Article Volume 21:4

La Réforme du droit familial et la condition de la femme au canada

Table of Contents

PROVINCIAL ASPECTS
ASPECTS PROVINCIAUX

La Rdforme du Droit familial et la condition de la

femme au Canada

E. Groffier*

A l’occasion de la parution de la premiere partie du Rapport sur
la Famille de 1’Office de revision du Code civil du Qu6bec,’ il faut
nous demander si la r6forme du droit familial, entreprise au Qudbec
et un peu partout au Canada, tient suffisamment compte de l’6volu-
tion de la condition f6minine.

Celle-ci a fait l’objet d’une 6tude approfondie de 1967 h 1970,
par la Commission royale d’enqute sur la situation de la femme2
dont les recommandations 3 exercent une influence certaine sur la
r6vision du droit familial au Qu6bec, en Ontario,4 dans d’autres pro-
vinces5 et au niveau de la 16gislation f6d6rale.6

(1970)

* Professeur associ6, facult6 de droit, McGill University.
1 Office de revision du Code civil, Rapport sur la famille, Partie I, XXVI
(1974) (ci-apr~s rdf6r6 comme O.R.C.C., Rapport sur la famille).
2 Rapport de la Commission royale d’enqu~te sur la situation de la femme
au Canada, Ottawa, Information Canada
(ci-apr~s r6f6r6 comme
Rapport de la Commission royale). La Commission a fait effectuer une 6tude
sp6ciale sur le droit familial: B. Gaudet, Etude sur certains aspects du droit
familial au Canada, Etudes pr6pardes pour la Commission royale, no.11,
Ottawa, Information Canada (1971).

3 Rapport de la Commission royale, ibid., 461 et seq.
4 Ontario Law Reform Commission, Report on Family Law, Part I, Torts;
Part II, Marriage; Part III, Children; Part IV, Family Property Law; Part V,
Family Courts; Part VI, Support Obligations, 1970-1975 (ci-apr~s r6f6r6 corn-
me Ontario Commission, Report on Family Law); voir aussi, Report of an
interministerial committee appointed by the provincial Secretary for Social
Development, Equal Opportunity for Women in Ontario, a Plan for Action
(1973); Women’s Bureau, Ministry of Labour, Law and the Woman in Ontario
(1973).

5 Voir Newfoundland Family Law Study, Family Law in Newfoundland, St.
Joln’s (1973); en Alberta, une loi r6cente met la femme et ‘homme, le mar
et
‘dpouse, le veuf et la veuve sur le m6me pied dans toute une s6rie de
lois: The Attorney General Statutes Amendment Act, SA. 1973, c.61; voir
6galement: Status of Women in Alberta, an Interim Report on the Status
of Women in Alberta made by the Citizens’ Advisory Board to the Honorable
Miss W. Helen Hunley, Edmonton (1972); au Saskatchewan: Report of the
Citizens’ Commission for the Reform of Family Law, March 1973, polycopi6.
6Commission de la Rdforme du droit du Canada, Troisigme Rapport annuel
1973-74, Ottawa (1974), 4 et 14, et Etude du droit de la famille, Bulletin d’in-
formation pr6par6 par la Section de recherche sur le droit de la famille (1972).

McGILL LAW JOURNAL

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Bien que la pr6sente 6tude soit limit6e A ce domaine, nous som-
rnes 6videmment conscients du fait que l’6galit6 au sein de la famille
est de peu de port6e pratique si la situation 6conomique des femmes
n’est pas 6galement am6lior6e,7 ce qui implique l’616vation de leur
niveau d’instruction,8 la r6forme du droit du travail et de la l6gisla-
tion sociale, tout comme une oeuvre incessante d’6ducation.

Nous nous proposons de d6crire la situation juridique de la fern-
me dans la famille en effectuant, autant que faire se peut, une com-
paraison entre la femme qudbdcoise et la femme canadienne-anglaise.
Notre intention n’est pas cependant de faire un relev6 exhaustif des
lois des provinces de langue anglaise car la multiplicit6 des diver-
gences de d6tails entrainerait des d6veloppements inutilement longs.
Nous nous contenterons donc de signaler les tendances g6ncrales en
nous fondant principalement sur la i6gislation ontarienne et les tra-
vaux de la Commission de rdforhne de cette province. Nous nous atta-
cherons uniquement h la situation actuelle, l’historique de l’6volution
de la situation de la femme ayant d6ja

t6 faitY

Nous traiterons plus sp6cifiquernent des sujets suivants: les con-
ditions requises pour contracter mariage, les effets du mariage, le
divorce et la sdparation de corps et l’autorit6 parentale.

Certains -des effets du mariage au Qu6bec, qui sont abord6s dans
l’article de Mine Frances Schanfield Freedman dans cette 6dition
spdciale du McGill Law Journal seront simplement mentionnds et

7 La situation de la femme clans le monde du travail rev~t donc une im-
portance capitale. Pour un relev6 des lois fdd6rales et provinciales A cet
6gard, voir: Bureau de la main d’oeuvre f6minine, La Idgislation touchant la
femme en emploi, Ottawa (1973) et Les femmes dans la population active,
faits et donndes (1974). Le Rapport de la Commission royale, supra, note 2,
445 et seq., contient de nombreuses recommandations dans ce domaine.
Depuis sa parution, certains progris ont 6td enregistr6s. Ainsi, par exemple,
the Ontario Human Rights Code, R.S.O. 1970, c.318 a 6t6 amend6 en 1972 pour
introduire la prohibition de toute discrimination fondde sur le sexe ou 1’6tat
matrimonial en ce qui concerne le recrutement, 1’apprentissage, la formation
professionnelle, les conditions d’emploi, la participation dans les syndicats,
etc., S.O. 1972, c.119. Le salaire minimum en Nouvelle Ecosse qui comportait
une diffdrence suivant les sexes a 6t6 unifi6, le ler juin 1972: Labour Standards
Code of Nova Scotia, S.N.S. 1972, c.10, s.48 et seq. et s.55.

8 Voir les remarques de Luce Dionne-Bourassa, La femme maride, dvolution
recente de sa condition en droit et en fait au Canada, Travaux du 9me collo-
que international de droit compar6, 7-9 septembre 1971
(1972), 274; voir
dgalement les recommandations du Rapport de la Commission royale en ce
qui concerne rdducation, supra, note 2, 455; J.K. Bankier, Women and the
Law School: Problems and Potential (1974) 22 ChittyL . 171 et seq.

9 Par exemple, A. Morel, La libdration de la femme au Canada, deux itind-

raires (1970) 5 RJ.T. 399.

1975]

DROIT FAMILIAL ET LA CONDITION DE LA FEMME

497

les r6gimes matrimoniaux, qui font l’objet de l’article du Professeur
Peter Jacobson, ne seront pas trait6s.9

Nous n’entrerons pas davantage dans la controverse relative aux
comptences respectives du pouvoir f6d6ral et des pouvoirs provin-
ciaux en mati~re de droit familial.

