Article Volume 52:1

La progression des droits linguistiques au Nouveau-Brunswick dans une perspective historique globale

Table of Contents

La progression des droits linguistiques au
Nouveau-Brunswick dans une perspective

historique globale

Gatan Migneault*

the evolution of

The linguistic situation in New Brunswick is
unique in the Canadian context. Not only does the
province currently offer one of the most generous and
progressive legal regimes for its French-speaking
linguistic minority,
this regime
proceeded in the opposite direction than that observed
in other jurisdictions. This paper provides an overview
spanning more than two centuries of legislative history
in order to examine the legal status of the French
language in New Brunswick.

An important step in the development of this
regime, which began in the early stages of colonization,
was the inclusion of article 133 in the Constitution Act,
1867. Other notable advances include the establishment
of bilingual post-secondary institutions and the use of
bilingual or French corporate names
in private
legislation. Although the 1969 Official Languages of
New Brunswick Act marks a defining moment in the
history of linguistic rights in the province, it is rather in
1967 that the impetus for reform became irreversibly
entrenched. The 1969 statute nevertheless led to a new
series of claims that sought to protect previously
acquired
their
constitutional status. Following the adoption of the
Charter, which enshrines linguistic provisions specific
to New Brunswick residents, further progress has been
achieved through the New Brunswick courts, and
additional reforms were undertaken by the provincial
government to reinforce these linguistic rights.

ensuring

linguistic

rights

by

La situation linguistique du Nouveau-Brunswick
est unique dans le contexte canadien. La province est
non seulement dote dun rgime juridique des plus
progressistes et des plus ouverts envers sa minorit
linguistique francophone, le dveloppement de ce
rgime sest effectu suivant une trajectoire oppose
celles observes dans dautres juridictions. Cet article
parcourt au-del de deux sicles dhistoire lgislative au
Nouveau-Brunswick afin dexaminer le statut juridique
de la langue franaise dans cette province.

Un vnement important dans le dveloppement
de ce rgime, qui dailleurs mane de la priode de la
colonisation, fut la mise en vigueur de larticle 133 au
sein de la Loi constitutionnelle de 1867. Dautres
avances de grande envergure furent la cration
dtablissements denseignement suprieur franco-
phones ainsi que lutilisation de raisons sociales
bilingues ou en langue franaise dans les lois prives.
Mme si la Loi sur les langues officielles du Nouveau-
Brunswick de 1969 reste une date charnire en matire
de droits linguistiques au Nouveau-Brunswick, cest
plutt partir de 1967 que le vent de rforme prit une
allure irrversible. La loi de 1969 entrana toutefois une
nouvelle priode de revendications visant protger les
droits linguistiques dj acquis en confrant ceux-ci
un statut constitutionnel. Depuis ladoption de la
Charte, qui garantit des protections linguistiques
spcifiques aux rsidents du Nouveau-Brunswick, le
gouvernement de cette province a entrepris plusieurs
rformes additionnelles qui ont men au renforcement
de ces droits. Dautres dveloppements de grande
porte en la matire ont galement t engendrs par le
biais des tribunaux.

* Lauteur est membre du Barreau du Nouveau-Brunswick. Il dsire exprimer sa gratitude
notamment envers Me Roger Bilodeau, c.r., qui, alors quil tait procureur gnral adjoint du
Nouveau-Brunswick, la encourag dans cette entreprise, bien que le produit final soit beaucoup plus
ambitieux que lide originale. Les opinions demeurent cependant la responsabilit entire de lauteur
et ne lient personne dautre.
Gatan Migneault 2007
Mode de rfrence : (2007) 52 R.D. McGill 83
To be cited as: (2007) 52 McGill L.J. 83

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Introduction

I. La reconnaissance lgale progressive du franais au

Nouveau-Brunswick : les premires tapes historiques

II. Un vent de rforme et le point culminant : les

dveloppements menant la Loi sur les langues
officielles du Nouveau-Brunswick

III. Pour une protection des acquis : les garanties

constitutionnelles

IV. Pour une consolidation des acquis : la progression continue

Conclusion

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la reconnaissance que

Introduction

Le Nouveau-Brunswick occupe aujourdhui une place unique au Canada en
matire de droits linguistiques. Cette situation rsulte dune longue volution qui fut
conditionne par de multiples facteurs sociaux et politiques, tant ponctuels que
continus. Il serait faux de croire que la situation linguistique dans la province est
maintenant labri du changement. En effet, peu prs la seule certitude cet gard
est que le Nouveau-Brunswick dans cinquante ans sera diffrent de celui
daujourdhui. Ce qui est plus difficile prdire est la direction dans laquelle aura lieu
cette transformation. Si le pass est garant de lavenir, loptimisme est tout indiqu et
force serait de croire que le Nouveau-Brunswick sera compos dune communaut
encore plus ouverte, plus inclusive, plus tolrante et plus respectueuse envers les
diffrences personnelles, culturelles et collectives. Cette prvision dcoule dune
simple considration de lhistoire.
Un des facteurs ayant influenc la direction des dveloppements au Nouveau-
Brunswick est certainement
lgalit nquivaut pas
ncessairement un traitement gal1. En adoptant cette attitude, la socit no-
brunswickoise a pu souvrir pour attribuer une place plus importante des groupes
qui auraient autrement t destins la marginalit. Cest en acceptant et en
respectant les diffrences que les tensions destructives peuvent tre rduites, ou
idalement limines. Les gens se sentent alors plus valorises et cette agressivit
dfensive sestompe, contrairement ce qui se passe lorsquun groupe se sent
constamment menac. Une considration de lhistoire suggre quun changement
important a eu lieu cet effet dans les valeurs au Nouveau-Brunswick. Ceci ne veut
cependant aucunement dire que la minorit francophone na pas eu revendiquer
certains droits avec vigueur, et encore moins que la majorit anglophone a
ncessairement accueilli ces revendications bras ouverts. Par dfinition, la notion de
progression2 suggre un accroissement intervalles plus ou moins rgulier ; elle ne
signifie pas une ouverture complte et entire dun seul coup. Par consquent, le fait
quune lutte finir soit engage par certaines gens pour achever lgalit linguistique
au Nouveau-Brunswick nempche pas quune progression constante puisse y tre
mesure.

En effet, en lespace de deux sicles, la province a volu dune fermeture
presque complte envers sa communaut francophone pour devenir le rgime
juridique sans doute le plus ouvert et le plus progressif du pays face sa minorit
linguistique. Ce dveloppement contraste fortement avec ce qui est survenu ailleurs,

1 Voir Arsenault-Cameron c. le-du-Prince-douard, 2000 CSC 1, [2000] 1 R.C.S. 3 au para. 31,

181 D.L.R. (4th) 1.

2 Selon Le nouveau petit Robert, le terme progression signifie, entre autres, 4. Dveloppement

par degrs, rgulier et continu (2006, s.v. progression).

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au Manitoba notamment, o des droits linguistiques ont t reconnus assez tt3, pour
tre ignors ou dvalus considrablement par la suite4. Le mme constat peut
galement tre appliqu lAlberta et la Saskatchewan5. Curieusement, en passant
dune situation douverture relative une situation de fermeture presque complte, le
trajet parcouru dans ces juridictions semble avoir t parfaitement loppos de ce
qua connu le Nouveau-Brunswick.

Lobjectif du prsent travail est de retracer historiquement la place qui a t
donne la langue dans les mesures lgislatives du Nouveau-Brunswick. En vue de
contraintes despace, nous naborderons pas chacune des forces en jeu ayant pu
mener ces mesures, y compris les luttes menes sur diffrents fronts (habituellement
par les membres de la minorit). Nous ntudierons pas non plus lusage effectif qui a
pu en tre fait sur le terrain. ce sujet, nous dirons simplement quil nest pas
suffisant quune garantie linguistique soit accorde sur papier ; il faut encore quelle
soit utilise ou mise en uvre pour avoir un sens. Ces questions vont au-del du
champ de cet ouvrage. Nos recherches se concentrent plutt sur le fait que, dans la
mesure o le lgislateur est sincre et quil reflte lopinion gnrale de la population,
un relev des mesures lgislatives constitue un indice important de louverture dune
communaut envers sa minorit linguistique. Cette hypothse ne semble pas
totalement dpourvue de fondement lorsque lon considre que les lgislateurs
exercent une fonction reprsentative6.

Cet article vise replacer dans son contexte historique la reconnaissance
accorde au statut juridique du franais au Nouveau-Brunswick. cet effet, il
dmontre que la rforme entreprise avec la Loi sur les langues officielles du Nouveau-

3 Voir notamment Loi de 1870 sur le Manitoba, L.C. 1870 (33 Vict.), c. 3, art. 23 (ayant permis,
linstar du rgime applicable au fdral et au Qubec, lusage du franais et de langlais dans les
dbats de la lgislature et devant les tribunaux), valide par Loi constitutionnelle de 1871 (R.-U.), 34
& 35 Vict., c. 28.

4 Voir An Act to provide that the English Language shall be the Official Language of the Province of
Manitoba, S.M. 1890, c. 14 (ayant tent de rduire lusage du franais dans la province). Des
jugements dclarant la loi invalide, rendus peu de temps aprs, furent simplement ignors par les
autorits. Voir Pellant v. Hbert (9 mars 1892), St-Boniface (Cour de comt), reproduit dans Joseph
Eliot Magnet, Court Ordered Bilingualism (1981) 12 R.G.D. 237 aux pp. 242-44 ; Bertrand v.
Dussault (30 janvier 1909), St-Boniface (Cour de comt), reproduit dans Re Forest and Registrar of
Court of Appeal of Manitoba (1977), 77 D.L.R. (3e) 445 aux pp. 458-62 (Man. C.A.). Voir aussi
Manitoba (P.G.) c. Forest, [1979] 2 R.C.S. 1032, 101 D.L.R. (3e) 385 [Forest] ; Renvoi relatif aux
droits linguistiques au Manitoba, [1985] 1 R.C.S. 721, 19 D.L.R. (4e) 1 [Renvoi aux droits
linguistiques] ; Bilodeau c. Manitoba (P.G.), [1986] 1 R.C.S. 449, 27 D.L.R (4e) 39 [Bilodeau].

5 Voir R. c. Mercure, [1988] 1 R.C.S. 234, 48 D.L.R. (4e) 1 ; Loi linguistique, R.S.A. 2000, c. L-6 ;

Loi relative lusage du franais et de langlais en Saskatchewan, L.S. 1988-89, c. L-6.1.

6 Voir notamment Figueroa c. Canada (P.G.), 2003 SCC 37, [2003] 1 R.C.S. 912, 227 D.L.R. (4e)
1 ; Renvoi rlatif aux circonscriptions lectorales provinciales (Sask.), [1991] 2 R.C.S. 158, 81 D.L.R.
(4e) 16. Voir aussi Nouveau-Brunswick, Commission sur la dmocratie lgislative, Rapport final et
recommandations, Fredericton, Commission sur la dmocratie lgislative, 2004.

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Brunswick7 tait luvre bien avant son adoption en 1969, et que cette loi ne
constitue en fait quune tape additionnelle dans la progression des droits
linguistiques dans la province. La Loi sur les langues officielles de 1969 reprsente
donc un dveloppement important, certes, mais non imprvisible. Toujours dans cette
perspective, ce texte explique que llargissement des protections linguistiques ne
sarrta pas en 1969, bien au contraire. Finalement, nous notons que ce nest pas
lobjet de cet article de prsenter une interprtation de la porte juridique des
dispositions recenses ; dans la mesure du possible, lemphase sera plutt place sur
les sources primaires.

I. La reconnaissance lgale progressive du franais au Nouveau-

Brunswick : les premires tapes historiques

Il est difficile de compltement dissocier la situation du Nouveau-Brunswick de
celle des autres provinces maritimes. Avant larrive des europens sur cette partie du
territoire, la rgion des Maritimes tait occupe par des communauts autochtones
relativement homognes au niveau de leurs murs, de leurs langues, de leurs
coutumes et de leurs traditions. Jusqu limplantation de colonies permanentes
dtrangers au dbut du dix-septime sicle, elles furent pour ainsi dire les seuls
occupants du territoire. En dpit dun systme de valeurs et de coutumes fort
diffrent, les communauts autochtones des Maritimes dmontrrent une hospitalit
particulire envers les nouveaux arrivants de France. Alors quelles auraient pu les
chasser nimporte quel moment, elles les acceptrent plutt en tant que voisins et
vcurent avec ces derniers de faon relativement paisible8. Cette cordialit ne
stendit pourtant pas automatiquement dautres immigrants, tels que les
Britanniques qui obtinrent le contrle du territoire de faon sporadique jusquen
1713, et dfinitivement par la suite. Les tensions y furent au contraire frquentes et
souvent destructrices.
Au pire moment de la crise, la tolrance tomba au point mort et la mfiance entre
les cultures fut son apoge. Il sen est suivi des vnements qui soulvent du
ressentiment encore aujourdhui9. Cest essentiellement dans ces circonstances que le
Nouveau-Brunswick fut n en 1784, partir dun territoire qui formait alors la

7 L.N.-B. 1969, c. 14, reproduite dans L.R.N.-B. 1973, c. O-1 [Loi sur les langues officielles de

8 La force des autochtones fut lun des facteurs invoqus par les Acadiens pour rsister un serment
dallgeance inconditionnel la Couronne britannique de 1713 1755. Voir Naomi Elizabeth
Saundaus Griffiths, From Migrant to Acadian : A North American Border People, 1604-1755,
Montreal, McGill-Queens University Press, 2005 ; John Mack Faragher, A Great and Noble Scheme :
The Tragic Story of the Expulsion of the French Acadians from their American Homeland, New York,
W.W. Norton & Company, 2005.

9 Voir notamment Proclamation dsignant le 28 juillet de chaque anne, compter de 2005
Journe de commmoration du Grand drangement, T.R./03-188, Gaz. C. 2003.II.3202 (relatant
certains de ces vnements).

1969].

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Nouvelle-cosse et la demande dun groupe dindividus qui fuyaient les tats-
Unis10. La situation se prtait peu louverture et la tolrance. Ce nest que
graduellement que ltau fut relch et quune plus grande place fut laisse aux
groupes minoritaires. Par exemple, au plus fort des conflits religieux, le Parlement
imprial et certaines assembles coloniales adoptrent des lois qui limitaient
grandement les capacits des catholiques11. La situation se renversa graduellement par
la suite, de sorte que le 8 mars 1830, soit quarante-six ans aprs la cration du
Nouveau-Brunswick, lassemble coloniale de la province incorpora une loi impriale
qui liminait certaines de ces incapacits12. Ce genre de lgislation ne reconnaissait
pas ncessairement les caractristiques particulires dun groupe marginal mais visait
surtout liminer une incapacit artificielle, cest–dire cre par la loi.

Pour ce qui est de la situation de la minorit linguistique, une premire mesure
lgislative mrite dtre prise en compte, soit An Act to authorize the Justices of the
Peace in General Sessions in certain Counties in this Province to exempt the Acadian
French from the assessment of Poor Rates13. Un rgime avait t mis en place pour
assurer le prlvement de taxes afin dassister les personnes indigentes dans la
province14. En 1837, le pouvoir fut donn par cette loi aux juges de paix dans certains
comts dexempter les Acadiens du rgime. Le prambule de la Loi de 1837 associait
la raison de cette distinction au fait que the Acadian French in this Province are in
the habit of supporting their own poor15. Par ce texte, lAssemble coloniale
reconnaissait explicitement une caractristique particulire de cette communaut, qui
justifiait un traitement diffrent. Les liens entre les francophones du Nouveau-
Brunswick taient effectivement trs troits : non seulement soccupaient-ils de leurs
pauvres mais ils possdaient galement un pouvoir de sanction sociale relativement
efficace16, ce qui pourrait expliquer en partie leurs recours peu frquents au systme

10 Voir Order in Council (Imperial) establishing Province, L.R.N.-B. 1973, app. III.
11 Pour les lois adoptes par le Parlement imprial, voir par ex. An Act for the more effectual
preserving the Kings Person and Government, by disabling Papists from sitting in either house of
parliament (R.-U.), 1677, 3 Charles II, c. 1 ; An Act for the amoving Papists, and reputed Papists,
from the Cities of London and Westminster, and ten Miles Distance from the same (R.-U.), 1688, 1
Will. & Mary, c. 9. Pour les lois de lAssemble coloniale de la Nouvelle-cosse adoptes avant la
cration du Nouveau-Brunswick, voir par ex. An Act for confirming Titles to Lands and quieting
Possessions, S.N.S. 1758 (32 Geo. II), c. 2 ; An Act for the establishment of religious public worship in
this Province, and for suppressing Popery, S.N.S. 1758 (32 Geo. II), c. 5 ; An Act concerning Schools
and Schoolmasters, S.N.S. 1766 (6 Geo. III), c. 7 [An Act concerning Schools].

12 An Act for the relief of His Majestys Roman Catholic Subjects in this Province, S.N.-B. 1830 (10
& 11 Geo. IV), c. 33, incorporant An Act for the relief of His Majestys Roman Catholic Subjects,
S.N.-B. 1829 (10 Geo. IV), c. 7 (adopte le 13 avril 1829).

