue dobtenir leur consentement, donn librement et en connaissance
de cause, avant lapprobation de tout projet ayant des incidences sur leurs
terres ou territoires et autres ressources, notamment en ce qui concerne la
mise en valeur, lutilisation ou lexploitation des ressources minrales, hy-
driques ou autres [nos italiques] (ibid).

88 Committee on the Rights of Indigenous Peoples, Final Report , 75e Confrence de
lInternational Law Association, prsente Sofia, Bulgarie, 26 au 30 aot 2012 aux

618 (2014) 59:3 MCGILL LAW JOURNAL REVUE DE DROIT DE MCGILL

droit au CPL, lors des ngociations de la Dclaration des Nations Unies,
a sans doute eu un effet sur la formulation des dispositions de ce texte89 et
sur ltat actuel dambivalence du droit international.
Malgr cette hsitation lgard du droit au CPL, il nous parat op-
portun de prsenter le contenu des dispositions et des jugements rendus
et den proposer des interprtations propres favoriser lintgration du
droit au CPL en droit interne.
Avant daborder ltat du droit, nous allons prsenter la catgorie de
projets que le droit international a qualifis de dveloppements
denvergure , puisquelle semble avoir des rpercussions sur la place at-
tribuer lavis du peuple autochtone affect en matire de participation
la prise de dcision. Nous analyserons les forces et les limites de cette
qualification dans le contexte spcifique de lexploitation du Nord qub-
cois. Nous allons ensuite exposer le contenu dune norme en construction :
le droit lobtention du consentement pralable, libre et clair et les con-
troverses qui lentoure. Lintrt de cette norme dans le cadre du Plan
Nord sera galement prcis. Ce faisant, les normes dveloppes en droit
international et interamricain devraient tre une source dinspiration
pour le droit interne quant la qualification de projet de dveloppement
denvergure (A), la promotion du droit au CPL (B) et au rle de ltat
(C).

A. La catgorie projet de dveloppement denvergure : forces et limites

dans le contexte de lexploitation du Nord qubcois

En vertu du droit international et interamricain, le Plan Nord peut
tre qualifi de projet de dveloppement territorial denvergure ou
grande chelle , sinscrivant ainsi dans une catgorie juridique apparue
en droit international au courant des annes 2000.
Ds 2003, le Rapporteur spcial des Nations Unies sur les droits des
populations autochtones dfinit lexpression projet de dveloppement
denvergure :

Lexpression projet de dveloppement denvergure dsigne des
programmes dinvestissement de capitaux publics ou privs, natio-
naux ou internationaux visant la mise en place ou lamlioration des
infrastructures matrielles dune rgion donne, la transformation

pp 3-7 [non publie], en ligne :
[Confrence de Sofia].

89 Jeremie Gilbert et Cathal Doyle, A New Dawn over the Land: Shedding Light on Col-
lective Ownership and Consent dans Stephen Allen et Alexandra Xanthaki, dir, Re-
flections on the UN Declaration on the Rights of Indigenous Peoples, Oxford, Hart, 2011,
289 aux pp 316-17.

LA PLACE RSERVE LAVIS DES PEUPLES AUTOCHTONES 619

industriels

centrales

ou miniers, de

long terme dactivits de production impliquant une modification de
lutilisation des terres et des droits de proprit sur celles-ci,
lexploitation grande chelle des ressources naturelles, y compris
les ressources du sous-sol, et la construction de centres urbains, de
sites
nergtiques,
dinstallations dextraction et de raffineries, dinfrastructures touris-
tiques, dinstallations portuaires, de bases militaires et autres entre-
prises analogues. Lobjectif poursuivi est variable; il peut sagir de
renforcer la croissance conomique, de rguler les crues, de produire
de llectricit ou dautres nergies, damliorer les rseaux de trans-
port, de promouvoir les exportations afin de disposer de devises, de
crer de nouveaux tablissements, de veiller la scurit nationale
ou encore de crer des emplois et des sources de revenus pour les po-
pulations de la rgion90.

Cette dfinition a servi dappui au nouveau Rapporteur spcial, James
Anaya, dans sa rcente analyse sur les industries extractives91, ainsi qu
la Cour interamricaine, instance judiciaire principale du systme inte-
ramricain de protection des droits humains. Dans un arrt de 200792,
celle-ci citait le passage suivant du rapport de Rodolfo Stavenhagen :

Lorsque [des projets grande chelle] se produisent dans des rgions
habites par des peuples autochtones, on peut sattendre que les
communauts concernes connaissent des bouleversements sociaux
et conomiques, qui ne sont pas toujours compris, et certainement
pas toujours prvus, par les autorits charges de la promotion du
projet.
[…]
Les principales consquences de ces projets sur les droits de lhomme
des peuples autochtones sont la perte des territoires et terres tradi-
tionnels, lexpulsion, la migration et la rimplantation qui sensuit,
lpuisement des ressources ncessaires la survie matrielle et cul-
turelle, la destruction et la pollution de lenvironnement traditionnel,
la dsorganisation sociale et communautaire, la dtrioration long
terme de la sant et de la nutrition ainsi que, dans certains cas, la
perscution et la violence93.

90 Commission des droits de lhomme, Rapport du Rapporteur spcial sur la situation des
droits de lhomme et des liberts fondamentales des populations autochtones, M. Rodolfo
Stavenhagen, prsent en application de la rsolution 2002/65 de la Commission, Doc
off CES NU, 2003, Doc NU E/CN.4/2003/90 la p 5 [Rapport Stavenhagen].

91 James Anaya, Report of Special Rapporteur on the rights of indigenous peoples: Extrac-
tive industries operating within or near indigenous territories, Doc off AG NU, 18e sess,
Doc NU A/HRC/18/35, (2011) aux para 26, 30-33, 38, 59 et 61 [Anaya, Rapport 2011 ].

92 Saramaka People, supra note 28 au para 135.
93 Rapport Stavenhagen, supra note 90 la p 2. Ce passage a t repris par Saramaka
People (supra note 28 au para 135). Dans un rcent arrt, la Cour interamricaine
nvoque pas cette catgorie de projet (Affaire Kichwa Indigenous People of Sarayaku
(Ecuador), (2012), Inter-Am Ct HR (Sr C) n245 au para 158 [Sarayaku]). Cependant,

620 (2014) 59:3 MCGILL LAW JOURNAL REVUE DE DROIT DE MCGILL

Dans cette affaire, la Cour interamricaine avait alors qualifi de projet
denvergure lexploitation dune mine dor ayant entran la pollution de
ressources essentielles au mode de vie de la communaut tribale requ-
rante (en lespce, leau) et le rehaussement dun barrage hydrolectrique
sur le mme territoire, ceux-ci ayant eu pour consquence le dplacement
de la communaut94.

La catgorie juridique projet de dveloppement denvergure telle
que dfinie par Rodolfo Stavenhagen est donc valide tant en droit interna-
tional quen droit interamricain. De plus, au regard du contenu et des ob-
jectifs du Plan Nord, nous considrons quelle est pertinente pour qualifier
ce projet. Celui-ci modifie tout dabord lutilisation des terres. Il prvoit
aussi lexploitation grande chelle de diverses ressources naturelles, cer-
taines dentre elles pouvant mme tre qualifies de rares, telles que le
nickel, le cobalt, le zinc, le minerai de fer et dilmnite, lor, le lithium, le
vanadium, des lments de terres rares, luranium ou le diamant95. Le
Plan Nord est prsent comme tant la fois un projet de dveloppement
nergtique, minier, forestier, bioalimentaire, touristique et du transport.
Il peut tre qualifi de projet denvergure, selon la dfinition internatio-
nale, puisquil vise lamlioration des infrastructures matrielles. Pensons
ce titre au dveloppement tant du systme routier que des infrastruc-
tures touristiques voqu par le gouvernement libral96. En outre, bien
que qualifi de durable97 par celui-ci, parce que comportant un volet so-
cial, conomique et cologique, ce projet de dveloppement reste
denvergure. Rappelons que selon Rodolfo Stavenhagen, lobjectif poursui-

nous ne pensons pas quil faille en dduire que la Cour interamricaine est revenue sur
la solution rendue dans larrt Saramaka People. Au contraire, dans cette nouvelle af-
faire, les requrants ne se sont pas fonds sur larrt de 2007 pour faire valoir leurs
droits. De ce fait, la Cour na pas examin laffaire la lumire du rgime tabli dans
larrt Saramaka People.

94 Saramaka People, supra note 28.
95 Le site Internet du Plan Nord indique aussi que [m]algr tous les grands projets en
cours, le potentiel des ressources minrales du Nord qubcois est loin dtre entire-
ment connu. En fait, seulement 40 % du potentiel minier a t rpertori (Gouverne-
ment du Qubec, Plan Nord : mise en valeur dun immense potentiel minier , en ligne :
Dveloppement nordique ).
96 Cabinet du premier ministre du Qubec, communiqu Cration de la socit du Plan
Nord et investissements de 2,1 G$ sur 5 ans (9 mai 2011), en ligne : Site officiel du
premier ministre du Qubec .

97 Voir Gouvernement du Qubec, Le potentiel conomique : les ressources forestires
(2013), en ligne : Dveloppement nordique . Pour une critique de ce qualificatif, voir Asselin, Autochtones , supra note 7 la
p 43.

LA PLACE RSERVE LAVIS DES PEUPLES AUTOCHTONES 621

vi par les autorits peut tre variable98. De plus, ce dernier se dploiera
grande chelle vu la superficie affecte (72 % de la superficie du Qubec).
Une dernire raison justifie lusage de cette catgorie juridique dans le
cadre du Plan Nord. Celui-ci gnrera vraisemblablement des effets n-
fastes significatifs sapparentant ceux dcrits par la Cour interamri-
caine dans larrt Saramaka People99. Mme si elle est annonce comme
tant respectueuse des normes du dveloppement durable, lexploitation
des ressources naturelles, notamment minires, a toutes les chances
davoir des consquences irrversibles sur les cosystmes, affectant ainsi
lenvironnement, le territoire et lhumain100. Cet aspect des activits ex-
tractives est abord par le Rapporteur spcial des Nations Unies sur les
droits des populations autochtones. Dans le cadre de son enqute interna-
tionale, James Anaya rappelle la chose suivante :

The majority of indigenous representatives and organizations also
listed environmental impact as a principle issue of concern. […]
Common negative environmental effects reported in the responses in-
clude the pollution of water and lands and the depletion of local flora
and fauna.
With respect to the negative impact of extractive operations on water
resources, it was noted that water resource depletion and contamina-
tion has had harmful effects on available water for drinking, farming
and grazing cattle, and has affected traditional fishing and other ac-
tivities, particularly in fragile natural habitats101.

Si une telle dgradation est occasionne102, le Plan Nord affectera les
droits humains de tous les locaux, notamment leur droit la sant et un
environnement sain, ainsi que le droit aux terres, au territoire et des
ressources des peuples autochtones. En ce qui concerne laccs aux res-
sources essentielles la vie, la relation qui existe entre laccs une eau
salubre et le respect des droits humains est aujourdhui bien documente.
Le lien entre le droit la sant103, le droit des conditions de vie suffi-

98 Rapport Stavenhagen, supra note 90 la p 5.
99 Voir Saramaka People, supra note 28 au para 135.
100 Voir Hugo Asselin, Le Plan Nord : vers un autre cas de maldiction des ressources na-
turelles? dans Carole Lvesque et Daniel Sale, dir, Les peuples autochtones et le Plan
Nord : lments pour un dbat, Montral, Cahier Dialog, 2012 [ paratre] [Asselin,
Plan Nord ].

101 Anaya, Rapport 2011 , supra note 91 aux para 30-31.
102 Cela semble fort envisageable si lon considre les positions de divers scientifiques sur
la question. Pour une recension de ces opinions, voir Asselin, Plan Nord , supra
note 100.

103 Voir PIDESC, supra note 18, art 12.

622 (2014) 59:3 MCGILL LAW JOURNAL REVUE DE DROIT DE MCGILL

santes104 et le droit leau, sans parler du droit une vie digne, a dj t
soulign par le Comit sur les droits conomiques, sociaux et culturels des
Nations Unies, qui insiste sur limportance davoir accs une eau sa-
lubre non contamine et exempte de substances chimiques105. Le droit
leau est donc reconnu sur le plan international et la mise en uvre du
Plan Nord pourrait y porter atteinte. Dans ce cadre, il pourrait occasion-
ner les effets dun projet de dveloppement denvergure.

