Book Review Volume 26:3

La responsabilité civile de l'établissement hospitalier en droit civil canadien

Table of Contents

La responsabilit6 civile de r’tablissement

hospitalier en droit civil canadien

Paul-A. Cr6peau, o.c., c.r.*

Le r6le de 1’6tablissement hospitalier, ses devoirs et responsabilitds,
ont consid~rablement 6volu6 au cours des derni~res d6cades.

– M. le juge Lajoiel

Synopsis

Introduction
Premire partie: Le cadre juridique de Ia responsabilitd hospitalire
I. La notion d’entreprise hospitalire
A. Conception traditionnelle de l’6tablissement hospitalier:

une auberge spdcialisge

B. Conception nouvelle de la fonction hospitali re:

une entreprise de soins m~dico-hospitaliers
1. Reconnaissance juridique de l’entreprise hospitalibre

a. Consdcration ligislative
b. Consdcration jurisprudentielle

2. Origines sociologiques de I’entreprise hospitalibre

a. Motifs d’ordre scientifique
b. Motifs d’ordre social

II. Le fondement juridique de la responsabilitd hospitalibre
Deuxibme partie: Les r6gimes juridiques de la responsabilitd

hospitalibre

I. Le rdgime contractuel de responsabilitd hospitalibre
A. Conditions de la responsabiliti hospitalire contractuelle

1. Existence du contrat hospitalier

* De la Soci6ti

royale du Canada; Wainwright Professor of Civil Law, et
Directeur de 1’Institut de droit compare et du Centre de droit priv6 et com-
pare, McGill University; membre du Conseil el’administration de l’H6pital
Notre-Dame de MontrEal.

I Voir H6pital gdndral de la Rdgion de l’amiante Inc. v. Perron [1979] CA.

567, h la p. 574.

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2.

Inex6cution d’tme obligation contractuelle
a. Etendue du cercle contractuel
b. Intensitg des devoirs contractuels

B. Analyse de diverses relations hospitalires contractuelles

1. La relation contractuelle simple

2. La relation contractuelle multiple

II. Le r6gime extra-contractuel de responsabilit6 hospitalibre

A. Conditions de la responsabilitd hospitalire extra-contractuelle

1. Absence d’un contrat hospitaller

a. Faute extra-contractuelle a l’dgard du miilade
b. Faute extra-contractuelle & l’gard des tiers

2. Existence d’un contrat hospitalier

a. Faute extra-contractuelle & l’dgard du malade
b. Faute extra-contractuelle a l’ggard des tiers

B. Caractre particulier de la responsabilitd hospitalire

extra-contractuelle

Conclusion

Introduction

On assiste, depuis quelques annes, au Qu6bec, h une importante
6volution de la responsabilit6 civile hospitali~re en raison notam-
ment d’une profonde transformation du r6le que
‘6tablissement
hospitalier est ddsormais appe1k h jouer dans 1’oeuvre de gu6rison.2

2 Voir, h ce sujet, Bernardot & Kouri, La responsabilitd civile de l’dquipe
midicale (1974) 34 R. du B. 8 [ci-apr~s: L’6quipe mddicale], et La responsabi-
litd civile mddicale (1980), nos 380 et seq., aux pp. 251 et seq.; Boucher et al,
La responsabilitg hospitalikre (1974) 15 C. de D. 217; Drouin-Barakett & Jobin,
La faute collective dans l’dquipe de professionnels (1978) 56 R. du B. can. 49,
et Perret, Analyse critique de la jurisprudence rdcente en matigre de respon-
sabilitg mddicale et hospitaliare (1972) 3 R.G.D. 58.

Voir, 6galement, Blain, “Probl~mes actuels de responsabilit6 mddico-hospi-
tali~re” in Le droit dans la vie dconomico-sociale [;] Livre du centenaire du
Code civil (1970), t. II, pp. 207 et seq. [ci-apr~s: Livre du centenaire]; notre
6tude, Les transformations de l’itablissement hospitalier et les consdquences
sur le droit de la responsabilitg in Livre du centenaire, pp. 193 et seq., et Lajoie,
L’dtablissement hospitalier et le droit de la responsabilitg [;] Rapport gdndral
in Livre du centenaire, pp. 215 et seq.

On en trouve une expression caract6ristique dans la cr6ation rdcente, au
Centre hospitalier Jacques-Viger, it Montr6al, d’un “h6pital de jour”, un con-
cept hospitalier nouveau selon lequel, suivant la vocation particulire de
l’6tablissement, il est offert h des malades de soixante-oinq ans et plus, sur

1981] LA RESPONSABILIT. DE L’TABLISSEMENT HOSPITALIER

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Cette 6volution prend incontestablement sa source dans l’instaura-
tion progressive de ce que l’on pourrait appeler le “ph6nom6ne de
l’entreprise hospitali~re”, lequel modifie considdrablement les con-
ditions d’exercice de la mddecine moderne. Elle trouve 6galement
son expression dans une plus exacte appreciation des relations juri-
cliques susceptibles d’etre noudes entre les parties en cause soit,
d’une part, le malade ou ses ayants cause et, d’autre part, l’6tablis-
sement, le mddecin traitant ou le personnel hospitalier, profession-
nel et auxiliaire. Ii parait, ds lors, utile d’analyser, dans une pre-
miere partie, le cadre juridique dans lequel s’inscrit cette 6volution
rdcente de la responsabilit6 hospitali~re pour en ddgager, dans une
deuxi~me 6tape, les consdquences pratiques sur le plan des rdgi-
rues de responsabilit6.

Premiere partie: Le cadre juridique de la responsabilit6 hospitali~re
L’analyse du cadre juridique dans lequel 6volue la responsabi-
lit6 hospitaliare permet tout d’abord de pr6ciser la notion d’entre-
prise hospitali~re, et d’6tablir ensuite, A la lumi~re des principes
du droit civil canadien,3 le fondement juridique de la responsabilit6
de l’6tablissement mcdico-hospitalier.

une base externe, des services prcventifs, diagnostiques et th6rapeutiques, afin
de leur permettre de recouvrer leur autonomie, de favoriser leur maintien h
domicile et, ainsi, de retarder l’institutionnalisation.
3 Voir, en common law canadien, Picard, Legal Liability of Doctors and
Hospitals in Canada (1978), aux pp. 247 et seq. Cet ouvrage, malgr6 son titre
et le but que l’auteur s’est fix6, traite essentiellement de la mati~re dans le ca-
dre du common law canadien. Ce n’est pas, en effet, en citant quelques disposi-
tions l6gislatives, certaines contributions doctrinales et m6me plusieurs ddci-
sions judiciaires qu~b~coises que
‘on peut esplrer faire justice au droit civil
canadien.

Cette observation s’applique davantage encore h l’ouvrage de Rozovsky,
Canadian Hospital Law, 2e dd. (1979), oi les solutions sont le plus souvent
exposies dans un moule de common law. On saisit par lb, en doctrine, en ju-
risprudence, comme d’ailleurs dans l’enseignement du droit, le danger de
l’utilisation inconsid6rde de sources 6trang~res hors du contexte juridique qui
leur donne tout leur sens. Voir, h ce sujet, David & Brierley, Major Legal
Systems of the World, 2e 6d. (1978), no 9, aux pp. 11 et seq. Par ailleurs,
on ne peut que d6plorer cette facheuse tendance, chez certains auteurs de
common law, de donner h leur ouvrage un titre canadian, alors qu’il s’agit es-
sentiellement d’une etude faite i partir d’une perspective de common law cana-
dien, ce qui ne peut que d6naturer la r~alit6 mddico-hospitali~re rdgie par le
droit civil canadien, et partant, induire
le lecteur qu~bdcois en erreur.
Cette d6formation apparait d6 fagon saisissante dans la version francaise
de la premiere edition de l’ouvrage de Rozovsky, Droit hospitalier canadien
(1974), dont la lecture, pour un civiliste canadien, est d’autant plus p~nible
quh la d~naturation du fond s’ajoute une regrettable mdconnaissance de la.
langue juridique frangaise.

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I. La notion d’entreprise hospitalire

L’entreprise m~dico-hospitali~re repr6sente, dans une concep-
tion moderne de 1’6tablissement hospitalier, la prise en charge plus
ou moins globale de l’oeuvre de gu6rison. On peut d6jh apercevoir
toute la distance qui s6pare ce r6le nouveau de celui que l’6tablisse-
ment hospitalier jouait jusqu’h tout rdcemment.

A. Conception traditionnelle de l’dtablissement hospitalier:

une auberge spdcialisde
Dans la conception traditionnelle, 1’6tablissement hospitalier,
consid6r6 en quelque sorte comme une auberge spdcialisde, un lieu
privildgi6 de rencontre entre le mddecin et son malade, n’avait en
somme qu’une mission tr~s restreinte: fournir logement et pension,
de meme que les soins infirmiers qu’exigeait 1’ex6cution des pres-
criptions mddicales. Ce r6le de l’dtablissement emportait juridique-
ment la reconnaissance d’une distinction tr~s nette entre soins pro-
fessionnels et soins hospitaliers. Chacune de ces categories avait
son domaine prdcis, 6tanche, que le droit tentait de d6limiter selon
les circonstances particuli6res de chaque esp~ce en vue de fixer la
responsabilitd, soit du mddecin traitant, soit de 1’6tablissement,
selon que le prejudice rdsultait de l’inex6cution de soins profes-
sionnels ou hospitaliers. Et, dans chacun de ces domaines, l’on n’as-
sumait de responsabilit6 que dans les limites exactes de ses attri-
butions. Ainsi, au plan professionnel, l’6tablissement n’assumait
qu’une seule obligation: s’assurer de la qualification profession-
nelle des mddecins et des infirmi~res qui y exergaient leur art. Mais
lt s’arr~tait le champ de sa responsabilit6. L’dtablissement ne pou-
vait 6tre tenu de rdpondre de la faute d’un mddecin ou d’une infir-
mire puisque l’acte fautif ne relevait pas du domaine hospitalier.
Une explication juridique parallle r6sultait de ce que, la res-
ponsabilit6 mddico-hospitali~re 6tant alors le plus souvent analys6e
dans le cadre du r6gime extra-contractuel de responsabilit6 civile,4
on ne pouvait, sur le fondement de l’article 1054, alinda 7 C.c. relatif
h la responsabilit6 du commettant pour la faute commise par son
pr~pos6 dans 1’exdcution de ses fonctions, tenir l’6tablissement
responsable de la faute d’un m~decin ou m~me d’une infirmi~re.
Dans 1’exercice de son activit6 professionnelle, aucun d’eux, estimait-
on, ne pouvait 6tre consid~r6 comme un prdpos6 de l’6tablissement.

4 Voir infra, note 67.
5 Voir, e.g., Petit v. H6pital Ste-Jeanne D’Arc (1940) 78 C.S. 564, aux pp.
565-6. On notera que la Cour prend appui sur une jurisprudence anglaise. On
ne peut que regretter une p~n6tration, aussi injustifiable qu’inutile, d’une ju-

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677

Cette image traditionnelle devait toutefois, mais non sans r6sistan-
ce, faire place h une notion 61argie de la fonction hospitali~re.

B. Conception nouvelle de la fonction hospitali~re:

une entreprise de soins mddico-hospitaliers
Dans la r6alit6 hospitali~re d’aujourd’hui, l’6tablissement hospi-
talier devient un entrepreneur de soins et de services hospitaliers.6
Ceux-ci, dans cette acception nouvelle, comportent, non seulement
des services d’h6tellerie et des soins infirmiers, mais 6galement des
soins et services para-m6dicaux et, trZs souvent, des soins m6di-
caux et chirurgicaux. Une telle 6volution de la fonction hospita-
li~re parait h certains 6tonnante, voire juridiquement inadmissible.8
Ne peut-on pas objecter, en effet, que c’est lTh confondre deux ordres
qui doivent demeurer distincts, et que, bien plus, c’est confier h un
6tablissement profane des fonctions et attributions que le l6gisla-
teur a express6ment r6serv~es aux seuls membres de la profession
m6dicale? 9 Pourtant, la notion d’entreprise m6dico-hospitali~re cons-
titue l’une des r6alit6s de notre temps, dont on ne saurait ignorer
la reconnaissance juridique ni m6connaltre les origines sociologi-
ques.

1. Reconnaissance juridique de rentreprise hospitalire

Cette nouvelle r6alit6 hospitali~re n’est, en v6rit6, que l’expres-
sion de la volont6 m~me du l6gislateur. Elle est 6galement consa-
cr6e par la jurisprudence r6cente de nos tribunaux.

risprudence 6trang~re de common law pour r6soudre un litige exclusivement
r6gi par le droit civil. Voir, 6galement, Boilard v. La Citg de Montrial (1915)
21 R.L. 58 (CA.); Citg de Verdun v. Thibault (1940) 68 B.R. 1, h la p. 7, et
Mellen v. Nelligan [1956] R.L. 129 (C.S.), h la p. 162.

Voir, h ce sujet, Bernardot, La responsabiliti mddicale (1973), h la p. 74;
Boucher et al., supra, note 2, aux pp. 319 et seq., et MacDougall, Liability of
Hospitals, Doctors, and Nurses (1942) 2 R. du B. 165, aux pp. 168 et seq.

6 L’expression “entreprise de soins”, applique h

‘tablissement hospitalier
t6, . notre connaissance, utilis6e pour la premiere fois, en 1966,

moderne, a
par Lajoie, supra, note 2, aux pp. 223 et 226.

1 Voir, h ce sujet, Bernardot & Kouri, L’6quipe mddicale, aux pp. 48 et seq.;
Lajoie, supra, note 2, aux pp. 223 et 226, et Perret, supra, note 2, h la p. 71.
Voir, 6galement, en France, Ambialet, Responsabilitd du fait d’autrui en droit
mddical (1965), aux pp. 9 et seq.
8 Voir, notamment, Tellier in La mdecine et le droit: nouveaux aspects de
la responsabilitg civile midicale (1975) 10 RJ.T. 5, h la p. 66 [ci-apr~s: La
mddecine et le droit], et Stein, Le contrat, cet inconnu (1972) 32 R. du B. 369,
aux pp. 378 et seq.
9 Voir Loi mddicale, L.R.Q., c. M-9, arts 31 et 43. Voir, 6galement, H6tel-Dieu

St-Vallier v. Martel [1968] B.R. 389, aux pp. 402-3.

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a. Consdcration ligislative

Le 16gislateur instaurait, en 1960,10 un r6gime public d’assurance-
hospitalisation selon lequel le ministre de la sant6 peut conclure
avec un 6tablissement, public ou priv6, un contrat ayant pour
objet de fournir gratuitement aux r6sidents du Qu6bec certains
“services hospitaliers”. 11 Or, si Yon examine attentivement les r6-
glements actuellement en vigueur, 2 adopt6s en vertu du texte l6gis-
latif,’3 et qui d6finissent les “services assur6s”, on constate que ces
“services hospitaliers” comportent, non seulement des soins infir-
miers, mais aussi des soins professionnels tels, pour les “b6n6ficiai-
res h6berg6s”, “les services de diagnostique pour maintenir
la
sant6, pr6venir la maladie ou aider au traitement de toute blessure,
maladie ou infirmit6, y compris les interpr6tations n6cessaires pour
les travaux de laboratoire ou de radiologie”, “la fourniture des m6di-
caments, des proth~ses et orth~ses pouvant Atre int6grdes h l’orga-
nisme humain …
“, “les services rendus par le personnel du centre
hospitalier”, et, pour les b6n6ficiaires non h6berg6s, “les services
, “les soins en 6lectro-chocs,
cliniques de soins psychiatriques …
insulinoth6rapie et th6rapie de comportement”, “les soins d’urgen-
ce”, “les soins en chirurgie -mineure”, “la radioth6rapie”, et autres
services semblables.’ 4 Ce sont lh, incontestablement, certains des
soins professionnels que les 6tablissements hospitaliers s’engagent
h fournir aux malades assur6s et qui d6bordent largement les cadres
traditionnels de la fonction hospitali~re.

b. Consicration jurisprudentielle

De plus, et mPme en marge du r6gime d’assurance-hospitalisa-
tion, les tribunaux ont express6ment reconnu l’existence, t la char-
ge d’6tablissements hospitaliers, de certains devoirs h caract~re pro-
fessionnel.15 Ainsi, en 1965, la Cour d’appel, dans l’affaire Beausoleil

10 Voir, maintenant, Loi sur l’assurance-hospitalisation, L.R.Q., c. A-28.
“Ibid., art. 2.
12 Voir Raglement en vertu de la loi de
[ci-aprbs: R~glement gdnjral –

‘assurance-hospitalisation, G.O.Q.,
1973.11.1313
Assurance-hospitalisation], tel
qu’am. par Modification au Raglement gdndral, G.O.Q., 1974.11.1543; Rfglement
gdndral (modifications), G.O.Q., 1974.11.3089, et R glement modifiant le r~gle-
ment en vertu de la Loi de l’assurance-hospitalisation, G.O.Q., 1978.11.3707, et,
notamment, arts 2, 3 et 4.

13 Voir Loi sur l’assurance-hospitalisation, L.R.Q., c. A-28, art. 1(c).
14Voir Raglement gdndral – Assurance-hospitalisation, art. 3(a), (b), tel

qu’am. Voir, quant aux amendements pertinents, supra, note 12.

15 Voir, en ce sens, Boucher et al., supra, note 2, aux pp. 331 et seq. Voir,

pourtant, Stein, supra, note 8.

1981] LA RESPONSABILITA DE L’ITABLISSEMENT HOSPITALIER

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v. La Communautg des Soeurs de la Charitg de la Providence,16 d6&
clarait que le contrat hospitalier comportait, dans les circonstances
‘obligation, h la charge de 1’dtablissement, de fournir
de la cause,
au malade, non seulement les services d’un anesth6siste, mais bien
la rachianesth6sie elle-m~me. M. le juge Casey pr6sente, de cette
nouvelle orientation de la fonction hospitali~re, une expression
fort nette qui situe trbs exactement le problme dans le cadre civi-
liste du contenu obligationnel du contrat form6 entre les parties.
Donnant le motif pour lequel la d6oision de la Cour superieure de-
vait 8tre infirm6e, le savant juge d6clarait:

Plaintiff sued the hospital as well as Dr. Forest but the trial judge
dismissed the claim because no evidence of negligence on its part had been
established and because Dr. Forest was acting for his own account and
not in a representative capacity.
It is established that Dr. Forest was employed by the hospital as chief
anaesthetist and despite the efforts made -to show that the salary paid
him was for services rendered in a special and restricted field I am
satisfied that he was held out to plaintiff as the hospital’s anaesthetist,
that he acted in this capacity and that plaintiff accepted him because of
this. In this case the patient contracted with the hospital for all necessary
services; of these one was the giving of the anaesthetic. On this premise
and since for the purposes of this action I see no essential difference
between the position of Dr. Forest and that of any other employee, the
hospital must answer for his fault.17
De m6me, en 1969, dans la d6cision Martel v. H6tel-Dieu St-
Vallier,18 oiL il s’agissait d’un recours en dommages-int6r6ts pour
pr6judice r6sultant d’une paralysie des membres inf6rieurs du de-
mandeur h la suite d’une anesthsie caudale pratiqude par un r6-
sident ddsign6 par le chef du service d’anesthdsie de ‘6tablissement
d6fendeur, la Cour supr6me du Canada reconnaissait, dans les cir-
constances particuli~res de l’esp~ce, l’existence d’une obligation con-
tractuelle de l’6tablissement de fournir l’anesthsie au malade. M.
le juge Pigeon, examinant la portde d’une formule de consentement
qu’avait sign6e le demandeur, d6clarait:

On ne saurait voir lh autre chose qu’un consentement aux interventions. H1
ne s’y trouve rien qui modifie la nature juridique du contrat entre le
demandeur et l’h6pital. Celui-ci est clairement une convention par laquelle
1’6tablissement s’est engag6 h fournir des soins au demandeur. C’est en

1’Voir [1965] B.R. 37.

Cet arret fondamental, en ce qui concerne la responsabilit6 contractuelle
de l’6tablissement hospitalier, fut repris par la Cour d’appel in H6pital Ste-
Justine v. Filion, CA. (Montr6al, 9,371), 30 d6cembre 1968.

17Voir Beausoleil v. La Comnunautg des Soeurs de la Charitg de la Provi-

dence, supra, note 16, h la p. 43.

18 Voir [1969] S.C.R. 745. Voir, 6galement, Pontbriand v. Doucet, C.S. (Riche-

lieu, 19,532), 21 octobre 1971.

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execution de ce contrat que l’anesthdsie a 6t6 pratiqude sans qu’intervien-
ne aucune relation contractuelle entre l’anesth6siste et le demandeur: ni
lui, ni son m6decin traitant, ni son chirurgien n’ont &6 consult~s h ce
sujet. L’anesth6siste en l’occurrence a donn6 ses soins comme l’y obligeait
son contrat d’emploi avec lh6pital et comme Pont fait les autres membres
du personnel: radiologistes, techniciens de laboratoire, infirmires, infir-
miers, etc. Sa qualiti de m6decin sp6cialiste n’y change rien. II serait con-
traire aux faits prouv6s que de considdrer 1’h6pital comme un mandataire
ayant requis pour le compte du demandeur les services professionnels
de l’anesth6siste. Ce n’est pas ce qui s’est produit.1 9
On retrouve la m~me idde, en 1973, dans

‘arr&t Villemure v.
L’H6pital Notre-Dame,20 oti la Cour supreme du Canada accueillait
le pourvoi h. 1’encontre d’un jugement majoritaire de la Cour d’ap-
pel en adoptant les motifs de M. le juge Choquette, dissident en
appel. I1 s’agissait d’une demande en rdparation du prdjudice rd-
sultant du suicide par ddfenestration d’un malade admis d’urgence
la veille pour soins psychiatriques. Le juge de premiere instance
avait accueilli la demande tant contre le mddecin que contre 1’6ta-
blissement. En ce qui concerne celui-ci, M. le juge Choquette 6tait
d’avis qu’un contrat de soins psychiatriques s’dtait form6 entre le
malade et ‘dtablissement et que le psychiatre traitant agissait “com-
me prdposd de l’h6pital, spdcialement h 1’dgard d’un malade admis
dans la section publique du service de ‘psychiatrie’ “.

En 1975, dans la ddcision Richard v. H6tel-Dieu de Quebec,2
la demanderesse rdclamait des dommages-int6r~ts en r6paration du
prdjudice que lui avaient causd des brfilures rdsultant de la sur-
chauffe d’un matelas isothermique sur lequel elle reposait au cours
d’une intervention chirurgicale. La Cour sup6rieure admit l’exis-
tence d’un contrat de soins hospitaliers concernant le bon fonction-
nement des appareils qui sont utilisds par l’anesthdsiste au cours de
Fintervention.

En 1976, dans l’affaire Covet v. The Jewish General Hospital,23
la Cour sup6rieure, saisie d’une demande en r6paration du pr6ju-
dice rdsultant du ddc~s de 1’opr6e, caus6 par une carence d’oxy-

19 Voir Martel v. H6tel-Dieu St-Vallier, supra, note 18, aux pp. 752-3.
20 Voir [1973] R.C.S. 716. Voir, 6galement, Popovici, La responsabilitd mddi-
cale et hospitaliare lors du suicide d’un malade mental (1970) 30 R. du B. 490,
ainsi que Little v. St-Michel Hospital, C.S. (Montrdal, 786,120), 22 novembre
1973.

Dieu de Montrdal [1973] C.A. 846.

Voir, de plus, pour la garde et l’entretien du malade, Coulombe v. H6tel.
21Voir H6pital Notre-Dame v. Villemure [1970] C.A. 538, t la p. 542. Voir,

6galement, Kritikos v. Laskaris, C.S. (Montreal, 809, 732), 3 mai 1974.

2 Voir [1975] C.S. 223, et, particutlirement, t la p. 224.
2 3 Voir [1976] C.S. 1390.

1981J LA RESPONSABILITt, DE L’t1TABLISSEMENT HOSPITALIER

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g~ne durant l’anesthdsie, affirmait 6galement 1’edistence d’un lien
contractuel entre ‘h6pital et le patient. M. le juge Bisaillon d6cla-
rait, h ce sujet:

Or, dans la pr6sente cause, [la victimeJ n’a pas consenti h ‘anesthsie par
le d~fendeur Laufer [l’anesthdsiste]. Ce dernier lui a tout simplement
t6
impos6 sans qu’elle puisse ddcider. Le Dr Laufer a 6t6 fourni h la salle
d’op6ration par la cod~fenderesse, Jewish General Hospital, pour y op6rer
son appareil h anesth~sier dars le cadre de son contrat qui liait cette der-
nitre h la patiente. La d6fenderesse avait pour les op6rations d’urgence
des anesthdsistes employ6s par elle et disponibles sur appel. Employ6 par
l’h6pital, le d6fendeur Laufer a &t6 d6sign6 par son chef de service et a
fourni ses services en exdcution de son propre contrat d’emploi avec
1’h6pital, tout comme ront fait les autres membres du personnel auxi-
liaire.24
De m~me, en 1978, dans l’arr~t H6pital Notre-Dame de l’Espdran-
ce v. Laurent,25 il s’agissait d’une demande en rdparation du pr6-
judice subi par la demanderesse iL la suite d’une faute commise
h la clinique d’urgence par le chirurgien de garde qui, sans faire
proc6der h une radiographie, avait diagnostiqu6 une simple contu-
sion, alors que, par la suite, lon a pu ddceler une fracture du col
du f6mur. La Cour supreme accueillit le pourvoi h 1’encontre de la
ddcision de la Cour d’appel qui avait retenu la responsabilit6 de
1’6tablissement, mais uniquement au motif que, dans les circons-
tances particuli~res de 1’esp6ce, “les soins mddicaux n’ont pas 6t6
donn6s h madame Laurent en vertu d’un contrat avec l’h6pital
mais avec le docteur Thdoret.”‘ 6 M. le juge Pigeon rdservait d’ail-
leurs expressdment la possibilit6 de situations diffdrentes mettant
les soins d’urgence h la charge de 1’6tablissement 7

La m~me annde, dans l’affaire Cloutier v. H6pital St-Joseph de
Beauceville,28 la Cour supdrieure, saisie d’une demande en rdpara-
tion du prdjudice rdsultant du d6c~s du mar de la demanderesse,
survenu peu de temps apr~s qu’il ait 6t6 trait6 h la clinique externe
de l’6tablissement du d6fendeur, a pu retenir la responsabilit6 de
1’6tablissement pour la faute du mddecin de garde, lequel avait

24 Ibid., h la p. 1394.
25 Voir [1978] 1 R.C.S. 605. Voir, 6galement, Magnet, Liability of a Hospital for
the Negligent Acts of Professionals – A Comment on Hopital Notre-Dame de
l’Esperance v. Laurent (1977-78) 3 C.C.L.T. 135.

Voir, de plus, Cannon-Callaghan v. Mercier, C.S. (Montreal, 05-001 629-748),

7 fdvridr 1978.

p. 613 (M. le juge Pigeon).

26 Voir H6pital Notre-Dame de l’Espgrance v. Laurent, supra, note 25, h la
27Ibid.
2 8Voir [1978] C.S. 943. Voir, 6galement, Phillips v. Julius Richardson Con-

valescent Hospital Inc., C.S. (Montreal, 05-002 870-754), 25 janvier 1977.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 26

prescrit une injonction de 16ritine alors qu’il savait le malade en
6tat d’dbridt6, au motif “qu’il s’est form6 entre le patient et l’h6pital
un contrat de soins hospitaliers. En vertu de ce contrat, l’h6pital
s’est engagd h lui fournir par son personnel mddical et infirmier des
soins de bonne qualit”.2

Enfin, en 1979, dans la ddcision H6pital gdngral de la Rggion de
l’amiante Inc. v. Perron,30 la Cour d’appel, saisie d’une demande en
rdparation du prdjudice rdsultant d’une anoxie c6rdbrale consd-
cutive h un arr~t cardio-respiratoire en cours de r6animation du
patient, reconnaissait expressdment cette notion d’entreprise hospi-
tali~re. M. le juge Lajoie, exprimant aussi
‘avis de ses coll~gues,
constatait que

‘6tablissement hospitalier est devenu par suite de la politique sociale de
l’Etat en mati~re de sant6, un v&itable entrepreneur de soins et, par
contrat ou par reffet de la loi, il s’engage h fournir aux patients, par
l’interm~diaire de personnes dfiment habilitdes selon les normes de
l’Ordre professionnel auquel elles appartiennent, des services hospitaliers
comprenant non plus seulement des services d’h6tellerie, des soins infir-
miers, mais dgalement des services professionnels proprement dits, dont
les services d’anesthdsie, de salle d’op6ration et de salle de r6veil.3 1
Les textes lgislatifs ou rdglementaires, de m~me que les arrts
rdcents des tribunaux que nous avons prdsentds,3 ddmontrent h
l’6vidence, croyons-nous, que l’dtablissement hospitalier est, de nos
jours, susceptible d’offrir des soins professionnels, notamment des
soins mddicaux, para-mddicaux ou chirurgicaux. Ce courant ldgis-
latif et jurisprudentiel nous force ainsi h tenter de r6soudre l’ap-
parente contradiction entre la nouvelle conception de la fonction
hospitali~re et le monopole, rserv6 aux mddecins, de la pratique
mddicale. La solution nous paralit prdcis6ment r6sider dans cette
notion d’entreprise mddico-hospitali~re selon laquelle, dans l’exer-
cice d’une ldgitime libertd contractuelle, 33 un dtablissement s’enga-

29 Voir Cloutier v. H6pital St-Joseph de Beauceville, supra, note 28, h la p.

952 (M. le juge Moisan).
30 Voir supra, note 1.
31 Ibid., A la p. 582.
32 Voir, 6galement, H6pital Notre-Dame v. Patry [1972] C.A. 579, ott la Cour
d’appel tenait l’6tablissement contractuellement responsable du pr6judice rd-
sultant d’une radiodermite consdcutive A des traitements de radiothdrapie
regus a 1’h6pital. On notera que le jugement fut cass6 en Cour supreme,
mais au motif d’application de Particle 2262, alin6a 2 C.c. relatif h la pres-
cription annale pour les recours rdsultant de “Isions ou blessures corporelles”.
Voir [1975] 2 R.C.S. 388. Mais, voir, depuis, art. 2260a C.c.

Voir, g~ndralement, & ce sujet, infra, note 50.

3 3 Voir arts 1022 et 13 C.c. Voir, 6galement, en ce sens, Bernardot & Kouri,

supra, note 2, nos 509 et seq., aux pp. 335 et seq.