13 S.N.-B. 1837 (7 Will. IV), c. 22 (adopte le 1er mars 1837) [Loi de 1837].
14 Voir An Act to regulate and provide for the support of the Poor in this Province, S.N.-B. 1786 (26
Geo. III), c. 43; An Act in amendment of an Act, intituled, An Act to regulate and provide for the
support of the Poor in this Province, S.N.-B. 1793 (33 Geo. III), c. 6.

15 Supra note 13.
16 Voir Lauraine Lger, Les sanctions populaires en Acadie : rgion du Comt de Kent, Montral,

Lemac, 1978.

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judiciaire au dbut de lhistoire du Nouveau-Brunswick17. Le pouvoir des juges de
paix dexempter les Acadiens du rgime pour les moins fortuns semble avoir t
maintenu jusquen 187718.

Si lon se fie aux mesures lgislatives prises par les autorits, la minorit
francophone de la province aurait initialement t remarque pour les conditions
difficiles dans lesquelles elle vivait : dabord par la Loi de 1837 concernant le rgime
pour les pauvres, suggrant quelle constituait lun des segments les moins bien nantis
du Nouveau-Brunswick, puis par une deuxime loi adopte sept ans plus tard qui
traitait de cas de lpre dans les comts de Gloucester et de Northumberland19. Ces
mesures de sant publique lies la maladie ne furent pas la premire dans la
province puisque des pidmies de toutes sortes sy taient dj manifestes. Ceci dit,
elles furent les premires viser spcifiquement les francophones. Le lgislateur tenta
de remdier ces problmes de sant par plusieurs mesures
lgislatives
additionnelles20. Malgr ces efforts, il semblerait, sen fier la prorogation rgulire
de ces lois, que la situation perdura pendant des annes21.
Une nouvelle srie de mesures vint ajouter un rgime de perception au rgime
dexemption de la taxe pour les pauvres pour certaines communauts de la minorit

17 Voir Jacques Paul Couturier, Point de fort pour la loi ? : La justice civile dans la socit
acadienne de 1873 1899 (1991) 45 Revue dhistoire de lAmrique franaise 179 aux pp. 186,
205 ; Philip Girard, The Maritime Provinces, 1850-1939 : Lawyers and Legal Institutions (1996) 23
Man. L.J. 379 aux pp. 387-88, 391-96.

18 Il semblerait que ce rgime disparut avec les lois rvises de 1877 puisque aucune disposition

similaire ne peut y tre retrace. Voir par ex. Rates and Taxes, L.R.N.-B. 1877, c. 100.

19 An Act to prevent the spread of a Disorder now existing in certain parts of the Counties of
Gloucester and Northumberland, S.N.-B. 1844 (7 Vict.), c. 28 (sanctionn le 13 avril 1844 ; en
vigueur jusquau 1er mai 1846) [An Act to prevent the spread of a Disorder].

20 Voir notamment ibid. ; An Act to continue An Act to prevent the spread of a Disorder now existing
in certain parts of the Counties of Gloucester and Northumberland, S.N.-B. 1846 (9 Vict.), c. 36
(prorog jusquau 1er mai 1848) ; An Act to continue An Act to prevent the spread of a Disorder now
existing in certain parts of the Counties of Gloucester and Northumberland, S.N.-B. 1848 (11 Vict.),
c. 35 (prorog jusquau 1er mai 1850) ; An Act to prevent the spread of a Disorder now existing in
certain parts of the Counties of Gloucester and Northumberland, S.N.-B. 1850 (13 Vict.), c. 18 (lois
locales ; en vigueur du 1er mai 1850 au 1er mai 1852) ; An Act to continue An Act to prevent the spread
of a Disorder now existing in certain parts of the Counties of Gloucester and Northumberland, S.N.-
B. 1852 (15 Vict.), c. 64 (prorog jusquau 1er mai 1857) ; An Act to continue an Act intituled An Act
to prevent the spread of a Disorder now existing in certain parts of the Counties of Gloucester and
Northumberland, S.N.-B. 1857 (20 Vict.), c. 14 (prorog jusquau 1er mai 1862) ; An Act to continue
an Act intituled An Act to prevent the spread of a Disorder now existing in certain parts of the
Counties of Gloucester and Northumberland, S.N.-B. 1862 (25 Vict.), c. 78 (prorog jusquau 1er mai
1870) ; An Act to continue an Act intituled An Act to prevent the spread of a Disorder now existing in
certain parts of the Counties of Gloucester and Northumberland, S.N.-B. 1870 (33 Vict.), c. 37
(prorog jusquau 1er mai 1880).

21 De ce quil est possible de retracer, la loi fut premirement adopte en 1844 pour tre proroge ou
adopte nouveau plusieurs reprises jusquau 1er mai 1880, reprsentant en tout une priode de prs
de quarante ans. Voir ibid.

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linguistique. En loccurrence, les lois An Act relating to French Paupers in the Parish
of Dorchester, in the County of Westmorland22, An Act relating to French Paupers in
the Parish of Moncton, in the County of Westmorland23 et An Act relating to French
Paupers in the Parish of Shediac, in the County of Westmorland24 crrent toutes un
systme dvaluation et de prlvement spcialement fait pour les francophones des
paroisses civiques de Dorchester, de Moncton et de Shdiac, dans le comt de
Westmorland. Ces lois leur accordaient le pouvoir dlire des valuateurs et des
percepteurs dont la juridiction se limitait strictement aux membres de leur
communaut25. Sous ce rgime, il ntait plus seulement question dun pouvoir
discrtionnaire permettant dexempter les francophones appartenant ces paroisses
dune taxe applicable tous ; un rgime particulier fut cr pour eux en plus de les
exempter du rgime gnral. Quant au taux de la taxe, il devait tre fix lors des
sessions gnrales habituelles du comt26. Ces lois symbolisent le dveloppement
dune reconnaissance du principe de la dualit linguistique en matire de services
publics au Nouveau-Brunswick. cet effet, il est bon de mentionner quune maison
daccueil pour les indigents francophones de Shdiac fut explicitement prvue en
190027.

Le projet dunion de la colonie du Nouveau-Brunswick avec la Nouvelle-cosse
et lle-du-Prince-douard, auquel se joignit subsquemment le Canada-Uni,
reprsente une autre entreprise des annes 1860 qui eut des consquences majeures
pour la minorit francophone. Lvnement fut marquant bien des gards. cet
effet, il suffit de mentionner la protection accorde par la Loi constitutionnelle de
186728 aux coles confessionnelles par son article 93, et aux langues franaise et
anglaise par son article 133. Toutefois, si lon se fie aux propos tenus lAssemble
lgislative, cette dernire disposition fut mal reue par certains segments de la
population du Nouveau-Brunswick. En 1866, deux dputs se prononcrent contre
larticle. William Needham sexprima dabord le 3 avril :

[An] objection to this scheme is that two languages are to be used. One-half
of the members will get up and jabber in French, and not one of our members
will understand what they are saying. The courts of law are conducted in
French too. In Lower Canada one lawyer talks to the jury in French and another
in English. This is a system with which we want nothing to do29.

22 S.N.-B. 1861 (24 Vict.), c. 22 [Loi de 1861].
23 S.N.-B. 1863 (26 Vict.), c. 45.
24 S.N.-B. 1868 (31 Vict.), c. 64.
25 La Loi de 1861, supra note 22 permettait en plus llection de trois surveillants (Overseers).
26 Voir An Act to confirm the proceedings of the last annual meeting of the French ratepayers of the

Parish of Shediac, S.N.-B. 1902, c. 61.

27 Voir An Act to provide for the erection of an Almshouse and Workhouse for the French inhabitants

of Shediac, and the Maintenance of their Poor, S.N.-B. 1900, c. 62 (sanctionn le 12 avril 1900).

28 (R.-U.), 30 & 31 Vict., c. 3, reproduite dans L.R.C. 1985, app. II, no 5.
29 Debates of the House of Assembly of the Province of New Brunswick (3 avril 1866), tel que cit

dans Janet Ajzenstat et al., dir., Canadas Founding Debates, Toronto, Stoddart, 1999 la p. 329.

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Le 29 juin suivant, ce fut au tour de Bliss Botsford de faire part de ses
proccupations :

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History shows us that great difficulties always arise from the dividing of the
people into distinctive classes, and this has been clearly illustrated in Upper and
Lower Canada. These distinctions of race and language are, I see, to be
perpetuated […] And not only is the difference of race to be perpetuated, but
they provide also for the continuance of two languages in the federal
government and federal courts. I believe they should have decided that the
language of the country should be either one or the other, and when you, sir, as
one of the judges of the Court of Appeals, shall be called on to decide on some
difficulties which may arise […] you will be addressed by some of the lawyers
in the polite language of France, whilst others will quote authorities in England
[…] Instead of these differences of race and language being abolished or
confined to the places where they have previously existed, we find that this
class distinction is to be propagated and engrafted upon provinces where it has
never been before. This has been the cause of the trouble between Upper and
Lower Canada, and serious difficulties must arise from it here30.

De faon gnrale, il est important de noter que le projet confdral fut peru avec
rticence au Nouveau-Brunswick. En effet, il fallut deux lections provinciales et la
crainte entourant la guerre civile amricaine pour que le projet soit enfin accept31.
Une rticence similaire fut remarque en Nouvelle-cosse, un tel point que la
majorit des dputs de cette province qui furent lus aux premires lections
fdrales taient des indpendantistes32.
Jusquen 1867, lensemble de la souverainet parlementaire, pour autant quune

colonie puisse tre dite den possder lentiret, rsidait dans lassemble lgislative
provinciale. Avec lunion du Nouveau-Brunswick la Nouvelle-cosse et au Canada-
Uni en un tat fdral, cette souverainet fut scinde, retirant ainsi des pouvoirs
importants au gouvernement local pour les accorder au gouvernement central. Les
no-brunswickois furent alors reprsents deux niveaux de gouvernement, avec
pour corollaire le fait de devenir sujets la rglementation de chacun. La
Confdration permit ainsi de supplmenter les droits linguistiques des rsidents de la
province avec linclusion de larticle 133 la Loi constitutionnelle de 1867. Cet
article, pour ce qui vise le fdral, confra les droits suivants :

Dans les chambres du parlement du Canada [] lusage de la langue
franaise ou de la langue anglaise, dans les dbats, sera facultatif ; mais dans la
rdaction des archives, procs-verbaux et journaux respectifs de ces chambres,
lusage de ces deux langues sera obligatoire ; et dans toute plaidoirie ou pice
de procdure par-devant les tribunaux ou manant des tribunaux du Canada qui

30 Ibid. aux pp. 329-30.
31 Voir Christopher Moore, 1867 : How the Fathers Made a Deal, Toronto, McClelland & Stewart,

1997 aux pp. 164-98.

32 Voir Renvoi relatif la scession du Qubec, [1998] 2 R.C.S. 217 au para. 42, 161 D.L.R. (4e)

385.

92

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL

[Vol. 52

seront tablis sous lautorit de la prsente loi, [] il pourra tre fait galement
usage, facult, de lune ou de lautre de ces langues.

dans ces deux langues33.

Les lois du parlement du Canada [] devront tre imprimes et publies

Plutt que dtre soumis un rgime public fonctionnant dans une seule langue, les
rsidents du Nouveau-Brunswick furent ds lors servis par deux rgimes, dont lun
tait sujet certaines obligations de bilinguisme. Il est donc possible dajouter la
Confdration la progression des droits linguistiques des no-brunswickois, mme
si larticle 133 ne visait pas le gouvernement provincial34.

Les lois mentionnes jusqu prsent relvent essentiellement du domaine public
et semblent reflter une ouverture graduelle envers la communaut francophone. Bien
que les droits linguistiques soient typiquement traits dans ce contexte, nous ne
pouvons ignorer le domaine priv qui reprsente une part importante des activits de
la population. Le droit de communiquer avec linstitution publique dans la langue de
son choix savrerait svrement limit si lindividu avait interdiction dutiliser cette
mme langue pour produire ses contrats et son testament, pour enregistrer ses
entreprises, pour faire ses achats, pour aller lglise, pour participer des changes
avec ses concitoyens et pour tablir ses propres institutions. Par ailleurs, le domaine
priv est habituellement le premier lieu o sobserve la vitalit linguistique et o les
premiers jalons dune relle culture langagire sont jets, mme sil demeure peu
rglement ou que le choix de la langue est principalement laiss aux forces du
march. Dans la mesure o ltat cre des rgimes rglementaires dans cette sphre
dactivits, il peut y faciliter lusage de certaines langues. Un lgislateur sensible la
situation de ses minorits en prendra compte dans ses lois.

Par consquent, il est important de noter que certains changements progressistes
pour les francophones du Nouveau-Brunswick survinrent aussi dans le domaine
priv. Par exemple, toujours dans le contexte des annes 1860, le Collge Saint
Joseph, un tablissement francophone denseignement suprieur, fut incorpor par

33 Supra note 28.
34 Bien que larticle 133 sappliquait aux matires fdrales de tout le pays, il est gnralement
accept que les francophones du Nouveau-Brunswick furent compltement absents au cours des
confrences et des discussions. Voir notamment Moore, supra note 31 la p. 46. Ils votrent
cependant contre le projet. Voir Nicolas Landry et Nicole Lang, Histoire de lAcadie, Sillery (Qc),
Septentrion, 2001 aux pp. 158-59. Les auteurs expliquent peu ce vote en apparence stratgique, mais
la lumire du fait que le projet naccordait aux francophones du Nouveau-Brunswick aucun bnfice
vident, il semblerait que le contraire eut t surprenant. Tel que dj mentionn, cest durant cette
priode que les francophones commencrent obtenir des concessions de la part de la lgislature
provinciale. Leur vote reflte donc peut-tre leur crainte lpoque de voir leur poids politique dilu.
Il reprsente peut-tre aussi un moyen de pression pour se faire accorder plus de droits, travers, par
exemple, lextension de larticle 133 au Nouveau-Brunswick. noter cet gard quune motion
lAssemble lgislative en fvrier 1864 tenta, sans succs, dobtenir la publication des dbats en
franais et en anglais, droit qui fut protg au fdral et au Qubec par larticle 133. Voir Journal of
the House of Assembly of the Province of New Brunswick (16 fvrier 1864) la p. 13.

93

2007] G. MIGNEAULT LES DROITS LINGUISTIQUES AU NOUVEAU-BRUNSWICK

une loi le 23 mars 186835. Le fait que lAssemble lgislative donna son assentiment
cette loi reflte une certaine ouverture envers la minorit linguistique dans la
province. La cration du collge semble galement suggrer quune certaine
transformation soprait au sein mme de la communaut minoritaire : en participant
au projet mis sur pied par la congrgation religieuse, la population reconnaissait le
besoin de former davantage ses membres, soit pour tendre lventail de services
disponibles, soit pour accrotre leur participation aux prises de dcisions. Dune faon
ou dune autre, cela indique un dsir dautonomie croissant.
Pourtant, peine trois ans plus tard, le Common Schools Act 187136 fut adopt le

17 mai 1871, et entra en vigueur le premier janvier 187237, avec pour effet de limiter
les droits des francophones dans le domaine de lducation. La Loi de 1871 avait pour
objet dtablir un systme scolaire public non confessionnel38. Contrairement aux lois
antrieures39, les restrictions ntaient pas limites aux catholiques. De cette faon,
cette mesure accentuait la sparation entre ltat et lglise. Aucune langue
denseignement ntait prvue dans la loi, quoique celle-ci confrait au conseil
dducation le pouvoir dadopter des rglements qui pourvoyaient lorganisation et
la gestion des coles40, y compris limposition de manuels scolaires41. Cependant, la
Loi de 1871 cra un problme au sein de la communaut francophone puisque les
institutions scolaires de cette dernire taient souvent sous le contrle dordres
religieux. Par consquent, en interdisant les tablissements religieux, lAssemble
lgislative rduisait du mme coup leur possibilit denseignement. De fait, la Loi de
1871 entrana une srie dvnements conflictuels, dont un recours judiciaire42 et
plusieurs manifestations. Cest dans le cadre de ces vnements quune confrontation
eut lieu Caraquet en 1875 au cours de laquelle un policier et un membre de la
communaut perdirent la vie43. Une force policire fut tablie dans la rgion presque
aussitt44.
Malgr ces obstacles, la minorit francophone continua de saffirmer. En effet,
cest vers cette mme poque que les premires conventions nationales acadiennes
eurent lieu. De concert avec leurs confrres de lle-du-Prince-douard et de la

35 An Act to incorporate the College of Saint Joseph, in the County of Westmorland, S.N.-B. 1868, c. 63.
36 S.N.-B. 1871, c. 21 [Loi de 1871].
37 Ibid., art. 62.
38 Ibid., art. 60.
39 Voir par ex. An Act concerning Schools, supra note 11.
40 Loi de 1871, supra note 36, art. 6(2).
41 Ibid., art. 6(5).
42 Ex parte Renaud : Renvoi relatif la Common Schools Act (1873), 14 N.B.R. 273 (C. supr. A.),
conf. par Maher v. Portland (Ville de) (1874) (P.C.), reproduit dans Gerald John Wheeler,
Confederation Law of Canada : Privy Council Cases on the British North-American Act, 1867,
London, Eyre & Spottiswoode, 1896 aux pp. 366-67.