Par consquent, prsent comme tant un projet de dveloppement
commun et durable, le Plan Nord, considr dans une optique globale, est
aussi un projet de dveloppement denvergure, vu son contenu, ses objec-
tifs et ses effets potentiels. En pratique toutefois, chaque projet de dve-
loppement auquel le Plan Nord donnera naissance, sil est conu isol-
ment, ne sera pas ncessairement denvergure. Certains dveloppements
nauront pas un effet significatif sur le territoire et sur la vie des Autoch-
tones comme peut notamment lavoir lextraction de lor ou dautres mine-
rais. De plus, un mme projet, par exemple la cration dune pourvoirie ou
dun parc national qui promeut les activits de plein air, le tourisme
daventure ou lcotourisme, peut avoir des rpercussions plus ou moins
importantes selon le contexte dans lequel il est dvelopp. Cependant, il
est important de se dtacher dune conception fragmente et de considrer
lexploitation du nord dans sa globalit, en tant que projet de dveloppe-
ment dune grande partie du territoire de la province, affectant de fait les
territoires autochtones. Une telle conception permet de tenir compte des
effets cumulatifs de tous ces projets. De plus, la qualification des rper-
cussions dun projet, significatives ou non, est trs subjective. Un projet
dcotourisme, souvent peru comme faiblement significatif, peut avoir un
effet important sur la relation quentretiennent les peuples autochtones
avec leurs territoires, par exemple, lorsque ce projet vient entraver le pas-
sage du gibier sur une ligne de trappe, ou lorsque ce projet est dvelopp
proximit dun site sacr. Cela met en exergue lintrt de qualifier le Plan
Nord de projet denvergure et limportance de collaborer avec les Autoch-
tones, de les couter et de tenir compte de leurs savoirs sur le territoire
pour limiter les rpercussions nfastes.
En outre, cette qualification a une rsonnance particulire en droit in-
teramricain et en droit international. En 2007, un rgime juridique sp-
cifique a t chafaud par la Cour interamricaine. Celle-ci reconnat la
ncessit dobtenir le CPL des peuples autochtones avant la mise en
uvre de tout projet de dveloppement denvergure qui porterait atteinte

104 Ibid, art 11(1).
105 Comit des droits conomiques, sociaux et culturels, Observation gnrale no 15 : Le
droit leau (art. 11 et 12 du Pacte), Doc off NU, 29e sess, E/C.12/2002/11 (2002) aux pa-
ra 1, 8, 10, 12.

LA PLACE RSERVE LAVIS DES PEUPLES AUTOCHTONES 623

leurs droits au territoire et aux ressources106. Pour les institutions in-
ternationales, ce jugement de la part dun tribunal rgional est une rf-
rence. Il constitue donc un prcdent important au-del du seul systme
interamricain107. En droit interne, sinspirer de cette catgorie a deux
avantages principaux : elle place les peuples autochtones en tant que par-
ticipants effectifs au processus de prise de dcision et impose une rflexion
sur les rpercussions conjugues de chaque dveloppement driv du Plan
Nord. Toutefois, cette catgorie a ses faiblesses dans la mesure o elle
rend lgitime la simple consultation en labsence de projet de dveloppe-
ment denvergure. Or, dans un contexte de promotion de la pratique de la
ngociation et de la notion dautonomie gouvernementale par le systme
juridique108 et dans un contexte politique o les peuples autochtones sont
qualifis de partenaires, la simple consultation a-t-elle encore sa place?

B. Le droit lobtention du CPL : gense dune norme dintrt dans le

cadre de lexploitation du Nord qubcois

Que signifie le droit au CPL? Quelles sont les conditions de mise en
uvre de cette norme, tant en vertu de la Dclaration des Nations
Unies109, quen vertu de la jurisprudence de la Cour interamricaine?
Telles vont tre les questions qui guideront notre analyse. Celle-ci sera
base sur la Dclaration des Nations Unies et sur les jugements de la
Cour interamricaine, mme si plusieurs autres documents internatio-
naux reconnaissent galement le droit au consentement110. Toutefois, en

106 Saramaka People, supra note 28.
107 Voir Centre for Minority Rights Development (Kenya) and Minority Rights Group Inter-
national on behalf of Endorois Welfare Council v Kenya (2010), No 276/2003, Commis-
sion africaine des droits de lhomme et des peuples, en ligne : . Prci-
sons toutefois, quen droit international, le concept de projet de dveloppement
denvergure est apparu dans les rapports du rapporteur spcial, mais na pas t em-
ploy dans le cadre de la Dclaration des Nations Unies, supra note 22. son ar-
ticle 32(2), celle-ci impose lobtention du CPL avant la mise en uvre de tout projet
ayant des rpercussions sur les terres, territoires et ressources dun peuple autochtone,
sans ne formuler de limitations. Toutefois, au stade de linterprtation de cette disposi-
tion internationale, le jugement de la Cour interamricaine Saramaka People (supra
note 28) est une rfrence. Voir notamment Confrence de Sofia, supra note 88 la p 4.

108 Voir notamment lesprit de la Dclaration des Nations Unies, supra note 22.
109 Ibid.
110 Le Comit des Nations Unies pour llimination de la discrimination raciale se posi-
tionne en faveur de la participation des peuples autochtones la vie politique et cono-
mique. Il indique quaucune dcision directement lie leurs droits et leurs intrts
ne devrait tre prise sans leur consentement inform (Comit pour llimination de la
discrimination raciale, Recommandation gnrale XXIII concernant les droits des popu-
lations autochtones, 51e sess, Doc NU A/52/18 (1997) au para 4, rimprim dans Rcapi-
tulation des observations gnrales ou recommandations gnrales adoptes par les or-

624 (2014) 59:3 MCGILL LAW JOURNAL REVUE DE DROIT DE MCGILL

ltat actuel du droit canadien, ces derniers sont apparus moins significa-
tifs. Une dernire sous partie traitera enfin des effets du droit au CPL
dans le contexte plus prcis du Plan Nord.

1. Signification du droit au CPL

Il est important de dfinir ce quest le droit au CPL pour le distin-
guer du droit la consultation et en souligner lintrt. En outre, cela va
nous permettre de rompre avec lide selon laquelle le droit international
ne cernerait pas prcisment le contenu de cette norme. Pour ce faire,
nous aurons recours plusieurs documents internationaux.
Dans ses Lignes directrices sur les questions relatives aux peuples au-
tochtones, le Groupe des Nations Unies pour le dveloppement (le
Groupe)111 reprend linterprtation donne par lInstance permanente sur
les questions autochtones112 (lInstance) de chacune des composantes du
droit au CPL.
De manire prliminaire, remarquons demble quil sagit dun droit
au consentement, ce qui implicitement laisse entendre que le groupe con-
sult peut sopposer au projet de dveloppement et refuser de donner son
accord. Lavis quil rendra sera donc de nature lier le gouvernement.
Cette caractristique distingue le droit au consentement du droit la con-
sultation. Elle donne un poids effectif lavis du groupe en question dans
le processus de prise de dcision.

ganes crs en vertu dinstruments internationaux relatifs aux droits de lhomme, 2006,
Doc NU HRI/GEN/1/Rev.8 [Recommandation gnrale XXIII]). Le Comit des droits de
lhomme des Nations Unies, en tant que gardien du Pacte international relatif aux
droits civils et politiques, a lui aussi prioris le droit au consentement pralable, libre et
clair des peuples autochtones dans une de ses communications (voir Comit des droits
de lhomme, Poma Poma v Pru: Views, 95e sess, Doc NU CCPR/C/95/D/1457/2006 (27
mars 2009) [Poma Poma]). Quant lui, le protocole de Nagoya impose lobtention du
CPL des peuples autochtones lorsque les tats partis souhaitent avoir accs aux res-
sources gntiques situes en territoire autochtone ou aux connaissances tradition-
nelles de ces peuples qui sont associs des ressources gntiques, conformment la
lgislation interne. Dans ce cadre, les codes de conduite en matire de consultation doi-
vent tre dfinis par les peuples autochtones (Protocole de Nagoya sur laccs aux res-
sources gntiques et le partage juste et quitable des avantages dcoulant de leur utilisa-
tion la Convention sur la diversit biologique, Doc NU UNEP/CBD/COP/DEC/X/1 (29
octobre 2010), art 6, 7). Au moment o nous crivons ces lignes, le Canada na pas rati-
fi le protocole, qui, par consquent, nest pas applicable en territoire canadien.

111 Groupe des Nations Unies pour le dveloppement, Lignes directrices sur les questions

relatives aux peuples autochtones, New York, Genve, NU, 2009 [Lignes directrices].

112 Instance permanente sur les questions autochtones, Rapport sur les travaux de lAtelier
international sur le consentement pralable, libre et clair et les peuples autochtones,
Doc NU E/C.19/2005/3 aux pp 13-14 [Instance].

LA PLACE RSERVE LAVIS DES PEUPLES AUTOCHTONES 625

Selon le Groupe et lInstance, le consentement libre signifie que les
peuples autochtones doivent donner leur consentement en labsence de
coercition, dintimidation ou de manipulation, par lintermdiaire des ins-
tances reprsentatives quils auront pralablement dfinies. Celles-ci doi-
vent reprsenter les points de vue des femmes autochtones et des
jeunes113. Le premier avantage de cette modalit est quelle attribue une
place aux jeunes et aux femmes dans le processus. De plus, elle permet
aux peuples autochtones de donner leur avis lextrieur des organes ins-
titus par la colonisation.
Le terme pralable suppose que le consentement a t sollicit

suffisamment longtemps avant toute autorisation ou tout dbut dactivit
et que les dlais ncessaires aux processus autochtones de consultation et
de recherche dun consensus ont t respects 114. Il en rsulte que les
Autochtones doivent disposer dun dlai suffisamment long pour discuter,
avec les membres de la communaut concerne, du projet propos par le
gouvernement, se forger une opinion et la communiquer avant que le gou-
vernement ne commence prendre des dcisions. Dans son rapport de
2011, James Anaya insiste sur le fait que les communauts autochtones
concernes doivent tre informes le plus tt possible115. Le Guide sur la
Convention n169 de lOIT116 prcise que la participation des peuples au-
tochtones doit intervenir avant lexploration des ressources du sous-sol117.
Les Lignes directrices dfinies par le Groupe imposent, quant elles,
lobtention du consentement avant la dlivrance de permis de prospection
et ds le stade de lvaluation et de la planification118, donc extrmement
tt dans le processus. En la matire, le droit international est plus prcis
que la jurisprudence de la Cour suprme du Canada et plus exigeant.
En ce qui concerne le concept de consentement clair , ltat doit
donner aux peuples autochtones une information complte et adquate

113 Ibid la p 14; Lignes directrices, supra note 111 la p 31.
114 Ibid.
115 Anaya, Rapport 2011 , supra note 91 au para 41.
116 Organisation internationale du travail, Les droits des peuples autochtones et tribaux
dans la pratique : Un guide sur la Convention no169 de lOIT, Genve, OIT, 2009 [Guide
sur la Convention no169]. Ce Guide est ici dintrt, mme si le Canada na ni sign ni
ratifi cette convention, car linterprtation quil propose des dispositions de la Conven-
tion tient compte des avances en droit international des peuples autochtones et reflte
donc ltat du droit international des peuples autochtones.

117 Ibid la p 61.
118 Lignes directrices, supra note 111 aux pp 19, 31.

626 (2014) 59:3 MCGILL LAW JOURNAL REVUE DE DROIT DE MCGILL

sur le projet119. Il a galement obligation de sassurer que le ou les peuples
concerns ont la possibilit de comprendre linformation transmise, la
langue utilise, les rpercussions positives et ngatives du projet et quils
sont informs des avantages, des inconvnients et des impacts potentiels
de linitiative, lments qui se traduisent en une obligation de transpa-
rence. En la matire, le Groupe a numr divers lments dinformation
qui sont alors requis. Ceux-ci portent, entre autres, sur la nature,
lampleur, lvolution, la rversibilit et la porte de tout projet ou activit
propos; les objectifs du projet ou de lactivit; leur dure; la localisa-
tion des zones concernes et le personnel susceptible de contribuer
lexcution du projet propos (y compris le personnel autochtone […]) . En
outre, le Groupe ajoute que le gouvernement doit transmettre [u]ne va-
luation prliminaire des incidences conomiques, sociales, culturelles et
environnementales probables, y compris les risques potentiels et le par-
tage juste et quitable des avantages, compte tenu du principe de prcau-
tion […] 120. Le Guide sur la Convention no169 insiste quant lui sur le
droit daccs des peuples autochtones une information complte et intel-
ligible tout au long du processus dlaboration et de dveloppement du
projet 121 . En pratique, cela implique une collaboration aux phases
dvaluation, de planification, dexcution, de suivi, de bilan et
dachvement dun projet122.
En ce qui a trait aux modalits de mise en uvre du droit au CPL, ce
guide prcise que les peuples autochtones doivent avoir la possibilit ef-
fective de faire des contre-propositions 123. Dans ce contexte, la tenue
daudiences publiques est insuffisante, puisque les peuples autochtones
concerns doivent avoir un impact vritable sur la dcision124. Enfin, de
manire gnrale, le gouvernement a lobligation dagir de bonne foi125.
Cette obligation sapplique toutes les tapes du processus et suppose, en
pratique, un devoir de sincrit, de transparence, de respect mutuel et de

119 Ibid la p 31. Voir aussi James Anaya, Statement of Special Rapporteur to UN Gene-
ral Assembly (17 octobre 2011), en ligne : [Statement of Special Rapporteur].
120 Lignes directrices, supra note 111 la p 31. Il est intressant de noter ici que le partage

des avantages issus de lexploitation procde du droit au consentement clair.