1981] LA RESPONSABILIT8 DE L’ TABLISSEMENT HOSPITALIER

.683

ge, non pas h exercer la m~decine ou la chirurgie – il en est physi-
quement incapable et il y est juridiquement inhabile -, mais h four-
nir, “par l’interm6diaire de personnes dfiment habilitdes selon les
normes de l’Ordre professionnel auquel elles appartiennent …”,34
des soins et services professionnels relatifs h la d6termination et
au contr6le du diagnostic, au choix et h l’ex~cution du traitement.

2. Origines sociologiques de I’entreprise hospitali-re

L’av~nement de ce ph6nom~ne de rentreprise m6dico-hospitali~re
s’explique aujourd’hui par la conjugaison de motifs d’ordre & la fois
scientifique et social 5

a. Motifs d’ordre scientifique

sinon de rentabilit6 –

Au plan scientifique, on ne saurait nier que, d’une part, les pro-
digieuses ddcouvertes de la science et de la technologie qui ten-
dent i faire du d6pistage des maladies un art moins conjectural,
de la gu6rison du malade une oeuvre moins aldatoire, et que, d’au-
tre part, les exigences des postulats d’efficacit6, de rendement
de l’administration hospitali~re
optimum –
requi~rent la multiplication, la spdcialisation, la concentration et la
coordination des services hospitaliers avec des installations de plus
en plus perfectionndes, un 6quipement de plus en plus complexe,
un personnel professionnel ou auxiliaire toujours plus nombreux,
diversifi6, qualifi6 et spdcialis6. On assiste ainsi h la constitution,
dans l’6tablissement hospitalier, d’une 6quipe hidrarchisde oil la
spdcialisation des t~ches, la complexit6 des techniques, l’interddpen-
dance des divers services permettent, certes, l’exercice d’une mdde-
cine plus efficace, mais aussi, h6las, plus impersonnelle, plus d6shu-
manisde.

On constate 6galement, en raison de la n6cessit6 d’une grandis-
sante collaboration entre les professionnels de la sant6 au sein de
l’6quipe mddico-hospitalibre que, d’une part, il devient de plus en
plus difficile de d6finir 1’acte medical et de le distinguer de l’acte
infirmier -l’on assiste, t cet 6gard, h un transfert de fonctions,
d’abord en fait, puis en droit, du plan medical au plan infirmier -,.6

84 Voir supra, note 1, it la p. 582 (M. le juge Lajoie).
35Voir, it ce sujet, Bernardot & Kouri, supra, note 2, nos 485 et seq., aux
pp. 322 et seq., et Perret, supra, note 2, aux pp. 61 et seq. Voir, 6galement,
La responsabilitd civile des midecins (1976) [ci-aprbs: La responsabilitd des
mddecins], et, notamment, Revillard, Rapport de synth6se, pp. 145 et seq.

36Voir Loi mddicale, L.R.Q. Ic. M-9, arts 19, als 1(b), 22 et 43(d), relatifs
b. la d616gation des actes m6dicaux, ainsi que R~glement concernant les actes
visis a ‘article 31 de la Loi mddicale qui peuvent 6tre posgs par des classes
de personnes autres que des mddecins, G.O.Q., 1980.11.2945. Voir, 6galement,
Loi sur les infirmi~res et les infirmiers, L.R.Q., c. 1-8, art. 36.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 26

et que, d’autre part, il devient toujours plus malais6 d’identifier
l’auteur de la faute dommageable. Ainsi que le faisait justement
observer M. R. Savatier:

Les techniques modernes, par leur complexit6 et leur ampleur, exigent,
de plus en plus, des dquipes. Le propre de ces dquipes est de diviser le
travail entre leurs membres, dans une coh6sion qui rend la tiche collecti-
ve. Ainsi, la structure de cette tfche ne permet plus toujours d’y discer-
ner apr~s coup le propre de chaque responsabilitd individuelle. Les servi-
ces des membres de
‘6quipe s’enchainent, et, si la chaine aboutit h une
malfagon il devient de plus en plus difficile, A mesure que la chalne
court entre plus de mains, de d6terminer lFauteur de la faute ayant abouti
h cette malfagon.37

b. Motifs d’ordre social

Au plan social, on observe l’existence d’une prise de conscience
nouvelle touchant le r6le de la collectivit6 dans le domaine de la
santd des citoyens. La notion m~me du droit h la sant6 est mainte-
nant reconnue2 8 Et, tout naturellement, c’est vers l’Etat que, de
plus en plus, on se tourne pour en faciliter –
sinon pour en assu-
rer –
la mise en oeuvre. Or, l’Etat s’est r6solument engagd dans cet-
te voie par l’instauration de rdgimes publics d’assurance-hospitali-
sation,3 9 puis d’assurance-maladie.40 Quoi de plus naturel alors pour
lui que de se tourner vers les 6tablissements hospitaliers et, passant
outre aux fronti~res traditionnelles entre soins mddicaux et infir-
miers, de permettre que les dtablissements dont il assure le finan-
cement offrent, non plus seulement les services traditionnels d’hd-
bergement, de pension et de soins infirmiers, mais aussi les soins
et services mddicaux qu’exige l’exercice de la mddecine moderne.

Qui donc, devant de telles transformations, pourra encore s’dton-
ner qu’un malade, 6tre h la fois diminu6 et confiant, qui a fait un
sdjour, m~me bref, dans cet univers hospitalier immense et dd-
personnalis6, qui a dtd examin6, trait6, op6rd, soignd par un nom-
bre imposant de personnes, collaborateurs plus ou moins proches
du mddecin traitant, mais sans 8tre jamais sfir des cons6quences des
actes de chacun,4
1 soit plus enclin qu’autrefois, lorsqu’il subit un

37 Voir note sous Cass.Civ.lre, 4 f~vrier 1959, 1,C.P.1959.II.11046.
38Voir Loi sur les services de santj et les services sociaux, L.R.Q., c. S-5,

art. 4, al. 1:

Toute personne a droit de recevoir des services de sant6 et des services
sociaux addquats sur les plans b. la fois scientifique, humain et social,
avec continuitd et de fagon personnalisde compte tenu de rorganisation
et des ressources des 6tablissements qui dispensent ces services.

39 Voir supra, note 10.
40 Voir Loi sur Zassurance-maladie, L.R.Q., c. A-29.
41 Voir, sur les probl~mes que soul~ve la determination de ]a responsabilitd
civile dune 4quipe mddicale, Bernardot & Kouri, L’9quipe m dicale, et Drouin-
Barakett & Jobin, supra, note 2, h la p. 51.

1981] LA RESPONSABILITI DE L’ITABLISSEMENT HOSPITALIER

685

pr6judice, h traduire devant les tribunaux l’6tablissement qui re-
pr~sente pour lui ce monde auquel il s’est soumis avec .confiance
et contre lequel, devant l’6chec du traitement ou, h plus forte
raison, devant un “accident” survenu en cours de traitement,
il
croit pouvoir faire valoir de justes r6clamations. Et cela avec d’au-
tant moins d’hdsitation qu’il sait que, derriere l’6tablissement qui
n’est plus comme nagu~re une institution de charit6, se profile
l’assureur de responsabilit6 civile.4 On comprend mieux ainsi que
le fondement juridique de la responsabilit4 civile de l’6tablissement
hospitalier s’en soit trouv6 modifi6 depuis quelques ann6es.

II. Le fondement juridique de la responsabilitd hospitalibre

La question se pose ici de savoir quel peut 8tre le fondement ju-
ridique de la responsabilit6 civile de l’6tablissement hospitalier.
A ce propos, aux termes du droit commun, l’on sait que, nonobstant
l’unit6 fondamentale de la responsabilit6 civile qui, dans tous les
cas, suppose l’existence des trois conditions classiques, soit la fau-
te, le pr6judice et le lien de causalit6,44 le droit civil canadien 4 5

4 2 Voir, h ce sujet, les propos de Illich sur la ‘”iatrog6n~se”, nouvelle 6pid6mie
de maladies engendr6es par la m6decine, in Ndmdsis mddicale (1975), aux pp.
35 et seq., et, sp6cialement, quant au milieu hospitalier, aux pp. 42 et seq.
4 3 Voir, h ce sujet, Loi sur les services de santd et les services sociaux,
L.R.Q., c. S-5, arts 128, 173(f), et Raglement, G.O.Q., 1972.11.10556, arts 6.5.1
et 6.5.2 [ci-apres: Raglement gdndral –

Services de santg].

Voir, 6galement, sur l’6volution de la responsabilit6 m~dico-hospitali~re,
en France, Nerson, “Avant-propos” in Aspects de la responsabilitd mddicale en
France, en Italie et en Suisse (1976) 28 Rev.int.dr.comp. 485, aux pp. 488 et seq.,
[Ei-apr~s: Aspects]; Savatier, “La responsabilit4 m6dicale en France” in Aspects,
pp. 492 et seq., et Penneau, La responsabilitg midicale (1977), nos 5 et seq., aux
pp. 3 et seq. Voir, 6galement, en g~n~ral, Carbonnier, Droit civil [;] Les obliga-
tions, 9e ,d. (1976), t. IV, nos 86-7, aux pp. 313 et seq.

4 Voir, A ce sujet, Baudouin, La responsabilitg civile ddlictuelle (1973), no
28, 6. la p. 27; Nadeau & Nadeau, Traitd pratique de la responsabilitd civile
ddlictuelle (1971), no 53, A la p. 39, et Pineau & Ouellette, Thgorie de la res-
ponsabilitg civile, 2e 6d. (1980), h la p. 15.

Voir, en ce sens, The Montreal Rolling Mills Co. v. Corcoran (1897) 26
S.C.R. 595, h la p. 599; Goulet v. Corporation de l’H6pital Charles-Lemoyne,
C.S. (Montr6al, 771,121), 26 avril 1972; Breton-Panneton v. Beauchemin, CA.
(Montr6al, 09-014 761-71), 7 mai 1976; Loiacono v. Bilefsky, C.S. (Montr6al,
800,250), 30 janvier 1974; Bernard v. H6pital St-Joseph de Beauceville, C.S.
(Beauce, 35,390), 25 novembre 1977; Dumoulong v. Rey, C.S. (Montreal, 776,175),
30 novembre 1978; Houle v. Boisvert, C.S. (Arthabaska, 415-05-000 140-76), 18
d6cembre 1978; Rivet v. Tarentino [1978] C.S. 309; Bety v. Boucher, C.P.
(Qu6bec, 200-02-002 445-78), 7 mars 1979; H6pital gdndral de la Rggion de l’a-
miante Inc. v. Perron, supra, note 1, h la p. 574; Rocque v. Parent, C.S. (Mon-
tr6al, 500-05-002 489-73), 16 janvier 1980, oil la Cour sup6rieure estimait que
l’absene de lien causal entre la faute du d6fendeur, m6decin, et le pr6judice

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 26

l’instar du droit civil fran;ais, 4

” reconnaft l’existence de deux
rdgimes de responsabilit6 selon que le prdjudice subi par la victi-
me rdsulte de l’inex6cution par le d6fendeur d’une obligation con-
tractuelle ou de la violation d’un devoir legal. Certes, il arrive sou-
vent, en pratique, que la d~termination du regime de responsabilit6,
en mati~re hospitali~re comme en toute autre matibre, ne rev6te
pas pour le tribunal une importance decisive car, dans l’un et
l’autre cas, les m6mes r~gles trouveraient application 7 Ainsi, dans

subi par le demandeur devait entradner le rejet de la demande en rdparation
du pr6judice r6sultant du ddc~s du fils du demandeur h la suite de rabsorp-
tion d’un m6dicament prescrit h rintention d’un ami de la victime, et Parent
v. Dagenais, C.S. (Qu6bec, 14,055), 22 avril 1980.

4 5 Voir, en ce sens, Baudouin, supra, note 44, no 16, aux pp. 12 et seq.;
Bernardot, supra, note 5, aux pp. 49 et seq.; nos 6tudes, La responsabilitg civile
du midecin et de l’6tablissement hospitalier (1956), aux pp. 45 et seq., et
Des rdgimes contractuel et ddlictuel de responsabilitd civile en droit civil ca4
nadien (1962) 22 R. du B. 501, aux pp. 503 et seq. [ci-apr~s: Des rdgimes];
Lajoie, supra, note 2, aux pp. 219-20; Perret, supra, note 2, aux pp. 88 et seq.;
Pineau & Ouellette, supra, note 44, aux pp. 5 et seq., et 188 et seq.; Stein,
supra, note 8, aux pp. 375 et seq., et Tancelin, Thdorie du droit des obligations
(1975), nos 266 et seq., aux pp. 180 et seq.

Voir, 6galement, en ce sens, The National Drying Machinery Co. v. Wabasso
Ltd [1979] C.A. 279; H6pital gdndral de la Rdgion de l’amiante Inc. v. Perron,
supra, note 1; Covet v. The Jewish General Hospital, supra, note 23;1
Dame Surprenant v. Air Canada [1973] C.A. 107; Girard v. National Parking
Ltd [1971] C.A. 328; H6pital Ste-Justine v. Filion, supra, note 16, et McLean
v. Pettigrew [1945] S.C.R. 62.

46 Voir, h ce sujet, Carbonnier, supra, note 43, no 113, aux pp. 443 et seq.;
Le Tourneau, La responsabilitd civile, 2e 6d. (1976), nos 192 et seq., aux pp. 81
et seq.; Marty & Raynaud, Droit civil [;] Les obligations (1962), t. II, vol. 1,
nos 361 et seq., aux pp. 329 et seq.; H., L. & J. Mazeaud, Legons de droit civil
[;] Obligations, 6e 6d. par Chabas (1978), t. II, vol. 1, nos 394 et seq., aux pp.
363 et seq.; H. & L. Mazeaud, Traitg thiorique et pratique de la responsabilitg
civile ddlictuelle et contractuelle, 6e 6d. par Tunc (1965), t. I, nos 96 et seq., aux
pp. 101 et seq.; Savatier, Traitd de la responsabilitd civile, 2e 6d. (1951), t. I,
nos 108 et seq., aux pp. 135 et seq.; Starck, Droit civil [;] Obligations (1972),
nos 2254 et seq., aux pp. 665 et seq.; Weill & Terr6, Droit civil [;] Les obliga-
tions, 3e 6d. (1980), nos 751 et seq., aux pp. 846 et seq., et Chabas, Vers un
changement de nature de l’obligation mddicale, J.C.P.1973.I.2541.

4TVoir, notamment, St-Martin v. Dupont, C.S.C., 19 d6cembre 1922; Spurrel
v. Royal Victoria Hospital, C.S. (Montr6al, 135,715), 28 octobre 1935; Rajotte
v. X (1936) 75 C.S. 569, h la p. 570; Ostiguy v. Moore, C.A. (Montrdal, 1,294),
30 novembre 1937; Tremblay v. Houle, C.S. (Montr6al, 295,802), 19 mars 1954;
H6pital Ste-Justine v. Filion, supra, note 16; Audet v. Plamondon, C.S. (Qu6bec,
139,323), 17 juillet 1970; Foss v. H6pital Maisonneuve, C.S. (Montr6al, 621,372),
19 novembre 1971; Dubg v. Parenteau, C.P. (Montr6al, 365,935), 10 d6cembre
1973; Poliquin v. Boutin, C.S. (Iberville, 15,939), 18 mars 1974; Dufresne v.
Mooney [1975] C.S. 891; Bidard v. Jacques, C.S. (St-Maurice, 2,950), 12 avril
1976; Bernard v. Crevier, C.S. (Montr6al, 05-744 197-70), 13 octobre 1976; Desjar-

1981] LA RESPONSABILITI DE L’.TABLISSEMENT HOSPITALIER

687

l’hypoth~se oii le d6biteur est tenu d’une obligation de moyens ou
de diligence, il importe peu, en ce qui concerne le fardeau de la
preuve, que la faute s’analyse sur le fondement contractuel des arti-
cles 1024 et 1065 C.c. ou sur le fondement extra-contractuel de l’ar-
ticle 1053 C.c. Dans les deux cas, l’intensit6″ 48 de l’obligation 6tant

dins v. Lambert, C.S. (Hull, 17,355), 12 janvier 1977; Charette v. Marchand, C.S.
(St-Maurice, 410-05-000 352-74), 18 juillet 1977; Hussereau v. Gaudette, C.S.
(Montr6al, 500-05-011 426-747), 18 mai 1978; Binette v. Ethier, C.S. (Montr6al,
05-002 535-76), 5 octobre 1979; Isabelle v. Beaulieu, C.P. (Beauce, 350-02-000
532-79), 14 avril 1980; Bonfond v. Malenfant, C.S. (Abitibi, 605-05-000 234-77),
19 juin 1980, et Dunant v. Chong, C.S. (Montrdal, 500-05-005 504-798), 12 d6-
cembre 1980.

Il est, toutefois, regrettable que, dans certaines affaires, on n’ait pas
d6ce16 un int6r~t pratique h distinguer entre les r6gimes de responsabilit6
civile applicables en l’esp~ce. Voir H6pital gdnjral de .la Rdgion de l’amiante
Inc. v. Perron, supra, note 1. I1 s’agissait, dans cette affaire, d’une demande
form6e contre un 6tablissement hospitalier et ses deux anesth6sistes en r6-
paration du pr6judice r6sultant de la d~c6r6bration du fils du demandeur,
cons6cutive h un arrt cardio-respiratoire survenu h la suite d’interventions
chirurgicales. Les faits de la cause donnant lieu h une relation contractuelle
simple, la responsabilit6 de
‘6tablissement relevait de l’ordre contractuel hi
I’6gard du demandeur 6s qualit6s, victime “imm6diate”, de l’ordre extra-
contractuel h 1’6gard du demandeur personnellement, victime par ricochet en
tant que p~re de la victime; celle des anesth6sistes, de l’ordre extra-contractuel
‘6gard de tous. Voir, par analogie, H6pital Notre-Dame de l’Espdrance v.

Laurent [1974] C.A. 543, A la p. 546.

La Cour sup&ieure condamna l’6tablissement et les anesthdsistes au paie-
ment d’une indemnit6 conjointement et solidairement. De plus, le tribunal
accorda au demandeur personnellement
‘indemnit6 additionnelle de l’artiole
1056c, ain6a 2 C.c. pour inconv6nients d6jh subis. Elle la refusa au demandeur
s qualit6s, les xdommages 6tant essentiellement futurs. La Cour d’appel
accueillit l’appel des anesth6sistes et rejeta le pourvoi de l’6tablissement. De
plus, elle confirma la d6cision attaqu6e relativement h 1’indenmit6 addition-
nelle. Telle qu’elle se prdsentait, cette affaire soulevait, a notre avis, deux
questions montrant l’int6r6t pratique de la distinction entre les r6gimes de
responsabilitl. D’abord, en Cour sup6rieure, pouvait-on, au regard de 1’article
1106 C.c., prononcer une condamnation solidaire alors que ‘un des d6biteurs –
1’6tablissement -ne pouvait 6tre tenu responsable que sur le plan contractuel?
Voir, a ce sujet, infra, note 58. N’6tait-ce pas lh pr6cis6ment un cas de respon-
sabilit6 in solidum aux termes de 1article 1103 C.c.? Voir, en ce sens, Sunne
v. Shaw, C.S. (Montr6al, 500-05-001 234-770), 15 mars 1981. Par ailleurs, en ce
qui concerne l’indemnit6 additionnelle de ,Farticle 1056c, alin~a 2 C.c., n’aurait-
il pas 6t6 plus exact de refuser l’indemnit6 au seul motif que la responsa-
bilitd de l’6tablissement 6tait de nature contractuelle, ainsi d’ailleurs que la
Cour d’appel en a, elle-m6me, hmaintes reprises, tr~s justement ddcid6? Voir,
sur cette question, infra, note 54.

4sVoir notre 6tude, Le contenu obligationnel d’un contrat (1965) 43 R. du B.
can. 1, et Lajoie, supra, note 2, h la p. 220. Mais, voir Perret, supra, note 2,
h la p. 76.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 26

la m~me, la charge de la preuve repose sur le demandeur qui de-
vra, soit d’une maniRre directe, soit par recours aux pr6somptions
de fait pr6vues aux articles 1205, 1238 et 1242 C.c., 6tablir que le
d6fendeur n’a pas agi avec la prudence et la diligence d’un “bon
p~re de famille”.49 I1 en va de m6me en mati~re de prescription
extinctive depuis que le 16gislateur, en 1974,5″ 6dictait, en matiere
m6dicale et hospitali~re, un r6gime uniforme de prescription trien-
nale pour “le pr6judice corporel ou mental” subi par la victime,
quel que soit le r6gime juridique de la responsabilit6. On congoit

49 Voir Azard, “Renouveau ou d6clin de la responsabilit6 contractuelle” in
Etudes juridiques en hommage a Monsieur le juge Bernard Bissonnette (1963),
pp. 1 et seq., aux pp. 37 et seq.; Bernardot, supra, note 5, aux pp. 26 et seq.;
notre 6tude, Des rdgimes, A la p. 513; Mayrand, Permis d’opdrer et clause d’exo-
ndration (1953) 31 Can. Bar Rev. 150, A la p. 156 [ci-aprbs: Permis d’opdrer],
et La responsabilitd du dentiste (1957-58) 8 Thrnis 5, h la p. 13; Pineau &
Ouellette, supra, note 44, h la p. 196, et Perret, supra, note 2.

Voir, h ce sujet, X v. Mellen [1957] B.R. 389, A la p. 413; H6tel-Dieu St-
Valier v. Martel, supra, note 9; Videki v. Kimoff, C.S. (St-Frangois, 31,658), 12
aocit 1970; Robert v. Casa [1972] C.S. 692; Miller v. Herlich, C.S. (Montrdal,
751,717), 4 d6cembre 1973; H6tel-Dieu de Montrdal v. Couloume [1975] 2 R.C.S.
115; Leblond v. Larochelle [1975] C.S. 1074; Pineault v. Clinique de l’Universitd
de Sherbrooke, C.S. (St-Frangois, 39,441), 3 septembre 1975; Thibault v. H6pital
Notre-Dame, C.A. (Montrdal, 09-000 372-73), 14 juillet 1976; Lapointe v. Perigny
[1976] C.S. 603; Turmel v. Philippon, C.S. (Beauce, 350-05-000 384-74), 29 novem-
bre 1976; Soucy v. H6pital gdngral Fleury Inc., C.S. (Montr6al, 05.796 073-70),
4 juin 1976; Massd v. Gaudette, C.S. (Montral, 678,990), 5 janvier 1977; Alain
v. Lemieux, C.S. (Qu6bec, 200-05-003 091-761), 9 avril 1980; Lapointe v. H6pital
Le Gardeur, C.S. (Joliette, 705-05-001 017-76), 21 mai 1980; Simard v. Vermette,
C.S. (Mingan, 650-05-000 136-74), 4 juin 1980; Schierz v. Dodds, C.S. (Montrdal,
500-006 363-798), 19 mai 1981, et Leblanc v. Dansereau, C.P. (Montr6al, 500-02-039
089-797), 16 juin 1981.

..

60 Voir art. 2260a C.c., 6dict6 par Loi modifiant certaines prescriptions, L.Q.
1974, c. 80, art. 1, A .1a suite de
‘affaire H6pital Notre-Dame v. Patry, supra,
note 32, oit la Cour supreme jugeait que 1’article 2262, alin6a 2 C.c., relatif h
la prescription d’un recours “[p]our 16sions ou blessures corporelles
s’appliquait en mati~re m&dicale, quel que soit le fondement, contractuel ou
extra-contractuel, de ]a responsabilit4. Voir, 6galement, en ce sens, Porlier V.
Hopital St-Frangois d’Assise, C.S. (Qudbec, 10,013), 17 octobre 1974, et Bernard
v. Crevier, C.S. (Montreal, 744,197), 9 dacembre 1974. Voir, i ce sujet, Bernardot
& Kouri, supra, note 2, nos 89 et seq., aux pp. 62 et seq.

Voir, par ailleurs, pour une prescription trentenaire, en mati~re m6dico-
hospitalire, pour pr6judice autre qu’un “prejudice corporel ou mental”,
Grenier v. Noiseux, C.S. (Montr6al, 500-05-012 762-785), 24 juillet 1978.

Voir, 6galement, Senez v. La Chambre d’immeuble de Montrdal, C.S.C., 18
juillet 1980, ofi la reconnaissance, par la Cour supreme du Canada, du caract~re
contractuel des relations entre las parties devait entrainer 1’application du
rigime de la prescription trentenaire, alors que ]a Cour supdrieure et ]a
Cour d’appel avaient d6boutM le demandeur par application de 1’article 2261,
alina 2 C.c. relatif aux “dommages r6suttant de ddlits et quasi-d6lits”.

1981] LA RESPONSABILITPh DE L’.TABLISSEMENT HOSPITALIER

689

ais~ment que l’6quivalence des r6sultats enl~ve, ds lors, tout int6-
r~t pratique h la distinction des r~gimes de responsabilit6 civile.

Force est, toutefois, de reconnaitre que les deux regimes de res-
ponsabilit6, contractuel et extra-contractuel, se pr~sentent fr~quem-
ment sous des traits distincts et qu’ils entrainent, de ce fait, l’ap-
plication de rZgles diff~rentes selon que la faute constitue l’inex6-
cution d’un devoir contractuel ou la violation d’un devoir 16gal.5′
Ainsi que 1’6nongait tr~s justement M. le juge Mayrand, de la Cour
d’appel, dans l’affaire The National Drying Machinery Co. v. Wa-
basso Ltd:

Ce n’est pas que la faute change de nature … , rnais elle entraine des
effets qui parfois diffbrent selon que la faute est la violation d’une obli-
gation contractuelle ou de l’obligation i6gale de ne pas nuire 6 autrui.
Comme l’affirment les auteurs, entre les deux ordres de responsabilit6
il n’y a pas de diff6rence fondamentale, mais simplement des diff6rences
accessoires voulues par le L.gislateur.52

II en est ainsi, notamment, des r-gles concernant le paiement des
int6rts,0 3 1’attribution de l’inden-init6 suppl6mentaire que le tribu-
nal peut accorder,5 4 le crit~re de fixation des dommages-intdr6ts, 5

51 Voir, t ce sujet, Baudouin, supra, note 44, nos 19-20, aux pp. 14-5; Bernar-
dot, supra, note 5, aux pp. 49 et seq., et 82 et seq.; notre 6tude, Des rigimes,
aux pp. 505 et seq.; Pineau & Ouellette, supra, note 44, aux pp. 193 et seq., et
Stein, supra, note 8, aux pp. 375 et seq.

52 Voir supra, note 45,
53 Voir, en les comparant, arts 1070 et 1056c, al. 1 C.c. Voir, 6t ce sujetq
Dufresne v. X [1961] C.S. 119, h la p. 133; Pratt v. Beaman [1930] S.C.R. 284, h
la p. 287; Grimaldi v. Restaldi [1933] S.C.R. 489, et La Reine v. Nord-Deutsche
Versicherungs-Gesellschaft [1971] R.C.S. 849. Voir, toutefois, Bernardot &
Kouri, supra, note 2, no 103, h la p. 70.

t la p. 287.

4 4Voir art. 1056c, al. 2 C.c., ainsi que R-glement modifiant le Raglement sur
t compter du
t 15 per cent. par .ann6e le taux d’int6r~t pr6v.u par Loi sur

l’administration fiscale, G.O.Q., 1980.11.1937, art. 1, qui fixe,
ler avril 1980,
le Ministare du revenu, L.R.Q., c. M-31, art. 28.

Voir, h ce sujet, Building Products of Canada Ltd v. Sauvd Construction
Lte [1976] C.A. 420; Vallie v. Roy [1978] C.S. 706; Entreprises intdgrjes du
polydre Inc. v. Gelly [1979] C.A. 288, ht la p. 291; Croteau v. London Life
[1979] C.A. 516; Royal Industries Inc. v. Jones [1979] C.A. 561; Cindpix Inc.
v. J. K. Walkden Ltd [1980] C.A. 283, t la p. 286; Cerd v. Du Portage Mercury
Ventes Ltde, C.S. (Hull, 550-05-001 751-75), 26 f6vrier 1981, et Sunne v. Shaw,
supra, note 47. Voir, 6galement, Bernardot & Kouri, supra, note 2, no 102,
t la p. 69.

II arrive, toutefois, que les tribunaux accordent l’indemnit6 suppl6mentai-
re sans s’interroger sur la nature, contractuelle ou extra-contractuelle, de la
responsabilit6. Voir, notamment, Thdroux-Bergeron v. Genest, C.S. (Montr6al,
767,448), 12 d6cembre 1973; Tremblay v. H6pital de Chicoutimi Inc., C.S.
(Chicoutimi, 43,435), 4 mars 1975; Pettigrew v. H6pital Laval, C.S. (Qu6bec,
11,905), 14 avril 1975; Dame Cataford v. Moreau [1978] C.S. 933; David v. Pelle-

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 26

le regime d’indemnisation des victimes par ricochet en cas d’acci-
dent mortel,56 la responsabilit6 du fait d’autrui, 7 la solidarit6,58

tier, C.S. (Montr6al, 500-05-014 323-72), 17 f6vrier 1978; Quenneville v. The
Montreal General Hospital, C.S. (Montreal, 500-05-009 498-757), 29 mai 1980;
Dame Crawford v. Le Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke, C.S.
(St-Frangois, 450-05-000 671-78), 6 octobre 1980; Robillard v. Sullivan, C.S. (Mon-
trial, 500-05-024 757-781), 22 d6cembre 1980; Maltais v. H6pital Reine-Elizabeth de
Montrdal, C.S. (Montr6al, 500-05-009 012-798), 18 f6vrier 1981; George v. Boivin,
Juneau & Dion Inc., C.S. (Qudbec, 200-05-000 188-743), 29 janvier 1981; Schierz
v. Dodds, supra, note 49, et Leblanc v. Dansereau, supra, note 49.

Voir, sur la nature de l’indemnit6 additionnelle de lParticle 1056c C.c.,
Le Fonds d’indemnisation des victimes d’accidents d’automobile v. Martineau
[1978] 1 R.C.S. 247, et Corriveau v. Pdloquin [1980] C.A. 4.

55 Voir, en les comparant, arts 1074 et 1075 C.c. Voir, notamment, h ce sujet,
Regent Taxi & Transport Co. v. La Congrdgation des petits fr~res de Marie
[1929] S.C.R. 650, aux pp. 668 et seq., et Girard v. National Parking Ltd, supra,
note 45.

56 Voir art. 1056, al. 1 C.c. Voir, h ce sujet, Dame Marier v. Air Canada [1971]
C.S. 142; Marier v. Air Canada [1976] C.S. 847; Covet v. The Jewish General
Hospital, supra, note 23, h ha p. 1394, et Grenier v. Noiseux, supra, note 50.
Mais, voir, cependant, Air Canada v. Marier [1980] C.A. 40.

