McGILL LAW JOURNAL
REVUE DE DROIT DE McGILL
Montreal
Volume 33
La pr~somption de faute du titulaire de l’autorit6 parentale et
1988
No 2
les diverses ordonnances de garde d’enfant
Albert Mayrand*
Plus qu’il n’apparait d premiere vue, les r~gles
de la responsabilit8 des pare et mere pour le
dommage caus6 par leur enfant mineur ont
6t6 chang~es par Ta modification apport~e en
1977 au deuxiame alin~a de ‘article 1054 du
Code civil du Bas-Canada. En outre, les nou-
velles ordonnances de garde que les tribu-
naux prennent rhabitude de prononcer ont
des incidences inattendues sur la responsa-
bilit6 du parent divorc6 ou s6par6 ; selon
qu’on lui attribue la garde conjointe, alterne,
physique oujuridique, son droit et son devoir
de participer A la surveillance et A l’6ducation
de son enfant varient consid~rablement, tout
comme les moyens dont il dispose pour em-
p~cher son enfant de causer un dommage A
autrui. De legeferenda, cette prsomption de
faute 6tablie contre le titulaire de l’autorit6
parentale, faut-il la renforcer, l’att~nuer, la
maintenir ou l’aboir ?
To an extent greater than is immediately ap-
parent, the rules governing parents’ respon-
sibility for the damage caused by their minor
child were changed by the amendment in
1977 to the second paragraph of article 1054
of the Civil Code of Lower Canada. More-
over, the custody orders that the courts have
been making of late have had an unexpected
impact on the responsibility of the divorced
or separated parent: depending on whether
the custody awarded such a spouse has been
joint, alternate, physical or legal, that parent’s
right and duty to participate in the supervi-
sion and education of the child vary consid-
erably, as do the means at his or her disposal
to prevent the child from causing damage to
another. De lege ferenda, should the pre-
sumption of fault imposed on the holder of
parental authority be strengthened, atten-
uated, maintained or abolished?
‘Wainwright Senior Research Fellow, Universit6 McGill.
REVUE DE DROIT DE McGILL
[Vol. 33
Sommaire
1.
Les nouveautis dues i rinitiative du l6gislateur
A. Les personnes visies par la pr~somption de faute
B. Comment on devient titulaire de l’autoritg parentale
C. Comment on cesse d’tre titulaire de l’autoritg parentale
1.
2.
3.
U6mancipation
Ladoption
La d~ch~ance de l’autorit6 parentale
a. Dchance gnrale ou spciale
b. D&hance totale ou partielle
c. D&heance expresse seulement
. L’efficacitg de la prisomption de faute au-deld de l’extinction de
l’autoritj parentale
II. Les nouveaut~s dues A rinitiative des tribunaux
A. L’attribution de la garde en cas de divorce, nullitg de mariage on
siparation et son effet sur la prisomption de faute du titulaire
1.
ULimportance donn~e a la garde de ‘enfant sous rancien
article 1054, alin~a 2, C.c.B.-C.
2.
‘importance donn~e a la garde de l’enfant sous le nouvel
article 1054, alin6a 2, C.c.B.-C.
B. L’attribution de la garde conjointe et son incidence sur la
prdsomption de faute des parents divorces on sipargs
C. L’attribution de la garde juridique ou de la garde physique aux
parents disunis et son incidence sur la pr~somption de faute
D. L’attribution de la garde alternge et son incidence sur la
prisomption de faute des parents divorces ou s~pargs
III. La pr6somption de faute des titulaires de l’autorit6 parentale et la
responsabilit6 solidaire
A. Solidaritg entre co-titulaires de l’autoritj parentale
B. Solidaritg entre le titulaire de l’autoritiparentale et renfant mineur
C. Solidaritg entre le titulaire de l’autoriti parentale et d’autres
personnes 9galement responsables du fait de l’enfant mineur
D. Ditermination de la part que chacun des cod~biteurs solidaires doit
assumer d l’gard des autres
Conclusion
*
*
*
1988]
LA RESPONSABILITE PARENTALE
Pendant plus d’un sicle, on avait conserv6 intacte la version originale
de l’article 1054 du Code civil du Bas-Canada et l’application de la pr6-
somption de faute du pre ou de la mere pour le dommage caus6 par leur
enfant n’avait gu~re 6volu6. Mais voici qu’en 1977, deux lignes de ce long
article sont chang~es. Le deuxi~me alin~a se lisait:
Le pare, et apr~s son dc~s, la mare, sont responsables du dommage caus6 par
leurs enfants mineurs.
I1 se lit maintenant:
Le titulaire de l’autorit6 parentale est responsable du dommage caus6 par 1’enfant
sujet i cette autotit&
En apparence anodin, ce changement prend de l’importance compte
tenu de la m6tamorphose de la puissance paternelle en autorit6 parentale
et des transformations de la notion de garde que les tribunaux ont scind6e
en garde physique et garde juridique ou remodel6e en garde partag6e, al-
tern6e ou conjointe.
On le voit, la nouveaut6 dans ce domaine a deux sources: l’initiative
du 16gislateur et celle des tribunaux. Nous verrons d’abord les changements
que la loi impose ; nous nous pencherons ensuite sur ceux que les tribunaux
ont provoqu6es. Enfin, nous 6tudierons quelques problmes relatifs au ca-
ract~re solidaire de la responsabilit6 des titulaires de l’autorit6 parentale.
I. Les nouveaut~s dues A l’initiative du 1gislateur
A. Les personnes visges par la prisomption de faute
Ce n’est plus en qualit6 de p6re ou de mere que ‘on est pr~sum6 res-
ponsable du dommage caus6 par un enfant, mais en tant que titulaire de
l’autorit6 parentale.
On aurait tort de minimiser l’importance de ce changement sous pr6-
texte que les pare et mere sont de droit les titulaires de l’autorit6 parentale’
et que, ordinairement, ils le demeurent. La dur~e de l’autorit6 parentale est
‘Art. 443 et 646 C.c.Q.
McGILL LAW JOURNAL
[Vol. 33
tout de mme plus precaire que le lien de parent6. On est p6re ou mere
selon les lois de la nature, tandis que la legislation et les tribunaux peuvent
retirer aux parents leur autorite pour la conferer, sans meme prendre la
peine d’en supprimer le qualificatif <( parentale >>, A une personne qui n’a
aucun lien de parente avee l’enfant 2.
D6sormais, la pr6somption de faute du deuxi me alinea de l’article 1054
a donc des cibles plus vari6es ; d~s qu’ils sont investis de l’autorit6 parentale,
les parents eloignes ou de parfaits 6trangers sont atteints par la pr6somption
de faute autrefois reservee au pere ou A la mere.
Un autre changement important vient de ce que la presomption de
faute, selon l’ancien texte, ne pouvait atteindre simultan6ment le p re et la
mere. Tant que le pere vivait, lui seul 6tait presume en faute; ceci 6tait
logique, car lui seul exergait l’autorit6 durant le mariage 3. La mere devait
attendre de devenir veuve pour hriter A la fois du droit d’exercer l’autorit6
et du desavantage de la presomption. Cependant, la plupart des auteurs
etaient d’avis que la presomption atteignait la mere, avant meme son veu-
vage, lorsqu’elle devait exercer seule l’autorit6 parentale en cas d’absence,
d’interdiction ou d’incapacit6 du p&re 4.
I’egalite des pere et mere exige maintenant qu’ils soient co-titulaires
de l’autorite parentale5. On presume donc que l’enfant n’aurait pas caus6
de dommage si ses parents l’avaient surveille et 6duque convenablement
comme la loi les y oblige. La presomption est double, car on suppose non
seulement qu’ils ont commis une faute, mais aussi que cette faute de sur-
veillance et d’education a cause le dommage6. La loi considere que le dom-
mage cause <( est une suite immediate et directe >>7 du manque de
2L’article 654 C.c.Q. fait voir que l’autorit6 parentale peut 8tre attribute A un <(tiers >, c’est-
A-dire A une personne autre que les pare et mare.
3Ancien art. 243 C.c.B.-C.
4J.-L. Baudouin, La responsabilit civile d~lictuelle, Montreal, Presses de l’Universit6 de
Montreal, 1973, no 252 A la p. 180 ; A. Nadeau, Traitg de droit civil du Quebec, t. 8, Montr6al,
Wilson et Lafleur, 1949, no 359 A lap. 322; P-B. Mignault, Ledroit civilcanadien, t. 5, Montr6al,
C. Th~oret, 1901 A ]a p. 336 ; Contra, P. Azard, <(La responsabilit6 des parents et des 6duca-
teurs >> (1963) 9 R.D. McGill 1 A la p. 3.
L’art. 1054 C.c.B.-C. emploie le mot << titulaire ) au singulier, mais la ragle d'interpr6tation de 1'article 17(10) C.c.B-C. veut que << [I]e nombre singulier s'6tend A plusieurs personnes [...] chaque fois que le contexte se prate A cette extension. >>
6J.-L. Baudouin, La responsabilitt civile dlictuelle, 2e ad., Cowansville, Yvon Blais, 1985,
no 419 A la p. 216, et no 401 A Ia p. 210; Nadeau, supra, note 4, no 365 aux pp. 327-28;
Mignault, supra, note 4 aux pp. 335-36; H. L. et J. Mazeaud et A. Tune, TraitA th~orique et
pratique de la responsabilitt civile dlictuelle et contractuelle, t. 1, 6e ad., Paris, Montchrestien,
1965, no 769 A la p. 884.
7Art. 1075 C.c.B.-C.
1988]
LA RESPONSABILITt PARENTALE
surveillance et d’6ducation, malgr6 qu’il decoule plus immediatement et
plus directement de la faute du mineur.
B. Comment on devient titulaire de l’autoritg parentale
L2autorit6 parentale est conferee par la loi. I’article 648 C.c.Q. la confie
aux pere et mere et l’article 443 la confie aux 6poux8. L’ordonnance de
placement, selon l’article 618, << confere l'autorit6 parentale A l'adoptant. >
Dans certaines circonstances, le tribunal peut aussi designer un titulaire.
k l’occasion d’unjugement de decheance, Particle 655 l’autorise A < designer
la personne qui exercera l'autorit6 parentale [...]. > Faudrait-il dire qu’il ne
confie A cette personne que l’exercice de l’autorit6 sans en faire un titulaire ?
Nous ne le croyons pas. Le Code est moins attentif que ne le sont les auteurs
A la distinction classique entre la capacite de jouissance et la capacit6 d’exer-
cice. Les articles 443 et 648 se contentent d’attribuer l’exercice de l’autorit6
parentale aux 6poux et aux pere et mere, et l’on en deduit aisement qu’ils
deviennent ainsi les titulaires de cette autorite.
II n’est pas souhaitable que l’autorit6 parentale reste sans titulaire.
Aussi, le tribunal designe d’office la personne qui exercera l’autorit6
parentale 9, lorsque l’adoption est refus6e ou lorsque la procedure en adop-
tion avorte’ .
I1 ne faut cependant pas croire que toute personne exergant une autorite
sur un enfant mineur est titulaire de l’autorit6 parentale. Seuls la loi et les
tribunaux designent les titulaires. Ces derniers peuvent bien <(deleguer la
garde, la surveillance ou l'education de l'enfant >I, mais la personne A qui
l’enfant est confid ne devient pas pour autant titulaire de l’autorit6
parentale 12. Cette autorite est d’ordre public et incessible ; elle comporte des
obligations et une pr6somption de faute auxquelles le titulaire ne peut 6chap-
per en del6guant l’exercice de ses droits. Certes, le
surveiller l’enfant et de veiller A ce qu’il ne cause pas de dommage, mais la
presomption de faute du deuxieme alinea de l’article 1054 Cc.B.-C. ne
l’atteint pas. A son egard, la victime doit donc se placer sur le terrain de
l’article 1053 et prouver la faute allegu~e 3.
81Tart. 648, au titre <( De l'autorit6 parentale >), est heureusement plus large que I’art. 443, au
chapitre < Des effets du mariage ).
9Art. 621 C.c.Q.
'0Art. 619 et 620 C.c.Q.: cas ofi le placement en vue de l'adoption cesse ou l'ordonnance
de placement est r6voqu~e.
"Art. 649 C.c.Q.
' 2Baudouin, 2e Ed., supra, note 6, no 399 A lap. 207 ; J. Pineau, Lafamille, Montreal, Presses
de l'Universit6 de Montrbal, 1982, no 331 aux pp. 281-82; J. Pineau et M. Ouellette, Th~orie
de la responsabilitM civile, 2e Ed., MontrWl, Thbmis, 1980 A la p. 86.
13Baudouin, 2e Ed., ibid., no 399 i la p. 208.
REVUE DE DROIT DE McGILL
[Vol. 33
Earticle 1518 de l'Avant-projet de loi sur le droit des obligations14
propose A cet 6gard un changement important. I1 se lit ainsi:
La personne qui, sans 6tre titulaire de l'autorit6 parentale, se voit confier,
par d~lgation ou autrement mais d'une mani~re qui ne soit pas purement
accidentelle, la garde, la surveillance ou 1'6ducation d'un mineur est tenue, de
la meme manibre que le titulaire de l'autorit6 parentale, de rbparer le prbjudice
caus6 par le fait ou la faute du mineur. Toutefois, elle n'est tenue, lorsqu'elle
agit gratuitement ou contre une r~munration modique, que s'il est prouv6
qu'elle avait pu, par des moyens raisonnables, empecher le fait ou la faute du
mineur.
Le droit actuel, plus simple, nous parait preferable A cette r6gle propos~e et
assortie d'une exception.
C. Comment on cesse d'tre titulaire de l'autoritg parentale
Le droit A l'autorit6 parentale est temporaire; il prend fin en raison
d'v6nements qui se rattachent A la personne de l'enfant sujet A cette autorit6
(son d6c~s, la survenance de sa majorit6, son 6mancipation ou son adoption)
ou A la personne du titulaire (son d6c~s ou la d6ch6ance prononc6e contre
lui).
1.
L' mancipation
Tandis que le nouveau texte du deuxibme alin6a de l'article 1054
C.c.B.-C. 6largit le cercle des personnes susceptibles d'6tre pr~sumdes en
faute, il rtr~cit peut-6tre celui des enfants dont l'acte dommageable donne
lieu A la pr6somption de faute. L'ancien texte mentionnait < les enfants
mineurs >> et quelques auteurs en concluaient que ces termes comprenaient
les mineurs 6mancip6s’ 5.