121 Guide sur la Convention n169, supra note 116 la p 62.
122 Voir Lignes directrices, supra note 111 la p 31.
123 LOIT rappelle que ltat doit prendre des mesures pour encourager le dveloppement
dinstitutions et dinitiatives propre aux peuples autochtones et, le cas chant, en leur
fournissant les ressources ncessaires (Guide sur la Convention n 169, supra note 116
la p 62).

124 Ibid.
125 Voir Lignes directrices, supra note 111 la p 31.

LA PLACE RSERVE LAVIS DES PEUPLES AUTOCHTONES 627

dialogue. Ltat a galement lobligation dallouer des fonds ncessaires
aux communauts concernes pour que le processus seffectue126. Enfin,
un systme efficace de communication doit tre labor entre les parties
pour assurer la bonne circulation de linformation127.
Les Lignes directrices du Groupe et le Guide sur la Convention n169

de lOIT constituent des outils pertinents dinterprtation du droit inter-
national et interamricain. Les lignes directrices ont vocation aider les
diverses institutions des Nations Unies intgrer les questions autoch-
tones et dfinissent un cadre normatif, stratgique et oprationnel gn-
ral […] 128. Le Guide pour la Convention n169 contient quant lui des
lments dinterprtation de la Convention mis jour la lumire du
droit international. Le contenu de ces deux documents permet donc de
clarifier et de prciser les disposions de la Dclaration des Nations Unies,
mais aussi la jurisprudence de la Cour et de la Commission interamri-
caine, dautant plus que les deux instances rgionales adoptent une inter-
prtation contextuelle des instruments de droit international et des
normes adoptes par cet ordre en droit des peuples autochtones. Ces deux
documents sont dautant plus pertinents que leur contenu a t rappel
lautomne 2011 par le Rapporteur spcial des Nations Unies sur les droits
des populations autochtones129 et a t repris par le Guide de bonne pra-
tique du Conseil International des Mines et Minraux 130 . De plus,
linterprtation quils privilgient a initialement t propose par

126 Ibid la p 28.
127 Ibid la p 31.
128 Ibid la p 1.
129 Statement of Special Rapporteur, supra note 119.
130 Conseil International des Mines et Mtaux, Guide de bonnes pratiques : Les peuples au-
tochtones et lexploitation minire, 2010 aux pp 7, 23-24, en ligne : Conseil International
des Mines et Mtaux [Guide de bonnes pratiques]. Les
normes de ce guide et celles tablies dans les lignes directrices du Groupe des Nations
Unies pour le dveloppement convergent quant au moment auquel doit dbuter
lobligation dobtenir le consentement de la communaut. Il sagit du stade de la pros-
pection. Le guide impose en effet aux membres du Conseil international des mines et
mtaux d tablir des relations et consulter les peuples autochtones de manire juste,
opportune et culturellement correcte pendant toute la dure de vie du projet. Il
ajoute :

Les relations seront fondes sur des informations honntes et franches, four-
nies sous une forme accessible aux peuples autochtones. Elles dbuteront
lors de la phase la plus prcoce des activits minires potentielles, avant
mme lexploration sur le terrain. Elles seront, dans la mesure du possible,
amorces par lintermdiaire des autorits traditionnelles des communauts
et se drouleront dans le respect des structures et des processus traditionnels
de prise de dcision (ibid la p 109).

628 (2014) 59:3 MCGILL LAW JOURNAL REVUE DE DROIT DE MCGILL

lInstance131. Une question reste cependant en suspens : le droit au CPL
est-il applicable en tout temps ou existe-t-il des conditions dapplication
entourant sa mise en uvre?

2. Les conditions dapplication du droit au CPL : des interprtations

ambigus

Le droit au CPL des peuples autochtones est-il applicable en tout
temps lorsque ltat souhaite dvelopper des projets sur les territoires
traditionnels autochtones ou comporte-t-il des conditions dapplication?
Lors de la Confrence de Sofia 2012, le Comit sur les droits des peuples
autochtones de lAssociation pour le droit international (le Comit ADI) a
port sa rflexion sur les conditions de mise en uvre de larticle 19 de la
Dclaration des Nations Unies132 et sur le contenu de larticle 32 de ce
mme texte133.

Selon ce comit, larticle 19 ne confrerait pas automatiquement un
droit de veto ou de blocage dans le processus de prise de dcision aux
peuples autochtones dont les intrts sont affects par une mesure lgi-
slative ou administrative134, bien que cela soit le cas lorsque la Dclaration
des Nations Unies voque le droit la rparation, la restitution ou

131 Instance, supra note 112.
132 Dclaration des Nations Unies, supra note 22, art 19 :

Les tats se concertent et cooprent de bonne foi avec les peuples autoch-
tones intresss par lintermdiaire de leurs propres institutions reprsen-
tatives avant dadopter et dappliquer des mesures lgislatives ou adminis-
tratives susceptibles de concerner les peuples autochtones, afin dobtenir leur
consentement pralable, donn librement et en connaissance de cause.

133 Ibid, art 32 :

Les peuples autochtones ont le droit de dfinir et dtablir des priorits et des
stratgies pour la mise en valeur et lutilisation de leurs terres ou territoires
et autres ressources.
Les tats consultent les peuples autochtones concerns et cooprent avec eux
de bonne foi par lintermdiaire de leurs propres institutions reprsentatives,
en vue dobtenir leur consentement, donn librement et en connaissance de
cause, avant lapprobation de tout projet ayant des incidences sur leurs terres
ou territoires et autres ressources, notamment en ce qui concerne la mise en
valeur, lutilisation ou lexploitation des ressources minrales, hydriques ou
autres.

134 Confrence de Sofia, supra note 88 la p 4 :

Generally speaking, in light of the wording of Article 19, of its comparison
with other articles included in the UNDRIP (e.g. Articles 28(1) and 29(2)), as
well as of relevant State practice, it is not possible to conclude that Article 19
may be interpreted as establishing a general right of veto in favour of the in-
digenous communities concerned to block the adoption or implementation of
the governmental measures which may affect them per se.

LA PLACE RSERVE LAVIS DES PEUPLES AUTOCHTONES 629

lindemnisation en matire de terres, territoires et ressources135, ou encore
les mesures que doivent prendre les tats pour viter le stockage de ma-
tires dangereuses sur les terres ou territoires autochtones136. Au con-
traire, selon le Comit ADI, les caractristiques de la procdure varient au
cas par cas, en fonction de la nature de la mesure propose et de ltendue
de ses effets sur les peuples autochtones, lorsquil sagit de larticle 19137.
Daprs lui, cette disposition sapplique lorsquune mesure mise en uvre
par le gouvernement a toutes les chances daffecter de manire particu-
lire les peuples autochtones, sans avoir les mmes rpercussions sur les
non Autochtones138. De plus, leffet de la mesure sur les intrts autoch-
tones, le type dintrts viss par celle-ci ou le contexte auraient des con-
squences sur lapplication de lobligation dobtenir le consentement de la
communaut. Sur le fondement de la Dclaration des Nations Unies, le
Comit ADI accorde une forte prsomption lobtention du consentement
des peuples affects lorsquune mesure a un effet direct et significatif sur
la vie ou les territoires des peuples autochtones139. Quant elle, la Cour
interamricaine impose lobtention du consentement des peuples autoch-
tones toutes les fois o un projet de dveloppement denvergure a un im-
pact majeur sur leur droit de proprit sur les terres ou les ressources.
Leffet majeur ou significatif du projet porte alors sur des droits et non
plus sur lhumain. ce niveau, linterprtation prodigue par le Comit
ADI sur le fondement de larticle 19 de la Dclaration des Nations Unies
parat plus gnreuse que celle de la Cour interamricaine, puisque celui-
ci prend pour rfrence les effets de la mesure sur la vie ou les territoires
des peuples autochtones, alors que la Cour interamricaine value ces ef-
fets laune des droits reconnus. De plus, en se fondant sur la pratique in-
ternationale, le Comit ADI identifie quelques situations dans lesquelles
lobtention du consentement sur le fondement de larticle 19 revt un ca-
ractre obligatoire, notamment lorsque ltat a lintention de conduire des
activits dexploitation sur des terres traditionnelles autochtones140.
En ce qui concerne larticle 32 de la Dclaration des Nations Unies, ce-
lui-ci consacrerait la reconnaissance dun droit de veto aux peuples au-
tochtones sous certaines conditions, quil sagisse de mesures de dplace-
ment des populations des territoires ancestraux, de mesures aboutissant
la privation de la proprit culturelle, intellectuelle, religieuse et spiri-

135 Dclaration des Nations Unies, supra note 22, art 28(1).
136 Ibid, art 29(2).
137 Confrence de Sofia, supra note 88 la p 4.
138 Ibid aux pp 3-4 (il reprend en cela linterprtation du Rapporteur spcial des Nations

Unies sur les droits des peuples autochtones).

139 Ibid la p 4.
140 Ibid la p 6.

630 (2014) 59:3 MCGILL LAW JOURNAL REVUE DE DROIT DE MCGILL

tuelle ou de mesures ayant pour consquence la prise de terres, de terri-
toires et de ressources autochtones141.
Enfin, une autre possibilit peut donner naissance lobligation
dobtenir le consentement du peuple affect, que ce soit en vertu de
larticle 19 ou de larticle 32 de la Dclaration des Nations Unies. Celle-ci
se fonde sur linterprtation contextuelle des dispositions de la Dclara-
tion des Nations Unies 142 et suppose la prise en compte du contexte, de
lobjet et du but de la disposition, en relation avec les autres dispositions
du mme texte143. Cette mthode permet ainsi de rompre avec une inter-
prtation abstraite des dispositions dun trait, isoles les unes par rap-
port aux autres. Les articles 19 et 32 peuvent alors tre interprts en re-
lation avec les articles 3, 4 et 43 de la Dclaration des Nations Unies sur le
droit lautodtermination, sur le droit lautonomie gouvernementale et
sur la Dclaration des Nations Unies mme en tant que document conte-
nant des normes minimales ncessaires la survie, la dignit et au
bien-tre des peuples autochtones. Les deux articles peuvent galement
tre examins en rapport avec la jurisprudence portant sur les organes is-
sus des traits onusiens, que ce soit le Comit des droits de lhomme, le
Comit pour llimination de la discrimination raciale ou le Comit des
droits conomiques, sociaux et culturels, qui tous reconnaissent
lobligation dobtenir le CPL des peuples autochtones144. De plus, cela si-
gnifie que lobligation dobtenir le consentement existerait toutes les fois
o labsence de sa mise en uvre conduit une violation des droits des
peuples autochtones garantis par les tats. Cest notamment le cas lors-
que lessence de leur intgrit culturelle est en danger145, lorsquil y a une
atteinte leur droit de proprit, leur droit davoir leurs propres strat-
gies pour la mise en valeur de leurs terres ou leur droit de conserver et
renforcer leur relation la terre, aux territoires et ressources tradition-
nelles146.

Par ailleurs, dans les cas o les articles 19 et 32 ne donnent pas lieu
un droit de veto, par exemple lorsque leffet de la mesure sur les terri-
toires ou sur les vies des peuples autochtones est indirect et non significa-
tif, le Comit ADI semble interprter ces dispositions comme imposant

141 Ibid la p 7.
142 Ibid.
143 Voir Convention de Vienne sur le droit des traits, 23 mai 1969, 1155 RTNU 331, 8

ILM 679, art 31.

144 Voir Poma Poma, supra note 110; Recommandation gnrale XXIII, supra note 110;
Observations finales du Comit des droits conomiques, sociaux et culturels : Colombie,
27e sess, Doc NU E/C.12/Add.1/74 (2001) aux para 12, 33.