Voir, 6galement, notre 6tude, Des regimes, h la p. 510; Mayrand, Les
chefs d’indemnitd en cas d’accident mortel (1967-68) 9 C. de D. 639, h ]a p. 664;
Lajoie, supra, note 2, h la p. 222, et Bernardot & Kouri, supra, note 2, nos
85 et seq., aux pp. 59 et seq.

Voir, sur l’interpr~tation “naturelle” du terme “autrui”, H6pital Notre.
Dame de l’Espdrance v. Laurent, supra, note 25, et, en mati~re mddico-hospita.
li~re, Lapointe-Routhier v. H6pital gdndral de la Rdgion de l’amiante Inc., CA.
(Quebec, 200-09-000 085-784), 15 janvier 1980, et Michaud v. H6pital H6tel-Dieu
de Rivi~re-du-Loup, C.S. (Kamouraska, 250-05-000 131-76), 25 avril 1978. On
peut regretter que, dans ces deux cas, la Cour n’ait pas retenu le caract~re
contractuel du lien entre l’6tablissement et le patient afin d’dcarter l’appli-
cation de l’article 1056 C.c.

57 Voir l’art. 1054, al. 7 C.c., qui exige, en mati6re de responsabilit6 civile
extra-contractuelle du fait d’autrui, l’existence d’un lien de pr6position, ce
qui n’est pas n6cessaire en matiire de responsabilit6 contractuelle du fait d’au-
trui. Voir, A ce sujet, H6pital Notre-Dame de l’Espdrance v. Laurent, supra,
note 47.

I1 convient ici de distinguer la responsabilitd subsidiaire du commettant
pour la faute d’autrui et la responsabilit6 principale du d6biteur ddcoulant
d’un fait d’autrui. Ainsi que nous tenterons de le d6montrer, settle ]a pre-
miere met en jeu le r6gime l6gal de garantie de l’article 1054, alin6a 7 C.c.

5 8 Voir -arts 1103, 1105 et 1106 C.c. La solidarit6, r6gime exceptionnel des obli-
gations plurales, suppose la commission “d’un d6lit ou quasi-dd1it… par deux
personnes ou plus”. Voir art. 1106 C.c. Elle ne saurait, en tout cas, s’appliquer
au cas oit deux co-d6fendeurs seraient contractuellement responsables du pr6-
judice, unique et indivisible, subi par la victime At la suite d’un traitement
par eux propos6. En mati~re contractuelle, hors le cas d’affaires commerciales
donnant lieu h une pr6somption de solidarit6 (-voir art. 1105, al. 3 C.c.), il
ne saurait y avoir de solidarit6 entre co-d6biteurs, mais, tout au plus, une res-

19811 LA RESPONSABILITI DE L’TABLISSEMENT HOSPITALIER

691

les conflits de lois,59 et les conflits de juridictions.60

Certes, h la r~flexion, on peut lgitimement estimer que certai-
nes de ces diff6rences accessoires rev~tent un caract~re secondaire,
voire artificiel, que certaines sont mrme certainement le fruit de
par exemple, dans les cas pr6vus aux articles
l’inadvertance –
, et que l’on pourrait ds lors utilement les
1056 et 1056c C.c. –
abolir ainsi que l’a propos6 l’Office de r6vision du Code civil.’
Mais lh n’est pas la question. Si, au plan de l’am6nagement techni-
que de la r6paration du prejudice, on peut, dans toute la mesure
du possible, envisager et m~me souhaiter runification des regimes
de responsabilit6 civile, il faut tout de m~me reconnaitre qu’aussi
longtemps que ces diff6rences existeront de par la volont6 m~me
du 16gislateur ou des parties contractantes, il demeurera impor-
tant, parfois mame essentiel, de savoir si, dans les circonstances
particuliires d’une affaire, la faute reprochde au ddfendeur doit
s’analyser dans le cadre du regime contractuel ou du rdgime extra-
contractuel de responsabilit6 civile. Les conditions d’existence de
ces deux r6gimes de responsabilit6 ne pr~tent pas h controverse.

ponsabilit6 in solidum, chacun dtant responsable de l’entier prejudice. Voir,
en ce sens, Sunne v. Shaw, supra, note 47.

Elle ne saurait non plus s’appliquer au cas oi deux co-dafendeurs seraient
tenus responsables, l’un contraectuellement, l’autre ddlictuellement, du prd-
judice subi par le demandeur. C’est le cas envisag6 dans la relation contrac-
tuelle simple, oi -le contrat hospitalier couvre l’ensemble des prestations:
une faute extra-contractuelle d’un mddecin entrane la faute contractuelle de
l’6tablissement. Voir, en ce sens, Lajoie, supra, note 2, aux pp. 222 et seq.
On doit pour cela regretter que la Cour supreme du Canada, ans l’affaire
Martel v. H6tel-Dieu St-Vallier, supra, note 18, ait cru devoir ddnaturer la
qualification contractuelle de la responsabilitd de 1’tablissement afin de faire
jouer les r~gles de la solidaritd extra-contractuelle des articles 1106 et 2231
C.c. II est dgalement regrettable que Ia Cour supdrieure, dans la rdcente
affaire Dame Crawford v. Le Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke,
supra, note 54, ait cru devoir prononcer une condamnation solidaire At l’en-
contre de 1’dtablissement hospitalier, ddbiteur contractuel, et du fabricant
d’un appareil utilisd lors d’une intervention, dabiteur extra-contractuel. II ne
s’agissait manifestement pas de deux co-auteurs d’un m6me dalit. Voir, pour
les fautes distinctes dun m6decin et d’un pharmacien, Jeannotte v. Couillard
(1894) 3 B.R. 461.

509 Voir art. 8 C.c. Voir, h ce sujet, notanment, McLean v. Pettigrew, supra,

note 45.

60 Voir art. 68 C.p.c. Voir, ih ce sujet, notamment, The National Drying
Machinery Co. v. Wabasso Ltd, supra, note 45, et Wabasso Ltd V. The National
Drying Machinery Co., C.S.C., 22 juin 1981.

61 Voir Rapport sur le Code civil du Quibec (1978), t. I, vol. 1: Projet de
Code civil, Livre cinqui~me: Des obligations, arts 288 et seq., aux pp. 378
et seq.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 26

D’une part, en effet, le r6gime contractuel trouve application si,
les parties 6tant lides par contrat, le pr6judice subi par une partie
d6coule de l’inex6cution de l’une des obligations assum6es express6-
ment ou implicitement par l’autre partie, aux termes de l’article
1024 C.c.6 D’autre part; le r6gime extra-contractuel s’appliquera,
soit si les parties ne sont pas lides par contrat ou si leur contrat est
nul, soit encore, m6me en presence d’un contrat, si le pr6judice ne
rdsulte pas de l’inexdcution d’une obligation contractuelle nde du
contrat. 3

La question de savoir lequel de ces deux rdgimes s’applique dans
les circonstances particuli~res d’une espece en responsabilit6 hos-
pitali~re se r6sout alors, en d6finitive, par une analyse precise, une
“auscultation” a-t-on pu dire, du rapport juridique liant les par-
ties afin d’y ddceler, s’il y a lieu, un contrat valable et d’en prdciser
les obligations h la charge des parties. L’analyse peut certes se r6-
v6ler parfois fort d6licate. C’est pr6cis6ment le cas en mati~re hos-
pitali~re ot l’on est susceptible de se retrouver en pr6sence d’une
situation de fait qui a pu donner naissance i un faisceau de rela-
tions juridiques contractuelles ou extra-contractuelles dont les pres-
tations s’ex6cutent en m~me temps. Mais, si difficile soit-elle, cette
analyse n’en demeure pas moins essentielle h une juste application
des principes du droit civil canadien. Les tribunaux ne sauraient
s’y soustraire sans violer la lettre et l’esprit de la loi0 5 Les tribu-

62 Voir Bernardot, supra, note 5, aux pp. 89 et seq.; Pineau & Ouellette,
supra, note 44, h la p. 193, et notre 6tude, Des regimes, aux pp. 519 et seq.
Voir, dgalement, en France, H., L. &
. Mazeaud, supra, note 46, nos 396
et seq., aux pp. 366 et seq.
63 Voir, en ce sens, Beausoleil v. La Communautg des Soeurs de la Charitd
de la Providence, supra, note 16, b la p. 41, et Covet v. The Jewish General
Hospital, supra, note 23, b la p. 1394. Voir, A ce sujet, notre 6tude, Des rdgimes,
aux pp. 525 et seq. Voir, de plus, en France, H., L. & I. Mazeaud, supra,
note 46, nos 396 et seq., aux pp. 366 et seq.

64 Voir notre 6tude, supra, note 48, aux pp. 6 et 47.
65 Voir arts 1022 et 1024 C.c. Voir, A propos de 1’article 1024 C.c., Dame
Surprenant v. Air Canada, supra, note 45, h la p. 126; La Banque de Montrial
v. Le Procureur gingral de la Province de Qudbec [1979] 1 R.C.S. 565; Senez v.
La Chambre d’immeuble de Montrdal, supra, note 50; The National Drying
Machinery Co. v. Wabasso Ltd, supra, note 45, b la p. 287, et Cindpix Inc. v.
J.K. Walkden Ltd, supra, note 54, A la p. 286.

I1 est, h cet igard, regrettable de constater que, trop souvent encore,
les tribunaux croient devoir s’inspirer des solutions de common law, alors
que les principes du droit civil suffisent largement
rdsoudre les probl6mes
de responsabilit6 civile. Ainsi que nous avons eu souvent l’occasion de le
noter, de tels emprunts, aussi injustifiables’ qu’inutiles, ne peuvent, par un

1981] LA RESPONSABILITA DE L’TABLISSEMENT HOSPITALIER

693

naux ne sauraient, non plus, lorsque ranalyse des faits r6v~le une
situation contractuelle, permettre A l’une des parties d’6carter
l’application des r~gles pr6vues par les parties elles-m~mes ou par
la loi sous pr6texte, par exemple, que le rdgime extra-contractuel –
c’est
c’est le probl~me de l’option –
lui serait plus favorable. Agir autrement
le probl~me du cumul –
serait mdconnaitre le principe fondamental de la force obligatoire
des conventions 16galement form6es. Ainsi que le faisait fort juste-
ment observer M. le juge Mayrand, de la Cour d’appel, dans l’affaire
The National Drying Machinery Co. v. Wabasso Ltd:

ou une ragle de ce r6gime –

Le principe de 1’autonomie de la volont6 et l’6conomie du contrat se-
raient fauss6s si la violation du contrat autorisait utne partie h recourir
aux rbgles parfois diff6rentes de la

responsabilit6 d6lictuelle.6

continuel tiraillement des sources, qu’engendrer la confusion des esprits et
l’incoh6rence du droit positif. Voir notre 6tude, “Les enjeux de la r6vision du
Code civil” in Poupart, Les enjeux de la r6vision du Code civil (1979), pp. 11
et seq., aux pp. 15-6, et 33 et seq. Voir, de plus, notamment, Desrosiers v. The
la p. 126, ainsi que Mignault, L’avenir de notre
King (1920) 60 S.C.R. 105,
droit civil (1923) 1 R. du D. 56, 104, aux pp. 115-6.

66 Voir supra, note 45, h la p. 287. Voir, b ce propos, Baudouin, supra, note
44, nos 21 et seq., aux pp. 15 et seq.; Bemardot, supra, note 5, aux pp. 113
et seq.; notre 6tude, Des rdgimes, aux pp. 528 et seq.; Perret, Prdcis de res-
ponsabilitd civile (1979), h la p. 25; Pineau & Ouellette, supra, note 44, aux
pp. 196 et seq.; Stein, supra, note 8, h la p., 371, et Legrand, Vaccination par
l’Etat: droit de la santg et thgorie des obligations juridiques (1981) 26 R. de
d. McGill 880.

prescription de trente ans: at. 2242 C.c. –

Voir, 4galement, en ce sens, lorsque la question est nettement pos6e au
tribunal, Girard v. National Parking Ltd, supra, note 45, et Cingpix Inc. v.
J. K. Walkden Ltd, supra, note 54. Voir, de plus, Tremblay v. H6pital Chi-
coutimi Inc. [1976] C.A. 236, oji la Cour d’appel, ayant h choisir entre la
et extra-
nature contractuelle –
contractuelle – prescription de deux ans: art. 2261, al. 2 C.c. – opta pour la
fut
qualification contractuelle. On notera que
refus6e par la Cour supr6me. Voir [1976] 1 R.C.S. ix (MM. les juges Pigeon,
Dickson et de Grandpr). On peut en d6duire une confirmation explicite de
la d6cision de la Cour d’appel, de m6me qu’une condamnation, au moins
implicite, de la these de roption. Voir, encore, McLean v. Pettigrew, supra,
note 45; Madill v. Sommer Building Corporation [1978] 1 R.C.S. 999, et
Senez v. La Chambre d’immeuble de Montrial, supra, note 50.

l’autorisation d’appeler

Voir, de m6me, en France, Carbonnier, supra, note 43, no 113, aux pp.
443 et seq.; Cornu, in Etudes de droit contemporain (1962),
pp. 239 et seq.; H., L. & J. Mazeaud, supra, note 46, nos 403 et seq., aux pp.
374 et seq.; Savatier, supra, note 46, nos 152 et seq., aux pp. 197 et seq., et,
spdcialement, en mati~re m6dico-hospitalibre, t. II, nos 775 et seq., aux pp.
375 et seq.; Tunc, La responsabilitd civile (1981), nos 32 et seq., aux pp. 32
et seq., et Weill & Terr6, supra, note 46, nos 751 et seq., aux pp. 823 et seq.,
ainsi que, en ce sens, notamment, Cass.Civ., 20 mai 1936, D.1936.1.88, rapp.

McGILL LAW JOURNAL

(Vol. 26

On comprend, d~s lors, que la d6termination, en mati~re hospita-
li~re, du regime juridique de responsabilit6 civile applicable dans

Josserand, concl. Matter, note E.P.; S.1937.1.321, note Breton; Cass.Civ., 27
rnai 1940, D.C.1941.53, note Nast; Cass.Civ., 6 mars 1945, D.1945.217; Cass.Civ.
16re, 30 octobre 1962, J.C.P.1962.II.12924, note Savatier; Cass.Civ.lre, 9 mars
1970, Bull.civ., I, no 87, p. 71, et obs. Durry in (1971) 69 Rev.trim.dr.civ. 139,
et Cass.Civ.2e, 8 avril 1970, J.C.P.1970.IV.136.

Voir, toutefois, Tancelin, supra, note 45. On ne peut, h cet dgard, que vive-
ment regretter que, dans l’affaire Martel v. H6tel-Dieu St-Vallier, supra, note
18, M. le juge Pigeon, tout en reconnaissant le caract~re contractuel du rap-
port juridique intervenu entre le malade et 1’6pital, et tout en admettant
que le prejudice subi par la victime rdsulte de l’inexdcution d’une obligation
contractuellement assumde par 1’h6pital, en arrive tout de m~me h conclure
h la responsabilit6 extra-contractuelle de l’itablissement (voir A la p. 753).
Cette conclusion, aussi 6tonnante qu’inattendue, nous parait inadmissible. On
ne saurait justifier une telle confusion des rdgimes de responsabilit6 civile,
m~me en vue d’assurer, dans une affaire mal engagde, une condamnation soli-
daire des co-ddfendeurs, et partant, l’application des dispositions de l’article
2231 C.c., 6vitant ainsi le jeu des r~gles de la prescription extinctive. Voir,
dgalement, en ce sens, Perret, supra, note 2, aux pp. 71 et seq., et 94 et seq.

Voir, d’autre part, en droit civil compar6, oA le “cumul” serait admis:
pour l’Italie, Bianchi d’Espinosa et Zhara Buda, “La responsabilit6 mddicale
en Italie” in Aspects, pp. 531 et seq., aux pp. 534 et seq., et, pour la Suisse,
Petitpierre, “La responsabilit6 de droit priv6 du mddecin: apergu du droit
suisse” in Aspects, pp. 566 et seq., h la p. 570.

Ii convient de souligner que, dans un arr~t du 22 juin 1981, la Cour
supreme du Canada infirma le jugement majoritaire de la Cour d’appel dans
l’affaire Wabasso, supra, note 45 (voir supra, note 60), au motif principal
“qu’un m~me fait peut constituer h la fois une faute contractuelle et une
faute ddlictuelle et que 1’existence de relations contractuelles entre les par-
ties ne prive pas la victime du droit de fonder son recours sur la faute
d6lictuelle.” Voir les motifs de jugement, h la p. 14. I1 s’agit L, h n’en pas
douter, d’une decision lourde de consdquences pour
‘6volution rationnelle
et coh6rente du droit civil des obligations conventionnelles.

Nous devons savoir gr6 h la Cour supreme d’avoir clairement pos6 le
probl~me des relations entre les regimes de responsabilitI
civile, mais la
solution qu’elle y apporte nous parait juridiquement
inadmissible. Pre-
mi~rement, parce que M. le juge Chouinard, de la Cour suprame, comme
M. le juge Par6, de la Cour d’appel (voir supra, note 45, h la p. 283), md-
connaissent la v6ritable portge du principe de la force obligatoire du con-
trat, en oubliant que le contenu obligationnel d’un contrat s’dtend, aux
termes mAmes de l’article 1024 C.c., “non seulement h ce qui y est exprim6,
mais encore h toutes les consequences qui en ddcoulent, d’apr~s sa nature,
et suivant l’6quit6, l’usage ou la loi.” C’est 1A le postulat fondamental sur le-
quel repose, en droit civil, la distinction entre les regimes de responsabilit6
et au respect duquel les tribunaux sont tenus. La Cour supreme elle.m~me
avait d’ailleurs commenc6 d’en saisir le r6le fdcond dans la d6termination
de l’6tendue des prestations contractuelles et dans le choix du regime de
responsabiliti qui s’applique en cas de leur inex6cution. Voir La Banque de
Montrial v. Le Procureur gdndral de la Province de Quebec, supra, note 65,

1981] LA RESPONSABILITA DE LUATABLISSEMENT HOSPITALIER

695

les circonstances prdcises d’une affaire puisse rev^tir un int6r~t
particulier pour 1’une ou l’autre des parties en cause.

et Senez v. La Chambre d’immeuble de MontrdaIl, supra, note 50.

Dans notre syst~me civiliste, le problRme essentiel est de savoir si, ds

que les parties ou le 16gislateur attachent h la faute des cons6quences dif-
fdrentes, selon qu’elle constitue l’inex6oution d’un devoir contractuel ou la
violation d’une prescription 16gale, on peut admettre qu’une partie con-
tractante, demanderesse ou d6fenderesse, li6e par un contrat valablement
pass6, avec tout ce qu’il comporte, puisse faire fi de la volont6 commune
des parties et des prescriptions de la loi et placer son recours sur le terrain
extra-contractuel qui lui serait – on le suppose – plus favorable. La r6ponse,
au nom de la logique et de la coh6rence du systime ne peut 6tre que n6ga-
tive. Voir, en ce sens, Tunc, supra.

Deuxi~mement, il est h noter que c’est pr6cis6ment h propos de rint6r6t
pratique de la distinction que M. le juge Chouinard d6nature la pens6e de M.
le juge Mignault car le texte par lui cit6 (voir les motifs de jagement,
aux pp. 8-9) ne prend son sens v6ritable que par ce que disait le savant ma-
gistrat au d6but de ses notes. Voir Ross v. Dunstall (1921) 62 S.C.R. 393, h
la p. 415. On ne saurait donc s’appuyer sur l’autorit6 de M. le juge Mignault
lorsque, pr6cis6ment, dans un litige comme celui de 1’affaire Wabasso, un
intdr6t pratique s’attachait b la distinction entre les r6gimes. On comprend
mal, par ailleurs, que la Cour n’ait pas cru devoir tenir compte de ses d6ci-
sions r6centes dans les affaires Madill, supra; Banque de Montrdal, supra,
note 65, et Senez, supra, note 50, alors qu’elle imposait cat6goriquement le
respect des conventions valablement form6es entre les parties avec tout leur
contenu tant explicitement d6termin6 par les parties qu’implicitement fix6
par la loi.

Troisi~mement, il est regrettable que M. le juge Chouinard ait 6galement
d6formd la pens6e de M. R. Savatier en citant hors de leur contexte deux
extraits du Traitg de la responsabilitg civile, supra, note 46. S’il est vrai
que M. Savatier n’a pas pris, en la matibre, une position aussi ferme que
d’aucuns auraient pu le souhaiter, une lecture attentive de l’ouvrage montre
h l’dvidence qu’ifl n’a jamais admis 1’option lorsque la faute reproch6e au d6-
fendeur constitue l’inexdcution mime d’une obligation issue du contrat (voir
nos 148 et seq., aux pp. 192 et seq., et, notamment, no 152, t la p. 199):

La violation d’engagements contractuels engendre exclusivement
tune
responsabilit6 contractuelle. Pour qu’un cumul de responsabilit6s soit
concevable, il faut qu’une faute dommageable distinote se joigne h
cette violation.
Enfin, nous croyons devoir d6noncer le laconisme 6tonnant avec lequel
M. le juge Chouinard fait 6tat du droit positif frangais dont, pourtant, un
examen attentif aurait rdv616 un soutien ferme et soutenu pour la r~gle de
l’incompatibilit6 des rdgimes de responsabilit, au point que M. A. Tunc,
tout en portant sur la question un jugement critique sdvire, pouvait ndan-
moins 4crire dans l’ouvrage qu’il vient de consacrer bt la responsabilit6
civile, supra, no 35, h la p. 33; “A 1’esprit logique d’un juiste fran;ais, la
distinction est aussi claire qu’elle est naturelle.”

Ces considdrations nous permettent d6jh de croire que cet arrat de la
la force obligatoire des conven-
et la

Cour supreme, qui compromet gravement
tions, ne saurait emporter l’adhdsion. Nous demeurons persuads –

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 26

Deuxibme partie: Les regimes juridiques de ]a responsabilitd

hospitali-re

Un examen attentif de la doctrine et de la jurisprudence qudb-
coises permet de constater une remarquable 6volution du droit
positif en ce qui concerne l’application des r6gimes juridiques de
responsabilit6 civile en mati~re mddico-hospitaliRre. Alors, en effet,
que, jusqu’au milieu des annes cinquante, la faute mddico-hospi-
tali~re 4tait, en gdndral, analys6e dans le cadre du r6gime extra-con-
tractuel de responsabilit6, fond6 sur les articles 1053 et seq. C.c., T7
on peut aujourd’hui affirmer que, par suite d’une heureuse influen-

lecture de cette decision nous en convainc davantage, notamment par les
cons6quences troublantes qu’elle laisse pr6sager –
que chacun des rdgimes
contractuel et extra-contractuel de responsabilitd civile poss6de ses condi-
tions particuli~res d’application, son domaine exclusif et ses effets pro-
pres, voulus par les parties ou imposes par le 16gislateur. Le respect ndces-
saire de la force obligatoire des conventions et des prescriptions de la loi
ne saurait permettre, au gr6 des parties, un choix entre les regimes de respon-
sabilit6. Autoriser un tel choix, comme l’a fait la Cour supreme dans cette
affaire Wabasso, en violation flagrante de larticle 1024 C.c., c’est instaurer
l’incoh6rence, c’est sanctionner l’arbitraire.

67Voir, t ce propos, Gillean, Operative and Diagnostic Civil Liability of
Physicians and Surgeons (1942) 2 R. du B. 412; Nadeau; La responsabilitd
mddicale (1946) 6 R. du B. 153, et Nadeau & Nadeau, supra, note 44, nos
269-70, aux pp. 278 et seq.

Voir, en ce sens, Marchand v. Bertrand (1911) 39 C.S. 49; Vachon v.
Moffet (1911) 40 C.S. 166; St-Martin v. Dupont, supra, note 47; Chagnon v.
Charron (1930) 68 C.S. 185; Pincovsky v. Tessier (1930) 36 R.L. 327
(C.S.);
Rocheleau v. Laberge (1930) 48 B.R. 495; St-Onge v. Bernier (1932) 70 C.S.
205; Bacon v. H6pital du St-Sacrement (1935) 41 R.L. 497 (C.S.); Bouillon
v. Poire (1937) 63 B.R. 1; Hogue v. X (1937) 75 C.S. 63; E v. M (1939) 77
C.S. 298; Casavant v. X (1939) 77 C.S. 447; Nelligan v. Clement (1939) 67 B.R.
328; Lalumiare v. X [1946] C.S. 294; Fafard v. Gervais [1948] C.S. 128; Petit
v. H6pital Ste-Jeanne d’Arc, supra, note 5; Rousseau v. Ferron, C.S. (Montreal,
262,089), ler octobre 1951, et Mellen v. Nelligan, supra, note 5. Voir, plus r6-
cerment, Gagnon v. Corporation de l’H6pital des Sept-Iles, C.S. (Hauterive,
5,317), 26 janvier 1972; Delisle-Trottier v. Clinique Roy-Rousseau, C.S. (Qu6bec,
3,783), 12 janvier 1973; Diamond v. Bikadoroff [1976] C.A. 695; Tremblay v.
Corporation des Soeurs hospitaliares de St-Joseph de l’H6tel-Dieu de Haute-
rive, C.S. (Hauterive, 7,832), 28 janvier 1977; Richard v. H6pital St-Michel
Archange, C.S. (Quebec, 200-05-000 858-758), 13 mars 1978; Beaulieu-Giroux
v. Paradis, C.S.
(Chicoutimi, 150-05-000 402-74), 27 juin 1977; Langlois v.
Clinique Roy-Rousseau, C.S.
(Qu6bec, 200-05-000 242-771), 28 fdvrier 1980;
Cindas v. H6pital Louis-Hippolyte-Lafontaine, C.S. (Montrdal, 05-022 493-777),
27 juin 1979; Lapierre v. Le Procureur gdndral du Qudbec [1979] C.S. 907, et
commentaire Legrand, supra, note 66, et Bois v. H6tel-Dieu de Qudbec, C.S.
(Quebec, 6,218), 29 fdvrier 1980.

Mais, voir Griffith v. Harvood (1900) 9 .B.R. 299, et Bordier v. S (1934)
72 C.S. 316. Voir, h ce sujet, Boucher et al., supra, note 2, aux pp. 319 et seq.

1981] LA RESPONSABILITP- DE L’ITABLISSEMENT HOSPITALIER

697

ce du droit positif frangais, 8 doctrine” et jurisprudence, 0 malgr6
certaines h6sitations,71 certaines r6sistances mime,72 s’accordent
pour attribuer d’une faron g6n6rale une qualification contractuelle

08Voir, h ce sujet, X v. Mellen, supra, note 49, aux pp. 408 et seq. En
France, en effet, depuis le cdl~bre arr~t de la Cour de cassation du 20 mai
1936, supra, note 66, i est maintenant incontestable que la responsabilitd
civile m6dicale rev~t, en principe, un caract~re contractuel. Voir, h ce sujet,
H., L. & J. Mazeaud, supra, note 46 nos 401 et seq., aux pp. 371 et seq.; H.
& L. Mazeaud, supra, note 46, no 148, aux pp. 183 et seq.; Savatier et al.,
Trait6 de droit mddical (1956), no 309, h la p. 288, et Auby, Le droit de la
santd (1981), aux pp. 311 et seq., 357 et seq., et 363 et seq.

09 Voir, en ce sens, Azard, L’volution actuelle de la responsabilitd mddicale
au Canada (1958)
10 Rev.int.dr.comp. 16; Bernardot & Kouri, L’6quipe m6-
dicale, h la p. 37; Boucher et al., supra, note 2, aux pp. 330 et seq., et 381
et seq.; nos 6tudes,
supra, note 45, aux pp. 66 et seq.; La responsabilitg
mddicale et hospitali~re dans la jurisprudence qu6bdcoise rdcente (1960) 20
R. du B. 433 [ci-apr~s: La responsabilitd mddicale], et La responsabilitg civile
mddicale et hospitaligre (1968), aux pp. 3 et seq.; Kouri, The Patient’s Duty
to Co-operate (1972) 3 R.D.U.S. 43; Mayrand, Permis d’opdrer, h la p. 156;
Meredith, Malpractice Liability of Doctors and Hospitals (1956), h la p. 1;
Perret, supra, note 2, aux pp. 63 et seq.; Popovici, “Rflexions sur les probl-
mes de responsabilit6 m&licale” in La mddecine et le droit, pp. 51 et seq.,
h la p. 54, et supra, note 20, et Stein, supra, note 8, h la p. 371. I1 convient,
toutefois, de souligner que la question de la responsabilit6 contractuelle
de l’dtablissement avait ddjh 6t.6 soulev~e par MacDougall, supra, note 5,
aux pp. 167 et seq.

70 Voir, en ce qui concerne -le contrat hospitalier, Beausoleil v. La Com-
munautg des Soeurs de la Charitd de la Providence, supra, note 16; H6pital
Ste-Justine v. Filion, supra, note 16; Martel v. H6tel-Dieu St-Vallier, supra,
note 18, h la p. 752; Marcoux v. H6pital Notre-Dame, C.S. (Montr6al, 709,904),
27 f6vrier 1969; Pontbriand v. Doucet, supra, note 18; Little v. St-Michel
Hospital, supra, note 20; Coulombe v. H6tel-Dieu de Montrdal, supra, note 20;
Kritikos v. Laskaris, supra, note 21; H6pital Notre-Dame de l’Espirance v.
Laurent, supra, note 47; Richard v. H6tel-Dieu de Quebec, supra, note 22;
Socidtd d’assurance des Caisses populaires v. Association des h6pitaux de la
Province de Quebec [1975] C.S. 158; Assurance Royale v. H6pital St-Joseph
de Rimouski, C.S. (Rimouski, 100-05-000 321-76), 23 juillet 1976; Chagnon-
Bouchard v. Parent, C.S. (Chicoutimi, 150-05-000 737-74), 9 juin 1976; Bou-
dreault v. H6pital gdndral de Baie Comeau Inc., C.S. (Hauterive, 7,321), 5
janvier 1978; Daigle v. H6pital Ste-Croix, C.S. (Drummond, 405-05-000 084-76),
13 juin 1977; Labrie-Collerette v. H6pital St-Luc, C.S. (MontrEal, 500-05-000
993-73), 15 ddcembre 1976; Langevin v. H6pital de l’Enfant-Jdsus, C.S. (Quebec,
200-05-000 597-745), 16 janvier 1977; Asselin v. Gagnon [1977] C.P. 452; Rizzo
v. H6pital Notre-Dame [1975] C.S. 425; Covet v. The Jewish General Hospital,
supra, note 23; Phillips v. Julius Richardson Convalescent Hospital Inc.,
supra, note 28; Cannon-Callaghan v. Mercier, supra, note 25; Cloutier v.
H6pital St-Joseph de Beauceville, supra, note 28; H6pital gdniral de la Rd-
gion de l’amiante Inc. v. Perron, supra, note 1, et Cloutier v. Ahad, C.S.
(Montr6al, 500-05-003 404-751), 2 juin 1980.