I1 suffit de noter qu’en principe le mariage et le divorce ont 6t6
attribu6s h rautorit6 centrale par l’article 91(26) de rActe de
I’Amdrique du Nord britannique et la c616bration du mariage, la
proprit6 et les droits civils aux autorit6s provinciales selon 1’article
92(12) et (13). D’autre part, il existe des zones de comp6tence mal
d6finies comprenant des mati~res comme la s6paration de corps,
l’Age minimum et le consentement des parents pour contracter
mariage.11

Certaines matibres telles que la garde des enfants et la pension
alimentaire posent un problme de comp6tence l6gislative particulier
suivant qu’elles sont envisag6es de fagon autonome ou comme me-
sures accessoires d’une requ~te en divorce. r

Finalement, certaines mesures comme le consentement des pa-
rents au mariage de leur enfant peuvent faire l’objet d’une qualifica-
tion diff6rente au Qu6bec et dans les provinces de Common Law. Au
Qu6bec, ce consentement fait partie de la capacit6 h se marier,1″
tandis que dans les provinces de Common Law, il est consid6r6 com-
me un 616ment des formalit6s de la c616bration du mariage. 14

9aNous n’avons pas davantage abord6

les limitations aux pouvoirs des
dpoux qui peuvent r6sulter du r6gime matrimonial qu’ils ont choisi; pour un
exemple de 1’6volution de la capacit6 de la femme maride et d’une telle limita-
tion, voir F. H61eine, Le droit au travail de la femme maride ou l’histoire
d’une accession & l’ind6pendance (1973) 4 R.Gen.de D. 154.
1030-31 Vict., c.3 (U.K.) (voir S.R.C. 1970, Appendice III).
11 G. Beaudoin, De la r~partition des compdtences Idgislatives au Canada en
matiare de mariage et de divorce (1973) 4 R.Gen.de D. 66; pour l’Page minimum
requis pour contracter mariage, voir Conference of Commissioners on
Uniformity of Legislation in Canada, “The Capacity to Marry: The Minimum
Ages”, Report, Proceedings, 1972, 120; pour le consentement des parents au
mariage voir A.G. for Alberta and Neilson v. Underwood [1934] S.C.R. 635.

12Voir les r6f6rences cit6es dans O.R.C.C., Rapport sur la famille, supra, note

1, 7, notes 2 et 3.

13 J.G. Castel, Propos sur la structure des ragles de “rattachement” en droit
international privd qudbdcois (1961) 21 R.du B., 181 h la p. 192; voir dgalement
Agnew v. Gober (1910) 38 C.S. 313; mais contra, Redshaw v. Redshaw [1942]
C.S. 109.

14H.R. Hahlo, “Nullity of Marriage’

in D. Mendes da Costa (ed.), Studies

in Canadian Family Law (1972), vol.2, 665.

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1. Les conditions requises pour contracter mariage

Deux conditions n6cessaires pour contracter mariage affectent
plus sp6cialement la femme: l’Age minimum exig6 pour pouvoir se
marier et le consentement des parents.

a) L’Edge minimum

La Commission royale d’enqu6te sur la situation de la femme
propose de fixer h dix-huit ans l’Age minimum pour contracter ma-
riage. Cette recommandation s’appuie sur des 6tudes qui ont mon-
tr6 la proportion 6lev6e d’6checs des mariages trop pr6coces.'” De
plus, lorsque des ages diff6rents existent pour le gargon et la jeune
fille, cette derni~re est autoris6e it se marier plus jeune, au d6tri-
ment 6videmment de ses 6tudes.

Ainsi, au Qu6bec, aux termes de l’article 115 du Code civil, l’Age
minimum pour contracter mariage est de douze ans pour ]a fille
et de quatorze ans pour le garon. C’est l’Age le plus bas pour la
femme de toutes les provinces du Canada qui prescrivent un Age
minimum. C’dtait 6galement l’Age en vigueur dans la Common Law
et le droit canonique 17 avant que des lois aient fix6 un Age plus
6lev6, qui est lc plus souvent quinze ou seize ans, quatorze ans en
Ontario.”‘ N6anmoins, ]a loi de certaines provinces de Common Law
stipule, en outre, que le mariage pourra
tre contract6, m~me si
I’une des parties n’a pas atteint l’Age prescrit, au cas oit ]a fille est
enceinte.2 0 Cette exception soulkve d’ailleurs les plus vives critiques.”
Dans d’autres provinces, il est pr6vu que le juge peut autoriser les
parties h se marier meme si I’une d’entre clies n’a pas atteint l’Age
requis s’il estime que c’est dans ]cur int6r~t. 2 II semble ndanmoins

15 Rapport de la Commission royale, supra, note 2, 461, recommendation 102.
I”Voir O.R.C.C., Rapport sur la famille, supra, note 1, 68; voir 6galemcnt,

Commission des services juridiques, Deuxilme Rapport annuel (1974), 71.

1 Voir H.R. Hahlo, supra, note 14, 664; Ontario Law Reform Commission,
Report on Family Law, Part IT, supra, note 4, 36; voir 6galement Hobson v.
Gray (1958) 13 D.L.R. (2d) 404 (AIta S.C.).

1x En Angleterre, cc n’est qu’cn 1929 qu’un Age minimum a 6t6 fix6 h 16 ans;

Age of Marriage Act, 1929, 19-20 Gco.5, c.36, s.1.

19 Marriage Act, R.S.O. 1970, c.261, s.8.
“1 Par exemple, en Alberta, Marriage Act, R.S.A. 1970, c.226, s.16-2; au Saskat-
chewan, Marriage Act, R.S.S. 1965, c.338, s.31; en Ontario, Marriage Act, ibid.,
s.8; it Terre-Neuvc, Solemnization of Marriage Act, R.S.N. 1970, no.355, s.5.

21 B3. Gaudet, supra, note 2, 58.
“2En Colombie britannique, Marriage Act, R.S.B.C. 1960, c.232, s.30(2); en
Nouvelle Ecosse, Solemnization of Marriage Act, R.S.N.S. 1967, c.287, s.18
mod. par S.N.S. 1969, c.74.

19753

DROIT FAMILIAL ET LA CONDITION DE LA FEMME

499

que le souci d’6viter a tout prix qu’un enfant naisse ill6gitime tend h
perdre de son importance aux yeux des lgislateurs et des juges, ‘
qui commencent 6L se prdoccuper du d6grd de pr6paration au manage.
Comme l’exprime si bien l’Etude de droit familial de Terre-Neuve,
“it is not enough to allege love or pregnancy”2 4

Le Rapport de l’Office de revision du Code civil du Qudbec pro-
pose d’61ever l’.Age minimum pour contracter manage h dix-huit
ans avec une possibilit6 de dispense du tribunal lorsque les futurs
6poux ont atteint l’Age de seize ans. Aucun manage ne serait possible
en dessous de cet Age.25

La Commission de r6forme de l’Ontario a recommand6 que l’5age
minimum soit fix6 a dix-huit ans pour les hommes et seize ans pour
les femmes2G La possibilit6 de 16gitimer les enfants n6s des jeunes
femmes !g~es de seize it dix-huit ans et la tendance qu’ont les
hommes d’dpouser des femmes plus jeunes qu’eux, justifient cette
diffdrence 7

I1 faut esp6rer toutefois qu’elle sera 61imin6e partout oii elle
existe car elle peut avoir une influence n6faste sur le niveau de
scolarit6 des femmes.