43 Voir George F.G. Stanley, The Caraquet Riots of 1875 (1972) 2:1 Acadiensis 21 (rapportant les

vnements entourant cette confrontation).

44 Voir An Act to provide for the establishment of a Police Force and Lock-up House at Caraquet, in

the County of Gloucester, S.N.-B. 1875, c. 100 (adopt le 10 avril 1875).

[Vol. 52

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL

94

Nouvelle-cosse, les Acadiens du Nouveau-Brunswick adoptrent un drapeau, ainsi
quun hymne et une fte nationale. Un deuxime tablissement denseignement
suprieur francophone, le Collge Sacr Cur Caraquet, fut incorpor en mars
190045. De plus, lAssemble lgislative accorda une assistance financire deux
reprises pour des projets caractre symbolique pour les francophones, savoir : une
premire fois en 1904 dun montant de 2 000 $ en tant que contribution aux
clbrations du 300e anniversaire du premier tablissement permanent en Amrique
du nord46, et une deuxime fois en 1907 dun montant ne pouvant dpasser 1 500 $
afin driger un monument lhonneur de Samuel de Champlain47. Ces deux
attributions, qui reprsentaient des sommes substantielles lpoque, suggrent un
mouvement envers une certaine rceptivit lhritage franais dans la rgion.

Les projets de lois dits de nature prive, cest–dire qui visent un individu ou un
organisme en particulier, donnent un autre indice dune ouverture progressive envers
la communaut linguistique minoritaire, en vue du fait que certains de ces projets de
loi contenaient une rfrence une raison sociale bilingue ou en franais. cet effet,
deux aspects mritent dtre souligns, soit (1) la constitution de corporations
commerciales et (2) lincorporation dorganismes de la minorit. Le choix dun nom
repose videmment sur plusieurs facteurs mais le fait dutiliser un nom bilingue ou en
franais semble reprsenter un
tout particulier. Une corporation
commerciale utilisera habituellement une raison sociale dans le but de sidentifier la
communaut et de favoriser ses relations daffaires. Ceci est particulirement vident
lorsquune dcision volontaire est prise den changer le nom. titre dexemple, une
loi modifia et francisa la dsignation du Collge du Sacr Cur de Bathurst en
192048. Il faudrait aussi croire que la Corporation Archipiscopale Catholique
Romaine de Moncton constitue en socit commerciale en 193749 estimait que son
nom ne refltait plus adquatement la communaut quelle desservait pour quelle le
traduise en 194350. Une minorit linguistique, quant elle, choisira gnralement une
appellation pour ses organismes afin dafficher sa spcificit et de vhiculer un
message particulier quant son existence. ce titre, le nom dune organisation peut
constituer un symbole puissant dans la communaut. Lincorporation dorganismes
peut galement tre rvlatrice du dynamisme, de la vitalit ou du dsir daffirmation
de la minorit linguistique.

indicateur

45 Voir An Act to incorporate the College of The Sacred Heart, Caraquet, S.N.-B. 1900, c. 79.
46 Voir An Act to authorize a grant in aid of the Champlain Tercentenary Celebration, S.N.-B. 1904,

47 Voir An Act to assist in the erection of the proposed Champlain Monument in the City of Saint

c. 31.

John, S.N.-B. 1907, c. 36.

1920, c. 69, art. 1.

S.N.-B. 1937, c. 81.

48 An Act to amend the Act to incorporate The College of the Sacred Heart, Caraquet, S.N.-B.

49 Voir An Act to incorporate La Corporation Archiepiscopale Catholique Romaine de Moncton,

50 Voir An Act relating to La Corporation Archiepiscopale Catholique Romaine de Moncton and to
change the name thereof to The Roman Catholic Archbishop of Moncton, S.N.-B. 1943, c. 72 (en
franais, son nom devenait LArchevque Catholique Romain de Moncton).

95

2007] G. MIGNEAULT LES DROITS LINGUISTIQUES AU NOUVEAU-BRUNSWICK

Pour ce qui est des raisons sociales utilises dans les lois dintrt priv, le
tableau ci-dessous (Figure 1) illustre le nombre de lois par lgislature dont le titre fait
rfrence un organisme portant un nom bilingue ou en franais. Ces donnes ont t
compiles pour la priode prcdant la Loi sur les langues officielles de 1969 qui
confirma dfinitivement le statut de la langue franaise dans la province51. Ce tableau
indique que la tendance a gnralement t croissante, ce qui suggre une utilisation
plus frquente de raisons sociales bilingues ou en franais. Les premires lois
incorporer des organismes utilisant une appellation dans la langue de la minorit
remontent 1907, dans le cadre de la 31e lgislature52. partir de cette date, chaque
lgislature, lexception de la 37e, adopta au moins une loi dintrt priv dont le titre
comprenait une raison sociale bilingue ou en franais. Notons cependant que la 37e
lgislature correspond la grande dpression des annes 1930, au cours de laquelle
les difficults conomiques se sont fait sentir tous les niveaux53.

Nombre de lois par lgislature dont le titre fait rfrence un organisme portant

un nom bilingue ou en franais

Figure 1

51 Voir supra note 7.
52 Voir An Act to incorporate La Socit Industrielle de Rogersville, S.N.-B. 1907, c. 69 ; An Act

to incorporate La Socit LAssomption in the Province of New Brunswick, S.N.-B. 1907, c. 78.

53 Voir gnralement Pierre Berton, The Great Depression : 1929-1939, Toronto, McClelland &

Stewart, 1990.

[Vol. 52

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL

96

En plus dutiliser des raisons sociales bilingues ou en franais dans ses lois
prives, le lgislateur no-brunswickois permit davantage leur usage sous le rgime
des lois publiques. En 1937, un amendement la loi sur les credit unions visait
spcifiquement permettre lutilisation de la raison sociale franaise Caisse
Populaire, Limite54. Lannexe une loi adopte cinq ans plus tard55 rvle quau
moins trente-six organismes adoptrent la dsignation en question56. La loi sur les
associations coopratives de 193857 permettait aussi
lusage dappellations
commerciales en franais ou en anglais. Dautres lois tendirent ce droit dautres
domaines, notamment en permettant aux ditticiens en 195858, aux assistants sociaux
en 196559 et aux bibliothcaires de dossiers mdicaux en 196760 dutiliser une
dsignation professionnelle dans une langue comme dans lautre. Ces lois eurent pour
effet de permettre un organisme ou un individu menant des activits dans la
province dtre libre dutiliser une raison sociale en franais comme en anglais.
Ces observations suggrent quau milieu du vingtime sicle louverture la

indniable au Nouveau-Brunswick,
langue franaise constituait une ralit
particulirement dans le domaine priv. Les exceptions dj mentionnes du rgime
de la taxe pour les pauvres au niveau de certains gouvernements locaux indiquent de
plus une certaine reconnaissance de la minorit linguistique dans le domaine public
provincial, bien quil fallut attendre jusquen 1944 pour une premire mesure
gnrale en ce sens. Une disposition fut alors ajoute la loi lectorale imposant aux
directeurs du scrutin non comptents dans la langue des lecteurs dembaucher, dans
la mesure du possible, un interprte pour assurer une communication efficace pendant
les jours dlection61. Une telle initiative permettait ainsi aux lecteurs de recevoir un
service public dans la langue de leur choix. noter que le droit ntait pas restreint
des langues particulires. lexception dune disposition dans le domaine municipal
en 1958 qui exigeait spcifiquement lutilisation du franais et de langlais dans les
avis publics de la ville de Grand Sault62 et dans les bulletins de vote63, il fallut

54 An Act to amend Chapter 53 of 1 Edward VIII (1936) The New Brunswick Credit Union

Societies Act, S.N.-B. 1937, c. 41, art. 1.

55 An Act to incorporate The New Brunswick Credit Union League, S.N.-B. 1942, c. 45.
56 Les trente-six caisses populaires furent les suivantes : de Allardville, Atholville, Baker Brook,
Beaverbrook, Bertrand, Collette, Charlo, Grand Anse, Kedgwick, Lamque, Lewisville, Maisonnette,
Memramcook, Miscou, Nguac, Pointe Verte, Paquetville, Pointe Sapin, Petit Rocher, Pokemouche,
Rivire-du-Portage, Rogersville, St-Anselme, St-Alfred, St-Franois de Madawaska, Ste-Thrse, St-
Andr, St-Louis de Kent, St-Simon, St-Quentin, St-Isidore, St-Basile, St-Paul de Caraquet, Shdiac,
Shemogue et Shippagan.

57 The New Brunswick Co-operative Association Act, 1938, S.N.-B. 1938, c. 67, art. 6(1) ; The New

Brunswick Co-operative Association Act, 1946, S.N.-B. 1946, c. 50, art. 12.

58 Voir An Act to incorporate the New Brunswick Dietetic Association, S.N.-B. 1958, c. 65, art. 22.
59 Voir An Act to incorporate the New Brunswick Association of Social Workers, S.N.-B. 1965, c. 84,

60 Voir An Act to incorporate the New Brunswick Association of Medical Record Librarians, S.N.-B.

art. 8.

1967, c. 74, art. 9.

61 The New Brunswick Elections Act, 1944, S.N.-B. 1944, c. 8, art. 71(1) [Loi lectorale].
62 An Act respecting the town of Grand Falls, S.N.-B. 1958, c. 106, art. 104(1).

2007] G. MIGNEAULT LES DROITS LINGUISTIQUES AU NOUVEAU-BRUNSWICK

attendre au-del de vingt ans pour quune autre mesure de ce genre soit adopte. Il
faut quand mme noter quentre temps ( partir du 27 juin 1960), la population de la
province portait au pouvoir, pour la premire fois de son histoire, un parti politique
dirig par un francophone, Louis J. Robichaud64. Le fait que celui-ci fut rlu en 1963
et en 1967 dmontre de plus quil ne sagissait pas dun simple accident de parcours.
Cest dailleurs sous sa gouvernance que lUniversit de Moncton vit le jour en
196365.

97

II. Un vent de rforme et le point culminant : les dveloppements
menant la Loi sur les langues officielles du Nouveau-
Brunswick

Bien que lon considre habituellement lanne 1969 comme lanne charnire en
matire de droits linguistiques au Nouveau-Brunswick, une certaine rvolution tait
dj luvre depuis quelque temps, comme le rvlent les observations prcdentes.
Il semblerait donc plutt que ce fut en 1967 que le vent de rforme prit une allure
irrversible66. En effet, dans un discours du trne prsent le 14 mars 1967, le
gouvernement sengageait dj crer un bureau de traduction au sein de la fonction
publique afin de produire toute documentation provinciale en franais et en anglais.
On justifiait cette dmarche par le rle accru de ltat dans la vie des gens et par la
ncessit de toucher le plus grand nombre de personnes possible pour leur permettre
de participer pleinement la vie publique. Il fut propos, sujet lapprobation
unanime des dputs, dtendre le service la traduction simultane des dbats de la
Chambre :

You meet now during the Centennial Year of the Canadian Confederation.
New Brunswick was a founding partner in Confederation. Those who led us
into the new nation were convinced that our province could not achieve its full
potential if it stood apart from the union. They believed that the two great
cultural groups of New Brunswick must work together within the new nation if
we were to achieve the highest levels of human and social development and
economic advance.
[…]

The increasingly broad range of activities of government also makes it
desirable that the documents of government be available to our people
promptly, in both French and English languages. You will be asked, therefore,

63 Ibid., formulaires G, H, I.
64 Voir Michel Cormier, Louis Robichaud : La rvolution acadienne, Montral, Lemac, 2004.
Cependant, Louis Robichaud ne fut pas le premier Acadien occuper la fonction, puisque Pierre-Jean
Veniot prit en 1923 la tte du Parti libral alors au pouvoir, mais sans russir se faire rlire lors des
lections de 1925. Voir ibid. la p. 19. Voir aussi Jacques Poitras, The Right Fight : Bernard Lord and
the Conservative Dilemma, Fredericton, Goose Lane, 2004 aux pp. 41-42.

65 Voir Universit de Moncton Act, S.N.-B. 1963, c. 119 (sanctionn le 19 juin 1963).
66 Voir Pierre Berton, 1967 : The Last Good Year, Toronto, Doubleday, 1997 (semblant tirer une

conclusion similaire pour lensemble de la nation, 1967 tant lanne de son premier centenaire).

98

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL

[Vol. 52

to make provision for the establishment of a Translation Bureau whose
responsibility it will be to achieve the preparation of documents and statements
in the languages of the two main cultural groups of our province. If it is the
unanimous wish of the members of this assembly, my government is prepared
to enlarge the responsibilities of the Translation Bureau to include the provision
of a simultaneous translation service for this assembly so that both French and
English languages may be used freely in the course of your deliberations67.

cet effet, le premier ministre Louis J. Robichaud, second par le ministre L.G.
DesBrisay, prsenta une rsolution le 17 mars suivant afin de demander lassentiment
unanime de la Chambre :

Whereas the government has given notice of its intention to establish a
Translation Bureau for the government of New Brunswick, and
Whereas the government has indicated its willingness to extend the
responsibilities of that bureau, when formed, to include a simultaneous
translation service for this assembly, if such a proposal receives the unanimous
consent of all hon. members of this assembly, and
Whereas it is in the best interests of this house and in the best interests of
the conduct of the public business that such a service be provided to this
assembly to aid all members in making their most effective contribution to the
deliberations of this house,

Therefore Be It Resolved by this assembly that it go on record as agreeing
unanimously to the provision of such simultaneous translation service as part of
the responsibility of the proposed Translation Bureau68.

Le chef de lopposition, J.C. Van Horne, appuy de Richard Hatfield, membre
lpoque de lAssemble lgislative du Nouveau-Brunswick, tenta de pousser
linitiative du gouvernement plus loin en prsentant, cette date, une rsolution pour
une reconnaissance encore plus forte du franais dans la province :

1. Etant donn que la langue franaise nest pas reconnue officiellement par

3. Etant donn que les mesures prconises par le discours du trne ne sont

2. Etant donn que les droits lgitimes dun important pourcentage de la

le gouvernement de cette province, et

population ne sont pas reconnus dans ce domaine, et

que des concessions et non pas la reconnaissance dun droit, et

4. Etant donn que le Canada clbre cette anne le centenaire dune
confdration qui voudrait souligner le caractre bilingue des deux groupes
ethniques fondateurs du pays

Il Est Rsolu que cette assemble recommande au gouvernement du
Nouveau-Brunswick de prsenter au cours de cette session la lgislation

67 Synoptic Report of the Proceedings of the Legislative Assembly of the Province of New
Brunswick, 1 (14 mars 1967) aux pp. 2-3 (Discours du trne) [Synoptic Report, bureau de traduction].

68 Ibid. la p. 50.

2007] G. MIGNEAULT LES DROITS LINGUISTIQUES AU NOUVEAU-BRUNSWICK

approprie pour que la langue franaise soit officiellement reconnue en tout
points dans cette province [nos italiques]69.

99

Les deux motions furent dbattues le 30 mars de la mme anne, et, alors que celle du
gouvernement fut adopte lunanimit, celle de lopposition fut rejete70. Cest dans
le cadre du dbat sur la motion de lopposition que le procureur gnral sengagea
tendre le choix de langues permises dans les procdures judiciaires dans certaines
circonstances. LAct to Amend the Evidence Act71 accomplit cette tche peu de temps
aprs.

Lanne 1967 vit aussi des mesures prises dans le domaine de lducation. Le 28
juin de cette mme anne, un rglement en vertu de la loi scolaire fut dpos, effectif
rtroactivement partir du premier janvier, dont larticle 25 traitait de la langue
denseignement dans les coles au Nouveau-Brunswick72. On y tablissait le principe
de linstruction en franais ou en anglais dans les coles homognes selon la langue
maternelle des lves. Les coles dites bilingues, cest–dire qui dispensaient de
lenseignement en franais et en anglais sous un mme toit dans des classes
diffrentes, taient toutefois permises. Ce rglement tablit les premiers jalons de la
dualit linguistique en ducation73.
Dune certaine faon, lensemble de ces mesures anticipait les conclusions de la
Commission royale denqute sur le bilinguisme et le biculturalisme dont le livre 1
fut prsent le 8 octobre 196774. Cet ouvrage eut pour effet dtablir les bases du
mouvement de la rforme lgislative de 1969 et des discussions constitutionnelles
canadiennes qui, par la suite, battirent la mesure tout au long des annes 1970 avant
datteindre un point culminant avec lentente de 1982. La deuxime recommandation
de la Commission visait, entre autres, le Nouveau-Brunswick :

[N]ous recommandons aux provinces du Nouveau-Brunswick et de lOntario
de dclarer delles-mmes quelles reconnaissent langlais et le franais comme

69 Ibid. aux pp. 50-51.
70 Voir ibid. aux pp. 150-70.
71 S.N.-B. 1967, c. 37 (premire et deuxime lectures le 28 avril 1967 ; troisime lecture et adoption
le 11 mai 1967 ; sanction royale le 19 mai 1967). Une cause de 1962 avait confirm auparavant
limpossibilit dutiliser la langue franaise dans les procdures judiciaires (R. v. Randall (1962), 38
D.L.R. (2e) 624, 44 C.R. 354 (C. supr. A. N.-B.) [Randall]). Bien que lon donna lamendement une
porte assez limite initialement (voir R. v. Murphy, Ex parte Belisle and Moreau (1968), 69 D.L.R.
(2e) 530, [1968] 4 C.C.C. 229 (C. supr. A. N.-B.) [Murphy]), cette dcision fut ventuellement
renverse implicitement (voir Jones c. Nouveau-Brunswick (P.G.), [1975] 2 R.C.S. 182, 7 N.B.R. (2e)
526 [Jones]).

