Article Volume 49:3

La réglementation des banques virtuelles au Canada

Table of Contents

La r6glementation des banques

virtuelles au Canada

Marc Lacoursibre*

Les nouvelles technologies de communications d1ectroniques
ont transform6 le secteur des services bancaires. Ddj, la plupart des
institutions financi res canadiennes proposent A leur clientble toute
une gamme de services par Internet qui cofltent moins cher et sont
plus accessibles qu’elles ne l’6taient en succursale. Pourtant
la
transition de la population vers ces nouveaux services virtuels se fait
lentement. Cette infiance s’explique en partie par la difficultd
qu’6prouve le gouvemement canadien A r6glementer les banques
virtuelles, suttout lorsque celles-ci sont ftranges et n’ont pas de
presence physique au Canada. Cela pose le probl~me de cr6er un
cadre riglementaire qui permettra
l’6panouissement des services
bancaires dlectroniques dans un marchd concurrentiel, sans remetre
en question la protection des dpargnants et des emprunteurs.

le pr6sent cadre

Afin de faire des propositions de rforrnes, il importe de se
familiariser avec
r6glementaire auquel sont
soumises les banques virtuelles au Canada. Le concept de -banque
virtuelle, ninclut pas seulement les banques stricto sensu, mais
6galement les quasi-banques, telles les soci6t6s de fiducies et de pret.
Les banques sont sonmises
la legislation fM6drale, qui imposait A
l’origine un contr6le strict des banques 6trmnghres. Deentrement, le
1dgislateur a considdrablement assoupli ces exigences. Dans le cas
des quasi-banques, il a toujours exist6 moins de diff6rences entre le
traitement des institutions 6trang4es et canadiennes. Pour le
moment, la legislation fd6rale et provinciale ne traite pas de fagon
spdoifique des banques et quasi-banques en ligne.

Face a cette inaddquation entre la r6glementation et la r6alit6
do secteur bancaire, plusieurs m6thodologies sont dispontibles afin
de poser les bases d’un nouveau cadre rglementaire: d’abord,
l’autor6gulation par le secteur bancaire, qui inspire peu confiance;
ensuite, la coopdration internationale pour permettre aux
,tats de
mieux comprendre et coordonner
leurs droits respectifs; enfin,
I’harnonisation du droit de tous les pays das le but ultime de cruer
des rigles intemationales uniformes. Ce dertier moule semble
avoir rdussi an niveau eunrpen, mais n’a pas eu n
succk
les membres de I’ALENA. La solution la plus
comparable pari
appropri6e pour le Canada est tout autre et peut s’effectuer an niveau
purement national. D’une part, if s’agit de ddrdglementer le secteur
bancaire canadien afin de favoriser la concurrence das I’int&t du
consommateur. D’autre part, le secteur bancaire devrait contribuer A
I’61aboration de rfgles concemant les banques virtuelles qui seraient,
par la suite, appliqudes par lttat.

New

electronic

technologies

communications

have
transformed the banking services sector. Most Canadian financial
institutions already offer a wide range of services on the Internet that
cost less and that are more accessible than those offered at local
branches. Nevertheless, customers have been slow to begin using
these new virtual services. This hesitation can be explained in part
by the difficulties the Canadian government has had in regulating
on-line foreign banks with no physical presence in Canada. The
challenge is to create a regulatory regime that will allow for the
development of electronic banking services in a competitive market
without putting at risk borrowers and savers.

In order to make recommendations for reform, it is important
to become familiar with the current regulatory regime in which
virtual banks in Canada operate. The concept of the “virtual bank”
does not only include banks stricto sensu, but also quasi-banks like
trust and loan companies. Banks are subject to federal law, which
originally
imposed strict controls on foreign banks. Recently,
Parliament has considerably relaxed its requirements. In the case of
quasi-banks, there has always been less of a difference between the
treatment of foreign and Canadian institutions. For the moment,
federal and provincial legislation do not specifically deal with on-
line banks and quasi-banks.

Faced with this disconnect between regulation and reality in
the banking sector, a number of methodologies are available to help
construct the foundations of a new regulatory regime. The first
option, self-regulation by the banking industry, has inspired little
confidence, Second, international co-operation allows states to better
understand and coordinate their respective rights. Lastly, there is the
possibility of harmonizing the law in all countries with the goal of
creating uniform international rules. This last model seems to have
succeeded at the European level, but has not enjoyed the same
success among the members of NAFTA. The most appropriate
solution for Canada is of another kind and can be implemented on a
purely national basis. Part of the solution is the deregulation of the
Canadian banking sector so as to promote competition in the
interests of consumers. Also, the banking sector should contribute to
the establishment of rules regarding virtual banks that will then be
enforced by the state.

* Avocat et professeur ii la Facult6 de droit de l’Universit6 Laval. L’auteur tient

remercier la
professeure Nicole L’Heureux pour ses commentaires, ainsi que M Edith Vdzina et Mme Anastassia
Chtaneva pour leur collaboration. L’auteur d6sire dgalement remercier le Conseil de recherches en
sciences humaines du Canada pour le financement de cet article. Sous r6serve d’une indication
contraire quant A la date d’acc~s, la consultation des sites Internet cit6s dans le pr6sent article est A
jour au I’ novembre 2003.

Revue de droit de McGill 2004

McGill Law Journal 2004
Mode de rf&ence: (2004) 49 R.D. McGill 683
To be cited as: (2004) 49 McGill L.J. 683

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL

[Vol. 49

Introduction

1. Le cadre reglementaire des banques virtuelles au Canada

A. La nature des banques virtuelles

1. Historique de I’informatisation des banques
2. La nature et la d6finition des banques virtuelles

B. La r6glementation des banques virtuelles

1. La r6glementation canadienne des institutions financibres

6trangbres
a. Historique
b. Les caract6ristiques inh6rentes aux banques

6trang~res

c. Les caract6ristiques inh6rentes aux quasi-banques

6trang~res

2. La r6glementation canadienne des banques en ligne
3. L’inad6quation du cadre r6glementaire canadien

II. Les perspectives de reforme
A. Les tentatives de solutions

1. L’autor6gulation
2. La collaboration
3. L’harmonisation des normes

a. Les principes de I’harmonisation
b. L’exp6rience internationale
c. L’exp6rience europ6enne
d. L’exp6rience nord-am6ricaine

B. Les propositions de r6forme

1. La d6r6glementation
2. La cor6gulation

Conclusion

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Introduction

Depuis leur crdation au cours du xlIe si~cle1, les banques contemporaines dtaient
confm6es i 1’exdcution des ordres de paiement, A la r6ception des d6p6ts, ainsi qu’A
l’octroi de pr&s. Le r6le des banques en tant qu’interm6diaires dans le syst~me des
paiements et dans la gestion du crddit connait actuellement des transformations
majeures en raison de la diversit6 croissante des services et des d6veloppements
technologiques qui bouleversent les habitudes des consommateurs. Au Canada,
notamment, les banques A charte canadiennes et les quasi-banques –
institutions
financi~res autres que les banques
offrent A leur cientele la plupart des
op6rations bancaires courantes par le truchement des communications d1ectroniques :
virements de fonds entre comptes de la meme succursale ou entre succursales de la
m~me banque, paiement de factures, remboursement d’une marge de crdlit et
possibilit6 d’effectuer des demandes de pret. Ces services s’ajoutent aux services
offerts traditionnellement.

charte –

De nouveaux interm6diaires commerciaux offrent 6galement aux consommateurs
des services bancaires en ligne, analogues A ceux des banques et des quasi-banques
traditionnelles. Quelques uns de ces services sont relativement avant-gardistes:
services de certification des cartes de cr6dit transmises par Internet, cheques
61ectroniques et micropaiements, aussi connus sous le nom de monnaie digitale ou
virtuelle. Non seulement ces entit6s commerciales virtuelles ont
td les premieres A
concevoir
syst~mes de paiements adapt6s pour le commerce
61ectronique, mais c’est d’elles que proviennent actuellement les m6canismes de
paiements les mieux congus2 .

les nouveaux

Malgr6 la d6shumanisation des rapports consommateurs-commergants engendrde
par le commerce en ligne, cette nouvelle g6n6ration d’activit6s bancaires offre des
avantages ind6niables aux consommateurs, tels une diminution relative des coots, un
acc~s plus rapide, des horaires plus flexibles et des march6s plus vastes. Les
statistiques r6v~lent toutefois que les consommateurs canadiens demeurent m6fiants
vis-h-vis l’utilisation d’Internet pour effectuer leurs transactions bancaires. Une 6tude
r6cente indique que pres de 80% des internautes qu6b6cois sont r6ticents A utiliser le
commerce 6lectronique et, plus particulirement, les activit6s bancaires, en raison de
la s6curit6 douteuse des transactions3 . Selon l’Association des banquiers canadiens
(ABC), seulement 16% des Canadiens –
effectuent leurs
transactions au moyen d’Internet, bien qu’un grand nombre d’entre eux soient

contre 8% en 2000 –

1Voir Charles E Dunbar, (1892) 6 Quart. J. Econ. 308 aux pp. 308-11.
2 Voir Catherine Lee Wilson, .

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conscients de l’importance de ce m6dium de communication4 . Ce rythme de transition
est similaire A celui des ttats-Unis5 .

Or, ces exp6riences sugg~rent que certains obstacles juridiques peuvent exister au
Canada et freiner l’apparition de nouvelles formes d’interm6diation. En l’occurrence,
les barrires juridiques qui nuisent au d6veloppement des pratiques bancaires dans
Internet semblent prendre leur source dans l’inaddquation de la rdglementation
bancaire canadienne au regard de l’av~nement de nouveaux interm6diaires. D’une
part, ces demiers ne peuvent etre que de simples entit6s commerciales, canadiennes
ou non, ayant pignon sur rue sous une enseigne comprenant le mot banque >, ce qui
va A l’encontre de la Loi sur les banques6 . D’autre part, des banques 6trangres
peuvent 6galement offrir des services financiers au Canada sans pr6sence physique.
Les remous suscit6s par 1’arriv6e du conglom6rat financier n6erlandais ING Groep
N.V. (ING Bank), ainsi que de la banque am6ricaine Wells Fargo Bank, qui sollicitent
les consommateurs canadiens en leur offrant des services de cr6dit sans aucune
pr6sence physique en sol canadien, t6moignent de l’existence d’un probl~me. Ces
situations engendrent une incertitude de taille et reprdsentent la pierre angulaire du
problme de la pr6sence des banques virtuelles au Canada7 .

Ces nouvelles entreprises peuvent ais6ment contourner

la r6glementation
canadienne, fond6e sur 1’exigence d’une pr6sence physique au Canada, et outrepasser
les obligations qui d6coulent de la Loi sur les banques relatives aux formalit6s de
constitution, aux r~gles de proprit6, aux activit6s permises, A la capitalisation, A la
supervision et A l’assurance-d6p6ts. Lorsque ces entit6s proviennent de 1’ext6rieur du
Canada, la question prend d’autant plus d’importance que la Loi sur les banques est
beaucoup plus stricte A l’6gard des banques 6trang~res que des banques A charte
canadiennes. Toutefois, une ouverture r6cente de la Loi sur les banques permet
maintenant A certaines grandes banques 6trang6res A vocation commerciale –
banques 6trang~res autoris6es –
de poursuivre en sol canadien des op6rations
bancaires similaires aux banques domestiques canadiennes.

Le d6veloppement d’un cadre r6glementaire adapt6 aux op6rations bancaires en
ligne doit-il tenter d’6carter cette politique protectionniste afin de permettre au
commerce 6lectronique de s’6panouir dans un environnement juridique en harmonie

4 Voir Association des banquiers, .

5 (Survey on E-Commerce: Shopping Around the Web The Economist 354:8159 (26 f6vrier

2000) S5.
6 L.C. 1991, c. 46 [Loi sur les Banques].
7 Puisqu’il est possible pour le l6gislateur de r6glementer les banques virtuelles canadiennes, mais
qu’il est tr~s difficile d’en faire autant vis-A-vis les banques virtuelles non canadiennes, ces derni~res
repr6sentant de plus un problme plus d6licat pour le 16gislateur f&6ral, nous avons choisi de limiter
notre 6tude A celles-ci.

2004] M. LACOURSItRE – LA R-GLEMENTATION DES BANQUES VIRTUELLES

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avec les ententes de lib6ralisation des dchanges auxquels le Canada a adh6r6′ ? Bien
que temp6r6e vis- -vis les banques 6trang~res autoris6es, il convient d’6tudier la
pertinence d’adoucir la politique d’acc~s des banques 6trang~res au march6 canadien
7 1’endroit d’autres banques plus modestes qui s’adressent h une clientele de
consommateurs. En somme, il importe d’6viter que des entit6s virtuelles 6chappent t
l’application d’une r6glementation destin6e A prot6ger
les
emprunteurs, et plut6t de favoriser la concurrence et la stabilit6 du march6.

les 6pargnants et

Les efforts des organismes de r6glementation, ainsi que les r6centes modifications
16gislatives, repr6sentent une premiere 6tape qui ne peut suffire A r6soudre le
problme soulevd par les nouveaux interm6diaires commerciaux et, notamment, par
ceux situ6s A l’ext6rieur du Canada. Compte tenu de l’impact potentiel de ces derniers
sur 1’6volution du syst6me bancaire canadien, tant en ce qui a trait au syst~me des
paiements qu’en ce qui concerne le cr6dit h la consommation, il convient d’aller au-
delA de ces consid6rations embryonnaires et d’analyser plus en profondeur les
incidences juridiques des nouvelles formes d’interm6diation.

I. Le cadre reglementaire des banques virtuelles au Canada

La ddtenrination du cadre r6glementaire des banques en ligne n6cessite une
analyse en deux temps. D’abord, il est n6cessaire d’6tudier la nature des banques
virtuelles, 6tant donn6 leur diversit6. Notarnment, le probl6me pos6 par les banques en
ligne 6tablies A l’extdrieur du Canada doit 8tre mis en relief (A). Par la suite, une
6tude de l’environnement juridique du syst~me bancaire canadien, en tenant compte
du traitement j uridique A l’6gard des banques 6trang~res, doit n6cessairement pr6c6der
un examen du cadre r6glementaire des banques en ligne (B).

A. La nature des banques virtuelles
Les banques virtuelles repr6sentent l’ultime d6veloppement du cheminement des
banques vers l’informatisation de leurs op6rations. Apr~s une courte revue de
l’historique de l’informatisation des banques (1), nous 6tudierons la nature de ces
nouvelles banques,
lesquelles peuvent servir de vitrines pour des banques
traditionnelles, des entit6s appartenant A un groupe bancaire ou encore des entreprises
bancaires ou commerciales ind6pendantes (2).

1. Historique de I’informatisation des banques

Les activit6s bancaires 6lectroniques (electronic banking) repr6sentent un concept
en
constante
transactions
d6mat6rialis6es eurent lieu vers 1918 lors de la transmission d’ordres de paiement

6volution. Les premirres

expdrimentations

de

8 Voir Alan Gathan et Jeff Graham, oFinancial Services in an Electronic Age: Some Emerging

Legal Issues> (1997) 16 Nat’l Banking L. Rev. 41 t lap. 42.

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sous la forme de code morse par le r6seau interbancaire Fedwire9 . Toutefois,
l’intrusion des ordinateurs dans le monde bancaire s’est produite au cours des ann6es
1950 aux ttats-Unis. L’American Bar Association (ABA) avait mis sur pied le
Technical Subcommittee on Mechanization of Check Handling en avril 1954 pour se
pencher sur la question du traitement des cheques . Peu de temps apr~s, elle
introduisait le Magnetic Ink Character Recognition (MICR) pour faciliter le traitement
du nombre grandissant de cheques”, ce qui fut alors consid6r6 comme <>.

En plus de la troncature des cheques apparue vers le milieu des ann6es 60’s, cette
6poque a 6t6 tr~s prolifique en termes d’innovations technologiques bancaires:
l’apparition de la carte de crddit au Canada 4 , l’informatisation des syst~mes de

9 Voir Donald I. Baker et Roland E. Brandel, The Law of Electronic Fund Transfer Systems, feulles

mobiles, Boston, Warren, Gorham & Lamont, 1999 au n0 11.02 A lap. 11-3.

10 Ce sous-comitd a produit le Automation of Banking Operating Procedure en janvier 1955, ibid.

au n’ 1.02[2] aux pp. 1-3-1-4.

11 Aux Etats-Unis, le volume annuel des cheques compens~s a augment6 de 3.5 milliards en 1939 A
6.5 milliards en 1950, A 13 milliards en 1960 et A 60.9 milliards en 1994, ibid. au n* 1.02[1] A lap. 1-
2.

12 Voir Technical Subcommittee on Mechanization of Check Handling of the Bank Management
Commission of the American Banking Association, <>.

13 Baker et Brandel, supra note 9 au n’ 1.03[1] A la p. 1-18. La troncature du ch~que est d6finie
comme une >: voir Benjamin Geva, <> (1986-87) 1 B.F.L.R. 295 A la p. 299. Voir de plus
Johanna Vroegop, > [1990] L.M.C.L.Q. 244 Ai la p.
246. I1 est A noter toutefois que la troncature n’est pas encore apparue au Canada et que les ch~lues y
circulent encore physiquement par l’entremise du syst~me de compensation et de r~glement.