145 Confrence de Sofia, supra note 88 la p 7.
146 Voir Anaya, Rapport 2012 , supra note 25 au para 50.

LA PLACE RSERVE LAVIS DES PEUPLES AUTOCHTONES 631

ltat de consulter, ngocier ou informer la communaut vise, dans le but
de parvenir un accord. Lobligation est alors moins contraignante pour
ltat et limportance qui sera accorde par celui-ci lavis des peuples au-
tochtones est plus incertaine.
Cette interprtation des articles 19 et 32 de la Dclaration des Nations
Unies est gnreuse dans le sens o elle permet lapplication du droit au
CPL ds quil y a dplacement ou atteinte significative la vie, aux ter-
ritoires des communauts ou leurs droits, cest–dire toutes les fois o
des intrts qui sont considrs par les peuples autochtones comme tant
suprieurs sont en cause. Par ailleurs, les conditions dapplication sont
formules de manire suffisamment flexible pour inclure des situations
trs diverses. De plus, ni la Dclaration des Nations Unies ni le Comit
ADI ne statuent explicitement sur lexistence dune condition pralable au
dclenchement de lobligation dobtenir le CPL, qui consisterait pour un
peuple avoir un titre officiel ou un droit tabli. Par analogie
linterprtation donne au droit la participation la prise de dcision,
nous considrons que lexistence dun droit tabli ou dun titre sur un ter-
ritoire nest pas ncessaire pour que cette obligation soit impose147. Cette
interprtation est compatible avec les conditions nonces par le Comit,
celui-ci invoquant la mise en uvre de lobligation lorsque certains int-
rts autochtones sont affects, lorsque leurs territoires et leurs vies sont
en cause ou lorsque labsence de mise en uvre de lobligation dobtenir
leur consentement aboutit la violation dun droit. Il nexige donc pas
quun droit soit reconnu pour mettre en uvre lobligation.
Toutefois, cette interprtation parat limitative dans la mesure o elle

pose des conditions supplmentaires la mise en uvre des dispositions
de la Dclaration des Nations Unies. Certains auteurs considrent que la
seule mention dans la Dclaration des Nations Unies dune obligation
dobtenir le consentement des peuples autochtones et non de le recher-
cher, terme qui tait privilgi par des tats comme le Canada au mo-
ment des ngociations de la Dclaration des Nations Unies148 confre
un droit de veto aux peuples autochtones. Jeremie Gilbert et Cathal Doyle
justifient ainsi lexistence dun tel droit :

147 Pour ce faire, nous nous rfrons linterprtation donne par le Mcanisme dexperts
des Nations Unies concernant le droit la participation. Cette interprtation qualifie le
droit au CPL et le droit la participation de normes indivisibles. De plus, le Mca-
nisme dexperts applique le droit la participation mme si les peuples autochtones
nont pas de titre officiel sur le territoire ou les ressources en question (Expert Me-
chanism on the Rights of Indigenous Peoples, Follow-up report on indigenous peoples
and the right to participate in decision-making, with a focus on extractive industries, 21e
sess, Doc NU A/HRC/21/55 (2012) la p 16 [Expert Mechanism]).

148 Voir par ex Gilbert et Doyle, supra note 89 la p 316.

632 (2014) 59:3 MCGILL LAW JOURNAL REVUE DE DROIT DE MCGILL

[T]he case for limiting or denying the requirement for FPIC is fre-
quently based on the argument that indigenous peoples do not have
an absolute right to veto projects that are deemed to be in the public
interest. However, it is important to bear in mind that in the context
of extractive projects this public interest argument is strongly contest-
ed and are rarely, if ever, substantiated. Furthermore, international
and regional human rights bodies and national courts have cau-
tioned states against infringement of indigenous peoples rights on
the basis of national development and public interest. An interpreta-
tion of the Declaration that justifies derogations from the require-
ment to obtain FPIC on the basis of such arguments could therefore
lead to a shift in the burden of proof away from the state and onto
indigenous peoples in a manner that is incompatible with the spirit
and intent of the Declaration149.

En outre, une question se pose. Linterprtation propose par le Comit
ADI tient-elle suffisamment compte de lesprit de la Dclaration des Na-
tions Unies et de la lettre des articles 19 et 32? La Dclaration des Nations
Unies promeut une coexistence juste et quitable, le respect mutuel,
lharmonie des relations et la coopration entre les peuples autochtones et
ltat150. Ces objectifs gnraux abstraits en apparence, mais qui ont un
sens bien prcis en ralit , en particulier celui favorisant la coopra-
tion, sont-ils pris en compte lorsque le droit au CPL est applicable dans
la limite de certaines conditions, et non pas toutes les fois o des intrts
autochtones quels quils soient sont en cause? Le Mcanisme dexperts des
Nations Unies sur les droits des peuples autochtones a rcemment prcis
que le droit au CPL est une composante du droit la participation de ces
peuples la prise de dcision, ces deux normes tant indivisibles et inter-
relies151. Quand le rapport du Comit ADI soutient que le droit au con-
sentement peut, dans certains cas, aller de pair avec une simple obliga-
tion dinformer et de ngocier, quadvient-il de la participation effective
des peuples autochtones la prise de dcision? Nest-elle pas alors limi-
ne152? Linterprtation du Comit ADI ne porte-t-elle pas atteinte dans
une certaine mesure lindivisibilit entre les droits au CPL et le droit
la participation? De mme, le droit au consentement est li au droit
lautodtermination et au droit lautonomie gouvernementale153 et cette

149 Ibid aux pp 319-20.
150 Plusieurs rfrences la coopration, la relation de partenaire et au respect mutuel y
sont faites. Voir Dclaration des Nations Unies, supra note 22, prambule, art 15(2),
17(2), 36(2), 38.

151 Expert Mechanism, supra note 147, aux para 8, 11.
152 Voir Touzard, supra note 33. Lauteur dmontre bien que la consultation nimplique pas

la participation la prise de dcision.

153 Voir Gilbert et Doyle, supra note 89 aux pp 312, 314. Pour Pour ces auteurs, ce droit
peut tre considr comme tant un compromis entre le droit des peuples autochtones

LA PLACE RSERVE LAVIS DES PEUPLES AUTOCHTONES 633

relation est prise en compte par le Comit ADI lorsquil voque
lapplication de la mthode dinterprtation contextuelle. Si le droit au
consentement peut consister en une simple formalit de lordre de la con-
sultation ou de lobligation dinformer, ne vient-on pas rompre les liens
tablis entre droit au CPL, droit lautodtermination et droit
lautonomie gouvernementale? En outre, comment larticle 19 de la Dcla-
ration des Nations Unies pourrait-il donner lieu un droit la consulta-
tion et linformation, alors quil ne contient aucune rfrence ces con-
cepts et quil encourage au contraire la coopration et la concertation,
termes qui ont des significations et des rpercussions prcises154? ce
propos, Hubert Touzard rappelle clairement la distinction entre les no-
tions de consultation et de concertation. Il soutient les propos suivants :

[L]objectif de la concertation est pour des acteurs, individuels ou col-
lectifs, de trouver un accord, de rsoudre ensemble un problme qui
se pose eux, de prendre ensemble une dcision collective, ou de
prparer une dcision prise en final un autre niveau. Un tel objec-
tif entrane des processus fort diffrents de ceux de la consultation :
trouver plusieurs un accord, une solution un problme implique
la runion et la participation active des acteurs concerns
lensemble des processus de prise de dcision155.

En outre, comme nous lavons dj indiqu, linterprtation de larticle 32
suggre par le Comit ADI consiste imposer lobtention du consente-
ment dans certains cas particuliers. Cette proposition ne respecte pas non
plus la lettre du texte. Celui-ci indique en effet qu avant lapprobation de
tout projet ayant des incidences sur leurs terres ou territoires et autres
ressources , ltat doit consulter les peuples autochtones en vue dobtenir
leur consentement156. La formulation de cet article est large et ne contient
pas une liste exhaustive des projets pris en compte, alors que
linterprtation du Comit est limitative dans la mesure o celui-ci
nidentifie que des mesures qui auront des effets significatifs sur les terri-

lautodtermination et la souverainet permanente de ces peuples sur les ressources na-
turelles qui se situent sur leurs territoires (ibid la p 317).

154 tymologiquement, le mot coopration vient du latin agir avec . Pour ce qui est de
concertation , ce terme signifie sentendre pour agir de concert ou accord pour
poursuivre un mme but (Touzard, supra note 33 la p 71). Lauteur explique trs
bien le fait que consultation, concertation et ngociation nont pas le mme sens ni les
mmes rpercussions dans un processus de participation la prise de dcision :

La consultation consiste le plus souvent faire sexprimer sparment des
acteurs, individuels ou reprsentants de collectifs, sur ce quils pensent dune
situation, dun projet. Les acteurs consults peuvent sexprimer par un vote
ou tre auditionns oralement, mais ils ne participent pas en commun la
prise de dcision (ibid la p 70).

155 Ibid la p 71.
156 Dclaration des Nations Unies, supra note 22, art 32(2).

634 (2014) 59:3 MCGILL LAW JOURNAL REVUE DE DROIT DE MCGILL

toires autochtones, effets similaires ceux des projets de dveloppement
denvergure 157. Linterprtation du Comit ADI propose donc des exi-
gences suprieures celles inscrites dans le texte mme de la Dclaration
des Nations Unies. En outre, on est en droit de se demander pourquoi les
articles 19 et 32 voqueraient-ils la coopration et la concertation de
bonne foi avec les peuples autochtones […] afin dobtenir leur consente-
ment pralable, donn librement et en connaissance de cause , ou la con-
sultation avec ces peuples en vue dobtenir leur consentement, donn li-
brement et en connaissance de cause , si le terme consentement tait
accessoire et sans consquence. Ce faisant, le Comit ADI tablit une hi-
rarchie implicite entre les atteintes, certaines tant qualifies de signifi-
catives en fonction des intrts touchs158. Il faut admettre que les at-
teintes quil qualifie de significatives sont celles qui sont le plus souvent
dnonces par les peuples autochtones du monde. Toutefois, en procdant
cette classification tacite, le Comit ADI sous-entend que dautres at-
teintes sont plus ngligeables. Est-il lgitime de le faire? Chaque peuple
autochtone nest-il pas libre et mieux plac pour tablir une telle catgori-
sation? la lumire de ces interrogations, linterprtation du Comit ADI
parat donc restrictive et favorise la confusion de termes qui ont pourtant
un sens propre et bien prcis. Dans ce contexte, nous proposons une autre
interprtation. Selon celle-ci, en vertu de larticle 19 de la Dclaration des
Nations Unies, lobtention du consentement serait ncessaire toutes les
fois o des mesures lgislatives et administratives susceptibles de concer-
ner les peuples autochtones sont adoptes. En outre, en vertu de
larticle 32 de ce mme document, le consentement des peuples autoch-
tones devrait tre respect avant lapprobation de tout projet ayant des
incidences sur leurs terres, les territoires ou les ressources, quelles soient
majeures ou non. Cette interprtation nous semble renforcer les objectifs
de coexistence et de respect mutuel, de mme que le droit lautonomie
gouvernementale.
En contexte interamricain, des conditions relativement diffrentes de
mise en uvre du droit au CPL des peuples autochtones ont t dfinies
par la jurisprudence, prenant appui sur larticle 21 de la Convention am-
ricaine relative aux droits de lhomme159.

157 Gilbert et Doyle soutiennent galement que, dans le cadre de larticle 32 de la Dclara-
tion des Nations Unies (supra note 22) tous les projets de dveloppement territoriaux ou
des ressources ncessitent lobtention du consentement, sans quils soient qualifis de
projets denvergure (Gilbert et Doyle, supra note 89 aux pp 314, 317-20).

158 Confrence de Sofia, supra note 88 la p 4.
159 OA, Commission interamricaine des Droits de lHomme, Convention amricaine rela-
tive aux droits de lhomme, Doc off OA/Ser. K/XVI/1.1/doc. 65 rev. 1 (1969),
art 21 [Convention amricaine] :

LA PLACE RSERVE LAVIS DES PEUPLES AUTOCHTONES 635

En 2007, par larrt Saramaka People, la Cour interamricaine a re-
connu pour la premire fois un droit la participation aux peuples au-
tochtones en matire de prise de dcision160. Dans cet arrt, plusieurs con-
ditions sappliquent pour que ce droit soit mis en uvre. Dabord, ltat
doit avoir lintention dautoriser une mesure qui porte atteinte au droit de
proprit collectif dun peuple autochtone sur son territoire ou sur les res-
sources naturelles quil a traditionnellement utilises ou qui sont essen-
tielles son mode de vie. Cette mesure doit tre tablie par la loi, nces-
saire, proportionne et prise dans le but datteindre un objectif lgitime
dans une socit dmocratique161. De plus, ltat peut restreindre le droit
des Saramakas de jouir du territoire et des ressources quils possdent
uniquement si cette limitation ne nie pas leur survie en tant que peuple
autochtone162.

Il sagit
l de conditions prliminaires. Dautres garanties
sappliquent, dune part pour viter que les restrictions au droit collectif
de proprit, dues lautorisation de concessions minires ou forestires,
quivaillent une ngation de la survie physique et culturelle de la com-
munaut et, dautre part, pour prserver la relation spciale que les
membres de la communaut ont avec leur territoire. Lune dentre elles
consiste pour ltat assurer la participation effective des membres de la
communaut la prise de dcision concernant tout projet de dveloppe-
ment, dinvestissement, dexploration ou dextraction sur leur territoire,
en conformit avec leurs coutumes et traditions163. Le contenu de ce droit
la participation varie en fonction de lampleur de la mesure autorise.
Deux rgimes juridiques sont applicables. En principe, le droit la parti-
cipation consiste en un droit linformation et la consultation de bonne
foi, dans le but de parvenir un accord164. En revanche, dans le cas de
projets de dveloppement ou dinvestissement denvergure ayant des r-
percussions significatives sur le territoire du peuple concern, la Cour in-

1. Toute personne a droit lusage et la jouissance de ses biens. La loi peut
subordonner cet usage et cette jouissance lintrt social. 2. Nul ne peut
tre priv de ses biens, sauf sur paiement dune juste indemnit, pour raisons
dintrt public ou dintrt social, et dans les cas et selon les formes prvues
par la loi. 3. Lusure ainsi que toute autre forme dexploitation de lhomme
par lhomme sont interdites par la loi.