La Conference des commissaires pour l’uniformit6 de la 16gisla-
tion au Canada d6sirerait que l’ige minimum pour contracter ma-
riage soit port6 a seize ans pour les deux conjoints.28

Lorsque l’enfant a atteint l’Ige requis pour se marier mais non

encore l’ge de la majorit6, il a besoin du consentement familial.2 9

23La disposition de la loi manitobaine permettant le marriage en cas de
grossesse, Marriage Act, R.S.M. 1970, c.M-50, s.23, a 0t6 abrog~e par S.M.
1970, c.11. Voir 6galement, le rejet d’une requete de dispense de consentement
du p~re en cas de grossesse, Bennett and Bagnell v. Bennett (1974) 14 R.F.L.
248 (N.S. Cty Ct).

24 Newfoundland Family Law Study, supra, note 5, 33.
25 O.R.C.C. Rapport sur la famille, supra, note 1, 66, art.9.
26 0ntario Commission, Report on Family Law, Part II, supra, note 4, 53. La
m6me recommandation a 6t6 faite i Terre-Neuve, voir Newfoundland Family
Law Study, supra, note 5, 22.

27 Ontario Commission, ibid., 44.
28Voir Conference of the Commissioners on Uniformity of Legislation in
Canada, “Minimum Age for Marriage”, Report, Proceedings 1970, 319; 1971,
164; 1972, 99; 1973, 27; 1974, 211; Minutes, Proceedings 1970, 40; 1971, 77; 1972,
30; 1974, 34.

29 L’5ge minimum pour contracter librement mariage sans avoir besoin de
consentement familial est en g6n6ral 18 ans sauf dans quelques provinces oi
il est de 19 ans, par exemple, en Colombie britannique: Marriage Act, R.S.B.C.
1960, c.232, ss.29 et 30 mod. par S.B.C. 1971, c.32; Age of Majority Act, S.B.C.
1970, c.2, s2; en Nouvelle Ecosse: Solemnization of Marriage Act, R.S.N.S. 1967,

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[Vol. 21

b) Le consentement des parents

Dans certaines provinces, seul le consentement du p6re suffit. “0
C’est le cas prdsentement en Ontario; toutefois ]a Commission de r6-
forme a recommandd’que le consentement des deux parents soit d6-
sormais exig6 pour le mariage de ]a jeune fille entre seize et dix-huit
ans, le jeune homme ne pouvant se marier, suivant les m6mes re-
commandations, avant d’avoir atteint dix-huit ans.’ Ce double con-
sentement ne serait pas exig6 lorsqu’un des parents serait dans
l’incapacit6 de consentir ou que ]a garde de ]a jeune fille serait con-
fide a l’un des parents h l’exclusion de 1’autre, suite h un divorce, par
exemple.

Dans d’autres provinces le consentement des deux parents est
prdsentement exig6.’ Au Qu6bec le l6gislateur a amend6, en 1969,
l’article 119 du Code civil qui exigeait le consentement des deux
parents mais faisait primer celui du pare en cas de dissentiment..13
La solution qudb6coise actuelle est que le consentement d’un seul
parent suffit.

Une fois le mariage contract6, il produit un certain nombre d’ef-
fets et l’6galit6 des 6poux n’est pas toujours respectde dans ce
domaine.

2. Les effets du mariage

Nous traiterons plus particuli~rement de l’acquisition par la fem-
me maride du nor et du domicile de son marl, de ‘obligation alimen-
taire entre 6poux et du mandat domestique de la femme mari6e.

c.287, ss.14, 17 et 18 mod. par S.N.S. 1973, c.60; Age of Majority Act, S.N.S. 1970-
71, c.10, s.3(1); A Terre-Neuve: Solemnization of Marriage Act, R.N.S. 1970,
c.355, s.4; The Minors (Attainment of Majority) Act, S.N. 1971, no.71, s.46.

30En Ontario: Marriage Act, supra, note 20, ss.7(1) et (2); au Nouveau
Brunswick: Marriage Act, R.S.N.S. 1952, c.139, s.17(1); en Nouvelle Ecosse:
Marriage Act, supra, note 29, s.17.

31 Ontario Commission, Report on Family Law, Part II, supra, note 4, 53.
32 Voir, par exemple, en Alberta: Marriage Act, R.S.A. 1970, c.226, s.18 mod.
par Age of Majority Act, S.A. 1971, c.1; au Saskatchewan, Marriage Act, R.S.S.
1965, c.338, s.38 mod. par S.S. 1966, c.36, s.4 mod. par Age of Majority Act,
S.S. 1972, c.1.

33 Loi modifiant le Code civil, L.Q. 1969, c.74, art.1. L’art.119 C.C. a 6t bt
nouveau modifid Iors de l’abaissement de l’Age de la majorit6 N 18 ans:
L.Q. 1971, c.85, art.1. Voir pour une application de l’art.119, Desbiens v. Attia
and Nicole Desbiens [1973] C.S. 597; P. Ciotola, Mariage – Minoritd – Consen-
tement d’un Parent (1974) 76 R.du N. 299.

1975]

DROIT FAMILIAL ET LA CONDITION DE LA FEMME

501

a) Le nom. de la femme maride

La loi n’oblige g6n6ralement pas la femme ma-iie ‘a prendre le
nor de son marl. Au Qu6bec il semblerait m~me, h la lecture de
l’article 56a du Code civil, que la femme devrait garder le nom
figurant sur son acte de naissance. D’autre part, la femme qu6bdcoise
adopte g6n~ralement le nor de son 6poux. C’est une tradition s6cu-
laire34 qui est indirectement ratifide par des directives gouverne-
mentales comme celles rdgissant l’obtention des passeports35 L’usage
est h ce point 6tabli qu’un auteur a 6crit que ,d’adoption par les
femmes du nom patronymique de leur marl est une coutume si an-
cienne et si r6pandue que le l6gislateur se doit de l’abroger express6-
ment si telle est sa volont6>36 La jurisprudence a d’ailleurs consacr6
l’usage.

Si la lgislation des provinces de Common Law n’oblige pas non
plus la femme 4 prendre le nom de son marl, certaines lois lui inter-
‘a acquisY8 Au Manitoba et
disent de le changer une fois quelle
en Ontario, une loi au meme effet a 6t6 modifi6e en 1971 et permet
h chacun des conjoints de demander le changement du nor de famil-
le avec le consentement de l’autre3 9 Cette solution est encore loin
d’6tre iddale et ne permet pas ht l’6pouse de reprendre unilatdrale-
ment son nom de jeune filleqa I1 est probable que ‘Office de revision
du Code civil du Qu6bec proposera que chaque 6poux garde son
nom, tout en ayant la possibilit6 d’y adjoindre le nom de son con-
joint0 Outre le nom de son marl, la femme acquiert 6galement le
domicile de celui-ci et il ne s’agit plus d’un usage mais d’un principe
de droit largement r6pandu.