14 D’abord dmise pour des buts de divertissement, les banques amdricaines, telles la Franklin
National en 1951 sur une base rgionale et les Bank of America et Chase Manhattan en 1958 au
niveau national, ont commenc6 l’dmission de leurs propres cartes. En 1967, Interbank Card fut la
prenire carte 6mise par une association de banques, devenue plus tard MasterCharge et une des
cartes d’importance aux Etats-Unis. La carte Visa est apparue en 1958 quand le programme
BankAmericard fut initialis6 par la Bank of America: VISA, <. En 1975, 16% des ventes au d6tail dtaient conclues par des cartes de
credit, pour une valeur estim6e A 71 milliards de dollars. En 1984, les ventes par cartes de credit
6taient estim6es A 293.3 milliards de dollars. Le nombre de cartes dmises dtait estim6 A environ 124.1
millions en 1994, comparativement A 113.2 millions en 1990, Baker et Brandel, supra note 9 au n’
1.02[3] A lap. 1-9. En 2002, plus d’un milliard de produits Visa 6taient en circulation dans le monde,
avec un taux insurpass6 d’acceptation dans plus de 150 pays. La m~me ann6e, 2,4 trillions de dollars
de biens et services ont dt6 acquis par un des moyens de paiement Visa. Pour plus d’informations, voir
. De son c6td, la compagnie MasterCard a g~nr6 plus de
1,141 milliards de dollars en transactions en 2002, une augmentation de 15% par rapport A l’ann6e

2004] M. LACOURSIERE – LA R-GLEMENTATION DES BANQUES VIRTUELLES

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compensation et de r~glement”5, les paiements pr6autoris6s et les premiers guichets
automatiques bancaires 6. Comme le notaient deux auteurs: <[o]ne of the greatest success stories in the development of EFT [Electronic Funds Transfer] services has been the growth of ATM [Automatic Teller Machine] services >7 . La carte de d6bit a
6t6 traditionnellement associ6e un retrait d’argent A partir d’un guichet automatique
ou au paiement A un point de vente. Dans le but d’offrir de meilleurs services
bancaires A leur clientele 8, les institutions financi~res se sont orient6es vers un
61argissement de l’6ventail des services disponibles aux guichets automatiques, tels
que l’ouverture d’un compte bancaire et la v6rification du solde d’un compte ou d’un
pr&, le virement –
entre comptes, le virement de fonds sur une
un r6gime enregistrd d’6pargne retraite. Quelques
carte de cr6dit, la cotisation
ann6es plus tard, une nouvelle g6n6ration de carte de paiement a vu le jour : la carte A
puce, qui n’est ni une carte de cr6dit, ni de d6bit, et qui contient un semi-conducteur
capable de m6moriser une grande quantit6 d’information”9 . Le nec plus ultra de
l’informatisation bancaire connait toutefois son apog6e avec l’utilisation d’Internet.

et la r6vocation –

2001, pour un total de 590 millions de cartes en circulation. Pour plus d’informations voir en ligne:
MasterCard .
explication
ddtail6e des exigences d’une telle op6ration, voir: Worthen Bank & Trust Co. v. National Bank
Americard, Inc., 485 F.2d 119 (8h Cir. 1973) aux pp. 121-22.

15 Voir notamment les sites Internet des organismes suivants, en ligne: National Automated
Clearing House Association (NACHA): ; Clearing House Interbank
Payments System (CHIPS): ; Fedwire: ; Syst me des transferts des paiements de grande valeur (STPGV):
; Trans-European Automated Real-Time Gross
Settlement Express Transfer System (TARGET) : .

16 Les premiers guichets ont dtd implant6s aux .tats-Unis en 1969 : voir Baker et Brandel, supra

Pour une

note 9 au n0 1.03[4] A lap. 1-24.

17 Ibid. au no 1.03[4] A la p. 1-23. Au Canada, il y avait environ 18 570 guichets automatiques
bancaires en 1996 comparativement A 36 922 en 2000: voir Comit6 sur les syst~mes de paiement et
de rfglement, Statistics on Payment Systems in Selected Countries: Figures for 2000, Bffle, BRI,
2001 Alap. 18.

18 En plus des services offerts, l’utilisation de guichets automatiques permet d’augmenter les heures
d’ouverture A 24 heures par jour. L’effet n6faste de cette politique se caract6rise bien sfir par les
coupures de personnel.

19 Baker et Brandel, supra note 9 au no 1.03[7]

la p. 1-28. D’autres prototypes ont dt6 pr6sent6s
par la suite. Notamment, Visa Cash par Visa en 1988 et Mondex en 1995, par un consortium bancaire.
Pour plus de d6tails sur les cartes A puce, voir: Shameela Chinoy, > (1997) 12 B.F.L.R. 15 aux pp. 23-26; Jane Finlayson-Brown, <> [1997] 12 J.I.B.L. 362 ; Wilson, supra note 2 aux pp. 681-83 ;
A. Michael Froomkin, Flood Control on the Information Ocean: Living with Anonymity, Digital
Cash and Distributed Databases> (1996) 15 J.L. & Corn. 395 aux pp. 467-71. Alors que la carte A
puce tarde A s’implanter en Am&ique du Nord, elle progresse lentement en Europe –
notamment en
France avec Moneo (en ligne: ) et elle est tr~s populaire dans d’autres
r6gions du globe, notamment en Afrique, en Asie, aux Caraibes, en Am6rique centrale et en An6rique
du Sud, au Mexique et au Moyen-Orient, par l’entremise de la carte Visa Electron, en ligne: Visa
Electron .

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MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL

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2. La nature et la d~finition des banques virtuelles

Au Canada, la Banque de Montr6al, par l’entremise de son projet mbanx , ainsi
que deux banques 6trang~res, la ING Bank” et la Wells Fargo Bank22 , furent les
premieres A offrir des services en ligne A la population canadienne. Cette exp6rience a
encourag6 les banques A charte canadiennes et 6trang~res A emboiter le pas23. Les
entreprises – bancaires ou non –
qui offrent des services bancaires A la communaut6
cyberspatiale se pr6sentent sous diverses formes. Prenirement, la plupart des
institutions fmanci~res offrent leurs services par l’entremise d’une vitrine Internet, ces
les m~mes que ceux offerts en succursale 4 .
services 6tant habituellement
Deuxi~mement, certaines institutions financi~res op~rent en tant qu’entit6 distincte,
que ce soit sous la forme d’une succursale ou d’une autre mani~re. Le projet mbanx,
commenc6 par la Banque de Montr6al en octobre 1996, fut la premiere incursion
d’une institution financire canadienne dans le monde cybern6tique25. Les clients
pouvaient choisir entre les services bancaires en ligne de la Banque de Montr6al,
offerts dans le site Internet de la banque, ou les services virtuels de mbanx 6. Ce projet
a cess6 apr~s trois annfes d’exploitation, car la Banque de Montr6al avait d6cid6 de
regrouper les services de mbanx et les services bancaires en ligne de ses succursales
traditionnelles afin de r6pondre A la demande de sa clientele, d6sireuse de pouvoir
rencontrer des conseillers en personne 2′. L’exp6rience de cette forme de distribution

20 Mathew W. Barrett, <, Toronto, 16 octobre 1996, en ligne: Bank of Montreal ; John Partridge, (B. of M. Launches Virtual Banking Division The [Toronto] Globe
and Mail (17 octobre 1996) B1.
21 A ce sujet, voir notamment Susan Yellin, 4Innovation, Acquisition Catapult ING to the Top The
Financial Post (12 f6vrier 1997) 8; Keith W. Perrett, . Contrairement A certaines opinions
v6hicul6es28 , cette crainte ne semble pas &re bien fond6e. En effet, plusieurs banques,
notamment aux Etats-Unis, ont cr66 des entit6s bancaires virtuelles29 .

“Enfin, la troisi~me forme de banque virtuelle a trait A des entreprises qui op~rent
en ligne ind6pendamment de toute banque traditionnelle. A titre d’exemple, au
Canada, la Banque Le Choix du Pr6sident, de la socid6t Loblaw’s3 , et la Banque
ManuVie, de l’assureur gestionnaire des fonds mutuels Altamira1 , sont de telles
entreprises bancaires32 .

II devient donc n6cessaire de distinguer entre

celles qui se pr6sentent comme des banques33 –

Les entreprises incorporent parfois le nom > dans leur raison sociale afin
de se pr6senter comme des banques virtuelles et obtenir
la confiance des
consommateurs.
les entreprises
bancaires –
et les entreprises
simplement commerciales34 . Quelle est la nature de ces deux formes d’entreprises ?
Doivent-elles etre consid6r6es comme des banques>> au sens de la Loi sur les
banques ? 1i convient de se demander si l’6tendue du concept de banque virtuelle doit
6tre limit6e aux institutions financi~res existantes –
telles les banques et les quasi-
banques –
habituellement des interm6diaires de paiement. Pour le moment, il n’existe aucune
16gislation A ce sujet au Canada, mais il est possible de s’inspirer de la jurisprudence
pour d6terminer la nature d’une banque virtuelle.

inclure des entreprises commerciales

ou si ce concept doit

croissance> La Presse [de Montrial] (13 novembre 1997) E2. Voir 6galement Daniel Chr6tien, Commerce, 101:18 (1′ octobre 2000) 38.
28 Voir C.N. Watson, et VirtualBank, une division virtuelle de la Lydian Private Bank, en
ligne : VirtualBank .

30 Pour plus de d6tails, voir en ligne : President’s Choice Financial .
31 Pour plus de d6tails, voir en ligne : Banque Manuvie .
32 Ces entreprises sont en quelque sorte des rejetons d’ING Bank et de Wells Fargo Bank. Les
banques Le Choix du Prlsident et la Banque Manuvie sont incorpor6es sous l’Annexe I de la Loi sur
les banques.

33 Voir notanment NetBank, en ligne: NetBank , Security First
Network Bank, en ligne: Security First Network Bank , Fairbank Group
.

34 Par exemple, bien qu’elle poss~de depuis 1986 l’American Express Centurion Bank pour
r6pondre aux besoins financiers de ses clients, American Express a longtemps dtd simplement une
compagnie priv6e 6mettrice de caries de paiement, de ch~lues de voyages et de services divers. Pour
plus de d6tails sur cette entreprise, voir en ligne: American Express .

692

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL

[Vol. 49

Plusieurs magistrats ont tent6 de d6finir une op6ration bancaire (business of
banking ou banking business)35 . Une des premi~res d6cisions sur cette question
remonte au XIXe si~cle. Dans l’affaire Jones v. Imperial Bank of Canada36 , la cour
devait d6cider si l’Lmperial Bank of Canada37 pouvait acheter des d6bentures 6mises
par la ville de Toronto. Pour justifier sa d6cision, la cour a analys6 les pouvoirs des
banques A charte canadiennes de 1’6poque38 . Apr~s avoir consid6r6 le point de vue de
ses collgues, en tenant compte de la General Banking Ac 39 –
l’anc&re de la Loi sur
les banques –

, le juge V.C. Proudfoot a 6nonc6 que

[t]he conclusion which seems to me deductible from these Acts is, that the
business of banking consists in dealing in money, the precious metals, and in
bonds and negotiable securities ; that this dealing confers the power of lending
on them or of purchasing them, whichever the bank directors may deem most
for the advantage of the corporation […]40.

lors,

la

jurisprudence

Depuis
les d6cisions du
Commonwealth42 , ont g6n6ralement appuy6 ce point de vue strictement juridique.
Ceci s’explique par le fait que les activit6s bancaires de 1’6poque 6taient de loin
beaucoup moins diversifi6es qu’aujourd’hui.

canadienne 4′, ainsi que

La d6cision In Re Shield’s Estate a soulev6 une autre facette de la d6finition des
activit6s bancaires 43 . Qui peut 8tre consid6r6 comme un banquier ? Une banque vis~e
par la Loi sur les banques ? Une institution financi~re dont les gens croient qu’il s’agit
d’une banque ? En d’autres termes, est-ce que le fait de se pr6senter comme un
banquier est determinant pour 6tablir le statut d’une banque ? Lord Denning r6pondait

35 Nous utiliserons 6galement l’&luivalent <.
36 (1876) 23 Gr. 262 [Jones].
17 36 Vic. c. 74.
38 Ces banques sont: The Bank of Upper Canada (1819), 59 Geo. 1H, c. 24, s. 15 ; The Commercial
Bank (1832), 2 WrL IV c. 2, s. 14; The Quebec Bank (1841), 4 & 5 Vic. c. 74, s. 10 et The Bank of
Niagara District (1841), 4 & 5 Vic. c. 96, s. 15.

” 36 Vic., c. 5, D. L’art. 40 pr6voyait que the Bank shall not directly or indirectly, deal in the
buying and selling, or battering of goods, wares, or merchandise, or engage or be engaged in any
trade whatever, except as a dealer in gold and silver bullion, bills of exchange, discounting of
promissory notes or negotiable securities, and in such trade generally appertains to the business of
banking>.

40 Jones, supra note 36 aux pp. 274-75.
41 Voir Ontario Bank c. McAllister, [1910] 43 R.C.S. 338 aux pp. 348-49; Montgomery v. Ryan
(1908), 16 O.L.R. 75 A lap. 98 (C.A.) ; Tennant v. The Union Bank of Canada, [1894] A.C. 31 A lap.
46, (1893) 10 C.R.A.C. 387 (P.C.) [Tennant]; In Re Bottomgate Industrial Corporation Society
(1891), 65 L.T. 712 (Q.B.) ; In Re Bergethaler Waisenamt (No 2), [1949] 1 D.L.R. 769 aux pp. 773-
74, 1 W.W.R. 323 (Man. C.A.). Voir 6galement Re Stouffville District Credit Union Ltd c. Village of
Stouffville (1966), 56 D.L.R. (2d) 103 A la p. 114, [1966] 2 O.R. 139 (H.C.); White v. The Bank of
Toronto, [1952] O.R. 398 aux pp. 421-22 (H.C.), conf. par [1953] 3 D.L.R. 118 (C.A.).

42 Voir Commissioners of the State of Savings Bank of Victoria c. Permewan, Wright & Company
Ltd. (1914), 19 C.L.R. 457 aux pp. 470-71 (Austr. H.C.); In Re Shield’s Estate, [1901] 1 I.R. 172
(Chan. Div.) [Shield’s] ; Stafford v. Henry (1850), 12 Ir. Eq. 400 (Eq. Exch.) A lap. 406.

41 Shield’s, ibid

2004] M. LACOURSItRE – LA RtGLEMENTATION DES BANQUES VIRTUELLES

693

cette question, soulignant A juste titre que “. Au Canada, ce problme a 6t6 examin6
apr~s la d6cision Shield’s. Cette jurisprudence est A l’origine du paragraphe 983(2) de
la Loi sur les banques, qui empche l’utilisation du mot obanque>> sans autorisation45 .
A ce chapitre, l’arr~t de principe Canadian Pioneer Management Ltd c. Le
Conseil des relations du travail de la Saskatchewan46 a pr6cis6 le sens du concept
d’op6ration bancaire47 . Aux yeux de la Cour supreme du Canada, s’exprimant par la
plume du juge Beetz,
litt6rale dudit
paragraphe 983(2)48, ainsi que le fait que le gouvernement f6d6ral n’a jamais exprim6
dans aucune loi, y compris dans la constitution canadienne, que les soci6t6s de fiducie
et de pr~t, ou d’autres institutions financi~res, pouvaient poursuivre des op6rations
bancaires au Canada49 . L’6tat actuel du droit canadien exige qu’une entreprise qui
exerce des activit6s bancaires au Canada soit incorpor6e et poss~de une charte

il importe de consid6rer l’interpr6tation

44 Ibid. aux pp. 197-98. Dans cette cause, Lord FitzGibbon a d6clar6 que

[…] the name was assumed by Shield’s, and the Bank of Ireland accepted it as a truthful
designation […] From the beginning to end they treated him as a banker. That being so,
it is a question of fact, and one upon which the presumption is in the affirmative,
whether there is reasonable evidence to warrant the conclusion that Shields was what
he professed to be, and what the Bank of Ireland took him to be, namely, a Banker N.

45 Sur ce point, dans Piquette c. R., [1990] A.Q. No. 1892 (C.A.) [Piquettel, le d6fendeur a utilis6
l’expression Banque d’6change Manhattan>> et >. La Cour d’appel du Qu6bec a soulign6 que le paragraphe
564(2) de la Loi sur les banques A l’6poque [maintenant 983(2)] dtait tr~s limpide, et, elle a rejet6
l’appel. Voir de plus Credit Lyonnais Limitie c. Quibec (Sous-ministre du Revenu), (1996), R.D.FQ.
3, A.Q. No. 3 (C.A.) [Cridit Lyonnais] ; R. c. Milelli (1989), 51 C.C.C. (3e) 165, 45 B.L.R. 209 (Ont.
C.A.), requ&e pour permission d’appeler A la C.S.C. rejet6e, 53 C.C.C. (3e) vii, 38 O.A.C. 160n.

46 [1980] 1 R.C.S. 433, (1979) 31 N.R. 361 [Canadian Pioneer avec renvoi aux R.C.S.].
47 Ibid. Dans cette cause, une des questions en litige 6tait de d6cider quel 6tait le tribunal comp6tent
pour accr~diter un syndicat d’employ6s d’une compagnie de fiducie. Afin d’y parvenir, il fut
n6cessaire de d6terminer la constitutionnalit6 de Pioneer Trust, c’est-A-dire de d6cider si cette derni~re
6tait une entreprise f6d6rale. Primafacie, Pioneer Trust apparaissait 8tre engag6e dans les >. Cons&luemment, la question sous-jacente dtait de clarifier le concept d’opftations
bancaires>> dans le cas de Pioneer Trust dans le but de savoir si celle-ci 6tait assujettie A la 1Igislation
f&t6rale, par le biais de l’art. 91(15) de la Loi constitutionnelle de 1867, (R.-U.), 30 & 31 Vict., c. 3.

48 k l’6poque, art. 157 de la Loi sur les banques, S.R.C. 1970, c. B-1. Cette disposition repr6sente
en quelque sorte une codification du crit&e de la prise en compte de la r6putation d’un banquier lors
de la d6termination d’une opdration bancaire, Canadian Pioneer, ibid. A lap. 462.

49 Les d6cisions suivant Canadian Pioneer ont interprt6 tr~s strictement ce paragraphe, en
emp~chant les institutions provinciales d’utiliser le terme banque> ou tout autre terme semblable
dans leur raison sociale. Voir Crdit Lyonnais, supra note 45 A lap. 7 ; In Re National Mortgage Bank
of Greece and Andoniadis (1992), 29 L.A.C. (4th) 275 aux pp. 282-83 (Can.) [Andoniadis] ; Piquette,
supra note 45 A la p. 4.