Cette interpretation n’est plus possible, car le mineur 6mancip6 cesse
d’atre sous l’autorit6 de ses p~re et m~re16 et le nouvel article 1054, alinba
2, ne vise que
14Avant-projet de loi, Loi portant r~forme au Code civil du Quebec du droit des obligations,
Ire sess., 33e Ieg., QuA., 1987 [ci-aprbs I’Avant-projet de loi sur le droit des obligations].
‘5Mignault, supra, note 4 A la p. 336; R. Savatier, Trait& de la responsabilith civile, 2e 6d.,
t. 1, Paris, Pichon et Durand-Auzias, 1951, no 248 A la p. 318. Contra, Baudouin, supra, note
4, no 255 A la p. 182; Azard, supra, note 4 A la p. 3; G. Nicholls, The Responsibility for
Offenses and Quasi-Offences Under the Law of Quebec, Toronto, Carswell, 1938 A la p. 59.
16Art. 646 C.c.Q. L’art. 187, adopt6 mais non encore en vigueur, precise que le mineur ayant
obtenu une ( simple Amancipation > (par opposition A la (< pleine Amancipation >) ( cess6 d’6tre
sous I’autoritE de ses p~re et mre >> : Loi portant r~forme au Code civil du Quebec du droit des
personnes, des successions et des biens, L.Q. 1987, c. 18.
1988]
LA RESPONSABILITIf PARENTALE
2.
Eadoption
Contrairement A 1’6mancipation, l’adoption ne met pas fin A l’autorit6
parentale, elle en change le titulaire. A quel moment 1’autorite parentale
passe-t-elle des parents par le sang aux parents adoptifs ?
On aurait pu croire que les parents par le sang (dits biologiques) ab-
diquent comme titulaires de l’autorit6 parentale d6s qu’ils confient leur
enfant en vue d’une adoption A laquelle ils consentent. Le Code civil du
Quebec rappelle qu’ils en sont au stade de la delegation:
608. Le consentement A l’adoption entraime de plein droit, jusqu’A l’ordon-
nance de placement, d~l6gation de l’autorit& parentale i la personne A qui
‘enfant est remis.
La personne A qui l’enfant est ainsi remis n’est donc pas imm6diatement
titulaire de l’autorit6 parentale. En confiant leur enfant en vue d’une adop-
tion, les pere et mere posent un << acte de responsabilit6 parentale >>17. Ak
l’instar d’un mandant qui pent revoquer le mandat, ils peuvent r6tracter
leur consentement et ils ont encore le droit de reprendre leur enfant 18.
Le premier acte de procedure fait en vue d’une adoption est la demande
en declaration d’adoptabilite’ 9. Lejugement qui l’accueille transfere-t-il l’au-
torit6 parentale ? Earticle 614 C.c.Q. n’est pas tres clair A ce sujet:
Lorsqu’il d~clare l’enfant adoptable, le tribunal ddsigne la personne qui
exercera l’autorit6 parentale i son 6gard.
Uemploi du temps futur 2 annonce-t-il un changement de titulaire qui ne
se produira que plus tard, lors du jugement d’adoption ? On pent plut6t
interpreter cet article comme s’il se lisait : <( Lorsqu'il declare 1'enfant adop-
table, le tribunal designe la personne qui des lors exerce l'autorit6 parentale
[...]. >> Car, dans les cas ofi l’enfant pent 8tre judiciairement declare adop-
table, ses pere et mere sont inconnus, morts, dechus de l’autorite parentale
ou Pont abandonn6 ; il est alors urgent que la personne d6signee par le juge
exerce l’autorite parentale jusqu’A l’ordonnance de placement.
Quoi qu’il en soit, le titulaire, meme si l’exercice de l’autorite parentale
lui est retire, continue d’etre la personne touchee par l’article 1054, alinea
2 ; mais la difficulte de repousser la presomption de faute du sixieme alinea
“7Droit de lafamille – 362 [1987] R.J.Q. 1215 A la p. 1219, [1987] R.D.E 202 (T.J.).
18Art. 609-610 C.c.Q. ; art. 824 C.p.c.
19Art. 611-614 C.c.Q. ; art. 824.1 C.p.c.
20L.-P. Pigeon, R&daction et interprtation des lois, 3e 6d., Qu6bec, Iditeur officiel, 1986 A la
p. 30 s’exprime ainsi:
I1 faut 6crire la loi au present.
Lemploi du futur est donc une faute A 6viter, saufle cas d’une ncessit6 particuli~re
parce que l’on formule une r~gle qui n’est pas imm~diatement applicable.
264
McGILL LAW JOURNAL
[Vol. 33
de Particle 1054 varie selon qu’il continue ou cesse d’exercer lui-meme
l’autorit&.
Apr~s le stade de la d6claration d’adoptabilit6, vient celui de l’ordon-
nance de placement 21 . Ici, le Code civil du Quebec n’offre aucune ambigutY.
Le premier alin6a de l’article 618 6nonce:
L’ordonnance de placement confere l’autorit6 parentale A radoptant.
Cette fois le << titulariat >> est deplac6. Un nouveau titulaire 6tant expres-.
s6ment d6sign6, implicitement l’autorit6 parentale du titulaire ant6rieur
prend fin, A moins que celui-ci ne soit le conjoint de l’adoptant 22.
Particle 618 C.c. Q. appelle adoptant celui qui n’est encore qu’un can-
didat A l’adoption 23. Cette adoption en devenir peut avorter, soit que le
tribunal refuse la demande d’adoption 24, soit que r’ordonnance de placement
est r6voqu6e 25 .
3.
La d~ch~ance de rautorit6 parentale
En m~me temps qu’il transformait la puissance paternelle en autorit6
parentale, le l6gislateur introduisait formellement au Code civil d Qu~bec
la notion de d~ch~ance de cette autorit626. Le decor en est tout chang6.
Adoucie dans sa nouvelle appellation et partag~e dans son exercice, l’autorit6
parentale devient un droit dont on peut 6tre priv6 conform6ment A une
disposition du Code.
Auparavant, les tribunaux n’intervenaient que pour enlever l’exercice
de la puissance paternelle, de sorte que les pare et mere n’en demeuraient
pas moins les titulaires2 7. D~sormais, c’est le droit lui-m~me qui est l’objet
de la d6ch6ance 28 de sorte que le parent totalement d6chu cesse d’6tre ti-
tulaire de l’autorit6 parentale. Le Projet de Code civil pr~sent6 en 1977
disait express~ment que << [1]a d~ch~ance emporte, pour le pare ou la mere,
21o De l'ordonnance de placement et du jugement d'adoption)>: art. 615-625 C.c.Q. ; <
D2Art. 630 C.c.Q., par analogie.
23De la meme mani~re, le Code de procedure civile appelle << adoptant) celui qui en est
encore A la demande de placement (art. 825) tout comme celui qui pr~sente ]a demande d'adop-
tion (art. 825.4-825.5).
24Art. 619 C.c.Q.
25Art. 620 C.c.Q.
26Loi modifiant le Code civil, L.Q. 1977, c. 72, art. 5, adoptant l'article 245e C.c.B-C, qui
est devenu en substance l'article 654 C.c.Q.
27G. Trudel, TraitI de droit civil du Quebec, t. 2, Montreal, Wilson et Lafleur, 1942 A ]a p.
176.
28Pineau, supra, note 12, no 337 i la p. 287.
1988]
LA RESPONSABILITE PARENTALE
la perte du droit A l'autorit6 parentale [...]29. >> Le Code civil du Quebec n’a
pas retenu cette mention expresse, mais ’emploi du mot d~ch~ance et l’ar-
ticle 658, qui autorise le parent d6chu A demander << que lui soient restitu~s
les droits dont il avait W priv6 >>, ne laissent subsister aucun doute ; le
parent contre qui la d6ch6ance est prononcee perd le droit A ‘autorit6 pa-
rentale, non pas seulement l’exercice de ce droit.
a. Dkhance g~n~rale ou spciale
La d~ch~ance de l’autorit6 parentale est ordinairement genrale; c’est-
A-dire qu’elle << s'6tend A tous les enfants mineurs d6jA n6s au moment du
jugement [...]30. >> Cependant, le jugement peut restreindre sa port~e A une
d~ch6ance spciale A l’ gard d’un enfant ou de quelques enfants nomm~s.
Que la d~ch6ance prononc6e soit g6n~rale ou sp6ciale, elle est sans effet A
l’6gard d’un enfant n6 apr~s le jugement. Bien sfir, si le motif grave qui a
justifi le jugement de d~ch~ance subsiste encore et compromet aussi l’inter~t
du nouvel enfant, il peut donner lieu A un second jugement de d6cheance.
b. Dchance totale ou partielle
La d~ch6ance peut etre totale ou partielle3 l . LDune et l’autre ne peuvent
8tre prononc~es que << pour un motif grave et dans l'int~rt de l'enfant [...]. >>
On s’6tonne parfois de ce que le l6gislateur n’ait pas indiqu6 les crit~res de
la gravit6 des agissements ou des circonstances justifiant la dech6ance
totale32. Mais l’int~rt de
‘enfant, but vis6 par cette mesure, tient A des
facteurs si nombreux et variables qu’on a pr~fer6 s’en remettre A l’appr&
ciation souveraine du tribunal33. De plus, la gravit6 du motif doit etre pro-
portionn~e A l’importance de la d~ch~ance.; pour priver un pare ou une
mere de toute autorit6 sur son enfant, le tribunal pourrait exiger un motif
plus grave que celui requis en cas de d~ch~ance partielle.
Nos tribunaux prononcent la d~ch~ance totale de l’autorit6 parentale
‘enfant 34. On a refus6 cette
en cas d’abandon volontaire et prolong6 de
d~ch~ance pour le seul motif de l’emprisonnement du pare pendant dix ans
pour homicide involontaire, vu que la r~habilitation du pare restait
29Quebec, Office de revision du Code civil, Rapport sur le Code civil du Quebec: Projet de
Code civil, vol. 1, Quebec, 2diteur officiel, 1978, livre II, art. 361, al. 1 [ci-apr~s le Projet de
Code civil].
“Art. 656 C.c.Q.
3tArt. 654 C.c.Q.
32L’art. 359 du livre II du Projet de Code civil, supra, note 29, 6nonait les fautes parentales
consid~r~es comme les motifs graves justifiant la d~ch~ance.
33C. Boisclair, Les droits et besoins de l’enfant en matire de garde, Sherbrooke, Revue de
droit de l’Universit6 de Sherbrooke, 1978 i la p. 28.
104 (1983), [1984] C.S. 93.
34Droit de lafamille –
REVUE DE DROIT DE McGILL
[Vol. 33
possible35. M~me quand on peut adresser des reproches s6rieux A un parent,
on ne prononce pas contre lui une d6ch6ance totale lorsque cette sanction
ne servirait pas l’int6r~t de ‘enfant 36.
La personne contre qui la d~ch~ance totale est prononc~e cesse d’etre
titulaire de l’autorit6 parentale, de sorte qu’elle cesse 6galement d’8tre vis~e
par la pr~somption de faute de l’article 1054, alin~a 2, C.c.B.-C. Lorsque la
dch6ance a pour motif l’abandon de l’enfant laiss6 sans surveillance et mal
6duqu6, on peut trouver surprenant que les fautes pass6es du parent d6chu
aient pour effet de le lib6rer d’une pr6somption de faute. Alors que le dom-
mage caus6 par la faute de ‘enfant faisait pr6sumer la faute du parent, voici
que la faute prouv~e du parent efface, pour l’avenir, la pr6somption de faute
dont il 6tait atteint 37. Ceci est pourtant logique et 6quitable car on ne peut
reprocher une faute de garde, de surveillance ou d’6ducation A une personne
que la Cour a privee de ces attributs. Par contre,
tre libr6 d’une pr6-
somption de faute ne signifie pas 6tre A l’abri d’une responsabilit6 6tablie
selon les regles ordinaires du droit.
La decheance, meme totale, n’est pas necessairement irr6versible. L’in-
teret de ‘enfant, qui a justifi6 la ddcheance, peut exiger plus tard que le
parent d6chu recouvre le droit dont on l’avait priv6. Tout comme lejugement
qui attribue la garde d’un enfant, le jugement de dech6ance n’a l’autorit6
de la chose jug6e qu’aussi longtemps que subsistent les circonstances d6-
terminantes dans lesquelles il a te rendu.
Mais l’article 658 C.c.Q. et l’article 826.1 C.p.c. ne prevoient que la
demande en restitution de l’autorite parentale faite par les p6re et mere.
Aurait-on oubli6 que, selon l’article 654 C.c.Q., un tiers peut aussi etre d6chu
de l’autorit6 parentale qu’on lui avait attribute ? La discrimination A son
endroit est-elle intentionnelle ? Peut-etre a-t-onjug6 qu’un pere ou une mere
peut, plus facilement qu’un tiers, amender son comportement fautif et in-
digne A l’6gard de l’enfant.
C’est i cause de son comportement gravement fautif que le parent a
subi la dch6ance totale et, par vole de consequence, a 6t6 liber6 de la
pr6somption de faute de l’article 1054, alinea 2, C.c.B.-C. Avec la restitution
de son droit A l’autorit6 parentale, le paradoxe se poursuit; car c’est au
moment ofi on le juge capable de bien remplir ses devoirs de pere ou de
mere que la presomption de faute l’atteint de nouveau.
35Droit de lafamille – 334 (1986), [1987] R.J.Q. 368, [1987] R.D.E 44 (C.S.).
36Droit de lafamille –
37L’art. 1517, al. 2, de l’Avant-projet de loi sur le droit des obligations, supra, note 14, propose
77 [1983] C.S. 692 A la p. 698.
une r~gle nouvelle:
Celui qui s’est vu retirer ‘autorit6 parentale est tenu, de la mame fagon, si le fait
ou la faute du mineur est i6
l’Aducation qu’il lui avait donn~e.
1988]
LA RESPONSABILITt PARENTALE
La d~ch~ance partielle entraine non pas la perte complete mais une
diminution de l’autorit6 parentale. Les Romains diraient qu’il en r~sulte
une capitis deminutio. Cette d~ch~ance partielle est venue pros de ne pas
exister dans notre droit, car l’Office de r6vision du Code civil avait sugg6r6
l’adoption de deux mesures distinctes: la d~chance, qui entraine la perte
du droit A l’autorit6 parentale38, et le retrait partiel des droits d~coulant de
cette autorit639. Mais, comme ces deux notions devaient reposer sur les
memes motifs, le lgislateur a cru prferable de les appeler < d~ch~ance
. Cette derni~re appellation est critiqu~e
totale o et < d~ch~ance partielle
par certains auteurs40. On notera cependant que le terme dchance, mieux
que le terme retrait, sous-entend la sanction d'une conduite blamable.
c. Dchance expresse seulement
La d~ch6ance peut-elle 8tre implicite ? On voit difficilement comment
la d~ch~ance totale de l'autorit6 parentale pourrait ne pas etre expresse.