71 Voir X v. Rajotte (1938) 64 B.R. 484, et Lachance v. B [1961] C.S. 625.
72Voir, notamment, Godbout v. Marchand [1960] B.R. 1132.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 26

au rapport juridique qui s’est form6 entre le malade et l’6tablisse-
ment hospitalier, tout comme h celui qui s’ tablit entre le malade
et son mddecin.73 Cette 6volution repr6sente incontestablement, h
notre avis, une plus exacte analyse du lien le plus souvent form6
entre les parties.7 4 II n’emp6che, toutefois, que, dans certains cas,
la situation juridique doive s’analyser sur le plan extra-contrac-
tuel.7 5 I1 convient donc d’examiner successivement le regime contrac-
tuel, puis le regime extra-contractuel de responsabilit6 civile hospi-
taliire.

I. Le regime contractuel de responsabilitd hospitalibre

I1 parait ici utile de pr~ciser d’abord les conditions d’existence
du regime contractuel de responsabilit hospitali~re et ensuite, de
mettre en lumi~re diverses situations contractuelles susceptibles
de se presenter en milieu hospitalier.

73 Voir, A ce sujet, X v. Mellen, supra, note 49; G v. C [1960] B.R. 161;
Dufresne v. X, supra, note 53; Vdzina v. D [1961] C.S. 245; Gendron v. Duprd
[1964] C.S. 617; St-Hilaire v. S [1966] C.S. 249; Bilodeau v. Horner, C.S.
(Beauce, 30, 371), 31 janvier 1967; Plante v. Lacharitd, C.S. (Montreal, 371,275),
11 dacembre 1967; Bernard v. C [1969] C.S. 343; Gaudette v. Lambert, C.S.
(Montr6al, 693,679), 25 f6vrier 1969; Biouin v. Pruneau, C.S. (Hauterive, 2,466),
3 octobre 1969; Lefebvre v. Lamontagne [1970] C.A. 471; Cimon v. Carbotte
[1971] C.S. 622; Blais v. Hdbert, C.S. (Montr6al, 461,750), 3 mai 1972; H6pital
Notre-Dame v. Patry, supra, note 32; Heckey v. Martel, C.S. (Hauterive, 5,514),
14 aofit 1970; Jettd v. Beauchemin, C.S. (Montrdal, 02-007 205-73), 28 juin 1974;
Kritikos v. Laskaris, supra, note 21; Chagnon-Bouchard v. Parent, supra, note
70; Arnold v. Cohen, C.S. (Montr6al, 809,136), 28 octobre 1977; Hussereau v.
Gaudette, supra, note 47; Cloutier v. Ahad, supra, note 70; Dame Cataford
v. Moreau, supra, note 54; MacDonald v. Dubravcik, C.S. (Montr6al, 500-05-007
230-764), 4 d6cembre 1979, et Hamelin-Hankins v. Papillon [1980] C.S. 879.

Voir, h ce sujet, notre 6tude, La responsabilitd civile du mddecin (1977)
8 R.D.U.S. 25; Martel, Aspects juridiques de la faute professionnelle mddicale
(1976) Crit~re 233, et Mayrand, L’autonomie de la volontd du patient anesthd-
sid (1961) 21 R. du B. 297, h la p. 299.

II en est de m~me, en France, depuis le c~l~bre arr~t de la Chambre
civile de la Cour de cassation du 20 mai 1936, supra, note 66. Voir, 6galement,
Cass.Req., 15 juin 1937, Gaz.Pal.1937.2.411; Cass.Civ., 27 juin 1939, D.C.1941.
53, note Nest; S.1940.1.73, note Morel;
J.C.P.1940.II.1438, note Dalbont;
Cass.Civ., 27 mai 1940, D.C.1941.53, note Nast, et Cass.Civ.lre, ler juillet
1958, D.1958.600. Voir, h ce sujet, H. & L. Mazeaud, supra, note 46, no 148,
aux pp. 185 et seq.

Voir, par ailleurs, en droit civil compard: pour l’Italie, Bianchi d’Espinosa
et Zhara Buda, supra, note 66, aux pp. 531 et seq., et, pour ]a Suisse, Petit-
pierre, supra, note 66, aux pp. 567 et seq.

74 Voir, en ce sens, une critique raisonn6e de la d6cision de la Cour supr8-
me du Canada dans l’affaire H6pital Notre-Dame de l’Espdrance v. Laurent,
supra, note 25, par Magnet, supra, note 25.

75 Voir Covet v. The Jewish General Hospital, supra, note 23, h la p. 1394,

1981] LA RESPONSABILIT. DE L’TABLISSEMENT HOSPITALIER

699

A. Conditions de la responsabilitg hospitali~re contractuelle

L’application du r6gime contractuel suppose l’existence simul-
tande de deux conditions: un contrat valable et l’inex6cution d’une
obligation contractuelle.

1. Existence du contrat hospitalier

On ne saurait douter de

‘existence m6me d’un lien contractuel
lorsque le malade “par lui-meme ou pour lui-m~me …,76 sollicite
des soins hospitaliers requis par son 6tat de sant6. L’article 984
C.c., qui exige, pour la formation du contrat, le consentement de
deux personnes capables de contracter, un objet et une cause licite,
peut ais6ment y trouver application. Et les tribunaux ont eu maintes
fois l’occasion de reconnaitre 1’existence d’un contrat m6dico-hospi-
talier.7 7 C’est ainsi que, dans l’affaire Martel v. H6tel-Dieu St-Val-
lier, 8 la Cour supreme du Canada pouvait faire 6tat, dans les cir-
constances de l’esp~ce, d’un contrat hospitalier entre 1’6tablisse-
ment et le malade. Appel6 A interpr6ter la teneur d’un document
comportant “un consentement aux interventions”, M. le juge Pi-
geon, au nom. de la Cour, d6clarait:

Il ne s’y trouve rien qui modifie la nature juridique du contrat entre
le demandeur et 1’h6pital. Celui-ci est clairement une convention par
‘6tablissement s’est engag6 h fournir des soins au demandeur.Y9
laquelle
On sait, par ailleurs, qu’un lien contractuel peut s’6tablir entre
les parties contractantes, non seulement h leur b6n6fice r6cipro-
que, mais aussi, par le biais d’une stipulation pour autrui vis6e ht
P’article 1029 C.c., au b6n6fice d’une tierce personne. C’est, notam-
ment, h cette situation de fait que r6f6rait M. le juge Bissonnette,
de la Cour d’appel, dans l’affaire X v. Melen:

En effet, ds que le patient pdn~tre dans le cabinet de consultation du
m.decin, prend naissance entre celui-ci et le malade, par lui-m~me ou
pour lui-mame, un contrat de soins professionnels.8 0

7 Voir X v. Mellen, supra, note 49, h la p. 409 (M. le juge Bissonnette).
77Voir supra, note 70. II convient, en effet, de noter que le contrat petit
naitre entre l’6tablissement et le malade, soit personnellement, soit par man-
dataire. Voir, h ce sujet, arts 1701 et seq. C.c.

78 Voir supra, note 18.
79 Ibid., h la p. 752.
8OVoir supra, note 49, aux pp. 408-9. Voir, 6galement, Lajoie, supra, note
2, aux pp. 220-1. Mais, voir, toutefois, Bernardot, supra, note 5, h la p. 90, et
Mayrand L’inviolabilit de la personne humaine (1975), no 46, h la p. 57.
On n’a pourtant aucune difficult6 h voir, avec Legrand, supra, note 66, aux
pp. 882 et seq., dans l’affaire Lapierre, supra, note 67, une relation contrac-
tuelle entre la clinique gouvernementale et les parents de la jeune victime,
assortie d’une stipulation pour autrui au b6n6fice de cette derniire.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 26

En mati~re hospitalifre, une telle relation contractuelle se prd-
sente dans la plipart des cas d’hospitalisation d’un malade depuis
l’instauration, en 1960, du rdgime d’assurance-hospitalisation, selon
lequel, aux termes de l’article 2 de la Loi sur l’assurance-hospitali-
sation:

II est loisible au ministre de conclure avec tout centre hospitalier un
contrat, aux conditions 6tablies par le gouvernement, en vue de fournir
aux r6sidents du Qudbec et ii toutes autres personnes assurdes des servi-
ces hospitaliers assurds gratuitement selon des modalitds uniformes. 81
On est ici, incontestablement, en prdsence d’une stipulation pour
autrui dont pourra profiter toute personne admise au b6ndfice des
services assurds.81 Ainsi, par l’acceptation expresse, ou le plus sou-
vent implicite, de la stipulation intervenue en sa faveur, le b6n6fi-
ciaire, titulaire d’un droit “direct” aux prestations,8 devient un
crdancier contractuel des soins offerts par l’tablissement aux
termes du regime d’assurance-hospitalisation.

2. Inex~cution d’une obligation contractuelle

Ii ne suffit pas, toutefois, de savoir qu’un contrat lie les parties.
Encore faut-il, pour engager la responsabilitd contractuelle de l’une
d’elles, qu’il y ait eu inexdcution fautive du contrat. C’est poser IA,
ndcessairement, le probl~me du contenu du contrat par lequel un
6tablissement accepte de recevoir un malade dans l’un de ses ser-
I1 s’agit d’une question d61icate dont la solution repose,
vices.8
en d6finitive, sur l’article 1024 C.c. qui 6dicte:

Les obligations d’un contrat s’6tendent non seulement A ce qui y est
exprim6, mais encore A toutes les consequences qui en ddcoulent, d’apr~s
sa nature, et suivant
Cette disposition fondamentale du Code civil, qui consacre le
principe de la libert6 contractuelle dans le respect de l’ordre pu-
blic,8 pen-net d’analyser le contenu obligationnel du contrat hospi-

l’usage ou la loi.

‘dquite,

8’Voir L.R.Q., c. A-28.
82 Voir, pour la ddfinition du “resident” b~ndficiaire du r6gime d’assurance-
hospitalisation, Raglement gdnjral – Assurance-hospitalisation, art. l(n), qui
renvoie h R~glement gdndral –

Services de santi, art. 6.6.1.

83 Voir, sur la cr6ation du lien “direct” et l’effet prdcis de l’acceptation,
Baudouin, Les obligations (1970), no 334, A la p. 178, et Pineau, Thgorie des
obligations (1979), aux pp. 167 et seq., et, en France, H., L. & J. Mazeaud,
supra, note 46, no 796, aux pp. 881 et seq. Voir, de plus, en ce sens, Halld v.
Canadian Indemnity Co. [1937] S.C.R. 368, a la p. 377.

84 Voir, h ce sujet, Boucher et al., supra, note 2, aux pp. 409 et seq. Voir,
de plus, Bernardot, supra, note 5, aux pp. 91 et seq., et nos 6tudes, La respon.
sabilitd civile mddicale, aux pp. 458 et seq., et supra, note 69, aux pp. 16
et seq.

85 Voir arts 1022, 1024 et 13 C.c. Voir, a ce sujet, Baudouin, supra, note 83,

nos 42 et seq., aux pp. 33 et seq.

19811 LA RESPONSABILITt DE L’ TABLISSEMENT HOSPITALIER

701

talier,” tant sur le plan de l’6tendue du cercle contractuel que sur
celui de l’intensit6 des devoirs contractuels.

a. Etendue du cercle contractuel

II s’agit ici essentiellement de fixer le nombre d’obligations assu-
mdes par les parties. A cet 6gard, l’article 1024 C.c. autorise h cons-
tater qu’un contrat est susceptible de comporter deux catdgories
d’obligations: les unes, expresses, rdsultant de la volont6 ddclar6e
des parties, les autres, implicites, ddcoulant, soit de la nature m~me
du contrat, soit encore de l’6quit6, de l’usage ou de la loi.n Les
parties ont certes la possibilit6 de s’entendre expressdment sur cer-
taines clauses du contrat hospitalier. Ainsi, elles peuvent convenir
d’une hospitalisation en chambre privde ou semi-privde. 88 Elles peu-
vent encore s’entendre sur un rdgime particulier de surveillance.8 9
Elles peuvent 6galement prdciser les conditions d’une intervention,
t une mastectomie radicale
telle une promesse de ne pas procdder
s’il n’y a pas de cancer,90 ou une promesse de ne pas soumettre le
malade ht une anesthdsie rachidienne.9′ Autant d’exemples, parmi
d’autres, qui attestent la volont6 rdciproque des parties de fixer
expressdment le contenu obligationnel de leur contrat. Et l’on ne

86 Voir, h ce sujet, notre 6tude, supra, note 48, aux pp. 2 et seq. Voir, 6gale-

ment, en ce sens, Rizzo v. H6pital Notre-Dame, supra, note 70.

87 Voir, h ce sujet, notre 6tude, supra, note 48, aux pp. 5 et seq. Voir, en
ce sens, Dame Surprenant v. Air Canada, supra, note 45, h la p. 121; Senez
v. La Chambre d’immeuble de Montrdal, supra, note 50; La Banque de
Montrdal v. Le Procureur gdngral de la Province de Qudbec, supra, note 65,
et The National Drying Machinery Co. v. Wabasso Ltd, supra, note 45.

88 Voir, pour l’usage d’une chambre privde ou semi-privte, le tarif exigible

fix6 par le Raglement gdndral – Assurance-hospitalisation, arts 9 et 10.
89 Voir H6pital Notre-Dame v. Villemure, supra, note 21, h la p. 540.
90 Voir Morissette v. Pgloquin, C.S. (Montr&al, 05-014 240-756), 16 novembre

1976.

91 Voir Beausoleil v. La Communautg des Soeurs de la Charitg de la Pro-
vidence, supra, note 16. On notera que MM. les juges Casey (voir it la p. 41)
et Owen (voir h la p. 51) ont donn6 une qualification extra-contractuelle it
la faute de l’anesthdsiste qui passa outre h l’interdiction forrnelle de proc-
der h une rachianesthdsie. Il nous semble, au contraire, qu’il s’agit de la
violation d’une clause expresse du contrat selon laquelle la demanderesse
t 1’intervention h condition que 1’on y proc6-
avait accept6 de se soumettre
dat par voie d’anesth6sie g6nrale. I1 convient donc, en cette mati~re, de
l’6tablissement agit
le mddecin ou
soigneusement distinguer
au-del& de la volont6 du malade –
en accomplissant un acte qui n’avait
pas 6t6 pr6vu -,
ce qui, le cas 6ch6ant, placerait Ja faute sur le terrain!
extra-contractuel, et celui oti 1’on agit b l’encontre de la volont6 diu malade –
en accomplissant un acte expressement interdit -, ce qui constitue, comme
en 1’espYce, une faute contractuelle.

le cas otL

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 26

saurait douter que la violation dommageable de l’une ou l’autre
de ces obligations donne ouverture h un recours en responsabilitd
contractuelle, fond6 sur les articles 1065 et seq. C.c.

Si ‘on doit ainsi rdserver la possibilit6 de clauses expresses, on
peut constater cependant que la libert6 contractuelle en mati~re de
contrat hospitalier est singuli~rement restreinte car il s’agit d’un
contrat dont le contenu fait aujourd’hui l’objet d’une rdglementa-
tion minutieuse. 2 C’est donc plut6t vers les sources implicites du
contrat qu’il faut se tourner pour y inclure toutes les clauses qui
d~coulent de la nature de ce contrat, de l’usage, de 1’6quit6 et aussi
des dispositions facultatives et imperatives de la loi ou d’un r6-
glement d’application d’une loi. Cet effort d’analyse, exigd par le
lgislateur, est essentiel si l’on veut connaitre et apprdcier le con-
tenu exact du contrat hospitalier. M~me alors, l’analyse n’est pas
facile et les solutions qui s’en ddgagent ne sauraient valoir pour tous
les 6tablissements, car tous n’offrent pas les m6mes services. 3

D’une part, en effet, on peut, selon le cas, ddceler, h la charge
d’un 6tablissement, des obligations g6n6rales touchant l’admission
obligatoire d’un malade en cas d’urgence,
le choix d’un personnel

Services de santd.

92Voir, notamment, A ce sujet, les textes ldgislatifs et rdglementaires rela-
tifs au r6gime d’assurance-hospitalisation, supra, notes 10 et 12. Voir, de
m~me, Loi sur les services de santg et les services sociaux, L.R.Q., c. S-5, et
R~glement gdn~ral –
93 Voir, h ce sujet, Loi sur les services de santj et les services sociaux,
L.R.Q., c. S-5, art. 4, selon lequel les services de sant ne sont dus quo
“compte tenu de l’organisation et des ressources des 6tablissements qui dis-
pensent ces services.” Voir, dgalement, les diverses classifications d’6tablisse-
mcnts pr6vues au Raglement gdndral –
Services de santd, arts 2.2.1 et seq.
Voir, de plus, quant aux dispositions relatives au plan d’organisation de
l’6tablissement, 1’article 69 de la loi prdcitde, et les articles 4.1.1.4 et seq.
du r~glement prdcit6. Voir, Z ce sujet, Boucher et al., supra, note 2, aux
pp. 409 et seq., et notre dtude, supra, note 69, aux pp. 16 et seq., et, notam-
ment, pour les obligations d’un 6tablissement de convalescence, Phillips v.
Julius Richardson Convalescent Hospital Inc., supra, note 28.
0 4Voir, A ce sujet, Loi sur la protection de la santd publique, L.R.Q., c. P-35,

art. 43, et Charte des droits et libertds de la personne, L.R.Q., c. C-12, art. 2:

Tout Atre humain dont la vie est en p6ril a droit au secours.
Toute personne doit porter secours a celui dont la vie est en p6ril, per-
sonnellement ou en obtenant du secours, en lui apportant l’aide physique
ndcessaire et imm6diate, h moins d’un risque pour elle ou pour les tiers ou
d’un autre motif raisonnable.
Voir, de plus, Raglement ggndral –

Services de sant6, arts 3.2.1.6. et 3.3.3.4.

Voir, & ce sujet, St-Germain v. R [1976] C.A. 185, ainsi que Boucher
et al., supra, note 2, aux pp. 423 et seq.; Rodgers Magnet, The Right to
Emergency Medical Assistance in the Province of Quebec, (these Montrdal,
1977); Magnet, supra, note 25, hi la p. 143, et Bernardot & Kouri, supra, note
2, nos 426 et seq., aux pp. 278 et seq.

19813 LA RESPONSABILITIh DE L’ITABLISSEMENT HOSPITALIER

703

professionnel, administratif et auxiliaire suffisante 5 et competent,9
la constitution 97 et la conservation 98 des dossiers m6dicaux, le res-
pect du secret professionnel,9 9 les soins infirrniers,10 0 la s6curit6

95 Voir H6pital g~ndral de la Region de l’amiante Inc. v. Perron, supra, note
1; H6pital St-Louis de Windsor v. Leclerc-Richard [1966] B.R. 80; Dionne v.
Baie Comeau Co., C.S. (Hauterive, 3,554), 17 septembre 1970, et Parent v. Dage-
nais, supra, note 44. Voir, 6galement, Boucher et al., supra, note 2, h la p.
453, et Bernardot & Kouri, supra, note 2, nos 429 et seq., aux pp. 281 et seq.
Voir, en France, Cass.Civ.1_re, ler juin 1976, J.C.P.1976.II.18483, note Savatier.
96Voir, ht ce sujet, Rizzo v. H6pital Notre-Dame, supra, note 70, h la p. 428.
Sur les qualifications requises du personnel infirmier, voir Ducharme
v. Royal Victoria Hospital (1940) 69 B.R. 162; H6pital Ste-Justine v. Filion,
supra, note 16; Lefebvre v. Lamontagne, supra, note 73; Pontbriand v. Doucet,
supra, note 18, et Pincovsky v. Tessier, supra, note 67. Voir, h ce propos,
Boucher et al., supra, note 2, aux pp. 454 et seq., et Bernardot & Kouri,
supra, note 2, nos 429 et seq., aux pp. 281 et seq. Mais, voir Gingras & Valli –
res, Responsabilitds et obligations concernant le soin des malades (1970), aux
pp. 11 et seq. Voir, en France, Cass.Civ.1re, 9 mai 1973, J.C.P.1974.II.17643,
note Savatier; Gaz.Pal.1973.1.631, note Doll, et Montpellier, 21 novembre 1974,
Gaz.Pal.1975.1.206, note Doll.

97 Voir, h ce sujet, Loi sur les services de santg et les services sociaux,
L.R.Q., c. S-5, art. 173(b), et R~glement gindral – Services de sante, art. 3.5.1.
Voir, de plus, H6pital Laval v. McClish, C.S. (Qu6bec, 200-05-000 005-756), 8
janvier 1975, ainsi que Boucher et al., supra, note 2, aux pp. 500 et seq.

98 Voir R~glement gdnjral –

Services de santg, arts 3.5.7 et 3.5.8. Voir,

de plus, Boucher et al., supra, note 2, aux pp. 504 et seq.

99 Voir Charte des droits et libertds de la personne, L.R.Q., c. C-12, art. 9;

Code des professions, L.R.Q., c. C-26, art. 87; Loi sur l’assurance-hospitalisation,
L.R.Q., c. A-28, art. 12; art. 400 C.p.c.; Loi sur les services de santg et les ser-
vices sociaux, L.R.Q., c. S-5, art. 7; Loi mddicale, L.R.Q. c. M-9, art. 42, et
R~glement concernant le code de ddontologie (m6decins), G.O.Q., 1980.11.1878.
Voir, toutefois, Loi sur la protection de la santd publique, L.R.Q., c. P-35, art.
5, al. 1, et Loi sur la protection de la jeunesse, L.R.Q., c. P-34, art. 39.

Voir Bernardot & Kouri, supra, note 2, nos 389 et seq., aux pp. 256 et seq.,
et nos 463 et seq., aux pp. 306 et seq.; Boucher et al., supra, note 2, aux pp.
491 et seq., et aux pp. 509 et seq.; Baudouin, Secret professionnel et droit au
secret dans le droit de la preuve (1965), et notre 6tude, supra, note 69, h la
p. 18. Voir, h ce sujet, Assurance Royale v. H6pital St-Joseph de Rimouski,
supra, note 70; Socidtd d’assurance des Caisses populaires v. Association des
h6pitaux de la Province de Qudbec, supra, note 70; H6pital Laval v. McClish,
supra, note 97; Socidtd centrale d’hypothque et de logement v. Pagd [19771
C.A. 560; Henderson v. The Montreal Transportation Commission [1969] C.S.
346; Morrow v. Royal Victoria Hospital [1972] C.S. 549, et Gauthier v. L’H6pi-
tat de Chicoutimi Inc. [1974] R.P. 269 (C.S.).

‘ 00 Voir R~glement gdndra – Assurance-hospitalisation, art. 3(a)(ii). Voir,
h ce sujet, notamment, H6pital Ste-Justine v. Filion, supra, note 16; H6pital
St-Louis de Windsor v. Leclerc-Richard, supra, note 95; Brisson v. H6pitai
Jeffrey Hale, C.S. (Qu6bec, 147,149), 28 mai 1970; Gagnon v. Corporation de
l’H6pital des Sept-Iles, supra, note 67; Gagnon-Dionne v. H6pital St-Joseph

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 26

du malade en ce qui concerne, notamment, les normes particuli~res
relatives h la construction et i l’utilisation de l’immeuble comme
6tablissement hospitalier, 0 1 la mise en place et l’entretien des appa-
reils, des instruments10 2 et du mobilier requis par la vocation et
le plan d’organisation de l’6tablissement, 10 3 les mesures d’hygi~ne, 10

de Rimouski, C.S. (Rimouski, 35,006), 11 avril 1972; Thioret v. H~pital du
Sacrd-Coeur, C.S. (Hull, 13,089), 13 novembre 1972; Goulet v. Corporation de
l’H6pital Charles-Lemoyne, supra, note 44; Landry v. H6pital Notre-Dame-de-
Chartres de Maria Inc., C.S. (Bonaventure, 8,447), 19 aofit 1974; Richard v.
H6tel-Dieu de Qudbec, supra, note 22; Labrie-Collerette v. H6pital St-Luc,
supra, note 70; Phillips v. Julius Richardson Convalescent Hospital Inc.,
supra, note 28; Bernard v. H6pital St-Joseph de Beauceville, supra, note 44;
Bosowa v. H6pital Ste-Jeanne d’Arc, C.S. (Montr6al, 500-05-020 161-756), 16
mars 1978; Boudreault v. H6pital gdndral de Baie Comeau Inc., supra, note
70; Boudreault v. H6pital Ste-Jeanne d’Arc, C.S. (Montreal, 500-05-007 364-73),
8 mars 1978, et Cannon-Callaghan v. Mercier, supra, note 25.
101 Voir, h ce sujet, les normes fix6es par Loi sur la sdcuritd dans les ddifi-
ces publics, L.R.Q., c. S-3; Code du batiment, G.O.Q., 1976.11.6505; Code national
du biltiment, 7e dd. (1977); Code national de prdvention des incendies, 2e 6d.
(1977), et Raglement ggndral –
Services de santd, art. 3.8.1. Voir, sur cette
question, notamment, Duchesne v. H6tel-Dieu St-Vallier de Chicoutimi, C.S.
(Chicoutimi, 40,762), 7 juin 1972; Rizzo v. H6pital Notre-Dame, supra, note
70, A la p. 428; Warren v. H6pital St-Frangois d’Assise, C.S. (Qu6bec, 200-05-002
225-76), 17 juin 1977, et H6pital gdniral de la Rdgion de l’amiante Inc. v.
Perron, supra, note 1.

102 Voir, notamment, Lavoie v. Guimond, C.S. (Chicoutimi, 150-05-000 696-75),

30 avril 1979.

103 Voir, h ce sujet, notamment, R~glement gdndral – Assurance-hospitalisa-
tion, art. 3(a)(v) h (viii); Raglement g~ndral –
Services de santd, arts
4.5.2.16 et 4.5.2.17; Raglement modifiant le r9glement en vertu de la loi de
la protection de la santd publique, G.O.Q., 1975.11.3323, art. 4, et Raglement
modifiant le Raglement en vertu de la Loi de la protection de la santd pu-
blique, G.O.Q., 1979.11.2187, art. 5.

Voir, 6galement, Boucher et al., supra, note 2, aux pp. 465 et seq.; Bernar-
dot & Kouri, supra, note 2, nos 433 et seq., aux pp. 286 et seq. Volt, de plus,
ce sujet, Bouillon v. Poire, supra, note 67; Elder v. King [1957] B.R. 87;
VWzina v. D, supra, note 73; Blouin v. Pruneau, supra, note 73; Richard v.
H6tel-Dieu de Quibec, supra, note 22; Chaput v. H6pital St-Joseph de Granby,
C.S. (Bedford, 16,437), 5 janvier 1970, et Labrie-Collerette v. H6pital St-Luc,
supra, note 70.
104 Voir, notamment, hce sujet, Loi sur les services de santd et les services
sociaux, L.R.Q., c. S-5, art. 173(e); Raglement gdnjral –
Services de santd,
arts 3.8.1 et seq.; Rfglement en vertu de la Loi de protection de la santd publi-
que, G.O.Q., 1974.11.1827, arts 2.104, et 4.101 et seq.; Raglement modifiant le
r~glement en vertu de la loi de protection de la santd publique, G.O.Q.,
1975.11.3323, art. 4, et Raglement modifiant le raglement en vertu de la Loi
de la protection de la santd publique, G.O.Q., 1976.I.5691, art. 1.

Voir, hi ce sujet, Grant v. Royal Victoria Hospital, C.S. (Montr6al, 298,702),
19 juin 1958, et Massd v. Gaudette, supra, note 49, ainsi que Boucher et al.,
supra, note 2, aux pp. 438 et seq.

1981] LA RESPONSABILITA DE L’TABLISSEMENT HOSPITALIER

705

la surveillance,1 5 parfois 6troite,00 du malade, les services d’h6telle-
ne comportant logement et pension appropri~s,’1 r la garde, le cas
chdant, des effets, valeurs et biens du patient, 08 et enfin, le bon

10.5 Voir, h ce sujet, R~glement gdngral –

Services de santd, art. 3.8.1. Voir,
h ce sujet, Coulombe v. H6tel-Dieu de Montreal, supra, note 20. Voir, 6gale-
ment, Bacon v. H6pital du St-Sacrement, supra, note 67; Spurrel v. Royal
Victoria Hospital, supra, note 47; Lafreni~re v. Bale Comeau Co. [1968] C.S.
49; Arhontis v. HOpital Douglas, C.S. (Montreal, 766,759), 15 mars 1973; Four-
nier ‘V. H6tel-Dieu d’Arthabaska, C.S. (Arthabaska, 21,321), 23 juillet 1973;
Berger v. H6tel-Dieu de Sorel Inc., CA. (Montr6al, 09-000 892-745), 6 mai
1977; Daigle v. H6pital Ste-Croix, supra, note 70; Lambert-Lauziare v. H6tel-
Dieu d’Arthabaska, CA. (Quebec, 200-09-000 465-74), 7 juin 1976; Langevin v.
H6pital de l’Enfant-J1sus, supra, note 70; Corporation de l’H6tel-Dieu de
Salaberry de Valleyfield v. Audette [1977] C.A. 587; Phillips v. Julius Richard-
son Convalescent Hospital Inc., supra, note 28; Richard v. H6pital St-Michel-
Archange, supra, note 67; Rizzo v. H6pital Notre-Dame, supra, note 70, et
Langlois v. Clinique Roy-Rousseau, supra, note 67.

106Voir, h ce sujet, Villemure v. L’H6pital Notre-Dame, supra, -note 20;
Clinique Roy-Rousseau v. Delisle-Trottier, supra, note 67; Genest v. Thdroux-
Bergeron [1976] C.A. 604; Turcotte v. Corporation de l’H6tel-Dieu d’Artha-
baska, C.S. (Arthabaska, 22,173), 12 novembre 1973; Hdritiers de la succes-
sion de Cldmentine Birtz v. Corporation de l’H6pital Honorg-Mercier [1977]
C.S. 279; Laflamme-Rousseau v. Corporation de l’H6tel-Dieu d’Arthabaska,
C.S. (Arthabaska, 415-05-000 072-74), 13 mai 1976; Thdoret v. H6pital du Sacrg-
Coeur, supra, note 100; Duchesne. v. B6tel-Dieu St-Vallier de Chicoutimi, supra,
note 101; George v. Boivin, Juneau & Dion Inc., supra, note 54, et Crevier
v. Hdpital St-Luc (1940) 46 RJ. 459 (C.S.).