160 Saramaka People, supra note 28. Bien que depuis, la Cour se soit aussi fonde sur le
droit la consultation de bonne foi des peuples autochtones dans un arrt de juin 2012
(Sarayaku, supra note 93), nous considrons que le jugement rendu dans laffaire Sa-
ramaka People (supra note 28) fait tat du droit applicable (voir supra note 81).

161 Saramaka People, supra note 28 au para 127.
162 Ibid au para 128.
163 Ibid au para 129.
164 Ibid au para 133.

636 (2014) 59:3 MCGILL LAW JOURNAL REVUE DE DROIT DE MCGILL

teramricaine exige de ltat quil obtienne le CPL de la communaut en
question en se fondant sur les traditions et coutumes de celle-ci165.
Dans laffaire Saramaka People, ltat avait dvelopp un barrage hy-
dro-lectrique, autoris la construction dune route et distribu des con-
cessions forestires et aurifres. La norme impose par la Cour interam-
ricaine fut alors lobtention par ltat du CPL de la communaut pour
chacune de ces mesures166. Par consquent, cette Cour ne reconnat pas en
toutes circonstances un droit lobtention du CPL des communauts au-
tochtones, entendu en tant que droit de sopposer. De plus, eu gard la
condition prliminaire, elle pourrait tre perue comme tant exigeante,
imposant la communaut de possder un titre officiel sur le territoire et
les ressources naturelles ou den faire la preuve complexe, comme cest le
cas en droit canadien. Or, il nen va pas ainsi. Par exemple, dans laffaire
The Mayagna (Sumo) Awas Tingni Community (Nicaragua), la commu-
naut Awas Tingni navait pas de titre de proprit sur le territoire quelle
revendiquait avant de se prsenter devant la Cour interamricaine et de
se voir reconnatre par le tribunal un droit collectif de proprit sur le ter-
ritoire167. Dans laffaire Saramaka People, la situation tait similaire.
Dans les deux cas, les communauts exposrent la relation spcifique
quelles entretenaient avec les territoires revendiqus en soumettant des
tmoignages des membres de la communaut et des tmoignages
dexperts, en se fondant sur leurs propres coutumes, sur les models tra-
ditionnels dutilisation et doccupation du territoire et sur leffectivit des
droits garantis, un objectif inscrit dans la Convention amricaine168. Dans
les deux affaires, la Cour interamricaine a conclu que dans les circons-
tances en lespce, ltat avait une obligation de dmarquer, de dlimiter
et de reconnatre un titre sur ce territoire, en collaboration avec la com-
munaut et en respectant ses coutumes. En attendant que ce processus
soit men terme, ltat ne peut autoriser des activits qui pourraient
mettre en pril les droits potentiels. Cela favorise ladaptation de la Con-
vention amricaine en fonction des diverses ralits socioculturelles ren-
contres et facilite la dmonstration de lexistence du droit de proprit
des peuples autochtones sur les territoires quils revendiquent. Il en r-
sulte une reconnaissance plus frquente quen droit canadien du droit au
territoire et une mise en uvre plus courante du droit la participation
la prise de dcision.

165 Ibid au para 134.
166 Ibid au para 137.
167 Affaire The Mayagna (Sumo) Awas Tingni Community (Nicaragua) (2001), Inter-Am Ct
HR (Sr C) no 79 aux para 148, 153, [2001] 3 Inter-American Yearbook of Human
Rights 987 [Awas Tingni].

168 Convention amricaine, supra note 159, art 29.

LA PLACE RSERVE LAVIS DES PEUPLES AUTOCHTONES 637

Toutefois, lencadrement chafaud par la Cour interamricaine con-
tient plusieurs limites. Premirement, pour tous les projets de dvelop-
pement ou dinvestissement qui ne sont pas denvergure et qui nont pas
dimpact significatif sur le territoire, le droit la participation donne lieu
un devoir de consulter de bonne foi en vue de parvenir un accord. En
la matire, la critique formule plus tt concernant la confusion inappro-
prie des concepts de participation et de consultation sapplique169. Deu-
ximement, le droit la participation des peuples autochtones la prise
de dcision est mis en uvre dans les cas dexploitation de ressources es-
sentielles au dveloppement et la continuation du mode de vie de la
communaut, de ressources traditionnellement utilises ou de ressources
naturelles dont lexploration ou lextraction affecte de manire nfaste des
ressources traditionnelles ou essentielles170. La participation la prise de
dcision nest donc pas garantie pour lensemble des intrusions en terri-
toire autochtone. En ce sens, il ne sagit pas dun droit gnral la parti-
cipation, enclench toutes les fois o le territoire traditionnel ou les int-
rts autochtones sont touchs. Une telle approche pourrait-elle comporter
le risque de figer et dessentialiser les activits conomiques autochtones?

La rponse cette question nest pas tranche. Toutefois, il est impor-
tant de noter que dans larrt Saramaka People, la Cour interamricaine
a tenu compte de lexploitation du bois au titre des activits conomiques
de membres de la communaut, dans le cadre de concessions, pour quali-
fier cette ressource dessentielle la survie de la communaut171. la lu-
mire de cette interprtation ponctuelle, on peut penser que la Cour na
pas une conception fige de ce que sont les ressources essentielles. Malgr
cette nuance, une autre question se pose. Lencadrement prvu dans
larrt Saramaka People ne limite-t-il pas le droit lautonomie gouver-
nementale des peuples autochtones par ailleurs reconnu larticle 4 de
la Dclaration des Nations Unies172 et larticle 15 du Projet de Dclara-
tion interamricaine relatif aux droits des peuples autochtones173 dans
la mesure o la communaut ne reoit pas un droit gnral la participa-
tion toutes les fois o son territoire est touch par une mesure gouverne-
mentale? Tel que formul dans le Projet de Dclaration interamricaine
relatif aux droits des peuples autochtones, larticle 15 reconnat explicite-
ment un droit lautonomie ou au gouvernement indpendant dans

169 Voir Touzard, supra note 33.
170 Voir Saramaka People, supra note 28 aux para 146-55.
171 Ibid aux para 145-46.
172 Dclaration des Nations Unies, supra note 22.
173 OA, Commission interamricaine des Droits de lHomme, Projet de Dclaration inte-
ramricaine relatif aux droits des peuples autochtones, Doc off OEA/Ser./L.V/II.90/
Doc.9, rev 1 (1995), art 15.

638 (2014) 59:3 MCGILL LAW JOURNAL REVUE DE DROIT DE MCGILL

plusieurs domaines, dont ladministration des terres et des ressources. Ce-
lui-ci va de pair avec le droit la participation des peuples autochtones
tous les niveaux, propos daffaires susceptibles daffecter leur droit, leur
existence et leur destin 174, galement reconnu par ce projet de dclara-
tion. Si ce texte est adopt en ltat, comment sera-t-il possible darticuler
le droit lautonomie gouvernementale et le droit la participation la
prise de dcision qui lui est associ avec le droit la consultation de bonne
foi reconnu par la Cour interamricaine? Enfin, par le fait que la Cour in-
teramricaine impose une condition prliminaire qui consiste appliquer
le droit la participation lorsquil y a une atteinte au droit de proprit,
elle exige de faire la dmonstration de la violation dun droit, en
loccurrence le droit de proprit. Or, bien que ltablissement de cette
preuve soit facilit, il nen demeure pas moins que le rgime tabli est
plus exigeant que celui mis sur pied par la Dclaration des Nations Unies.

La signification et les conditions de mise en uvre de lobligation
dobtenir le CPL, tant en vertu de la Dclaration des Nations Unies
quen vertu des jugements de la Cour interamricaine, tant maintenant
exposes, le projet dexploiter le nord du Qubec remplit-il ces conditions
de mise en uvre?

3. Mise en uvre des conditions dapplication dans le cadre du Plan Nord

la lumire des critiques que nous venons dmettre, lobligation
dobtenir le CPL des peuples autochtones nest pas interprte comme
une norme gnrale, applicable en tout temps. Malgr les ambiguts et
les diffrences dinterprtation souleves ci-dessus, nous proposons de v-
rifier si les conditions dapplication nonces par le Comit ADI ou mises
en uvre par la Cour interamricaine se trouvent runies dans le cadre
du Plan Nord.
Avant de poursuivre, il convient toutefois de prciser que lobligation
dobtenir le consentement des peuples autochtones sapplique clairement
lorsquon conoit le Plan Nord comme tant un projet global, compos de
plusieurs dveloppements qui, de manire conjugue, auront des rper-
cussions significatives sur le territoire et sur la vie des peuples autoch-
tones. En dautres termes, quils aient ou non des rpercussions significa-
tives sur le territoire et sur la vie des peuples autochtones, ces dvelop-
pements isols doivent tre pris en compte de manire combine. Rappe-
lons en effet quvaluer la place que doit avoir le point de vue des peuples
autochtones, au cas par cas, isolment, ne permet pas la prise en compte
des effets cumulatifs de ces dveloppements multiples. Or, une prise de
conscience de ces effets apparat primordiale pour donner un avis clair.

174 Ibid.

LA PLACE RSERVE LAVIS DES PEUPLES AUTOCHTONES 639

Do lintrt de concevoir le Plan Nord comme tant un projet global, plu-
tt quune juxtaposition de projets aux rpercussions mineures ou ma-
jeures. ce titre, la dnomination Plan Nord et celle rcemment adopte
de Dveloppement nordique ont ceci dintressant quelles permettent
didentifier facilement la multiplicit des projets envisags.
Nous suggrons donc que, dans le cadre du Plan Nord, larticle 19 de
la Dclaration des Nations Unies exige lobtention du consentement des
peuples autochtones. En effet, le Plan Nord a dabord toutes les chances
daffecter de manire particulire les peuples autochtones. Il a la facult
de porter atteinte aux droits ancestraux et aux titres aborignes poten-
tiels des nations Innue, Anishnabe et Atikamekw, et touchera aussi les
identits et le pouvoir de gestion des six Premires nations qui partagent
leurs territoires avec celui du Plan Nord. De plus, de nombreux dvelop-
pements envisags dans ce cadre auront des effets directs et significatifs
sur la vie ou sur les territoires de ces communauts. Ce plan a pour ambi-
tion le dveloppement de projets de petite envergure, par exemple dans le
cadre du tourisme, mais il consiste aussi, et cest l que se situent les en-
jeux principaux, mettre en uvre des projets ayant des effets significa-
tifs et directs. Pensons ceux qui impliquent lintervention dindustries
extractives175, ne serait-ce que lexploitation de luranium, du nickel, du
cobalt, du zinc, du fer ou de lor. Ces projets peuvent avoir des rpercus-
sions sur la qualit de vie des peuples autochtones, notamment sur leur
sant, mais aussi sur le contrle et sur la configuration du territoire, ainsi
que sur le rapport de ces peuples au territoire en question. Dans ce con-
texte, le Comit ADI accorde une forte prsomption pour lobtention du
consentement des peuples affects176. De plus, la mise en uvre de ces
projets conduira priver les peuples autochtones de leurs terres tradi-
tionnelles ou dune partie substantielle de celles-ci, menaant par le fait
mme la prservation de leur identit culturelle177. Dans un tel cas, le
Comit ADI considre que les articles 10 et 28(1) de la Dclaration des
Nations Unies reconnaissent un droit de veto aux peuples autochtones178.
Enfin, pour les peuples autochtones, les concepts de territoire, didentit
et de culture sont enchevtrs. Jean-Paul Lacasse explique par exemple
ce qui suit :

175 Sur le potentiel minier du territoire du Plan Nord, voir Gouvernement du Qubec, Po-
tentiel minier , en ligne : Dveloppement nordique .

176 Confrence de Sofia, supra note 88 la p 4.
177 Affaire Xkmok Ksek Indigenous Community (Paraguay) (2010), Inter-Am Ct HR (Sr

C) n214.

178 Ibid aux pp 6-7.

640 (2014) 59:3 MCGILL LAW JOURNAL REVUE DE DROIT DE MCGILL

Lexpression Innu aitun, qui signifie la vie innue , est lexpression
contemporaine de ce qui se rfre au mode de vie traditionnel des
Innus, la pratique de leurs activits ancestrales. La conception
quen ont les Innus est englobante elle aussi et vise la pratique de
toutes les activits relies la culture, aux valeurs et au mode de vie
et qui sont associes leur occupation et leur utilisation du Nitas-
sinan ainsi qu leur lien particulier avec la terre179.