694

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL

[Vol. 49

bancaire . Cependant, en pratique, d’autres institutions financi~res mnent de telles
activit6s dans le secteur bancaire.

En consid~rant la d6r6glementation des institutions financi~res canadiennes, il est
permis de croire qu’une banque virtuelle engag6e dans des activit6s similaires A des
op6rations bancaires, mais qui ne se pr6sente pas comme une banque, pourrait agir en
toute 16galit6 au Canada en profitant de l’6tat actuel de la r6glementation sur les
institutions financi res. Ainsi, le concept de banque virtuelle n’est pas limitatif. I1
inclut non seulement les banques, mais 6galement les quasi-banques, car en pratique
les activit6s de celles-ci sont sensiblement les m~mes que celles des banques, tel que
l’a soulign6 la Cour supreme du Canada”. Bien que la d6finition d’une op6ration
bancaire ne soit toujours pas 6tablie, les institutions financi6res 6trang&res mnent
r~guli~rement ce genre d’activit6s. Les d6cisions Crdit Lyonnais52 et Andoniadis53
s’inscrivent dans la pens6e du juge Beetz dans Canadian Pioneer.

A la suite des d6veloppements pr6cfdents au sujet du concept d’op6ration
bancaire, est-il possible d’affirmer que la sollicitation de clients est partie int6grante
de ce concept ? La jurisprudence est tr~s discrete sur cette question. Dans Laarakker
v. Royal Bank of Canada54 , la banque avait engag6 un photographe pour un
programme de promotion et de publicit6. Puisque cette promotion 6tait offerte
gratuitement A la cientele de la banque, et qu’il 6tait incontestable que la banque
n’avait aucunement l’intention de s’engager dans le commerce de la photographie en
s’associant avec la d6fenderesse, le juge Anderson a jug6 que : <[i]f the purpose or object was, in essence, promotion or advertising, then it was, in my view, part of the business of banking and unobjectionable. It was nowhere contended that promotion or advertising was not a proper part of the banking business>55 . L’ann6e pr6c6dente, la
Cour d’appel de la Nouvelle-,cosse d6clarait que l’utilisation d’une marque de
commerce par une banque faisait partie int6grante de ses op6rations bancaires et que

50 Voir notamment Bank of Nova Scotia v. British Columbia (Superintendant of Financial

Institutions) (2001), 95 B.C.L.R. (3d) 327, [2001] B.C.J. n’ 2276 (S.C.).

51 Plus prcisfment, le juge Beetz rappelle que 99% des activit6s de Canadian Pioneer sont

similaires A celles des banques A charte. Canadian Pioneer, supra note 46 A lap. 445.

52 SUpra note 45.
53 Supra note 49. En 1’esp ce, la cour a jugd que la National Mortgage Bank of Greece 6tait une
banque de l’Annexe I, par le biais des crit~res formels et institutionnels, car elle poss~dait un bureau
de representation au Canada dement enregistrd en vertu du R~glement de 1992 sur les bureaux de
reprdsentation des banques jtrang~res: D.O.R.S./92-299. La cour a 6galement d~cid6, ibid., A la p.
281 que

the absence of activity on its part that may be called the business of banking does not,
in and of itself, remove the respondent from under the jurisdiction of the Bank Act.
Moreover, it is quite clear that a determination of whether or not an institution is a
bank, solely on the basis of this type or nature of the business it conducts, is not an
acceptable test.

54 (1980), 31 O.R. (2d) 188 (H.C.).
5 Ibid. A lap. 193.

2004] M. LACOURSI’RE – LA REGLEMENTATION DES BANQUES VIRTUELLES

695

whenever the Bank offered any service apart from merely receiving deposits,
cashing cheques and lending money, it could not advertise these services without it
being said that it was carrying on business in the name of the service 56 .

I est vrai que ce point de vue n’est pas unanime en jurisprudence. En effet, K.
Perrett nous rappelle qu’il a W affirm6 dans la d6cision Pullman c. R.57 , que des
sollicitations de pr~ts d’argent effectu6es par t6l6phone A partir de l’ext6rieur du
Canada a des Canadiens ne constituaient pas une sollicitation58, et qu’il ne pouvait
donc pas s’agir en l’esp~ce d’op6rations bancaires. Avec d6f6rence, nous trouvons
cette conclusion erron6e. Le fait de contacter des Canadiens A partir d’un endroit situ6
a l’ext6rieur du Canada dans le but de leur offrir un pret d’argent constitue bel et bien
une sollicitation ; et si elle est effectu6e par une entreprise qui se pr6sente comme une
banque, il s’agit une op6ration bancaire. La d6cision Pullman doit &re replacde dans
son contexte. En l’esp~ce, on a jug6 qu’un simple contribuable –
un particulier –
n’exploitait pas une entreprise et qu’il n’y avait donc aucune sollicitation de la part de
ce dernier59 . Cette d6cision de common law s’accorde avec
la d6finition de
l’exploitation d’une entreprise au sens de l’article 1525, troisi~me alin6a, du Code
civil du Quibec. Ainsi, un particulier qui effectue des activit6s de placement

56 Bank of Montreal c. Price (1979), 60 C.P.R. (2d) 57 A la p. 72, 105 D.L.R. (3d) 62 (N.S.C.A.).
Voir de plus Gowling, Strathy & Henderson c. Royal Bank of Canada (1995), 63 C.P.R. (3d) 322 A la
p. 325 (C.F. Ire inst.).

17 [1983] 2 C.E 452, 83 D.T.C. 5080 (C.F. Ie inst.) [Pullman].
58 Perrett, supra note 21 i la p. 93 ; voir 6galement B.W. Keefe et S.J. Foumier, Significant New
Opportunities for U.S. Banks in Canada> (2003) 120 Banking L.
671 aux pp. 674-75. Plus
prcis6ment, le contribuable, citoyen canadien derneurant en Suisse, avait effectu6 quelques pr~ts A
des Canadiens par l’entremise d’un courtier torontois. Le tribunal a reteni que le contribuable
n’exploitait pas une entreprise au Canada, car [1]es seuls 616ments canadiens de ces op6rations, c’est-
i-dire le compte en banque, la procuration et la tenue des livres, 6taient secondaires et n’existaient que
pour des raisons de commodit&o, et que, somme toute, le prt d’argent ne constitue pas 1’exploitation
d’une entreprise au Canada, Pullman, ibid. au para. 21. La cour ajoute que le contribuable n’a
nullement sofficit6 des Canadiens, puisque les prts ne peuvent &re offerts en vente, opinion fond~e
sur une vieille d6cision australienne, Bank of New South Wales and Others v. Commonwealth and
Others, [1948] 76 C.L.R. 1 (H.C. Austr.).

59 L’ argument de la cour est d’ailleurs tr~s laconique. Voir Pullman, ibid. au para. 23:

A mon avis, il ne peut 6tre dit que le demandeur sollicitait des commandes ou offrait en
vente quoi que ce soit au Canada, par 1’entremise d’un mandataire, pr6posd ou
autrement. Le demandeur n’a pas sollicit6 de commandes au Canada et n’avait nul
besoin de le faire. II demeurait en Suisse oOi il recevait d’un courtier des offres de
participation A des activits de prts d’argent. On ne peut pas dire non plus que des
prhts peuvent ftre offerts en vente;

voir 6galement ibid. au para. 24:

M~me si j’admettais la proposition que le Parlement avait l’intention d’assujettir les
prts d’argent A l’alinia 253b), ce que je ne pense pas, il ne fait aucun doute que cette
disposition, m~me au sens le plus large, ne pourrait s’appliquer i des pr~ts consentis
dans d’autres pays que le Canada –
ce qui constitue une grande partie des prets
consentis par le demandeur.

MCGILL LAW JOURNAL/ REVUE DE DROIT DE MCGILL

[Vol. 49

n’exploite pas une entreprise6 , alors que le pr& d’argent repr6sente une op6ration
bancaire et ce concept s’applique aux banques 6trangres. Cette nuance est pertinente,
A notre analyse. En effet, non seulement Pullman ne se pr~sentait pas comme un
banquier61 , mais en plus, il n’6tait pas incorpor6 et ne poss6dait pas de charte
bancaire”. Dans l’hypoth~se ob Pullman erit 6t6 un banquier, ses transactions auraient
6t6 classifi6es d’op6rations bancaires.

La conclusion au sujet de Pullman permet d’affirmer que les activit6s de la
banque Wells Fargo au Canada constituent des op6rations bancaires, contrairement A
l’opinion exprim6e par le Bureau du surintendant aux institutions fmanci~res
(BSIEF)63. Avec respect, cette d6cision du BSIF s’explique difficilement, vu sa position
historique A 1’effet que la sollicitation des consommateurs canadiens constitue une
operation bancaire 4.

k ce sujet, le Groupe de travail sur l’avenir du secteur des services financiers (le
Groupe de travail) a recommand6 de limiter la d6finition d’op6ration bancaire pour
comprendre >7 1. Les lignes directrices de l’OCC furent
codifi6es en 200272. Au Canada, certaines institutions financires agissent comme
autorit6s de certification, malgr6 l’absence d’une l6gislation sp6cifique A cet 6gard73 .

Pour les fins de cet article, nous consid6rons que le concept de banque virtuelle,
ou banque en ligne, doit 6tre entendu dans le sens des activit6s des institutions
financi~res qui utilisent le r6seau Internet comme un moyen de communication.

67 Loi constituant lAgence de la consommation en matidre financire du Canada et modifiant

certaines lois relatives aux institutions financidres, L.C. 2001, c. 9, art. 132 [Projet de loi C-8].

68 Conit6 s~natorial, Plan directeur de changement: rdponse au rapport du groupe de travail sur l’avenir
du secteur des services financiers canadien rapport du comitj snatorial permanent des banques et du
commerce, Ottawa, 1998, A la p. 41, n’ 168, en ligne: Parliamentary Internet Parlementaire .

69 OCC, OCC Bulletin 99-20: Certification Authority Systems, 4 mai 1999, Washington (D.C.), en
ligne: Office of the Comptroller of the Currency [OCC
Bulletin 99-20]. Voir de plus les bulletins suivants relatifs A ces lignes directrices: OCC, OCC
Bulletin 98-38: Technology Risk Management: PC Banking, 24 aofit 1998, Washington (DC), en
ligne: Office of the Comptroller of the Currency , et
OCC, OCC Bulletin 98-3: Technology Risk Management, 4 f6vrier 1998, Washington (D.C.), en
ligne : Office of the Comptroller of the Currency .

70 OCC, Conditional Approval no 267, 12 janvier 1998, p. 1, Washington (D.C.), en ligne: Office

of the Comptroller of the Currency .

71 Voir ibid. A lap. 13. L’approbation a 6td sujette i deux conditions : le requdrant devait fournir une
description complete du syst~me d’information pmposd A I’OCC avant le debut des operations et
dgalement informer les vendeurs potentiels que le contrat 6tait sujet une supervision par I’OCC,
ibid. A la p. 20. Pour une discussion plus approfondie du concept d’opHration bancaire, voir supra
note 45.

72 12 C.FR. 7.5000.
73 D’ailleurs, l’Association canadienne des paiements (ACP) a lanc6 un projet d’autoritd de
certification de niveau supdieur en 1999, mais devant le faible degr6 de participation des banques,
elle a suspendu le projet en 2003: ACP, L’ACP cesse son initiative de I’ICP>o, 1999, en ligne:
.

698

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROITDE MCGILL

[Vol. 49

Comme le mentionnent Ritter et Gliniecki : <<[e]lectronic commercial practice does not require changing the principles on which business is conducted. It merely changes the medium>>74 . L’61aboration d’un cadre r6glementaire devrait se d6finir en tenant
compte de ces balises.

B. La reglementation des banques virtuelles

la

en

Comme

r6glementation des banques

ligne pose un probl~me
particuli~rement aigu en ce qui concerne les banques situ6es A l’ext6rieur du Canada,
il importe d’examiner le cadre r~glementaire qui gouverne tant les banques 6trang~res
que les quasi-banques (1). Ce survol permettra de mieux cerner de quelle mani~re la
r6glementation canadienne peut s’6tendre aux banques en ligne (2). Enfin, cette
analyse suppose une remise en question de l’addquation du cadre r6glementaire
canadien A l’6gard des banques virtuelles (3).

1. La r6glementation canadienne des institutions financi~res 6trang~res

Une compr6hension de la r6glementation des institutions financi~res 6trangeres
n6cessite une revue de l’historique de cette r6glementation (a), une 6tude des
caract6ristiques
(b) et des quasi-banques
6trang~res (c).

intrins~ques des banques 6trang~res

a. Historique

Traditionnellement, l’environnement bancaire et financier canadien est caract~ris6
par un cloisonnement tr~s 6tanche entre les banques, les soci6t6s de pr~t et de fiducie,
les soci6t6s d’assurance et les soci6t6s de valeurs mobili~res75 . Parmi ces cat6gories
d’institutions financi~res –
, les banques se
situent sous la juridiction du gouvernement f~d~ral76 tandis que les soci6t6s non
bancaires, ou quasi-bancaires, 6voluent sous la gouverne des juridictions f6d6rale et
provinciales77 .

sumomm6es les <> –

74 Jeffrey B. Ritter et Judith Y Gliniecki, <> (1993) 6 Harv. J. L. & Tech. 263 A la p. 267.

75 Pour un historique des lois bancaires au Canada, voir B. Crawford, Crawford and Falconbridge,
Banking and Bills of Exchange : A Treatise on the Law of Banks, Banking, Bills of Exchange and the
Payment System in Canada, 8 6d., Toronto, Canada Law Book, 1986, au n’ 101.

76 Loi constitutionnelle de 1867, supra note 47, art. 91(15). Voir g6nralement Canada (A.G) c.
Qudbec (P.G), [1947] A.C. 33, [1947] 1 D.L.R. 81 (PC.) [Canada (A.G) c. Quibec (P.G)] ; Alberta
(A.G) c. Canada (A.G), [1939] A.C. 117 (P.C.) [Alberta (A.G) c. Canada (A.G)].
77 Au niveau f6dral: Loi sur les soctis d’assurances, L.C. 1991, c. 47 ; Loi sur les socigtes de
fiducie et de pr~t, L.C. 1991, c. 45. En Ontario: Loi sur les assurances, L.R.O. 1990, c. 1.8 ; Loi sur
les soctis de pret et defiducie, L.R.O. 1990, c. L.25. Au Qu6bec : Loi sur les assurances, L.R.Q. c.
A-32 ; Loi sur les socijtMs defiducie et les socigtis d’jpargne, L.R.Q. c. S-29-01.

2004] M. LACOURSItRE – LA REGLEMENTATION DES BANQUES VIRTUELLES

699

Avant 1964, les banques 6trang~res devaient s’incorporer au niveau provincial
comme des quasi-banques ou s’enregistrer au f6dral comme des bureaux de
representation78 . En 1964, la Commission royale d’enqu~te sur le syst~me bancaire et
financier a recommand6 de r6glementer les banques 6trang~res faisant affaire au
la competition dans le secteur des services financiers
Canada afin d’accroitre
canadiens79 . A la suite de la Commission Porter, le 16gislateur a pr6vu certaines
restrictions A la dMtention des actions votantes d’une banque canadienne par des non-
r6sidents canadiens . Des limites additionnelles ont 6t6 6tablies quelques ann6es plus
tard pour la propri6t6 des banques au Canada”.

La Loi sur les banques de 1980 cat6gorise les banques domestiques et 6trang~res
selon ses annexes A et B 2. En 1976, un livre blanc a propos6 que les banques
ii un cadre
6trang~res puissent d6tenir des filiales au Canada, sujet cependant
r~glementaire tr~s strict83 . Ce livre blanc 6tait 6galement destin6 A accroitre la

78 M.H. Ogilvie, <> (1990-91) 4
C.U.B.L.R. 39 A la p. 43; R.M. MacIntosh, (1981)
Meredith Memorial Lectures 6 A la p. 14; J. Harvey Perry, < (1980) 87:6
Can. Bank. 4 A la p. 9. Les prerieres constitutions des banques 6trang&es au Canada proviennent de
la fin du xixe et du d6but du xxe sidcles : Ogilvie, ibid. A la p. 40 ; Edward P. Neufeld, Money and
Banking in Canada : Historical Documents and Commentary, Toronto, McClelland & Stewart, 1964,
Partie 11.

79 Commission royale d’enqu~te sur le syst~me bancaire et financier, Rapport de la Commission
royale d’enqu~te sur le systime bancaire etfinancier, Ottawa, Imprimeur de la Reine, 1964 aux pp.
374-75 et 396 (pr6sident: D.H. Porter) [Commission Porter]. I1 faut se rappeler que la constitution
canadienne 6tablit que les activit6s bancaires sont r~gies par le gouvernement fedlral en vertu de
l’article 91(15) de la Loi constitutionnelle de 1867, supra note 47. Ce pouvoir est exclusif et toute
tentative provinciale pour r~glementer les banques sont ultra vires. Voir Canada (A.G) c. Quebec
(P.G), supra note 76 ; Alberta (A.G) c. Canada (A.G) supra note 76 ; Tennant, supra note 41 ; C.C.
Johnston, <> (1962) 2 Osgoode Hall L.J.
347 A la p. 348. Voir aussi A.M. Abdalyan, <> (1977) 84:4 Can. Bank. 61.

80 Loi sur les banques, L.C. 1966-67, c. 87, art. 56.
81 Ibid., art. 52-54. Les limites emp&haient un r6sident ou un non-r6sident de d~tenir plus de 10%
des actions votantes d’une banque A charte. Les actionnaires non rsidents ne pouvaient d6tenir plus
charte: Helen Sinclair & Martin Krossel,
de 25% du total des actions votantes d’une banque
Foreign Banks, Competition and the Bank Act> (1979) 86:1 Can. Bank. 9 aux pp. 9-10; Ogilvie,
supra note 78 A la p. 41.