Voir, 6galement, en France, CassCiv.lre, 17 janvier 1967, D.S.1968.357, note
Savatier. En ce qui concerne la surveillance du sommeil anesth4sique, voir,
notamment, H6pital gdngral de la Rigion de l’amiante Inc. v. Perron, supra,
note 1, aux pp. 579 et seq., et, en France, Cass.Civ.l6re, 10 juin 1980, Bull.civ.,
I, no 78, p. 145.
107 Voir Raglement gdndral – Assurance-hospitalisation, art. 3(a)(!). Voir, h ce
sujet, Coulombe v. H6tel-Dieu de Montreal, supra, note 20, et Thdoret v.
H6pital du Sacrd-Coeur, supra, note 100. Voir, de plus, Bernardot & Kouri,
supra, note 2, nos 451 et seq., aux pp. 298 et seq.; Boucher et al., supra, note 2,
aux pp. 430 et seq., et notre ftude, supra, note 69, h la p. 19.

108 Voir, h ce sujet, Vigneault v. H6pital Ste-Croix [1969] C.S. 359, oii il
s’agissait d’une demande en recouvrement d’une somme d’argent que portet
sur lui le demandeur lors de son hospitalisation d’urgence, ht la suite d’une
crise cardiaque.

Sur le caract~re exceptionnel du regime du d6p6t n~cessaire des articles
1813 et seq. C.c., et partant, sa non application aux 6tablissements hospitaliers,
voir Bernardot & Kouri, supra, note 2, nos 455 et seq., aux pp. 300 et seq.;
Boucher et al., supra, note 2, aux pp. 435 et seq., et Roch & Par6, Du mandat,
du prdt, du ddp6t, [etc.] in Trudel, Traitg de droit civil du Quibec (1952),
t. XIII, aux pp. 288 et seq. Voir, 6galement, en France, H. L. & J. Mazeaud,
Legons de droit civil [;] Principaux contrats (1975), 4e 6d. par de Juglart,
t. III, vol. 2, nos 1509 et seq., aux pp. 753 et seq., ainsi que Cass.Civ.1~re, 17
d~cembre 1957, D.1958.96, et obs. H. & L. Mazeaud in (1958) 56 Rev. trim.dr.
civ. 247.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 26

fonctionnement des services, de mrme que des organes et mca-
nismes de contr6le de la qualitd des soins et services offerts par
1’dtablissement. 109

D’autre part, il peut arriver qu’h ces obligations g6n6rales vien-
nent s’ajouter, dans le cadre des r6gimes rdglementaires, notam-
ment celui de l’assurance-hospitalisation, et des statuts et r~glements
internes de l’dtablissement, des obligations spdciales comportant
prestation de soins ou de services professionnels. Ainsi, l’dtablisse-
ment, devenu “entrepreneur de soins”, assume souvent des devoirs
particuliers en ce qui concerne, notamment, le devoir d’informa-
tion,110 l’dtablissement du diagnostic,”” et 1’application et le con-

3

09 Voir, h ce sujet, Loi sur les services de santg et les services sociaux,
L.R.Q., c. S-5, touchant les divers comit6s et conseils dont 1’existence et le
fonctionnement sont pr6vus par la loi, de m~me que les dispositions rdgle-
mentaires les concernant, 6nonc6es in Raglement gindral –
Services de santd.
Voir, .galement, Bernardot & Kouri, supra, note 2, nos 462 et seq., aux pp.
305 et seq., et Boucher et al., supra, note 2, aux pp. 452 et seq. Voir, encore,
Pontbriand v. Doucet, supra, note 18; H6pital gdndral de la Rdgion de l’amiante
Inc. v. Perron, supra, note 1, et Parent v. Dagenais, supra, note 44.

10 Voir, sur le consentement “6olair” du malade, Cass.Civ.l6re, J.C.P.1961.
11.12129, note Savatier, ohi le tribunal -nonce que le m6decin doit donner h son
malade “une information simple, approximative, intelligible et loyale, pour lui
permettre de prendre la ddcision qu’il estimait s’imposer”.

Voir, sur les variations dans l’tendue du devoir d’information selon les
circonstances et le caract~re du traitement ou de l’intervention, Mayrand,
supra, note 80, nos 31 et seq., aux pp. 38 et seq., et supra, note 73, ainsi que
Meredith, supra, note 69, A la p. 8. Voir, dgalement, en France, Doll, Les rd-
centes applications jurisprudentielles de l’obligation pour le mddecin de ren-
seigner le malade et de recueiflir son consentement dclaird, Gaz.Pal.19722.428.
Voir, en jurisprudence, notamment, Bordier v. S, supra, note 67; Lachance
v. B, supra, note 71; Dulude v. Gaudette [1974] C.S. 618; Deziel v. Regneault
[1974] C.S. 624; Tremblay v. Ethier, C.S. (Montr6al, 05-008 100-72), 27 octobre
1975; Hgritiers du docteur Jean Sirois v. Brunelle [1975] C.A. 779; Bernard v.
Crevier, supra, note 47; Arnold v. Cohen, supra, note 73; Tremblay v. Boyer
[1977] C.S. 622; Hussereau v. Gaudette, supra, note 47; Lapointe v. H6pital
St-Frangois d’Assise [1979] C.S. 656; Lavoie v. Guimond, supra, note 102; Mac
Donald v. Dubravcik, supra, note 73; Nadeau v. Ainmelk, C.S. (Drummond,
405-05-000 296-74), 18 juin 1979; Robillard v. Sullivan, supra, note 54; Hamelin-
Hankins v. Papillon, supra, note 73, et Sunne v. Shaw, supra, note 47.

Voir, en common law canadien, Hopp v. Lepp [1980] 2 R.C.S. 192, et Reibl
v. Hughes (1981) 114 D.L.R. (3d) I(C.S.C.). On peut regretter que, dans les
affaires Robillard, supra, Hamelin-Hankins, supra, et Sunne, supra, la Cour
sup6rieure ait cru devoir se r6f6rer A l’une ou l’autre de ces d6cisions de
common law, qui se pr6sentent dans un contexte juridique diffdrent, alors
que les principes du droit civil suffisent largement h r6gler ce probl~me dans
le cadre du regime de l’obligation de prudence et de diligence, dont l’apprd-
ciation, selon les circonstances particuli6res de chaque espce, doit 6tre, non

1981] LA RESPONSABILITP- DE L’.TABLISSEMENT HOSPITALIER

707

tr6le du traitement: medication et autres soins ou services para-
m6dicaux,”12 soins m6dicaux,” 3 anesth~sie” 4 et chirurgie.l15

Quoiqu’il en soit, il parait utile de rappeler que c’est au mo4
ment de la formation du lien contractuel et en consid6ration des
circonstances particuli~res de chaque esp~ce que se fixe le con-
tenu du contrat form6 entre les parties. Et, h cet 6gard, la th~orie
de l’apparence peut jouer un rble non n6gligeable dans la d6termi-
nation du contenu obligationnel du contrat hospitalier.”0 Ainsi,
par exemple, lorsqu’une personne se pr6sente ht la clinique externe
ou ii la clinique d’urgence d’un 6tablissement pour y solliciter des
soins et que, sans plus, un m6decin “d’accueil”, de garde ce jour-1h,
la regoit, examine le dossier, lui fait subir des examens de labora-
toire ou de radiographie, 6tablit un diagnostic, prescrit un traite-
ment, dresse une ordonnance, d6cide, dans 1’exercice d’un jugement
professionnel, soit de la renvoyer h domicile,” ‘ soit de la traiter sur

pas 6rig~e au niveau d’une r~gle de droit, mais bien laissde h l’appr&ciation
souveraine du juge du fait. On ne peut, A cet 6gard, qu’approuver F’attitude
de M. le juge Bergeron, de la Cour sup6rieure, qui, dans l’affaire Dunant v.
Chong, supra, note 47, tout en Ge r6fdrant aux aTrts rcents de la Cour
supreme, supra, en appr6cie la pertinence dans le cadre des circonstances
particuli~res de l’esp~ce.

111 Voir, h ce sujet, Rgglement gdndral – Assurance-hospitalisation, art. 3(a)
(dii). Voir, 6galement, Bernardot & Kouxd, supra, note 2, nos 421 et seq., aux
pp. 274 et seq., et, notamment, De CroiseIes v. H6pital de l’Enfant-Jgsus, C.S.
(Quebec, 153,358), 21 novembre 1972; Dougan v. Teno, C.S. (Hull, 14,406), 8
aofit 1973, et H6pital Notre-Dame de ‘Espirance v. Laurent, supra, note 25.

2 Voir, Vr/ce sujet, Loi sur les services de santd et les services sociaux,
L.R.Q., c. S-5, art. 150; Loi sur ‘assurance-hospitalisation, L.R.Q. c. A-28, art. 2;
R~glement gdndral – Assurance-hospitalisation, art. 3, et Loi sur la pharmacie,
L.R.Q., c. P-10, art. 21, ainsi que Boucher et at., supra, note 2, it la p. 448, n. 105.
113 Voir, notamment, Cloutier v. H6pital St-Joseph de Beauceville, supra,
note 28; H6pital Notre-Dame v. Patry, supra, note 32; H6pital gdndral de la
Region de l’amiante Inc. v. Perron, supra, note 1; Little v. St-Michel Hospital,
supra, note 20, et Pontbriand v. Doucet, supra, note 18.

4 Voir, notamment, Kritikos v. Laskaris, supra, note 21; Beausoleil v. La
Communautd des Soeurs de la Charitd de la Providence, supra, note 16; Martel
v. H6tel-Dieu St-Vallier, supra, note 18; Covet v. The Jewish General Hospital,
supra, note 23; Richard v. H6tel-Dieu de Quebec, supra, note 22, et H6pital
gdndral de la Rdgion de l’amiante Inc. v. Perron, supra, -note 1.

11

115 Voir, notamment, McCormick v. Marcotte [1972] R.C.S. 18; Pontbriand

v. Doucet, supra, note 18, et Asselin v. Gagnon, supra, note 70.

10 Voir, sur la thdorie de

‘apparence, Ghestin & Goubeaux, Traitg de droit
civil [;] Introduction gindrale (1977), nos 770 et seq., aux pp. 654 et seq. Voir,
ai ce sujet, Beausoleil v. La Communautd des Soeurs de la Charitd de la Pro-
vidence, supra, note 16, et, notamment, h la p. 43.

“11 Voir, notamment, Bonfond v. Malenfant, supra, note 47.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 26

place ou de la diriger vers un dtablissement spdcialis6, 11 8 il nous
parait que les indications particuli~res et les apparences jouent en
faveur de la formation d’un contrat avec l’6tablissement et non pas
avec le mddecin de garde. Le malade qui se prdsente ainsi n’a a
s’enqu6rir ni du statut ou des fonctions du mddecin dans l’6tablisse-
ment, ni de la nature du contrat de services professionnels qui relie
ce dernier h
‘tablissement, ni du rdgime de rdmun6ration du pra-
ticien, ni encore de la place qu’occupe le service d’urgence ou la
clinique au sein de l’6tablissement. 1 9 En. un mot, comme l’dcrivait
M. B. Sluyters, “[I]e patient 16s6 ne doit pas avoir ht se prdoccuper
du maquis des relations intdrieures h l’h6pital.”‘ 20 I1 est venu y

118 Voir, e.g., Bois v. H6tel-Dieu de Qugbec, supra, note 67, ohL le demandeur,
s’ftant infligd une blessure t l’oeil, se pr6senta A la clinique d’urgence de
l’tablissement ddfendeur o& i fut reru par un interne qui, apr~s un examen
succinct de l’oeil et une consultation avec un rdsident de garde, n’ayant pas
cru devoir appeler l’ophtalmologiste de garde, appliqua un pansement sec et
remit au malade une note l’invitant h se reprdsenter le lendemain matin k la
clinique externe pour y voir tun .sp6cialiste.

C’est lh une situation typique oit l’4tablissement lui-m~me s’engage

fournir les services mdicaux d’urgence. On doit, toutefois, regretter que le
tribunal n’ait pas cru devoir placer la responsabilit6 de l’6tablissement sur
son vdritable terrain, c’est-b-dire celui de la violation d’une obligation con-
tractuelle de soins vis-h-vis du malade.

Voir, 6galement, l’affaire Lapointe v. Hdpital Le Gardeur, supra, note 49,
oii le mddecin gdn6raliste de garde h la clinique d’urgence de l’6tablissement,
ayant reru un enfant victime d’une blessure comportant, notamment, section
complete de l’artre hum6rale au pli du coude, d6cida, apr~s avoir rdtabli, par
l’installation d’un solute, le fonctionnement du syst~me cardio-vasculaire, de
diriger la victime vers l’H6pital Ste-Justine, h Montreal, un h6pital universi-
taire hautement spdcialis6 en mati6re pdiatrique, oii l’on serait mieux en me-
sure de prdvenir un accident cardio-respiratoire et, le moment venu, de pro-
c&ter Ai la .r6paration de la blessure. Le tribunal ent6rina la d6cision du
m~decin.
“19 Voir, e.g., Chagnon-Bouchard v. Parent, supra, note 70, et Lafrenigre v.
120 Voir “La responsabilit, dans le cadre hospitalier” in La responsabilitd
des mddecins, pp. 43 et seq., ht la p. 59. L’auteur prdconise prdcis6ment le
recours au “principe des apparences, qui relive du droit des contrats”. Voir
h la p. 60. Ii &crit encore:

H6pital Maisonneuve [1963] C.S. 467.

Dans la mesure, par exemple, ot lh6pital – par son organisation et l’im-
pression qu’il produit – donne hi penser au patient qu’il sera bien soign6,
notamment par des spdcialistes, le patient peut s’en remettre aux appa-
rences et tenir l’h6pital pour civilement responsable des actes des md-
decins priv s exergant dans cet h6pital.

Voir, dgalement, Revillard, supra, note 35 h la p. 154.

Tel 6tait notarnment le cas dans laffaire Covet, supra, note 23, oh la Cour,
selon la preuve offerte, a pu estimer que 1’anesthdsiste avait dtd impos6 au
malade et que, d~s lors, c’est l’6tablissement qui s’6tait contractuellement
engag6 t fournir l’anesthdsie. Voir, de plus, supra, note 110.

1981] LA RESPONSABILIT DE L’.TABLISSEMENT HOSPITALIER

709

solliciter des soins: un m6decin qu’il n’avait jamais vu auparavant
s’est pr6sent6 et les lui a prodigu6s. Le malade est en droit de pen-
ser que c’est avec 1’6tablissement qu’il a fait “affaire” et que c’est
ce dernier qui s’est contractuellement engag6 h lui fournir les soins.
‘apparence’ et faire naitre un contrat de soins m~di-
Pour modifier
caux distinct du contrat hospitalier, il faut tirer de la preuve offerte
des indices particuli~rement nets qui permettent de conclure que
. 1’h6pital, a pu se rendre
le malade, au moment de son arriv6e
compte que c’est bien avec le m6decin plut6t qu’avec 1’6tablisse-
ment i’2 que le contrat s’est form6.

Sans doute s’agit-il 1h d’une question de fait et

‘on ne saurait
porter jugement sur une affaire sans avoir pu prendre connaissan-
‘ensemble de la preuve offerte quant aux circonstances qui
ce de
ont entour6 la prise en charge du malade. A cet 6gard, on peut
comprendre la d~cision de la Cour d’appel dans l’affaire Beauso-
leil,’122 otL M. le juge Casey estimait pouvoir tenir 1’6tablissement res-
‘anesth6siste car, au regard de la preuve
ponsable de la faute de
offerte, ce dernier agissait comme repr6sentant de 1’6tablissement.
On peut aussi comprendre la d6cision de la Cour supreme du Ca-
‘affaire Villemure, oii la majorit6 approuvait M. le juge
nada dans
Choquette, dissident en Cour d’appel, qui, pour tenir 1’6tablissement
responsable du suicide d’un malade, pouvait estimer que “[1]e but
6vident du docteur Brassard [le m6decin traitant qui avait sollicit6
‘hospitali-
r’hospitalisation] et de la demanderesse 6tait d’obtenir
sation du malade, non de fournir un patient priv6 h rappelant [le
psychiatre], qu’ils ne connaissaient pas”.is3 On peut 6galement com-
prendre la decision de la Cour sup6rieure dans la r~cente affaire
Cloutier qui, retenant la responsabilit6 de 1’6tablissement, d6clarait:
Ce n’est pas le patient qui a retenu les services du d~fendeur [le m6-
decin de garde] ni m~me son m6decin traitant ou une autre personne
agissant pour lui, mais bien l’h6pital qui, par r’entremise de l’infirmi~re
de service, a obtenu une prescription de la part du d~fendeur. Ce dernier
n’est donc devenu en aucun temps cocontractant du patient, mais est
demeur6 mandataire et pr~pos6 de l’h6pital pour la prestation des soins
que cette derni~re [sic] s’est engag6e A fournir A sa clinique externe ou
salle d’urgence.124

2’iAinsi, le cas d’une pancarte visiblement affich~e h 1’entr~e des services
externes, portant l’inscription Services externes – Clinique privge – Drs
X, Y et Z.

122 Voir Beausoleil v. La Communautg des Soeurs de la Charit6 de la Pro-
vidence, supra, note 16. Voir, 6galement, Little v. St-Michel Hospital, supra,
note 20.

123 Voir H6pital Notre-Dame v. Villemure, supra, note 21, aux pp. 541-2.
124 Voir Cloutier v. H6pital St-Joseph de Beauceville, supra, note 29, ht la

p. 953 (M. le juge Moisan).

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 26

‘ Enfin, on a peine

En revanche, on h6site i suivre M. le juge Brossard de la Cour
‘affaire Martel, qui, 6nongant la r~gle que “[d]hs
d’appel, dans
que le mddecin et le patient entrent en contact soit personnellement,
soit par personnes interposdes, pour convenir que le mddecin pro-
diguera ses soins mddicaux au patient, un contrat se forme entre
5 en tire la conclusion que les relations juridiques entre le
eux”,1
2
malade et l’anesthdsiste de l’6tablissement 6taient, en resp~ce, d’or-
dre contractuel. L’6nonc6 de principe est certes juste, mais on ne
saurait, de cela seul, en conclure que, dans les circonstances parti-
culi~res de F’esp~ce, l’anesth6siste a pass6 contrat avec le malade.
Et, h cet 6gard, en Cour supreme, M. le juge Pigeon nous donne de
bonnes raisons de croire que, selon la preuve rapportde en l’esp6-
ce, “[ill serait contraire aux faits prouvds que de consid6rer l’h6pital
comme un mandataire ayant requis pour le compte du demandeur
les services professionnels de l’anesthdsiste. Ce n’est pas ce qui
s’est produit”.12
t suivre M. le juge Pigeon qui,
dans l’affaire Laurent, afin d’6carter la responsabilit6 de 1’6tablisse-
ment pour la faute d’un mddecin de garde, invoque, au regard de
la preuve faite au proc~s, “les arrangements relatifs au fonctionne-
ment de la salle d’urgence”, 1′ et, notamment, la participation vo-
lontaire des mddecins au service de garde, sans assujettissement aux
ordres d’un directeur. Avec ddfdrence, ces faits, 6tablis a posteriori,
ne sauraient h eux seuls permettre de conclure h l’inexistence du
contrat hospitalier entre l’6tablissement et le malade. Ils ne seraient
d~cisifs, h notre avis, que si l’on avait prouv6 que le malade les
avaient connus au moment du contrat et qu’il s’6tait rendu compte
que c’est uniquement avec le mddecin que le contrat s’6tait form6.
Nous admettons fort bien, avec M. le juge Pigeon, que “[le con-
tenu du contrat hospitalier ne se determine pas a priori”.28 Toute-
fois, nous croyons qu’il ne saurait non plus se d6terminer a poste-
riori, mais bien, selon les circonstances de chaque cas, par la seule
prise en consideration de la “commune intention des parties’ 12
0
au moment de la passation du contrat. I1 s’agit, en somme, de ques-
tions d’esp~ce et la solution adopt6e par la Cour supreme dans

125 Voir H6tel-Dieu St-Vallier v. Martel, supra, note 9, h la p. 401.
126 Voir Martel v. H6tel-Dieu St-Valuer, supra, note 18, aux pp. 752-3.
127 Voir H6pital Notre-Dame de l’Espdrance v. Laurent, supra, note 25, h

la p. 609. Voir, 6galement, en ce sens, Magnet, supra, note 25, h la p. 141.

128Voir H6pital Notre-Dame de l’Espdrance v. Laurent, supra, note 25, A

la p. 613.

v. Laurent, supra, note 47.

12 9 Voir art. 1013 C.c. Voir, en ce sens, H6pital Notre-Dame de l’Espdrance

1981] LA RESPONSABILITI. DE L’TABLISSEMENT HOSPITALIER

711

l’affaire Laurent, comme le reconnalt d’ailleurs volontiers M. le
juge Pigeon,130 ne saurait 6tre g6n6ralis6e.

b. Intensitd des devoirs contractuels

On s’entend g6n6ralement, en jurisprudence, pour n’imposer h
l’6tablissement hospitalier, comme au m6decin,’ 31 qu’une obligation
de moyens ou encore de diligence,’ 32 selon la classification moder-
ne mise en lumi6re par Demogue 3 3 et g6n6ralement accept6e en
France’34 et au Qu6bec. 3 5 C’est ainsi que, dans l’affaire Perron, M.

130Voir, h cet 6gard, H6pital Notre-Dame de l’Espgrance v. Laurent, supra,

note 25, b la p. 613.

131 Voir, notamment, X v. Mellen, supra, note 49; Blais v. Hgbert, supra,
note 73; Heckey v. Martel, supra, note 73; Villemure v. L’H6pital Notre-Dame,
supra, note 20, h la p. 720; Savoie v. Gaudette [1976] C.A. 127; Charette v.
Marchand, supra, note 47; Ldvesque v. Langis, C.S. (Qu6bec, 200-05-003 242-74),
21 d~cembre 1977; H6pital gdniral de la Rggion de l’amiante Inc. v. Perron,
supra, note 1; Miville v. Dubard, C.P. (Mingan, 650-02-000 887-792), 10 janvier
1980 (vt6rinaire), et Dunant v. Chong, supra, note 47. Voir, 6galement, en ce
sens, notre 6tude, supra, note 73, h la p. 28, n. 8, et les d6cisions y cit~es,
ainsi que Bernardot, De l’obligation de soigner dans le contrat medical (1977)
37 R. du B. 204, h la p. 205. Voir, toutefois, lorsque le m6decin a garanti les
r6sultats, Fiset v. St-Hilaire [1976] C.S. 994.

‘3 2 Voir, en ce sens, Duchesne v. H6tel-Dieu St-Vallier de Chicoutimi, supra,
note 101; H6pital gdndral de la Rdgion de l’amiante Inc. v. Perron, supra,
note 1; Coulombe v. H6tel-Dieu de Montrdal, supra, note 20; H6pital Ste-
Justine v. Filion, supra, note 16; Chagnon-Bouchard v. Parent, supra, note 70;
Morrow v. H6pital Royal Victoria, C.S. (Montr6al, 738,532), 18 septembre
1978, et Chevalier v. H6pital Royal Victoria, C.P. (Montr6al, 500-02-039 611-772),
30 juillet 1979. Voir, toutefois, Richard v. H6tol-Dieu de Qugbec, supra, note 22.
Voir, 6galement, Boucher et al., supra, note 2, aux pp. 411 et seq., et, en
France, Cass.Civ., 6 mars 1945, D.19451.217, et Cass.Civ.16re, 10 juillet 1979,
Bull.civ., I, no 207, p. 166. Voir, de plus, H., L. & I. Mazeaud, supra, note 46,
no 159-2, aux pp. 211 et seq., et, sp6cialement, h la p. 212, n. 34, et Auby, supra,
note 68, h la p. 359.

133 Voir Traitd des obligations en gdndral (1925 et 1931), t. V, no 1237, aux

pp. 526 et seq.; t. VI, no 180, aux pp. 184 et seq.

13 4Voir, en ce sens, notamment, Carbonnier, supra, note 43, no 71, aux pp.
249 et seq.; Chabas, supra, note 46; Flour & Aubert, Droit civil [;] Les obli-
gations (1975), vol. I, nos 43 et seq., aux pp. 31 et seq.; Frossard, La distinction
des obligations de moyens et des obligations de rdsultat (1965); Le Tourneau,
supra, note 46, nos 1083 et seq., aux pp. 373 et seq.; H., L. & J. Mazeaud, supra,
note 46, no 21, aux pp. 14 et seq.; H. & L. Mazeaud, supra, note 46, nos 103-2
et seq., aux pp. 113 et seq., et nos 692 et seq., aux pp. 777 et seq.; Plancqueel,
Obligations de moyens, obligations de rdsultat (1972) 70 Rev.trim.d-.civ. 334;
Savatier, supra, note 46, no 113, aux pp. 143 et seq., et t. II, no 778, h ta p.
381; Starck, supra, note 46, nos 1737 et seq., aux pp. 523 et seq.; Tunc, La
distinction des obligations de rdsultat et des obligations de diligence, J.CP.
1945.1.449; Weill & Terr6, supra, note 46, no 4, aux pp. 3 et seq., et nos 396

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 26

le juge Lajoie, exprimant en cela 6galement I’opinion de ses coll-
gues, MM. les juges Kaufman et Lamer, pouvait 6noncer tr~s pre-
cisdment le principe applicable en la mati~re:

En r~gle g6n6rale, le mddecin et l’h6pital n’ont pas envers le patient tune
obligation de rdsultat mais de moyens, c’est-&-dire une obligation de
prudence et de diligence dont la violation doit atre appr6cide non pas
subjectivement, en se demandant si l’auteur d’un acte ou d’une omission
a fait de son mieux, mais d’apr6s un critgre objectif, abstrait, qui con-
siste pour le Tribunal h se demander ce qu’aurait fait en pareil cas un
autre mdecin, un autre sp6cialiste, une autre infirmi6re, de science, de
compdtence et d’habiletd ordinaires et raisonnables, plac6 dans des cir-
constances semblables a celles oil se trouvait celui ou celle dont on veut
juger la conduite.’3 6
Cette proposition nous parait incontestable dans la mesure oil
l’Vtablissement ou le praticien s’engage & fournir des soins ou
services qui constituent l’exercice d’un art. C’est certes le cas de
l’acte mdical ou chirurgical ii propos duquel, ainsi que l’6crivait
M. le juge Vallerand, “la perception et l’apprdciation des signes
cliniques, le choix de la thdrapie compte tenu de la n6cessit6, des
avantages, de la disponibilit6 mais aussi des inconv6nients et des
risques de chacun des moyens entrepris, transcendent la science
et rejoignent l’art du m6decin.”‘ 317 C’est aussi le cas du devoir de
renseigner le malade, 38 de l’obligation de le surveiller, 39 et de lui
prodiguer des soins infirmiers d’apr6s les prescriptions medicales.1 40
Et le fait que ces soins et services soient assumds contractuellement
par -in 6tablissement hospitalier ne saurait, pour cette seule rai-

3

Zhara Buda, supra, note 43, aux pp. 531 et seq.

et seq., aux pp. 427 et seq., et Marty & Raynaud, supra, note 46, no 468, h
la p. 503. Voir, 6galement, Cass.Civ.lre, 4 mai 1970, Bull.civ., I, no 153, p. 123.
Voir, de plus, en droit civil compar6, pour l’Italie, Bianchi D’Espinosa et
8 5 Voir, h ce sujet, notamment, Azard, supra, note 49, A la p. 37; Baudouin,
supra, note 83, no 26, aux pp. 16 et seq.; Benardot, supra, note 5, aux pp. 28
et seq.; Boucher et al., supra, note 2, aux pp. 411 et seq.; nos 6tudes, supra, note
45, aux pp. 222 et seq., et supra, note 48, aux pp. 29 et seq.; Mayrand, Permis
d’opirer, h la p. 156, et supra, note 49, b la p. 13, ainsi que Pineau, supra, note
83, aux pp. 5 et seq. Mais, voir Perret, supra, note 2, aux pp. 75 et seq.

136 Voir H6pital gdngral de la Rdgion de 1’amiante Inc. v. Perron, supra, note 1.
3 7 Voir Lapointe v. H6pital Le Gardeur, supra, note 49, I la p. 16. Voir, de
1
plus, supra, note 131, et Hdmond v. Gendron, C.S. (Mdgantic, 5,783), 14 janvier
1978, ainsi que Truchon v. Ardanaz, C.P. (Montrdal, 500-02-046 431-249), 9
avril 1980.

38 Voir supra, note 110.
1
.39 Voir supra, note 105. Voir, de plus, Langlois v. Clinique Roy-Rousseau,
140 Voir, en ce sens, Cass.Civ.lre, 17 janvier 1967, D.S.1968.357, oil ]a Cour
de cassaftion prdcise l’obligation contractuelle de surveillance qui incombe h
une clinique psychiatrique.

supra, note 67.

1981] LA RESPONSABILITA DE L’ITABLISSEMENT HOSPITALIER

713

son, les transformer en obligations de rdsultat. L’intensit6 d’un de-
voir est en effet fix6e, en l’absence d’une stipulation contractuelle
ou d’une disposition idgislative, non pas en fonction de la qualit6
du ddbiteur, mais, en principe, selon le caractire de l’obligation,
suivant que le crit~re de l’alda est susceptible de jouer un r6le im-
portant ou n6gligeable dans l’exdcution de la prestation.14’ Or, l’acte
m6dical, qu’il s’agisse de l’6tablissement du diagnostic, du choix ou
de l’ex6cution d’un traitement mddical ou chirurgical, demeure
encore aujourd’hui un acte al6atoire car, ainsi que le rappelait M.
le juge Brossard, de la Cour d’appel, dans l’affaire Martel, “une gu6-
rison … , dans l’6tat actuel de la science mddicale, ne peut jamais
6tre absolument certaine.” i42 M. R. Savatier expliquait d’ailleurs
justement qu”‘ [e]n pareille mati~re, la certitude [du succ~s] est
d’autant plus inaccessible que la personnalit6 biologique de cha-
que hornme lui est propre, ses r6actions personnelles pouvant 6tre
allergiques h la m6thode entreprise.”143 Et, dans la m~me affaire, mais
en Cour supreme, M. le juge Pigeon avait parfaitement raison,
croyons-nous, d’affirmer:

141 Voir, h ce sujet, Bernardot, supra, note 131; Boucher et al., supra, note 2,
h la p. 412; notre 6tude, supra, note 48, eux pp. 43 et seq., et Nadeau &
Nadeau, supra, note 44, nos 272 et seq., aux pp. 280 et seq. Voir, en France,
Frossard, supra, note 134, no 375, h la p. 215; H., L. & J. Mazeaud, supra,
note 46, no 21, h la -p. 15, et Tunc, supra, note 134, no 6. Voir, 6galement,
Chabas, supra, note 46.