Tout projet significatif de dveloppement en lien avec le territoire a des
rpercussions sur des lments de la culture et de lidentit des peuples
autochtones. Ouvrant la porte des mesures qui portent atteinte aux
liens qui existent entre les Autochtones, leur culture et leur territoire
pensons seulement aux activits dextraction , le Plan Nord pourrait
contribuer la dgradation des cultures autochtones. Dans ce contexte, le
Comit ADI reconnat que lobligation dobtenir le consentement des
peuples autochtones sapplique180. De plus, si lon interprte larticle 32 de
la Dclaration des Nations Unies la lettre, celui-ci applique cette norme
tous les projets. Par consquent, nous considrons que le Plan Nord
constitue une mesure portant atteinte de manire significative aux int-
rts autochtones. En vertu des articles 19 et 32 de la Dclaration des Na-
tions Unies et telles que ces dispositions sont interprtes par le Comit
de lADI, le CPL des communauts autochtones dont les intrts sont
ainsi affects est donc requis.
En contexte interamricain, cette obligation sapplique lorsque ltat
autorise une mesure qui porte atteinte au droit de proprit collectif dun
peuple autochtone sur son territoire ou sur les ressources naturelles quil
a traditionnellement utilises ou qui sont essentielles son mode de vie181.
En la matire, rappelons quil nest pas ncessaire pour la communaut
davoir au pralable un titre officiel de proprit sur le territoire. Le droit
de proprit pourra ventuellement tre tabli devant ce tribunal et, entre
temps, ltat ne peut autoriser des activits qui pourraient mettre en pril
ces droits potentiels182. De plus, dans le cas de certains peuples autoch-
tones du Qubec, dont les Innus, certains auteurs estiment quil existe
une forte prsomption en faveur dun titre aborigne sur le Nitassinan ou
sur une partie de celui-ci183. On peut donc penser que cette Premire na-
tion pourrait se voir reconnatre un droit de proprit sur le territoire re-

179 Lacasse, Les Innus, supra note 8 aux pp 41-42.
180 Confrence de Sofia, supra note 88 la p 7.
181 OA, Commission interamricaine des Droits de lHomme, Indigenous and Tribal Peo-
ples Rights Over their Ancestral Lands and Natural Resources: Norms and Jurispru-
dence of the Inter-American Human Rights System, Doc off OEA/Ser.L/V/II/Doc.56/09
(2009) la p 119.

182 Awas Tingni, supra note 167 au para 153.
183 Ibid la p 206.

LA PLACE RSERVE LAVIS DES PEUPLES AUTOCHTONES 641

vendiqu par la Commission interamricaine, qui applique les mmes so-
lutions que la Cour interamricaine et qui a comptence universelle sur
tous les tats membres de lOrganisation des tats Amricains, dont le
Canada. Le droit de proprit sur les ressources naturelles essentielles ou
traditionnellement utilises pourrait aussi tre dmontr devant cette
instance, en lien notamment avec les activits des peuples nomades, que
ce soit la pche, la chasse et dautres pratiques actuelles. Le Plan Nord
comporte des mesures restrictives qui portent atteinte ces droits. Par la
promotion de la modification de lutilisation des terres et par lexploitation
grande chelle de ressources naturelles quil soutient, nous avons dj
not que ce projet pouvait tre qualifi de projet de dveloppement
denvergure. Dans ce contexte, la Cour interamricaine impose lobtention
du consentement des nations autochtones affectes.

Par consquent, considrant lexploitation conjugue des ressources du
Nord qubcois prvue dans le cadre du Plan Nord et le droit internatio-
nal et interamricain, il est selon nous fort probable que le consentement
des communauts qui partagent leurs territoires avec ce projet doive tre
obtenu. Il va sans dire que cette norme pourra aussi tre applique dans
le cas dautres projets de dveloppement denvergure, cest–dire des pro-
jets ayant des rpercussions significatives sur le territoire et la vie des
peuples autochtones tels que lexploitation dune mine dor ou duranium.
Nous avons constat que lintgration en droit interne de la catgorie
dveloppe par le droit international, appele projet de dveloppement
denvergure , est intressante, dans la mesure o elle permet une asso-
ciation effective des peuples autochtones la prise de dcision, ceux-ci
ayant leur consentement donner, ds la naissance du projet. Nous avons
aussi observ que la notion de consentement enchsse au sein de do-
cuments internationaux adopts par le Canada et de jugements de la
Cour interamricaine dpasse la simple consultation, puisquelle im-
pose aux autorits gouvernementales de tenir compte des avis rendus par
les Autochtones. De plus, cette notion est applicable dans le cadre du Plan
Nord et dautres projets similaires de dveloppement. Une question reste
cependant en suspens. Au regard du droit international, ltat est-il le
seul titulaire de lobligation dobtenir le consentement? Comme pour de
nombreuses normes, ltat du droit peut changer. Toutefois, il est intres-
sant de souligner quactuellement, droit interne et droit international sont
unanimes sur ce point.

C. Une certaine convergence du droit international quant au rle de ltat

En droit international, le titulaire de lobligation dobtenir le consen-
tement est ltat, non les tierces parties qui exploitent le territoire. Les

642 (2014) 59:3 MCGILL LAW JOURNAL REVUE DE DROIT DE MCGILL

peuples autochtones, quant eux, ont une obligation rciproque dagir se-
lon les rgles de la bonne foi et du respect mutuel184. Le principe selon le-
quel ltat est le seul titulaire de lobligation a t confirm la fois par le
Rapporteur spcial sur les droits des populations autochtones en 2011185,
par la doctrine186 et par la Cour interamricaine187.
Nanmoins, au regard de certaines normes de soft law, cette obligation
serait partage par ltat avec des tierces parties188. Dans cette perspec-
tive, les entreprises, souvent des socits multinationales, notamment
oprant dans les industries extractives, ne constituent pas des titulaires
officiels de lobligation, mais elles sont prsentes comme des actrices
ayant le rle damorcer ou de stimuler le processus de consultation auprs
de ltat. Cette fonction est promue depuis la fin des annes 2000 par les
organisations internationales de reprsentation, qui tablissent des rgles
de bonne pratique vis–vis des peuples autochtones touchs par
lexploitation et qui encouragent ladoption de codes de conduite. Lobjectif
consiste diminuer les conflits lis lexploitation des territoires ances-
traux ainsi que les cots rattachs ces conflits.

184 Voir Dclaration des Nations Unies, supra note 22, prambule, art 32(2).
185 Anaya, Rapport 2011 , supra note 91 aux para 47, 49, 61.
186 Voir Asbjrn Eide, The Indigenous Peoples, The Working Group on Indigenous Popu-
lations and the Adoption of the UN Declaration on the Rights of Indigenous Peoples
dans Claire Charters et Rodolfo Stavenhagen, dir, Making the Declaration Work: The
United Nations Declaration on the Rights of Indigenous Peoples, Copenhague, IWGIA,
2009, 32 la p 43; Patrick Macklem, Corporate Accountability under International
Law: The Misguided Quest for Universal Jurisdiction (2005) 7 : 4 Forum du droit in-
ternational 281 la p 282.

187 Voir Sarayaku, supra note 93 au para 187.
188 Le partage de cette responsabilit entre ltat et les socits multinationales est soute-
nu par David Kinley et Junko Tadaki. Ces deux auteurs notent lmergence dune obli-
gation autorflexive pour les socits transnationales qui leur impose de sabstenir de
porter atteinte au droit lautodtermination quont les peuples autochtones. Pour ces
auteurs, ces socits doivent aussi sabstenir de conduire des activits qui privent les
peuples autochtones de leurs moyens de subsistance et qui causent des dgts pour
lenvironnement. En outre, les auteurs considrent que ces socits devraient avoir des
obligations en tant que tierces parties, en particulier lobligation positive de faciliter la
pleine participation des peuples autochtones la prise de dcision. Voir David Kinley et
Junko Tadaki, From Talk to Walk: The Emergence of Human Rights Responsibilities
for Corporations at International Law (2004) 44 : 4 Va J Intl L 931 la p 990. Ce par-
tage de responsabilit a galement t promu par le juge Lambert de la Cour dappel de
Colombie-Britannique se fondant sur le principe du knowing receipt (Haida Nation v
British Columbia (Minister of Forests), 2002 BCCA 462 aux para 71-73, 216 DLR (4e) 1).
Il a rcemment t privilgi par la Cour suprieure de justice de lOntario, qui rappelle
que la responsabilit de consulter appartient la Couronne, mais que les aspects opra-
tionnels de la consultation peuvent tre dlgus la tierce partie directement impli-
que dans le cadre du projet dexploitation des ressources (Wahgoshig First Nation v
Ontario, 2011 ONSC 7708 au para 43, 108 OR (3e) 647).

LA PLACE RSERVE LAVIS DES PEUPLES AUTOCHTONES 643

Par exemple, lAssociation internationale des producteurs de ptrole et
de gaz (IPIECA)189 et la Socit Financire Internationale (Groupe de la
Banque Mondiale)190 encouragent les industries obtenir le CPL des
communauts avant toute intervention191. Dans un rapport intitul Vers
un nouvel quilibre et prpar pour le Groupe de la Banque mondiale
(GBM), la Revue des industries extractives prconise que le soutien du
GBM aux industries extractives (ptrolires, minires et gazires) doit
saccompagner du respect des droits humains192. Dans ce cadre, les au-
teurs du rapport rappellent que le droit au CPL des peuples autochtones
doit tre respect en cas de dplacement de population :

189 Les positions de lAssociation internationale des producteurs de ptrole et de gaz et de
lIPIECA sont voques par la Revue des industries extractives (supra note 27 la
p 50).

190 Voir Socit Financire Internationale, IFC Performance Standards on Environmental
and Social Sustainability, Washington, IFC, 2011 aux pp 47, 49-51. Gilbert et Doyle ci-
tent aussi la Socit financire internationale, la Banque europenne de reconstruction
et de dveloppement, la Banque asiatique de dveloppement, la Banque interamri-
caine de dveloppement au titre des institutions financires internationales ayant re-
connu lobtention du CPL, ou lun de ses quivalents, comme droit ou comme principe
(supra note 89 aux pp 322-23).

191 Quant lui, le Conseil international des mines et mtaux (CIMM) se montre hsitant.
Il reconnait que les industries extractives qui y sont affilies devraient intervenir en
territoire autochtone suite lobtention dun large soutien de ces peuples avant que le
stade de lexploration ne soit franchi, mais reste frileux quant savoir si lobtention du
CPL est requise. De ce fait, lindustrie affilie au CIMM devra respecter cette norme si
le droit de ltat sur le territoire duquel elle intervient impose cette norme. Sinon,
lapproche relationnelle avec les peuples autochtones, qui nimpose pas lobtention de ce
consentement, devra tre applique. Nanmoins, le CIMM exige aussi de ses membres
quils respectent le droit local, national et international. Dans la mesure o le droit in-
ternational et le droit interamricain imposent lobtention du CPL, et que cette obliga-
tion simpose au Canada, ne peut-on pas penser que les membres du CIMM nont pas
aussi lobligation de respecter cette norme? (Guide de bonnes pratiques, supra note 130
aux pp 7, 24).

192 Revue des industries extractives, supra note 27 aux pp vi-vii. De plus, dans sa politique
OP 4.10, sur les peuples autochtones, bien que la Banque mondiale nvoque pas le
droit au CPL, elle sattache toutefois la notion dacceptabilit sociale des projets. ce
titre, elle sassure que les communauts autochtones affectes par un projet de
dveloppement ont fourni un large soutien au projet en question (Banque mondiale,
Operational Policy 4.10: Indigenous Peoples dans The World Bank Operations Manual,
Washington, Banque mondiale, en ligne : Banque mondiale au para 11). Cela sous-entend que cette institution internationale
ne se contente pas dune simple consultation, mais quelle valorise plutt une norme qui
tend vers le droit au CPL. Par consquent, le sens quelle attribue au concept de
consultation pourrait tre diffrent de celui que lui ont donn les juges de la Cour
suprme canadienne et pourrait supposer une obligation automatiquement plus leve
que la simple consultation.

644 (2014) 59:3 MCGILL LAW JOURNAL REVUE DE DROIT DE MCGILL

Les populations autochtones et bien dautres communauts ont res-
senti les impacts ngatifs des projets de dveloppement de lindustrie
extractive. Leur dplacement ne doit tre autoris que lorsque, la
suite dun processus de consultation, la communaut a donn son
consentement pralable libre et clair une proposition de projet et
aux bnfices quelle compte en tirer. Dailleurs, le GBM ne doit pas
soutenir de projet extractif susceptible daffecter les populations au-
tochtones sans quaient dabord t reconnus et garantis de manire
efficace leurs droits de possder, de contrler et de grer leurs sols,
leurs territoires et leurs ressources193.

Il pourrait donc y avoir une certaine corrlation entre linterprtation
donne aux normes internationales par les institutions internationales ou
rgionales actives dans le champ du droit international des investisse-
ments et par les institutions internationales et rgionales active dans le
domaine du droit des peuples autochtones. Au sein de ces deux corpus le
respect du CPL est de plus en plus souvent voqu et le contenu du droit
la consultation, lorsque cette norme demeure la rfrence, semble ren-
voyer des obligations qui supposent une plus grande prise en compte de
la vision des communauts affectes par rapport ce qui est requis en
droit interne.