Mais, jusqu'A tout derni~rement, plusieurs d6cisions voyaient une decheance
partielle implicite dans un jugement qui privait un pare ou une mere de la
garde de son enfant4 . Dans cette optique, le <(motif grave >, exige par
l’article 654 C.c.Q. comme condition de la d~ch~ance, pouvait 6tre non
seulement une faute parentale, mais aussi un fait ou un comportement
pr~judiciable non fautif. Ainsi, une maladie physique ou un 6tat d6mentiel,
dont le parent atteint n’6tait pas responsable mais qui ’empechait d’exercer
convenablement son autorit6, pouvait constituer un motif grave de
d~ch~ance 42, si l’on donnait A ce mot un sens plus 6tendu et non p6joratif4 3.
38Projet de Code civil, supra, note 29, livre II, art. 361.
39Projet de Code civil, ibid., livre II, art. 363.
40E. Deleury et M. Rivest, < Chronique de droit civil>> (1980) 40 R. du B. 483 A Ia p. 487:
< [E]Ile porte mal son nom. L'autorit6 parentale est en effet indivisible et en ce sens, il serait
preferable de parler de retrait partiel du droit [...]. > Ces auteures observent, A Ia p. 488, que
]a dchdance partielle < ne semble pas encore avoir t6 sollicitee. o
41Droit de lafamille - 320 (1986), [1987] R.J.Q. 9 aux pp. 13 et 25, [1987] R.D.E 49 (C.A.);
Droit de lafamille - 236 [1985] C.A. 566 aux pp. 571 et 573 ; Droit de lafamille - 52 [1983]
C.A. 388 A la p. 390. Voir aussi le jugement Chamberland-Duret c. Duret (26 janvier 1981),
Montreal 500-04-003125-805, J.E. 81-268 (C.S.), ofa le juge d6clare que la demande du pare de
confier renfant A un tiers plut~t qu'A la mere 6quivaudrait A une requite en d~ch~ance de
l'autorit6 parentale. Contra, Droit de lafamille - 228 [1985] C.S. 808 ; Droit de lafamille -
86 [1983] C.S. 1017 i la p. 1020.
42C'est la conclusion qu'a adopt~e la Cour de cassation frangaise dans Cass. civ. Ire, 14 avril
1982, Bull. civ. 1982.1.110, no 125, D.183.Jur.294.
43Le mot deprivation)> de la version anglaise de ‘article 655 C.c.Q. fait moins voir ‘aspect
punitif de la < d6ch~ance
de l'autorit6 parentale.
McGILL LAW JOURNAL
[Vol. 33
Cet 61largissement de la notion de d6ch6ance vient d'8tre clairement
r~pudi6 par un arret unanime de la Cour supreme du Canada44. Malgr6 que
notre l6gislateur n'ait pas retenu la suggestion de
'Office de r6vision du
Code civil d'6num6rer une liste de fautes graves destinies A constituer les
seuls motifs de d6ch6ance45, celle-ci, m~me si elle n'est que partielle, reste
la sanction d'une faute grave du titulaire de l'autorit6 parentale.
Cette d~ch~ance n'est donc pas une mesure simplement curative, elle
est essentiellement punitive. Contrairement A l'anodine d~ch6ance du droit
d'action pr~vue au titre << De la prescription >46, elle a un caract~re infamant.
Elle est la sanction impos~e A un titulaire indigne. Notre droit en est arriv6
au divorce sans faute ; il reconnait aussi dans certains cas la responsabilit6
sans faute, mais non pas la d6ch6ance sans faute de l’autorit6 parentale.
L’expression motifs graves>> de Particle 654 C.c.Q. apparait de nou-
veau au premier alin~a de l’article 659:
Les p~re et mere ne peuvent sans motifs graves faire obstacle aux relations
personnelles de renfant avec ses grands-parents.
A la m~me expression, employee une deuxi~me fois dans le m~me titre ( De
rautorit6 parentale >>, on serait tent6 de donner une m~me signification, celle
de faute grave>> adopt~e par la Cour supreme A propos de l’article 654.
Dans un cas comme dans l’autre, l’on fait obstacle aux relations personnelles
d’un enfant avec un ascendant.
Certes un des motifs graves pr6vus A ‘article 659 C.c.Q. peut 8tre la
faute d’une grand-mere qui fait en sorte de subjuguer et poss~der ses petits-
enfants pour les 6lever comme elle l’entend, sans 6gard aux vues des parents
dont elle a provoqu6 le divorce47. Cependant, il nous semble que diverses
circonstances, ind~pendantes de tout comportement fautif, devraient A elles
seules justifier la cessation ou la suspension du droit des grands-parents de
rendre visite A leur petit-enfant ou de le recevoir. 12int6r~t de celui-ci devrait
constituer un motif suffisamment s~rieux permettant de faire obstacle A ses
44V-F (T) c. C. (G.) [1987] 2 R.C.S. 244, (sub nom. C. c. F and E) 9 Q.A.C. 241, (sub nom.
C. (G.) c. V-F (T)) 9 R.EL. (3d) 263 [ci-apr~s V-F (T) c. C. (G.) cit6 aux R.C.S.], inf. (sub
320) (1986), [1987] R.J.Q. 9 (C.A.), et r~tablissant en partie (sub
nom. Droit de lafamille –
nom. Vignaux-Fines c. Chardon) (29 novembre 1984), Montreal 500-05-000914-844 (C.S.) [ci-
apr~s Vignaux-Fines c. Chardon].
45Projet de Code civil, supra, note 29, livre II, art. 359:
Peut 8tre d~chu de 1’autorite parentale ou se voir retirer certains de ses attributs
le pare ou la mere qui est condamn6 pour acte criminel sur ]a personne de renfant,
n6glige gravement ses devoirs envers celui-ci ou abuse manifestement de son
autorit6.
46Art. 2263 C.c.B.-C.
47Droit de lafamille – 259 (1985), [1986] R.J.Q. 254, [1986] R.D.E 121 (C.S.).
19881
LA RESPONSABILITE PARENTALE
relations personnelles avec ses grands-parents, sans qu’il soit n6cessaire de
leur reprocher quelque indignit6.
Qu’il s’agisse d’un jugement ne privant le titulaire que de l’exercice de
son droit de garde, ou d’un jugement en d~ch~ance partielle de l’autorit6
parentale ne le privant que de son droit de garde, dans un cas comme dans
l’autre ce titulaire continue d’exercer une autorit6 parentale amoindrie 48. II
reste donc vis6 par la pr~somption de faute de l’article 1054, alin~a 2,
C.c.B.-C. Mais il trouve dans la faiblesse de son autorit6 un moyen puissant
pour combattre cette pr6somption 49.
D. L’efficacit de laprsomption defaute au-del de l’extinction de l’autoritg
parentale
Au moment ofi I’autorit6 parentale prend fin A cause de la survenance
de la majorit6 de ‘enfant, de son 6mancipation, de son adoption ou d’un
jugement de d~ch6ance, l’ancien titulaire n’esf pas lib~r6 de sa responsabilit6
encourue pour le dommage que 1’enfant a deja cause a autrui. La faute du
titulaire et celle de ‘enfant mineur 6tant toutes deux ant~rieures A l’extinc-
tion de l’autorit6 parentale, le droit de la victime d’invoquer la pr6somption
de faute pour obtenir r6paration est d6jA acquis et il subsiste. Nous croyons
qu’il en serait ainsi m~me si le dommage d6coulant de ces deux fautes
‘autorit6 parentale ne se r6vtlait que
ant~rieures A 1’extinction de
post6rieurement.
Mais, A 1’6gard du dommage que l’enfant devenu majeur pourra causer
A ‘avenir, la pr~somption de faute de l’ancien titulaire est disparue avec
l’autorit6 parentale sur laquelle elle reposait. La pr~somption de faute des
parents s’6teint A la majorit6 de leur enfant, m~me si ce dernier continue
d’habiter avec eux 50 . Certes ‘ancien titulaire pourra devenir responsable du
dommage caus6 par celui qui 6tait auparavant sujet A son autorit6 parentale,
mais ce sera A un autre titre comme employeur, comme curateur ou en vertu
d’une pr~somption 6tablie par une autre r6gle de droit 51.
La disparition de la pr~somption de faute n’entraeine pas n~cessairement
celle de la responsabilit6. Mais la victime, qui demande A l’ancien titulaire
de l’autorit6 parentale de l’indemniser d’un dommage que son enfant devenu
48H., L. et J. Mazeaud, Leqons de droit civil, t. 1, 3e Ed., Paris, Montchrestien, 1963, no 1175
a la p. 1147, sous la rubrique << Effets de la d~ch6ance partiee >> ; C. Boisclair, <( La notion de
parent de l'article 1(e) de la Loi de protection de lajeunesse > (1981) 11 R.D.U.S. 274 aux pp.
297 et 302.
49Art. 1054, al. 6, C.c.B.-C.
50Baudouin, 2e Ed., supra, note 6, no 415 A la p. 214.
5
‘Laverdure c. Bilanger [1975] C.S. 612 A Ia p. 619 [ci-apr6s Laverdure], mod. sur un autre
point par (sub nom. B. c. L.) (24 octobre 1977), Montrta1 500-09-000116-756, J.E. 77-75 (C.A.).
REVUE DE DROIT DE McGILL
[Vol. 33
majeur vient de lui causer, doit remplir les conditions que le droit commun
exige: prouver la faute du d6fendeur, le dommage subi et le lien de causalit6
entre cette faute et ce dommage. La victime satisfait-elle A ces conditions
quand elle prouve que l’enfant devenu majeur lui fait subir un dommage
qu’il ne lui aurait pas caus6 si, au temps ofA il 6tait soumis A l’autorit6
parentale du d~fendeur, ce dernier l’avait 6duqu6 convenablement ?
De prime abord, on serait port6 A r~pondre par l’affirmative. Le titulaire
de l’autorit6 parentale doit r6pondre des consequences de l’inex~cution de
son obligation et il importe peu que ces consequences se r6alisent avant ou
apr~s l’extinction de son autorit6 parentale. La faute dommageable peut 8tre
bien ant~rieure au dommage qu’elle entraine. La survenance de la majorit6
de l’enfant entre le moment ofi la faute du titulaire a 6t6 commise et celui
ofa le dommage se realise ne rompt pas le lien de causalit6 qui existe entre
cette faute et ce dommage.
Cependant, il faut rappeler que l’article 1054 fait exception aux r~gles
ordinaires de la responsabilit6 civile et doit 6tre interpr~t6 restrictivement.
On ne doit l’appliquer que dans le cas precis oft le dommage a 6t6 caus6
par un enfant mineur soumis A l’autorit6 parentale du d6fendeur. Dans
l’hypothse envisagee, le dommage a 6t6 caus6 par un enfant devenu majeur
ou qui, pour une autre raison, n’est plus soumis A l’autorit6 parentale du
d~fendeur. Particle 1054, alin~a 2, ne s’appliquant pas, il faut faire abs-
traction de toutes ces d6rogations au droit commun de la responsabilit6
civile. Or, cet article d~roge non seulement aux r~gles ordinaires de la preuve
en cr6ant une pr6somption de faute, il d6roge aussi A l’article 1075
C.c.B.-C. selon lequel l’auteur d’une faute n’est responsable que du dommage
qui en est < une suite directe et imm6diate >. C’est l’acte fautif de l’enfant
qui est la cause < imm6diate et directe)) du dommage caus6 A autrui; la
faute d'6ducation du titulaire peut n'6tre qu'une cause 6loign6e et indirecte,
de meme que la mauvaise 6ducation que lui-meme avait regue de ses propres
parents peut etre une cause encore plus 61oign6e et plus indirecte du com-
portement fautif de leur petit-fils.
Le probl~me est partiellement abord6 dans l'Avant-projet de loi sur le
droit des obligations 52. Apr~s avoir reproduit substantiellement la r~gle des
deuxi~me et sixi6me alin6as de l'actuel article 1054, l'article 1517, alin6a 2,
de cet avant-projet en 6tend la port6e en ces termes:
Celui qui s'est vu retirer l'autorit parentale est tenu, de la meme fagon,
si le fait ou la faute du mineur est i6 A l'ducation qu'il lui avait donn~e.
On peut se demander si ce texte est suffisamment clair et s'il est opportun.
Celui qui s'est vu retirer l'autorit6 parentale > est-il uniquement celui con-
52Supra, note 14.
1988]
LA RESPONSABILITt PARENTALE
tre qui un jugement de decheance de l’autorit6 parentale a 6t6 prononc~e ?
S’il en est ainsi, on ferait mieux de le dire express6ment. I2Office de revision
du Code civil faisait une distinction entre la decheance et le retrait de ‘au-
torite parentale, mais le legislateur n’a retenu i l’article 654 C.c.Q. que la
notion de decheance. Les mots << Celui qui s'est vu retirer l'autorit6 paren-
tale >> comprendraient-ils aussi celui qui s’est vu retirer en partie 1’exercice
de l’autorite parentale ? Dans ce cas, le parent divorce i qui la garde de
l’enfant est refusee resterait lui aussi sujet A la responsabilit6 pour le dom-
mage cause par son enfant mineur.
Quant A l’opportunit6 de la nouvelle regle ainsi formulee, on peut encore
en douter. On complique sans utilite evidente la disposition exceptionnelle
de l’article 1054, alinea 2, C.c.B.-C. ou de l’article 1517, alin6a 1, projete.
Iarticle 482, alinea 2, du Code civil fran~ais comporte lui aussi une
equivoque en precisant que les parents
ne sont pas responsables de plein droit, en leur seule qualit6 de p6re ou de
mere, du dommage qu’il [leur enfant] pourra causer A autrui, post6rieurement
A son 6mancipation.
Ce texte incite A croire, sans que cela soit certain, que les parents peuvent
6tre p.oursuivis en raison du dommage caus6 par leur enfant emancipe, si
la victime prouve que la faute de ‘enfant est la consequence d’une faute
d’6ducation commise par les parents antrieurement A l’6mancipation 53.