Ce crit~re de l’al6a permet prdcis6ment de distinguer l’obligation du chi-
rurgien (obligation de diligence) de celle du garagiste-entrepreneur (obligation
de rdsultat) sans pour autant faire peser ,sur ce dernier une pr6somption
d’incomptence, comme l’affirme, ih tort, croyons-nous, M. le juge Beaudet
in Ouellet v. Robichaud Metal Inc., C.P. (Quebec, 200-02-002 950-790), 5 f6vrier
1980. On peut comprendre 1’indignation du savant magistrat devant le crit~re
propos6 par Demogue en 1925 (voir supra, note 133), selon lequel la distinc-
tion serait fond6e sinr le fait que le d6biteur exerce une profession (diligence)
ou un m6tier (r6sultat). On nous permettra, t cet 6gard, de faire remarquer
que ce critere n’a jamais 6t6 accept6, ni en France ni au Qu6bec, alors que
le crit~re de l’ala a recueilli l’adh6sion de l’ensemble de la doctrine (voir
supra). Ainsi, un m6decin, un notaire, un architecte, un entrepreneur, tn
menuisier, un artisan ou un garagiste pourrait se voir imposer une obligation
de diligence ou de r.sultat, non pas en fonction de la place que chacun occupe
dans l’6chelle sociale, mais bien selon que le r6sttltat envisag6, pouvant en
toute probabilit6 8tre atteint, devient ou non’ en quelque sorte l’objet m6me
de l’obligation, sous r6serve, bien entendu, des stipulations expresses des
parties conttactantes. Pour l’obligation contractuelle de r6sultat d’un gara-
giste, voir Trib.gr.inst. Mans, 25 avril 1979, Gaz.Pal., 14-5 mars 1980, h la p. 7.
i42 Voir H6tel-Dieu St-Vallier v. Martel, supra, note 9, h la p. 398. Voir, de
m6me, X V. Mellen, supra, note 49, h la p. 413, ainsi que Boucher et al., supra,
note 2, aux pp. 458 et seq.

14 3Voir supra, note 43, h la p. 496.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 26

Nul ne pretend qu’on impose ih un h6pital une obligation de rdsultat en
le tenant pour responsable du prdjudice ddcoulant de fautes commises
par eux [techniciens, infirmi~res et infirmiers] dans l’ex6cution de leurs
fonctions.144

En effet, i partir du moment oil
‘on admet que l’6tablissement
s’engage A fournir des soins infirmiers, mddicatix ou chirurgicaux,
la ndcessaire substitution d’un tiers pour l’ex6cution de l’obligation
ne saurait, comme l’estimait M. le juge Brossard, en modifier le
caractire et partant, l’intensit6.

Mais, en ce qui concerne les obligations de l’6tablissement qui
ne rel~vent pas de l’exercice d’un art, mais de l’ex~cution d’une
technique ne comportant aucun alda sdrieux, ne pourrait-on pas
estimer qu’elles puissent s’analyser en autant d’obligations de r-
sultat? C’est en ce sens que se pronongait, it juste titre, la Premiere
chambre de la Cour d’appel de Toulouse dans son arrt du 14 d6-
cembre 1959 dans une demande en rdparation du prdjudice r~sul-
tant d’une analyse sanguine:

Attendu, en effet, que, dans ce cas, l’obligation de la clinique emprunte
son caract~re b celle du mddecin auquel il est recouru; – Or attendu
que toutes les fois que l’activit6 professionnelle du m6decin se cantonne
h des travaux de laboratoire ne comportant, en 1’6tat des donndes acqui-
ses de la science, aucun al~a, c’est, … par son r6sultat qu’elle se d6finit
et qu’il y a lieu de l’apprdcier; qu il en va ainsi pour l’analyse sanguine
ofi la ddtermination du groupe et du facteur rh6sus s’effeotue h coup
sir quand il est correctement proc6cld; que l’acte mddical se r6duit alors
h une recherche d’ordre technique, ob~issant A des r~gles strictes et
invariables qui doivent n6cessairement aboutir h une exacte solution.145
Ne serait-ce pas le cas en ce qui concerne, notamment, les mesures
destindes h assurer l’identification du rnalade ou la verification de
l’intervention qu’il doit subir, la prdparation ou la distribution d’un
rdgime alimentaire ou d’un produit pharmaceutique, les analyses
courantes de laboratoire, notamment l’analyse du sang pour la d&
termination du groupe sanguin et du facteur rhdsus, l’inoculation
d’un sang non contamin6, la fourniture d’appareils de prothnse, le
fonctionnement des appareils, des instruments et du mobilier mis
h la disposition du personnel ou du malade? Dans ces hypothnses,
en effet, aux termes de
‘article 1024 C.c., la “nature” des presta-
tions, ne rdvdlant aucun al6a s6rieux, parait justifier d’imposer une
intensit6 allant au-delh de la diligence pour atteindre au palier du
r6sultat de telle sorte que, si le malade subissait un prejudice reli6
a l’exdcution de 1’une de ces prestations, l’tablissement ne pourrait

44 Voir Martel v. H6tel-Dieu St-Valier, supra, note 18, A la p. 751.
1
45 Voir J.C.P.1960.II.11402, note Savatier. Voir, de plus, Auby, supra, note 68,
1

a la p. 359, et Mmeteau, Prothase et responsabilitd du mddecin, D.1976.9.

1981] LA RESPONSABILITA DE L’TABLISSEMENT HOSPITALIER

715

s’exon6rer, conform6ment au regime de l’obligation de r~sultat,146
que par la preuve d’un cas fortuit, d’un fait 6tranger, impr~visible
et irr6sistible.147 Ainsi, par exemple, le cas du malade qui reroit une
nourriture contraire au r6gime prescrit, 4 un m6dicament qui n’est
pas conforme h l’ordonnance m6dicale 49 ou qui ne lui est pas
destin6. 50 De m~me, le cas du malade qui, par erreur d’identit6,
subit une intervention qu’il n’avait pas sollicite’ 5 1 ou qui est faite
sur la base d’une analyse de laboratoire inexacte. 2 Egalement, le
cas du malade qui regoit du sang vici6,153 qui subit des brfilures ou
n6croses provoqu6es par des instruments de chauffage 4 ou de

146 Voir, h ce sujet, Baudouin, supra, note 83, no 26, h la p. 17, et notre 6tude,
supra, note 48, h la p. 38. Voir, par analogie, en ce qui concerne l’obligation
de rendre, Franco Canadian Dyers Ltd v. Hill Express Depot Ltd [1951] C.S.
177, t la p. 178, et Benson & Hedges (Canada) Ltd v. F.H. Jones Tobacco Sales
Co. Ltd, C.A. (Montreal, 500-09-000 823-765), 28 novembre 1979.

147Voir, h ce sujet, Frossard, supra, note 134, nos 379 et seq., aux pp. 217

et seq., et Le Tourneau, supra, note 46, nos 1160 et seq., aux pp. 399 et seq.

Ainsi, le cas d’une enc6phalite virale post-vaccinale attribuable, semble-t-il,
aux r6actions individuelles du malade. Mais, voir l’affaire Lapierre, supra,
note 67, oti la Cour supdrieure imposa une obligation de garantie bt la clinique
gouvenementale qui avait administr6 le vaccin, sur le fondement, extra-
contractuel, de l’article 1057 C.c. Mais, voir,
. ce sujet, Legrand, supra, note 66.
148 Voir, en ce sens, Bernardot & Kouri, supra, note 2, nos 452 et seq., aux
149 Voir, en ce sens, Bernardot & Kouri, supra, note 2, no 442, ht la p. 291.
Voir, en France, Cass.Civ.16re, 4 f6vrier 1959, D.1959.153, note Esmein; J.C.P.
1959.11.11046, note Savatier, et obs. H. & L Mazeaud in (1959) 57 Rev.trim.
dr.civ. 317.

pp. 298 et seq., et Boucher et al., supra, note 2, h la p. 433.

Cannon-Callaghan v. Mercier, supra, note 25.

159Voir, b. ce sujet, Brisson v. H6pital Jeffrey Hale, supra, note 100, et
151 Voir Quenneville v. The Montreal General Hospital, supra, note 54, oft
il s’agissait d’un malade admis pour un curetage exploratoire qui subit une
ligature de trompes. On notera que la responsabilit6 fut admise d-s l’ouverture
de 1enqu6te.
152 Voir, en ce sens, Bernardot & Kouri, supra, note 2, no 421, ht la p. 275.
Voir, de mame, en France, Toulouse, 7 novembre 1957, J.C.P.1959.II.10972, note
Savatier, et obs. H. & L. Mazeaud in (1959) 47 Rev.trimidr.civ. 317, hi la p. 318;
Toulouse, 14 ddcembre 1959, J.C.P.1960.II.11402, note Savatier. Mais, voir, en
e qui concerne l’interpr6tation histologique d’une 16sion, Cass.Civ.16re, 4
janvier 1974, Bull.civ., I, no 4, p. 4.
153 Voir, en ce sens, Bernardot & Kouri, supra, note 2, no 449, h la p. 297.
Sur l’obligation r6sultant d’une transfusion sanguine, voir, en France, 16vo-
lution vers l’obligation de r6sultat in H., L. & J. Mazeaud, supra, note 46, no
148, b. la p. 186, n.55, et, h ce sujet, Cass.Civ2e, 17 d6cembre 1954, D.S.1955.269,
note Rodi~re; J.C.P.1955.II.8490, note Savatier.
15 4 Voir, hi ce sujet, Tremblay v. H6pital de Chicoutimi Inc., supra, note 54.
Voir, en ce sens, en France, Trib.civ. Marseille, 26 novembre 1953, D.1954.
160, et Frossard, supra, -note 134, aux pp. 218 et seq.

II en serait ainsi, croyons-nous, chaque fois qu’un malade en bas Age,

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 26

caut6risation.’55 Enfin, le cas du malade qui se blesse par suite de
l’utilisation d’un appareil ou d’un meuble d6fectueux. 10

B. Analyse de diverses relations hospitalikres contractuelles

On ne saurait douter que l’analyse des circonstances particuli-
res de chaque esp~ce peut r~v~ler l’existence de relations contrac-
tuelles vari~es, entrainant des solutions juridiques diff6rentes: celle,
d’abord, d’une relation contractuelle simple; celle, ensuite, d’une
relation contractuelle multiple.
1. La relation contractuelle simple’ 57

Dans cette premiere hypoth~se, il ne s’est form6 qu’un seul con-
trat, soit le contrat hospitalier, comportant des prestations relati-
ves h la fois aux services d’h6tellerie, aux soins infirmiers et hi des
soins mddicaux1 58 On comprend alors, ainsi que le rappelait juste-

impotent ou endormi et, de ce fait, incapable de veiller h sa propre sdcurit6,
s’en remet h 1’6tablissement du soin d’assurer celle-ci. Voir, en ce sens, Aix-
en-Provence, 20 ddcembre 1962, Gaz.Pal.1963.1.339, ott il s’agissait d’une affaire
relative a la responsabilitd civile d’une clinique d’accouchement pour pr6judice
r6sultant d’un sinistre qui s’y dtait ddclar6 dans la nuit, et Penneau, supra,
note 43, no 259, aux pp. 280-1.

155 Voir, h ce sujet, Lapointe v. H6pital St-Frangois d’Assise [1979] C.S. 656.
On notera que c’est, en fait, la solution adoptde par la Cour supdrieure dans
les affaires Lavoie v. Guimond, supra, note 102; Brunelle v. Sirois [1974] C.S.
105, et Perron v. H6pital de la Rggion de l’amiante Inc., C.S. (Mdgantic,
235-05-000 030-74), 23 juillet 1973, cele-ci s’appuyant, toutefois, sur un passage
de l’arr~t Parent v. Lapointe [1952] 1 S.C.R. 376, oil M. le juge Taschereau,
prenant lui-mPnme appui sur une opinion de M. le juge Erle, dans
‘affaire
Scott v. London & St. Katherine Docks Co. (1865) 3 H. & C. 596 (C.A.), h la
p. 601, introduisait, en droit civil canadien, la r~gle de preuve anglaise dite
res ipsa loquitur, mais en n’admettant comme exon6ratoire que la seule preuve
du fait extrins~que. Voir, A ce sujet, infra, note 227.

156 Voir, en ce sens, Richard v. H6tel-Dieu de Qudbec, supra, note 22,

la p.
224, ainsi que Bernardot & Kouri, supra, note 2, nos 434 et seq., aux pp. 286
et seq., et no 459, h la p. 304.

Voir, dgalement, en ce sens, en France, Cass.Civ.lre, 28 juin 1960, J.C.P.
1960.I1.11787, note Savatier; Trib.gr.inst. Seine, 3 mars 1965, J.C.P.1966.II.14582,
note Savatier; Cass.Civ.l-re, ler avril 1968, D.S.1968.653, note Savatier; J.C.P.
1968.11.15547, note Rabut, et Cass.Civ.1re, 29 octobre 1958, J.C.P.1969.II.15799,
note Savatier.

1-57 Voir, A ce sujet, Bernardot & Kotri, L’dquipe mddicale, h la p. 47, et
supra, note 2, nos 508 et seq., aux pp. 335 et seq.; Boucher et al., supra, note
2, h la p. 326, et Perret, supra, note 2, aux pp. 66 et seq.

158 Voir, e.g., Little v. St-Michel Hospital, supra, note 20, ob il s’agissait d’tme
demande en rparation du pr6judice rdsultant d’injections d’un mdicament
appel6 Decadron –
T.B.A., faites par un rdsident, puis par un chirurgien

1981] LA RESPONSABILITA DE L’.TABLISSEMENT HOSPITALIER

717

ment M. le juge Mayrand dans l’affaire Laurent,5 9 que la reparation
du prdjudice subi par la victime doive s’organiser, d’une part, en
ce qui concerne l’6tablissement, dans le cadre du r6gime contractuel
de responsabilitd civile, 10 et, d’autre part, en ce qui concerne l’au-
teur identifi6 de la faute (m6decin, infirmi6re ou autre auxiliaire),
dans le cadre du r6gime extra-contractuel de responsabilit6 civile.16 ‘
Pour l’6tablissement, l’inex6cution fautive de l’une ou l’autre de ses
obligations donne ouverture h la responsabilit6 contractuelle d6-
coulant du fait d’autrui, fond6e sur les articles 1065 et 1071 C.c. Or,
l’int6r6t de ce regime, contrairement h celui de la responsabilit6
extra-contractuelle du fait d’autrui fond6 sur l’article 1054, alin6a
7 C.c. r6side prdcis6ment en ce que, d’une part, l’identification pre-
cise de l’auteur de la faute dommageable n’est pas essentielle h la
r6ussite de la demande –
il suffit qu’une faute ait 6t6 commise
dans l’ex~cution du contrat hospitalier’2 –
et en ce que, d’autre
part, le recours h la notion de pr6position n’a plus sa raison d’8tre.’
Faire intervenir ici, comme l’ont fait les tribunaux h maintes re-
prises'” –
plus souvent par voie d’affirmation que par voie de
d6monstration -, un lien de pr6position en vue de fonder la res-
posabilit6 de l’6tablissement pour la faute professionnelle d’un
m6decin nous paraft tout h la fois juridiquement inexact, politique-
ment ind6fendable et, au demeurant, parfaitement inutile.

orthop&dique, tous deux exerqant, mais h des titres diffdrents, h la clinique
d’urgence de l’6tablissement.

Voir, en ce sens, Beausoleil v. La Communautg des Soeurs de la Charitd
de la Providence, supra, note 16; Martel v. H6tel-Dieu St-Vallier, supra, note
18; Villemure v. L’H6pital Notre-Dame, supra, note 20; Covet v. The Jewish
General Hospital, supra, note 23; Cloutier v. H6pital St-Joseph de Beauceville,
supra, note 28, et H6pital gdndral de la Rdgion de l’amiante Inc. v. Perron,
supra, note 1.

159 Voir H6pital Notre-Dame de l’Espdrance v. Laurent, supra, note 47, et
Covet v. The Jewish General Hospital, supra, note 23, A la p. 1394. Voir, 6gale-
ment, Drouin-Barakett & Jobin, supra, note 2, h la p. 53, et Perret, supra,
note 2, aux pp. 66 et seq.

1 0 Voir art. 1065 C.c.
’11 Voir art. 1053 C.c.
162 Voir, en ce sens, Cannon-Callaghan v. Mercier, supra, note 25, et Pont-

briand v. Doucet, supra, note 18.

163 Voir, 6galement, en oe sens, Bernardot & Kouri, L’jquipe mddicale, aux

pp. 37 et seq., et Boucher et al., supra, note 2, ,aux pp. 330 et seq.

164 Voir, notamment, Beausoleil v. La Communautd des Soeurs de la Charitd

de la Providence, supra, note 16, b. la p. 52; Cardin v. La Cit9 de Montrial [1961]
S.C.R. 655; Martel v. H6tel-Dieu St-Vallier, supra, note 18; Pontbriand v. Doucet,
supra, note 18; Villemure v. L’H6pital Notre-Dame, supra, note 20; Little v.
St-Michel Hospital, supra, note 20; Asselin v. Gagnon, supra, note 70; Charette
v. Marchand, supra, note 47, et H~pital Notre-Dame de l’Espdrance v. Laurent,
supra, note 25.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 26

Juridiquement

inexact, d’abord, parce que ]a responsabilit6
civile du commettant, comme le rappelait d’ailleurs fort justement
M. le juge Pigeon dans l’affaire Laurent, 65 rdsulte essentiellement
du droit pour le commettant de donner des ordres et des instruc-
tions au prdposd sur la mani~re de remplir ses fonctions. 166 Or, avec
d6f6rence, comment la Cour supreme, partant d’une telle d6finition,
pouvait-elle en arriver h conclure qu’un mddecin, m6me employ6 h
temps plein, puisse &re, dans l’exercice propre de son activitd pro-
fessionnelle, le prdpos6 d’un 6tablissement hospitalier? Tant et aussi
longtemps que, i bon droit, on reconnailtra au mddecin la respon-
sabilitd de son acte professionnel –
et la tendance est toujours
dans cette voie0 7 -, que le mddecin demeurera maitre de son dia-
gnostic, du choix et de 1’exdcution du traitement, on ne saurait ju-
ridiquement 6tre en prdsence d’un lien de pr6position. 18 II y a lh,
h proprement parler, incompatibilitd entre la libertd professionnel-
le du praticien et la condition de prdpos6.’00 A cet 6gard, M. le juge
Brossard, de la Cour d’appel, avait, croyons-nous, parfaitement
raison, dans
‘affaire Martel, de prdciser le caract~re de l’acte pro-
fessionnel du m6decin:

Le mddecin exerce sur son acte une maitrise exclusive; dans son execution
de cet acte, il ne peut &re et ne doit pas 6tre soumis At la surveillance

165 Voir H6pital Notre-Dame de l’Espdrance v. Laurent, supra, note 25, h

la p. 613.

‘ 66 Voir les autoritds citdes par la Cour supreme, soit Nadeau & Nadeau,
supra, note 44, no 406, h la p. 387, et Quebec Asbestos Corporation v. Couture
[1929] S.C.R. 166,
i la p. 170. Voir, 6galement, Baudouin, supra, note 44, nos
306 et seq., aux pp. 211 et seq., et Boucher at al., supra, note 2, & la p. 328.
167 Voir, e.g., ‘Entente relative & l’assurance-maladie at a l’assurance-hospi-
talisation (1967), art. 7.02, 6. la p. 11. II s’agit lh d’une entente intervenue,
le ler septembre 1976, entre le Ministre des affaires sociales et la Fderation
des m~decins omnipraticiens du Qu6bec.
16 8 Voir, 6galement, en ce sens, Bernardot, supra, note 5, aux pp. 76 at seq.;
Bernardot & Kouri, L’quipe mddicale, aux pp. 20 at seq.; Perret, supra, note
2, aux pp. 70 at seq., et Stein, supra, note 8, aux pp. 379 at seq. Voir, en France,
H., L. & J. Mazeaud, supra, note 46, no 478, h la p. 477.

On peut, en revanche, penser que, dans 1’exdcution de fonctions admi-
nistratives, le m~decin puisse etre le prdpos6 d’un 6tablissement. Voir Savatier,
supra, note 43, A la p. 497.

169 Voir, 6galement, en ce sens, Bernardot, & Kouri, Le mddecin, le centre
hospitalier at l’Etat (1976) 36 R. du B. 512, et supra, note 2, nos 534 at seq.,
aux pp. 350 at seq. Voir, pourtant, Boucher at al., supra, note 2, aux pp. 343
at seq., et Baudouin, supra, note 44, no 338, h la p. 227.

II semble que l’on puisse, toutefois, admettre qu’un mddecin puisse 6tre,
dans
‘exercice de sa profession, le pr6pos6 d’un autre mddecin. Voir supra,
note 168. Mais, voir, cependant, Bernardot & Kouri, supra, note 2, no 575,
A la p. 373.

1981] LA RESPONSABILIT. DE L’STABLISSEMENT HOSPITALIER

719

et aux instructions d’une personne qui n’est pas mddecin; c’est un acte
que toute personne qui n’est pas m6decin n’a pas le droit, tant en vertu
de notre droit statutaire qu’en vertu de l’intdr~t public, de s’engager h
faire et h surveiller. 7 0
Appliquer au mddecin la qualit6 de pr~pos6 dans 1’ex6cution
de ses actes professionnels est aussi politiquement inddfendable,
car ce serait reconnaitre h un 6tablissement hospitalier, personne
morale, des responsabilit6s qu’il ne peut assumer. Ce serait accep-
ter, dans 1’exercice des libert6s professionnelles, l’ing6rence d’une
instance profane aux c6t6s de 1instance professionnelle. S’il est
parfaitement l6gitime et n6cessaire de rdserver h ces instances
la
profanes –
possibilit6 d’assurer un contr6le effectif sur les incidences adminis-
‘exercice de la m6decine en milieu hos-
tratives et financi~res de
pitalier, il ne leur appartient pas de dicter les r~gles de
‘art ni de
s’immiscer dans le jugement professionnel du praticien. Sans doute
est-ce pour cela que, dans l’organisation juridique des 6tablisse-
ments hospitaliers1 1
le lgislateur a voulu ins6rer, entre 1instance
administrative et le mddecin, une instance professionnelle –
le con-
seil des m6decins et dentistes –
“responsable vis-a-vis du conseil
d’administration … du contr6le et de l’appr&ciation des actes m6-
dicaux et dentaires pos6s dans 1’6tablissement”.’

et derriere elles, aux autorit6s gouvernementales –

Enfin, dans le contexte d’une responsabilit6 contractuelle de
l’6tablissement, la notion de pr6position est parfaitement inutile
car dans la mesure oii une personne a assume6 une obligation person-
nelle, elle est responsable de la faute de celui, prpos6 ou non,
qu’elle s’est substitu6 dans l’ex6cution du contrat. C’est ainsi que la
Cour d’appel, dans l’affaire Cingpix Inc. v. J. K. Walkden Ltd, 1 3

170 Voir H6tel-Dieu St-Vallier v. Martel, supra, note 9, h la p. 402. Voir,
6galement, Dussault v. H6pital Maisonneuve Inc. [1976] C.S. 791, h la p. 808,
et Stacey v. Plante, C.S. (Montreal, 500-05-002 240-72), 24 mai 1979.

171 Voir Loi sur les services de santg et les services sociaux, L.R.Q., c. S-5,

arts 111 et seq.

172Ibid., art. 112.
173 Voir supra, note 54. Voir, 6galement, H6pital Notre-Dame de I’Espgrance
v. Laurent, supra, note 47; Bergstrom v. G [1967] C.S. 513; Association phar-
maceutique de la Province de Quebec v. T. Eaton Co. Ltd (1931) 50 B.R. 482,
ht la p. 485, et Trudeau v. The Standard Life Insurance Co. (1899) 16 C.S. 539,
A la p. 545.

Voir, de plus, Bernardot, supra, note 5, aux pp. 102 et seq.; Boucher et al.,
supra, note 2, aux pp. 330 et seq.; Drouin-Barakett & Jobin, supra, note 2, h
la p. 52; Perret, supra, note 2, h la p. 70, et Trudel, Des contrats in Trudel,
Traitd de droit civil du Qudbec (1946), t. VII, h la p. 184. Voir, en France, H.
& L. Mazeaud, supra, note 46, nos 991 et seq., aux pp. 1046 et seq., et H., L. &
J. Mazeaud, supra, note 46, no 485, aux pp. 484 et seq.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 26

pouvait rdcemment retenir la responsabilit6 contractuelle de la dd-
fenderesse pour le pr6judice rdsultant d’une faute commise par
l’emploi d’un cindaste, entrepreneur ind6pendant
un cameraman
auquel la d6fenderesse avait confi6 la rdalisation d’un film. Rejetant
le moyen de d6fense fond6 prdcisdment sur le fait que la d6fende-
resse s’dtait d6chargde de son obligation d6coulant de l’emprunt
des locaux en confiant la rdalisation de son film h un entrepreneur
ind6pendant, M. le juge Mayrand, exprimant 6galement l’avis de M.
le juge en chef Crete, ddclara tr~s justement:

En mati~re de responsabilit6 contractuelle, le d6biteur qui confie l’exd-
cution de son obligation A quelqu’un d’autre, fut-ce un entrepreneur ind6-
pendant ou un professionnel comp6tent, n’en reste pas moins responsable
vis-4-vis de son crdancier. II demeure responsable de la faute de ceux
qu’il se substitue et de leurs prdpos6s. Qui agit per alium agit per se.174

Et, ainsi que l’6crivait encore M. R. Savatier:

Quand il existe un engagement conventionnel, l’individu engagd ne peut
se faire remplacer, dans l’exdcution de la prestation, par une autre per-
sonne, sans rdpondre d’elle au cas oi l’engagement ne -serait pas exacte-
ment tenu. Et, pour cela, une subordination proprement dite n’est pas
n6cessaire ….

175

MM. Bernardot et Kouri ont aussi montr6 l’int6r~t pratique de la
question:

On peut percevoir immddiatement l’impact consid6rable de ]a responsabi-
lit6 contractuelle du fait d’autrui. I n’est plus ndcessaire, comme dans
le cadre de la responsabilit6 ddlictuelle, de rechercher les conditions d’ap-
plication astreignantes de l’artiole 1054, al. 7 du Code civil. Quelle que
soit la profession de la personne que l’h6pital se substitue en vue de
l’exdcution de ses propres obligations cela n’a aucune esp~ce d’incidence
sur sa responsabilit6 civile. Il n’est plus ndcessaire de se demander si un
mddecin ou une infirmire membre d’une 6quipe m6dicale est dans un
6tat de subordination vis-h-vis de 1’h6pital. L’h6pital 6tant d6biteur de
soins hospitaliers, toutes les fois que ces soins sont mal exdcutds il en
rnpond …

170

I1 paralt donc A la fois injustifiable et inutile d’avoir recours une
notion abusivement diargie de prdposition pour fonder la respon-
sabilit6 civile d’un 6tablissement hospitalier lorsque l’on est en
prdsence d’une relation contractuelle.

74 Voir supra, note 54.
1 75 Voir note sous Cass.Req., 30 novembre 1938, D.1939.1.49, A la p. 51, et

note sous Toulouse, 14 dacembre 1959, J.C.P.1960.II.11402.

Voir, en ce sens, au Qudbec, Cannon-Callaghan v. Mercier, supra, note 25,

et Phillips v. Julius Richardson Convalescent Hospital Inc., supra, note 28.

179 Voir L’dquipe mddicale,

la p. 39, et supra, note 2, no 493, & la p. 326;
nos 572 et seq., aux ,pp. 371 et seq., et no 420, A la p. 274. Voir, 6galement,
en ce sens, Larouche, (1971) 2 R.G.D. 227, no 44, A la p. 263.