84 J. Pineau, La Famille, Montrdal P.U.M. (1972), no.192, A la p.175.
3 5 Voir les remarques et les recommandations du Rapport de la Commission

royale, supra, note 2, 266 et recommandations 103 et 104, h la pA61.

36

. Beetz, Attribution et changement du nom patronymique (1956) 16

R.du B. 56.

37Harris v. Bosworthick et Ville de Pincourt [1966] C.S. 482.
3 8 Voir, par exemple, en Colombie britannique: Change of Name Act, R.S.B.C.
1960, c.50, s.4(3) mod. par S.B.C. 1972, c.11, s.2; en Nouvelle Ecosse: Change
of Name Act, R.S.N.S. 1967, c.30, s.2(3).

39 Au Manitoba: Change of Name Act, S.M. 1971, c.69, s.2(2) et (8); en
Ontario: Change of.Name Act, R.S.O. 1970, c.60, sA mod. par S.O. 1972, c.44, s.3.
39a Voir Ontario Law Reform Commission, A Woman’s Name, Study Paper,
1975; J. Banlder, Change of Name of the Married Woman (1973) 21 Chitty’s L.J.
302.

40 Voir PA. Cr6peau, Le droit familial du Qudbec: Rdalit~s nouvelles et pers-

pectives d’avenir (1973) 51 Can.Bar Rev. 169, h la p.175.

McGILL LAW JOURNAL

[VCol. 21

b) Le domicile et la rdsidence de la femme maride

Traditionnellement, la femme acquiert en se mariant le domicile
de son mar. Cette cons6quence du mariage est exprimde h l’article
83 du Code civil et est une r~gle incontestde de la Common Law, 41
bien qu’elle vienne d’6tre abandonnde en Angleterre4la et en France.41 b
La Commission royale d’enqute” sur la situation de la femme au

Canada a recommand6:

… que les provinces et territoires modifient leur 16gislation de sorte
qu’une femme, apr~s son mariage, puisse conserver son domicile ou,
subs6quemment en 6tablir un nouveau, ind6pendant de celui de son mari.A
La loi uniforme concernant le domicile, adoptde en 1961 par la
Conf6rence des commissaires pour l’uniformitd de la i6gislation au
Canada, crde une prdsomption selon laquelle le principal 6tablisse-
ment d’une personne, 616ment d6terminant de son ‘domicile, est
situ6 lhi oii se trouvent son conjoint et ses enfants.4 3 Le texte ne fait
aucune distinction entre le mari et la femme. Cette loi n’a pas 6t6
adopt6e par les provinces.4

Etant donnd les probl~mes pratiquement insurmontables que la
rZgle traditionnelle crdait h l’6pouse ddsireuse d’obtenir un divorce
ou une sdparation de corps lorsque son mari avait rd-dtabli le domi-
cile conjugal dans un pays 6loign6, le 16gislateur canadien lui avait
permis, d~s 1930, d’intenter l’action en divorce devant le tribunal
du lieu oti elle avait 6t6 abandonn6e.

41 Le Mesurier v. Le Mesurier [1895] A.C. 517 (P.C.); Lord Advocate v.
Jaffrey [1921] A.C. 146 (H.of L.); A.G. for Alta v. Cook [1926] All E.R. 525, 2
D.L.R. 762, 1 W.W.R. 742 (P.C.); voir D. Mendes da Costa, “Divorce and the
Conflict of Laws” in Studies in Canadian Family Law, supra, note 14, 899, b.
la p.919 .

41a Domicile and Matrimonial Proceedings Act, 1973, c.45, s.1 (U.K.); T. C.
Hartley and I.G.F. Karsten, The Domicile and Matrimonial Proceedings Act,
1973 (1974) 37 M.L.R. 179.

41b Loi N 75-617 du 11 juillet 1975 portant r6forme au divorce, J.O. 12 juillet

1975, 338, art.108.

Proceedings 1961, 139.

42 Rapport de la Commission royale, supra, note 2, 461, recommandation 105.
43 Conference of Commissioners on Uniformity of Legislation in Canada,
44 Voir dchange de correspondance entre la Commission royale d’enqu6te
sur la situation de la femme au Canada et the Conference of Commissioners
on Uniformity of Legislation in Canada, Minutes, Proceedings 1971, 81.

45 Loi sur la juridiction en matire de divorce, S.R.C. 1952, c.84 abrogde par la

Loi concernant le divorce, S.R.C. 1970, c.D-8:

19753

DROIT FAMILIAL ET LA CONDITION DE LA FEMME

503

La loi actuelle concernant le divorce prescrit d’apprdcier, en ce
qui touche la juridiction du tribunal, le domicile de l’6pouse corn-
me si elle n’6tait pas marie. 6

Si l’article 70 du Code de proc6dure civile du Qudbec concernant
la juridiction du tribunal en mati~re de sdparation de corps et d’an-
nulation de mariage n’introduit pas une conception de domicile s6-
par6 pour la femme maride, il lui permet toutefois d’intenter l’action
h la derni~re rdsidence commune des 6poux et, au cas oii elle est
sans nouvelles de son mari, a sa rdsidence personnelle.4 7

Dans les autres provinces du Canada otL la s6paration judiciaire
existe, elle peut 6tre intent6e devant le tribunal du domicile com-
mun ou de la rdsidence commune des parties ou encore devant le
tribunal de la r6sidence familiale m~me si le d6fendeur en est tem-
porairement absent.4 8 Certaines lois n’exigent que la rdsidence d’une
des deux parties pendant une p6riode d6termine.49

L’Office de revision du Code civil s’oriente vers l’abandon du
domicile 16gal de la femme mari6e. 50 II maintient l’obligation de faire
vie commune mais, contrairement h l’article 175 du Code civil, la fait
peser 6galement sur les deux 6poux.5 ‘

La violation de cette obligation n’entraine pas, en droit qudbdcois,
de sanction directe mais elle peut se transformer en une cause de
sdparation de corps ou de divorce, telle que l’injure grave dans le
premier cas et la sdparation ou l’abandon dans le second.

L’obligation de cohabiter existe 6galement dans les provinces
de Common law –
en th6orie du moins – mais, pas plus qu’au
Qudbec, sa violation ne fait l’objet d’une sanction directe. Le refus
de se conformer h un (judgment for restitution of conjugal rights-,
1h oit ce recours existe encore, a pour sanction de faire prdsumer

46Loi concernant le divorce, ibid., s.5(2); voir Report of the Special Joint
Committee of the Senate and House of Commons on Divorce (1967), 30.
Voir dgalement, Ingelsberger v. Molho [1971] C.A. 699.