82 L.C. 1980-81-82-83, c. 40 [Loi de 1980]. Depuis 1991, ces banques sont devenues des banques
de l’Annexe I et HI, supra note 6 ; plus rcemment, les banques 6trang~res autoris~es font partie de
l’Annexe 1I : la Loi modifiant la loi sur les banques, la Loi sur les liquidations et les restructurations
et d’autres lois relatives aux institutions financidres et apportant des modifications corelatives t
certaines lois, L.C., 28, art. 35 [Loi de 1999] ajoute par le biais de son art. 35, la partie XI.I de la Loi
sur les banques qui seront les banques de l’Annexe II.

83 Ottawa, Minist~re des Finances, Livre blanc sur la revision de la Iigislation bancaire
canadienne, Ottawa, Minist~re des Approvisionnements et services Canada, 1976 aux pp. 26-27
(president: D.S. MacDonald); Angela Barnes, Centre Stage for the Bank Act> (1978) 85:4 Can.
(1974) 81:4 Can. Bank. 6 A la p. 7. La
Bank. 11 ; Note, < dans
Queen’s Annual Business Law Symposium 1996, The Regulation of Financial Institutions –
Issues
and Perspectives, Toronto, Carswell, 1997, 27 aux pp. 46 et s.
87 Livre vert, ibid. A lap. 7.
88 Loi de 1999, supra note 82.
89 Ottawa, Ministre des Finances, L’examen de 1997 de la kgislation r~gissant les institutions
financi~res: Propositions de modifications, Ottawa, Minist~re des Finances, 1996, en ligne:
Minist~re des Finances .

90 Ibid. A la p. 15. Sous la direction de Me Harold MacKay, ce groupe de travail d6posait son

rapport en septembre 1998 : Rapport MacKay, supra note 65 a lap. 21.

1 Ottawa, Comitd permanent des Finances, L’examen de 1997 de la Mgislation rigissant les
institutions financidres : Propositions de modifications, 4e Rapport, Ottawa, Chambre des Communes,
octobre 1996, en ligne: Biblioth~que nationale du Canada .

2004] M. LACOURSItRE – LA R-GLEMENTATION DES BANQUES VIRTUELLES

701

livre blanc 6tait inaddquat A l’6gard de plusieurs questions. Ces comit6s ont entre
autres effleur6 la d6licate question des banques 6trang6res d6sirant s’6tablir au Canada
sans la moindre prdsence physique. C’6tait alors le cas de Wells Fargo, qui fait
maintenant des affaires au Canada par l’entremise de la sollicitation, exclusivement
par courrier et par Internet. Le Comit6 s6natorial a not6 que le livre blanc aurait pour
cons6quence de classifier Wells Fargo comme une <>, ce qui
l’emp&cherait d’effectuer des op6rations bancaires au Canada. Le Comit6 s6natorial a
soulign6 le probl~me de la signification tr~s large de faire affaireo au Canada, en se
demandant si celle-ci incluait une sollicitation active” .

La r6ponse

cette question n’a 6t6 donn6e ni par le comit6 s6natorial, ni par le
Comit6 des finances94. Par contre, ce demier a mentionn6 que l’absence de
dispositions relatives A l’6tablissement de banques 6trang~res sans pr6sence physique
au Canada posait des probl~mes pour la distribution de services financiers par
l’entremise d’Internet95. Cette question ne fut pas abord6e en d6tail dans le livre
blanc96 . Par la suite, le Comit6 des finances 6mettait un document de consultation sur
la politique d’acc~s des banques 6trang~res dans lequel il reconnaissait l’importance
du probl~me et surtout, l’importance de prot6ger le consommateur97. A cette fim, il
consid6rait deux options, soit d’interdire toute forme de sollicitation de la part des
banques virtuelles 6trangres, soit d’imposer des exigences d’information A celles-ci

notamment l’absence de participation ii la Socit6 d’assurance-d6p6ts du Canada
(SADC)98.

Le Groupe de travail a identifi6 les objectifs de l’61aboration d’un environnement
r6glementaire A 1’6gard des banques 6trang~res sans pr6sence physique99. I1 a ensuite

92 Ottawa, Comitd s6natorial permanent des banques et du commerce, Riforme de 1997 des
institutions financires: iliminer les obstacles a l’entre des banques itrang~res, Ottawa, S6nat du
Canada, 1996, en ligne: Parlement du Canada .
9 Ibid. A la p. 20.
94 I1 a toutefois reconnu la commodit6 de ce service: Ottawa, Minist~re des Finances,
L’avenir commence maintenant : une itude du secteur des services financiers au Canada
(rapport final), Ottawa, Ministre des Finances, 1998, Chapitre 3, Section 2, en ligne:
Parlement du Canada .

95 Supra note 91 Section 3(e)(ii).
96 Supra note 89.
97 Ottawa, Ministre des Finances, Document de consultation sur la politique d’accs des banques
itrangres, Ottawa, Ministre des Finances,
ligne: Ministre des Finances
.

1997, en

98 Ibid. a la Partie IV.
99 Voir Document d’information n’ 5, supra note 66 A lap. 216:

Un premier objectif consiste A permettre aux Canadiens d’avoir acc~s au plus large
choix possible de produits financiers et de fournisseurs de services financiers. Un autre
objectif consiste A permettre aux Canadiens d’etre mieux renseignds sur leurs
foumisseurs de services financiers, de mani~re qu’ils puissent faire des choix 6clair6s.
Un troisi~me objectif est d’6viter d’imposer A ces fournisseurs <> un r6gime

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL

[Vol. 49

abord6 ce probl~me en soulignant qu’il .

88-89.

102 Rapport MacKay, supra note 65 aux pp. 218-19; Document d’information n’ 5, ibid. aux pp.
103 Document d’information n’ 5, ibid. A lap. 89.
104 Ibid. A lap. 90. Au sujet de la conf6rence ministdrielle, voir: OCDE, Dismantling the Barriers to
Global Electronic Commerce, 19-21 novembre 1997, Turku (Finlande), en ligne: Organisation de
coop6ration et de d6veloppement 6conomique
[Confdrence de Turku]. Plus pr6cis6ment, les conf6rences minist6rielles de I’OCDE remontent h
f6vrier 1995 A Bruxelles lors d’une runion du G-7 sur la soci~t6 d’information, suivie par la rdunion
de Bonn en juillet 1997 au sujet des r6seaux d’information. La Conf6rence de Turku avait pour objet
l’atteinte de trois objectifs, A savoir: 1) la datermination de principes g6n6raux, ce qui a notamment
mend les participants A d6clarer que les forces du march6 devraient r6guler le commerce dlectronique ;
2) les discussions concemant la d6signation de domaines o6 une intervention gouvemementale –
minimale –
est requise, tel le domaine de la fiscalit6 ; 3) l’identification des organisations pouvant
implanter et d6velopper ces solutions, telle la Commission des Nations Unies pour le droit
commercial international (CNIJDCI) –
, l’Organisation mondiale du
commerce –
et l’Organisation mondiale de la proprit6
intellectuelle –
, par exemple. Cette conf6rence a 6t6
caract6risde par le niveau g6ndral des d6bats, excluant les prises de position sur des points pr6cis. 11 a
alors W convenu d’aborder de telles discussions l’ann6e suivante, lors de la conference minist6rielle
d’Ottawa, voir infra note 110.

droits de la propridt6 intellectuelle –

accords de t6l6communication –

signatures dlectroniques –

2004] M. LACOURSItRE – LA RtGLEMENTATION DES BANQUES VIRTUELLES

703

les

institutions financi~res

En 1998, le Comit6 senatorial r6pondait au Groupe de travail. Le Comit6 a
d’abord not6 que le march6 des services financiers nord-am6ricain tend vers une
int6gration de plus en plus pouss6e et qu’il devient n6cessaire de omieux harmoniser
les politiques canadiennes et am6ricaines> 5 . Une telle politique encouragerait
l’innovation et 6viterait des situations similaires A l’exp6rience de la banque Wells
Fargo” . I1 a ajout6 qu’il n’existe aucun organisme de r6glementation pouvant exiger
la r6glementation
que
canadienne 7 . En cons6quence, le Comit6 s6natorial a recommand6 qu’ <>, cette politique
devant <.

trang~res se soumettent h

108

En juin 1999, le projet de loi C-67 recevait la sanction royale. La loi permettait
ainsi la cr6ation de succursales, ainsi qu’une nouvelle cat6gorie de < [Rapport de 1999].

111 Ibid. aux pp. 7-8.
112 Ibid. A ]a p. 10.
113 Projet de loi C-8, supra note 67. Ce projet a W sanctionnd le 14juin 2001. Pour les fins de notre
dtude, nous conserverons le nom de <. II convient de noter que le projet C-8
remplace le projet de loi C-38, mort au feuilleton en novembre 2000, lors du d6clenchement des
dlections.

114 Pour plus de renseignements sur cette agence, voir son site: <>, en ligne: Agence de la consommation en mati~re financi~re du
Canada .

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL

[Vol. 49

propri6t6 en permettant aux banques de se structurer sous la forme d’une soci6t6 de
portefeuille et modifie les r~gles gouvernant les banques 6trang~res de l’Annexe H1.
Toutefois, le gouvernement semble avoir adopt6 une approche attentiste A 1’6gard des
banques n’ayant aucune pr6sence physique au Canada’15 .

b. Les caract6ristiques inh~rentes aux banques 6trang6res

Les banques canadiennes et 6trangres sont astreintes A une panoplie de
conditions impos6es par le l6gislateur f6d~ral depuis plus de trente ans, dont les
formalit6s de constitution,
la
capitalisation, la supervision et l’assurance-d~p6ts. Non seulement ces r~gles different
entre les banques domestiques et 6trang~res, mais elles demeurent incertaines quant A
leur application aux banques en ligne.

les r~gles de propridt6,

les activit6s permises,

Les pouvoirs d~volus aux banques domestiques canadiennes sont balis6s par la
Partie VIII de la Loi sur les banques. En g6n6ral, celles-ci peuvent poursuivre des
operations bancaires, c’est-h-dire recevoir des d~p6ts et effectuer des pr~ts, fournir
des prestations de services de conseil en placement et de gestion de portefeuille et
dmettre des cartes de paiement. Les banques de l’Annexe I de la Loi peuvent
6galement poursuivre des activit6s suppl6mentaires, dont la fourniture de services
informatiques ou agir en r6seau1 6. En d6pit de la d~r6glementation des services
financiers, certaines activit6s demeurent
interdites aux banques canadiennes,
notamment le commerce de l’assurance et du cr6dit-bail, des valeurs mobilires ou,
plus g6n6ralement, l’exercice d’activit6s commerciales117 .

Malgr6 les changements h la Loi sur les banques depuis quelques ann6es, les
banques 6trang~res demeurent lourdement handicap~es dans la poursuite d’activit6s
bancaires en sol canadien”8 . Elles ne jouissent pas des privileges accord6s aux
banques de l’Annexe I. L’article 2 d6finit largement une banque 6trang~re comme une
. Cette d6finition, qui couvre
d’une mani~re
implique naturellement que

large une banque 6trangre,

tr~s

“5 lnfra, note 179.
116 Les quasi-banques poursuivent sensiblement les m~mes activit6s que les banques.
117 Ces activit~s sont en gdn6ral permises aux quasi-banques : par exemple, il est permis aux caisses
populaires d’effectuer de la vente d’assurance. Comme le mentionne la professeure Ogilvie, <<[t]he exclusion of banks from leasing and insurance, that is, the preservation of the four pillars approach to the regulation of the financial services sector, is hotly contested, and remains the most significant unresolved policy issue in relation to banking in Canada today>>: M.H. Ogilvie, <> [1998] J. Bus. L. 397 A
la p. 402.

118 Loi de 1980, supra note 82, art. 302.

2004] M. LACOURSI-RE – LA RtGLEMENTATION DES BANQUES VIRTUELLES

705

beaucoup de fournisseurs 6trangers de services financiers rel~vent du champ
d’application de ces d6finitions, meme si l’on ne pense g6n6ralement pas A les
. Comme le mentionnait un auteur: <<[i]n practice, consid6rer comme des banques>>”‘
we have generally found that most foreign financial institutions will have within their
corporate group an entity that either looks like a bank or acts like a bank somewhere
in the world and which is caught by the definition of “foreign bank”>> z.

A ce jour, les banques 6trang~res ne peuvent pas poursuivre d’activit6s
commerciales, maintenir des succursales, 6tablir, maintenir ou acqu6rir pour
l’utilisation au Canada des guichets automatiques bancaires ou des terminaux d’un
syst~me d~centralis6 21 . Cependant, en plus de profiter des quelques exceptions
pr6vues par la Loi sur les banques 2 , les banques soumises A ses Annexes H et Il
peuvent contourner partiellement ces interdictions de la manire suivante.

D’abord, les banques 6trang~res peuvent s’6tablir au Canada par l’entremise d’un
bureau de repr6sentation 3 , d’une filiale 24 , d’une succursale ou A la fois d’une filiale
et d’une succursale 25 . Les bureaux de repr6sentation doivent se cantonner dans la
promotion des services de la banque 6trang~re et dans l’exercice de la fonction
d’agent de liaison entre les clients de la banque 6trang~re et d’autres bureaux de celle-
ci. I1 est interdit A tout employ6 du bureau de repr6sentation d’une banque 6trang~re
d’entreprendre ou de mener, dans l’exercice de ses fonctions, d’autres types
d’activit6s commerciales 126 . Lorsqu’une banque 6trang~re d6sire poursuivre d’autres

Nat’l Bank. L. Rev. 254 aux pp. 254-55.

119 Document d’information n’ 5, supra note 66 A la p. 80. Plus pr6cis6ment, les nouveaux
amendements A la Loi sur les banques ont divis6 les banques 6trangres en trois cat6gories: 1. les
banques 6trang~res r~glement6es qui possedent un 6tablissement financier au Canada ; 2. les banques
6trang~res r~glement6es qui ne possedent pas un 6tablissement financier au Canada; 3. les banques
6trang~res au sens de la Loi mais non r6glement6es.
120 J.W.T. Blake, (1988) 7
121 Loi sur les banques, supra note 6, art. 5 10(1).
122 Ibid Notamment, une banque

rang~re a la possibilit6 de conclure des ententes avec des clients
qui sont des personnes physiques ne r6sidant pas habituellement au Canada, afin pour eux d’avoir
acc~s A leurs comptes A l’6tranger par l’entremise de guichets automatiques (art. 511), d’6tablir,
maintenir ou utiliser un service tl6phonique pour conclure des ententes au sujet des taux de change,
des d6p6ts ou des prts (art. 512) ou, dans le cas d’une banque 6trangre r6gie par un agrdment
octroy6 en vertu de l’alin6a 522.22(1)(f) afin de faire le commerce de valeurs mobilires ou de
soci6t6s cooperatives de cr6dit, opdrer un guichet automatique tel que pr6vu A l’article 5 10(1)(c).

123 Ibid., art. 522.
124 Ibid., art. 55. La possibilit6 pour les banques 6trang&es d’op6rer des succursales a fait diminuer
substantiellement le nombre de filiales au Canada, de pros de la moiti6: voir Sheldon Gordon, < Le Banquier (2000) 27:4, en ligne: Le banquier .

125 Loi sur les banques, ibid., art. 521, 522.05, 522.19(1). Au sujet des succursales des banques
6trangres autoris6es qui sont permises par l’article 522.16, voir infra, texte accompagnant les notes
132-139. BSLF, Guide d’dtablissement des succursales de banques gtrang&es, Ottawa, mars 2002, en
ligne : .

126 Rglement sur les bureaux de reprdsentations de banques jtrang&es, D.O.R.S./92-299, art. 6.

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL

[Vol. 49

activit6s bancaires, une incorporation sous la forme d’une filiale ou d’une succursale
le lui permettra”2 . Dans le premier cas, une filiale pourra
recevoir des
d6p6ts, lesquels pourront &re assur6s par la SADC”1 8 , et elle aura la possibilit6
6galement d’6mettre des cartes de cr6dit l’2 . Dans le second cas, une succursale pourra
poursuivre divers types d’activit6s bancaires, selon qu’elle est une succursale A
services complets ou une succursale de pret13 .

re autoris6e

Ensuite, si une banque 6trangre ne remplit pas les crit~res qui lui permettent
d’op6rer des activit6s bancaires, l’article 522.22 de la Loi sur les banques dispose
qu’elle pourra obtenir un arrt6 minist6riel lui permettant d’exercer certaines activit~s,
dont l’acquisition ou la d6tention du contr6le d’une entit6 exergant la collecte, la
manipulation et la transmission d’information, principalement de nature financire ou
&6onomique, ou le d6veloppement de syst~mes de transmission de donn~es ou de
plateformes
informatiques utilis~es pour la fourniture d’information de nature
financi~re ou 6conomique. f1 importe de noter qu’une banque 6trang~re ayant obtenu
un arret6 minist6riel ou un consentement d’op6rer au Canada en vertu de l’ancien
article 521 peut continuer ses activit6s tant que les conditions ne sont pas modifi6es”‘.
Dans tous ces cas, les banques sont soumises
l’exigence d’une pr6sence physique au
Canada.

En f6vrier 1999, le gouvemement f6d6ral a propos6 d’assouplir la Loi sur les
banques’32 . Le projet de loi C-67 vise l’ajout d’un nouveau type de banque, les
obanques 6trang~res autoris6es , en leur permettant de se constituer un r6seau de

127 I1 est plus avantageux d’op~rer une succursale qu’une filiale, car celle-ci doit 8tre capitalis6e
sdpar~ment de la banque 6trang6re et doit supporter les frais de structuration corporative ; toutefois, la
filiale peut accepter des d~p6ts ou emprunter sur les marches interbancaires. En date de juillet 2002, il
existait 14 banques canadiennes, 33 fdliales de banques 6trang~res et 20 succursales de banques
6trang~res qui 6taient actives au Canada. Voir Ottawa, Minist~re des Finances (Canada), Les banques
du Canada, aofit 2002, en ligne: .

128 Pour plus de renseignements sur la SADC, voir en ligne: soci&6 d’assurance-d6p6ts du Canada

.