1981] LA RESPONSABILIT2 DE L’ TABLISSEMENT HOSPITALIER

721

La d~marche que les tribunaux doivent suivre en cette mati~re
n’est pas, croyons-nous, d’identifier l’auteur de la faute, de le placer
dans la categorie des pr6pos~s en forgant, au besoin, la notion de
pr~ppsition et partant, de conclure h la responsabilit6 civile de
l’6tablissement. I1 leur incombe plut6t de fixer d’abord le contenu
obligationnel du contrat hospitalier intervenu entre les parties L la
lumi~re, selon la preuve offerte, des circonstances particuli~res de
chaque esp~ce, de v6rifier ensuite si le fait dommageable –
que
son auteur, pr~pos6 ou non, soit identifi6 ou demeure anonyme –
constitue ou non l’inexdcution fautive de l’une ou l’autre des obli-
gations issues du contrat. C’est dans le respect de cette d~marche
juridique que les tribunaux assureront, en la mati~re, une applica-
tion juste et coh~rente des principes du droit civil canadien.
2. La relation contractuelle multiple 77

Dans cette seconde hypoth~se, il a pu se former, au cours d’un s6-
jour du malade h l’h6pital, plusieurs contrats, tels qu’un contrat en-
tre celui-ci et son mddecin traitant comportant des prestations
professiormelles, et d’autres encore avec son chirurgien en vue
d’une intervention chirurgicale, avec un anesth~siste aux fins de
cette intervention, avec une infirmi6re en service priv6 et avec l’ta-
blissement aux termes duquel ce dernier s’engage h lui fournir di-
vers soins et services hospitaliers, mais non, en l’occurrence, les soins
du m~decin traitant, les services du chirurgien ou de l’anesth~siste
ou les soins et services de l’infirmi~re en service priv6.’7 Chacun
de ces contrats comporte’un contenu obligationnel propre et dis-
tinct. Et il n’est pas toujours facile de savoir si le pr6judice subi
par le malade tombe dans le champ obligationnel de lun ou l’autre
d’entre eux. 79

Certes, dans le cas concret d’une esp ce, la solution peut 8tre
aisle. Ainsi, par exemple, le cas d’une faute personnelle du m~decin

177 Voir, h ce sujet, Bernardot & Kouri, L’jquipe m~dicale, h la p. 38, et
supra, note 2, nos 491 et seq., aux pp. 325 et seq.; Boucher et al., supra, note 2,
h la p. 325, et Perret, supra, note 2, aux pp. 62 et seq.
‘ 7 Voir, pour diverses situations contractuelles, notamment, Poulin v. H6pi-
tal de l’Enfant-Jdsus, C.S. (Qu6bec, 150,454), 2 d6cembre 1971; Genest v.
Thgroux-Bergeron, supra, note 106; Poliquin v. Boutin, supra, note 47; Horn
v. Tabah [1976] C.S. 988; Kritikos v. Laskaris, supra, note 21; Labrie-Collerette
v. H6pital St-Luc, supra, note 70; Leblond v. H6tel-Dieu de Montrdal, C.S.
(Montr6al, 808,696), 19 d6cembre 1974; Morrow v. H6pital Royal Victoria,
supra, note 132; Ouellette v. Wolfe, C.S. (Montreal, 794,259), 9 avril 1974, et
Lacroix v. Marksfield, C.S. (Montreal, 800,404), 27 d 4cembre 1973.
179 Voir, pour le contenu obligationnel des contrats m6dical et hospitalier,
Boucher et al., supra, note 2, aux pp. 409 et seq.; nos 6tudes, La responsa-
bilitd mddicale, aux pp. 458 et seq., et supra, note 69, aux pp. 16 et seq.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 26

traitant, du chirurgien, de l’anesth6siste ou de l’infirmi~re en ser-
vice priv6, dont les services avaient 6t6 requis par le malade lui-
m~me. Il est certain qu’une telle faute ne saurait entrainer la respon-
sabilit6 civile de l’6tablissement. Il en est ainsi, non pas parce que,
comme on a encore parfois tendance h le dire, le mddecin n’6tait
pas le prdpos6 de l’6tablissement, 80 mais bien pour la raison tr~s
simple que, ne s’6tant pas engag6 en l’esp~ce h fournir de tels soins,
l’6tablissement ne saurait 6tre tenu d’une faute qui d6borde le
champ du contrat hospitalier ou, en d’autres termes, qui ne consti-
tue pas l’inex6cution de l’une des obligations issues de ce contrat.
Ainsi que le faisait justement remarquer M. le juge Mayrand dans
l’affaire Laurent:

Le m6decin dont les services professionnels ont 6td directement retenus
par le malade passe un contrat ind6pendant de celui qu’il fait avec
l’h6pital. L’entente intervenue directement entre un malade et son m-
decin constitue un contrat m6dioal ind6pendant du contrat hospitalier:
1’exdcution fautive de ce contrat m6dical par le professionnel inddpen-
dant n’engage pas la responsabilit6 de l’h6pital, qui dans ce cas ne s’est
pas engag6 h fournir les soins m6dicaux ….

181

D~s lors, seul le m6decin traitant, le chirurgien, l’anesthdsiste ou
l’infirmi~re en service priv6 doit, en principe, rdpondre de sa propre
faute. D’autre part, dans l’hypothise d’une faute commise par un
membre du personnel infirmier, auxiliaire, hospitalier ou adminis-
tratif de l’6tablissement dans l’ex6cution de ses fonctions, l’6tablis-
sement sera responsable, car le ddbiteur contractuel doit rdpondre
de celui qu’il s’est substitu6 dans l’exdcution de son contrat. Qui
agit per alium agit per se.18 2

On doit tout de m6me reconnaitre que certaines situations sont
certes plus d6licates, car l’acte reproch6 peut se situer h plus ou
moins grande distance de la frontiRre qui s6pare le domaine de
l’un ou l’autre de ces contrats de services professionnels de celui

8 0 Voir Stacey v. Plante, supra, note 170; Dame Crawford v. Le Centre hos-
pitalier universitaire de Sherbrooke, supra, note 54, et Leblanc v. Dansereau,
supra, note 49.

81 Voir H6pital Notre-Dame de l’Espirance v. Laurent, supra, note 47.
182 Voir supra, note 173. Voir, dgalement, Bousquet v. Corporation de l’H6pi-
tal Laflkche de Grand-Mare, C.S. (St-Maurice, 2,510), 17 octobre 1978, oil,
dans une demande en reparation du prdjudice r6sultant de 1’oubli d’une tige
mdtallique dans la bronche infdrieure droite A la suite d’une intervention
chirurgicale, la Cour supdrieure, en retenant h la fois la responsabilitd civile
de l’anesthdsiste et celle de l’h6pital, estimait que l’introduction d’un tube
oro4rachdal dans le larynx et la bronche du patient c6tait du ressort de
l’anesthdsiste, mais que 1’examen post-op6ratoire du tube 6tait la responsabilitd
des aides de la salle d’op6ration, employ6es de rh6pital. Voir, 6galement,
Landry v. H6pital Notre-Dame-de-Chartres de Maria Inc., supra, note 100.

1981J LA RESPONSABILITI DE L’TABLISSEMENT HOSPITALIER

723

du contrat hospitalier. Examinons, en guise d’exemple, la faute
d’une infirmi~re dans l’ex6cution des prescriptions m6dicales. Dans
la mesure oti il s’agit d’un acte qui est pr6vu, express6ment ou selon
l’usage, dans le cadre des fonctions assignees par l’6tablissement
au personnel infirmier, l’infirmi~re agit alors, nous semble-t-il, dans
le cadre du contrat hospitalier, et partant, n’engage, outre la sienne
propre, que la seule responsabilit6 de l’6tablissement. 18 Ainsi dans
l’affaire Maltais v. H6pital Reine-Elizabeth de Montrjal,11 le de-
mandeur est transport6 d’urgence
l’h6pital pour un ulc;re gastri-
que. On lui installe un cath6ter veineux afin de pouvoir mesurer la
tension veineuse centrale. Quelques jours plus tard, au moment de
l’enlevement du cath6ter par une infirmi~re dans l’exercice normal
de ses fonctions, une section s’en d6tache, demeure dans la veine
et, se d6plagant, va se loger dans la r6gion du ventricule droit du
coeur. On comprend qu’un tel acte puisse entrainer la responsabilit6
de l’6tablissement et non celle du m6decin traitant. I1 se pourrait
pourtant que, dans une esp~ce particuliire, l’infirmi~re, habituelle-
ment auxiliaire de l’6tablissement, devienne l’auxiliaire occasion-
nelle du m6decin ou du chirurgien en accomplissant, h la r6quisi-
tion de ce dernier et sous son contr6le imm6diat, un acte qui ne
soit pas pr6vu dans les fonctions normales de l’infirmi~re. L’acte
reproch6 s’inscrirait alors hors du domaine hospitalier, dans la
sphire du contrat m6dical, et partant, engagerait la seule responsa-
bilit6 du m6decin ou du chirurgien, commettant occasionnel. 1’
Ce passage du domaine hospitalier au domaine m6dical ne peut
6tre d6termin6 a priori. Tout d6pendra des circonstances dans les-
quelles l’acte aura 6t6 accompli. A cet 6gard, on a d6jh cru devoir
faire une distinction fond6e sur le lieu d’ex6cution du geste incri-
min6,186 selon que l’acte avait 6t6 accompli dans une salle d’op6ra-

183 Voir, h ce sujet, H6pitdl Ste-Justine v. Filion, note 16; H6pital St-Louis
de Windsor v. Leclerc-Richard, supra, note 95; Gagnon v. Corporation de
‘H6pital des Sept-Iles, supra, note 67; Thioret v. H6pital du Sacrg-Coeur,
supra, note 100; Goulet v. Corporation de l’H6pjtal Charles-Lemoyne, supra,
note 44; H6pital gdndral de la Region de l’amiante Inc. v. Perron, supra,
note 1, it la p. 582, et Maltais v. H6pital Reine-Elizabeth de Montrdal, supra,
note 54. Voir, de meme, en France, Montpellier, 30 janvier 1951, et Aix, 9
juillet 1951, J.C.P.1952.II.6743, note Savatier.

84 Voir supra, note 54.
1
185 Voir, en ce sens, H6pital gdndral de la Rigion de l’amiante Inc. v. Perron,
supra, note 1, h la p. 582, oii il s’agissait pr~cis6ment d’une demande en r6-
paration du pr6judice r6sultant d’une faute commise par le personnel infirmier
de 1’6tablissement en cours de r6animation du patient.

186 Voir, h ce sujet, Bernardot & Kouri, L’!quipe m~dicade, aux pp. 18 et seq.,

et Bernardot, supra, note 5, aux pp. 68 et seq.

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[Vol. 26

tion ou ailleurs dans l’dtablissement. Dans le premier cas, on esti-
mait que les auxiliaires devenaient les prdposds du chef d’dquipe –
et qu’ils engageaient ainsi sa responsabilit6 et non
le chirurgien –
celle de l’dtablissement. Une telle solution, m6me si elle a pu nagu&
7 nous parait contestable. Certes,
re trouver dcho en jurisprudence,
une intervention chirurgicale suppose la prdsence d’une 6quipe
oeuvrant en vue d’une fin commune, soit le succ6s de l’interventi6n
m~me. Et tout travail d’dquipe exige coordination, collaboration,
unit d’action. Mais dolt-on pour autant en ddduire, encore aujour-
d’hui, que le chirurgien doive assumer la responsabilit6 de toutes
les fautes commises au sein de l’dquipe? Nous ne le croyons pas.

Tout d’abord, la salle d’opdration n’est pas, dans un 6tablisse-
ment hospitalier, le seul endroit oti la collaboration des membres
d’une 6quipe mddicale s’av~re essentielle A la r6ussite du traite-
ment. Songeons, par exemple, A l’unitd coronarienne dispensant des
soins intensifs. En outre, dans une salle d’opdration m~me, l’exis-
tence d’une dquipe et la ndcessaire collaboration qu’elle exige n’en-
trainent pas ndcessairement la responsabilit6 du chirurgien, chef
d’dquipe, pour la faute de tous les participants. Ainsi, l’on a pu,
i bon droit, juger que la faute de l’anesthdsiste ou du perfusionnis-
te en cours d’intervention n’entraine pas obligatoirement la respon-
sabilit6 du chirurgien. 188 Il paralt,
ce propos, 16gitime de croire
que si, en milieu hospitalier et selon les normes et r~glements de
l’6tablissement, s’est constitude une dquipe m6dicale ou chirurgica-
le, composde de plusieurs collaborateurs ou auxiliaires ayant cha-

18 7Voir, notamment, X v. Rajotte, supra, note 71, aux pp. 492 et seq., oi il
s’agissait d’une demande en r6paration du pr6judice r6sultant de l’oubli d’une
compresse dans l’abdomen de l’op6rde. L’un des moyens invoquds touchait
la question de savoir si l’oubli 6tait imputable au chirurgien. Le tribunal
conclut qu’il s’agissait effectivement d’une faute personnelle.

II en est de m6me, croyons-nous, dans

‘affaire Elder v. King, supra, note
103, h la p. 95, oiL le chirurgien, A la suite de recherches infructueuses, crai-
gnant le ddc~s du patient, referma I’abdomen, sachant qu’une compresse
y avait 6 laiss6e. Lii encore, la question 6tait celle d’une faute personnelle.
Voir, de plus, Leblanc v. Dansereau, supra, note 49.

188 Voir, notamment, Covet v. The Jewish General Hospital, supra, note 23,
et Dame Crawford v. Le Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke, supra,
note 54. Mais, voir, exceptionnellement, Kritikos v. Laskaris, supra, note 21, et
Cannon-Callaghan v. Mercier, supra, note 25. Voir, A ce sujet, Bernardot &
Kouri, supra, note 2, nos 499 et seq., aux pp. 330 et seq.

Voir, en France, Cass.Civ.lre, 27 mai 1970, J.C.P.1971.II.16833, note Sa.
vatier, oii la Coin de cassation d6clara l’anesth6siste-r6animateur seul res-
ponsable, h l’exolusion du m6decin, du pr6judice r6sultant de la paralysie
d’un bras de la victime, suspendu hi un dispositif et tenu A la disposition de
l’anesth6siste au cours d’une intervention.

1981] LA RESPONSABILITt DE L’.TABLISSEMENT HOSPITALIER

725

cun, h des niveaux d’exdcution diffdrents, un r6le ddtermin& h jouer
au sein de 1’dquipe, le chef doit, tout en 6tant “patron”, pouvoir
compter que chacun exdcutera avec conscience et compdtence les
fonctions prdcises qui lui sont assigndes, notamment en ce qui con-
cerne les actes d6tachables de l’acte chirurgical proprement dit et,
a fortiori, les actes auxiliaires courants ou de routine. C’est pour-
quoi, sauf si le patron a effectivement assum6 la direction imm6-
diate des opdrations, non seulement sur ce qui doit itre fait, mais
surtout sur la mani~re de l’accomplir –
autrement que selon les
ragles et protocoles 6tablis dans l’6tablissement -, on peut penser
que la faute d’un auxiliaire doit s’analyser dans le cadre du con-
trat hospitalier et entraner la responsabilit6, non du chirurgien,
mais bien de 1’6tablissement. A ce propos, M. J. Penneau fait juste-
ment observer que, dans le cadre de 1’6quipe chirurgicale,

[i]l est n~cessaire que le m6decin puisse se concentrer sur l’acte m6dical
proprement dit, le chirurgien sur l’intervention, et quil lui consacre
toute son attention. A cette fin, il faut qu’il puisse se d~charger des
actes param6dicaux courants sur le personnel auxiliaire que lui fournit
la clinique, sans avoir h surveiller le moindre des gestes de ce per-
sonnel.189
La rdcente affaire Crawford nous en fournit un bon exemple. 9 0
II s’agissait d’une demande en r6paration du pr6judice rdsultant du
ddc~s d’un malade suite
. une intervention h coeur ouvert pour
pontage cardiaque. La preuve avait r6v6l6 que la victime 6tait d6c6-
d6e par suite d’une anoxie cdr6brale r6sultant de ce qu’elle n’avait
regu, pendant une pdriode de douze minutes, aucune oxyg6nation en
provenance de l’oxyg6nateur membrane polypropyl~ne install6
afin d’assurer, durant l’intervention, la circulation extra-corporelle.
Le chirurgien, chef de 1’6quipe chirurgicale, devait-il r6pondre du
pr6judice r6sultant de la faute commise, h son insu, avant ou pen-
dant l’intervention, par l’anesth6siste et le perfusionniste charg6 de
l’oxyg6nation du patient? La Cour, h bon droit, nous semble-t-il,
r6pondit par la n6gative au motif que “mime si le chirurgien est
le chef d’6quipe dans la salle d’opdration, il est en droit de pouvoir

189 Voir supra, note 43, no 266, h la p. 287. Voir, dgalement, en ce sens,
H6pital ggndral de La Rggion de l’amiante Inc. v. Perron, supra, note 1;
Ouellette v. Wolfe, supra, note 178, et Boucher et al., supra, note 2, h la p.
385, ainsi que Bernardot & Kouri, supra, note 2, no 497, h la p. 329, et nos
571 et seq., aux pp. 370 et seq.

Voir, de plus, supra, note 118.

100 Voir supra, note 54. Voir, en France, Seine, 24 novembre 1959, J.C.P.1960.
HI.11523, oit il s’agissait d’une demande en reparation du prdjudice rdsultant
de brflures subies par une patiente au cours de son installation sur la table
d’op6ration.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 26

se fier h la comp6tence et h la diligence de l’anesthdsiste, du perfu-
sioniste et des employ6s de laboratoire qui fournissent les gaz art&
riels.”’19’ II nous parailt donc, hi cet dgard, plus raisonnable de poser,
dans chaque cas, la question essentielle de savoir si l’acte de l’auxi-
liaire, professionnel ou non, constitue l’exdcution des fonctions
que lui a confides express6ment ou implicitement 1’6tablissement
dans le cadre du contrat hospitalier. Si l’acte relive effectivement
de la mission de l’auxiliaire, et bien qu’il ait dt6 accompli h la de-
mande du mddecin ou du chirurgien, c’est l’dtablissement qui de-
vrait en rdpondre devant les tribunaux.

II. Le r6gime extra-contractuel de responsabilitd hospitalibre

Mime si la responsabilitd civile de 1’entreprise mddico-hospita-
li~re t l’gard d’un malade doit, le plus souvent, s’analyser dans le
cadre du rdgime contractuel, on ne saurait douter que, dans cer-
tains cas, on doive faire appel au rdgime extra-contractuel de res-
ponsabilit6 civile. 192 I1 parait donc ndcessaire de rappeler, en pre-
mier lieu, les conditions d’existence de ce rdgime extra-contractuel
de responsabilit6 civile hospitali~re, et de prdciser, en second lieu, le
caract~re particulier qui s’attache le plus souvent h la responsabilit6
extra-contractuelle de
‘etablissement hospitalier h l’6gard du ma-
lade.

A. Conditions de la responsabilitd hospitalire extra-contractuelle
La question se pose ici de savoir dans quelles conditions le
demandeur pourra poursuivre un 6tablissement hospitalier sur le
3 Certes, en l’absence d’un contrat entre
terrain extra-contractuel. 1

1

191 Voir Dame Crawford v. Le Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke,

supra, note 54, h la p. 9.

192 Voir, h ce sujet, Bernardot & Kouri, supra, note 2, nos 137 et seq., aux
pp. 95 et seq., et supra, note 169, aux pp. 513 et seq., et Covet V. The Jewish
General Hospital, supra, note 23, A la p. 1394. Voir, en France, Savatier et al.,
supra, note 68, nos 259 et seq., aux pp. 238 et seq.

En ce qui concerne la responsabilit6 civile de l’6tablissement h l’dgard
des tiers, parents ou amis d’un malade ou autres, les r~gles g6n6rales des arti-
cles 1053 et seq. C.c. trouvent application comme dans le cas de tout dtablisse-
ment ouvert au public. Voir, par analogie, The T. Eaton Co. Ltd of Canada v.
Moore [1951] S.C.R. 470. Voir, de plus, Frdchette-Lafond v. Institut de Cardio-
logie de Montrdal Inc., C.S. (Montr6al, 05-013 269-73), 23 octobre 1974, et Larou-
che v. H6pital Notre-Dame du Sacri-Coeur, C.S. (Quebec, 1,756), ler septem-
bre 1976, ainsi que Nadeau & Nadeau, supra, note 44, nos 179 et seq., aux pp.
185 et seq.
193 Voir, h ce sujet, Bernardot & Kouri, supra, note 2, nos 141 et seq., aux
pp. 98 et seq., et nos 533 et seq., aux pp. 350 et seq., et nos 6tudes, supra, note
45, aux pp. 69 et seq., et Des regimes, aux pp. 525 et seq.

1981] LA RESPONSABILITt DE L’.TABLISSEMENT HOSPITALIER

727

les parties, la solution ne saurait faire de doute. Mais, m6me en
pr6sence d’un contrat de soins hospitaliers, la seule existence d’un
lien contractuel ne peut suffire h repousser toute intervention du
r6gime extra-contractuel de responsabilit6 civile. On est ainsi ame-
n6 h. examiner les conditions d’application du r~gime extra-con-
tractuel de responsabilit6 dans la double hypoth~se, d’abord, de
1’absence, puis, de 1’existence d’un contrat de soins entre le malade
et l’6tablissement hospitalier.

1. Absence d’un contrat hospitalier

II est certain que s’il n’existe aucun contrat entre le malade et
1’6tablissement hospitalier, seul le regime extra-contractuel de res-
ponsabilit6 rdglera les cons6quences juridiques d’une faute causant
pr6judice. Ainsi que 1’6nonraient tris justement MM. A. et R. Na-
deau:

La responsabilit6 d6lictuelle est celle qui r6sulte de la commission d’un
d~lit ou d’un quasi-ddlit. … A la diffdrence de la responsabilitd contrac-
tuelle, elle suppose des personnes juridiquement dtrang~res les unes aux
autres.194

Une telle situation est susceptible d’affecter deux cat6gories de
victimes: le malade lui-m~me, victime “imm6diate”, les tiers, victi-
mes par ricochet de la faute de 1’6tablissement.
a. Faute extra-contractuelle a I’dgard du malade

I1 est certes possible qu’un malade reroive des soins et traite-
ments dans un 6tablissement hospitalier sans qu’un contrat n’in-
tervienne entre des parties. Diverses situations de fait s’offrent h
l’esprit. I1 se peut, par exemple, que le malade, avant m~me qu’un
contrat n’ait pu se former, ait subi un pr6judice sur le terrain ou
h l’entrde de l’6tablissement, alors qu’il se dirigeait vers la clinique
d’urgence ou une clinique externe pour y passer un examen ou y
subir un traitement. 19 5 I1 se peut aussi qu’un contrat soit nul pour
inobservation de ses conditions de formation. 98 On peut imaginer
le cas d’une intervention illicite par un m6decin de l’6tablissement,

194 Voir Nadeau & Nadeau, supra, note 44, no 34, h la p. 22; Bernardot &
Kouri, supra, note 2, no 555, h la p. 363; notre 6tude, Des r~gimes, 4 la p. 526, et
Perret, supra, note 2, h la p. 74.
195 Voir Talbot-Gagnon v. H6pital St-Luc, C.S. (Montr6al, 500-05-001 131-752),
2 avril 1980, et, par analogie, Hdlie v. H6pital Ste-Croix de Drummondville,
C.S. (Drummond, 405-05-000 298-75), 8 mars 1977, ainsi que The T. Eaton Co.
Ltd of Canada v. Moore, supra, note 191.

1w Voir arts 13 et 984 et seq. C.c., et, en France, h ce sujet, Cass.Civ.2q,
14 novembre 1979, Bull.civ., II, no 279, p. 226. Voir, de plus, Perret, supra,
note 2, 4 la p. 74.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 26

par exemple, l’ali~nation d’une partie du corps, une exp6rimenta-
tion ou une intervention L caract~re purement esth~tique alors que,
d’une part, s’agissant d’un majeur, m~me consentant, le risque cou-
ru serait “hors de proportion avec le bienfait qu’on peut en espd-
rer”,197 ou que, d’autre part, s’agissant d’un mineur dou6 de discer-
nement, on ait pass6 outre au consentement du titulaire de l’auto-
rit6 parentale et ai l’autorisation judiciaire,98 et, t plus forte raison,
s’agissant d’un mineur non dou6 de discernement, on ait m6connu
l’interdiction, implicite mais non moins r6elle, de rarticle 20, alin6a
2 C.c. II se peut enfin qu’aucun contrat n’ait pu naitre entre les
parties en raison du fait, par exemple, que le malade,
t la suite
d’un accident, ait 6t6 transport6 inconscient h l’urgence d’un 6ta-
blissement oil, apr~s examen, l’on a pu decider de le traiter ou de
lui faire subir une intervention. On peut alors se trouver juridique-
ment en pr6sence d’une gestion d’affaire r~gie par les articles 1043
et seq. C.c.’ 99L’tablissement, en acceptant le malade, assume les
obligations l~gales du g6rant qui, en l’occurrence, lui prescrivent,
soit de fournir sur place tous les soins et traitements que requiert
l’ tat du malade, soit encore, le cas 6ch~ant, compte tenu de ses
disponibilit~s, de le diriger vers un 6tablissement voisin qui puisse
lui prodiguer les soins et traitements requis.

Dans tous ces cas, on ne saurait douter que l’inexdcution fautive
d’un devoir l6gal soit susceptible d’entrainer la responsabilit6 civi-
le extra-contractuelle de l’6tablissement h l’6gard du malade ou, en
cas de ddcbs, de ses ayants droit sur la base de l’article 1053 C.c. 00
b. Faute extra-contractuelle & l’igard des tiers

II parait utile de rappeler que la responsabilit6 extra-contrac-
tuelle de l’tablissement est susceptible de jouer, non seulement t
l’6gard de la victime “immediate” –
ou de

le malade lui-m~me –

197 Voir art. 20 C.c., et, Ai ce sujet, Mayrand, supra, note 80, nos 5 et seq.,

aux pp. 15 et seq.

198 Voir art. 20, al. 2 C.c.
199 Voir, A ce sujet, Savatier, La responsabilitg mddicale (1948), h la p. 9, et,
au Qu6bec, Baudouin, supra, note 83, nos 378 et seq., aux pp. 203 et seq.;
Pineau, supra, note 83, aux pp. 128 et seq.; Stein, supra, note 8, aux pp. 374
et seq., et Bernardot & Kouri, supra, note 2, nos 139 et seq., aux pp. 96 et seq.
Voir, 6galement, en Suisse, arts 419 et seq. C.O., et Petitpierre, supra,
20 0Voir, en ce sens Baudouin, supra, note 44, nos 28 et seq., aux pp. 27
et seq.; Bernardot & Kouri, supra, note 2, no 140, t la p. 98; notre 6tude,
Des rdgimes, aux pp. 525 et seq., et Pineau & Ouellette, supra, note 44, aux
pp. 3, et 41 et seq.

note 43, it la p. 568.

Voir, en France, H. & L. Mazeaud, supra, note 46, no 273, t la p. 226, et

H., L. & J. Mazeaud, supra, note 46, no 392, t la p. 362.

1981] LA RESPONSABILITA DE L’ITABLISSEMENT HOSPITALIER

729

t 1’6gard d’une victime par ricochet
ses ayants droit, mais aussi
pourvu qu’elle puisse rapporter la preuve de l’existence d’un pre-
‘6tablissement, conform6-
judice directement reli6 h la faute de
‘article 1075 C.c. 20 Le recours d’une telle victime s’exerce-
ment
ra, soit sur la base plus restreinte du r6gime de P’article 1056 C.c.
pour le pr6judice r6sultant du d~c~s de la victime “imm6diate”, 20 2
soit, en cas d’accident non mortel, sur le fondement du r6gime de
‘article 1053 C.c. qui, selon une jurisprudence
droit commun de
maintenant fix6e,2 0 3 permet h toute victime par ricochet, tel un
conjoint,2 0 4 un compagnon,20 5 un ami, 06 un ascendant,20 7 un des-
cendant, 2 0 un employeur,2 0 9 d’6tre comprise dans le terme “autrui”
mentionn6

l’article 1053 C.c. 210

2. Existence d’un contrat hospitalier

La seule pr6sence d’un contrat ne saurait interdire tout recours
au r~gime extra-contractuel de responsabilit6 civile.21 ‘ En effet, ce
r6gime doit trouver application chaque fois que
le pr6judice
qu’6prouve la victime ne r6sulte pas de la violation d’une obligation
assum6e, h son 6gard, express6ment ou implicitement, par contrat.

20lVolr, notamment, Santos v. Annett [1967] C.S. 617, et Nolet-McKenzie v.

Procureur gdngral de la Province de Quebec [1976] C.A. 858.

2 02 Voir, notamment, Santos v. Annett, supra, note 201, et, en mati~re m6dico-

hospitali~re, Thdroux-Bergeron v. Genest, supra, note 54.

203 Voir, toutefois, Overnite Express Ltd v. Beaudoin [1971] C.A. 774, aux

pp. 782 et seq.

204 Voir, notamment, Lister v. McAnulty [1944] S.C.R. 317; Sebaski v. Leonard
J. Weber Construction Co. [1972] C.S. 557; Therrien v. Hervieux, C.S. (Montrdal,
05-011 208-72), 22 mars 1974; Ramos v. Glickman, C.S. (Montr6al, 500-05-008
400-762), 17 d6cembre 1976; H6pital Notre-Dame de l’Espgrance v. Laurent,
supra, note 25; Dame Cataford v. Moreau, supra, note 54, et Schierz v.
Dodds, supra, note 49.

205 Voir, notamment, Therrien v. Gunville [1976] C.S. 777.
20o6Voir, notamment, Girard v. Giroux [1980] C.A. 261.
207 Voir, notamment, Larrivd v. Lapierre (1891) 20 R.L. 3 (C.S.); L v. G
[1950] C.S. 133; Masse v. La Ville de Montrial [1960] R.L. 21 (C.S.); Ginn v.
Sisson [1969] C.S. 585; Gigu~re v. Grdgoire [1973] C.S. 119; Nolet-McKenzie
v. Procureur gdndral de la Province de Quebec, supra, note 201, et H6pital
gdndral de la Rggion de l’amiante Inc. v. Perron, supra, note 1.

208 Voir, notamment, Montreal Tramways Co. v. Lgveillg [1933] S.C.R. 456,

et Hervieux v. Lavoie, C.S. (Montreal, 05-011 097-72), 22 mars 1974.

209 Voir, notamment, Regent Taxi & Transport Co. v. La Congrigation des
petits fr~res de Marie, supra, note 55; La Reine v. Sylvain [1965] S.C.R. 164,
h la p. 173, et Elliott v. Entreprises C6te-Nord Ltde [1976] C.A. 584.

210 Voir, h ce sujet, Baudouin, supra, note 44, nos 100 et seq., aux pp. 80
et seq.; Nadeau & Nadeau, supra, note 44, nos 635 et seq., aux pp. 595 et seq.,
et Pineau & Ouellette, supra, note 44, aux pp. 21 et seq.

2 1 1Voir, h ce sujet, notre 6tude, Des rdgimes, ht la p. 526.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 26

II ne s’agit pas alors de l’inexdcution du contrat mais bien, h l’occa-
sion d’une relation contractuelle, de la violation d’un devoir extra-
contractuel. Une telle situation est susceptible de se presenter dans
deux hypotheses qu’il convient d’examiner successivement: celle,
d’abord, ofi la faute cause pr6judice au malade lui-m~me; celle,
ensuite, oit la faute cause prejudice h des tiers.

a. Faute extra-contractuelle & l’6gard du malade

II se peut, en effet, qu’un contrat ait pu valablement se former
entre le malade et l’6tablissement hospitalier, mais que le pr6judice
ne r6sulte pas de l’inexdcution d’une obligation nde du contrat.
Une telle situation est susceptible de se presenter dans le cas oli un
6tablissement agit, non pas h l’encontre, mais bien au-dela de
l’accord des parties.212 Ainsi, lorsque, par exemple, au cours d’une
op6ration que le malade avait sollicitde et alors que celui-ci est
sous l’effet de l’anesthdsie, un chirurgien d’6tablissement estime,
vu l’urgence du cas, devoir proc6der sur-le-champ a une seconde in-
tervention qui n’avait pas 6t6 pr6vue au contrat.213 S’il devait en-
courir une responsabilit6 resultant d’une faute dommageable corn-
mise au cours de cette seconde intervention, on ne saurait douter
que cette responsabilit6 doive 8tre apprdcide sur le terrain extra-
contractuel.

b. Faute extra-contractuelle & l’9gard des tiers

L’inexdcution d’un contrat hospitalier peut

tre source de res-
ponsabilit6 civile, non seulement h l’6gard du malade, mais aussi
a l’6gard de tierces personnes qui subissent un pr6judice directe-
ment reli6 h la faute de l’6tablissement.2 14 Ainsi, la faute contrac-
tuelle de l’6tablissement h l’6gard du malade est susceptible de
constituer, en m~me temps, une faute extra-contractuelle h l’6gard
des tiers, victimes par ricochet, dont le recours ne peut 6videm-
ment trouver son fondement juridique que dans le r6gime extra-
contractuel de responsabilit6 civile. M. le juge Pratte, de la Cour
d’appel, a tr~s justement ddcrit, dans l’affaire Boucher v. Drouin,
ce rdgime de la double qualification d’une faute selon qu’elle at-
teint une partie contractante ou un tiers:

212 Voir supra, note 91, pour la distinction entre 1’acte fautif qui va au-del4
et celui qui va a l’encontre de la volontd du malade, et, k ce sujet, Beausoleil
v. La Communautd des Soeurs de la Charitg de la Providence, supra, note 16.
213 Voir, notamment, l’affaire Caron v. Gagnon (1930) 68 C.S. 155, oil le chi-
rurgien, au cours d’une appendicectomie qui avait 6t6 prdvue, ddcide de pro-
cdder 6galement A une ovarectomie.
214 Voir Covet v. The Jewish General Hospital, supra, note 23, et H6pital

Notre-Dame de l’Espdrance v. Laurent, supra, note 25.