II. Les nouveautes dues i l’initiative des tribunaux
Les jugements des tribunaux peuvent avoir une incidence importante
sur l’application des regles enoncees aux deuxieme et sixieme alineas de
‘article 1054 C.c.B.-C. Un jugement de decheance totale, nous l’avons vu,
peut d6mettre un titulaire de son autorite parentale et une ordonnance de
placement ou un jugement d’adoption peut designer un nouveau titulaire.
En outre, des ordonnances de garde rendues A l’occasion d’une sepa-
ration de fait 54, d’un jugement de divorce, d’annulation de mariage ou de
separation de corps peuvent imposer diverses limites A l’exercice de l’au-
torite d’un titulaire et modifier ainsi son aptitude A se pr6valoir de la dis-
position exoneratoire du sixieme alinea de l’article 1054, qui se lit ainsi:
La responsabilit6 ci-dessus a lieu seulement lorsque la personne qui y est
assujettie ne peut prouver qu’elle n’a pu emp~cher le fait qui a caus6 le
dommage.
53B. Starck, Droit civil: Obligations, 2e 6d. par H. Roland et L. Boyer, Paris, Librairies
techniques, 1985, no 725 i la p. 343.
5Currier c. Sabourin-Currier [1976] C.S. 460.
McGILL LAW JOURNAL
[Vol. 33
A. L’attribution de la garde en cas de divorce, nullitM de mariage ou
separation et son effet sur la pr~somption de faute du titulaire
Aussi longtemps que les pare et m6re font vie commune, ils sont co-
titulaires de l’autorit6 parentale qu’ils << exercent ensemble >>55, de sorte que
l’application de la pr6somption de faute 6tablie par le deuxi~me alin~a de
l’article 1054 n’offre pas de difficult6 particuli6re ; ils ont alors la garde
conjointe de leur enfant, selon le sens propre qu’il faut donner A cette ex-
pression. Mais, quand survient un divorce, une annulation de mariage ou
une separation de corps, les pare et mere cessent de cohabiter, de sorte que
le tribunal est appel6 A attribuer la garde de l’enfant A l’un d’eux, parfois A
un tiers56. II en est de m~me lorsque les parents non mari6s mettent fin A
leur union de fait.
Le parent que le jugement a priv6 de la garde de son enfant se trouve-
t-il dans une situation differente h l’6gard de la pr~somption de faute de
l’article 1054 ? On 6prouvait d6jA de la difficult6 A r~pondre a cette question
avant la modification de 1977. Linterpr~tation g6ndralement donn~e A l’an-
cien article 1054, alin~a 2, parait compromettre celle qu’il faut donner au
nouveau texte du meme article.
1.
limportance donn~e A la garde de l’enfant sous l’ancien article 1054,
alin~a 2, Cc.B.-C
Selon l’interprtation la plus courante de l’ancien article 1054, la pr6-
somption de faute des parents 6tait intimement li~e a leur devoir de garde.
M~me si cet article ne faisait supporter la pr~somption de faute par la m~re
que subsidiairement dans le seul cas du ddc~s de son marl, lorsqu’on lui
attribuait la garde de l’enfant lors d’une s6paration de corps, la plupart des
auteurs 6taient d’avis qu’elle 6tait visee par la pr~somption de faute de
l’article 105457.
Sans doute, ces auteurs supposaient que le l6gislateur ne statuait ex-
press6ment que pour le cas le plus courant oit les pare et mere habitaient
ensemble avec leur enfant. Mais il leur paraissait injuste de maintenir la
pr6somption d’une faute de surveillance ou d’6ducation contre un p6re priv6
de la garde de son enfant, alors que la mere, A qui la garde avait 6t6 confide,
55Art. 648 C.c.Q., qui reproduit substantiellement l’article 244 C.c.B.-C. tel que remplac6 en
1977.
56Loi de 1985 sur le divorce, S.C. 1986, c. 4, art. 16(1), (2) et (4). Annulation de mariage,
art. 439 C.c.Q.: ocomme en mati~re de divorce […].>> S6paration de corps, art. 535 C.c.Q.:
les memes effets que le divorce. >
57A. et R. Nadeau, Traitt pratique de la responsabilite civile delictuelle, Montr6al, Wilson et
Lafleur, 1971, no 359 A la p. 355. Voir aussi les auteurs cit6s supra, note 4.
1988]
LA RESPONSABILITt PARENTALE
etait mieux en mesure que lui d’exercer les prerogatives de 1’autorit6 pa-
rentale et de veiller A ce que l’enfant ne cause pas de dommage a autrui.
Cette interpretation de l’ancien article 1054 permettait de rejoindre la
solution du Code civil frangais, dont l’article 1384, alinea 4, bien dilferent,
ne tient les parents responsables A l’6gard de leurs enfants mineurs que s’ils
habitent avec eux 58 .
2.
I’importance donnee i la garde de l’enfant sous le nouvel article 1054,
alin6a 2, C.c.B.-C.
Maintenant que les pere et mere sont 6gaux et co-titulaires de l’autorit6
parentale, il semble logique de maintenir pour le nouveau texte l’interpre-
tation que l’on donnait A l’ancien et de dire qu’<< en cas de divorce et de
t6 attribuee i un parent, celui-ci
s6paration de corps, lorsque la garde a
devrait etre le titulaire de l'autorit6 parentale vis6 par l'article 1054
nouveau59. ) Par consequent, la presomption de faute quitterait le parent
priv6 de la garde de son enfant et suivrait le parent gardien. Mais, si logique
qu'elle paraisse, cette interpretation contredit le texte de notre Code. La
presomption de faute de l'article 1054, alinea 2, vise << le titulaire de l'autorit6
, non pas le gardien de 'enfant. II faut ajouter au texte pour lui
parentale
faire dire que le titulaire n'est presume responsable que s'il a la garde de
l'enfant ou cohabite avec lui60 . Le premier alinea de l'article 1054 retient
la responsabilit6 de celui qui a la <
I’article 1384 du Code civil frangais s’exprime ditheremment en disant
qu’on est responsable du dommage << cause par le fait des personnes dont
on doit repondre [...]. >> I1 r~fere ainsi A une abstraction juridique. Nos
codificateurs ont voulu etre plus precis et concrets en rattachant la regle A
un fait: le contr6le. Mal leur en prit, car nos juristes leur reprochent l’emploi
58En France, la Loi no 70-459 du 4juin 1970 relative a l’autorit parentale, J.O., 5 juin 1970,
5225, Gaz. Pal. 1970. ler ser. UAg.246 precise de plus que la pr~somption ne vise que les pare
et mere qui oexercent le droit de garde […]. .
59E. Groffier-Atala, ((De la puissance paternelle i l’autorit6 parentale
(1977) 8 R.G.D. 223
A la p. 23 1. La m~me auteure precise, A Ta p. 229: <(I1 semble donc, que lorsque Ta garde est
accord~e A un parent, le titulaire de l'autorit6 parentale pour les fins du Code soit bien ce
parent, mime si rautre conserve certains attributs de l'autorit6 parentale.o)
mati~re, il paralt difficile de sous-entendre une condition qui n'apparait pas dans le texte.
6OAzard, supra, note 4 A la p. 4: o Malgr6 le caractre restrictif qui doit pr~valoir en la
611:art. 1054, al. 4, C.c.B.-C. traite des
double pour fin de v6rification 63 ; il l’a rendu au frangais avec, en guise
d’int6r&t, un sens d~riv664. Dans son ouvrage L’expression juste en
traduction65, Pierre Daviault consacre six pages au mot control, d6butant
ainsi:
VoilA un de ces faux amis dont nous parlions dans notre introduction,
c’est-A-dire de ces vocables que l’anglais a emprunt6s au frangais en leur don-
nant un sens qu’ils n’ont pas dans notre langue […]. On peut dire : < J'ai contrl6
ses actes >> pour signifier qu’on les a soumis i un examen s6v~re. Mais l’anglais,
I control his actions, signifie qu’on dirige les actes de quelqu’un. Vous saisissez
la nuance ? VoilA la foss6 qui s~pare control de contr6le 66.
De quel c6t6 du foss6 le mot contr6le de l’article 1054 se trouve-t-il ? Le
sens franQais nous parait acceptable dans le texte et le contexte de cet article.
Contr6ler un enfant, ce peut 8tre v6rifier si ses activit6s et son comportement
conviennent A l’&ducation qu’on entend lui donner 67. Le contr6le est une
forme de surveillance et les auteurs rappellent souvent que les parents ont
l’obligation de << contr6ler >> leur enfant pour 6viter d’8tre tenus responsables
du dommage qu’il cause A autrui 68.
Le parent priv6 de la garde de son enfant est plac6 dang une situation
difficile pour exercer son devoir de surveillance ou de contr6le, mais il en
reste tenu, comme le dit express6ment l’article 570 C.c.Q. :
Que la garde des enfants ait 6t6 confi~e A un des 6poux ou A une tierce
personne, le p~re et m~re conservent le droit de surveiller leur entretien et leur
ducation et sont tenus d’y contribuer i proportion de leurs facult~s.
62Nadeau, supra, note 4, no 357 A la p. 320; Nadeau et Nadeau, supra, note 57, no 357 a
la p. 353; Baudouin, 2e 6d., supra, note 6, no 400 A la p. 209 n. I ; Baudouin, supra, note 4,
no 244 A la p. 175 n. 1 ; Pineau et Ouellette, supra, note 12 A la p. 85.
63L.-A. B6lisle, Dictionnaire nord-americain de la languefrancaise, Montreal, Beauchemin,
1979; 0. Bloch et W. Von Wartburg, Dictionnaire etymologique de la languefranqaise, Paris,
P.U.E, 1975, vo (r61e >; W. Skeat, An Etymological Dictionary of the English Language, 4e
6d., Oxford, Clarendon Press, 1963.
inl. de l’angl. >>
64Le dictionnaire Grand Robert note au mot ( contr61e)> une signification d~riv~e ((avec
65Montr~al, Albert LAvesque, 1931 aux pp. 17-23.
66Ibid. A la p. 17.
67Ibid. A la p. 19, Daviault cite et approuve le traducteur E. Fauteux qui 6crit: a(Il est
permissible d’employer contr6ler ou le substantif, lorsqu’il s’agit de verification, de surveillance,
de censure […]. Les parents contr6lent les actes de leurs enfants, les patrons ceux de leurs
ouvriers. )>
68Mazeaud et Tunc, t. 1, supra, note 6, no 767 A la p. 880: <( C'est un fait, dont les tribunaux
refusent normalement de tenir compte, qu'une m8re de famille nombreuse ne peut pas controler
constamment chacun de ses enfants [...])); Nadeau, supra, note 4, no 376 A la p. 355:
<( [L]'Alment contr6le ou surveillance doit subsister A la charge du p~re, pour qu'on retienne
sa responsabilit6.>>
1988]
LA RESPONSABILITt PARENTALE
Selon la Loi de 1985 sur le divorce, le parent non gardien qui a un droit
d’acc~s aupr~s de son enfant << peut demander et se faire donner des ren-
seignements relatifs A la sant6, A 1'6ducation et au bien-8tre de 1'enfant 69.>>
N’est-ce pas lA donner au parent non gardien un moyen de contrrler, c’est-
a-dire d’examiner les activitds de son enfant pour verifier ses progr~s ou ses
insucc~s aussi bien dans le domaine de la sant6 que celui de l’6ducation ?
Conform~ment A ces textes, le juge ordonne parfois A l’institution d’en-
seignement de communiquer les bulletins scolaires non seulement A la per-
sonne qui lui a dlgu6 la garde de l’enfant, mais aussi au parent non
gardien 70. Au parent A qui il confie ‘enfant, le juge peut ordonner de ne pas
changer de residence sans en informer le parent non gardien au moins trente
jours A l’avance, de fagon A assurer son droit d’acc s et la continuit6 du
contr8le ou de la surveillance71.
De ces observations, nous pouvons conclure que le parent priv de la
garde de son enfant peut encore exercer sur lui un certain contr6le, selon
le sens qu’a ce mot au premier alin~a, et qu’il demeure titulaire de l’autorit6
parentale, donc atteint par la prrsomption de faute mentionnre au deuxi~me
alinra de l’article 1054. La prrsomption survit, mais elle est plus fragile.
La fragilit6 de cette pr6somption de faute est accentu6e par l’opinion
r6pandue selon laquelle seul le gardien exerce un pouvoir d6cisionnel A
l’6gard de
‘enfant, de sorte que le r6le du parent priv6 de la garde serait
rrduit A celui d’observateur intrress6, charg6 d’alerter le tribunal quand la
personne ayant la garde de
‘enfant ne s’acquitte pas convenablement de
ses devoirs de surveillance et d’6ducation 72 .
Certes, la simple attribution de la garde, sans condition ni modalit6
particuli~re, confere A l’attributaire le droit de prendre seul A peu pros toutes
les drcisions relatives A la surveillance et A l’6ducation de l’enfant, sans
avoir A rechercher l’avis ou le concours de l’autre parent. Avec deference
69Supra, note 56, art. 16(5), dont Ia version anglaise se lit ainsi:
[A] spouse who is granted access to a child of the marriage has the right to make
inquiries, and to be given information, as to the health, education and welfare of
the child.
70Vignaux-Fines c. Chardon, supra, note 44. Ce double contrOle rappelle le racine au mot:
a contrerolle >> ou registre en double pour fin de v6rification.
7’Loi de 1985 sur le divorce, supra, note 56, art. 16(7).
72Droit de la famille –
301 [1986] R.J.Q. 2141 A la p. 2149 (C.S.); D. Payne, Payne’s
Commentaries on the Divorce Act, 1985, Don Mills, Ont., DeBoo, 1986 A ]a p. 79: < [T]he
non-custodial spouse with access privileges is a passive bystander who is excluded from the
decision-making process in matters relating to the child's welfare, growth and development
; Boisclair, supra, note 48 A la p. 302: <(De fait, il n'a plus qu'un r6le de surveillant,
[...]
notamment des actes d'autorit6 poses par le gardien 16gal A l'6gard de l'orientation de l'enfant.
Le droit de surveillance exclut celui de drcision. >
McGILL LAW JOURNAL
[Vol. 33
pour l’opinion contraire, nous croyons cependant que le parent non gardien
a encore une certaine autorite et quelques occasions d’exercer un pouvoir
d6cisionnel restreint. L’importance de son autorit6 est proportionnelle A
l’6tendue des droits d’acces, de visite ou d’hebergement qui lui sont reconnus
et dont il peut se pr6valoir. De toute 6vidence, s’il habite A 1’6tranger et que
ses contacts avec son enfant se limitent i quelques appels telephoniques, la
presomption de faute de l’article 1054, alin6a 2, ne tient qu’A un fll.