129 Dans les faits, il existe peu de filiales de banques ftrangres qui acceptent les d6p6ts : on compte
la Banque HSBC Canada (HSBC Holdings plc, Londres), la Banque Commerciale Italienne du
Canada (Banca Intesa, Milan), la Banque ING du Canada (ING Groep N.V., Amsterdam); certaines
banques 6trang~res ont r6cemment commenc6 l’6mission de cartes de credit, dont la Banque Amex du
Canada et la Citibank Canada. Voir Gordon, supra note 124. Voir 6galement: Rapport de 1999, supra
note 110 A la p. 47.

130 Infra, texte accompagnant la note 136.
3′ Supra note 6, art. 522.31-522.32.
132 Loi de 1999, supra note 82. Les banques 6trangres autoris~es peuvent 8tre cr66es par
l’entremise d’une demande au ministre des Finances, lequel possde un pouvoir discrdtionnaire
d’6mettre une ordonnance pour 1’6tablissement d’une succursale au Canada (art. 524(1)) ou par
l’entremise du Surintendant aux institutions fmanci~res, lequel peut 6mettre une ordonnance
d’agrdment lui permettant de commencer exercer ses activit6s au Canada> (art. 534(1)). La banque
6trang~re autoris6e doit avoir en tout temps un bureau principal au Canada (art. 535). Les banques
6trang~res autoris6es sont sous la gouverne de la Partie XlI. 1 de la Loi sur les banques, et sont des
banques de l’Annexe III.

2004] M. LACOURSItRE – LA RtGLEMENTATION DES BANQUES VIRTUELLES

707

succursales bancaires. Ces banques de l’Annexe IlI jouissent d’une grande latitude
dans la poursuite de leurs activit6s au Canada, et peuvent op6rer des succursales A
services complets ou des succursales de pr~t. Une banque m~re qui d6sire intervenir
de cette mani~re y trouvera plusieurs avantages :

elles ne sont plus tenues d’avoir une entit6 l~gale distincte au Canada, elles
peuvent octroyer du cr6dit mime les capitaux de la banque mire –
et ainsi
consentir des pr~ts plus importants qu’elles ne pourraient le faire comme filiale

eUes sont assujetties A une r6glementation f&l6rale moins rigoureuse et elles
n’ont pas A payer d’assurance-d6p6ts 33.

De plus, certains avantages fiscaux ne sont pas A n6gliger”‘. Enfin, il importe de
souligner que les nouvelles banques 6trang6res autoris6es jouissent d’un avantage
notable sur les banques de l’Annexe II, puisque la Loi sur les banques leur permet
maintenant d’exercer des activit6s similaires celles des banques de l’Annexe I’.

Les banques 6trang~res autoris6es doivent respecter certaines exigences. D’abord,
les succursales
t service complet ne peuvent accepter que les d6p6ts de plus de
150 000 $, A moins d’avoir obtenu l’approbation du ministre des Finances, alors que
les succursales de prt ne peuvent accepter aucun d6p6t “’36 . Cependant, le paragraphe
524(2) dispose que <<[l]'arrt6 peut etre assorti des restrictions et des exigences vis6es aux paragraphes 540(1) et (2) respectivement>> [nos italiques]. Ensuite, l’article 546
dispose qu’une banque 6trang~re autoris6e ne peut pas agir comme agent pour
quiconque regoit un d6p6t d’une valeur moindre que 150 000 $, A moins d’8tre sujet
au paragraphe 524(2). tgalement, une banque 6trang~re autoris6e ne peut pas
poursuivre des activit6s d’assurance et de cr6dit-bail au Canada’ 37 , ni effectuer des
prets garantis rdsidentiels au Canada’38 . Enfin, une banque 6trang~re autoris6e d’un

133 Gordon, supra note 124.
134 Voir g6n6ralement: O.M. Moysey et S.V. Maj, < (2000) 48 Can. TaxI. 1869.

135 L’6tendue des activit6s bancaires effectu6es par les banques dtrang~res autoris6es se retrouve A
l’art. 538 de la Loi sur les banques, supra note 6. Cette disposition est similaire
l’art. 409(2). Des
pouvoirs additionnels sont pr6vus A l’art. 539, lesquels sont les mimes que l’art. 410. Comme pour les
banques domestiques canadiennes, les banques dtrang~res autoris6es peuvent s’engager dans des
activit6s de fourniture de services (art. 543) et participer au syst6me de compensation et de r~glement
(art. 542). Egalement, celles qui n’ont pas 6t6 cr6.es par l’approbation du ministre peuvent garantir
des titres ou accepter ou n6gocier des lettres de change (art. 541.1).

136 Ibid., art. 534(2), 540(1) et (2). Voir notamment: F. Daniel, <> (hiver 2002-2003) Revue de la Banque du Canada 3 A la p. 7. L’article 545(1)
permet de recevoir des d6p6ts de d6tails qui n’exc~dent pas 1% des d6p6ts totaux sur une p6riode de
30 jours ; A ce sujet, voir BSIF, >, n’ 2003-05, 2003, en ligne: Bureau du surintdndant des institutions financiers
.

137Ibid., art. 549-50.
138 Ibid.

708

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL

(Vol. 49

pays non membre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ne peut avoir une
succursale au Canada A moins d’obtenir l’approbation du ministre139 .

Le dernier volet de la modification A Loi sur les banques se trouve dans le projet

de loi C-8, lequel a, entre autres, instaur6 un r6gime de soci6t6s de portefeuille –
Partie XV de la Loi -, tel que sugg6r6 par le Rapport de 19991″ et d6jA en vogue
dans certains pays, dont les Etats-Unis et le Royaume-Uni. Dans un tel r6gime, la
compagnie mere op~re des activit6s par
l’entremise de filiales sous forme
d’institutions financi~res f&t6rales. Elle est assujettie A la meme prohibition quant aux
activit6s commerciales que celle appliqu6e aux banques141 . L’article 673 permet
l’6mission de lettres patentes i une filiale d’une banque 6trang~re,

si le ministre est convaincu que, dans les cas oa la demande est faite par une
banque 6trang~re d’un non-membre de I’OMC, les soci6t6s de portefeuille
bancaires r6gies par la pr6sente loi b6n6ficient ou bn6ficieront d’un traitement
aussi favorable sur le territoire oii la banque dtrang~re exerce principalement
son activit6, directement ou par linterm&tiaire d’une filiale.

La Loi est silencieuse quant A la possibilit6 pour une succursale d’une banque
6trang~re de se constituer en soci6t6 de portefeuille bancaire, mais nous sommes
d’avis qu’une telle possibilit6 existe, car aucune disposition de la Loi ne l’emp&ehe
directement.

I1 existe deux types de filiales : les filiales bancaires et les filiales non bancaires.

Dans le premier cas, les banques sont contr6l6es de jure par la compagnie mere –
50% des actions votantes. Plus pr6cis6ment, <[1]e gouvemement appliquera le plafond de 20% pour les actions comportant un droit de vote et celui de 30% pour les actions sans droit de vote par rapport au total des actions cumulatives directes et indirectes d6tenues par la banque> 14 2. Dans le second cas, un contr6le defacto est la r6gle. En ce
qui concerne les ofiliales qui se lancent dans des activit6s de conseil ou d’agence ,

139 Ibid., art. 554(2).
140 Rapport de 1999, supra note 110 aux pp. 18-23.
141 Ibid. A lap. 20:

[p]armi les activit6s d’une soci6t6 de portefeuille n’exploitant pas activement
d’entreprise, mentionnons la mobilisation de capitaux, sous rdserve des r~gles de
capital pr6vues par r~glement, l’investissement et la gestion de sa tr6sorerie et de ses
liquidit6s ainsi que l’investissement dans les immobilisations li6es A son exploitation.
La socit6 de portefeuille peut dgalement offrir des services communs aux autres
entit~s du groupe. Toutefois, elle ne sera pas autorisde at exicuter des fonctions
bancaires centrales ou it fournir des services financiers centraux, comme les
ivaluations de cridit [nos italiques].

142 Ibid. A lap. 21.

2004] M. LACOURSIRE – LA REGLEMENTATION DES BANQUES VIRTUELLES

709

aucun contr6le n’est requis”‘. Les groupes issus des soci~t6s de portefeuille seront
<>

.

Depuis la r6forme 16gislative, une soci6t6 de portefeuille et une filiale ont
maintenant acc~s A un 6ventail plus large d’investissements. Plus particuli~rement, il y
a cinq sortes d’investissements, appel6s < : 10 les institutions
financi~res r6glement6es (par exemple une banque ou une fiducie) ; 2′ les entreprises
dont la fourniture de services financiers constitue 1′ activit6 principale (par exemple les
cartes de cr6dit, les pr~ts aux petites entreprises, les prets A la consommation) ; 30 les
entit6s qui agissent h titre d’agent financier, de conseiller ou d’administrateur (par
exemple les conseils en placements, l’administration de la paie) ; 40 les entit6s qui
exercent des activit6s connexes, compl6mentaires ou accessoires (par exemple les
activit6s du r6seau Interac pour les entreprises, le transport par camions blind6s) ; 5′
certaines autres activit6s non li6es principalement aux services financiers, mais
mentionn6es nomm6ment (par exemple certains services d’information, les soci6t6s
de courtage immobilier).

c. Les caract~fistiques inh6rentes aux quasi-banques trangeres

En vertu de la Loi constitutionnelle de 1867, le gouvernement f6d6ral poss~de une
juridiction exclusive sur les banques et l’incorporation des banques, mais non sur les
autres types d’institutions financi~res –
1. Celles-ci peuvent donc
atre incorpor6es au f6d6ral ou au provincial.

les quasi-banques14

Les soci6t6s de fiducie et de pret f&16rales sont r6gies par la Loi sur les socit&
defiducie et de pret’46 et sont constitu6es en vertu de lettres patentes canadiennes. La
d6finition d’une <<[i]nstitution 6trangre>> vise toute entit6, excluant les entit6s
f6d6rales et provinciales canadiennes, qui se livre A des activit6s bancaires, fiduciaires
et de prt ou d’assurance 47 . Comme pour les soci6t6s de fiducie et de pret
canadiennes, la loi f6d6rale pr6voit qu’une filiale d’une institution 6trang~re doit
obtenir 1’accord du ministre pour 1’obtention de lettres patentes 148. La d6finition

la p. 22.

141 Ibid.
144 Ibid. Voir aussi A la p. 23 en ce qui conceme les filiales non r6glement6es de la socidt6 de
portefeuille. L’emphase est mise sur la transparence et la discipline du march6, bien que le BSIF peut
<(prendre des ordonnances de conformit6, A exiger la tenue de v6rifications spciales et A contraindre la soci6t6 de portefeuille A accroitre ses capitaux lorsque les circonstances l'exigent. 145 Loi constitutionnelle de 1867, supra note 47, art. 91(15). 146 Loi sur les socits defiducie et de pr9t, L.C. 1991, c. 45. 147 bid., art. 2. 148 Ibid., art. 23. Cet article prdcise qu'aucune d6livrance de lettres patentes n'aura lieu si la soci6t6 est la filiale d'une institution 6trangre qui exploite une entreprise de fiducie ou de pret, A moins que le ministre ne soit >.

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL

[Vol. 49

f6d6rale d’une institution 6trang~re est similaire
celle utilis6e en droit qu6b6cois.
D’abord, la 16gislation qu6b6coise, la Loi sur les societjs de prets et de placements”‘ ,
s’applique de fagon restreinte A certaines personnes morales de Grande-Bretagne,
d’Irlande, du f6d6ral, des autres provinces canadiennes et aux personnes morales du
Qudbec15. Un permis d’exercice d6livr6 par le ministre des Finances est exig6 pour
l’exploitation de ces entit6s. Les personnes morales 6trang~res d’autres nationalitds
que celles mentionn6es ne peuvent obtenir le permis. Ensuite, le texte d’une autre loi
qu6b6coise, la Loi sur les socgtds de fiducie et les socktis d’jpargne, ne fait
aucunement mention de soci6t6s 6trang~res mais se limite A traiter des socidt6s
qudb6coises, f6d6rales et d’autres provinces canadiennes151 . Enfin, en droit qu6b6cois,
les soci6t6s de pr&t et de fiducie, de m~me que les caisses populaires et les credit
unions, ont des fonctions similaires A celles des banques’52 . Bien qu’elles puissent 6tre
de juridiction f6d6rale 53 , les coop6ratives sont habituellement de juridiction
provinciale, vu leur r6le social particulier qui les confine naturellement dans un
march6 local’54 . Aucune limite n’est pr6vue dans la loi en ce qui conceme la d6tention
des parts sociales par des 6trangers, mais les statuts de chaque caisse peuvent
mentionner des restrictions au choix 155.

Les r~gles qui r6gissent la proprit6 d6savantagent les soci6t6s de fiducie et de
pret par rapport aux coop6ratives. Nul ne peut acqu6rir un int6r~t substantiel dans une

149 Loi sur les socigtis de prets et de placements, L.R.Q. c. S-30.
150 Ibid., art. 1.
151 Loi sur les socrates defiducie et les socijt~s d’9pargne, L.R.Q. c. S-29.01, art. 6.
152 Dans l’arr~t Canadian Pioneer, supra note 46, il a 6td admis que 99% des activitds de la
celles d’une banque A charte. La Loi sur les banques,
compagnie Pioneer Trust 6taient identiques
re compar6e aux lois suivantes : Loi sur les socigts defiducie et de pr9t, supra
supra note 6, peut
note 77, art. 409-11 ; Loi sur les societs de pret et de fiducie, supra note 77, art. 155 ; Loi sur les
socijtgs defiducie et les socigtis d’ipargne, supra note 77, art. 170-72, 177, 179, 186-87. Les caisses
populaires et
les credit unions possedent des pouvoirs similaires: Loi sur les associations
cooperatives de credit, L.C. 1991, c. 48, art. 375-77 ; Loi de 1994 sur les caisses populaires et les
credit unions, L.O. 1994, c. 11, art. 173 ; Loi sur les caisses d’Jpargne et de credit, L.R.Q. c. C- 4.1,
art. 213-14 ; Loi sur les cooperatives de services financiers, L.R.Q. c. C-67.3, art. 68.

153 Voir Loi sur les associations cooperatives de credit, ibid.
154 Le Mouvement des Caisses populaires Desjardins tombe sous la juridiction qu6b6coise par un
hasard de l’histoire: voir Pierre Poulin, Histoire du mouvement Desjardins, t. 1, Montr6al,
Qu6bec/Amdrique, 1990 aux pp. 117-23, 133-42 et Guy B61anger, La Caisse populaire de Lvis,
Sainte-Foy (Qc), MultiMondes, 2000 aux pp. 64-66, voir 6galement en ligne: Caisse populaire
Desjardins de Lvis . Le Mouvement Desjardins est
maintenant rdgi par la Loi sur les cooperatives de services financiers, supra note 152. Par ailleurs, il
existe seulement quelques caisses populaires et credit unions incorpor6es au f&tdral : Credit Union
Central of Alberta Limited, Credit Union Central of British Columbia, Credit Union Central of
Canada, Credit Union Central of Manitoba, Credit Union Central of Nova Scotia, Credit Union
Central of Ontario et Credit Union Central of Saskatchewan.

155 Voir Loi sur les cooperatives de services financiers, ibid., art. 10, al. 2. En pratique, aucune
coop6rative au Canada n’est d6tenue par des 6trangers. La loi ne pr6voit aucune restriction de
nationalit6 pour 6tre membre et surtout pour faire partie du conseil d’administration.

2004] M. LACOURSIERE – LA REGLEMENTATION DES BANQUES VIRTUELLES

711

soci6t6 de fiducie et de pret’56 , tandis que toutes les cooperatives sont trait6es sur le
m~me pied. Cependant, la Loi sur les socitjs defiducie et les socitis d’dpargne’57 et
la Loi sur les coopgratives de services financiers58 accordent n6anmoins des pouvoirs
similaires aux entit6s domestiques et 6trang~res, contrairement
la Loi sur les
banques159. Ironiquement, il existe peu de quasi-banques 6trang~res dans la province
de Qudbec 160.

Une divergence profonde entre la 16gislation qui gouverne les banques et les
quasi-banques apparait donc au regard de
la r6glementation des institutions
financi~res 6trang~res. Une telle diff6rence, en plus de causer un d6s6quilibre de
traitement entre les institutions financi~res canadiennes, constitue un obstacle majeur
A la r6glementation des banques en ligne.

2. La r6glementation canadienne des banques en ligne

Le nouvel environnement juridique dans lequel 6voluent les banques a donn6 lieu
h certaines initiatives de la part des autorit6s r6gulatrices. Outre les restrictions
traditionnellement
impos6es aux op6rations bancaires conduites par les banques
6trang~res, qui tendent A s’estomper graduellement depuis la cr6ation des nouvelles
banques 6trang~res autoris6es (ce qui pourrait favoriser une uniformisation de la
r6glementation bancaire),
les banques canadiennes jouissent maintenant d’un
6largissement de leurs pouvoirs en’ regard de leurs activit6s informatiques, comme
l’61aboration de plates-formes informatiques on de portails d’information’61, h la suite
la Loi sur les banques apport6es par le r6cent projet de loi C-816′.
des modifications

156 Voir Loi sur les socijtMs de fiducie et de pr9t, supra note 146, art. 375. L’art. 8(1) d6fmit un
intr& substantiel comme 6tant la d6tention de 10% des actions, et la r~gle du 25% pr6sente dans la
Loi sur les banques, supra note 6, n’existe pas. BI convient de souligner que la moiti6 des
administrateurs d’une filiale d’une institution 6trang~re de m~me que
tiers des
administrateurs des autres soci6t6s doivent
tre des rdsidents canadiens (voir ibid., art. 163(2)). Au
Qu6bec, pour ce qui est des soci6t6s existantes, la cession ne peut se faire qu’entre soci6t6s
qufb6coises et le conseil d’administration doit tre compos6 de 75% de rdsidents canadiens et de 50%
de r6sidents qu6bfcois (voir Loi sur les sociitis de fiducie et les socidtjs d’pargne, supra note 151,
art. 86). Par ailleurs, le nombre d’actions pouvant 8tre d6tenu par des non-r6sidents est limit6 A 25%
(art. 72(2)). Le contr6le dont il est question ici est un contr6le de fait et non de droit, notanment par la
pr6sence des mots Adirectement ou indirectemento, ce qui ajoute A la restriction. Une dMtention
d’action plus 6lev6e est possible si l’6mission d’actions se fait dans le cadre de la constitution (art.
74(3)).

les deux

157 Supra note 151.
158 Supra note 154, art. 5-6.
159 Supra note 6, art. 15 et s.
.60Pisentement, l’Inspecteur g6n6ral des institutions financires n’en ripertore aucune sons sa
juridiction: IGIF, Ventilation du nonbre d’institutions de d6p6ts autorisdes A exercer au Quebec, en ligne:
IGIF .