47 Avant la r6vision du Code de proc6dure civile, L.Q. 1965, c.80, le deman-
deur pouvait, aux termes de rart.96, intenter ‘action h son propre domicile
lorsque l’autre partie ne pouvait 6tre trouvde. Cette r6gle dtait difficile a
appliquer aux femmes demanderesses puisque le marl introuvable pouvait tr~s
bien avoir fix6 le domicile conjugal h
‘extdrieur du Qu6bec. Pour l’applica-
tion de l’art.70 (autrefois 96) voir R. v. S. [1966] R.P. 190 (C.S.).
48 Voir, par exemple, en Alberta, Domestic Relations Act, R.S.A. 1970, c.113,

s.8; au Saskatchewan, Queen’s Bench Act, R.S.S. 1965, c.73, s.26.

49 Par exemple, en Colombie britannique, Family Relations Act, S.B.C. 1972,

c.20, s.10.

5o O.R.C.C., Rapport sur la famille, supra, note 1, 146.
51 Ibid., 142, art.39.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 21

l’auteur du refus coupable d’abandon lequel peut 6tre, dans les cas
prdvus par la loi, une cause de separation de corps5 2 comme de
divorce.

Si l’obligation de faire vie commune imposee aux deux conjoints
repose sur une idde d’unit6 de la famille, le choix de la r6sidence
familiale impos6 par le mar h la femme, comme le pr6voit l’article
175 du Code civil, est certainement discriminatoire. Ndanmoins, le
refus de suivre le mar n’est pas.en soi une cause de s6paration de
corps h moins qu’il ne soit injurieux.1

L’Office de revision du Code civil veut mettre fin t cette discri-
mination. I1 recommande en effet que ,des dpoux choisissent de con-
cert la residence principale de la famille,. 5 4 I1 pr6voit 6galement en
cas de ddsaccord, la possibilit6 pour chaque 6poux de demander
au tribunal de fixer la rdsidence dans l’int6r~t de la famille. Les’
auteurs ont 6t6 conscients, en formulant cette proposition, que le
recours au tribunal n’dtait pas une solution parfaite et risquait me-
me parfois d’envenimer les conflits entre 6poux.5 Mais, ils ont pens6
qu’il 6tait indispensable de pouvoir recourir A un arbitre extdrieur
a la famille et qu’un tel recours se concevait dans l’optique de la
crdation d’un tribunal de la famille, dot6 de services de conciliation
qui pourraient amener les 6poux h rdsoudre leurs probl~mes sans
devoir chaque fois recourir h une action en justice.56

Si le choix de la residence familiale peut poser des problrnes,
celui de l’occupation de cette residence, en cas de ddsaccord entre les
6poux, en crde d’autres encore plus aigus.

Dans certaines juridictions de Common Law, la femme qui corn-
met l’adult~re, perd non seulement le droit aux aliments –
nous le
verrons plus loin – mais encore celui d’habiter dans la maison dont
son mari est propridtaire.57 II en est de m~me pour le marl adult~re
alors que sa femme est propridtaire de la maison. 8

52 Voir au Saskatchewan, Queen’s Bench Act, supra, note 48, s.24, et en
Alberta, Domestic Relations Act, supra, note 48, s.1; voir dgalement Ontario
Commission, Report on Family Law, Part IV, supra, note 4, 35; M. C. Cull ity,
“Property Rights During the Subsistence of Marriage” in D.Mendes da Costa
(ed.), Studies in Canadian Family Law (1972), vol.1, 197, t la p.207.

53 Tooby v. Cook-Salisbury [1952] C.S. 119.
54 O.R.C.C. Rapport sur la famille, supra, note 1, 175, art.56.
55 Des craintes ont d’ailleurs 6t6 exprimdes dans les Commentaires du
Y’O.R.C.C. que les juges choisissent systdmatiquement la
Rapport envoyds
rdsidence la plus appropride aux activitds professionnelles du mani et n’atta-
chent gu~re d’importance h celles de l’6pouse.

66 O.R.C.C., Rapport sur la famille, supra, note 1, 148 et seq.
5 7 Bromley’s Family Law 4th ed. (1971), 386 et Ontario Commission, Report
58 Shipman v. Shipman [1924] 2 Ch.140 (CA.).

on Family Law, Part IV, supra, note 4, 35.

1975]

DROIT FAMILIAL ET LA CONDITION DE LA FEMME

505

Lorsque l’adult~re ou un autre manquement aux devoirs conju-
gaux est commis par le propri6taire de la maison, les juges n’usent
de leur facult6 de lui ordonner de quitter le domicile conjugal, en
ddpit de son droit de propri6t6, qu’avec la plus grande moddration.5 9
Au Manitoba, un amendement recent est pourtant venu prdciser la
possibilit6 d’attribuer l’occupation de la maison familiale h un 6poux,
h l’exclusion de l’autre, m~me propridtaire, lorsque ce dernier a com-
mis un des manquements 6numdr6s par la loi. Une telle ordonnance
ne sera toutefois pas prise contre le marl si l’6pouse est coupable
d’adult~re.60

Finalement, le conjoint abandonn6 peut demeurer dans la de-
meure familiale h condition qu’il n’ait pas lui-m~me commis de
d6lit matrimonial.” Le droit du conjoint est personnel contre
‘autre
conjoint et-ne peut s’exercer contre le tiers propridtaire d
la mai-
son.! Le tribunal peut ddcider d’y mettre fin.!

Ce droit d’occupation de la maison conjugale est examin6 ici
comnne un corollaire de l’obligation de faire vie commune et non
pas sous l’angle de l’acquisition possible d’un int6r~t pdcuniaire dans
la maison familiale par lun ou l’autre 6poux. Ce problkme, qui est
proche du domaine des rdgimes matrimoniaux ou du ematrimonial
property law>>, a fait l’objet d’6tudes dans un certain nombre de pro-
vinces.

Au Qudbec, jusqu’h prdsent, la rdsidence familiale n’a pas 6t6
isole des autres biens composant le patrimoine d’un 6poux. Elle
subit le sort de la catdgorie des biens dans laquelle elle se trouve,
propridt6 d’un 6poux dont il peut disposer comme bon lui semble,
propri6t6 commune qui ne peut 8tre alidnde sans le consentement
du conjoint” ou, encore, acquit qui ne peut
tre alidnd ii titre
gratuit sans le concours du conjoint.!5

L’Office de revision du Code civil ne semble pas vouloir changer
cet dtat de choses bien qu’il prdvoie que l’enregistrement d’une

59 Ontario Commission, Report on Family Law, Part IV, supra, note 4, 36; M.
C. Cullity, supra, note 52, 210; Duggan v. Duggan (1965),51 D.L.R. (2d) 576
(Ont. H.C.).

60 Wive’s and Children’s Maintenance Act, R.S.M. 1970, c.W-170, ss.4, 7 et 15

mod. par S.M. 1970, c.69, s.19.1.