72 Rgl. du N.-B. 1967-67, art. 25.
73 Une tude commande peu de temps aprs explora les moyens permettant de raliser
efficacement cet objectif. Voir Institut de recherches et de normalisations conomiques et
scientifiques, Les langues officielles dans lenseignement public au Nouveau-Brunswick, Fredericton,
Institut de recherches et de normalisation conomiques et scientifiques, 1969.

74 Rapport de la Commission royale denqute sur le bilinguisme et le biculturalisme, livre 1,
Ottawa, Imprimeur de la Reine, 1967 (Prsidents : Andr Laurendeau et A. Davidson Dunton)
[Rapport de la Commission].

100

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL

[Vol. 52

langues officielles, et quelles acceptent le rgime linguistique dcoulant de
cette dclaration75.

Le discours du trne prononc le 27 fvrier 1968 laissa peu de doute quant leffet de
cette recommandation dans la politique linguistique du gouvernement de lpoque :

A second aspect of our national stocktaking has been greatly aided by the
publication of Volume One of the Final Report of the Royal Commission on
Bilingualism and Biculturalism. That document called on New Brunswick to
share in a national program to revitalize the Canadian spirit and Canadian unity.
Many of the steps requested of New Brunswick by the Royal Commission
had already been undertaken previously by my government.

For many years, French and English have been used in this House of
Assembly. During this session a new simultaneous translation service will come
into operation. It is a technical means to achieve a greater equality of status for
the two languages. New translation services have been developed for
government departments and agencies. Major programs have been developed to
provide sound educational and professional training services to both English-
speaking and French-speaking citizens of New Brunswick. Steps have been
taken to achieve equality of language rights in the courts.
However, a highly-charged and fateful moment in our national history
clearly requires new dimensions of provincial response. Thus it is the view of
my government that this province must now accept a special role within a new
Canada-wide effort to deepen national unity in this country of two basic
cultures. You will be asked, therefore, to support measures by which New
Brunswick will become officially and practically a province of two official
languages English and French within the context of a new national
regime in this regard.
My government will propose a resolution adopting such a proposal in
principle. Appropriate legislation will then be presented, designed to give effect
to such a policy.
My government is aware that full implementation of such a program will
not be achieved simply or immediately, but it is confident that such a program
corresponds to a deep desire in our people to contribute to the unity and
strength of our nation, and to achieve full cultural and linguistic equality for the
citizens of this province76.

La rsolution en question fut prsente lAssemble lgislative du Nouveau-
Brunswick le 22 mars 1968 :

Whereas in Canada and in New Brunswick there are two principal
languages, English and French; and
Whereas Canadians are dedicated to the principle that all citizens should
feel at home in every part of Canada; and

75 Ibid. aux pp. 99, 153.
76 Synoptic Report of the Proceedings of the Legislative Assembly of the Province of New

Brunswick, 1 (27 fvrier 1968) aux pp. 3-4 (Discours du trne).

2007] G. MIGNEAULT LES DROITS LINGUISTIQUES AU NOUVEAU-BRUNSWICK

101

Therefore Be It Resolved that this assembly
1. declares the principle that the English and French languages are the

Whereas this principle requires of Canadians a new policy of linguistic
equality that will give fuller expression to the values of both English and
French linguistic traditions, thus strengthening the unity of Canada; and
Whereas the national and provincial governments are united in support of
this policy, as evidenced by the consensus on language rights achieved at the
February 1968 Federal-Provincial Conference; and
Whereas the long association of English-speaking and French-speaking
citizens in this province affords New Brunswick a unique opportunity to serve
the cause of national unity:

official languages of New Brunswick;

in all the proceedings of this assembly;

3. agrees that the government take steps with appropriate speed to provide
for the printing in both English and French of all the records and proceedings of
this assembly, and of the provincial statutes and other public documents;

4. agrees that the government introduce with appropriate speed such
legislation as may be required to establish in New Brunswick the language
regime appropriate to an officially bilingual province, and in particular to
introduce such measures in relation to education, the public service and the
judicial system, and

5. recommends that the government cooperate and consult with other
provincial governments and with the government of Canada to coordinate
linguistic programs77.

2. reaffirms that the English and French languages have full rights of usage

Au cours de sa prsentation du 28 mars 1968, le premier ministre indiqua que la loi
propose sinspirait des paragraphes 440 448 du livre 1 du Rapport de la
Commission78.

de lopposition :

La rsolution du gouvernement fut critique en Chambre comme suit par le chef

It is evident from the five clauses of the preamble that the government has
introduced this resolution from the standpoint of national requirements. There is
not a word about the facts of New Brunswick. If the Bilingualism and
Biculturalism Commission had not reported, if the Prime Ministers Conference
had not been held, and if separatism had not arisen, the facts here would be the
same the fact of New Brunswick would be the same79.

Bien quil se pronona en faveur des principes vhiculs par la rsolution, Richard
Hatfield se dit incapable de supporter le projet de loi anticip au quatrime

77 Ibid. (22 mars 1968) aux pp. 247-48 (Lhon. Louis J. Robichaud).
78 Ibid. (28 mars 1968) la p. 353 (Lhon. Louis J. Robichaud).
79 Ibid. la p. 354 (Richard Hatfield).

[Vol. 52

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL

102

paragraphe sans en connatre le contenu. Il proposa plutt dy substituer le texte
suivant :
4. agrees that the government, with appropriate speed and prior to the fall

sitting of this session of the Legislative Assembly, prepare and make available
to the public a position paper setting forth its specific policy, the amount of
federal aid required and outlining the legislation to be introduced in order to
establish in New Brunswick the requisites appropriate to an officially bilingual
province, with particular reference to education, the public service, and the
judicial system [nos italiques]80.

Lamendement fut dfait81 et le dbat se poursuivit jusqu ladoption de la motion
telle que prsente par le gouvernement, mais sans lappui de lopposition82.
Nanmoins, le premier ministre prsenta le Livre blanc intitul Dclaration sur
lgalit des possibilits linguistiques en chambre le 4 dcembre 196883, qui dcrivait
en plus de dtails les grandes lignes de la politique linguistique propose.

Le projet de loi prvu au paragraphe 4 de la rsolution du 28 mars 1968 fut
dpos et lu une premire fois le 2 avril 1969. La deuxime lecture eut lieu sept jours
plus tard, soit le 9 avril, de mme que son tude en comit plnier. Pour un document
dont limportance pour la province est maintenant reconnue universellement, il faut
avouer quil fit lobjet de peu de commentaires. Le 12 avril suivant, le projet fut lu
une dernire fois et adopt pour devenir la Loi sur les langues officielles de 196984.
Cette loi reut la sanction royale le 18 avril et, conformment son article 17, elle fut
proclame en vigueur graduellement de 1969 1977. Les articles 1, 2, 3, 4, 7, 12, 15
et 16 prirent effet le premier septembre 1969. Ces articles reprsentent des
dispositions surtout dclaratoires qui ncessitaient peu deffort de mise en uvre,
lexception peut-tre de larticle 4, dont des moyens avaient dj t pris en 1967, et
de larticle 7, qui visait le futur recueil de lois refondues. Des proclamations suivirent
en 1972, dont une premire le 26 juillet par rapport la langue des documents
prsents lAssemble lgislative ou lun de ses comits (au paragraphe 6(2)), et
une deuxime le 20 dcembre concernant la langue des procdures judiciaire85 (
larticle 1486). Suite la production des lois rvises de 197387, les dispositions

80 Ibid. la p. 356 (Richard Hatfield).
81 Voir ibid. la p. 359 (John B.M. Baxter).
82 Voir ibid. la p. 362.
83 Ibid., 2 (4 dcembre 1968) aux pp. 706-709 (Lhon. Louis J. Robichaud).
84 Supra note 7.
85 Quant la situation sur le terrain, voir notamment Randall, supra note 71 ; Murphy, supra note
71 ; Universit de Moncton v. Blanchard (1970), 2 N.B.R. (2e) 679 (B.R.) ; Mallet v. New Brunswick
(1982), 43 N.B.R. (2e) 309 la p. 313 (B.R.).

86 Larticle 14 fit lobjet dun amendement important en 1975. Selon sa formulation en 1969, il tait
sujet une rserve ( larticle 16) qui permettait au lieutenant gouverneur en conseil den prciser
lapplication par rglement, notamment en fonction du nombre de personnes en cause. Cette rserve
fut abolie par la suite (voir Loi modifiant la Loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick,
L.N.B. 1975, c. 42 (1re sess.), art. 2), pour tre remplace par le pouvoir de faire des rglements pour
rgir les procdures devant tout tribunal, y compris la rglementation des avis ncessaires.

103

2007] G. MIGNEAULT LES DROITS LINGUISTIQUES AU NOUVEAU-BRUNSWICK

traitant de la langue des projets de loi (au paragraphe 6(1)) et de la publication des
lois dans les deux langues officielles ( larticle 8) entrrent en vigueur le premier
juillet 1974. Les cinq dernires dispositions, srement parmi les plus importantes,
furent proclames en vigueur le premier juillet 1977. Celles-ci traitrent de la
publication de documents et davis gouvernementaux (aux articles 9 et 10), de la
langue des services88 ( larticle 11) et de lducation89 ( larticle 13).
Lentre en vigueur de larticle 11 de la Loi sur les langues officielles de 1969

marqua un changement important dans la philosophie en matire de droit linguistique.
Jusqu cet vnement, aucun gouvernement navait cr un rgime exigeant des
fonctionnaires provinciaux des aptitudes desservir une population dans des langues
spcifiques. On se fondait plutt sur un service de traduction afin dassurer
laccessibilit dun produit final lensemble de la population. Cest dailleurs cette
approche qui semble avoir guid lajout du paragraphe 71(1) la Loi lectorale de
194490 et lengagement de 1967 de crer un bureau de traduction91. Mme
lamendement de 1967 la Loi sur la preuve92 permettait lusage dautres langues que
langlais uniquement lorsque les circonstances sy prtaient. Cette rticence dcoulait
peut-tre du fait que le maintien dun emploi est un sujet qui touche au cur de
lindividu et qui sert souvent lidentifier ou le dmarquer93. Lorsque les individus
sentent leur situation menace, ils montent rapidement sur la dfensive pour se
protger. Les fonctionnaires provinciaux ne font pas lexception, et toute suggestion

87 Rputes en vigueur partir du 19 novembre 1974. Voir Loi confirmant lentre en vigueur des

sur les statistiques de ltat civil, L.N.-B. 1979, c. V-3, art. 40 (sanctionne le 14 juin 1979).

89 Peu de temps aprs, un comit dtude fut mis sur pied dont le rapport parut en 1979. Il
recommanda notamment la dualit dans le systme dducation. Voir Rapport du Comit sur
lorganisation et les frontires des districts scolaires du Nouveau-Brunswick, Fredericton, Comit sur
lorganisation et les frontires des districts scolaires du Nouveau-Brunswick, 1979 [Rapport Finn-
Elliott]. Voir aussi Loi sur le Centre communautaire Sainte-Anne, L.N.-B. 1977, c. 48 (sanctionne le
16 juin 1977) (crant un organisme avec le mandat de favoriser le dveloppement gnral de la
communaut linguistique franaise de la capitale provinciale).

90 Supra note 61.
91 Voir Synoptic Report, bureau de traduction, supra note 67.
92 L.R.N.-B. 1973, c. E-11. Pour lamendement, voir Act to Amend the Evidence Act, supra note 71.
93 Voir Terre-Neuve (Conseil du Trsor) c. N.A.P.E., 2004 CSC 66, [2004] 3 R.C.S. 381, 214 D.L.R.
(4e) 294. Dans cet arrt, la Cour suprme approuve lunanimit le commentaire suivant, formul par
le juge en chef Dickson, alors dissident dans le Renvoi relatif la Public Service Employee Relations
Act (Alb.) :

Le travail est lun des aspects les plus fondamentaux de la vie dune personne,
un moyen de subvenir ses besoins financiers et, ce qui est tout aussi important, de
jouer un rle utile dans la socit. Lemploi est une composante essentielle du sens
de lidentit dune personne, de sa valorisation et de son bien-tre sur le plan
motionnel. Cest pourquoi, les conditions dans lesquelles une personne travaille
sont trs importantes pour ce qui est de faonner lensemble des aspects
psychologiques, motionnels et physiques de sa dignit et du respect quelle a
delle-mme ([1987] 1 R.C.S. 313 la p. 368, 78 A.R. 1).

Lois rvises, L.N.-B. 1975, c. 6, art. 1 (sanctionne le 13 juin 1975).

88 Dautres dispositions lgislatives prvirent spcifiquement la langue des services. Voir par ex. Loi

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL

104

que seuls les personnes possdant certaines comptences linguistiques pourraient
dornavant tre embauches par la province ou bnficier des promotions aurait pu
savrer catastrophique pour le gouvernement. La Loi sur les langues officielles de
1969 traita de cette question en exigeant des employs provinciaux quils prennent les
moyens ncessaires pour assurer le service dans lune ou lautre des langues
officielles, sans pour autant exiger leur bilinguisme94.

[Vol. 52

III. Pour une protection des acquis : les garanties constitutionnelles
Lentre en vigueur des dernires dispositions de la Loi sur les langues officielles

de 1969 le premier juillet 1977 semble correspondre au dbut dune nouvelle priode
de revendications, plutt que de marquer la fin dun processus. cet effet, il est bon
de mentionner les dveloppements constitutionnels qui senchanrent. partir de
ladoption du Statute of Westminster, 193195, par lequel le Parlement britannique
confirmait lautonomie du Canada titre dtat part entire, les autorits
canadiennes tentrent longtemps de sentendre sur une formule damendement
inclure dans
la Constitution. Sur prs dun demi-sicle, des confrences
constitutionnelles eurent lieu rgulirement et divers comits furent crs pour tudier
la question. Bien quun consensus existait quant limportance de rapatrier la
Constitution, entre autres, les parties ne russissaient pas sentendre sur les dtails
de la formule. Pour les fins de cette discussion, il est intressant de noter quun
consensus se fit tout de mme sur limportance fondamentale de larticle 133, adopt
en 1867, et sur la ncessit dobtenir lunanimit avant que cet article ne puisse tre
amend96. Cette exigence se trouve maintenant au paragraphe 41(1) de la Loi
constitutionnelle de 198297.
Alors que le pays tait toujours en qute de cette formule damendement, la
Commission sur le bilinguisme et le biculturalisme publia son rapport final en
plusieurs volumes partir de 196798. En plus davoir un impact au Nouveau-
Brunswick, comme nous lavons dj vu, et au niveau fdral, ltude nourrit une
nouvelle dynamique politique qui conditionna les discussions des annes 1970
jusqu lentre en vigueur de la rforme en 1982. Au plus fort de lengouement, cinq
nouvelles provinces, dont lle-du-Prince-douard, le Nouveau-Brunswick, la
Nouvelle-cosse, lOntario et Terre-Neuve, taient prtes souscrire des
obligations linguistiques constitutionnelles, en plus des juridictions dj sujettes (
savoir : le fdral, le Manitoba et le Qubec)99. Alors que les quatre autres provinces
auraient limit leur participation, le Nouveau-Brunswick tait prt adopter

94 Supra note 7, art. 11.
95 (R.-U.), 22 & 23 Geo. V, c. 4.
96 Voir Proceedings of the Constitutional Conference of Federal and Provincial Governments,

Ottawa, 10-12 janvier, 1950.

97 Constituant lannexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c. 11.
98 Rapport de la Commission, supra note 74.
99 Confrence constitutionnelle, Dlibrations, Victoria, 14-16 juin, 1971 aux pp. 59-60.

105

2007] G. MIGNEAULT LES DROITS LINGUISTIQUES AU NOUVEAU-BRUNSWICK

lensemble des nouvelles obligations constitutionnelles. Cet entrain seffrita dans les
annes suivant la confrence de juin 1971100 lorsque les valeurs de la nation furent
mises rude preuve.
cette poque, le mouvement sparatiste au Qubec prenait de lampleur,
menant jusquau rfrendum du 20 mai 1980 sur le sujet de la sparation. Un
mouvement similaire frappa le Nouveau-Brunswick avec ltablissement dun parti
politique dont lobjectif principal tait la cration dune province francophone101. La
Socit des Acadiens organisa une convention dorientation nationale Edmundston
en 1979 pour discuter du projet. Le gouvernement y rpondit de plusieurs faons102.
Entre autres, le 26 juin 1980, le Conseil des ministres mit une directive exigeant la
rvision de la Loi sur les langues officielles de 1969, soit peine trois ans aprs sa
pleine entre en vigueur. Le mandat fut remis un groupe dtude form cette fin
la Direction des langues officielles. Cette initiative fut suivie du dpt lAssemble
lgislative, le 16 juillet 1980, du projet de loi 84 intitul la Loi reconnaissant lgalit
des deux communauts linguistiques officielles au Nouveau-Brunswick103. Le projet
de loi fut lu une premire fois, puis une deuxime, pour tre aussitt renvoy au
Comit spcial de la rforme constitutionnelle et au Comit de modification des
lois104.