161 Voir Loi sur les banques, supra note 6, art. 410(1)(c.1).
162 Supra note 67.

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL

[Vol. 49

Les lacunes de la r~glementation canadienne au sujet des banques en ligne
s’expliquent par l’approche attentiste du 16gislateur.

Plus avant-gardiste, I’ABC a publi6 en aofit 1999 des lignes directrices qui visent
la protection des consommateurs dans le commerce 6lectronique 63 . Ces lignes
directrices, qui sont le fruit d’une collaboration entre des organismes bancaires et de
protection des consommateurs, notamment, ovisent A guider les entreprises, les
consommateurs et les gouvernements du Canada dans l’61aboration d’un cadre de
protection des consommateurs dans le contexte du commerce 61ectronique sur r6seaux
ouverts> 6 . Est donc exclue toute forme de r6glementation des banques en ligne.

3. L’inadequation du cadre r~glementaire canadien

Les entreprises qui offrent des services bancaires en ligne peuvent ais6ment
contourner la r6glementation canadienne, fond6e sur l’exigence d’une pr6sence
physique au Canada, et outrepasser les obligations qui d6coulent de la Loi sur les
banques, notamment au regard des activit6s permises165 . Lorsque ces entit6s
proviennent de l’ext6rieur du Canada, la question prend d’autant plus d’importance
que la Loi sur les banques est beaucoup plus stricte
l’6gard des banques 6trang~res
qu’envers les banques A charte canadiennes. Au fil des demi~res ann6es, les
modifications A la Loi sur les banques ont 6t
importantes, mais le gouvemement
canadien s’est essentiellement cantonn6 A une approche attentiste en ce qui concerne
la r6glementation des banques virtuelles’66 . Si cette approche pouvait se justifier
quelque temps apr~s l’arriv6e des premieres banques en ligne au Canada, il devient
maintenant n6cessaire de rechercher une veritable solution A cette 6nigme.

163 Canada, Groupe de travail sur la consommation et le commerce 6lectronique, Principes
rigissant la protection des consommateurs dans le commerce ilectronique : le cadre canadien,
Ottawa, a.m.e., 1999, en ligne: Association des banquiers canadiens .

’64 Ibid. A la p. 1.
165 Tel que mentionn6 auparavant, pour les fins de cet article nous omettons de discuter des
questions relatives aux formalit6s de constitution, aux rfgles de proprit6, A la capitalisation, A la
supervision et A l’assurance-d6p6ts.

166 Voir Document d’information n’ 5, supra note 67 aux pp. 77-90.

2004] M. LACOURSIFRE – LA RtGLEMENTATION DES BANQUES VIRTUELLES

713

II. Les perspectives de r6forme

Plusieurs auteurs soulignent la n6cessit6 de r6glementer le r6seau Internet 67.
L’intensit6 de cette r6gulation diverge selon l’objet vis6. La r6glementation des
banques en ligne est toutefois loin de faire consensus. Certains opinent qu’il est
pr6f6rable d’dviter de r6glementer les banques virtuelles, devant l’incertitude du
d6veloppement de ces dermires. Selon eux, il conviendrait plut6t de favoriser une
approche attentiste reposant, par exemple, sur l’autor6gulation ou la collaboration.
D’autres songent plut6t A harmoniser la r6glementation existante entre les nations (A).
Nous proposons une perspective fond6e sur la d6r6glementation, ainsi que sur la
th6orie de la cor6gulation (B).

A. Les tentatives de solutions

Malgr6 la r6ticence des gouvemements ‘ imposer un cadre l6gislatif

l’6gard des
op6rations bancaires par Internet, il importe de souligner que plusieurs propositions
ont
td mises de l’avant afin de les encadrer, ne serait-ce que minimalement. Dans
cette partie, nous examinerons les diverses propositions pour l’encadrement des
banques virtuelles : l’autor6gulation (1), la collaboration (2) et l’harmonisation des
normes (3).

1. U’autordgulation

A l’instar de certaines soci6t~s humaines 68 , Internet repr~sente une soci6t6 en soi,
avec son propre code d’6thique (la < (1993-1995) 4 Media &
Communications L. Rev. 331 A lap. 353 ; Jeffrey B. Ritter & Judith Y. Gliniecki, supra note 74 A la
p. 266.

16 Voir notamment Robert C. Ellickson, Order Without Law: How Neighbors Settle Disputes,

Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1991.

169 Pour un historique d’Intemet, voir notamment Peter H. Salus,
Origins
(mai/juin 1997) On The Internet 16 ; B.M. Leiner et al.,
>
(juillet/aoft 1997) On The
ligne: Internet Society ; D. Lynch, The Internet in Dog Years
(juillet/aofit 1996) On The
Internet 6; R.H. Zakon, < Le Monde
(9 octobre 1999) 1.

Internet 28, en

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL

[Vol. 49

cyberspaciale

.
tracres entre le d6veloppement des r~gles d’Internet et celles de la lex mercatoria ‘
Dans certains cas, les coutumes commerciales d6velopp6es au fil des ans par la
ont men6 A
communaut6
conventions
internationales. Par exemple,
la Loi type de la CNUDCI sur le commerce
ilectronique17 1 reprdsente une codification de r~gles originalement
informelles.
l’incapacit6 des gouvernements nationaux A
Plusieurs auteurs ont constat6
rdglementer efficacement les activitrs et le commerce dans Internet’. Comme le
rdsume un auteur: othe first principle of the telecommunications regulatory system
should be maximum reliance on the market forces, so that regulation is “employed
within strictly defined limits and for narrowly constrained purposes”‘> 73 .

l’aboutissement

de

Depuis plusieurs anndes, les partisans de l’autordglementation tournent les yeux
vers de nouvelles voies 74 . Les banquiers, conservateurs par nature, accueillent
favorablement la venue de cette throrie 75 . Par exemple, la Banque des r~glements
internationaux (BRI) a exprim6 certaines reserves quant A la ndcessit6 de rdglementer
les banques virtuelles, notamment la monnaie 6lectronique. Dans son rapport intitul6
Implications for Central Banks of the Development of Electronic Money 76 , la BRI
conclut que: [d]esigning an appropriate regulatory framework for e-money
[electronic money] involves balancing different objectives including the stability and
financial integrity of the issuers, protection of consumers and the protection of

170 Voir Joel R. Reidenberg, Lex Informatica: The Formulation of Information Policy Rules

Through Technology

(1998) 76 Tex. L. Rev. 553 A lap. 554.

171 Rapport de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI)
sur les travaux de sa vingt-neuvi~me session, Doc. off. AG NU, 51e sess. Doc. NU A/51/17 (1996),
Annexe I, en ligne: UNCITRAL [Loi type sur le commerce
glectronique].

(1995) 8 Harv. J.L. & Tech. 275

172 Voir grnralement: William S. Byassee, oJurisdiction of Cyberspace: Applying Real World
(1995) 30 Wake Forest L. Rev. 197 A la p. 213 ; lone Knable
Precedent to the Virtual Community
Gotts et Alan D. Rutenberg, Navigating the Global Information Superhighway : A Bumpy Road Lies
Ahead
la p. 341 ; Raj Bhala, Self-Regulation in Global
Electronic Markets Through Reinvigorated Trade Usages
(1995) 31 Idaho L. Rev. 863 aux pp. 905-
17; Robert L. Dunne, Deterring Unauthorized Access to Computers: Controlling Behavior in
Cyberspace Through a Contract Law Paradigm (1994) 35 Jurimetrics J. 1 aux pp. 11-15 ; Michael I.
Meyerson, Virtual Constitutions : The Creation of Rules for Governing Private Networks
(1994) 8
Harv. J.L. & Tech. 129 aux pp. 140, 148 et s. ; Ellickson, supra note 168 aux pp. 127 et s.

173 Richard J. Schultz et Hudson N. Janish, Freedom to Compete: Reforming the Canadian
Telecommunications Regulatory System, Ottawa, Bell Canada, 1993 A la p. 7, tel que cit6 dans
Wisebrod, supra note 167 A lap. 354.

174 Voir Meyerson, supra note 172 aux pp. 148 et s. ; Joel R. Reidenberg, Rules of the Road for
(1993) 6 Harv. J.L. &

Global Electronic Highways: Merging the Trade and Technical Paradigms
Tech. 287 aux pp. 301 et s.

175 Voir D. McInnes, L’aurorglementation peut-elle rdussir? > (1996) 22 Banquier 32; Isabelle
Marivov et Jean-Claude Wirth, A Code of Conduct is Drafted by the Luxembourg Bankers’
Association
[1995] 9 J.I.B.L. N-186; Jeffrey Goss et Carla Lombard, The Australian Code of
Banking Practice> [1994] 4 J.I.B.L. 159.

176 BRI, Implications for Central Banks of the Development of Electronic Money, Bffe, Suisse,

a.m.e., 1996, en ligne : BRI .

2004] M. LACOURSI-RE – LA R-GLEMENTATION DES BANQUES VIRTUELLES

715

competition and innovation 177 . Aux ttats-Unis, les d6fenseurs de la libre concurrence
et des forces naturelles des march6s croient 6galement qu’il est trop t6t pour
r6glementer les banques virtuelles. Un des arguments se r6sume ainsi :

I do not believe this is a place [subcommittee of Congress on e-banking] that
will be aided by a host of new regulations or legislation. It is so nascent at the
beginning, it is so hard to determine what consumers really want and in which
direction it is going to go. I think regulation would likely stunt development
here, not help developments, and so I do not believe this is a fertile field for
new regulation. There may be only some tuning of existing sound regulation
that was put in place before computers were envisioned 78.

Le Groupe de travail opine dans le m~me sens, en argumentant qu’il est
pr6f6rable de conserver une approche attentiste, bien que cela ne signifie pas qu’il y
ait lieu de demeurer passif179 .

En fait, il existe une r6ticence naturelle des gouvernements A prendre des
d6cisions majeures qui affectent leur syst~me financier, sans avoir analys6 au
pr6alable les diverses alternatives s. Pour l’instant, cependant, l’autor6glementation
est perque d’une mani~re marginale par les protagonistes des r~gles de droit
traditionnelles. Comme le soulignait Mclnnes : <<[1]es codes auto-r6glementation ne se substitueront aux lois que s'ils se r6v~lent v6ritablement efficaces pour prot6ger le consommateur et sont pergus comme tels par le public>>81.

Par nature, les normes et les standards sont volontaires, puisqu’ils puisent leur
source dans le consensus82, mais dans certaines circonstances, ils peuvent aussi
devenir contraignants183 dans un environnement bancaire”8 4. La coercition devient la

117 Ibid. A la p. 11.
178 Propos de Scott Cook, pr6sident de Inuit, Inc., tel que cit6 dans <> (1996) 15 Banking Pol’y Rep. 28
lap. 29. Voir gdn6ralement M.E.
Bowman, < Occasional
Paper 4, Banque inter-am6ricaine de d6veloppement, Institut pour l’int6gration de l’Am6rique latine
et des Caraibes (INTAL), Buenos Aires, 1999, A la p. 23, en ligne: Banque interam6ricaine de
d6veloppement .

181 Voir Mcnnes, supra note 175 A lap. 34.
182 Voir Pierre Trudel, <> (1989) 19 R.D.U.S. 247 A la

p. 255.

183 Voir Trudel, ibid. A la p. 261.
184 Voir Jean Pardon, Allocution, <, Sdminaire
organis6 par la Commission droit et vie des affaires: Le droit des normes professionnelles et
techniques, Spa, Belgique et Balmoral, Royaume-Uni, 16-17 novembre 1983, Bruxelles, Emile
Bruylant, 1983 1 aux pp. 32 et s. Deux excellents exemples de standards bancaires se retrouvent dans
Chambre de commerce intemationale, Rfgles et usances unifonnes de la CCI relatives aux crdits
documentaires, Publication CCI n 500, 1994 [RUU (no 500)] et dans le U.C.C. Article 5 – Letters of

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL

[Vol. 49

pierre angulaire de toute forme de r6glementation du commerce dlectronique, puisque,
sans cette derni~re, il devient tr~s difficile, sinon impossible, de rdglementer la
communaut6 virtuelle’85 . Les m6canismes de contraintes sont 6galement importants
lorsque surgit la n6cessit6 de rdsoudre le probl~me de la s6curitd de toute forme de
commerce dans Internet. Comme l’exprime le professeur Pierre Trudel,

[p]our etre cr&tible, l’auto-r6glementation suppose la mise en place de rfgles
significatives, c’est-A-dire imposant de vritables obligations aux acteurs. […]
[I]l faut g6nralement 6noncer avec le plus de pr6cision les droits et obligations
qui seront reconnus aux participants A une transaction’ 86

Ainsi, la route vers l’implantation de l’autor6glementation aux transactions bancaires
virtuelles demeure longue et parsem6e d’obstacles de toutes sortes, mais les premiers
pas dans la bonne direction ont d6jA 6t faits. La contrainte n6cessaire pour appuyer
l’autor6gulation peut parfois diminuer apr~s un certain d6lai, plus ou moins
l’irnage
du respect qu’on accorde A une coutume. Par exemple, les Incoterms’87 ainsi que les
Rgles et usances relatives aux cridits documentaires (n’ 500)188 repr6sentent une
codification d’usages commerciaux qui jouissent d’une grande notori6t6 dans le
monde commercial et auxquels les juges n’h6sitent aucunement
donner une valeur
juridique. Dans le monde d’Intemet, les r~gles de l’Intemet Corporation for Assigned
Names and Numbers (ICANN) repr6sentent A ce jour le meilleur exemple
d’autor6glementation189.

Le probl~me de la coercition trouve son importance dans l’61aboration de la
panoplie de normes bancaires qui a cours depuis quelques ann6es. A titre d’exemple,
le Groupe de travail sur la consommation et le commerce 6lectronique de I’ABC a
61labor6 un document intituli Principes rgissant la protection des consommateurs
dans le commerce ilectronique : le cadre canadien’9. Les institutions financieres, qui
se sont pourtant impliqu6es dans l’61aboration de ces principes, semblent s’exon6rer
facilement de leur responsabilit~s. Ce comportement est susceptible non seulement de
brimer les droits de leurs clients, mais de freiner la confiance des consommateurs
envers les op6rations bancaires par Internet. 1] est possible d’esp6rer que cette
situation soit temporaire, si 1’exp6rience de la carte de d6bit est un bon pr6c6dent. En
1992, le Groupe de travail sur les transferts 6lectroniques de fonds de l’ABC avait

Credit (1995). Au Canada, leur caract~re contraignant fut reconnu dans les d6cisions suivantes:
Banque de Nouvelle-Ecosse c. Angelica-Whitewear Ltd., [1987] 1 R.C.S. 59, 36 D.L.R. (4e) 161
Geestemiinder BankAG c. Barzelex Inc., [1995] R.J.Q. 88, [1994] A.Q. n 1086 (C.A.).
185 Pour une discussion ddtaill& de la contrainte des r6gles dans Internet, voir David G Post,
Anarchy, State, and the Internet : An Essay on Law-Making in Cyberspace
(1995) J. Online L. art. 3.
186 Trudel, supra note 182 A lap..
187 Incoterms 2000, Paris, Publication C.C.I. n’ 560.
188 RUU (n’ 500), supra note 184.
189 Pour plus de d6tails, consulter le site Internet de l’organisme, en ligne : Internet Corporation for

Assigned Names and Numbers .

190 Supra note 163.

2004] M. LACOURSlERE – LA R9GLEMENTATION DES BANQUES VIRTUELLES

717

61abor6 le Code de pratique canadien des cartes de djbit’9 . Lors de l’introduction de
ce code, les institutions financinres h6sitaient
se sentir li6es par celui-ci devant une
plainte ou une poursuite judiciaire intent6e par un client. Cependant, au fil des ans,
plusieurs institutions financi~res ont ins6r6 ce code de pratique, en totalitd ou
partiellement, dans leur contrat de cartes de d6bit.

Face

aux

bancaires

la

th6orie

transactions

outre-fronti~res,

de
l’autor6glementation peut difficilement s’imposer. Toute banque 6trang~re qui offre
des services bancaires dans Internet, sans aucun lieu physique au Canada, peut
ais6ment outrepasser la Loi sur les banques et ses nombreuses contraintes. Le cas
6ch6ant, que se passe-t-il ? Si l’on consid~re qu’une telle banque peut 6viter de
tomber sous les griffes du BSIF, vu l’absence de coercition, il est possible qu’elle ne
soit point int6ress6e A respecter les lignes directrices de cet organisme. I1 est A noter
que la situation d’ING Bank est diff6rente, car elle a express6ment d6montr6 le d6sir
de s’implanter au Canada, malgr6 l’absence d’une pr6sence physique192. A nos yeux,
la th6orie de l’autor6glementation est donc inad6quate pour r6glementer les banques
virtuelles 6tablies A 1’ext6rieur du Canada.

2. La collaboration

La coop6ration internationale est pr6sente A l’6chelle plan6taire et dans la plupart
des secteurs d’activit6 93, que l’on pense A l’environnement, aux droits de la personne,
A l’ducation, aux syst~mes juridiques ou au commerce international. A l’re de la
mondialisation, la coopdration commence lors de la premirre prise de contact avec le
partenaire 6tranger. Elle jette les bases d’ententes et de d6veloppements futurs et peut
conduire jusqu’A une harmonisation des lois, normes et politiques, voire A une
integration des march6s.