0 Re Maskewycz and Maskewycz [1974] 2 O.R. (2d) 713, (1973) 44 D.L.R.

(3d) 180 (Ont. CA.).

S02 Re Smyth and Smyth [1969] 1 O.R. 617 (Ont. H.C.); Re Perkins and
Perkins [1973] 1 O.R. 598 (Ont. H.C.). Le divorce met fin au droit d’occupation.
63 Stevens v. Brown (1969) 2 D.L.R. (3d) 687 (N.S.S.C.); voir M. C. Culity,

supra, note 52, 219.

4 Arts.1292 et 1425a C.C.
3 Art.1260o C.C.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 21

> pourrait emp~cher 1’6poux propri6taire de
vendre l’immeuble servant de residence familiale sans le consente-
ment de son conjoint.”6 L’occupation effective de ladite residence
contre la volont6 d’un conjoint devra suivre le sort de leur d6saccord
et ne semble pas pouvoir 6tre isolde du contexte de sa solution. Le
Rapport sur la famille pr6voit, en effet, que le tribunal peut ordon-
ner h Fun des 6poux de quitter la r6sidence de la famille pendant
une instance en divorce ou en s6paration de corps60 7 ce qui ne fait
qu’expliciter les articles 200 du Code civil (alinga 2) et 820 du Code
de proc6dure civile.

Apr~s le prononc6 du divorce, de la s6paration de corps ou de
l’annulation du mariage, c’est la propri6t6 de la r6sidence familiale
que le tribunal pourrait 6ventuellement attribuer h i’6poux non pro-
pri6taire.6 8

Assurer le logement de la famille fait partie de l’obligation plus
g6n6rale de subvenir aux besoins Ide celle-ci qui se traduit par
l’obligation alimentaire.

c) Obligation alimentaire

Cette obligation semble encore dans certaines provinces, peser
plus lourdement sur le mari. La Commission royale d’enquate sur la
situation de la femme au Canada a recommand6 que cette in6galit6
disparaisse6 9

Au Qu6bec en effet, si l’obligation alimentaire est r6ciproque aux
termes du devoir de secours, pr6vu A l’article 173 du Code civil, l’arti-
cle 176 oblige le mari h fournir h sa femme les choses ndcessaires h
la vie. Il s’agit lh, dit le professeur Pineau, d’une opr6rogative n6ga-
tive ‘.1 N6anmoins, cette disposition est tempdrde par celles qui font
peser sur les deux 6poux une obligation de contribuer aux charges 6u
m6nage suivant leurs ressources et leur r6gime matrimonial. 71

6 O.R.C.C., Rapport sur la famille, supra, note 1, 187, art.62.
67Ibid., 25, art.86.
8Ibid., 199, art.69.
69Rapport de la Commission royale, supra, note 2, 468, recommandations
108 et 109; voir, dans le m~me sens, Commission de Rdforme de droit, Les di-
vorcds et leur soutien, Ottawa (1975), 22 et seq.
70 J. Pineau, supra, note 34, no.192, i la p.175 .
71 En socidtd d’acqu~ts, art.1266q C.C.; en separation de biens, h ddfaut de
stipulation au contrat de mariage, art.1438 C.C.; en communaut6 de biens,
obligation pour la femme de contribuer aux charges du m6nage h m~me ses
biens r6serv~s, art.1425h C.C.

1975]

DROIT FAMILIAL ET LA CONDITION DE LA FEMME

507

La jurisprudence tend d’ailleurs iL faire pr6valoir l’6galit6 en
ddpit de Particle 176 et m~me des conventions matrimoniales. 72 Le
Rapport sur la famille propose au contraire de faire pr6valoir les
conventions entre 6poux. 3

II faut signaler en passant, une discrimination archa’que au
d6triment de la belle-m~re qui perd son droit aux aliments vis-h-vis
de son gendre lorsqu’elle convole en secondes noces, en vertu de Par-
ticle 167 du Code civil, alors qu’il n’est rien dit du beau-p~re. Cette
disparit6 serait appel6e h disparaltre automatiquement si les pro-
positions du Rapport sur la famille 6taient acceptdes car elles sup-
priment toute obligation alimentaire entre alli6s. 4

L’obligation alimentaire persiste apr~s la sdparation de corps
puisque le mariage n’est pas dissout. Ndanmoins, le nouvel article
212 du Code civil a mis sur le m6me pied les conditions d’octroi
d’une pension apr~s s6paration de corps et apr~s divorce. II prdcise
en effet que le tribunal tient compte pour d6cider de la pension
.
Le Code criminel vient d’tre modifi6 et met les deux conjoints
sur le m~me pied:75 Toute personne mari6 doit “fournir les choses
n6cessaires a l’existence de son conjoint> s’il est dans le besoin sous
peine d’un emprisonnement 6ventuel de deux ans. Avant cet amende-
ment, l’6pouse n’6tait tenue de pourvoir aux besoins de son mari
que si celui-ci en 6tait incapable par suite d’Age, d’alidnation mentale
ou autres causes ou si son omission de remplir son obligation envers
son mari ne mettait en danger la vie ou la sant6 de ce dernier

L’6tendue de l’ancienne obligation discriminatoire 6dictde par le
Code criminel ressemblait fort h celle encore en vigueur dans cer-

12 L. v. B. [1970] C.S. 87; Banque Royale du Canada v. Archambault [19703

C.S. 308.

73O.R.C.C., Rapport sur la famille, supra, note 2, 157, art.46.
74Ibid., 439-444, arts.172 et 173.
75 L’art.197 du Code criminel, S.R.C. 1970, c.C-34 qui faisait peser lobligation
sur le mar a 6t6 modifi6 par la loi modifiant certaines lois en vue d’assurer
dans leur application l’6gait6 de statut aux personnes de sexe masculin et
f~minin; Loi de 1974 modifiant la lkgislation (Statut de la femme), S.C. 1975,
c.66, s.8(1).

76 Pour l’incompatibilit6 6ventuelle entre l’ancien art.197 du Code crirninel
et la Loi ayant pour objet la reconnaissance et la protection des droits de
lhomme et des libert6s fondamentales, Ddclaration canadienne des droits de
L’homme, S.C. 1960, c.44 (voir S.R.C. 1970, Appendice III), voir Fidanza v.
Fidanza (1974) 12 R.F.L. 341 (Ont. Prov. Ct.).