Toutefois, la diffrence du droit international des peuples autoch-
tones, la Revue des industries extractives et certains guides de bonne pra-
tique dorganisations industrielles tendent prsenter les industries ex-
tractives comme des parties prenantes au droulement de projets de dve-
loppement consensuels. La Revue des industries extractives mentionne,
en effet, que [l]es tches plus spcifiques lies la gouvernance dans le
cas des industries extractives consistent […] aider les gouvernements
laborer des cadres rglementaires et politiques modernes; et intgrer le
public dans les processus dcisionnels tant aux niveaux local que natio-
nal 194. Cette politique fait appel linstauration dun nouvel quilibre
entre les industries extractives, ltat et la socit civile, notamment les
peuples autochtones195. Or, en encourageant ces industries conseiller les
gouvernements, la Revue des industries extractives nattribue-t-elle pas
une des parties ayant des intrts dans la prise de dcision un rle pr-
pondrant? Ces socits ne se trouveraient-elles pas alors en conflit
dintrts?
Dans ce contexte, assisterait-on une diversification des titulaires de
lobligation dobtenir le consentement des peuples autochtones? Sous
langle juridique pur, la rponse est ngative. Dans son rapport de 2011

193 Ibid aux pp xi-xii, 21-26.
194 Ibid aux pp vii, 56.
195 Ibid la p 50.

LA PLACE RSERVE LAVIS DES PEUPLES AUTOCHTONES 645

sur les industries extractives, James Anaya rappelle que ltat ne doit pas
se reposer sur ces industries et quil lui appartient de faire respecter les
droits des peuples autochtones196. Cette position est galement privilgie
par la Dclaration des Nations Unies, celle-ci insistant sur le rle de ltat
en collaboration avec les peuples autochtones dans la mise en uvre des
dispositions adoptes. Nanmoins, dun point de vue empirique, cette di-
versification pourrait apparatre. Tout en considrant que le rle de faire
respecter les droits des peuples autochtones revient ltat et que le droit
international ne devrait pas reconnatre la personnalit juridique des so-
cits multinationales197, Patrick Macklem affirme que les codes de bonne
conduite de ces socits ont le potentiel daffecter leur comportement
dune manire qui est, certains gards, plus importante que les formes
de rgulation traditionnelles, quelles soient internationales ou internes198.
Sa position est prudente et tempre : elle naltre pas le renforcement du
droit au CPL par son inscription dans divers codes de conduites et elle
ne confre pas non plus aux socits multinationales la responsabilit ju-
ridique de mettre en uvre lobligation. Au contraire, elle charge ltat
dagir en tant que gardien de lobligation.

Lanalyse qui prcde met en vidence la pertinence davoir recours au
droit international et interamricain pour mettre en uvre les normes de
droit interne en matire de collaboration des institutions gouvernemen-
tales avec les peuples autochtones dans le cadre de lexploitation du Nord
qubcois. Par la place importante quil accorde aux positions autoch-
tones, en imposant ltat, dans certains cas prcis, lobtention du CPL,
celui-ci lve le seuil de la diligence raisonnable et ouvre la porte une
participation effective de ces peuples dans le processus dcisionnel. Cela a
pour effet dinstituer une collaboration relle entre Autochtones et tat,
qui sloigne de considrations excessivement formalistes du type de la
consultation. La reconnaissance du droit au CPL lve le statut des
peuples autochtones en ce sens quils deviennent de rels partenaires dont
les points de vue sont importants et pris en compte effectivement. Enfin,
bien que le Canada soit un tat dualiste, les dispositions de la Dclaration
des Nations Unies199 et linterprtation de la Dclaration amricaine sur

196 Anaya, Rapport 2011 , supra note 91 au para 61.
197 Macklem, supra note 186 la p 289 :

Above all, international law should not address the growing power and influ-
ence of multinational corporations by enhancing their international legal per-
sonality. It should instead seek to rebuild what it has allowed processes of
economic globalization to weaken: the states capacity to regulate, in the name
of human rights, multinational corporate power.

198 Ibid la p 285.
199 Dclaration des Nations Unies, supra note 22.

646 (2014) 59:3 MCGILL LAW JOURNAL REVUE DE DROIT DE MCGILL

les droits et les devoirs de lhomme200 ( Dclaration amricaine ) par la
Commission interamricaine201 paraissent transposables en droit interne.
Nous allons brivement examiner linteraction entre droit international et
droit interne dans les lignes suivantes.

III. Linteraction entre le droit international et le droit interne
Cette dernire partie vise mettre en lumire le caractre applicable
des documents supranationaux et des normes quils enchssent, plus par-
ticulirement le droit au CPL, en droit interne.

Premirement, en tant que rsolution de lAssemble gnrale des Na-
tions Unies, la Dclaration des Nations Unies na pas, en principe, le ca-
ractre contraignant dun trait. Pourtant, il sagit dun instrument qui se
rfre plusieurs autres documents des Nations Unies202 et dont le conte-
nu transparat dans diverses conventions internationales, comme le Pacte
international relatif aux droits civils et politiques203, le Pacte international
relatif aux droits conomiques et sociaux204, la Convention contre toutes les
formes de discriminations raciales205 ou la Convention no169206. Pour plu-
sieurs auteurs, la valeur juridique de la Dclaration des Nations Unies
le contenant est distinguer de la valeur juridique des normes quelle
enchsse, ces dernires pouvant tre obligatoires lorsquelles sont rit-
res par ailleurs dans des traits ou lorsquelles ont une valeur coutu-

200 OA, Neuvime confrence internationale des tats amricains (1948), American
Declaration of the Rights and Duties of Man, Doc off OEA/Ser.L/V/II.23/doc.21 (1979),
rimprim dans Doc off OEA/Ser.L.V/II.82 doc.6 rev.1 (1992) [Dclaration amricaine].

201 Voir par ex Dann v United States (2002), Inter-Am Comm HR, No 75/02, Annual Report
of the Inter-American Commission on Human Rights: 2002, OEA/Ser.L/V/II.117/ doc.1
rev.1 [Dann].

202 Voir notamment Charte des Nations Unies, 26 juin 1945, RT Can 1945 no 7; PIDCP, su-
pra note 18; PIDESC, supra note 18; Dclaration et programme daction de Vienne, Doc
off, AG NU, 157e sess, Doc NU A/CONF.157/23 (1993), prambule.

203 PIDCP, supra note 18, art 1, 2, 3, 6-7, 9, 10, 25, 27. Comparer Dclaration des Nations

Unies, supra note 22, art 3, 2, 44, 7, 43, 18, 11-13, 25.

204 PIDESC, supra note 18, art 12, 13, 15. Comparer Dclaration des Nations Unies, supra

note 22, art 23-24, 15, 21, 5, 31.

205 Convention internationale sur llimination de toutes les formes de discrimination ra-
ciale, 21 dcembre 1965, 660 UNTS 195, RT Can 1970 n 28, art 2(2), 5 [Convention sur
la discrimination raciale]. Comparer Dclaration des Nations Unies, supra note 22, art
6, 18, 26.

206 Convention (n169) relative aux peuples indignes et tribaux, 28 juin 1989, 1650
RTNU 383, 28 ILM 1382 (entre en vigueur : 5 septembre 1991), art 13-19. Comparer
Dclaration des Nations Unies, supra note 22, art 25-28.

LA PLACE RSERVE LAVIS DES PEUPLES AUTOCHTONES 647

mire207. ce titre, certaines normes de la Dclaration des Nations Unies
seraient donc obligatoires. En effet, le Canada a ratifi la Convention in-
ternationale sur llimination de toutes les formes de discrimination ra-
ciale208 et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques209 et
les a incorpors en droit interne210. Ces deux traits ont dj t interpr-
ts par leurs organes de contrle, le Comit des Nations Unies sur
llimination de la discrimination raciale et le Comit des droits de
lhomme, comme protgeant le droit des peuples autochtones au CPL211.
De ce fait, il est possible de justifier lapplication du droit au consente-
ment en droit canadien. Par ailleurs, quelles soient ou non contrai-
gnantes, ces dispositions peuvent inspirer les tribunaux canadiens dans le
cadre de leur interprtation et ainsi avoir une influence sur le droit in-
terne. Larrt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyennet et de
lImmigration)212, rendu en 1999 par la Cour suprme du Canada, se fon-
dait sur la Convention internationale relative aux droits de lenfant, con-
vention ratifie par le Canada, mais qui navait pas encore t reue en
droit interne et qui ntait donc pas directement applicable. La juge
LHeureux-Dub, sexprimant au nom de la majorit, dclarait alors que
[l]es valeurs exprimes dans le droit international des droits de la per-
sonne peuvent toutefois tre prises en compte dans lapproche contex-
tuelle de linterprtation des lois et en matire de contrle judiciaire 213.
De la mme manire, en octobre 2007, la Cour suprme du Belize
sinspirait de la Dclaration des Nations Unies et indiquait quelle conte-
nait des principes gnraux du droit international214. Ayant t sign par
le Canada lautomne 2010 et bien que certaines limites aient t poses

207 Voir Mattias hrn, The Provision on Lands, Territories and Natural Resources in the
UN Declaration on the Rights of Indigenous Peoples: An Introduction dans Charters
et Stavenhagen, supra note 186, 200 la p 212. Voir aussi Luis Rodriguez-Piero Royo,
Where Appropriate: Monitoring/Implementing of Indigenous Peoples Rights Under
the Declaration dans Charters et Stavenhagen, supra note 186, 314 aux pp 314-18.

208 Convention sur la discrimination raciale, supra note 205.
209 PIDCP, supra note 18.
210 On peut affirmer que le Canada et la province du Qubec ont incorpor ce trait dans le
cadre des dispositions des deux Chartes canadienne et qubcoise des droits et liberts
(voir Charte canadienne des droits et liberts, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982,
supra note 10, art 15(1); Charte des droits et liberts de la personne, LRQ c C -12,
art 10).

211 Voir Recommandation gnrale XXIII, supra note 110; Poma Poma, supra note 110.
212 [1999] 2 RCS 817, 174 DLR (4e) 193.
213 Ibid la p 861.
214 Cal v Belize (AG) (2007), 46 ILM 1022 aux para 131-32 (Cour suprme du Blize).

648 (2014) 59:3 MCGILL LAW JOURNAL REVUE DE DROIT DE MCGILL

quant son application dans lordre juridique interne215, ce document peut
avoir une influence dans linterprtation du droit interne par les tribu-
naux et devenir opposable aux autorits tant fdrales que provinciales,
spcifiquement dans le cadre du dveloppement du Nord qubcois216.
Deuximement, le Canada est membre de lOEA. Il na pas sign ni ra-
tifi la Convention amricaine217 et nest pas li par les jugements de la
Cour interamricaine. Il a cependant adopt en 1990 la Dclaration am-
ricaine218. Contrairement une convention, une dclaration nest habituel-
lement pas considre comme un instrument juridiquement contraignant.
Dans un avis consultatif de 1989, la Cour interamricaine a reconnu le
caractre obligatoire de la Dclaration amricaine pour tous les tats de
lOEA219. titre de partie la Dclaration amricaine, le Canada et la
province du Qubec peuvent tre condamns par la Commission intera-
mricaine lorsquun justiciable dpose une requte devant cette instance
pour violation des dispositions de ce texte220. Comme il sagit dun organe
quasi juridictionnel, ses dcisions ne sont pas contraignantes, mais la
bonne foi commande que les tats de lorganisation se conforment ses
recommandations221. Les dcisions de la Commission interamricaine ont
donc un poids politique important. Le simple fait que les tats, dont le
Canada, acceptent de sy prsenter et dy produire une dfense illustre

215 Gouvernement du Canada, nonc du Canada appuyant la Dclaration des Nations
Unies sur les droits des peuples autochtones (12 novembre 2010), en ligne : Affaires
Autochtones et Dveloppement du Nord Canada, .

216 Sur linfluence du droit international sur le droit canadien, voir Stphane Beaulac,
National Application of International Law: The Statutory Interpretation Perspective
(2003) 41 ACDI 225. Voir aussi Karen Knop, Here and There: International Law in
Domestic Courts (2000) 32 : 2 NYUJ Intl L & Pol 501; Stephen J Toope Inside and
Out: The Stories of International Law and Domestic Law (2001) 50 RD UN-B 11.

217 Convention amricaine, supra note 159.
218 Gouvernement du Canada, LOrganisation des tats amricains (2012), en ligne :
Affaires trangres, Commerce et Dveloppement Canada .

219 Interpretation of the American Declaration of the Rights and Duties of Man Within the
Framework of Article 64 of the American Convention on Human Rights (1989), Avis con-
sultatif OC-10/89, Inter-Am Ct HR (Sr A) no 15, Annual Report of the Inter-American
Commission on Human Rights: 1989, AG/doc.240l/89 (1989) 109. Voir aussi Ludovic
Hennebel, La Convention amricaine des droits de lHomme : mcanismes de protection
et tendue des droits et liberts, Bruxelles, Bruylant, 2007 la p 27.