B. L’attribution de la garde conjointe et son incidence sur la pr6somption
de faute des parents divorcis ou sipargs
Consid6rer que la personne A qui l’on attribue la garde de ‘enfant exerce
seule ‘autorit6 parentale et prend seule les d6ecisions relatives A son bien-
8tre et A son 6ducation, c’est instaurer une autorit6 monoparentale, un r6-
gime d’inegalit6 des pere et m6re A l’6gard de leur enfant. En droit, ce r6sultat
peut etre contestable; dans les faits, il est souvent pr6judiciable. Pour y
rem6dier, les praticiens et les tribunaux ont eu recours A la garde
conjointe >>.
Lexpression
comporte pas un droit de garde au sens strict du mot; mais elle d6signe
une notion heureuse A plus d’un 6gard. Elle permet aux pere et mere, qui
ne font plus vie commune, de prendre ensemble et en pleine 6galit6 les
d6cisions importantes que requierent le soin, la surveillance et l’6ducation
de leur enfant 73. En France, on vient d’introduire ce nouveau concept au
Code civil, en lui donnant le nom plus appropri6 d’ exercice en commun
de l’autorit6 parentale >74.
I’ordonnance de garde conjointe conserve ainsi aux pere et mere d6s-
unis la meme autorit6 qu’ils exergaient ensemble sur leur enfant au temps
ofi ils faisaient vie commune. Ils restent donc touch6s par la pr6somption
de faute de l’article 1054 ; celle-ci est presque aussi forte A l’6gard du parent
qui est priv6 de la pr6sence habituelle de ‘enfant qu’A l’6gard de celui chez
qui l’enfant r6side75.
73Voir C. L’Heureux-Dub6, <( La garde conjointe, concept acceptable ou non ? > (1979) 39 R.
du B. 835 A Ia p. 842.
74Loi no 87-570 du 22 juillet 1987 sur l’exercice de l’autorit parentale, J.O., 24juillet 1987,
24, Gaz. Pal. 1987. 2e sem. LUg.286. Le droit franqais a 6t6 plus lent que le n8tre a accepter
ce nouveau concept qui s’opposait au texte de l’art. 273.2, al. 1, de leur Code civil: < Si les
pare et m6re sont divorc6s ou s6par6s de corps, l'autorit6 parentale est exerc~e par celui d'entre
eux a qui le tribunal a confi6 Ia garde de 'enfant, sauf le droit de visite et de surveillance de
l'autre. >>
75M~me priv6 de la garde physique de 1’enfant, le parent qui en a ]a garde conjointe a oune
obligation plus lourde que celle qui lui incomberait normalement. >>: LHeureux-Dub6, supra,
note 73 A la p. 860.
1988]
LA RESPONSABILITt PARENTALE
Toutefois, la situation du parent chez qui l’enfant n’habite pas est 16-
. cette pr6somption. I1 peut en effet la
grement plus avantageuse quant
repousser quand le dommage caus6 par ‘enfant n’aurait pu 8tre 6vit6 que
par une surveillance imm6diate qu’il lui 6tait impossible d’assurer, mais qui
incombait au parent chez qui l’enfant habite.
Cette 16g6re in6galit6 disparait lorsque le tribunal confie l’enfant d un
tiers (on dira g6n6ralement qu’il confie la < garde physique > de l’enfant a
ce tiers), tout en attribuant la garde conjointe (on dira souvent < la garde
juridique >) aux p6re et m6re. Ces derniers sont alors tenus aux mmes
obligations et, pour s’en acquitter, ils 6prouvent la m6me difficult6 de sur-
veiller et 6duquer un enfant qui habite ailleurs.
La tierce personne, A qui le tribunal a confi6 la garde physique de
l’enfant, n’est pas pour autant titulaire de l’autorit6 parentale ; la pr6somp-
tion de l’article 1054, alin6a 2, ne l’atteint donc pas. Pour la tenir responsable
du dommage caus6 d autrui par l’enfant d’autrui, il faudrait recourir aux
r6gles ordinaires du droit commun.
En France, la garde conjointe, connue sous l’appellation de << l'exercice
conjoint de l'autorit6 parentale > , a des incidences differentes sur la res-
ponsabilit6 des p6re et m6re. La pr6somption de faute cr66e par l’article
1384 du Code civil frangais ne vaut qu’A l’encontre du parent chez qui
l’enfant habite. Cette pr6somption n’atteint donc pas le parent divorc6 que
l’on a priv6 de la garde au sens strict du mot; elle ne l’atteint que durant
le temps ofi il exerce aussi son droit d’h6berger l’enfant 76.
C. L’attribution de la garde juridique ou de la garde physique aux parents
dsunis et son incidence sur la pr~somption de faute
I 6clatement de la famille a d6clench6 l’6clatement de la notion juri-
dique de garde d’enfant. Pour la m6me raison que les tribunaux et les pra-
ticiens ont invent6 la notion de garde conjointe > ou d’exercice conjoint
de l’autorit6 parentale, ils ont morcelM la notion de garde d’enfant en garde
physique > (certains disent garde mat6rielle >) et garde juridique > (cer-
tains disent garde l6gale >>)77. Dans un cas comme dans l’autre, on re-
cherche la r6partition de l’autorit6 parentale qui conviendrait le mieux A
76E.S. de La Marnierre, < Exercice en commun de l'autoritE parentale sur les enfants dont
les parents sont divorces ou calibataires > Gaz. Pal. 1987. Doctr.2 A la p. 4; M.-L. Noranqais-
Demeester, Vers l’Ngalit6 parentale : Loi no 87-570 du 22juill. 1987 sur 1’exercice de l’autorit6
parentale o D. 1988.Chron.7 i lap. 11.
7711 nous semble qu’il vaut mieux rserver l’expression <(garde mat~rielle > A la garde des
choses plut~t qu’A celle des personnes. Quant A 1’expression garde lgale >, on peut lui re-
procher d’etre un anglicisme ambigu; elle peut indiquer qu’elle est attribute par la loi ou
conform~ment A la Ioi.
REVUE DE DROIT DE McGILL
[Vol. 33
l’int6rt de l’enfant. La garde conjointe cr6e un r6gime de communaut
d’autoritt; le morcellement de la garde en gardes physique et juridique est
plut6t un r6gime de siparation d’autorite, une division des tfches parentales.
le droit de retenir l’enfant chez soi
ou de d6terminer le lieu de sa r6sidence. C’est le droit de garde au sens strict
du mot, le premier des trois attributs de l’autorit6 parentale 6nonc6s A l’ar-
ticle 647 C.c.Q., d6tach, dans la mesure du possible, des deux autres at-
tributs qui sont les droits de surveillance et d’6ducation.
On entend par garde physique
A I’oppos6, on entend par garde juridique
le droit qu’a une personne
de surveiller et 6duquer un enfant m~me s’il ne r6side habituellement pas
avec soi et de prendre les d6cisions importantes A son sujet. C’est en somme
l’autorit6 parentale amput6e du v6ritable droit de garde.
Cette terminologie non civiliste vient d’8tre condamn6e tant par la Cour
d’appel du Qu6bec que par la Cour supreme du Canada7 8. Exprimant l’avis
unanime de la Cour supreme, le juge Beetz 6crit :
Cette distinction [entre garde l6gale et garde physique] d’origine jurispruden-
tielle n’est pas reconnue dans le Code civil […]. Uexpression garde physique >
est trompeuse. J’ai d6jd indiqu6 qu’une personne fi qui un tribunal attribue la
garde d’un enfant obtient de toute 6vidence l’exercice d’une partie de l’autorit6
parentale qui excde cependant ]a seule facult6 de d6terminer la r6sidence de
‘enfant. D’autre part, le concept de
prunt6 de (legal custody > de common law, est inconnu en droit civil. Le
concept civiliste de la garde est indissociable de la pr6sence de l’enfant79 .
VoilA des propos tr~sjustes. Mais nous croyons qu’ils visent plus des erreurs
de langage que des erreurs de droit.
Le juge qui dit confier A une m6re la garde physique de son enfant
lui reconnalt plus que le droit de. retenir 1’enfant chez elle ou de d6terminer
sa r6sidence. Comme 1’explique l’arrat de la Cour supreme cit6 plus haut,
le juge lui confere aussi de toute 6vidence l’exercice d’une partie de l’au-
torit6 parentale […]. Mais il s’agit d’une autorit6 minimale. L’attributaire
de la garde physique a la responsabilit6 de renfant au jour le jour-; il est
charg6 de lui prodiguer les soins usuels, logement, vetements, nourriture et
entretien ; il prend A cette fin des dcisions qui ne peuvent attendre la
consultation ou la pr6sence 6ventuelle de l’autre parent.
De son c6t6, le parent A qui lejuge attribue la garde juridique de l’enfant
en toute exclusivit680 occupe un rang apparemment sup6rieur dans le do-
78 V-E (T). c. C. (G.), supra, note 44.
79Ibid. A la p. 285.
8Attribuer la garde juridique aux deux parents, ce serait leur confier 1′ exercice conjoint de
l’autorit6 parentale ), commun~ment appel6 ((garde conjointe ).
19881
LA RESPONSABILITE PARENTALE
maine de la surveillance et de l’6ducation. C’est lui qui prend les decisions
importantes relatives i l’orientation de l’enfant. Quel 6tablissement scolaire
lenfant doit-il frequenter ? Quand doit-il cesser ses 6tudes ? Dans quelle
mesure convient-il d’encourager sa formation intellectuelle, artistique, re-
ligieuse, scientifique ou sportive ? Vers quel m~decin ou quel 6tablissement
hospitalier faut-il le diriger et quelle intervention chirurgicale faut-il auto-
riser ? L’attributaire de la garde juridique d6tient le pouvoir d6cisionnel dans
ces domaines.
I’opposition au morcellement de l’autorit6 parentale s’appuie sur plu-
sieurs raisons. Outre que les appellations de << garde physique >> et de ((garde
juridique n’apparaissent pas dans nos codes, les fronti~res qui srparent
ces deux notions sont impr~cises. II est parfois difficile de distinguer entre
les decisions relatives aux besoins imm~diats et quotidiens de ‘enfant et
celles d’une importance suprrieure ayant une port6e sur son developpement
et son orientation.
Ces difficult~s ne justifient cependant pas d’ carter dans tous les cas le
morcellement de la notion de garde. Celui-ci peut 6tre appropri6 dans les
circonstances suivantes: un parent, en mesure de garder l’enfant avec lui
et de lui prodiguer tous les soins usuels, n’est pas dou6 pour prendre A son
sujet les decisions importantes susceptibles d’avoir des repercussions s6-
rieuses sur son d6veloppement intellectuel ou physique et sur son orien-
tation; A l’inverse, l’autre parent, incapable de garder chez lui son enfant
et de lui prodiguer des soins quotidiens, possde toutes les aptitudes qui
manquent au premier pour prendre les decisions opportunes relatives A son
6ducation et A son d6veloppement g~n6ral. La division des tfches selon les
aptitudes respectives des parents se fait spontan~ment dans les couples unis.
Malgr6 qu’ils aient les m~mes droits et les memes obligations81,
[li]es 6poux contribuent aux charges du mariage en proportion de leurs
Chaque 6poux peut s’acquitter de sa contribution par son activit6 au
facult~s respectives.
foyer82.
Une repartition aussi rationnelle de l’exercice de l’autorit: parentale peut
8tre 6galement opportune A 1’6gard des couples d6sunis. I1 est donc permis
au juge d’envisager que, dans certaines circonstances, en d6pit de la grisaille
de la nouvelle terminologie, le morcellement de la notion de garde permet
une repartition plus appropri~e des attributs de l’autorit6 parentale et sert
les meilleurs int~r~ts de l’enfant.
BArt. 441 C.c.Q.
82Art. 445 C.c.Q.
McGILL LAW JOURNAL
[Vol. 33
L’attributaire de la garde physique (ou mat6rielle) et celui de la garde
juridique (ou lgale) n’exercent respectivement qu’une parcelle de l’autorit6
parentale, mais chacun d’eux en reste le titulaire atteint par la pr~somption
de faute du deuxi~me alinea de ‘article 1054 C.c.B.-C. La division des taches
parentales, suite au demembrement de la notion de garde, n’est cependant
pas sans repercussion sur les moyens que chacun des parents peut invoquer
pour se disculper conform6ment au sixi6me alinea de l’article 105483. Cha-
cun des parents s’efforcera d’etablir que l’acte dommageable de l’enfant
relevait du domaine reserv6 i la competence de ‘autre. II n’y reussira pas
toujours, car l’acte dommageable peut etre caus6 A la fois par la faute de
surveillance immediate commise par le parent responsable de la garde phy-
sique et par la faute d’education commise par le parent responsable de la
garde juridique.
D. L’attribution de la garde alternie et son incidence sur la pr~somption de
faute des parents divorcis on sparis
Une autre fagon d’6quilibrer les droits de chacun des parents d6sunis
consiste A confier A chacun d’eux, A tour de r6le, la garde de leur enfant
pour des periodes de temps 6gales ou approximativement 6gales. On lui
donne le nom de garde alternee (ou alternative).
Ce partage peut se comparer A la simple attribution de la garde sous
rfserve de droits de visite et d’hebergement accord6s au non-gardien. On
peut dire en effet que, durant ‘hebergement, le non-gardien habituel devient
un gardien momentane, tandis que le gardien habituel devient non-gardien
momentan6 84. Mais quand le partage du temps de garde est tres inegal, on
ne lui donne pas le nom de garde alternee.
83Ainsi, le pare, priv6 de la garde physique de son enfant, pourra convaincre le tribunal qu’il
n’a rien n~glig6 pour lui incuIquer une bonne 6ducation, mais qu’il n’a pu l’empecher de
s’emparer d’allumettes laissdes i sa portfe par ]a mere qui en avait ]a garde et qui lui a permis
d’aller chez le voisin oft il a caus6 un incendie.
Par contre, la mere, fA qui la garde physique de l’enfant a 6t6 attribute, pourrait repousser
la pr~somption de faute pour les blessures inflig~es volontairement par son enfant A un corn-
pagnon de jeu ; elle pourrait prouver qu’elle s’tait oppos~e fa ce que son fils, naturellement
agressif, fasse partie d’une Equipe de hockey reconnue pour ses habitudes de violence, mais
que le pare, titulaire de la garde juridique, avait autoris6 et encourag6 leur enfant A pratiquer
ce sport avec l’quipe rfput~e pour sa brutalit6 au jeu.