McGILL LAW JOURNAL

(Vol. 21

taines provinces de Common Law.” Ndanmoins, cette distinction
h6ritde de la Common Law commence h 6tre battue en br~che. Ainsi,
la Colombie britannique a adopt6 rdcemment une loi mettant les con-
joints sur un pied d’6galit6.78

La Commission de r6forme de l’Ontario avait d’abord recomman-
d6 que l’obligation alimentaire soit imposde aux deux conjoints
mais principalement au mar. Une r6ciprocit6 totale de l’obligation,
de l’avis de la Commission, ne tenait pas compte des disparit6s actuel-
les de revenus entre la femme et l’homme.1 9 Depuis, la Commission
semble s’6tre ralli6e au principe de la rdciprocit6 pure et simple.y9 a
Le principe de la rdciprocitd limitde a dtd dgalement adopt6 par
l’Alberta.80 Par contre, l’Etude de droit familial de Terre-Neuve se
prononce pour la rdciprocitd complete.8l

I1 faut noter 6galement que dans un certain nombre de provinces
1’dpouse est privde de son droit alimentaire s’il est prouv6 qu’elle a
commis l’adult~re. Le jugement condamnant le marl h fournir des
aliments h sa femme peut d’ailleurs 6tre rdvoqu6 s’il est prouv6
qu’elle a commis l’adult~re, m6me si les dpoux vivaient en 6tat de
sdparation de fait. 2

Cette sanction peut m~me se poursuivre apr~s le d6c~s du marl
lorsque 1’dpouse, qui vivait sdparde de lui dans des circonstances
oii elle aurait dtd privde de son droit aux aliments, perd 6galement
les droits que pourrait lui confdrer le ((Dependants Relief Act.83

‘7 En Ontario, Deserted Wive’s and Children’s Maintenance Act, R.S.O. 1970,
c.128, s.2(2); au Manitoba, Wives’ and Children’s Maintenance Act, supra, note
60, s.4(c).

78Family Relations Act, supra, note 49, s.25(1).
79 Ontario Commission, Report on Family Law, Part IV, supra, note 4, 105.
79a Ontario Commission, ibid., 12.
80 The Maintenance Order Act, R.SA. 1970, c.222, ss.4(1) et 5(1).
81 Newfoundland Family Law Study, supra, note 5, 109.
82 En Ontario, Deserted Wives’ and Children’s Maintenance Act, supra, note
77, s.2(4); voir pour l’application de cette disposition, Drew v. Drew (1974) 12
R.F.L. 20 (Ont.Prov.Ct); au Manitoba, Wives’ and Children’s Maintenance Act,
supra, note 60, ss.15 et 25; en Nouvelle Ecosse, Wive’s and Children’s Mainte-
nance Act, R.S.N.S. 1967, c.341, s.5(2); au Nouveau Brunswick, Deserted Wives
and Children Maintenance Act, R.S.N.B. 1952, c.61, s.3(3) mod. par S.N.B. 1972,
c.26, ss.1 et 2 et S.N.B. 1973, c.29, s.l(c). L’adult~re n’a aucune influence en cas
de divorce, Keddy v. Keddy (1974) 45 D.L.R. (3d) 609 (N.S.S.C. App.Div.) et la
jurisprudence citde dans cette d6cision.
83 Voir, par exemple, en Ontario, Dependants’ Relief Act, R.S.O. 1970, c.126,
s.9; en Nouvelle Ecosse, Testators’ Family Maintenance Act, R.S.N.S. 1967,
c.303, s.17. La Commission de r6forme de
‘Ontario propose l’abrogation de
cette disposition discriminatoire; Ontario Commission, Report on Family Law,
Part IV, supra, note 4, 110.

1975]

DROIT FAMILIAL ET LA CONDITION DE LA FEMME

509

Nanmoins, cette disposition est souvent remplacde par une autre
de port6e plus g6n6rale permettant au ju’ge de refuser la requ6te
tendant h prdlever des secours alimentaires sur la succession lorsque
la conduite du requ6rant lui parait indigne.s4

Le projet de loi uniforme propos6 par la Conf6rence des Com-
.
missaires pour l’unification de la i6gislation au Canada se rallie
cette formule. 5 Le projet est devenu de plus en plus 6galitaire au
cours de ses rddactions successives. En 1972, la liste des <(ddpendants)>
comprenait la femme divorcde recevant une pension, alimentaire et
la femme non mari6e qui avait v~cu avec le decujus pendant les trois
ann6es prdc6dant immdiatement son d6c-s. En 1973, 1’ex-mari et
le mari de fait ont 6t6 introduits dans le projet. 0

Certaines. lois prdvoyaient 6galement le montant maximum de
pension auquel le juge pouvait condamner le mari pendant le ma-
riage. Mais cette pratique semble 6tre appel6e h disparailtre en fa-
veur de la discrdtion du jugeY7

L’obligation alimentaire a pour but de permettre aux 6poux de
faire face aux ddpenses n6cessaires h l’entretien du m6nage et une
technique d’exdcution de cette obligation est sans aucun doute le
mandat domestique.

d) Le mandat domestique

Cet effet du mariage, jusqu’h prdsent rdserv6 h l’6pouse en vertu
de Particle 180 du Code civil du Qu6bec serait 6tendu aux deux
conjoints si les propositions du Rapport sur la famille 6taient accep-
tdes. L’article 49 de ce projet reconnait en effet h chaque 6poux le
pouvoir d’agir seul pour les besoins courants du mdnage et rentre-
tien des enfants,, et dispose qu’ainsi ,il engage 6galement son con-
joint dans la mesure oii celui-ci 6tait tenu de contribuer aux char-
ges du menage,>. Il faut noter que le mandat domestique des deux
dpoux serait ainsi moins complet que celui qu’exerce actuellement la
seule 6pouse.8 De plus, le Rapport ne semble pas proposer de solu-

84Voir au Manitoba, Testators’ Family Maintenance Act, R.S.M. 1970, c.T-50,

s.3(3); au Saskatchewan, Dependants’ Relief Act, R.S.S. 1965, c.129, s.9(8).

Proceedings 1972, 227.

85 Conference of the Commissioners on Uniformity of Legislation in Canada,
86Conference of Commissioners on Uniformity of Legislation in Canada,

Proceedings 1973, 253; 1974, 29.

87Par exemple, en Nouvelle Ecosse oii cette disposition du Wives’ and
Children’s Maintenance Act, supra, note 80, a 6t6 modifide par S.N.S. 1973,
c.63, s.1.
88Voir E. Caparros, Le droit familial de l’avenir: Un rapport de l’Office de
rdvision du Code civil qui laisse la famille sans avenir, Le Devoir, mardi 7
janvier 1974; rauteur critique vivement la technique propos6e.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 21

tion aux difficultds actuelles entourant le retrait 6ventuel du man-
dat.”9

Dans les provinces de Common Law, le mandat domestique
n’existe 6galement qu’au profit de l’6pouse et est organis6 quelque
peu diffdremment. I1 s’agit d’avantage d’une prdsomption de man-
dat que le mar peut repousser en faisant la preuve qu’il ignorait
les achats de sa femme et n’avait pas donn6 son consentement t ce
qu’elle les effectue.n)” De plus, h la diffdrence du droit qu6bdcois,
il cesse en cas d’accord de sdparation entre les parties ou si l’6pouse
commet l’adultre.1 ” Toutefois, si apr~s la s6paration, le mar effectue
des paiements partiels, il reste tenu pour le tout, car il est consid6rd
comme ayant en quelque sorte ratifi6 le mandat. 1

La Commission de r6forme de l’Ontario ne va pas aussi loin que
l’Office de r6vision qudb6cois car elle n’estime pas qu’il soit oppor-
tun d’6tendre le mandat domestique aux deux dpoux, coritrairement
a la recommandation de l’dquipe de recherche dont les travaux for-
ment la base de son rapport.”‘” Elle propose, par contre, que le man-
dat domestique de l’6pouse abandonnde soit supprim6 et cette sug-
gestion est reprise dans l’6tude de droit familial de Terre-Neuve. 3

Nous venons de voir que les effets du mariage comprennent, par-
tout au Canada, quelques in6galit6s entre le mari et ]a femme; qu’en
est-il de la dissolution ou du relAchement du lien matrimonial?