220 Pour un exemple actuel, voir Hulquminum Treaty Group v Canada (2009), Inter-Am
Comm HR, No 105/09, Annual Report of the Inter-American Commission on Human
Rights: 2009, OEA/Ser.L/V/II/ doc.51, corr.1 [Hulquminum]. Cette affaire oppose un
groupe autochtone au Canada et la Province de la Colombie-Britannique devant la
Commission interamricaine.

221 Hennebel, supra note 219 la p 230.

LA PLACE RSERVE LAVIS DES PEUPLES AUTOCHTONES 649

bien ce poids politique. De plus, comme le mentionne Ludovic Hennebel,
les dcisions de la Commission interamricaine ont toutes les apparences
dun jugement, la seule diffrence prs que cette instance recommande,
au lieu dordonner, que des mesures soient prises par ltat membre pour
remdier aux violations allgues 222. Ainsi, une ptition pourrait tre
soumise la Commission interamricaine dnonant une violation de la
Dclaration amricaine, plus prcisment de son article 23223, quivalent
de larticle 21 de la Convention amricaine sur le droit de proprit224, par
le Canada.
En outre, linterprtation de larticle 21 de la Convention amricaine
dveloppe par la Cour interamricaine225 se rpercute sur les dcisions de
la Commission interamricaine, puisque celle-ci travaille sous lautorit
de la Cour interamricaine. Elle doit donc, en principe, adapter sa juris-
prudence celle de la Cour afin dviter des disparits importantes au
sein du systme interamricain. Laffaire Dann v. United States illustre
trs bien ce propos226. Le lien entre le raisonnement de la Commission in-
teramricaine, celui de la Cour interamricaine, ltat du droit interam-
ricain et ltat du droit international apparat clairement. La Commission
interamricaine affirme quen interprtant et en appliquant la Dclara-
tion amricaine, il lui sera ncessaire de considrer ses dispositions dans
le contexte plus large des droits humains tels que reconnus au niveau in-
ternational et au sein du systme interamricain227. La Commission inte-
ramricaine fait ici rfrence la Convention amricaine228, qui constitue
lexpression officielle des principes mis de lavant par la Dclaration am-
ricaine229, ainsi quaux dveloppements rcents en matire de droits hu-
mains intervenus devant dautres instances internationales, notamment
la Cour interamricaine, lOrganisation internationale du travail, le Co-
mit des droits de lhomme ainsi que le Comit pour llimination de la
discrimination raciale des Nations Unies. Les positions dveloppes par

222 Ibid.
223 Dclaration amricaine, supra note 200.
224 Convention amricaine, supra note 159.
225 Voir par ex Awas Tingni, supra note 167; Saramaka People, supra note 28.
226 Il est noter que les tats-Unis ne sont pas juridiquement lis par les dispositions de la
Convention amricaine (supra note 159), layant signe, mais ne layant jamais ratifie.
227 Voir Dann, supra note 201 au para 96. Dans cette affaire, deux membres de la commu-
naut Shoshone de lOuest reprochaient aux tats-Unis davoir viol larticle 23 de la
Dclaration amricaine (supra note 200) en procdant au retrait de leurs animaux
dlevage alors situs sur leurs terres ancestrales, en permettant que des activits de
prospection minire et de stockage de dchets nuclaires y soient conduites.

228 Convention amricaine, supra note 159.
229 Voir Dann, supra note 201 au para 97.

650 (2014) 59:3 MCGILL LAW JOURNAL REVUE DE DROIT DE MCGILL

ces instances externes sont officiellement reconnues comme tant des
sources implicites orientant linterprtation de la Dclaration amri-
caine 230 . Ce raisonnement permet la Commission interamricaine
dlargir la porte de larticle 23 de la Dclaration amricaine231 la pro-
prit collective. la lumire de laffaire Dann, il ne serait donc pas sur-
prenant de voir la Commission interamricaine infrer dans un avenir
rapproch le devoir dobtenir le CPL des peuples autochtones, dans les
cas o un tat membre envisagerait de porter atteinte au droit collectif de
proprit reconnu ces peuples sur leurs territoires ancestraux et les res-
sources naturelles sy retrouvant, linstar de larrt Saramaka People232.
Le cas opposant actuellement une communaut autochtone de la Colom-
bie-Britannique au gouvernement fdral et la province devant la
Commission interamricaine pourra permettre de vrifier cette hypo-
thse233.

Par consquent, la force de la Dclaration des Nations Unies et des d-
cisions de la Commission interamricaine ne se situe pas tant au niveau
de leur force obligatoire quau niveau de linfluence quelles peuvent exer-
cer en raison de la pertinence des balises quelles posent en ce qui a trait
au respect des droits des peuples autochtones234. De plus, les normes
quelles enchssent nous paraissent pouvoir enrichir ltat du droit in-
terne sur le plan de la participation des peuples autochtones et de la prise
en compte de leur avis.

Conclusion
Cet article met en exergue le fait que le droit au CPL des peuples au-
tochtones est une norme dont le droit canadien a intrt sinspirer dans
le contexte de lexploitation du Nord qubcois, quelle intervienne sous
ltiquette Plan Nord ou dans le cadre dune autre politique. Larticle na
pas pour objectif de sopposer au dveloppement du Nord qubcois ou
dinsinuer que ce dveloppement, notamment conomique, nest pas sou-
hait par les Autochtones. Il tient cependant rappeler quil doit se con-
crtiser en respectant certaines obligations nationales et internationales.
Afin de dfinir la nature de ces obligations, il procde un bilan sur ltat
du droit interne, international et interamricain quant la question de la
place accorder lavis des peuples autochtones en matire de prise de

230 Ibid au para 127.
231 Dclaration amricaine, supra note 200.
232 Saramaka People, supra note 28.
233 Hulquminum, supra note 220.
234 Pour un point de vue similaire concernant le droit international conventionnel, voir

Beaulac, supra note 216.

LA PLACE RSERVE LAVIS DES PEUPLES AUTOCHTONES 651

dcision dans le cadre de projets de dveloppement. Ce faisant, il compare
ltat du droit interne avec celui du droit supranational. Le rsultat de
cette comparaison suggre que chaque ordre juridique comporte ses
propres complexits et que tous reconnaissent le droit la consultation en
tant que norme minimale. Aucun ordre ne consacre de manire absolue le
droit au CPL. Par ailleurs, la confusion entre droit la consultation,
droit au consentement et droit la participation la prise de dcision est
frquente. Pour ce qui est des divergences, elles se situent sur le plan des
conditions de mise en uvre de chacune des deux normes. Le droit la
consultation approfondie et la conduite de bonne foi est la norme que les
tribunaux canadiens appliquent en cas de revendication srieuse et
dexistence dun droit potentiel. Cette norme existe aussi en droit interna-
tional, en cas de mesure attentatoire non significative pour les intrts
autochtones, et en droit interamricain, en cas de projet de dveloppe-
ment de petite envergure envisag sur le territoire dun peuple autoch-
tone. Le droit au CPL, quant lui, est appliqu en droit canadien lors-
que la communaut a un droit tabli 235. Le droit international exige
lexistence dune atteinte significative la vie, au territoire, aux intrts
ou aux droits tablis des peuples autochtones pour que cette norme plus
exigeante que le droit la consultation soit mise en uvre. Enfin, elle est
dclenche en droit interamricain, lorsque les instances judiciaires ou ju-
ridictionnelles de ce systme font face un projet de dveloppement
denvergure qui porte atteinte au droit de proprit collectif de la commu-
naut autochtone. Chaque ordre juridique possde donc ses propres moda-
lits de mise en uvre, le palier international, depuis ladoption de la D-
claration des Nations Unies236, apparaissant comme tant celui qui ap-
plique le standard le plus accommodant en matire de droit au CPL.

le dveloppement et la mise en uvre de ce projet par ltat.

La premire de ces obligations lui impose de prserver les droits hu-
mains et les droits des peuples autochtones. tous les stades de
llaboration et de la mise en uvre du Plan Nord, les entits gouverne-
mentales que ce soit le gouvernement provincial, lAssemble nationale
du Qubec, le conseil dadministration de la Socit du Plan Nord ou une
autre socit dtat comme Hydro-Qubec doivent sassurer, en colla-
boration avec les six peuples autochtones dont le territoire et les revendi-
cations sont touchs par le Plan, de la conformit de leurs actions et de
celles de tierces parties, comme les compagnies extractives et forestires,
au droit des peuples autochtones. En cas dincertitude sur le contenu des

Pour ce qui est du Plan Nord, plusieurs obligations devraient encadrer

235 Voir Delgamuukw c Colombie-Britannique, supra note 35.
236 Dclaration des Nations Unies, supra note 22.

652 (2014) 59:3 MCGILL LAW JOURNAL REVUE DE DROIT DE MCGILL

normes lies aux droits humains ou au droit des peuples autochtones, les
entits gouvernementales devraient agir conformment au principe de
prcaution, dautant plus que le Plan Nord est un projet denvergure. Sil y
a lieu, ltat doit galement assurer le respect du droit et des engage-
ments des tierces parties lgard de ces peuples.
Deuximement, vu les attentes lgitimes cres loccasion de
llaboration du projet et vu lappui formel apport par le Canada cer-
tains instruments de droit international et interamricain, tous les
peuples autochtones dont les territoires, les ressources, les revendications
et les droits potentiels ou tablis sont affects de manire significative de-
vraient participer effectivement toutes les tapes, de llaboration la
mise en uvre de ce projet. Concrtement, cela signifie quils devraient
pouvoir donner leur consentement, librement, aprs avoir eu accs une
pleine information et pralablement toute autorisation de prospection,
dexploration et dexploitation dun territoire ou dune ressource quils pos-
sdent officiellement ou potentiellement. En pratique, les peuples autoch-
tones du Qubec devraient donc tre mieux et compltement informs sur
le contenu du Plan Nord. Leurs avis devraient jouer un rle central au
stade de llaboration des divers plans quinquennaux et de leur adoption.
Cette place prpondrante devrait tre juridiquement garantie. En outre,
le gouvernement devrait sassurer de la prise en compte du point de vue
des femmes et des jeunes autochtones tous les stades du dveloppement
du projet, dans le cadre dune collaboration reprsentative.

Troisimement, le projet de loi crant la Socit du Plan Nord237 de-
vrait tre modifi pour garantir la reprsentation tant des peuples au-
tochtones du Qubec que des femmes autochtones au sein du Conseil
dadministration de la socit. Ds larticle 26 du projet de loi238, des siges
devraient tre rservs aux diverses nations autochtones touches par le
Plan, dans le respect de lgalit des sexes et du pluralisme. ce titre,
lAssemble nationale du Qubec pourrait sinspirer des articles 6 et 7 du
Finnmark Act, adopte en 2005 par le parlement norvgien et dj vo-
que plus haut239. Ladoption dun rgime de cogestion entre Saamis et
non Saamis est intressante en ce quelle implique la collaboration. Le
contexte qubcois tant diffrent, dans la mesure o plusieurs peuples
autochtones sont tablis sur le territoire de la province, ce rgime pourrait
tre adapt pour permettre la pleine reprsentation de tous les peuples
autochtones dont les droits acquis ou potentiels sont affects, ainsi que
des femmes autochtones. Lenjeu est maintenant de dfinir les modalits

237 Socit Plan Nord, supra note 30.
238 Ibid.
239 Finnmark Act, supra note 84.

LA PLACE RSERVE LAVIS DES PEUPLES AUTOCHTONES 653

de coexistence quitables entre les 33 000 36 000 Autochtones tablis
depuis des temps immmoriaux dans le nord du Qubec et les 80 000 non
autochtones qui y ont lu domicile.
En dernier lieu, le gouvernement devrait envisager la cration dun
fonds qui, terme, devrait tre aliment par une partie des gains retirs
de lexploitation du nord, pour assurer la pleine information et participa-
tion des peuples autochtones llaboration et la mise en uvre du pro-
jet.
Ces recommandations permettraient des dcisions plus claires, plus
transparentes et plus efficaces et garantiraient la paix et la scurit. En
outre, la mise en uvre de ces recommandations pourrait encourager
lmergence dune nouvelle relation entre peuples autochtones, tat et
tierces parties, contribuer la rparation des torts causs par la colonisa-
tion, renforcer le lien de confiance et, in fine, assurer une coexistence plus
quitable. Ces recommandations sont valables dans le cadre du Plan
Nord, mais aussi pour tout projet de dveloppement denvergure quil se
situe au Qubec, ailleurs au Canada, comme dans le cadre du Plan de
croissance de lOntario lanc en 2011 par cette province240, ou lextrieur
des frontires de cet tat.

240 Voir Ministre de lInfrastructure et Ministre du Dveloppement du Nord, des Mines
et des Forts, Plan de croissance du Nord de lOntario, 2011 , Imprimeur de la Reine
pour lOntario, 2011.