8Pineau, supra, note 12, no 238 f la p. 175:
[L]orsque le tribunal ordonne, par exemple, que le pare aura l’enfant les fins de
semaine et le mois de juillet au complet, et que la mare assumera cette charge cinq
jours par semaine et le mois d’aofit au complet, cela signifie que le pare aura la
garde juridique (et physique) durant telle p6riode et que Ia mare aura la garde
juridique (et physique) pendant telle autre p~riode […].
1988]
LA RESPONSABILITE PARENTALE
La garde altern6e differe davantage des autres modalit6s de la garde que
nous avons mentionn6es. En cas de garde conjointe, les deux parents exer-
cent les m~mes droits simultan6ment ; en cas de garde d6membr6e (physique
etjuridique), ils exercent simultan6ment des droits distincts ; en cas de garde
altern6e, ils exercent les m~mes droits mais successivement, tour i tour.
La garde altern6e n’exclut pas d’autre modalit6s; elle peut 8tre com-
bin6e A une garde conjointe. Dans ce cas, l’alternance a pour seul objet la
garde physique de l’enfant 85. Cet arrangement r6alise, pour des parents qui
ne vivent plus ensemble, Ia plus compl6te dgalit6 A l’6gard de leur enfant.
I1 en r6sulte aussi une 6gale vuln6rabilit6 A la pr6somption de faute du
deuxi~me alin6a de l’article 1054. Quand le dommage caus6 par leur enfant
est imputable A une faute d’6ducation, cette pr6somption p~se aussi lour-
dement contre le pare et contre la mare, puisque chacun d’eux a le meme
devoir d’6ducation et les m~mes facilit6s de s’en acquitter. Mais lorsque le
dommage est dfi A un manque pr6cis de surveillance, le parent avec qui
l’enfant n’habitait pas au moment off l’acte dommageable a 6t6 pos6 est
6videmment en meilleure situation pour s’exon6rer.
III. La pr~somption de faute des titulaires de l’autorit6 parentale et la
responsabilit6 solidaire
La responsabilit6 des co-titulaires de l’autorit6 parentale soul~ve divers
problmes de solidarit6. Les co-titulaires sont-ils solidairement respon-
sables ? Uenfant mineur, auteur de la faute dommageable, est-il solidaire-
ment responsable avec le titulaire de l’autorit6 parentale ? Y a-t-il solidarit6
entre le titulaire de l’autorit6 parentale et d’autres personnes dont la faute
est prouv6e ou pr6sum6e ?
A. Solidarit entre co-titulaires de l’autoritg parentale
Lorsque ni le pare ni la mere ne parviennent A repousser la pr6somption
de faute de l’article 1054, alin6a 2, le Code civil du Bas-Canada ne dit pas
express6ment” s’ils sont responsables conjointement ou solidairement. Le
Code civil frangais est plus explicite A ce sujet ; il tient les parents solidai-
rement responsable tant qu’ils exercent ensemble le droit de garde86.
M~me si la solidarit6 ne se pr6sume pas, elle a lieu de plein droit dans
certains cas pr6vus par la loi87. Or, l’article 1106 C.c.B.-C. pr6voit que
< []'obligation r6sultant d'un d6lit ou quasi-d6lit commis par deux person-
850n en trouve un exemple dans Benoft c. Bisaillon [1976] C.S. 1651.
86Art. 1384, al. 4, C.c. fr. Avant 'amendement de 1970, les auteurs franiais enseignaient que
les parents 6taient tenus in solidum : H. et L. Mazeaud et A. Tunc, TraitM theorique et pratique
de la responsabilitt civile, t. 2, 6e 6d., Paris, Montchrestien, 1970, no 1968 A la p. 1105.
"Art. 1105 C.c.B.-C.
REVUE DE DROIT DE McGILL
[Vol. 33
nes ou plus est solidaire. >> Lorsque les titulaires de l’autorit6 parentale n6-
gligent de surveiller et d’6duquer l’enfant mineur et que leur n6gligence cause
un dommage A autrui, ils se rendent coupables d’une faut d6lictuelle ou
quasi-d6lictuelle. Eon ne doit donc pas s’6tonner que la pr6somption de
cette faute se trouve au chapitre
p. 154.
1988]
LA RESPONSABILITt PARENTALE
B. Solidarit entre le titulaire de l’autoritg parentale et l’enfant mineur
La responsabilit6 du titulaire ou des titulaires de l’autorit6 parentale
n’exclut pas celle de l’enfant mineur <( capable de discerner le bien du mal >>91
qui, par sa faute, a caus6 un dommage A autrui. Ces deux responsabilit~s
invoqu~es dans une meme action peuvent donner lieu A une double
condamnation.
C’est un cas ofi les cod~fendeurs sont les auteurs de fautes clairement
distinctes : faute des surveillants (titulaires de l’autorit6 parentale) et faute
du surveill6 (enfant mineur). Ceci n’empeche pas leur condamnation
solidaire92. II est vrai que la victime pr~fere parfois ne pas poursuivre l’en-
fant mineur pour 6viter le double risque de son insolvabilit6 habituelle et
de son inaptitude A distinguer le bien du mal, ainsi que l’inconv~nient
d’avoir i lui nommer un tuteur93.
La prudence incite cependant A exercer un recours i la fois contre
l’enfant et le titulaire A l’autorit6 duquel il est assujetti, pour mettre ainsi
toutes les chances de son c6t6. S’il arrive que seul l’enfant94 ou seul le
titulaire95 soit condamn6, l’action contre l’autre d6fendeur est ordinairement
rejet~e sans frais.
La victime peut cumuler contre chacun des cod6fendeurs tous les
moyens que la loi lui offre. Ainsi, le parent titulaire de l’autorit6 parentale
peut 6tre aussi le curateur de son enfant atteint d’une maladie mentale96,
ou le gardien d’une chose ou d’un animal pr&t6 A son enfant 97. I1 pourrait
etre 6galement l’employeur de son enfant mineur dont l’acte dommageable
a W pos6 dans l’exercice de ses fonctions98 ; dans ce dernier cas, le parent,
A titre d’employeur, ne pourrait invoquer un moyen d’exon~ration 99 dont
il aurait pu se pr~valoir en tant que titulaire de l’autorit6 parentale. La
victime n’est pas tenue d’opter pour l’un de ces moyens, car elle peut r6unir
plusieurs causes d’action dans sa demande en justice’00.
91Art. 1053 C.c.B.-C.
920uellette, c. Gagnon [1980] C.A. 606, conf. [1976] C.S. 789; Pineau et Ouellette, supra,
note 12 aux pp. 84-86; Baudouin, 2e 6d., supra, note 6, no 398 A la p. 207, et no 410 A Ia p.
213; Nadeau et Nadeau, supra, note 57, no 352 A la p. 351 ; Nicholls, supra, note 15 A la p.
51.
93Foley c. Marcoux [1957] R.C.S. 650, conf. (1956), [1957] B.R. 512.
94Ginn c. Sisson (1968), [1969] C.S. 585 a la p. 589, action contre le p6re rejet6e sans frais.
95Laverdure, supra, note 51 A la p. 630, action contre ‘enfant rejet6e sans frais.
96 bid. A ]a p. 619.
97Baudouin, 2e d., supra, note 6, no 409 A la p. 213.
98Danis c. Allaire (1956), [1957] B.R. 375. Que l’enfant, pr6pos6 de son p6re, soit mineur ou
majeur, la pr6somption de responsabilit6 de 1’article 1054, al. 7, C.c.B.-C. s’applique.
99Art. 1054, al. 6, C.c.B.-C.
’00Art. 66 C.p.c.
284
McGILL LAW JOURNAL
[Vol. 33
C. Solidariti entre le titulaire de l’autoritj parentale et d’autres personnes
9galement responsables du fait de l’enfant mineur
La responsabilit6 des titulaires de l’autorit6 parentale et de l’enfant qui
a caus6 le dommage peut aussi se combiner avec celle d’autres personnes
dont la faute est prouv~e (comme celle d’un gardien d’occasion, d’un com-
pagnon de jeu de l’enfant), dont la faute est pr6sum6e (comme celle d’un
instituteur) ou m~me dont la responsabilit6 sans faute est 6tablie par la loi
(comme celle de l’employeur de l’enfant). Ces personnes responsables A
divers titres peuvent faire partie d’un groupe de cod6fendeurs exposes a une
condamnation solidairet ol.
Certains auteurs sont d’avis que, dans les cas ofi l’enfant mineur passe
sous la garde responsable d’un artisan, d’un instituteur ou d’un employeur,
la pr~somption de responsabilit6 du parent, titulaire de l’autorit6 parentale,
disparait ou est deplac~e A l’encontre du nouveau gardien responsable,02.
Nous ne partageons pas cet avis. Bien sfir, pendant que l’enfant est sous la
surveillance immediate d’un instituteur, d’un artisan ou d’un patron, il
6chappe g6n~ralement a la surveillance du titulaire de l’autorit6 parentale ;
ce dernier peut alors repousser assez facilement la pr6somption d’un d6faut
de surveillance. Mais il lui reste encore A prouver qu’il a bien 6duqu6 son
enfant ; car une mauvaise 6ducation A la maison peut avoir des r6percussions
sur le comportement de l’enfant A l’6cole ou au lieu de son travail.
Rien dans la loi n’emp~che que le titulaire de l’autorit6 parentale et
l’instituteur A qui il avait confi6 la garde et 1’6ducation de son enfant ne
soient condamn6s solidairement lorsque ni l’un ni l’autre ne r6ussit A re-
pousser la pr6somption de faute mise A sa charge par l’article 1054
C.c.B.-C. I1 n’est pas impensable qu’une meilleure 6ducation de la part des
parents ou une surveillance plus attentive de la part de l’6ducateur aurait
pu empecher le fait dommageable de se produire. La faute du titulaire de
l’autorit6 parentale et celle de l’6ducateur ont contribu6 A causer le pr6judice,
de sorte que chacun d’eux est responsable pour le tout. Peu importe que les
deux fautes ne soient pas identiques et qu’elles n’aient pas 6t6 commises
simultan6ment’0 3.
’01Baudouin, 2e Ed., supra, note 6, no 409″ la p. 213.
102Nicholls, supra, note 15 A la p. 74; Nadeau et Nadeau, supra, note 57, no 376 A ]a p. 368
(employeur), et no 382 A lap. 372 (artisan ou institution). On invoque A l’appui de cette opinion
le jugement rendu en Cour sup6rieure dans Bergeron c. Dagenais (1913), 46 C.S. 302, conf.
par (1915), 47 C.S. 492 (C. r~v.). Ces d&cisions sont loin d’etre concluantes sur ce point, le
premier juge ayant trouv6 que le pare avait repouss6 ]a pr6somption de faute ; la Cour de
‘enfant qui avait caus6 le
r~vision a jug6 que le demandeur n’avait pas prouv6 que e’est
dommage.
’03Mazeaud et Tunc, t. 2, supra, note 86, no 1953 A la p. 1079.
1988]
LA RESPONSABILITE PARENTALE
Sur ce point, il faut se garder de s’en remettre aux solutions adoptees
la presomption de faute ne vise les pere et mere que s’ils
en France ofi
cohabitent avec l’enfant 0 4. La cessation de cette cohabitation, des lors
qu’elle est legitime, fait cesser en droit frangais la presomption de faute qui
pesait contre les parents 10 5. C’est ce qui se produit quand les parents doivent
confier leur enfant A une institution d’enseignement 6loignee oii il doit re-
sider. Pour la meme raison, selon Savatier’0 6, la responsabilit6 du p6re dis-
paraTit entierement lorsque le mineur habite chez son employeur.
Sans doute, l’employeur est responsable pour la totalit6 du dommage
cause par la faute de son prepos6, ffit-il mineur. La jurisprudence considere
que l’obligation de l’employeur et celle de son employe sont solidaires, vu
l’article 1106 C.c.B.-C., malgre que cet article ne traite que de << d6lit ou
quasi-delit commis par deux personnes >). Ce raisonnement vaut quand la
faute et la responsabilite du mineur sont jumulees a la faute et A la respon-
sabilite de l’artisan ou de l’instituteur. Mais la responsabilit6 de ’employeur
ne resulte generalement pas d’une faute ; meme s’il n’en a commis aucune,
la clause exculpatoire du sixieme alinea de l’article 1.054 ne lui est pas
accessible. Sur le plan theorique, on peut donc soutenir qu’il n’y a pas de
solidarit6 entre l’employ6 et l’employeur, A moins que tous les deux aient
commis une faute. En pratique, il serait hasardeux de contester une juris-
prudence contraire persistante qui tient le commettant et l’ouvrier solidai-
rement responsables 10 7. La pr6somption de responsabilite est ainsi assimil~e
i une presomption de faute.
D. Dtermination de la part que chacun des codibiteurs solidaires doit
assumer d l’gard des autres
Nous l’avons vu, les circonstances peuvent reunir dans une meme ac-
tion un grand nombre de personnes appelees A repondre du dommage cause
par un enfant mineur. Supposons un cas ofi cinq adolescents d’environ
quinze ans complotent et executent un mefait alors qu’ils sont A l’ecole.
Dans une meme action, la victime les poursuit en justice en meme temps
no 865 a ]a p. 943 (parents et commettants).
104Voir Mazeaud et Tunc, t. 1, supra, note 6, no 794 a la p. 905 (parents et Educateurs) et
105Starck, supra, note 53, no 732 i la p. 346.
’06Supra, note 15, no 250 a la p. 321.
107Martel, supra, note 89 A Ia p. 756; Baudouin, 2e Ed., supra, note 6, no 483 A Ia p. 243.
Voir aussi supra, note 90. La meme difficult8 s’est soulev~e sous ‘ancienne Loi de l’indem-
nisation des victimes d’accidents d’automobile, S.R.Q. 1964, c. 232, selon laquelle le conducteur
fautif tait condamn6 solidairement avec le propri~taire de ‘automobile tenu responsable meme
s’il n’avait commis aucune faute. Voir Baudouin, supra, note 4, no 583 A Ia p. 376 ; A. Larouche,
<( La responsabilitE du propriktaire et du conducteur est-elle solidaire ? >> (1971) 31 R. du B.