La coop6ration internationale pr6sente de nombreux avantages puisqu’elle permet
d’implanter une vision et une base de connaissances communes. Une certaine
uniformisation des mentalit6s et des processus s’ensuit, ce qui est susceptible
d’aplanir les diff6rences l6gislatives et op6rationnelles entre les pays. Le professeur
Leebron souligne qu’une coop6ration r6ussie est une alternative int6ressante
l’harmonisation. Elle peut atteindre les m~mes buts et souvent A des cofits beaucoup

191 Gmupe de travail sur les transferts 61ectroniques de fonds, Code de pratique canadien des services de
cartes de debit, ABC, 1992 (mfis A jour en 1996 et 2002) en ligne: Association des banquiers canadiens
.

192 Voir R. Blackwell, .

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL

[Vol. 49

moins 6lev6s’ 94 . De plus, la coop6ration permet aux ttats de conserver leur
l’harmonisation 9 . Enfin, la coopdration,
souverainet6, souvent un obstacle majeur
qui se construit de bonne foi et qui permet de comprendre les diff6rences culturelles et
sociales des partenaires concern6s, d6bouche habituellement sur une plus grande
satisfaction des deux parties.

le domaine bancaire. Outre

I1 existe plusieurs exemples de collaboration dans le domaine des services
financiers, particuli~rement dans
les banques de
d6veloppement196 , le Mouvement Desjardins a acquis une grande expertise dans le
d6veloppement des caisses populaires et du cr6dit social. I1 collabore r6guli~rement
depuis plusieurs ann6es avec des institutions financi~res de l’Am6rique latine,
notamment 97 afin de leur transmettre son expertise et son soutien A l’implantation de
coop6ratives d’6pargne et de cr6dit (cooperativas de ahorro y cridito) ou de banques
coop6ratives (bancos cooperativos)9 s . Cette forme de collaboration existe aussi en
Europe. Par exemple, la Banque populaire de France joue un r6le tr6s similaire A celui
du Mouvement Desjardins. Notons que ces deux mouvements coop6ratifs de services
financiers sont membres de la Conf6d6ration Internationale des Banques Populaires
(CIBP), un organisme international de type coop6ratif reconnu par l’Organisation des
Nations unies, qui vise l’aide aux PME et aux particuliers de divers pays’99 par
l’implantation de or6seaux de banques r6gionales fortement impliqu~es dans la vie
6conomique locale>>2 .

“‘ David W. Leebron, Claims for Harmonization: A Theoretical Framework> (1996) 27 Can. Bus.
L.J. 63 4 lap. 107.
195 Voir Leebron, ibid. a lap. 104.
196 par exemple, la Banque de d6veloppement du Canada

(en ligne: ) qui facilite le commerce international pour les petites et moyennes entreprises, et de plus
grande envergure. Voir 6galement la Banque europ6enne pour la reconstruction et le d6veloppement
(BERD), en ligne : BERD .
197 D’autres formes de coopdration ont lieu avec une vingtaine de pays d’Afrique, des Antilles, de
l’Asie, de l’Europe centrale et de l’Europe de l’Est. Voir Ddveloppement international Desjardins,
Rapport d’activits 2002 A la p. 2, en
international Desjardins
.
198 Ces ententes de collaboration sont habituellement temporaires; par exemple, il existe une
collaboration tr~s 6troite entre D6veloppement international Desjardins et la Cooperativa Nacional de
Ahorro y Cr6dito – COFAC –
de l’Uruguay. Pour plus de renseignements sur COFAC, voir en
ligne: COFAC et Dveloppement international Desjardins, en ligne:
DID . A notre connaissance, les grandes banques canadiennes n’entretiennent
aucune forme de collaboration de ce genre.

ligne: D6veloppement

199 Notamment en Allemagne, Argentine, Autriche, Canada, Espagne, France, Italie, Maroc,
Turquie: CIBP, Bienvenue >, 2003, en ligne: CIBP .
200 Ibid.

2004] M. LACOURSIRE – LA REGLEMENTATION DES BANQUES VIRTUELLES

719

3. L’harmonisation des normes

Plusieurs tentatives d’harmonisation des nornes bancaires ont 6t6 61abor6es avec
plus ou moins de succ~s depuis quelques d6cennies. A la suite de certaines r6ussites
les Europ6ens ont ddict6 des normes ou directives
au plan international
communes, notamment dans les domaines de la r6glementation et des virements
transfrontaliers (b). Malgr6 les succ~s de ces experiences, les pays membres de
I’ALtNA en sont

leurs premiers balbutiements A cet 6gard (c)2″1.

(a),

a. Les principes de l’harmonisation

Le professeur Ren6 David soulignait en 1950 que

[a]pr~s le Code civil, et apr~s les codifications, inspir6es de lui, qui sont
intervenues A l’6tranger, les juristes ont perdu de vue la grande communautd
scientifique qui les unissait. Seule de toutes les sciences, la science du droit a
cru faussement qu’elle pouvait 6tre purement nationale. Alors que les
th6ologiens, les historiens, les m6decins, les chimistes, les astronomes, et tous
autres hommes de science rougiraient d’ignorer les progr~s que leur science
accomplit A l’6tranger, les juristes se sont cantonn6s dans 1’6tude de leur droit
nationai202.

Cette 6poque senble

depuis en Europe, et
certains juristes.

la fois si lointaine, si on tient compte du progr~s r6alis6
la fois si pros, vu les mentalit6s parfois conservatrices de

Avant de poursuivre, il convient de souligner les nuances terminologiques entre
les notions d’harmonisation et d’unification. L’harmonisation est un proc6d6 qui vise
la coordination ou l’adaptation de plusieurs lois afin de former une coherence entre
celles-ci ; il est donc entendu que les rfgles de conflits de lois y jouent un r6le
determinant. En d’autres termes, comme le rappelle un auteur, 211 . L’unification
des r~gles de droit repr6sente la derni~re 6tape”‘.

I1 est juste d’affirmer que la tendance vers le droit compar6 et, en particulier, vers
l’harmonisation des lois, repr6sente un 616ment de solution face A des probl~mes qui
d6coulent de la mondialisation et de l’informatisation du commerce. Au regard du
probl~me de la r6glementation des banques en ligne, il est pr6fdrable d’orienter le
ddbat vers l’harmonisation des lois nationales, puisque l’unification –
derni~re 6tape
demeure un but utopique en l’esp~ce. D’ailleurs, la discussion que nous evoquons

au sujet du droit international, du droit europ6en et du droit nord-am6ricain, est tr~s
61oquente A cet 6gard.

pour assurer la d6cision uniforme des conflits entre les diffrentes l6gislations civiles et criminelles
(1874) Journal de droit international privd et de jurisprudence compar6e, cit6 dans Paulo Borba
Casella, <
[Accord de Bale]. L’Accord de Bfile de 1988 visait l’6tablissement de standards afm de contr6ler,
sinon de diminuer, les risques financiers, dont le risque de cr&lit. Le r6sultat de cet accord a d6pass6
les attentes de la BRI, puisque les banques centrales de certains pays industrialis6s, ainsi que celles de
certains pays en d6veloppement, ont 61abord des standards plus 6lev6s que les normes recommanddes
dans cet accord.

214 Le troisi~me document consultatif a 6td publi6 en avril 2003: Comit6 de Bale sur le contr6le
bancaire, Vue d’ensemble du nouvel accord de Bdle sur les fonds propres, BRI, avril 2003, en ligne :
BRI . Sur cette question, voir Jonathan GE Walsh, The New
Basel Capital Accord -The Saga Continues> [2002] J.I.B.L. 73.

215 Groupe de travail sur les activit6s transfrontinres, Devoir de diligence des banques au sujet de la

clientle, BRI, octobre 2001 A lap. 9, en ligne : BRI .

216 La plus r6cente revision des 40 recommandations du GAFI a dtd rendue publique le 20 juin
2003: GAFI, Les quarante recommandations, juin 2003, en ligne: GAF .

“‘ CE, Directive 91/308 du Conseil, du 10 juin 1991, relative A la pr6vention de l’utilisation du

syst~me financier aux fins du blanchiment de capitaux, [1991] J.O.L 166/77.

218 Supra note 171.

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL

[Vol. 49

europdens, entre autres. La Loi type de la CNUDCI sur les signatures 6lectroniques219,
destin6e
compl6ter la Loi type de la CNUDCI sur le commerce glectronique,
pourrait assur6ment avoir le meme effet que celle-ci. Encore une fois, la r6ussite de la
CNUDCI 6tait pr6visible, non seulement en raison de la convergence des int6r~ts
envers l’61aboration de cette loi type, mais surtout en consid6ration de la volont6 des
16gislateurs et m~me des magistrats de mettre en application ce module d’une mani~re
concrete.

Enfin, I’AGCS, cr6ature juridique issue du Cycle d’Uruguay et op6rant sous
l’6gide de I’OMC, pr6tend 8tre le premier corpus juridique qui gouveme le commerce
multilat6ral des services. Les bonnes intentions de l’OMC sont toutefois confront6es
aux deux rdalitds suivantes. D’abord, comme le note avec justesse un auteur, >220. Ensuite, le secteur
des services financiers 6tant caract~ris6 par des environnements r~glementaires tr~s
restrictifs et par des pr6occupations relatives A la politique mon6taire, I’AGCS
6prouve de s6rieuses difficult6s d6velopper ce secteur sp6cifique du commerce des
services2″‘. En effet, ce n’est que le 1’ mars 1999, soit quatre ans apr~s l’entr6e en
vigueur du Cycle d’Uruguay, qu’est entr6 en vigueur l’accord sur les services
financiers devenu partie int6grante de I’AGCS222. Les r6sultats de cet accord au
Canada sont modestes, car bien que le Canada se soit engag6 A ouvrir ses fronti~res
aux succursales bancaires, il s’est content6 de crder le r6gime des banques 6trang~res
autoris6es, lesquelles demeurent lourdement handicap6es dans leur tentatives de faire
affaire avec des consommateurs canadiens223. Ainsi, la position dominante des
banques canadiennes de l’Annexe I ne devrait pas 8tre affect6e par I’AGCS 24

Ce portrait permet d’anticiper certaines difficult6s li6es

r6glementation des banques en
ligne. Il convient d’aborder
europ6ennes et nord-am6ricaines avant d’approfondir cette question.

l’harmonisation d’une
les experiences

219 Loi type de la CNUDCI sur les signatures 61ectroniques, 12 d6cembre 2001, dans Rapport de la
Commission des Nations Unies sur le droit commercial international (CNUDCI) sur les travaux de sa
trente-quatri~me session, Doc. off. AG NU, 56e sess., Doc. NU A/56/17 (2001), Annexe I, en ligne:
UNCITRAL [Loi type sur les signatures 6lectroniques].

220 Joel P. Trachtman, oTrade in Financial Services under GATS, NAFTA and the EC: A

Regulatory Jurisdiction Analysis>> (1996) 34 Colum. J. Transnat’l L. 37 A la p. 52.

221 Voir ibid. A lap. 53. Pour plus de details sur I’AGCS, voir en ligne : OMC .

222 Voir Miller, supra note 180 A lap. 18.
223 Voir le texte correspondant
224 Voir Miller, supra note 180 A la p. 21.

]a note 158.

2004] M. LACOURSliRE – LA REGLEMENTATION DES BANQUES VIRTUELLES

723

c. L’exp6rience europ~enne

A l’instar des exp6riences internationales, les tentatives d’harmonisation sont
particuli~rement fertiles dans l’Union europ~enne. Comme le mentionne Blanche
Sousi-Roubi, <[I]e marchd bancaire unique repose sur le droit pour un 6tablissement de cr6dit de s'6tablir ou de prester ses services dans l'un quelconque des ttats membres grace A l'agr6ment d6livr6 dans l'Etat membre oil il a son si~ge , en ajoutant que [Ile contr6le de l'acc~s I'activit6, mais 6galement des conditions d'exercice de l'activit6 comme du respect des r~gles prudentielles est assur6, sur base d'une harmonisation minimale, par les autorit6s comp6tentes de l'Etat membre d'origine de 1'6tablissement de cr6dit>. Elle conclut que [c]’est ce triptyque … qui fait le march6
bancaire unique: harmonisation minimale, reconnaissance mutuelle des agr6ments et
des contr6les, et enfin contr6le par l’ttat membre d’origine 2 z5 .

Au cours des ann6es 1970, quelque temps apr~s le d6but de la lib6ralisation des
services financiers26, une premiere directive d’importance portant sur la coordination
des activit6s 16gislatives, r6glementaires et administratives concernant les activit6s de
cr~dit voyait le jour’ 27. Cette directive, modifi6e une dizaine d’anndes plus tard228 ,

225 Blanche Sousi-Roubi, Droit bancaire europ~en, Paris, Dalloz, 1995, au n’ 200 t lap. 97.
226 Bien que l’art. 59 du Traitg instituant la communauti 9conomique europ~enne, 25 mars 1957,
Rome, en ligne: Portail de 1’Union europenne
[Trait de Rome] prAvoit que odes restrictions A la libre prestation des services
l’intdrieur de la
Communaut6 sont progressivement supprim6es au cours de la p6riode de transition A l’6gard des
ressortissants des ttats membres 6tablis dans un pays de la Communaut6 autre que celui du
destinataire de la prestation , ce n’est qu’au d6but des ann6es 70 que l’industrie des services
financiers a subi des changements profonds. Cette disposition doit etre lue conjointement avec l’art. 8
de ce trait6, qui pr6voyait une periode transitoire de 12 ans –
pour libdraliser les
services. Ce n’est toutefois qu’en 1973 que la premi~re directive a 6t adopt.e : CE, Directive
73/183/CE du 28 juin 1973, du Conseil concernant la suppression des restrictions a la liberti
d’itablissement et i) la libre prestation de services en mati~re d’activitis non salariges des banques et
autres 9tablissements financiers, [1973] J.O.L. 194/1. Voir A ce sujet Sideek Mohamed, Limitations
to Free Movement of Banking Services [1997] 12 J.I.B.L. 67 A lap. 68.

227 CE, Premiere directive 771780/CEE du Conseil du 12 d6cembre 1977, visant A la coordination
des dispositions 16gislatives, r6glementaires et administratives concemant 1’acc~s b l’activitd des
6tablissements de cr6dit et son exercice, [1977] J.O.L. 322/30. L’article premier d6finit une institution
de cr6dit comme une entreprise dont l’activit6 consiste
recevoir du public des d6p6ts ou d’autres
fonds remboursables et A octroyer des credits pour son propre compte .

soit en 1969 –

228 CE, Directive 89/646 du 15 d6cembre 1989, du Conseil visant A la coordination des dispositions
16gislatives, r6glementaires et administratives concernant l’acc~s
l’activitd des 6tablissements de
cr6dit et son exercice et modifiant la directive 77/780, [1977] J.O.L. 322/30. Cette directive 6tait
destin6e (.
230 CE, Directive 97/5/CE du Parlement europ6en et du Conseil du 27 janvier 1997 concemant les

virements transfrontaliers, [1997] J.O.L. 43/25. Cette directive est consid6r6e comme la premiere
directive consumdriste sur les moyens de paiement.

231 Voir notamment CE, 97/489/CE : Recommandation de la Commission europ6enne du 30 juillet

1997 concernant les op6rations effectudes au, moyen d’instruments de paiement dlectronique, en
particulier la relation entre dmetteur et titulaire, [1997] J.O.L 208/52 ; CE, Directive 2000/31/CE du
Parlement europ6en et du Conseil du 8 juin 2000 relative A certains aspects juridiques des services de
la soci&6 de l’information, et notamment du commerce d1ectronique, dans le march6 int6rieur
(directive sur le commerce 61ectroniqueo), [2000] J.O. L 178/1 ; CE, Directive 2000/46/CE du
Parlement europ6en et du Conseil du 18 septembre 2000 concemant l’acc~s A I’activitd des
6tablissements de monnaie 6lectronique et son exercice ainsi que la surveillance prudentielle de ces
dtablissements, [2000] J.O. L 275/39.

232 CE, Directive 2002/65/CE du Parlement europ6en et du Conseil du 23 septembre 2002
concemant la commercialisation A distance de services financiers aupr s des consommateurs, et
modifiant les directives 90/619/CEE du Conseil, 97/7/CE et 98/27/CE, [2002] J.O.L. 271/16.

233 CE, Directive 9717/CE du Parlement europ6en et du Conseil du 20 mai 1997 concemant Ta
protection des consommateurs en matire de contrats A distance – D6claration du Conseil et du
Parlement europen sur l’article 6 paragraphe 1 – D6claration de la Commission sur l’article 3
paragraphe 1 premier tiret, [1997] J.O.L. 144/19.

ddjA –

longue histoire …

234 Voir notamment Michel Van Huffel, Commercialisation A distance des services financiers:
derniers d6veloppements d’une –
(2001) Revue europ6enne de droit de
la consommation 295; Fr&16ric de Brouwer et Catherine Marty, La communication de la
Commission europ6enne en mati~re de commerce 61ectronique et de services financiers: vers un
v6ritable march6 int6rieur des services financiers ? (2001) 76 Banque & Droit 8.

235 CE, Position commune (CE) n* 9/2000 du 29 novembre 1999, arrt6e par le Conseil, statuant
confonnment A la proc6dure vis6e A l’article 251 du trait6 instituant la Communaut6 europ6enne, en
vue de l’adoption d’une directive du Parlement europ6en et du Conseil modifiant la directive
77/80/CEE visant A la coordination des dispositions 16gislatives, r6glementaires et administratives
concemant l’accs A l’activit6 des 6tablissements de cr6dit et son exercice, [2000 J.O.C. 26/12.