Le gouvernement du Nouveau-Brunswick poursuivit galement lenchssement
de certaines obligations linguistiques dans la Constitution, alors que les autres
provinces qui avaient dmontr un certain intrt auparavant se retirrent du projet.
Les discussions constitutionnelles canadiennes ne firent que rebondir tout au long des
annes 1970. Puis, par un geste audacieux, le gouvernement du Canada publia le 2
octobre 1980 un projet de rsolution constitutionnelle105 contenant la Charte
canadienne des droits et liberts106. Ce dernier ne comprenait aucune mesure
linguistique applicable aux provinces, lexception de celle qui traitait du droit
linstruction dans la langue de la minorit. Alors que le Nouveau-Brunswick et
lOntario appuyrent linitiative, les huit autres provinces sy opposrent et trois
dentre elles allrent mme jusqu introduire des renvois devant les tribunaux107,

100 Ibid.
101 Voir Pierre Patenaude, La protection linguistique au Nouveau-Brunswick : un exemple ne pas
suivre pour une nouvelle Constitution canadienne (1979) 57 R. du B. can. 657 aux pp. 664-66 ;
Landry et Lang, supra note 34 aux pp. 272-74.

102 Voir Michel Cormier et Achille Michaud, Richard Hatfield : un dernier train pour Hartland,
Montral, Libre Expression, 1991 ; Michel Doucet, Le discours confisqu, Moncton, ditions
dAcadie, 1995.

103 L.N.-B. 1981, c. O-1.1 [Loi reconnaissant lgalit des deux communauts linguistiques].
104 Nouveau-Brunswick, Assemble lgislative, Journal des dbats (Hansard), 16 (16 juillet 1980)

aux pp. 7067-72.

105 Gouvernement du Canada, The Canadian Constitution 1980 La Constitution canadienne :

projet de Rsolution concernant la Constitution du Canada, Ottawa, Publications Canada, 1980.

106 Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982 sur le Canada, supra note 97 [Charte].
107 Voir Reference Re Amendment of the Constitution of Canada (1981), 117 D.L.R. (3e) 1, 7 Man.
R. (2e) 269 (Man. C.A.) [Renvoi modification (Manitoba)] ; Reference Re Newfoundland

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL

106

lesquels aboutirent tous la Cour suprme du Canada108. Divers travaux rvisrent le
projet et des versions augmentes furent produites, dont lune prsente le 13 janvier
1981 par le Comit mixte spcial du Snat et de la Chambre des communes sur la
Constitution du Canada. Contrairement sa version prcdente, celle-ci contenait des
dispositions linguistiques particulires au Nouveau-Brunswick, que le premier
ministre Richard Hatfield soumit lapprobation unanime de lAssemble lgislative.
Le 25 mars 1981, lavis de motion suivant fut dpos la Chambre :

[Vol. 52

ATTENDU que la Loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick
proclame que le franais et langlais sont les langues officielles de la province
et donne tous les habitants du Nouveau-Brunswick le droit dutiliser le
franais ou langlais lAssemble lgislative et devant les tribunaux et de
recevoir les lois et les autres documents, comptes rendus ou procs-verbaux
officiels de lAssemble lgislative dans lune ou lautre langue, de mme que
les services du gouvernement ;
ATTENDU que ce sont l des droits fondamentaux dont devrait jouir la
population du Nouveau-Brunswick ;
ATTENDU que ces droits sont lun des principes la base de
ltablissement du Canada dont le Nouveau-Brunswick est un membre loyal,
fier et originaire ;
QUIL SOIT CES CAUSES RSOLU que lAssemble lgislative
appuie unanimement linscription des dispositions plus bas dans la Charte des
droits de la Constitution du Canada telles quelles sont nonces dans le rapport
du Comit mixte spcial du Snat et de la Chambre des communes sur le projet
de rsolution portant adresse commune Sa Majest la Reine concernant la
Constitution du Canada :

17(2) Chacun a le droit demployer le franais ou langlais dans les

16(2) Le franais et langlais sont les langues officielles du Nouveau-
Brunswick ; ils ont un statut et des [droits et privilges] gaux quant leur
usage dans les institutions de la Lgislature et du gouvernement du
Nouveau-Brunswick.

dbats et travaux de la Lgislature du Nouveau-Brunswick.

18(2) Les lois, les archives, les comptes rendus et les procs-verbaux de
la Lgislature du Nouveau-Brunswick sont imprims et publis en franais
et en anglais, les deux versions des lois ayant galement force de loi et
celles des autres documents ayant mme valeur.

Constitution : reference by the Lieutenant-Governor in Council Concerning the Effect and Validity of
the Amendments to the Constitution of Canada Sought in the Proposed Resolution For a Joint
Address to Her Majesty the Queen Respecting the Constitution of Canada (1981), 29 Nfld. &
P.E.I.R. 503, 118 D.L.R. (3e) 1 (Nfld. C.A.) [Renvoi modification (Terre-Neuve)] ; Renvoi relatif un
projet de rsolution portant adresse commune Sa Majest la Reine concernant la Constitution du
Canada, [1981] C.A. 80, 120 D.L.R. (3e) 385 (Q.) [Renvoi modification (Qubec)].

108 Voir Renvoi relatif la rsolution pour modifier la Constitution, [1981] 1 R.C.S. 753, 125 D.L.R.

(3e) 1 [Renvoi modification (Cour suprme)].

2007] G. MIGNEAULT LES DROITS LINGUISTIQUES AU NOUVEAU-BRUNSWICK

19(2) Chacun a le droit demployer le franais ou langlais dans toutes
les affaires dont sont saisis les tribunaux du Nouveau-Brunswick et dans
tous les actes de procdure qui en dcoulent.

20(2) Le public a, au Nouveau-Brunswick, droit lemploi du franais
ou de langlais pour communiquer avec tout bureau des institutions de la
lgislature ou du gouvernement ou pour en recevoir les services109.

107

LAssemble dbattit cet avis de motion du 31 mars au 14 avril 1981110. Selon son
libell, linclusion de ces protections dans la Constitution refltait le dsir dassurer la
prennit des droits fondamentaux contenus dans la Loi sur les langues officielles de
1969.

Il est gnralement reconnu que les paragraphes 17(2), 18(2) et 19(2) de lavis de
motion furent calqus sur larticle 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 qui confre
des droits similaires aux niveaux fdral et qubcois111, ainsi que manitobain par le
biais de larticle 23 de la Loi de 1870 sur le Manitoba112. En considrant les
paragraphes 440 448 du Rapport de la Commission, il semblerait aussi que ce fut l
lessence des recommandations : tendre aux provinces dites bilingues les
protections de larticle 133113. Cest aussi lopinion quexprima le premier ministre du
Nouveau-Brunswick en chambre le 31 mars lorsquil ouvrit le dbat sur la motion :

Il y a un autre point que je voudrais souligner. Dans la rsolution dpose
devant le Parlement canadien, il y a essentiellement un cas o nous allons au-
del des dispositions de la Loi sur les langues officielles ; il sagit du
paragraphe 19(2), o nous stipulons : Chacun a le droit demployer la langue
officielle de son choix dans toutes les affaires dont sont saisis les tribunaux du
Nouveau-Brunswick et dans tous les actes de procdure qui en dcoulent.

Il sagit l dun largissement des droits des francophones et des
anglophones de la province, pour autant que la Loi sur les langues officielles
soit concerne. Nous avons adopt cette position parce que nous voulions allez
aussi loin que lActe de lAmrique du Nord britannique la fait en 1867, en
stipulant les droits des personnes devant les tribunaux, et le paragraphe 19(1) de
la rsolution qui deviendra la Constitution du Canada stipule que pour autant
que le gouvernement fdral soit concern, quiconque peut sexprimer en
anglais ou en franais dans toutes les affaires dont sont saisis les tribunaux
tablis par le Parlement et dans tous les actes de procdure qui en dcoulent. Ce

109 Nouveau-Brunswick, Assemble lgislative, Journal des dbats (Hansard), 1 (25 mars 1981) aux

pp. 66-67.

110 Suite ces deux semaines de dlibrations, la motion fut prsente la Chambre le 14 avril
1981. Voir Nouveau-Brunswick Assemble lgislative, Journal des dbats (Hansard), 3 (14 avril
1981) aux pp. 913-14 [Journal des dbats, Constitution du Canada]

111 Voir Socit des Acadiens du Nouveau-Brunswick c. Association of Parents for Fairness in
Education, [1986] 1 R.C.S. 549 aux pp. 573-75, 69 N.B.R. (2e) 271 [SANB] ; New Brunswick
Broadcasting Co. c. Nouvelle-cosse (Prsident de lAssemble lgislative), [1993] 1 R.C.S. 319 la
p. 363, 118 N.S.R. (2e) 181 ; Charlebois c. Saint John (Ville de), 2004 NBCA 49, 275 N.B.R. (2e) 203
au para. 29.

112 Supra note 3.
113 Supra note 74 aux pp. 148-50.

108

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL

[Vol. 52

sont l les faits, pour ce qui est du gouvernement du Canada. Cest le maximum
exig de la province du Manitoba et de la province de Qubec, et jai cru que
nous ne pouvions faire moins que viser cet objectif114.

La rsolution avait essentiellement deux objectifs : lever au statut constitutionnel les
protections de la Loi sur les langues officielles de 1969 et y reproduire les obligations
linguistiques constitutionnelles en existence ailleurs.

Lopposition se contenta de noter labsence dune protection pour la dualit en
ducation acquise par larticle 13 de la Loi sur les langues officielles de 1969 et
dexprimer le dsir denchsser le principe dgalit des communauts linguistiques.
Cette dernire ide fut abandonne en cours de route. Cependant, un amendement fut
prsent la rsolution originale dans le but dy reconnatre le droit des francophones
et des anglophones de recevoir leur enseignement dans leur premire langue. Cette
modification fut adopte le 14 avril 1981 sous la forme suivante :

Adjonction du nouveau paragraphe suivant larticle 23 de la rsolution
dont est saisi le Parlement :

(4) Sans quil soit port atteinte aux droits tablis aux alinas
(1) (3), les rsidents du Nouveau-Brunswick dont la premire langue
apprise et encore comprise est langlais ou le franais ont le droit dy
faire instruire leurs enfants, aux niveaux primaire, secondaire et
technique, dans cette langue115.

Les renvois initis devant les cours dappel du Manitoba, de Terre-Neuve et du
Qubec, dont deux qui avaient fait lobjet dun prononc avant mme que le dbat ne
senclenche, ne semblent pas avoir influenc les dlibrations de la Chambre. En
effet, la seule cause laquelle il fut fait allusion lors des discussions est celle qui
traitait de la langue officielle du Qubec. Un premier jugement fut rendu par la Cour
suprme du Canada cet effet le 13 dcembre 1979116, puis un deuxime le 6 avril
1981117, peine quelques jours avant la fin des dlibrations de la chambre le 14 avril
1981118. cette dernire date, la rsolution fut adopte lunanimit. Aucune autre
disposition du projet constitutionnel ne fut dbattue en chambre.
Plusieurs mois scoulrent avant lentre en vigueur de ces mesures. Les renvois

initis par trois des huit provinces sopposant au projet prsent par le fdral furent
gnralement dfavorables un amendement unilatral. Les opinions judiciaires
furent rendues peu prs au mme moment que lAssemble lgislative du Nouveau-
Brunswick dbattait des paragraphes 16(2) 20(2), dont la premire le 3 fvrier

114 Nouveau-Brunswick, Assemble lgislative, Journal des dbats (Hansard), 1 (31 mars 1981) aux

pp. 215-16 (Lhon. Richard Hatfield).

115 Nouveau-Brunswick, Assemble lgislative, Journal des dbats (Hansard), 2 (14 avril 1981) la

116 Qubec (P.G.) c. Blaikie, [1979] 2 R.C.S. 1016, 101 D.L.R. (3e) 394 [Blaikie (1979)].
117 Qubec (P.G.) c. Blaikie, [1981] 1 R.C.S. 312, 123 D.L.R. (3e) 15 [Blaikie (1981)].
118 Nouveau-Brunswick, Assemble lgislative, Journal des dbats (Hansard), 2 (8 avril 1981) la

p. 611 (Joseph Z. Daigle).

p. 877.

109

2007] G. MIGNEAULT LES DROITS LINGUISTIQUES AU NOUVEAU-BRUNSWICK

1981119, la deuxime le 31 mars120, et la dernire le 15 avril121. Des appels furent logs
presque aussitt la Cour suprme du Canada dont lopinion ne fut rendue que le 28
septembre 1981122. Le plus haut tribunal du pays conclut quune convention
constitutionnelle exigeait du fdral quil obtienne lapprobation dun nombre
suffisant de provinces avant de procder avec la rforme, et que laccord de deux
provinces ne remplissait pas les exigences du test. Il senclencha alors une nouvelle
srie de ngociations constitutionnelles, du 2 au 5 novembre 1981, qui demeura
rallier sept des provinces dissidentes, avec seul le Qubec lcart. Le lieutenant
gouverneur du Qubec
la
reconnaissance dune convention accordant sa province un droit de veto sur les
rformes constitutionnelles. Le procureur gnral du Qubec se fonda notamment sur
la notion des deux peuples fondateurs pour supporter son argumentation. La Cour
dappel du Qubec rpondit ngativement la question le 7 avril 1982123. Toutefois,
la Loi de 1982 sur le Canada124 avait dj t adopte par le Parlement britannique le
25 mars 1982 et reu la sanction royale quatre jours plus tard, soit le 29 mars125.
Finalement, conformment son article 58, la Loi constitutionnelle de 1982126 fut
proclame en vigueur le 17 avril 1982. Celle-ci comprenait les paragraphes 16(2)
20(2) de la Charte qui visaient spcifiquement le Nouveau-Brunswick.

initia aussitt un deuxime renvoi demandant

IV. Pour une consolidation des acquis : la progression continue

Pendant que le dbat constitutionnel se poursuivait au niveau national aprs
ladoption de la rsolution du 14 avril 1981127, lAssemble lgislative du Nouveau-
Brunswick entreprit plusieurs rformes additionnelles. La premire fut un
amendement la Loi scolaire128 qui consolidait le principe de la dualit en ducation.
Plus particulirement, les articles 3.1, 3.2, 3.3 et 18.1 furent ajouts la loi organisant
les districts scolaires, les coles et les classes […] sur la base de lune ou lautre des
langues officielles129. La dualit cre par ces dispositions ne fut pourtant pas
complte, puisque celles-ci continuaient de permettre certains conseils scolaires de
dispenser de lducation aux lves dans une langue autre que celle de leurs

119 Renvoi modification (Manitoba), supra note 107.
120 Renvoi modification (Terre-Neuve), supra note 107.
121 Renvoi modification (Qubec), supra note 107.
122 Renvoi modification (Cour suprme), supra note 108.
123 Renvoi relatif une rsolution concernant la Constitution du Canada, [1982] C.A. 33, 134
D.L.R. (3e) 719 (Q.) conf. par Renvoi relatif lopposition une rsolution pour modifier la
Constitution, [1982] 2 R.C.S. 793, 140 D.L.R. (3e) 385 [Renvoi relatif lopposition la
modification].

124 (R.-U.), 1982, c. 11.
125 Voir Renvoi relatif lopposition la modification, supra note 123 la p. 799.
126 Supra note 97.
127 Voir Journal des dbats, Constitution du Canada, supra note 110.
128 L.R.N.-B. 1973, c. S-5.
129 Loi modifiant la Loi scolaire, L.N.-B. 1981, c. 71, art. 3, 8 (sanctionne le 18 juin 1981).

[Vol. 52

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL

110

oprations lorsquaucun autre conseil scolaire ne desservait le territoire. Nanmoins,
ces dispositions eurent pour effet de dlimiter les bases de faon plus claire. Elles
permirent aussi aux parents qui reprsentaient au moins trente tudiants de demander
leur propre conseil scolaire, alors quaucun oprant dans leur langue nexistait
auparavant. Cette mesure sinscrivait dans la philosophie de larticle 13 de la Loi sur
les langues officielles de 1969, des recommandations du Rapport Finn-Elliott130, et de
la proposition ajoute la rsolution constitutionnelle du 14 avril 1981 (mais exclue
de la version finale de la Charte). Lamendement fut adopt et sanctionn le 18 juin
pour tre presque aussitt lobjet dune interprtation judiciaire dans un contexte o
des parents dune communaut linguistique officielle demandaient laccs aux
tablissements scolaires de lautre131. La dualit en ducation y fut confirme avec
une critique dirige envers les coles dites bilingues.