238 ; Y. Mayrand, < Responsabilit6 civile extra-contractuelle >) (1971) 6 R.J.T. 409 a lap. 423;
Lareau c. Wilkens [1974] C.A. 266.
REVUE DE DROIT DE McGILL
[Vol. 33
que les titulaires de l’autorit6 parentale de chacun d’eux, l’instituteur charg6
de la surveillance ainsi que son employeur, la commission scolaire. Apr~s
un long proc~s ofi chacun des quelque vingt cod6fendeurs a cherch6 A se
disculper, le tribunal conclut A la condamnation solidaire de treize d’entre
eux: les cinq enfants mineurs, six titulaires de l’autorit6 parentale, l’insti-
tuteur et son employeur.
Cette multiplicit6 des d6fendeurs condamn6s A r6parer le dommage
caus6 par la faute de deux enfants mineurs fait le bonheur de la victime
dont elle facilite l’indemnisation ; mais elle ne fait pas celui du tribunal
dont elle complique singuli~rement la tfche. L’article 469 C.p.c. demande
en effet au tribunal, en cas de condamnation solidaire prononc6e contre les
personnes responsables, de d6terminer o pour valoir entre elles seulement,
la part de chacune dans la condamnation, si la preuve permet- de
l’6tablir’08. > On esp~re 6viter ainsi des litiges ult6rieurs sous forme d’actions
r6cursoires.
Mais l’article 469 C.p.c., tout comme les articles 1117 et 1118 C.c.B.-
C., n’indique pas le crit6re selon lequel le juge doit d6terminer la part contri-
butive des cod6biteurs solidaires. On a pens6 que chacun d’eux devrait
supporter une part virile du fardeau 09 ; mais ce serait IA une solution sim-
pliste et in6quitable. Du reste, l’article 469 C.p.c. n’aurait pas sa raison d’etre
si chacun des d6biteurs solidaires devait, dans tous les cas, assumer une
part 6gale ; pour faire ce petit calcul math6matique, point besoin de l’aide
du juge. D’autres proposent que chacun supporte le dommage dans la me-
sure ofi sa faute l’a caus6 10 . On comprend difficilement cette m6thode, car
chacune des fautes retenues a caus6 tout le dommage. Voudrait-on dire que
certaines fautes sont des causes plus d6terminantes que d’autres ? Quoi qu’il
en soit, la Cour d’appel a 6cart6 ce crit~re pour s’en tenir A celui de la gravit6
des fautes respectives I’. La contribution des cod6biteurs solidaires est donc
proportionn6e A la gravit6 de la faute respective de chacun d’eux 112.
10Faute de preuve permettant d’6tablir rimportance relative des fautes commises par chacun
des d6fendeurs condamn6s, le juge est dispens6 de cette tdche difficile : Bienvenue c. Canadian
Pacific Railway (1967), [1968] C.S. 372 A lap. 385.
’09Mazeaud et Tunc, t. 1, supra, note 6, no 725 i la p. 853.
“10Tunc dans Mazeaud et Tune, t. 2, supra, note 86, no 1511 A ]a p. 623. 11 en va difliremment
si deux fautes distinctes commises par des personnes difierentes causent A la meme victime
des dommages distincts: Coutellier c. Hervieux [1974] C.S. 240; Chnier c. Lachance (31
janvier 1979), Montral 500-05-017236-793 (C.S.). Voir cependant A. Larouche, Chronique
(1975) 6 R.G.D. 193 A la p. 245, et (1976) 36 R. du B. 252.
“‘Joubert c. Vaillancourt (1968), [1969] B.R. 809 A lap. 811.
“2Baudouin, 2e Ed., supra, note 6, no 386 i la p. 198; Pineau et Ouellette, supra, note 12
i la p. 182 ; Mazeaud et Tunc, t. 1, supra, note 6, no 725 A la p. 853 ; Mazeaud et Tunc, t. 2,
supra, note 86, no 1512 A la p. 625.
19881
LA RESPONSABILITE PARENTALE
Cette regle s’applique sans difficulte particuliere i ceux qu’on appelle
tres justement les << co-auteurs directs >> du dommage1 13, c’est-d-dire les mi-
neurs, elves, apprentis ou preposes. Mais quand l’obligation solidaire
s’6tend en plus A ceux communement appeles les << civilement respon-
sables >> 14, c’est-i-dire les titulaires de l’autorit6 parentale, tuteurs, insti-
tuteurs ou commettants, la seule norme de la gravite de la faute personnelle,
appliquee sans discrimination, parait inadequate.
Prenons le cas du dommage caus6 par deux mineurs (doli capaces) que
leurs pere et mere, titulaires de l’autorit6 parentale, ont mal 6duqu6s. Le
juge, qui les condamne solidairement tous les six, doit-il comparer la faute
de chaque cod6biteur A celle des cinq autres pour en 6valuer la gravit6 et
ainsi d6terminer sa part contributive ? Cette m6thode pourrait conduire A
des r6sultats peu satisfaisants. La gravit6 de la faute du mineur A serait
comparee A celle des pere et mere du mineur B, de sorte que la plus ou
moins bonne education donn6e d B aurait une repercussion sur la part
contributive de A. I1 pourrait aussi arriver que les parents dont l’enfant a
commis la moindre des fautes soient appeles A assumer une part de res-
ponsabilit6 plus grande que celle attribuee aux parents dont l’enfant a com-
mis la faute la plus grave.
I1 nous parait pr6ferable de ne comparer dans un premier temps que
les fautes des auteurs directs du dommage. Si la faute de A est trois fois
plus grave que celle de B, il devra contribuer au paiement des trois quarts
de la condamnation. Dans un second temps, ces trois quarts sont r6partis
entre A, auteur direct du dommage, et ses p6re et mere civilement respon-
sables du pr6judice que leur enfant a caus6 A autrui. Dans l’hypothese oA
les fautes de ces trois cod6fendeurs sont d’une 6gale gravit6, la part contri-
butive de chacun d’eux dans la condamnation solidaire sera en d6finitive
d’un quart.
Cette faon de proceder tient compte d’une realite: la responsabilit6
des enfants mineurs et celle des titulaires de l’autorit6 parentale ne se situent
pas au meme niveau, ni dans le temps ni dans le lien de causalit6. La
responsabilit6 du mineur est conforme a la regle de l’article 1075 C.c.B.-C.,
car elle ne concerne que ce qui est une < suite immediate >> et une << suite
directe >> de sa faute. On ne peut en dire autant de la responsabilit6 des
parents dont le d6faut de bien 6duquer leur enfant est bien ant6rieur a la
faute de ce dernier; dans l’ordre de la causalit6, la faute des titulaires de
l’autorit6 parentale est encore plus 6loignee que dans l’ordre chronologique.
“13Mazeaud et Tunc, t. 1, ibid., no 723-2 A la p. 851 et no 724 A la p. 852.
1141bid., no 708 A la p. 838, et no 729 A Ia p. 855; Nadeau et Nadeau, supra, note 57, nos
354-55 A la p. 352. Ce dernier auteur les appelle aussi les o rapondants >, nos 351-52 aux pp.
350-51.
McGILL LAW JOURNAL
[Vol. 33
Le dommage que l’enfant mineur cause A autrui n’est qu’une suite indirecte
de la mauvaise 6ducation reque de ses parents. Ces derniers ne sont res-
ponsables que (par r6percussion >>I 15; au point de vue de la contribution
comme au point de vue de l’obligation, leur responsabilit6 est a la mesure
de celle de leur enfant.
Quelques decisions de nos tribunaux, sans exprimer une opinion for-
melle a ce sujet, semblent adopter cette fagon de r6partir la contribution
des cod6biteurs solidaires. Dans une affaire ofi trois d6fendeurs condamn~s
solidairement 6taient d’une part deux auteurs directs du dommage (un en-
fant mineur et un chauffeur d’autobus scolaire) et d’autre part l’employeur
du chauffeur, les portions contributives ont 6t6 6tablies ainsi :
Vu que l’article 469 du Code de procedure civile 1’exige, je pr6ciserais que le
d~fendeur Pierre C8t6 [enfant mineur] devra supporter en d~finitive la moiti6
de la condamnation solidaire, l’autre moiti6 devant 8tre supporte par les d6-
fendeurs Alphonse Dubois [chauffeur employf] et Autobus Bois-Francs Lt~e
[employeur] 116.
Cette conclusion fait voir que la contribution de l’employ6 est aussi celle
de son employeur. I1 est vrai que la responsabilit6 de l’employeur 6tant
objective, il n’a commis aucune faute dont on pourrait comparer la gravit6
avec celles des autres d6fendeurs. Oblig6 de payer A la victime la totalit6,
il aurait pu reclamer de chacun des auteurs directs une moiti6 des dom-
mages-int6rts” 7 . Le pare du mineur condamn6 a 6t6 exon~r6 par la Cour
d’appel ; mais si la condamnation prononc~e contre lui en premiere instance
avait 6t maintenue et s’il avait dfi payer A la victime la totalit6 des dom-
mages-int~rts, il aurait eu le droit d’exercer un recours contre les autres
d6biteurs solidaires, y compris son fils, pour recouvrer non pas la totalit6,
comme un auteur l’6crit’ 18, mais la part contributive de chacun 6tablie selon
la gravit6 de sa faute1 19.
Dans une autre affaire ofi deux fillettes avaient 6td bless~es au cours
d’un exercice sportif, le tribunal conclut
“5Starck, supra, note 53, no 650 A lap. 313. II apparait que les parents ne sont responsables
que par ricochet, quand la mauvaise 6ducation transmise A l’enfant est attribuable A celle aussi
mauvaise qu’ils avaient eux-m~me regue des grands-parents.
1″6Duboisc. Dubois [19781 C.A. 569 A lap. 575. Dans cette affaire, s’est aussi pos6 le problbme
du partage de la responsabilit6 en cas de faute commune, e’est-a-dire faute de ]a victime et
celles des d~fendeurs.
7 Baudouin, 2e 6d., supra, note 6, no 398 A la p. 207.
1
“sNicholls, supra, note 15 A la p. 52. Comparer Mazeaud et Tunc, t. 1, supra, note 6, no
725 A lap. 853 et no 728 A lap. 854; Mazeaud et Tunc, t. 2, supra, note 57, nos 1972-74 A la
p. 1112 et s.
119Savatier, supra, note 15, no 253 a la p. 324.
1988]
LA RESPONSABILITE PARENTALE
en partageant la responsabilit6 comme suit:
Les fihlettes (ensemble):
La Commission scolaire Charlesbourg:
L’exploitant et son pr~pos6 (ensemble):
10%
30%
60%.
Les d6fendeurs devront donc solidairement assumer 90% des dommages causes
aux fillettes et la repartition entre les d6fendeurs se fera sur une base de un
tiers i ]a Commission scolaire et deux tiers pour les d~fendeurs Drouin/Lanoix
[exploitant et son pr6pos6]120.
L’adverbe <(ensemble >> indique que le commettant et son pr~pos6 forment
un groupe distinct pour les fins de la contribution.
Nous ne connaissons pas de cas oii le juge aurait d6termin6 A la fois la
contribution de l’enfant mineur, auteur direct du dommage, et celle du
titulaire de l’autorit6 parentale. I1 est vrai que les pare et mere ne d~sirent
g~n6ralement pas exercer une action r~cursoire contre leur enfant en raison
de l’insolvabilit6 de ce dernier ou de l’obstacle moral de la relation
familiale 12 1.
Le recours de l’employeur condamn6 pour le dommage caus6 A autrui
le d6sir de ne pas enve-
par son pr~pos6 se heurte aux m~mes difficults
nimer les relations de travail, l’insolvabilit6 6ventuelle du pr6pos6 ainsi que
l’assurance de responsabilit6 souscrite par 1’employeur rendent l’action r6-
cursoire de ce dernier extr~mement rare.
Cette attitude des employeurs i l’gard de son pr~pos6 sera A l’origine
d’une nouvelle r~gle de droit si l’article 1521 de l’Avant-projet de loi sur le
droit des obligations 122 est adopt6:
Le commettant est tenu de r6parer le prejudice caus6 par la faute de ses
proposes dans l’ex6cution de leurs fonctions; il conserve, nnmnmoins, ses re-
cours contre eux si la faute commise est une faute intentionnelle ou lourde.
La deuxi~me phrase, par raisonnement a contrario, comporte une nouvelle
r~gle importante: le commettant condamn6 pour la faute ordinaire (ni in-
tentionnelle, ni lourde) de son pr~pos6 n’aura aucun recours contre lui. Recul
spectaculaire du r6le de la faute en mati~re de responsabilit6 civile: A la
responsabilit6 de celui qui n’a commis aucune faute, s’ajoute la non-
responsabilit6 de ‘auteur de la faute. Le tribunal, qui condamne solidai-
rement commettant et propos6, ne devra-t-il pas pr~ciser que le premier
’20Bouliane c. Commission scolaire de Charlesbourg [1984] C.S. 323 A la p. 340, modifi6
quant au quantum seulement (sub nom. Drouin c. Bouliane) [1987] R.J.Q. 1490, 7 Q.A.C. 177.
1’2 Nadeau, supra, note 4, no 379 A la p. 337; Savatier, supra, note 15, no 253 A la p. 324.
Dans ‘affaire V c. M. [1950] C.S. 379, le juge oblige le pire A indemniser la victime du vol
perp~tr6 par son fils mineur, mais i indique au dbfendeur qu’il pourra excercer un recours
contre son fils devenu majeur.
12-Supra, note 14.
REVUE DE DROIT DE McGILL
[Vol. 33
devra en d6finitive payer la totalit6 des dommages-int6r~ts sans recours
contre ‘auteur du dommage ? Le pr6pos6 poursuivi seul et condamn6 A
indemniser sa victime n’aura-t-il pas un recours pour la totalit6 contre son
employeur ?
Particle 469 C.p.c. ne demande pas aujuge de d6terminer la part contri-
butive des personnes responsables, mais qui ne sont pas parties en cause.
La victime n’est pas tenue de poursuivre tous les cod6biteurs ; elle peut ne
s’attaquer qu’au d6biteur de son choix, celui dont la solvabilit6 est certaine
et dont la responsabilit6 peut 8tre plus facilement 6tablie. Le malheureux
61u, contraint de payer toute la dette, a alors un recours contre les autres
cod6biteurs solidaires, m~me ceux que la victime n’a pas poursuivis’ 23.