1981J LA RESPONSABILIT8 DE L’ITABLISSEMENT HOSPITALIER

731

La r~gle d’apr~s laquelle les contrats n’ont d’effet qu’entre les parties
contractantes doit s’entendre en ce sens que nul ne peut 6tre tenu
d’ex6cuter une obligation r6sultant d’un contrat auquel il n’a pas
t6
partie, et qu’il n’est point permis h un tiers de se pr6tendre cr46ancier
dune obligation qui n’a pas 6t6 contractde envers lui; mais elle ne fait
point obstacle a ce qu’un tiers, se pr~valant de l’inexdcution d’un con-
trat comme d’un pur fait lui causant prdjudice, intente au contractant
en d~faut une action ddlictuelle, si le fait dont il se plaint n’est pas sim-
plement un manquement h une obligation contractuelle, mais constitue
lui-m6me une faute. Dans ce cas, le tiers ne cherche pas h s’approprier
le b~ndfice d’une obligation qui n’a pas 6t6 stipulie en sa faveur, mais
il demande r6paration du pr6judice lui r6sultant du fait d6lictuel du
contractant; il ne fonde pas son droit sur le contrat mais sur la faute
dont ce contrat n’a 6t6 que l’occasion2 15
Ce r6gime extra-contractuel de responsabilit6 h l’6gard d’une
‘article 1053 C.c., s’applique en cas
victime par ricochet, fondd sur
d’accident non mortel, lorsque la victime “imm6diate” a subi un
pr6judice pouvant affecter les droits et int6r&ts lgitimes des tiers.210
Ce r6gime de droit commun de 1’article 1053 C.c. devrait 6gale-
ment trouver application lorsque la faute, contractuelle, de l’6tablis-
sement ayant entrain6 le d6c~s de la victime “imm6diate” a caus6
un prejudice a des tiers par ricochet.1 7 Et c’est h tort, croyons-
nous, que l’on a parfois tendance h recourir, en ce cas, h l’article
1056 C.c. 218 Pour s’en convaincre, on admettra, d’une part, que
l’article 1053 C.c. constitue le r6gime de droit commun de la res-
ponsabilit6 civile’extra-contractuelle et que, d’autre part, rarticle
1056 C.c., d’orgine anglaise,21 a cr6 un r6gime d’exception visant

2 1 Voir [1959] B.R. 814, A la p. 822. Voir, de plus, The National Drying

Machinery Co. v. Wabasso Ltd, supra, note 45, h la p. 286.

210 Voir, notamment, H6pital Notre-Dame de l’Espgrance v. Laurent, note
25, confirmant express6ment, A ce sujet, la d6cision de la Cour d’appel,
supra, note 47.

21 Voir, notamment, en ce sens, Covet v. The Jewish General Hospital, supra,
note 23, A la p. 1394. Voir, 6galement, en ce sens, Bernardot & Kouri, supra,
note 2, nos 85 et seq., aux pp. 59 et seq.; nos 6tudes, Des regimes, h la p. 510, et
L’indemnisation de la victime par ricochet d’un accident mortel rdsultant de
l’inexdcution d’un devoir contractuel (1981) 26 R. de d. McGill 567; Haanappel,
Air Canada v. Alice Marier (1980) 40 R. du B. 136, ii la p. 138; Lajoie, supra,
note 2, h la p. 222, et Mayrand, supra, note 56. Mais, voir Pineau, A propos
de l’affaire Marier (1981) 26 R. de d. McGill 560.

Voir, en France, pour 1’application aux tiers du r6gime de responsabilit6
extr-a-conitractuelle en cas de d6cbs de la victime “immddiate”, Cass.Civ.lre,
ler avril 1968, S.C.P.1968.II.15547, note Robert; D.S.1968.653, note Savatier.
2 18 Voir, h ce sujet, Air Canada v. Marier, supra, note 56, et, en ce sens,
Larouche, L’art. 1056 C.C. et “les personnes ayant droit aux dommages (1978)
38 R. du B. 76, ainsi que Pineau,-supra, note 217.
2lOCette disposition, ins6r6e mystrieusement dans le Code civil de 1866
sur le fondement d’une loi de la Province du Canada de 1847 (10-11 Vict., c.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 26

h restreindre l’indemnisation des victimes par ricochet d’un acci-
dent mortel. Un tel rdgime est donc d’interpr6tation, et partant,
d’application restrictive.2 Or, une lecture attentive de cette dispo-
sition oblige
reconnaitre que 1’application de ce rdgime d’excep-
tion est assujettie A l’existence d’une condition prdalable, soit une
faute extra-contractuelle causant le d~c~s de la victime “immddia-
te”. L’article 1056 C.c. 6nonce en effet: “Dans tous les cas oti la
partie contre qui le d6lit ou quasi d61it a 6t6 commis ddc~de en con-
sequence.. .”. Il parait, des lors, raisonnable d’en d6duire que si le
d6funt est d6cd6, non pas des suites d’une faute d4lictuelle ou quasi
d6lictuelle, mais bien d’une faute contractuelle, le r6gime excep-
tionnel de
ne
saurait s’appliquer. I1 faut donc revenir au regime de droit com-
mun de
‘article 1053 C.c. qui reprend alors toute son autorit6.
Et puisque les categories restrictives des personnes habilitdes h
poursuivre selon l’article 1056 C.c. n’ont plus d’application, il ne
reste, d~s lors, qu a s’interroger si le demandeur, comme en matiere
d’accident non mortel, est bien une victime par ricochet et s’il a
effectivement subi un prejudice r~sultant directement de la faute
de l’tablissement.

la condition faisant ddfaut –

‘article ‘1056 C.c. –

Telles sont les situations de fait et de droit qui sont suscepti-
bles de donner ouverture A un recours en dommages-int~r~ts sur
la base du regime extra-contractuel de responsabilit6 civile et qui,
en mati~re hospitalire, pr~sentent le plus souvent un attrait parti-
culier qu’il convient de signaler.

B. Caractre particulier de la responsabilitj hospitali~re

extra-contractuelle

Nous avons vu que l’6tablissement hospitalier pouvait 6tre par-
fois appe16 A prodiguer des soins et services en dehors de tout lien
contractuel avec le malade. Dans cette hypoth~se, et quelles que
soient les circonstances qui ont pu donner naissance h tine telle
relation extra-contractuelle, d~s que l’6tablissement accueille le ma-
lade nait a sa charge un devoir l6gal de sdcurit6 et de soins dont
l’6tendue et l’intensit6 pourront certes varier selon les circonstances

6), est inspir6e d’une loi imp6riale, dite Lord Campbell’s Act, de 1846 (9-10,
Vict., c. 93. [Imp.]). Voir, a ce sujet, notamment, Pantelv. Air Canada [1975]
1 R.C.S. 472, h la p. 476.
220 Voir, en ce sens, H6pital Notre-Dame de l’Espdrance v. Laurent, supra,
note 47, h la p. 548. Voir, de plus, Pantel v. Air Canada, supra, note 219, A la p.
478; Hunter v. Gingras (1922) 33 B.R. 403; The Town of Montreal West v.
Hough [1931] S.C.R. 113; Ldvesque v. Malnosky [1956] B.R. 351, b la p. 369,
et Potvin v. Gagnon [1966] B.R. 537.

1981] LA RESPONSABILIT8 DE L’I:TABLISSEMENT HOSPITALIER

733

de chaque esp~ce. En effet, l’6tendue de ces devoirs serait diff~rente,
selon qu’il s’agit d’une simple obligation de s6curit6, de surveillance
ou encore du devoir de fournir tous les soins et services que requiert
l’6tat du patient dans la mesure des disponibilitds de ‘6tablissement.
Par ailleurs, l’intensit6 de ces devoirs en sera g6n6ralement une de
diligence, ainsi qu’il est notamment pr6vu au r6gime de l’article
1053 C.c., ou encore h celui de la gestion d’affaire selon lequel, aux
termes de l’article 1045 C.c., le g6rant est “tenu d’apporter h la
gestion de l’affaire tous les soins d’un bon p~re de famille.”221

Mais, si diff~rentes qu’en puissent 6tre l’6tendue et l’intensit6,
ces obligations comportent un trait commun, soit le caract~re per-
sonnel de la prestation de soins et de services qui s’impose h l’6ta-
blissement. Et, h cet 6gard, ne se trouve-t-on pas dans la mime si-
tuation que lorsque
‘6tablissement a assum6 une obligation per-
sonnelle de soins et de services aux termes d’un contrat hospita-
lier pass6 avec le malade? La substance des devoirs est, dans les
deux cas, semblable. Seule leur source diff~re, et partant, le regime
de responsabilit6 qui s’attache h leur inexdcution dommageable. Du
caract~re personnel de ces prestations lgales d6coulent, croyons-
nous, pour l’6tablissement, certaines consequences pratiques tou-
chant, notamment, l’application des r~gles de la responsabilit6 du
fait d’autrui et du fait de la chose.

En ce qui concerne le fait d’autrui, on devra admettre que la
faute d’un auxiliaire, professionnel ou non, dans l’ex~cution de
ces prestations personnelles de soins et de services, assum6es 16ga-
lement par l’tablissement, entrainera la responsabilit6 de ce der-
‘estime parfois,222 sur la base plus as-
nier, non pas, comme on
treignante du regime de garantie du commettant, instaur6 par l’arti-
cle 1054, alin6a 7 C.c., mais bien, et plus largement, sur le fonde-
ment de la responsabilit6 personnelle de l’article 1053 C.c. En effet,
la maxime qui agit per alium agit per se, dont nous avons vu pre-
c6demrnment l’application, ne joue pas seulement en mati~re con-
tractuelle, mais bien chaque fois qu’une obligation personnelle est
mise h la charge du d6biteur, soit qu’il l’ait assum6e par contrat,
soit qu’elle lui air 6t6 impos6e par la loi.223 Cette solution comporte

221 Voir, pour une obligation de garantie fond6e sur l’article 1057 C.c. et
r6sultant d’un programme de vaccination, Lapierre v. Le Procureur gdndral
du Qudbec, supra, note 67, et commentaire Legrand, supra, note 66.
222 Voir, notamment, Bernardot & Kouri, L’dquipe midicale, a la p. 13, et

Boucher et al., supra, note 2, h la p. 370, et aux pp. 382 et seq.

223 Voir, en ce sens, Richard v. H6tel-Dieu de Qudbec, supra, note 22, t la
p. 226, oit ‘anesthdsiste, mis en cause, d6fendeur en garantie, al16guait qu’il
n’avait commis aucune faute en laissant la patiente, au cours de l’intervention,
sous la surveillance d’un r6sident anesth6siste.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 26

un int6r6t pratique consid6rable. Ainsi, la victime d’une faute prd-
judiciable n’aura pas, comme 1’exige l’article 1054, alin6a 7 C.c.,
h identifier l’auteur de la faute, ni h prouver qu’il s’agit d’une faute
commise par un prdpos6 dans l’ex6cution de ses fonctions. Plus sim-
plement, selon l’article 1053 C.c., elle prouvera” qu’une faute a 6t6
commise en cours de soins ou de traitements. Le d6biteur –
l’6ta-
blissement -, n’ayant pas ex6cut6 le devoir legal qui lui incombait,
devra, ds lors, en &tre tenu responsable.

En ce qui concerne le fait de la chose, on admettra 6galement
que, m~me en supposant que la garde juridique d’un apparei 2 24
_
en tout cas, la garde du comportement 225 –
puisse, aux termes de
l’article 1054, alin~a 1 C.c., passer aux mains d’un professionnel de
1’6tablissement, un tel transfert n’aurait pas d’incidence sur la res-
ponsabilit6 de 1’6tablissement. La victime d’un accident ‘a la rdalisa-
tion duquel une chose aurait particip6 n’aurait pas, comme sous le
rdgime de l’article 1054, alin6a 1 C.c., h identifier le gardien de la
chose – de sa structure ou de son comportement. Elle n’aurait pas,
non plus, h rapporter la preuve du “fait autonome” de la chose. Plus
simplement, et encore une fois selon l’article 1053 C.c., elle aura h
prouver, selon les r~gles du droit commun, 22 que l’6tablissement a
manqu6 h ses obligations de soins et traitements, de surveillance et
de s6curit6, l’instrument du prejudice et la garde juridique de ]a
chose n’6tant ni l’un ni l’autre des 616ments essentiels h la d6termi-
nation de la responsabilit6 personnelle de l’6tablissement.

On peut donc croire que, tant en ce qui concerne le fait d’au-
trui – membre du personnel m6dical et hospitalier – qu’en ce qui
a trait au fait de la chose –
instrument, appareil, mobilier, substan-
ces liquides ou gazeuses –
1’6tablissement hospitalier pourra atre,
le plus souvent, tenu responsable, comme en mati~re contractuelle,
non pas parce que l’auteur de la faute est ou n’est pas un pr6pos6
de l’tablissement, non pas, non plus, parce qu’il est ou n’est pas
le gardien juridique de la chose ayant contribu6 h la survenance du
224 Voir, h ce sujet, Lacharitd v. La Communautd des Soeurs de la Charitd
[1965] S.C.R. 553, ainsi que Bernardot & Kouri, supra, note 2, no 144, h ]a p. 102.
225Voir, h ce sujet, Baudouin, supra, note 44, nos 435 et seq., aux pp. 281
et seq.; Pineau & Ouellette, supra, note 44, aux pp. 114 et seq., et H. & L.
Mazeaud, supra, note 46, no 1160-3, aux pp. 138 et seq. Mais, voir Antaki,
Garde de structure et garde de comportement? (1966) 12 McGill L.J. 41.

Voir, 6galement, St-Jean Automobiles Ltde v. Clarke Lumber Sales Ltd
[1961] C.S. 82; Tondreau v. Canadian National Railway Co. [1964] C.S. 606,
et Hdroux Machine Parts Ltd v. Lacoste [1967] B.R. 349, A ]a p. 353.
2 2 6 Voir arts 1203, 1205, 1233, al. 5, et 1238 et seq. C.c. Voir, g6ndralement,
Nadeau & Ducharme, La preuve en matiares civiles et commerciales in Trudel,
Traitd de droit civil du Qudbec (1965), t. IX.

1981] LA RESPONSABILITI DE LUITABLISSEMENT HOSPITALIER

735

prejudice, mais uniquement parce que la faute commise par 1’auxi-
iaire, professionnel ou non, constitue l’inexdcution fautive de ‘obli-
gation personnelle du d6biteur Idgal de soins et traitements.

Conclusion

Nous avons tent6, dans cette 6tude, de montrer la profonde
transformation de la fonction hospitaliire au cours de ces derni~res
anndes et de prdciser les repercussions de cette dvolution sur la res-
ponsabilit6 civile, contractuelle ou extra-contractuelle, de l’6tablis-
sement hospitalier. D’aucuns pourront regretter l’avinement de cet-
te notion d’entreprise mddico-hospitali~re. Elle constitue pourtant
la r6ponse ineluctable des milieux professionnels aux probl~mes
toujours plus aigus et pressants que pose l’exercice de plus en plus
collectif d’une mddecine soucieuse d’efficacit6. Elle permet dgale-
ment de constater tout l’intdr~t pratique qu’y trouve la malheureuse
victime d’une faute commise par une personne, identifide ou non,
au cours des soins et traitements qui lui sont prodiguds par l’6ta-
blissement, car alors et quel que soit le fondement, contractuel ou
extra-contractuel, de la responsabilitd civile, la question essentielle
est, toujours et uniquement, de savoir si l’entrepreneur hospitalier
a bel et bien rempli ses engagements.

La reconnaissance 16gislative et judiciaire de l’entreprise hospi-
tali~re constitue, .certes, avec le rdgime prdtorien des prdsomptions
de fait,227 un pas d6cisif dans la voie de la protection des intdr~ts

27 On sait, en effet, que les. tribunaux ont, h maintes reprises, faciltd la
preuve de la responsabilit6 du mddecin ou de 1’6tablissement hospitalier en
perinettant A la victime de recourir au r6gime des pr6somptions de fait,
prdvu aux articles 1205, 1238 et 1239 C.c. Voir, h ce sujet, Bernardot, Le
midecin et les prgsomptions de fait (1971) 2 R.D.U.S. 75; Bernardot & Kouri,
supra, note 2, nos 30 et seq., aux pp. 20 et seq.; Boucher et al., Les prdsomptions
de fait en responsabilitd mddicale (1976) 17 C. de D. 317; nos 6tudes, supra,
note 45, aux pp. 218 et seq., et supra, note 73, aux pp. 37 et seq., et Lessard,
Les prdsomptions de fait et la responsabilitg mddicale (1976) 6 R.D.U.S. 417.

On doit, -toutefois, regretter que les tribunaux, et notamment la Cour
supreme du Canada, aient cru devoir introduire, en droit civil canadien, la
rbgle de preuve anglaise dite res ipsa loquitur en marge du r6gime de prd-
somptions de fait prdvu par le Code civil. Voir Parent v. Lapointe, supra,
note 155, oit M. le juge Taschereau s’appuyait, t ce sujet, sur un passage du
jugement de M. le juge Erle, dans l’affaire anglaise Scott v. London & St.
Katherine Docks Co., supra, note 155. Voir, pour I’app ication de cette rbgle
en mati~re m6dico-hospitali~re, notamment, Cardin v. La Citd de Montridal,
supra, note 164; Martel v. H6tel-Dieu de St-Vallier, supra, note 18, et Cou-
lombe v. H6tel-Dieu de Montrdal, supra, note 20.

L’on .ne peut s’emp~cher de constater 1existence, dans le jugement de” M.
le juge Taschereau, dune interprdtation it plusieurs 6gards manifestement

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 26

idgitimes du malade confi6 h l’univers mddico-hospitalier. L’appli-
cation du rdgime de l’intensit6 de rdsultat d~s que l’exdcution d’un
devoir relevant de la technique mddico-hospitali~re ne comporte
aucun alda sdrieux serait aussi de nature h protdger la victime mal-
heureuse d’un accident de source inconnue. Faut-il aller plus loin?

erronde de l’opinion de M. le juge Erie –
interprdtation qui a d’ailleurs da
faire l’objet d’un rectificatif de la Cour supreme elle-m6me. Voir Martel v.
h la p. 749. Une comparaison des deux
H6tel-Dieu St-Vallier, supra, note 18,
textes nous en convaincra:

Affaire Scott

There must be reasonable evidence
of negligence. But where the thing
is shown to be under the manage-
ment of the defendant or his ser-
vants, and the accident is such as
in
the ordinary course of things
does not happen if those who have
the management use proper care,
it affords reasonable evidence,
in
the absence of explanation by the
defendant, that the accident arose
from want of care.

Affaire Parent

Quand, dans
le cours normal des
choses, un 6vdnement ne doit pas
se produire, mais arrive tout de m8-
me, et cause un dommage hi autrui,
et quand il est 6vident qu’il ne se-
rait pas arrivd s’il n’y avait pas eu
n6gligence, alors, c’est h l’auteur de
ce fait h d6montrer qu’il y a une
cause 6trang~re, dont il ne peut
8tre tenu responsable et qui est la
source de ce dommage. Si celui qui
avait le contr6le de la chose rdussit
h 6tablir h la satisfaction de la
Cour, lexistence du fait extrins que,
il aura droit au b6ndfice de l’exond-
ration.

Voir aux pp. 601 et 380 des recueils de jurisprudence respeotifs.

Une lecture attentive des textes soumis montre ais6ment les dangers,
non seulement de la libre traduction, mais aussi de la transposition inconsi-
ddr6e d’une r~gle d’un systZme juridique A un autre. Car le texte de
‘affaire
Parent est beaucoup plus exigeant que celui de l’affaire Scott. En common
law, en effet, la r~gle res ipsa loquitur n’est qu’une simple r~gle de preuve
de nature A faciliter 1’6tablissement des faits par celui qui, du demandeur
ou du ddfendeur, est le plus apte h le faire. Transpos6e en droit civil cana-
dien par M. le juge Taschereau, la r~gle devient, pour ainsi dire, une rgle
de fond, car en obligeant le ddbiteur, pour s’exondrer, A prouver l’interven-
tion d’une “cause dtrang~re” ou d’un “fait extrins6que”, on transforme judi-
ciairement l’obligation de diligence en obligation de r6sultat.

Une telle transposition nous parait inadmissible en droit civil puisque
les prdsomptions de responsabilit6 rdsultent, soit de ]a loi (voir arts 1238 et
1239 C.c.), soit des faits (voir art. 1242 C.c.). Or, dans la mesure ott l’obliga-
tion du ddbiteur, comme cola est g6n6ralement admis en matire de soins
mddico-hospitaliers, est une obligation de diligence, un renversement du
fardeau de la preuve doit lui permettre de s’exondrer en prouvant qu’il a
effectivement agi avec la prudence et la diligence d’un bon p~re de famille,
sans avoir pour autant A prouver la cause 6trangbre du pr6judice. Nous
avions cru, en faisant une 6tude critique de l’arr~t Parent (voir notre 6tude,
supra, -note 45, aux pp. 226 et seq.), que l’application de la r~gle res ipsal

1981] LA RESPONSABILITI. DE L’1.TABLISSEMENT HOSPITALIER

737

On commence h le penser.28 Mais, avant de brfiler les dtapes dans un
domaine bien diff6rent de celui d’un accident du travail ou de la
circulation routi~re, on doit, en tout cas, devant les lenteurs de la
justice, qui ne sont pas toujours le fait des tribunaux, devant les
frais et les aldas d’un recours en justice, devant les diff6rences par-
fois troublantes dans les indemnit6s accorddes aux victimes de fau-
tes mddico-hospitali~res, s’interroger sdrieusement sur certains as-
pects de l’actuel syst~me g6ndral de responsabilitd civile dans leur
application au cas particulier de la faute professionnelle et, notam-
ment, en ce qui concerne la determination de la responsabilit6 du
ddbiteur de soins et rindemnisation de la victime de soins fautifs.

N’y aurait-il pas intdr&t, tout d’abordl, h scinder le proc~s en res-
ponsabilit6 civile en deux phases successives? La premiere aurait
pour seul objet de statuer sur la responsabilitd civile du d6fendeur:
6tablissements, mddecin, infirmi~re. La seconde, n’ayant lieu que

loquitur en droit civil canadien ne paraissait acceptable que dans la mesure
oti elle s’intdgrait au regime civiliste de prdsomptions de fait dtabli
l’arti-
cle 1242 C.c. Voir, 6galement, en ce sens, X v. Mellen, supra, note 49, aux
pp. 413-4, et Reitz v. Katz, C.S. (Montr6al, 719,611), 21 fdvrier 1969.

Aussi, h moins de proc4_der i son 6limination pure et simple pour reve-
nir au seul regime des prdsomptions de fait inonc6 h ”article 1242 C.c. –
ce
qui, h bien y rdfldchir, serait peut-6tre la meilleure solution (voir, en ce sens,
X v. Mellen, supra, note 49, h la p. 397) -, pouvons-nous du moins souscrire
h la version “mitigde” de la maxime que proposait la Cour d’appel dans
l’affaire H6pital gindral de la Rggion de l’amiante Inc. v. Perron, supra,
note 1, h la p. 575, et dont l’application, en mati~re mddico-hospitalikre,
-e-
joint pr6cisdment le regime des prdsomptions de fait du Code civil. Voir,
pour une application, h notre avis, tris civiliste, des principes pos6s par
l’arr&t Perron, Leblanc v. Dansereau, supra, note 49. Voir, dgalement, en ce
sens, Boucher et at., supra, aux pp. 349 et seq. Mais, voir Bernardot & Kouri,
supra, note 2, nos 66 et seq., aux pp. 47 et seq., qui n’admettraient, comme
exondratoire, que la preuve de la cause 6trang~re, imprdvisible et externe.
C’est IA, croyons-nous, ddnaturer le regime de prdsomptions de fait, dont
l’office nest pas d’ “6tablir” la faute du ddbiteur, mais uniquement de la
faire prdsumer. Voir, h ce sujet, Nadeau & Ducharme, supra, note 226, nos
586 et seq., aux pp. 489 et seq., ainsi que, notamment, Cimon v. Carbotte,
supra, note 73; Loiacono v. Bilefsky, supra, note 44; Binette v. Ethier, supra,
note 47, et Chevalier v. H6pital Royal Victoria, supra, note 132.

228 Voir Popovioi, supra, note 69, b la p. 55. Voir, 6galement, Tunc, “L’assu-
rance ‘tous risques m6dicaux’ ” in Eck, Le mddecin face aux risques et a
la responsabilitd (1968), pp. 161 et seq., oft l’auteur se prononce en faveur
d’un r6gime couvrant tous les rdsultats anormaux des traitements et inter-
ventions chirurgicales.

Voir, de plus, pour diverses rdformes proposdes en la mati~re, Sluyters,
supra, -note 120, aux pp. 55 et seq., et Revillard, supra, note 35. Voir, encore,
en faveur de la constitution d’un fonds de garantie et, sous certaines condi-

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 26

si la responsabilit6 du ddfendeur 6tait retenue, porterait alors sur
l’indemnisation de la victime. Si l’on songe, notamment, au temps
requis par les procureurs des parties pour pr6parer, tout d’abord,
l’enquete en ce qui concerne, tout
la fois, la d6termination de la
responsabilit6, la fixation des incapacit6s et l’6valuation du pr6ju-
dice, pour presenter, ensuite, tous ces 616ments de preuve au cours
d’une m~me audition –
ce qui, avec l’interrogatoire des t6moins et
des experts2 29 peut souvent s’6tendre sur plusieurs jours, voire des
semaines -, on peut se demander s’il est utile d’obliger les parties
bi vider l’affaire en un seul temps. Une telle r6forme mdriterait d’au-
tant plus l’attention qu’une r6cente 6tude a montr6 que, dans les
affaires ayant donn6 lieu i jugement, les tribunaux ont rejet6, dans
une proportion de 61.2 per cent., la demande intentde contre un m6-
decin. 3 0

Par ailleurs, si la responsabilit6 du d6fendeur 6tait retenue, ne
conviendrait-il pas, alors, de confier, sous l’autoritd du tribunal, la
ddtermination du taux des incapacitds et 1’6valuation du pr6judice
un corps permanent d’assesseurs spdcialis6s, compos6 de juris-
tes, de professionnels de la santd et de comptables ou actuaires, et
de ne soumettre au tribunal que l’homologation de leurs decisions?
Enfin, dans l’hypoth~se oii Yon estime que la victime a droit h la
rdparation du prdjudice par elle subi, est-il n6cessaire de s’en tenir
au rdgime actuel de l’indemnisation forfaitaire par le versement
d’un capital? En ces temps d’inflation enddmique et d’instabilit6
mondtaire, un rdgime amdnag6 de versement d’une rente –
syst6-
me largement utilis6 en France2 3 ‘ -, ne serait-il pas, tr~s souvent,
en tout cas lorsque la victime subit un pr6judice continu, h la fois
plus juste, plus addquat et, disons-le, moins arbitraire que celui

tions, d’un r6gime de prise en charge automatique des dommages r6sultant
de 1’activit6 m6dicale, Penneau, supra, note 43, nos 281 et seq., aux pp. 305
et seq., et le projet de loi y propos6 en annexe, aux pp. 312 et seq.
22 9lVoir, A ce sujet, Boucher et al., Difficultds pour le demandeur de se
faire assister d’un m~decin-expert lors d’une action en responsabilitg mddi-
cale (1976) 17 C. de D. 35, et notre 6tude, supra, note 45, aux pp. 218 et seq.
Sur le regime de 1’expertise, voir Landry, De la preuve par expert: la juris-
prudence (1980) 40 R. du B. 652.
2 30 Voir Deschamps, Analyse statistique des poursuites judiciaires en res-
ponsabilitg civile intentdes contre les professionnels de la santd et les
dtablissements de santg du Qudbec entre le ler janvier 1968 et le 31 dd-
cembre 1977 (1978), Doc. B, h la p. 31.

(1978),

231 Voir H. & L. Mazeaud, Traitg thdorique et pratique de la responsabilitd
t. III, vol. 1,

civile ddlictuelle et contractuelle, 6e 6d. par Chabas
nos 2328 et seq., aux pp. 646 et seq.

1981] LA RESPONSABILITP DE L’tTABLISSEMENT HOSPITALIER

739

que nous connaissons h l’heure actuelle dans le cadre du droit com-
mun de la responsabilit6 civile? 232

I1 n’est pas interdit de penser que l’adoption de telles mesu-
res – ultime chance du rdgime de droit commun –
pourrait faci-
liter la tAche des tribunaux, acc6l6rer la solution des litiges, assu-
rer une r6paration plus addquate du pr6judice subi, permettre une
meilleure harmonisation des indemnitds et, en fin de compte, mieux
servir les int6r~ts de la justice.

2 32 Voir, h ce sujet, les notes de M. le juge Dickson in Andrews v. Grand
& Toy Alberta Ltd [1978] 2 R.C.S. 229, aux pp. 236 et seq. Mme s’il s’agit
d’une affaire en provenance d’une province de common law, qui ne saurait
donc s’imposer –
devant les ju-
ridictions de droit civil, on constate que les deux syst~mes, au plan des
politiques 16gislatives, ont pour objectif, a partir du principe de la rdpara-
tion intdgrale du prejudice, d’assurer, notamment en ce qui concerne les
pertes non pdcuniaires, l’indemnisation a la fois juste et 6quitable de la
victime.

si ce n’est h titre d’autorit6 de raison –

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