3. Le divorce et la s6paration de corps

Si les causes de divorce, 6num6r6es aux articles 3 et 4 de la
Loi concernant le divorce, s’appliquent fort 6galitairement aux deux
6poux,’9 4 il n’en est pas toujours de m~me pour les causes de sdpara-

: Voir J.E.C. Brierley, “Husband and Wife in the Law of Quebec: A 1970
Conspectus” in D. Mendes da Costa (ed.), Studies in Canadian Family Law,
supra, note 14, 795, a la p.813; M. Ouellette-Lauzon, Le mandat domestique ou
du pouvoir des clefs (1972) 75 R.du N. 91,

t la p.100.

,49a Simpson v. Ruggles [1930] 3 D.L.R. 174 (Ont. C.A.).
‘if Ontario Commission, Report on Family Law, Part IV, supra, note 4, 25.
91 R. Simpson Co. v. Twible and Twible (1974) 14 R.F.L. 44, 41 D.L.R. (3d)

213, [1974] 1 O.R. (2d) 629 (Ont.Cty Ct).

02 Ontario Commission, Report on Family Law, Part IV, supra, note 4, 111.
93 Newfoundland Family Law Study, supra, note 5, 190.
94 Supra, note 45. On a pu se demander n6anmoins si certains d6lits sexuels
mentionnds h l’art.3(b) pouvaient 8tre techniquement commis par des femmes.
Voir, pour une discussion du problme, D. Mendes da Costa, “Divorce” in
Studies in Canadian Family Law, supra, note 52, 359, h la p.436. L’auteiir fait
remarquer qu’une femme peut tr~s bien 8tre complice d’un de ces actes
commis sur ]a personne d’une autre femme. Voir dgalement, Gaveronski v.
Gaveronski (1974) 15 R.F.L. 160 (Sask.Q.B.).

1975]

DROIT FAMILIAL ET LA CONDITION DE LA FEMME

511

tion judiciaire. L’article 191 du Code civil du Qu6bec pr6voit une
cause que seule peut invoquer l’6pouse: le refus du mari de la re-
cevoir ou de lui fournir les choses n6cessaires h la vie. 5 II faut noter
que cet article n’a pas d’6quivalent en droit frangais qui a assimil6
les causes de la s6paration de corps . celles du divorce et le refus de
pourvoir du mari h une injure grave.:’3

Dans certaines provinces de Common Law, il semble que la s~pa-
ration puisse etre demand~e pour les memes causes par le mar et
par 1’6pouse. 7 I1 ne faut pas confondre, toutefois, cette action avec
celle qui aboutit h une ordonnance de vie s~par~e), intent~e en ver-
tu des Deserted Wives’ and Children’s Maintenance Acts et qui peut
n’appartenir qu’h 1’6pouse ou appartenir aux deux conjoints, mais
pour des causes diff[rentes.I

M~me si les causes de separation sont identiques, il se peut 6vi-
demment que leur interpretation soit diff~rente suivant que le d6-
fendeur soit un homme ou une femme. Ii y a lieu de signaler ici une
semblable divergence d’interpr~tation, heureusement assez rare. Un
arrt de la Cour sup~rieure du Qu6bec a en effet d6clar6:

S’il est admis que l’ivrognerie invtr6e de la part du mari constitue, dans
bien des cas, une cause de sdparation de corps, & plus forte raison doit-il
tre ainsi en faveur du mari si c’est la femme qui est afflig~e de ce
en
vice.99

Le fait que l’ivrognerie paraisse plus condamnable chez une femme
que chez un homme correspond peut-Atre a une rdaction instinctive
devant une ,faute de gofit,, moins bien toldrde chez un sexe que chez
1’autre mais une telle considdration semble ddplacde dans une ddci-
sion judiciaire.

Les effets du divorce et de la separation judiciaire en ce qui
concerne la pension alimentaire et la garde des enfants touchent
diffdremment le mari et la femme suivant les juridictions. L’6galit6
entre Fun et l’autre est respectde, apparemment du moins, par la
loi concernant le divorce. I1 en est de m6me au Qudbec en ce qui
concerne la sdparation de corps dont les consdquences ont 6t6 assi-

95 Wood v. Mellor [1943] R.L. 545 (C.S.); Moquin v. Charron [1968] B.R. 16;

Tooby v. Cook-Salisbury, supra, note 53.

96 Arts.232 et 306 C.N.; depuis 1’adoption de la loi du 11 juillet 1975, supra,

note 41b, arts242 et seq.

9 En Alberta, Domestic Relations Act, supra, note 48, Part II; en Colombie
britannique, Family Relations Act, supra, note 49, Part II; au Saskatchewan,
Queen’s Bench Act, supra, note 48, ss.25 et seq.

98Voir les lois cities, supra, notes 77 et 82.
99 F. v. S. [1965] R.L. 280,

. la p.285 (C.S.) (c’est nous qui soulignons).

McGILL LAW JOURNAL

(Vol. 21

mil6es, autant que faire se peut, a celles du divorce en vertu des arti-
cles 206 et suivants du Code civil.

II faut noter cependant que le tribunal peut, en vertu de l’article
200, d6lier pendant l’instance ,da femme de son obligation de vivre
avec son marl et celui-ci de la recevoir>. Cette distinction est reprise
Sl’article 207, qui correspond a une diff6rence entre les r6les dans
l’obligation de faire vie commune, pr6vue par l’article 175 que nous
avons analys6 plus haut.

Dans certaines provinces de Common Law, il semble exister des
distinctions entre mari et femme .4 propos des effets de la s6paration
judiciaire. Ainsi, au Saskatchewan, le juge peut octroyer des ali-
ments a l’6pouse en faveur de qui la s6paration est prononcde tandis
qu’il peut d6cider qu’une partie des biens de cette derni~re sera
alloude au mari et aux enfants si c’est le marl qui triomphe dans
,son action.”‘ Par contre, en Colombie britannique oil le Family
R elations Act est relativement rdcent’0 1 et en Alberta, 12 les deux
crnjoints semblent 6tre sur le m6me pied.

C’est peut-6tre a l’occasion de l’exdcution des obligations impo-
sdeF, au mari suite h une s6paration de corps ou h un divorce que les
accu-sations de <