Les probl~mes de la d6termination de la part contributive de chacun
des cod6biteurs solidaires ne s’arrtent pas IA. Pour agr6menter le casse-tete
juridique, disons que les parents des deux mineurs, coauteurs directs du
dommage, sont divorc6s. Les pare et mere de l’un exercent conjointement
leur autorit6 parentale (garde dite o conjointe >>) sur leur enfant qui habite
chez son pare (gardien stricto sensu) ; quant aux parents de l’autre mineur,
l’un d’eux en a la garde dite ((physique >>, tandis que l’autre en a la garde
dite <
serait touch6 par la pr6somption de faute. En droit qu6b6cois, cette pr6-
somption atteint tous les parents, puisqu’ils demeurent tous titulaires de
l’autorit6 parentale, malgr6 la diversit6 de leurs pouvoirs et des occasions
donn6es A chacun d’eux d’exercer cette autorit6 sur son enfant.
C’est au plan de la preuve requise pour repousser la pr6somption de
faute que la situation d’un parent differe selon qu’il a la garde exclusive de
l’enfant, la garde conjointe et physique, la seule garde juridique ou la seule
garde physique.
Ces diverses modalit6s de la garde procurent aux 6poux divorc6s des
situations favorables ou d6favorables au contr6le des activit6s de leur enfant
mineur. Le parent priv6 de la garde physique de son enfant est en meilleure
position pour repousser la pr6somption d’un d6faut de surveillance; par
contre, le parent priv6 de la garde juridique peut plus facilement 6tablir que
le d6faut d’6ducation de son enfant ne lui est pas imputable, attendu qu’il
ne peut exercer un pouvoir d6cisionnel dans les questions importantes re-
latives A l’ducation. Bref, plus l’ordonnance de garde facilite A l’un des
poux l’exercice de son autorit6 parentale, plus sa responsabilit6 est grande
et plus il lui est difficile de prouver qu’il o n’a pu empecher le fait qui a
caus6 le dommage >>.
123Mazeaud et Tune, t. 2, supra, note 86, no 1972 A ]a p. 1112. Art. 1118 et 1156, al. 3,
C.c.B.-C.
1988]
LA RESPONSABILITE PARENTALE
Lors du divorce, le parent qui r6ussit A se faire attribuer le droit de
garde exclusive, y compris <(le soin, l'6ducation et tout autre 616ment qui
s'y rattache >124, peut estimer qu’il remporte une victoire. Mais le vainqueur
sera plus expos6 a une d6faite s’il est plus tard poursuivi pour dommage
caus6 d autrui par son enfant mineur.
Uordonnance du tribunal qui confere express6ment des droits au gar-
dien lui impose implicitement des obligations. Meme les droits d’acc~s, de
visite ou d’h6bergement r6serv6s au parent non gardien comportent des
devoirs. Le parent qui n6glige de visiter son enfant, de sortir avec lui, de
le recevoir durant les vacances, comme il y est autoris6 par jugement, omet
de prendre avantage de ces pr6cieuses occasions de le surveiller et de con-
tribuer a son 6ducation. Cette abstention fautive pourrait un jour lui 8tre
reproch6e par la victime de son enfant mineur et par l’enfant lui-meme.
Le recours du tiers, victime du mineur mal 6duqu6, contre le parent
mauvais 6ducateur est express6ment pr6vu A l’article 1054, mais on voit
plus difficilement le recours du mineur mal 6duqu6 contre son parent mau-
vais 6ducateur125. L’enfant, dont la mauvaise 6ducation a entrain6 son d6lit
et sa condamnation a des dommages-int6r~ts, sera quelque peu compens6
lorsque la part contributive de ses parents, condamn6s avec lui, diminuera
sensiblement la sienne en raison de la gravit6 de leurs fautes respectives.
Conclusion
Certaines institutions juridiques sont si profond6ment ancr~es dans la
tradition qu’on n’ose pas les modifier, encore moins les supprimer. Pourtant,
en d6pit de l’anciennet6 des dispositions qui rendent les parents responsables
du dommage caus6 par leur enfant mineur126, plusieurs auteurs souhaitent
soit le renforcement, soit la suppression de la pr6somption de faute 27.
Le moyen le plus efficace de renforcer cette pr6somption relative de
faute serait d’en faire une pr~somption absolue de responsabilit6. Les ti-
tulaires de l’autorit6 parentale seraient ainsi tenus de plein droit responsables
du dommage caus6 par leur enfant. Cette responsabilit6 sans faute aurait
124Loi de 1985 sur le divorce, supra, note 56, art. 2(l).
175D’ailleurs, on estime que la pr6somption de faute des pUre et mere, titulaires de l’autorit6
parentale, n’existe qu’en faveur de ]a victime de l’enfant mineur: Mazeaud et Tunc, t. 1, supra,
note 6, no 728-2 A la p. 855.
126Sur l’histoire de ces dispositions, voir A. Sourdat, TraitM g6n~rale de la responsabilitt en
dehors des contrats, t. 2, 3e Ed., Paris, Imprimerie et librairie g6n6rale de doctrine et de juris-
prudence, 1876, no 810 et s. A lap. 61 et s. En droit romain, la responsabilit6 du chef de famille
8tait sanctionn~e differemment; par 1abandon noxal de son enfant, le paterfamilias plaait
l’auteur du dommage sous la puissance de la victime.
127Baudouin, 2e Ed., supra, note 6, no 445 A lap. 228 ; Azard, supra, note 4 A lap. 15 ; Starck,
supra, note 53, no 780 i Ia p. 365; Mazeaud et Tunc, t. 1, supra, note 6, no 783 a la p. 895.
McGILL LAW JOURNAL
[Vol. 33
l’avantage de rendre moins al~atoire le recours de la victime contre les
parents qui ne pourraient plus 6chapper A la condamnation en prouvant
qu’ils n’ont pu empacher le fait dommageable 128.
Pareil r6gime de responsabilit6 objective impos6 aux parents ne nous
parait pas opportun. Bien stir, on accepte que le patron qui n’a commis
aucune faute soit tenu responsable du dommage caus6 par son employ6,
mais la situation du parent A l’6gard de son enfant mineur est tr~s difflrente.
L’activit6 de l’employ6, qui cr6e des risques pour les tiers, procure un profit
au patron, tandis que le parent ne cherche pas A retirer un profit de l’activit6
de son enfant. De plus, le patron ne r~pond que des fautes commises par
ses preposes dans l’excution des fonctions auxquelles ces derniers sont
employ6s > ; il est donc en mesure de surveiller et de contr6ler leurs activit~s
qui s’exercent g6n6ralement sur les lieux de son entreprise. Les parents, eux,
sont responsables de la faute que leur enfant mineur peut causer en tout
temps et en tout lieu. De nos jours, le pare et la mere sont souvent obliges
d’exercer leur profession en dehors de la residence familiale et loin du lieu
off la plupart des activit~s de leur enfant se d6roulent, de sorte que la part
de surveillance qu’ils peuvent exercer tend A diminuer.
Le moment semble donc mal choisi d’imposer un fardeau additionnel
fl ceux qui ont des enfants i charge. En obligeant les parents qui n’ont
commis aucune faute A indemniser la victime directe de leur enfant mineur,
on en ferait des victimes indirectes. Lttat tient-il A se porter au secours de
toutes les personnes qui subissent un prjudice ? I1 pourrait le faire sans
discrimination en assumant lui-m~me leur perte pour la faire supporter en
d6finitive par l’ensemble des contribuables. C’est ainsi qu’il proc~de pour
indemniser les victimes d’actes de civisme l29. Celui qui a le courage d’6lever
des enfants en d~pit des difficult~s et d6savantages p6cuniaires qu’il lui faut
assumer1 30 n’accomplit-il pas un acte tout aussi m6ritoire ? Ce serait bien
mal le r~compenser de lui imposer une responsabilit6 sans faute.
On pretend qu’il conviendrait de tenir les parents responsables de tout
dommage caus6 par leur enfant afin d’exprimer ainsi l’id~e de < solidarit6
'28Le changement pourrait se faire ais~ment en d~plagant le deuxi~me alin~a de l'article 1054
pour en faire le dernier alin~a. Ce d~placement rendrait la disposition disculpatoire du 6e alin6a
inaccessible aux titulaires de l'autorit6 parentale.
129Loi visant di favoriser le civisme, L.R.Q. c. C-20, art. 2.
130<( Les enfants 'retranchs' de la r~forme fiscale -
I.V.E > (1987) 17:4 Transition 3 A la p.
1988]
LA RESPONSABILITE PARENTALE
familiale >131. On semble oublier que la solidarit6 pr~conis~e profiterait non
pas A la famille, mais A ses cr6anciers, les tiers, victimes de l’enfant. Faire
des p~re et mere qui n’ont commis aucune faute les d~biteurs solidaires des
dommages causes par leur enfant mineur, meme priv6 de discernement,
serait un 6trange moyen de favoriser la veritable solidarit6 familiale.
La suppression de la pr~somption de faute des titulaires de l’autorit6
parentale nous parait pr~ferable A son renforcement. Elle aurait l’avantage
de l’quit6 et celui de la simplicit6132 , car elle 6liminerait une exception i
la r~gle voulant que le demandeur prouve la faute du d6fendeur.
Le projet soumis par l’Office de r6vision du Code civil du Quebec
proposait de conserver la pr~somption simple de faute impos~e aux pare et
m~re 133. Que l’on conserve ainsi cette presomption ou qu’on l’abolisse, dans
plusieurs cas, le resultat pourrait 8tre le meme. Face i une pr~somption qui
lui semble srvre, le juge peut se montrer moins exigeant A l’6gard de la
preuve de l’impossibilit6 d’emp~cher le fait dommageable ; i l’inverse, en
l’absence de toute pr~somption, il peut accueillir plus favorablement la
preuve de la faute.
Cette discretion du juge pour apprecier la preuve explique l’evolution
constante de la jurisprudence qui reflite in~vitablement celle des moeurs.
Pour decider si un parent a surveill6 et 6duqu6 son enfant comme il convient,
le juge tient compte du mode de vie actuel, de sorte que son jugement n’est
pas uniquement juridique, il est aussi sociologique. Quelques decisions an-
ciennes selon lesquelles un pre, en permettant i son fils de monter A bi-
cyclette, faisait courir un risque anormal de blessure A autrui, seraient
maintenant inadmissibles A moins de circonstances particulires 134. Les cor-
rections ou punitions corporelles autoris~es par la loi135 ont dejA 6t6 jugees
13 1Starck, supra, note 53, no 781 i Ia p. 365. Quand l’enfant responsable est seul condamne,
il arrive que spontandment les parents acquittent sa dette; mais cette solidarit6 familiale se
manifeste en dehors de toute condamnation judiciaire.
Si l’on vient A tenir responsable o le mineur non dour de raison >>, comme le propose l’art.
1519 de l’Avant-projet de loi sur le droit des obligations, supra, note 14, l’obligation morale
des parents d’assumer la dette de leur enfant sera renforcre.
132p. Le Tourneau, La responsabilit civile, 3e 6d., Paris, Dalloz, 1982, no 2099 A la p. 675.
’33Projet de Code civil, supra, note 29, livre V, art. 97-98. Ce rapport proposait de conserver
la prrsomption simple de faute contre les pare et mere ; mais il sugg6rait de l’tendre A toutes
les personnes A qui l’Nducation ou la surveillance de l’enfant est confide autrement qu’A titre
brnrvole. Les art. 1517-1518 de l’Avant projet de loi sur le droit des obligations, supra, note
14, s’inspirent nettement de ces recommandations.
mineur)> (1969) 29 R. du B. 570 A la p. 582.
34P.-G. Jobin, La responsabilit6 pr6sum6e du pare pour les dommages causes par son enfant
135Art. 651 C.c.Q.
REVUE DE DROIT DE McGILL
[Vol. 33
indispensables dans des circonstances ofi, aujourd’hui, elles seraient peut-
6tre d6conseill6es 36.
A l’impr6cision in6vitable des obligations de surveillance et d’6ducation
que l’article 647 C.c.Q. impose 6galement aux pare et m6re, s’ajoute l’im-
pr6cision encore plus grande des diverses modalit6s de la garde que les
tribunaux attribuent aux parents divorc6s ou s6par6s. Certes, les juges ont
le droit de recourir i des termes nouveaux que ni eux-memes ni la loi ne
d6finissent: garde exclusive, conjointe, juridique (ou 16gale), physique (ou
mat6rielle), altern6e ou partag6e. Comme l’observe le professeur Sacco:
Le l6gislateur et, moins visiblement, la jurisprudence ont le pouvoir d’imposer
un mot nouveau, ou la nouvelle signification d’un mot. Qui plus est, ils peuvent
avoir recours A un n6ologisme, et en mame temps s’abstenir de lui trouver une
definition soign~e 137.
Mais quand la victime d’un enfant mineur invoquera la pr6somption de
faute contre l’attributaire d’une garde < sp6cialis6e
(juridique ou autre), il
faudra bien pr6ciser l'6tendue des devoirs de surveillance et d'6ducation que
l'ordonnance de cette garde lui a assign6e. Car, pour s'exon6rer de la pr6-
somption de faute, ce titulaire d'une autorit6 parentale diminu6e doit d6-
montrer qu'il n'a pu empecher le fait dommageable de l'enfant mineur,
malgr6 qu'il ait exerc6 avec diligence les droits que l'ordonnance lui a
confers.
136V c. M., supra, note 121 A la p. 380:
[P]lus l'enfant affiche des penchants rdpr6hensibles, plus ]a s6v~rit6 du p~re doit
s'exercer, par des r~pressions au besoin cuisantes, i lui inspirer une crainte salutaire.
Avec les temperaments prcocement m~chants, il est indispensable qu'uneforme
redoutable d'autorit4 s'impose et domine, pour que lejeune fou sente qu'A l'occasion
un bras inexorable et lourd va se rabattre sur lui et lefrapper de sensible facon. [nos
italiques]
1
37R. Sacco, <(La traduction juridique: Un point de vue italien > (1987) 28 C. de D. 845 A
lap. 858. Lauteur, professeur A l’Universit6 de Torino, ajoute A la p. 847 : < Le langagejuridique
du Quebec n'est pas ncessairement le langage juridique des Franais, surtout dans la mesure
ofA le lgislateur peut choisir lui-m~me le lexique. > Selon le meme auteur, A la p. 849 (cit6 par
M. Beaupr6, <(La traduction juridique: Introduction>> (1987) 28 C. de D. 735 A ]a p. 741):
< [L]es usagers de Ia langue peuvent modifier la signification des mots, car la langue d~pend
de ceux qui la parlent. >