Cet amendement fut suivi du projet de loi 84, laiss en suspens en juillet 1980,
qui fut rintroduit en tant que projet de loi 88. Ce projet de loi fut dpos et lu une
premire fois en chambre le 10 juillet 1981, et fit lobjet dune deuxime lecture trois
jours plus tard, soit le 13 juillet. Il fut le sujet de discussion en comit plnier de la
chambre le 16 juillet, et devint la Loi reconnaissant lgalit des deux communauts
linguistiques132 le lendemain, soit le 17 juillet, par la troisime lecture et son adoption.
Cette loi reut la sanction royale cette mme date. La principale critique envers la
Loi reconnaissant lgalit des deux communauts linguistiques fut que sa nature tait
essentiellement dclaratoire, ou quelle reprsentait une dclaration de principes,
en plus de son sens quivoque133. Dune certaine manire, cette loi marqua un
changement de philosophie en ajoutant une dimension collective134 aux protections
individuelles de la Loi sur les langues officielles de 1969. En effet, bien que le
langage constitue une caractristique culturelle indniable, il est important de noter
que lAssemble lgislative ne reconnaissait pas, travers cette loi, lgalit de
groupes culturels mais plutt lgalit de deux communauts linguistiques. Une
mme langue peut effectivement tre partage par des groupes culturels diffrents,
sans tre exclusive une culture135. La situation de la communaut anglophone du
Nouveau-Brunswick est fort loquente cet gard ; compose dAnglais, dcossais,

130 Supra note 89.
131 Voir Socit des Acadiens du Nouveau-Brunswick c. Minority Language School Board No. 50
(1983), 48 N.B.R. (2e) 361 (B.R. (1re inst.)), clarifi au (1983), 50 N.B.R. (2e) 41 (B.R. (1re inst.)) et au
(1983), 51 N.B.R. (2e) 219 (B.R. (1re inst.)) ; Hayes v. School Board No. 35 (1983), 53 N.B.R. (2e) 162
(B.R. (1re inst.)).

132 Supra note 103.
133 Voir Nouveau-Brunswick, Assemble lgislative, Journal des dbats (Hansard), 16 (16 juillet
1981) la p. 6654 (Joseph Z. Daigle) ; Michel Bastarache, La valeur juridique du projet de loi
reconnaissant lgalit des deux communauts linguistiques officielles au Nouveau-Brunswick
(1981) 22 C. de D. 455.

134 Voir Charlebois c. Moncton (Ville de), 2001 NBCA 117, 242 N.B.R. (2e) 259 au para. 63

[Charlebois].

135 Voir John Ralston Saul, Reflections of a Siamese Twin : Canada at the End of the Twentieth

Century, Toronto, Viking, 1997 aux pp. 69-71.

111

2007] G. MIGNEAULT LES DROITS LINGUISTIQUES AU NOUVEAU-BRUNSWICK

dIrlandais et de gens de diverses autres origines, il est difficile de lui attribuer une
homognit culturelle. Les autorits provinciales utilisrent des moyens additionnels
pour reconnatre spcifiquement certains groupes culturels. Entre autres, le 15 aot
fut dclar le jour de la fte nationale des Acadiens136, le 18 mai le jour de la fte des
Loyalistes137 et le 6 avril le jour du tartan lhonneur des cossais138. Ces
reconnaissances sont forcment dune nature diffrente de celle fonde sur la langue
au sein de la Loi reconnaissant lgalit des deux communauts linguistiques.
Un autre vnement pertinent pour le prsent historique est la publication, le 31
mars 1982, peine quelques jours avant lentre en vigueur de la Charte, du rapport
final du Groupe dtude sur les langues officielles139. Jusqu ce dveloppement,
plusieurs droits linguistiques avaient t reconnus dans la province sans pour autant
quune enqute dtaille sur la question net t mene. La Commission royale
denqute sur le bilinguisme et le biculturalisme, bien quayant produit une analyse
approfondie et utile, sintressait surtout au contexte national. Le Rapport Poirier-
Bastarache, du nom de ses auteurs, permit ainsi de mieux comprendre la situation et
la relation entre les langues franaise et anglaise au Nouveau-Brunswick, afin de
suggrer des faons dassurer
tout, quatre-vingt-seize
recommandations furent formules adressant tant le secteur public que les
municipalits, les ordres professionnels, la sant et le secteur priv. Ce rapport fut
dpos en chambre le 7 mai 1982 et servit par la suite de base aux travaux du Comit
consultatif provincial sur les langues officielles tablit en 1984.
Deux autres mesures linguistiques suivirent en juin 1982. La premire visait un
amendement la Loi sur les langues officielles de 1969 concernant la langue des
procdures judiciaires140. Cette modification ne fut point surprenante puisque le
premier ministre avait dj signal en chambre la dficience de la loi cet gard141.
Elle rendit la loi conforme aux nouvelles obligations dcoulant du paragraphe 19(2)
de la Charte et elle fut adopte et sanctionne le 17 juin. La deuxime mesure
amenda la Loi sur les assurances142 pour exiger des assureurs quils utilisent des
formules et des documents disponibles dans les deux langues officielles. Cest ainsi
que son article 20.1 vit le jour le 17 juin 1982143. noter que le Rapport Poirier-

leur coexistence. En

136 Proclamation, 25 aot 1982, Gaz. N.-B. 1982.II.1594 [Proclamation sur la fte des Acadiens].
137 Proclamation, 8 juin 1983, Gaz. N.-B. 1983.I.963 [Proclamation sur la fte des Loyalistes].
138 Proclamation, 7 avril 1993, Gaz. N.-B. 1993.I.409 [Proclamation sur le jour du tartan].
139 Direction des langues officielles, Vers lgalit des langues officielles au Nouveau-Brunswick :
Rapport du groupe dtude sur les langues officielles, Fredericton, Gouvernement du Nouveau-
Brunswick, 1982 [Rapport Poirier-Bastarache].

140 Loi modifiant la Loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick, L.N.-B. 1982, c. 47
(premire lecture le 6 mai 1982 ; deuxime lecture le 7 mai 1982 ; troisime lecture, adoption et
sanction royale le 17 juin 1982) [Loi modifiant la Loi sur les langues officielles].

141 Voir supra note 114.
142 L.R.N.-B. 1973, c. I-12.
143 Loi modifiant la Loi sur les assurances, L.N.-B. 1982, c. 32, art. 1.

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL

112

Bastarache avait dj formul certaines recommandations concernant les assureurs
oprant dans la province144.
Dintenses activits lgislatives en matire linguistique eurent donc lieu durant la
priode de juillet 1980 juin 1982145. Les points suivants en rsument lessentiel :

[Vol. 52

Juillet 1980 les premire et deuxime lectures du projet de loi 84, soit la
Loi reconnaissant lgalit des deux communauts linguistiques146 ;

Mars et avril 1981 ladoption dune rsolution visant les paragraphes

16(2) 20(2) de la Charte147 ;
Juin 1981 lamendement la Loi scolaire consolidant la dualit
linguistique en matire dducation148 ;
Juillet 1981 ladoption du projet de loi 88, soit la Loi reconnaissant
lgalit des deux communauts linguistiques149 ;

Mars 1982 la publication du rapport final du Groupe dtude sur les

langues officielles, soit le Rapport Poirier-Bastarache150 ;
Juin 1982 lamendement la Loi sur les langues officielles (langue des
procdures)151 ;
Juin 1982 lamendement la Loi sur les assurances152.

Il ne faut pas non plus oublier que cette priode correspond au dploiement des
efforts les plus engags menant au rapatriement de la Constitution canadienne le 17
avril 1982.
Malgr une certaine relche dans les mesures lgislatives entreprises aprs le
mois de juin 1982, le gouvernement continua dencourager la ralisation de lgalit
des langues officielles dans la province, en plus dassister lpanouissement et au
dveloppement des communauts linguistiques. Par exemple, tel que dj mentionn,
une proclamation le 15 aot 1982 reconnut ce jour en tant que celui de la fte
nationale des Acadiens153. Le 18 mai 1983, ce fut au tour des Loyalistes de se voir
reconnatre un jour de fte154. peine un mois plus tard, par une rsolution dune
signification particulire, lAssemble lgislative donna son appui aux efforts

144 Supra note 139 la p. 335.
145 Nous pouvons ajouter aux mesures lgislatives discutes jusqu prsent la Loi sur les formules
types de transfert du droit de proprit, L.N.-B. 1980, c. S-12.2 (sanctionne le 16 juillet 1980 ;
proclame en vigueur le 1er janvier 1984), qui visait la normalisation du langage juridique en franais
et en anglais en matire de transfert de bien-fonds.

146 Supra note 103.
147 Loi constitutionnelle de 1982, supra note 97.
148 Loi modifiant la Loi scolaire, supra note 129.
149 Supra note 103.
150 Supra note 139.
151 Loi modifiant la Loi sur les langues officielles, supra note 140.
152 Loi modifiant la Loi sur les assurances, supra note 143.
153 Proclamation sur la fte des Acadiens, supra note 136.
154 Voir Proclamation sur la fte des Loyalistes, supra note 137.

2007] G. MIGNEAULT LES DROITS LINGUISTIQUES AU NOUVEAU-BRUNSWICK

dploys par le gouvernement pour assister la mise sur pied dun journal
francophone dans la province. Suite la fermeture du quotidien Lvangline, la
rsolution adopte le 23 juin 1983 stipula :

113

ATTENDU que le Nouveau-Brunswick depuis septembre 1982 ne possde
aucun quotidien de langue franaise et quun tel journal est plus quune simple
entreprise commerciale et quil sagit dun moyen essentiel pour assurer
lpanouissement et la croissance de la communaut acadienne, ce qui
procurera des avantages plus grands la province dans son ensemble ; et
ATTENDU que ce quotidien peut desservir seulement 250 000 rsidents
disperss sur une vaste rgion, ce qui entrane une augmentation des cots de
production et de distribution qui nuisent considrablement sa rentabilit ; et
ATTENDU que cette question est tellement importante quelle doit tre
considre sans esprit partisan,
QUIL SOIT DONC RSOLU que lAssemble lgislative du Nouveau-
Brunswick adopte les principes suivants :

1. Que le gouvernement du Nouveau-Brunswick considre la possibilit de
sengager verser une seule contribution financire afin dassurer la rentabilit
long terme du projet ;

solide ;

4. Que la proposition finale soit approuve par le gouvernement du
Nouveau-Brunswick et des institutions acadiennes telles que lUniversit de
Moncton, la Fdration des caisses populaires acadiennes, les diocses
catholiques francophones du Nouveau-Brunswick, la Socit des Acadiens du
Nouveau-Brunswick, lAssomption Mutuelle dAssurance-Vie ;

ltablissement dun quotidien de langue franaise avant la fin de lanne155.

2. Que tous les francophones de la province aient accs ce journal ;
3. Que cette entreprise soit tablie sur une base financire et administrative

5. Que tous les efforts possibles soient dploys afin daboutir

Selon son libell, cest la situation particulire des francophones, notamment leur
dispersion gographique, qui justifia lintrt de la chambre pour le projet. La
rsolution mena la signature dune convention de fiducie le 22 octobre 1984 par le
gouvernement provincial en collaboration avec le gouvernement du Canada156.
Une autre mesure prsentant un certain intrt est la motion dpose
lAssemble lgislative le 3 avril 1984 concernant lutilisation du drapeau acadien

155 Nouveau-Brunswick, Assemble lgislative, Journal des dbats (Hansard), 7 (8 juin 1983) aux
pp. 2805-806 (M. Young) ; Nouveau-Brunswick, Assemble lgislative, Journal des dbats
(Hansard), 10 (23 juin 1983) aux pp. 3878-79 (Lhon. Richard Hatfield).

156 Voir Economic Expansion Commission of the Peninsula v. New Brunswick (1987), 84 N.B.R.
(2e) 124, 44 D.L.R. (4e) 725 (B.R. (1re inst.)). noter que ce fond assista ltablissement du quotidien
Le Matin, dont les difficults financires entranrent sa fermeture peu de temps aprs, et ensuite
LAcadie Nouvelle, qui continue den bnficier.

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL

114

la lgislature. Afin de commmorer son centenaire, un dput de lopposition suggra
de faire flotter le drapeau devant ldifice pour une anne. Le premier ministre
proposa en plus de fixer le drapeau en permanence aux difices gouvernementaux, l
o jug appropri. La rsolution dans sa forme amende se lut ainsi :

[Vol. 52

ATTENDU QUE 1984 reprsente le 100e anniversaire du choix du drapeau
acadien ;
ATTENDU QUE le gouvernement reconnat quil existe au Nouveau-
Brunswick deux communauts linguistiques distinctes ;
ATTENDU QUE cest un droit pour les Acadiens et les Acadiennes que
cette fte soit souligne de faon spciale ;
ATTENDU QUE la reconnaissance de cette fte permettra toute la
population du Nouveau-Brunswick de mieux connatre
la population
acadienne ;
QUIL SOIT CES CAUSES RSOLU que la Chambre demande au
gouvernement, loccasion du 100e anniversaire du choix du drapeau acadien,
de faire flotter le drapeau acadien de lAssemble lgislative, pendant toute
lanne.

ET QUIL SOIT EN PLUS RSOLU que le gouvernement prenne les
mesures ncessaires pour que flottent chaque difice gouvernemental
provincial, o jug appropri, les drapeaux du Nouveau-Brunswick, du Canada,
et le drapeau acadien, ainsi que les drapeaux reprsentant les autres pays du
patrimoine qui pourront tre arbors sur demande des occasions spciales157.

La motion fut adopte lunanimit le 10 avril 1984158. Comme la reconnaissance de
la fte nationale des Acadiens en 1982, cette mesure fut avant tout symbolique. Tout
de mme, en proposant de fixer le drapeau en permanence devant certains difices
gouvernementaux, la lgislature associait davantage ces difices la communaut
minoritaire et la position quelle occupait dans la province.

Cest aussi en 1984, le 23 mars plus prcisment, que le premier ministre mit sur
pied le Comit consultatif provincial sur les langues officielles afin de prsenter et de
discuter avec la population no-brunswickoise des recommandations du Rapport
Poirier-Bastarache159. Il entreprit ds lors un processus de consultations qui stendit
sur prs de deux annes. Des sessions publiques dinformation furent tenues du 6
novembre au 19 dcembre 1984, entrecoupes de sessions prives du 8 novembre
1984 au 31 janvier 1985. Des audiences publiques suivirent du 12 mars au 16 mai
1985. En tout, 512 mmoires furent reus, dont 306 rdigs en anglais, 186 en
franais et 20 dans les deux langues officielles. De ce nombre, 308 furent prsents

157 Nouveau-Brunswick, Assemble lgislative, Journal des dbats (Hansard), 1 (3 avril 1984) aux

158 Nouveau-Brunswick, Assemble lgislative, Journal des dbats (Hansard), 1 (10 avril 1984) aux

pp. 203-204 (M. Godin).

pp. 414-15 (Lhon. Richard Hatfield).

159 Voir Report of the Advisory Committee on Official Languages of New Brunswick, Fredericton,

Provincial Advisory Committee on Official Languages, 1986.

115

2007] G. MIGNEAULT LES DROITS LINGUISTIQUES AU NOUVEAU-BRUNSWICK

dans le cadre des audiences publiques contre 204 en priv, 279 manrent dindividus
et 233 de groupes ou dassociations. La reprsentation des diffrentes communauts
linguistiques aux travaux du comit fut fort diffrente : alors que deux tiers des
prsentations en franais manrent dorganismes ou dassociations, les prsentations
en anglais furent domines prs de soixante-dix pour cent par des individus.
Dans son rapport remis au premier ministre en fvrier 1986, le comit constata
des divergences importantes dans les proccupations exprimes par les membres de
chacune des communauts linguistiques. Alors quune bonne partie des anglophones
concentrrent leurs propos autour des cots associs au bilinguisme et de leur crainte
que la fonction publique provinciale leur devienne inaccessible160, la plupart des
francophones rappelrent limportance dassurer lgalit des deux langues officielles
et de leurs communauts et de procder des rformes le plus rapidement possible.
Les francophones saffichaient habituellement en faveur des droits linguistiques alors
que les anglophones taient plus mitigs. Le comit formula 101 recommandations
qui eurent tendance gnralement soutenir celles du Groupe dtude sur les langues
officielles. La suite des vnements a fait en sorte quil est difficile dvaluer limpact
qua pu avoir ce rapport sur lvolution des droits linguistiques au Nouveau-
Brunswick.

En effet, la publication du rapport du Comit consultatif provincial sur les
langues officielles semble correspondre au dbut dune priode plus turbulente en
matire de droits linguistiques au Nouveau-Brunswick. Lunanimit relative qui
paraissait avoir caractris la question depuis 1967, tant dans larne judiciaire que
politique, seffrita en 1986. Le comit prit la peine de noter lopposition parfois
violente qui fut rencontre dans certaines rgions de la province lors de ses
consultations. La dchirure se marqua davantage au cours des mois qui suivirent, plus
particulirement en rapport aux projets de rforme constitutionnelle qui battirent la
mesure de 1987 1993 pour tenter daccommoder les revendications du Qubec.
Mme le consensus observ la Cour suprme du Canada dans les dossiers
linguistiques de 1975 1985, o chacune des dcisions fut rendue lunanimit161, se
termina en 1986 dans une srie de causes, dont lune qui impliquait le Nouveau-
Brunswick162. Ces dcisions, qui traitaient essentiellement de la langue des
procdures judiciaires, furent rendues le premier mai, soit deux mois aprs la
publication du rapport du Comit consultatif provincial sur les langues officielles. Il y

160 Des sentiments similaires semblent avoir t prsents lors de la mise en uvre des mesures au
niveau fdral pour assurer le bilinguisme des institutions gouvernementales. Voir Graham Fraser,
Sorry, I Dont Speak French : Confronting the Canadian Crisis That Wont Go Away, Toronto,
McClelland & Stewart, 2006 ; Paul Palango, The Last Guardians : The Crisis in the RCMP and in
Canada, Toronto, McClelland & Stewart, 1998 ; Saul, supra note 135 aux pp. 389-90.

161 Voir Jones, supra note 71 ; Blaikie (1979), supra note 116 ; Forest, supra note 4 ; Blaikie (1981),
supra note 117 ; Qubec (P.G.) c. Quebec Protestant School Boards, [1984] 2 R.C.S. 66, 10 D.L.R.
(4e) 321 ; Renvoi aux droits linguistiques, supra note 4.

162 Voir Bilodeau, supra note 4 ; MacDonald c. Montral (Ville de), [1986] 1 R.C.S. 460 ; SANB,

supra note 111.

[Vol. 52

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL

116

fut tabli, cinq juges contre deux, que le paragraphe 19(2) de la Charte ne
garantissait pas aux justiciables le droit de se faire comprendre dans la langue
officielle de leur choix devant les tribunaux. Cependant, la majorit accepta de
reconnatre ce droit en vertu de larticle 13 de la Loi sur les langues officielles de
1969, ajoutant par cette dcision la protection constitutionnelle.
peine quelques jours aprs le jugement de la Cour suprme du Canada, la Cour
du Banc de la Reine rendit aussi un jugement concernant la langue devant les
tribunaux163. Il tait question dans cet arrt du droit des avocats embauchs par un
assureur dutiliser une langue officielle autre que celle des autres parties impliques
dans la procdure. Le Groupe dtude sur les langues officielles stait attard cette
situation dans son rapport pour recommander que les assureurs ne puissent faire
chec au droit de lassur de demander un procs dans sa langue164. Larticle 20.1,
ajout la Loi sur les assurances165 en 1982, adressait la question en partie mais ne
traitait pas des circonstances o des procdures judiciaires taient engages.

Les deux jugements rendus en mai 1986 entranrent une rponse de la part de
lAssemble lgislative du Nouveau-Brunswick, quoique les consquences de
laffaire Cormier166 furent plus immdiates que celles de laffaire de la SANB167.
Moins dun mois aprs le prononc dans Cormier, un amendement la Loi sur les
assurances fut prsent pour imposer aux assureurs une obligation de retenir les
services davocats comptents dans la langue de leurs clients168, droit qui ne peut tre
renonc la demande dun avocat169. Quant au jugement de la Cour suprme du
Canada rendu le premier mai 1986, il fallut attendre une lection provinciale et
lchec de lentente constitutionnelle de Lac Meech en 1990 pour une rponse
lgislative.
Au dbut de lanne 1987, le pays entra dans une nouvelle re de discussions
constitutionnelles dont le premier lment fut une dclaration de principe le 30 avril
concernant des amendements convenus la Constitution. Les ministres du Canada
sentendirent sur le texte du projet le 2 et le 3 juin suivant. Aucune nouvelle
protection proprement linguistique ne fut prvue dans laccord, si ce nest le principe
dinterprtation propos qui stipule :

163 Cormier v. Fournier (1986), 69 N.B.R. (2e) 155, 29 D.L.R. (4e) 675 (B.R. (1re inst.)) [Cormier].
164 Voir Rapport Poirier-Bastarache, supra note 138 la p. 335.
165 Supra note 142.
166 Supra note 163.
167 Supra note 111.
168 Loi modifiant la Loi sur les assurances, L.N.-B. 1986, c. 48, art. 1 (premire lecture le 30 mai
1986 ; deuxime lecture le 3 juin 1986 ; troisime lecture et adoption le 6 juin 1986 ; sanction royale
le 18 juin 1986).

169 Voir Gagnon c. Rousselle (2000), 227 N.B.R. (2e) 180, 21 C.C.L.I. (3e) 174 (B.R. (1re inst.))

[Gagnon].

2007] G. MIGNEAULT LES DROITS LINGUISTIQUES AU NOUVEAU-BRUNSWICK

2(1) Toute interprtation de la Constitution du Canada doit concorder avec :

117

a) la reconnaissance de ce que lexistence de Canadiens dexpression
franaise, concentrs au Qubec mais prsents aussi dans le reste du pays,
et de Canadiens dexpression anglaise, concentrs dans le reste du pays
mais aussi prsents au Qubec, constitue une caractristique fondamentale
du Canada ; et

une socit distincte.
(2) Le Parlement du Canada et les lgislatures des provinces ont le rle de

b) la reconnaissance de ce que le Qubec forme au sein du Canada

protger la caractristique fondamentale du Canada vise lalina (1)a).

(3) La lgislature et le gouvernement du Qubec ont le rle de protger et

de promouvoir le caractre distinct du Qubec vis lalina (1)b).

(4) Le prsent article na pas pour effet de droger aux pouvoirs, droits ou
privilges du Parlement ou du gouvernement du Canada ou des lgislatures ou
des gouvernements des provinces y compris leurs pouvoirs, droits ou
privilges en matire de langue170.

La question linguistique tait implicite lensemble de lentente puisquelle visait
traiter des revendications du Qubec, dont la reconnaissance de son caractre distinct.
Laccord fut entrin par lAssemble lgislative du Qubec presque aussitt, soit le
23 juin 1987. Une motion introduite lAssemble lgislative du Nouveau-
Brunswick le 16 juin et adopte le 23 juin renvoya le projet pour tude au Comit
permanent de modification des lois, mais pas avant que lopposition ne note labsence
dune reconnaissance de la situation linguistique particulire de la province171.
Moins dune semaine plus tard, lAssemble lgislative du Nouveau-Brunswick
adopta un dernier projet de loi avec une certaine importance en matire linguistique
avant que la chambre ne soit dissoute et quune lection provinciale ne soit
dclenche. Il fut question de la Loi sur la procdure applicable aux infractions
provinciales172. Lamendement apport la Loi sur les langues officielles de 1969 en
1982173 avait accord aux personnes accuses dune infraction une loi provinciale le
droit au droulement du procs dans la langue officielle de leur choix. Les articles 17
20 de la nouvelle loi de 1987 mirent en place une procdure pour assurer le respect
de ce droit. Ces dispositions constiturent la dernire mesure linguistique sous le
rgime du gouvernement au pouvoir depuis dix-sept ans.

170 Nouveau-Brunswick, Assemble lgislative, Journal des dbats (Hansard), 1 (21 mars 1990) aux

171 Nouveau-Brunswick, Assemble lgislative, Journal des dbats (Hansard), 5 (16 juin 1987) la

p. 2115 ; ibid., 6 (19 juin 1987) la p. 2332, (23 juin 1987) aux pp. 2412-24.

172 L.N.-B. 1987, c. P-22.1, art. 17-20 (sanctionne le 27 juin 1987).
173 Loi modifiant la Loi sur les langues officielles, supra note 140.

pp. 212-13.

[Vol. 52

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL

118

Le dbat sur lAccord constitutionnel de 1987 continua de dominer les
discussions publiques174, y compris au cours de la campagne lectorale provinciale
qui se termina le 13 octobre 1987. Le Parti libral, formant lopposition la
dissolution de la chambre, se dit insatisfait de lentente du Lac Meech et refusa dy
consentir dans sa forme originale. Dans un rsultat lectoral sans prcdent, ce parti
remporta lensemble des siges lAssemble lgislative. Alors quun segment de la
population fut outr de la reconnaissance particulire que lentente donnait au
Qubec, un autre segment fut offusqu du manque de reconnaissance qui leur tait
attribu. Ces deux mouvements se rejoignirent dans llection doctobre 1987 pour
contribuer carter massivement du pouvoir le gouvernement qui avait particip
lentente175. Cependant, lopposition au projet sancra dans deux positions fort
diffrentes. La premire, qui fut plus difficile apaiser, mena ltablissement du
parti politique Confederation of Regions N.B., enregistr officiellement le 28
septembre 1989176, dont lun des objectifs avous tait llimination du bilinguisme
dans la province. La seconde position demanda de rendre constitutionnel le principe
dgalit des deux communauts linguistiques officielles au Nouveau-Brunswick177,
une ide dj propose en 1981 lors du dbat sur les paragraphes 16(2) 20(2) de la
Charte, mais abandonne en cours de route.
Le sujet continua de dominer les discussions et pendant trois ans presque tous les

efforts furent concentrs sur le projet de lamendement constitutionnel. Le Comit
spcial sur lAccord constitutionnel de 1987 de lAssemble lgislative fut mis sur
pied pour valuer le texte de lentente et consulter la population178. Dans son rapport
dpos la chambre le 24 octobre 1989, il formula plusieurs recommandations, dont
lenchssement des principes de la Loi reconnaissant lgalit des deux communauts
linguistiques179. Pour donner suite au rapport, deux rsolutions furent prsentes
lAssemble lgislative le 21 mars 1990. La premire visait ladoption de lAccord
constitutionnel de 1987 et la deuxime y proposait des amendements, dont lajout du
texte suivant la disposition tablissant les principes dinterprtation :

174 Un comit mixte spcial du Snat et de la Chambre des communes fut tabli pour tudier
lentente. Son rapport fut prsent le 21 septembre 1987. Voir Comit mixte spcial du Snat et de la
Chambre des communes, Lentente constitutionnelle de 1987, Ottawa, Imprimeur de la Reine, 1987.

175 Le journaliste Jacques Poitras semble attribuer une importance minimale lentente du Lac
Meech dans lenjeu lectoral de 1987. Voir Poitras, supra note 64 aux pp. 127-30. Cependant, il
semble difficile dexpliquer la perte par les Conservateurs de lensemble des comts francophones
sans ce facteur.

176 Voir Avis, Gaz. N.-B. 1989.II.1730.
177 Voir Pierre Foucher, LAcadie du Nouveau-Brunswick et la Constitution canadienne (1995)

28:1 Revue de lUniversit de Moncton 11 aux pp. 38-42.

178 Voir Nouveau-Brunswick, Assemble lgislative, Journal des dbats (Hansard), 3 (18 mai 1988)

la p. 1560 (Lhon. Frank McKenna).

179 Voir Nouveau-Brunswick, Comit spcial de lAccord constitutionnel de 1987, Rapport dfinitif
sur la modification constitutionnelle de 1987, Fredericton, Assemble lgislative, 1989 aux pp. 79-82
[Rapport dfinitif].

2007] G. MIGNEAULT LES DROITS LINGUISTIQUES AU NOUVEAU-BRUNSWICK

1(c) la reconnaissance de ce que, au Nouveau-Brunswick, les
communauts francophone et anglophone ont un statut et des droits et
privilges gaux.
[]

3.1. La lgislature et le gouvernement du Nouveau-Brunswick ont le rle de
protger et de promouvoir lgalit des deux communauts linguistiques vises
lalina (1)c) en ce qui touche leur statut et leurs droits et privilges180.

119

Cette rsolution proposait galement dajouter le paragraphe suivant larticle 43 de
la Loi constitutionnelle de 1982 :

(2) Les dispositions de la loi du Nouveau-Brunswick intitule Loi

reconnaissant lgalit des deux communauts linguistiques officielles au
Nouveau-Brunswick, chapitre O-1.1 des Lois du Nouveau-Brunswick, 1981, ne
peuvent tre modifies que par proclamation du gouverneur gnral sous le
grand sceau du Canada, autorise par des rsolutions du Snat, de la Chambre
des communes et de lassemble lgislative du Nouveau-Brunswick181.

La deuxime rsolution prsentait la position du gouvernement du Nouveau-
Brunswick uniquement et ne fut aucunement le produit dun consensus canadien. Elle
ouvrit toutefois la voie une entente additionnelle, conclue le 9 juin 1990, qui eut
pour effet daccepter plusieurs des suggestions qui sy trouvaient. Par consquent, la
deuxime rsolution prsente le 21 mars fut retire le 13 juin suivant pour tre
remplace par deux nouvelles rsolutions182. En ce qui concerne la question
linguistique, ces deux rsolutions reprirent essentiellement
les dispositions
prcites183, en plus dajouter lordre du jour des confrences constitutionnelles
proposes les questions intressant les minorits francophones et anglophones184.
Les trois rsolutions furent adoptes par lAssemble lgislative le 15 juin 1990, mais
en vain puisque lentente ne russit pas rallier lensemble des provinces avant la
date butoir du 23 juin 1990. LAccord constitutionnel de 1987 steignit ainsi. part
cette tentative infructueuse et ladoption en aot 1988 dune politique administrative
traitant de la langue de service et de travail, aucune mesure linguistique de marque
additionnelle ne fut adopte prcdant lchec de lentente du Lac Meech en 1990185.
Ce nest que peu aprs cet chec quun amendement la Loi sur les langues

officielles de 1969 fut propos afin de traiter de la dcision de la Cour suprme du
Canada, rendue le premier mai 1986, concernant le droit des justiciables de se faire

180 Nouveau-Brunswick, Assemble lgislative, Journal des dbats (Hansard), 1 (21 mars 1990) la

181 Ibid. la p. 223.
182 Nouveau-Brunswick, Assemble lgislative, Journal des dbats (Hansard), 3 (13 juin 1990) la

183 Voir ibid. aux pp. 1473-74, 1477.
184 Ibid. la p. 1474.
185 Une refonte de la loi scolaire eut lieu en juin 1990, mais elle ne fit que reprendre lessentiel des
dispositions de lancienne loi. Voir Loi scolaire, L.N.-B. 1990, c. S-5.1, art. 3, 15-16 (sanctionne le
20 juin 1990).

p. 222.

p. 1472.

[Vol. 52

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL

120

comprendre par les juges186. Quoique la majorit de la Cour suprme eut conclu que
ce droit tait dj protg par la loi, larticle 13 de celle-ci fut tout de mme modifi
pour y inclure explicitement le droit des justiciables dtre compris par les tribunaux
sans lassistance dun interprte187. Ce fut la dernire mise jour apporte la loi
jusqu ladoption de la nouvelle Loi sur les langues officielles188 en 2002.

Tout comme lentente constitutionnelle de 1987 semble avoir jou un rle majeur
dans llection provinciale du 13 octobre 1987, les passions souleves par les
discussions constitutionnelles jusquen 1990 semblent stre refltes dans llection
provinciale tenue le 23 septembre 1991. Le parti Confederation of Regions russit
faire lire huit dputs pour former lopposition officielle lAssemble lgislative.
Le parti conservateur ne russit en faire lire que trois189. Toutefois, ceci nempcha
pas les discussions constitutionnelles de se poursuivre190, menant une entente de
principe conclue Charlottetown le 28 aot 1992. cet effet, les dispositions
suivantes prsentent un certain intrt :

2(1) Toute interprtation de la Constitution du Canada, notamment de la
les

liberts, doit concorder avec

Charte canadienne des droits et
caractristiques fondamentales suivantes :

[]

(c) le fait que le Qubec forme au sein du Canada une socit
distincte, comprenant notamment une majorit dexpression franaise, une
culture qui est unique et une tradition de droit civil ;

(d) lattachement des Canadiens et de leurs gouvernements
lpanouissement et au dveloppement des communauts minoritaires de
langue officielle dans tout le pays

(2) La lgislature et le gouvernement du Qubec ont le rle de protger et

de promouvoir la socit distincte.

(3) Le prsent article ne porte pas atteinte aux pouvoirs, droits ou privilges
du Parlement ou du gouvernement du Canada, des lgislatures ou des
gouvernements des provinces, ou des corps lgislatifs ou des gouvernements

[]

186 Voir SANB, supra note 111.
187 Loi modifiant la Loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick, L.N.-B. 1990, c. 49, art. 1
(premire lecture le 31 octobre 1990 ; deuxime lecture le 1er novembre 1990 ; troisime lecture,
adoption et sanction royale le 9 novembre 1990 ; proclame en vigueur le 1er juin 1991).

188 L.N.-B. 2002, c. O-0.5 [Loi sur les langues officielles de 2002].
189 Voir gnralement Poitras, supra note 64.
190 Voir Rapport de la Commission du Nouveau-Brunswick sur le fdralisme canadien,
Fredericton, Commission du Nouveau-Brunswick sur le fdralisme canadien, 1992 [Rapport sur le
fdralisme canadien] ; Un Canada renouvel : Rapport du comit mixte spcial du Snat et de la
Chambre des communes, Ottawa, Imprimeur de la Reine, 1992 [Un Canada renouvel] ; Confrences
sur le renouvellement du Canada : recueil de rapports, Ottawa, Secrtariat des confrences
constitutionnelles, 1992 [Confrences sur le renouvellement] ; Association des femmes autochtones du
Canada c. Canada, [1994] 3 R.C.S. 627, 119 D.L.R. (4e) 224 [Association des femmes autochtones].

2007] G. MIGNEAULT LES DROITS LINGUISTIQUES AU NOUVEAU-BRUNSWICK

des peuples autochtones du Canada, y compris leurs pouvoirs, droits ou
privilges en matire de langue191.

121

Le projet prvit galement une procdure spciale au niveau fdral pour les projets
de loi ayant une importance particulire pour la langue ou la culture franaise au
Canada192, en plus de confrer explicitement aux provinces la comptence de
lgifrer exclusivement dans le domaine de la culture193. Pour ce qui est du Nouveau-
Brunswick, une entente bilatrale proposa lajout de la disposition suivante :

la communaut
linguistique anglaise du Nouveau-Brunswick ont un statut et des droits et
privilges gaux, notamment le droit des institutions denseignement
distinctes et aux institutions culturelles distinctes ncessaires leur protection et
leur promotion.

(2) Le rle de la lgislature et du gouvernement du Nouveau-Brunswick de
protger et de promouvoir le statut, les droits et privilges viss au paragraphe
(1) est confirm194.

16.1(1) La communaut

linguistique franaise et

Plusieurs commentaires formuls par les acteurs provinciaux indiqurent que cette
mesure devait surtout reconnatre lgalit de deux communauts linguistiques
officielles au Nouveau-Brunswick, sans pour autant crer des droits justiciables des
tribunaux195.

Cette fois, avant de ratifier lentente, un rfrendum national fut tenu le 26
octobre 1992 sur la proposition de lamendement constitutionnel. La question
soumise la population fut : Acceptez-vous que la Constitution du Canada soit
renouvele sur la base de lentente conclue le 28 aot 1992?196. Le Qubec tint son
propre rfrendum au mme effet197. Lentente fut rejete 54,3 pour cent dans
lensemble du pays (59,6 pour cent au Qubec198), mais approuve par la population
du Nouveau-Brunswick 61,8 pour cent199. Malgr ce deuxime chec qui mit fin au
projet de rforme constitutionnelle, le rsultat obtenu au Nouveau-Brunswick incita le

191 Gouvernement du Canada, LAccord de Charlottetown : projet de texte juridique, le 9 octobre

1992, Ottawa.

192 Ibid., art. 26(3), 29(1)(c), 36(1), 36A(1), 36A(3).
193 Voir ibid., art. 92B, 92C.
194 Ibid.
195 Voir Nouveau-Brunswick, Assemble lgislative, Journal des dbats (Hansard), 3 (14 juin 1990)
la p. 1558 (Lhon. Denis Losier) ; Nouveau-Brunswick, Assemble lgislative, Journal des dbats
(Hansard), 1 (22 mars 1991) la p. 102 (Lhon. Frank McKenna).

196 Dcret autorisant lmission des brefs rfrendaires, T.R./92-181, Gaz. C. 1992.II.3933 [Dcret

autorisant les brefs rfrendaires].

197 Voir Haig c. Canada (Directeur gnral des lections), [1992] 3 R.C.S. 163, 145 N.R. 395 ; Haig

c. Canada (Directeur gnral des lections), [1993] 2 R.C.S. 995, 105 D.L.R. (4e) 577.

198 Voir Directeur gnral des lections du Qubec, Rfrendums au Qubec, en ligne : Directeur
gnral des lections du Qubec .

199 Voir Directeur gnral des lections du Canada, Le rfrendum fdral de 1992 : un dfi relev :

rapport du directeur gnral des lections du Canada, Ottawa, lections Canada, 1994 la p. 64.

[Vol. 52

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL

122

gouvernement poursuivre lamendement bilatral visant larticle 16.1, adopt peu
de temps aprs200, soit le 4 dcembre 1992 par lAssemble lgislative201, le 16
dcembre suivant par le Snat202 et le premier fvrier 1993 par la Chambre des
communes203. Lamendement fut confirm par proclamation date du 7 avril 1993204,
le lendemain de la date nouvellement dclare jour du tartan lhonneur des
cossais205. Aucune autre mesure lgislative notable en matire linguistique ne fut
adopte jusquen 2002, si ce nest labolition des conseils scolaires en date du
premier mars 1996206, la confirmation de la dualit complte en 1997207, et le
rtablissement des conseils scolaires en 2000208.
lexception peut-tre de la production dune tude en 1996 sur la mise en
uvre de la politique linguistique adopte en 1988209, les seules avances en matire
de droit linguistique entre 1993 et ladoption de la Loi sur les langues officielles de
2002210 se firent par le biais des tribunaux. En loccurrence, quelques mois aprs
ladoption de larticle 16.1, une majorit de la Cour dappel du Nouveau-Brunswick
conclut que les forces policires municipales sont sujettes aux obligations du
paragraphe 20(2) de la Charte211, rejetant ainsi la conclusion tire auparavant par un

200 Une critique formule quant ce projet est quil aurait t domin par un discours politique
partisan, sous le contrle du parti au pouvoir dans la province et sans aucune opportunit relle pour la
minorit dy participer. Voir Doucet, supra note 102 ; Foucher, supra note 177. Ce commentaire est
aussi valable pour la priode 1987 1991, o le Parti libral dirigea sans aucune opposition en
chambre. Cependant, loccurrence de llection provinciale de septembre 1991 et du rfrendum
doctobre 1992, donnant tous deux loccasion la minorit de sexprimer sur le sujet, ainsi que du
processus de consultation ayant eu lieu pendant presque toute la dure des discussions, diminue le
poids de cette critique. Voir Rapport dfinitif, supra note 179 ; Poitras, supra note 64 ; Rapport sur le
fdralisme canadien, supra note 190 ; Un Canada renouvel, supra note 190 ; Confrences sur le
renouvellement, supra note 190 ; Association des femmes autochtones, supra note 190 ; Dcret
autorisant les brefs rfrendaires, supra note 196.

201 Nouveau-Brunswick, Assemble lgislative, Journal des dbats (Hansard), 11 (4 dcembre
1992) aux pp. 4706-839. La prsence du parti politique Confederation of Regions N.B. dans
lopposition fit en sorte que huit dputs votrent contre la rsolution.

202 Dbats du Snat, vol. 134, no 110 (14 dcembre 1992) aux pp. 2414, 2416-17; ibid., no 112 (16

dcembre 1992) aux pp. 2533-57.

1993) aux pp. 15238-39.

Gaz. C. 1993.II.1588.

203 Dbats de la Chambre des communes, 12 (11 dcembre 1992) aux pp. 15084-93; ibid. (1er fvrier

204 Proclamation de 1993 modifiant la Constitution (Loi sur le Nouveau-Brunswick), T.R./93-54,

205 Proclamation sur le jour du tartan, supra note 138.
206 Loi modifiant la Loi scolaire, L.N.-B. 1996, c. 16 (sanctionne le 22 mars 1996).
207 Loi sur lducation, L.N.-B. 1997, c. E-1.12, art. 4-5 (sanctionne le 28 fvrier 1997).
208 Loi modifiant la Loi sur lducation, L.N.-B. 2000, c. 52.
209 Ministre des Affaires intergouvernementales et autochtones, Gouvernement du Nouveau-
Brunswick, Hello! Une tude de lefficacit de la politique linguistique du Nouveau-Brunswick,
Fredericton, Ministre des Affaires intergouvernementales et autochtones, 1996 [Hello!].

210 Supra note 188.
211 R. c. Hach (1993), 139 N.B.R. (2e) 81 (C.A.).

123

2007] G. MIGNEAULT LES DROITS LINGUISTIQUES AU NOUVEAU-BRUNSWICK

juge de la Cour du Banc de la Reine212. En 1999, il fut aussi tabli que le
gouvernement provincial a lobligation dassigner, pour reprsenter les enfants dans
les procdures visant leur retrait du foyer familial, des avocats comptents dans leur
langue213. Un rsultat similaire fut obtenu en 2000 dans une cause en vertu dune
disposition de la Loi sur les assurances o il fut conclu quun avocat dsign par un
assureur doit tre comptent dans la langue de lassur214. Finalement, une dcision
rendue le 21 dcembre 2001 par la Cour dappel tablit que lexpression lois … de la
Lgislature du Nouveau-Brunswick au sens du paragraphe 18(2) de la Charte
comprend les arrts municipaux215. Cette dcision refusa ainsi de considrer
autoritaire un jugement antrieur de la Cour suprme du Canada sur une question
identique, mais se rapportant au Qubec216. Entre temps, un nouveau gouvernement
provincial fut port au pouvoir en 1999, notamment sur la promesse dentreprendre
une rvision de la Loi sur les langues officielles de 1969.

La rvision promise se fit en 2002, mais non sans des efforts de lobbying
importants217. Le projet de loi fut dpos en chambre et lu une premire fois le 4 juin
de la mme anne. La deuxime lecture se fit le lendemain, puis le projet fut remis au
comit plnier de la chambre le 6 juin. Il fut lu une troisime fois, adopt et
sanctionn le 7 juin 2002, avant dentrer en vigueur le 5 aot suivant (le jour de la
fte du Nouveau-Brunswick), lexception de larticle 43 qui prit effet le premier
avril 2003. La nouvelle loi reprsente une consolidation de la plupart des protections
obtenues depuis 1967, sans compter les sujets non traits auparavant. Par exemple,
alors que la traduction simultane tait offerte lAssemble lgislative depuis son
approbation en 1967, aucune garantie explicite nexistait cet gard ; larticle 7 de la
loi combla le vide. Lensemble des dispositions de la Loi sur les langues officielles de
1969 furent substantiellement reprises dans la nouvelle loi, sauf peut-tre celles
traitant de lducation puisquelles se retrouvrent dans la Loi sur lducation218. Les
jugements rendus concernant les services policiers furent appliqus aux articles 31 et
32, et ceux qui impliquaient les municipalits, aux articles 35 38219. Dautres sujets

212 R. c. Bastarache (1992), 128 N.B.R. (2e) 217 aux para. 20-23 (B.R. (1re inst.)).
213 Voir Nouveau-Brunswick (Ministre de la Sant et des Services communautaires) c. R.(L.) (21

dcembre 1999), Bathurst FDB-461-99 (B.R. (div. fam.) N.-B.).

214 Gagnon, supra note 166.
215 Charlebois, supra note 133. Voir aussi Charlebois c. Saint John (Ville de), 2005 CSC 74, [2005]

3 R.C.S. 563 aux para. 12, 14-15, 292 N.B.R. (2e) 1 [Charlebois c. Saint John].

216 Blaikie (1981), supra note 117.
217 Voir notamment Actes du Symposium sur lgalit linguistique (2001) 46 galit : Revue

acadienne danalyse politique 1.

218 Supra note 207, art. 4, 5.
219 Une cause traitant de la loi et de son application aux municipalits se rendit jusqu la Cour
suprme du Canada en 2005. Il y tait principalement question du sens du mot institution et, dans
un jugement partag cinq contre quatre, la Cour en exclut les municipalits (Charlebois c. Saint
John, supra note 215).

[Vol. 52

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL

124

comme les services la sant220 et la publication des dcisions judiciaires furent
abords explicitement pour la premire fois, de mme que la cration dun
commissariat aux langues officielles pour le Nouveau-Brunswick. Une autre
nouveaut comprend lobligation statutaire du premier ministre dentamer une
rvision de la loi au plus tard le 31 dcembre 2012. En adoptant cette loi, lAssemble
lgislative mit non seulement jour une loi ge de trente-deux ans, elle fixa du
mme coup un summum historique en matire de droits linguistiques dans la
province, en restant toujours fidle la notion de progression.

les diffrentes communauts de

Conclusion

Cette analyse rvle une volution subtile mais constante en ce qui concerne la
situation linguistique au Nouveau-Brunswick de 1784 au prsent. Une telle
occurrence suggre que
la province ont
graduellement appris se ctoyer et saccepter, ou tout au moins se tolrer. Le
Nouveau-Brunswick est malgr tout demeur fortement ancr dans ses traditions
britanniques et pendant longtemps la politique de la province a t de favoriser ses
relations avec la Grande Bretagne. titre dexemple, une loi qui remonte aussi
rcemment que 1928 cherchait encourager
limmigration britannique
spcifiquement221. Le prambule de cette loi rvle lexistence dune entente tripartite
entre le Secretary of State for Dominion Affairs de la Grande Bretagne et les
gouvernements du Canada et du Nouveau-Brunswick, ainsi que lexistence dune loi
impriale de 1922 au mme effet. La loi provinciale ne fut abroge quen 2001222,
bien quelle soit tombe en dsutude bien avant. Il est cependant important de noter
une ouverture progressive et constante dans la province envers la communaut
linguistique minoritaire : dabord par llimination de certaines incapacits lgales,
puis par loctroi de certains privilges, et finalement par une reconnaissance de son
statut officiel dans les institutions publiques provinciales, reprsentant pour ainsi dire
le point-culminant.

Lobjectif de cette tude sest limit une considration des mesures lgislatives
de nature linguistique prises au Nouveau-Brunswick au cours de son histoire. Nul
doute que la situation observe sur le terrain peut savrer diffrente de celle dcrite
dans les lois ; elle risque aussi de varier fortement dune rgion lautre. Il est
difficile de dterminer exactement quel point les communauts profitent des
dispositions tablies. Ceci dit, il serait naf de croire que celles-ci sont parfaitement
respectes. Des checs surviennent immanquablement, mme dans le cas de

220 Voir aussi Loi sur lHpital rgional de Campbellton, L.N.-B. 1987, c. 68, art. 4(c) (sanctionne
le 27 juin 1987) ; Loi sur les rgies rgionales de la sant, L.N.-B. 2002, c. R-5.05, art. 40
(sanctionne le 11 janvier 2002) ; Rglement gnral Loi sur les rgies rgionales de la sant,
Rgl. du N.-B. 2002-27, art. 8.

221 An Act to make better provision for furthering British Settlement in the Province of New

Brunswick, S.N.-B. 1928, c. 45 (sanctionne le 30 mars 1928).

222 Loi abrogeant des lois non refondues et non abroges, L.N.-B. 2001, c. 7, art. 30.

125

2007] G. MIGNEAULT LES DROITS LINGUISTIQUES AU NOUVEAU-BRUNSWICK

dispositions en vigueur depuis un certain temps223, sans quil ny ait ncessairement
question de mauvaise foi de la part de quiconque. En ce sens, la prsente analyse
dmontre une progression dans le contexte des droits linguistiques uniquement, et
non du climat linguistique, bien que certaines suggestions cet gard soient offertes
en cours de route.

Les observations de cet ouvrage suggrent deux conclusions. Premirement, ce
texte explique que la situation linguistique au Nouveau-Brunswick est en perptuel
changement et que les acquis de la minorit linguistique daujourdhui sont le rsultat
dune longue volution. Deuximement, nous notons que la tendance a gnralement
t vers linclusion, la tolrance, le respect et louverture envers les diffrences
culturelles et linguistiques. moins dun revirement marqu au niveau des attitudes
dans la province, loptimisme semble simposer pour le futur. Il ne faudrait toutefois
pas idaliser la situation ; aujourdhui encore, un certain nombre dindividus au
Nouveau-Brunswick se sentent marginaliss et dconsidrs, au point parfois davoir
limpression dtre des citoyens de seconde classe. Le succs ultime de toute mesure
linguistique dpendra invitablement du jugement que les bnficiaires sen feront.

223 Voir par ex. Nouveau-Brunswick, Comit dtude sur lindemnisation des travailleurs, Rapport
sur ltude de la lgislation en matire dindemnisation des travailleurs et des questions connexes,
Fredericton, Comit dtude sur lindemnisation des travailleurs, 1980 aux pp. 65-67, 77 ; Rapport
Poirier-Bastarache, supra note 139 ; Nouveau-Brunswick, Ministres des Finances et des Affaires
intergouvernementales, Rapport sur les langues officielles 1992, Fredericton, Ministre des Finances,
1993 ; Nouveau-Brunswick, Ministres des Finances et des Affaires intergouvernementales, Rapport
sur les langues officielles 1993, Fredericton, Ministre des Finances, 1994 ; Nouveau-Brunswick,
Ministres des Finances et des Affaires intergouvernementales et autochtones, Rapport sur les langues
officielles 1994-95, Fredericton, Ministre des Finances, 1995 ; Nouveau-Brunswick, Ministres des
Finances et des Affaires intergouvernementales et autochtones, Rapport sur les langues officielles
1995-96, Fredericton, Ministre des Finances, 1996 ; Hello!, supra note 209 ; Rapport annuel du
Commissaire aux langues officielles du Nouveau-Brunswick 2003-2004, Fredericton, Bureau du
Commissaire aux langues officielles du Nouveau-Brunswick, 2004 ; Rapport annuel du Commissaire
aux langues officielles du Nouveau-Brunswick, 2004-2005, Fredericton, Bureau du Commissaire aux
langues officielles du Nouveau-Brunswick, 2005.