2004] M. LACOURSItRE – LA REGLEMENTATION DES BANQUES VIRTUELLES

725

recommandations de la Commission europ6enne236 , du Comit6 6conomique et
social23 7 ainsi que de la Banque centrale europ6enne238.

l’harmonisation de

les syst6mes de paiement,

Toutefois, h l’exception des directives de 1977 et de 1989239, ainsi que des
directives qui concernent
la
r6glementation bancaire europ6enne progresse tranquillement par l’entremise de
quelques initiatives de la Banque centrale europ6enne (BCE) et de la Commission
europ6enne. En octobre 1998, le Groupe de la politique des services financiers
(GPSF), sous l’6gide de la Commission europ6enne, a pr6sent6 un cadre d’action
destin6 A promouvoir l’int6gration des march6s financiers, en soulignant que
[i]l faut n6anmoins que l’existence d’un tel march6 financier europ6en unique,
s’inscrivant dans un march6 mondial des capitaux de plus en plus int6grd,
s’accompagne d’une r6glementation et d’une surveillance prudentielles plus
efficaces tant au niveau europ6en qu’A l’dchelle mondiale. Cela passe par la
n6cessaire am6lioration de la coordination entre les autorit6s de r6glementation
et les autorit6s de surveillance […]240

Ce plan d’action pour les services financiers a 6t6 bonifi6 r6guli~rement au fil des
derni~res ann6es et la version finale est pr6vue pour 2005241. Le GPSF n’a pr6sent6
aucun autre projet de r6glementation des banques en ligne, sa seule pr6occupation h
l’6gard du commerce 6lectronique 6tant 1’application de la directive 2002/65/CE qui

236 CE, Proposition de directive du Parlement europ6en et du Conseil modifiant la directive
771780/CEE visant A la coordination des dispositions l6gislatives, r6glementaires et administratives
concernant l’acc~s A l’activit6 des 6tablissements de cr&lit et son exercice, [1998] J.O.C. 317/12.

237 CE, Avis du Conit6 6conomique et social sur: la Proposition de directive du Parlement
europ6en et du Conseil concernant l’acc~s A l’activit6 des institutions de monnaie 6lectronique et son
exercice, ainsi que la surveillance prudentielle de ces institutions>, et la Proposition de directive du
Parlement europen et du Conseil modifiant la directive 77/78O/CEE visant A la coordination des
dispositions 16gislatives, r6glementaires et administratives concernant l’acc~s A I’activit6 des
6tablissements de crdit et son exercice

211 CE, Avis du 18 janvier 1999 de la Banque centrale europ6enne, sollicit6 par le Conseil de
l’Union europ6enne en application de l’article 105, paragraphe 4, du trait6 instituant la Communaut
europenne et de l’article 4(a) des statuts du Syst-me europ6en de banques centrales et de la Banque
centrale europ~enne sur 1. une proposition de directive du Parlement europ6en et du Conseil
concernant l’acc~s A l’activit6 des institutions de monnaie 6lectronique et son exercice, ainsi que la
surveillance prudentielle de ces institutions, pr6sent6e par la Commission, et sur 2. une proposition de
directive du Parlement europ6en et du Conseil modifiant la directive 771780 visant t la coordination
des dispositions 1dgislatives, r6glementaires et administratives concernant l’acc~s
‘activit6 des
6tablissements de cr&iit et son exercice, pr6sent6e par la Commission, [1999] J.O.C. 189/7.

239 Supra note 228.
240 Commission europ6enne, Services financiers : 6laborer un plan d’action, 28 octobre 1998, CE,

[1999] J.O.C. 101/64.

en ligne: Commission europ6enne .

241 Les huit rapports int6rimaires peuvent 8tre consult6s A la page Internet de la Commission

europ6enne, en ligne: .

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL

[Vol. 49

conceme la commercialisation des contrats A distance de services financiers dans le
but de mieux prot6ger les consommateurs242 .

Une autre tentative d’harmonisation du march6 bancaire prend sa source
indirectement dans une r6cente directive destin6e A l’6tablissement d’un cadre
r6glementaire des soci6t6s anonymes europ6ennes 243. Notamment, cette directive
permet aux soci6t6s –
incluant les banques – qui op~rent dans plus d’un ttat de se
r6organiser et d’6tre consid6r6es comme 6tant une seule soci6t6, i la suite d’une
fusion ou de la cr6ation d’une sorte de soci6t6 de portefeuille, et d’op6rer sous un
cadre juridique uniforme. Cette possibilit6 permet donc aux soci6t6s de faciliter leurs
6changes A l’int6rieur du march6 commun, vu la baisse de leurs coots administratifs.

Enfm, comme le mentionnait la Commission europ6enne, il convient tout de
m~me de garder A l’esprit le successeur du Trait6 de Rome2 4, l’Acte unique
europ6en 2 5 , lequel est destin6 A faciliter l’int6gration du march6 europ6en. Plus
particulirement, le trait6 de 1992 pr~voit les principes du contr6le de l’Etat d’origine
et de la reconnaissance mutuelle. Ainsi, une banque qui op~re dans autre Etat –
pays
d’accueil –
continue A 8tre sous le contr6le de l’Etat d’origine. L’ltat d’origine serait
6galement responsable d’6mettre le permis d’op6rer. Dans certains domaines, dont la
protection des consommateurs ou la concurrence, une banque serait r6gie par les
r~gles du pays d’ accuei 2 46 .

d. L’exp6rience nord-am6ricaine

En 1988, le Canada s’est engag6 dans une entente de libre-6change avec les Etats-
Unis247. La ren6gociation de cette entente a men6 A un nouvel accord au d6but de 1994
entre le Canada, les ttats-Unis et le Mexique248 . Comme l’affirmaient deux auteurs,

242 CE, Communication de la Commission au conseil, au Parlement europ6en et A la Banque
centrale europ6enne l’application aux services financiers des articles 34 A 36 de la Directive sur le
commerce 61ectronique, COM(2003) 259 final, Bruxelles, 14 mai 2003, CE, en ligne: Commission
europdenne ; supra note 233.
243 CE, R~glement (CE) n’ 2157/2001 du Conseil du 8 octobre 2001 relatif au statut de la soci6t6
europ6enne (SE), [2001] J.O.L. 294/1. Une premi~re proposition avait 6 6mise une trentaine
d’ann6es auparavant. CE, Statut de la soci6td europ6enne: La Commission accueille favorablement
ladoption formelle, 8 octobre 2001, CE, en ligne: Commission europ6enne .

244 Supra note 226.
245 CE, Acte unique europen, [1987] J.O.C. 169/1.
246 In~s Cabral, Frank Dierick et Jukka Vesala, Banking Integration in the Euro Area, European
Central Bank, Occasional Paper Series n’ 6, D&embre 2002 A la p. 9, en ligne: Banque centrale
europ6enne .

247 Loi de mise en oeuvre de l’Accord de libre-9change Canada-,tats-Unis, L.C. 1988, c. 65.
Historiquement, des ententes bilat6rales ont exist6 entre la Canada et les Etats-Unis depuis le
Reciprocity Treaty en 1854. Ce trait6, ainsi que d’autres subs6quents, n’ont jamais connu un trs
grand succ~s : Ronald Wonmacott, Discussion on Canada-U.S. Agreement: The Wonnacotts after 20
years North American Economics and Finance Association Meeting, Atlanta, Ga., 28 d6cembre

2004] M. LACOURSIERE – LA REGLEMENTATION DES BANQUES VlRTUELLES

727

[t]he economic rationale for NAFrA depends on the standard conclusions of
international trade theory which claim that free trade allows for specialization
according to comparative advantage. Furthermore, through specialization and
trade, all countries involved benefit. Put differently, free trade promotes
economic efficiency and growth249.

En fait, alors que la participation du Canada A I’ALtNA est essentiellement de
nature 6conomique, les int6r&s 6tasuniens sont teint6s d’une couleur politique.
Comme
le mentionne Simer, NAFrA will strengthen the Mexican economy,
encourage further trade liberalization, and, most important, strengthen the Salinas
government>. Pour le Mexique, o[t]he NAFrA is viewed in Mexico as a means of
increasing Mexican economic development by lowering existing barriers to trade with
Canada and the United States>>”5 . En bref, malgr6 certaines critiques, I’ALtNA a
apport6 des ameliorations substantielles aux relations commerciales en Amrrique du
Nord, y compris A l’6gard des services financiers,
la suite de la reconnaissance de
plusieurs principes de droit international]2 1.

Ceci dit, les n6gociations de I’ALENA ont 6t6 menses ?A terme en partie grace A la
possibilit6 pour les trois ttats membres d’imposer des r6serves sur certains points.
Ces reserves prrvoient que les principes fondamentaux 6num~rs ci-dessus ne
s’appliquent pas dans certaines circonstances. Le secteur des services financiers 6tant
tr~s r6glement6 dans les trois pays de I’ALtNA, un nombre important de rdserves ont

1989. Certaines ententes sectorielles ont toutefois connu un certain succ~s, tel le Dicret sur les tarifs
: R.
des vghicules automobiles (1965), D.O.R.S./65-42, connu sous le nom de <-pacte de l'automobile K. Cowan, Effects of the United States-Canadian Automotive Agreement on Canada's Manufacturers, Trade and Price Posture, thse de doctorat, Universit6 du Michigan, 1972 [non publire] ; Melvyn Fuss et Leonard Waverman, The Canada-U.S. Auto Pact of 1965: An Experiment in Selective Trade Liberalization, confrence pr6sentre A l'atelier sur le commerce et l'organisation industrielle, Collge Massey, juin 1986, Working Paper DP 86-6. 248 Loi de mise en oeuvre de l'Accord de libre-9change nord-amiricain, L.C. 1993, c. 44. 249 Alex J. Kondonassis et A.G Malliaris, ' (1996) 7(1) North American Journal of Economics and Finance
31.

250 Michael Wallace Gordon, Economic Integration in North America – An Agreement of

lap. 166.

Limited Dimensions but Unlimited Expectations (1993) 56 Mod. L. Rev. 157

251 Premi~rement, le chapitre 14 de I’ALtNA destin6 aux services financiers favorise une approche
institutionnelle, contrairement A I’AGCS. Deuxi~ment, I’ALENA reconnait le droit d’6tablissement et
d’acc~s au marchd (art. 1403), ce qui permet A une institution fmancire membre de s’6tablir dans un
autre pays membre et and to expand the operations of such institutions throughout its territory :
Voir Kenneth L. Bachman, Scott N. Benedict et Ricardo A. Anzaldtda, Financial Services under the
North American Free Trade Agreement: An Overview
(1994) 28 Int’l Law. 291 h la p. 295.
Troisi~mement, le principe du commerce transfronti~res est 6galement reconnu dans le chapitre 14, ce
qui permet la mobilit6 d’un fournisseur de services financiers et la vente de ses produits dans une
autre juridiction (art. 1416), A la condition qu’un ttat membre ait accord6 cette permission (art.
1404): Voir Bachman, Benedict et Anzaldua, ibid. A la p. 293. Quatri~mement, le principe de
transparence permet aux institutions fmanci~res d’acc&ler
l’information des autoritrs rrglementaires
(art. 1411). Les cinqui~me et sixi~me principes ont trait A la reconnaissance du traitement national
(art. 1405) et du traitement de la nation la plus favorisre (art. 1406).

728

MCGILL LAW JOURNAL/ REVUE DE DROITDE MCGILL

[Vol. 49

l’Annexe VI 2 , face

6t6 prdvues dans
limit6 d’engagements
sp6cifiques25 3 . Pour cette raison, l’int6gration des services financiers entre les Etats
membres de I’ALINA continue de poser de s6rieux probl~mes254 . Dans un rapport de
1994, un auteur confirme la difficult6 d’harmoniser la r6glementation bancaire nord-
am6ricaine 2 .

un nombre

A la suite de l’adoption de I’ALENA, les changements apport6s au march6 des
services financiers sont peu nombreux, mais ont n6anmoins eu un impact sur
1’6conomie des trois pays. A cette 6poque, le contexte bancaire des Etats-Unis 6tait
tr~s restrictif et protectionniste, comportant deux r~gles anti-comp6titives majeures256 .
Un auteur soulignait que:

252 Au regard des activitds bancaires, mentionnons bri~vement que le Canada a dmis une r6serve lui
permettant de maintenir ou d’ adopter des mesures non conformes A la participation dtrang~re dans la
participation 6trang~re sous contr6le canadien, laquelle est devenue caduque le 1 janvier 1995 A la
suite de l’adoption de la Loi de mise en &,uvre de lAccord sur l’Organisation mondiale du commerce,
L.C. 1994, c. 47. Les ttats-Unis et le Mexique ont maintenu plusieurs restrictions, telles l’obligation
pour tous les administrateurs d’&re des citoyens amricains, la proprit6 des socitds bancaires
intemationales sp6cialis6es et constitu6es sous le droit fdd6ral (edge corporations>>) interdites aux
banques 6trangres et filiales am6ricaines de banques 6trang~res. Le Mexique pour sa part a maintenu
des rdserves sur une panoplie de situations, tant en rapport avec la propridt6 des soci6tds de
portefeuille et des banques commerciales que vis-A-vis l’investissement dans des caisses d’6pargne et
de cr6dit, la Banque de ddveloppement (<>). Pour plus de d6tails, voir Eric
Leroux, Le libre-ichange nord-amiricain et les services financiers, Cowansville (Qc), Yvon Blais,
1996 aux pp. 79-89.
253 Par exemple, le Canada a accord6 le traitement national au Mexique, comme pour les ttats-
Unis, en regard des r~gles de propri6t6 des banques ftrangres, et a 61imin6 la n6cessitd pour les
succursales de banques 6trang~res au Canada contr616es par des rdsidents mexicains d’obtenir un
agr6ment du ministre des Finances pour l’ouverture d’une succursale. Les Etats-Unis ont permis A un
grupofinanciero 6ligible d’acqu6rir une banque ou une soci6t6 de courtage mobili~re qui poss~te ou
contr6le une soci6t6 de valeurs mobilihres aux Etats-Unis d’exercer les activitfs de cette socit.
Enfm, le Mexique s’est engag6 A ne pas d6sapprouver, sur une base individuelle, toute affiliation A
une banque commerciale si cette affiliation n’est pas substantielle ou si les activit6s fmanci~res
connexes comptent pour au moins 90% des revenus annuels de la soci6t6 commerciale ; de plus, un
investisseur 6tranger qui est autoris6 A 6tablir ou A acqu6rir une banque commerciale ou une soci&6t de
valeurs mobili&es est 6galement autoris6 A 6tablir une socidtd de portefeuille au Mexique.

254 L’annexe 1404.4 de I’ALtNA contenait un engagement pour les parties A se consulter en vue de
n6gocier de nouvelles ouvertures des march6s avant le 1 janvier 2000. Cependant, cet engagement
n’ayant pas de nature contraignante, aucun agenda n’a 6t6 adopt6 obligeant les parties A retourner A la
table de n6gociation: Miller, supra note 180 A la p. 22. I1 est A noter qu’aucun des trois organismes
responsables des services financiers ne font mention de travaux ou de n6gociations nouvelles
relativement aux services financiers. Selon l’annexe 1412.1, il s’agit, pour le Canada, du minist~re des
Finances, pour le Mexique, du Secretarfa de Hacienda y Cr6dito Piiblico et pour les Etats-Unis, du
Department of the Treasury.

255 William R. White, The Implications of the FTA and NAFTA for Canada and Mexico, Ottawa,

Banque du Canada, 1994 aux pp. 17-18.

256 La restriction A certaines activitds par les banques : Banking Act of 1933, c. 89, 48 Stat. 162
[Glass-Steagall Act] ; la restriction A l’6tablissement de branches hors de l’6tat d’origine: McFadden
Act, c. 191, 44 Stat. 1224. 11 faut noter que par ces restrictions, l’application du traitement national

2004] M. LACOURSI-RE – LA RtGLEMENTATION DES BANQUES VIRTUELLES

729

One possible explanation for the apparently modest impact of NAFTA on
the U.S. and Canadian banking sectors is that NAFHA failed to deal with
substantial barriers to expanded banking activities. In particular, Glass-Steagall
restrictions in the United States on investment banking activities by banks
hamper the ability of Canadian-owned banks in the United States to capture
economies of scope in the provision of a wide range of banking services, as
they are allowed to do in Canada257.

En 1996, Alan Greenspan, directeur de la R6serve f6d6rale am6ricaine, d6clarait
que les restrictions qui d6coulaient de la Glass-Steagall Act < dans Georges M. von
Furstenberg, dir., Regulation and Supervision of Financial Institutions in the NAFTA Countries and
Beyond, Boston, Kluwer Academic Publishers, 1997, 126 A lap. 134.

257 Daniel E. Nolle, Integration and Globalization of the Canadian and U.S. Banking Industries: A

Modest Role for NAFTA ? dans Georges M. Von Furstenberg, ibid 158 A la p. 163.

21 oBanks Near Securities Ceiling. Wall Street Journal (29 mars 1996) Cl.
259 Riegle-Neal Interstate Banking and Branching Efficiency Act of 1994, Pub L. No. 103-328, 108
Stat. 2338. Voir Fratianni, supra note 256 A la p. 133; voir 6galement A ce sujet Pranjal Gupta et al.,
<> Texas A&M University, 1998, en ligne: Texas A&M
University .

260 Pub L. No.106-102, 113 Stat. 1338 (1999). Cette loi a abrog6 partiellement le Glass-Steagall
Act, supra note 256 et ouvre la comp6tition entre les banques, les compagnies fiduciaires et les
compagnies d’assurances. Voir notammentAnjan V. Thakor, < dans Georges M. von Furstenberg, supra note 258 A la p. 194.

261 A savoir Capital One Bank, Comerica Bank, State Street Bank et U.S. Bank NA.
262 A titre d’exemple, la Bank of America a mis sa filiale de l’Annexe I en liquidation volontaire
I, Bank of America
pour concentrer ses activit6s dans une succursale am6ricaine de l’Annexe
National Association. La m~me chose se produit avec Bank One Canada (Annexe I) qui cessera ses
activit6s pour tout regrouper au sein de Bank One NA, succursale de l’Annexe III.

263 A titre d’exemple, pensons A la Banque Royale du Canada qui a acquis Centura Bank Inc.
(devenue RBC Centura) et qui d6ploie depuis ses services dans plusieurs 6tats am6ricains, en ligne:
RBC Centura .

264 La Banque de Montr6al, notamment par le biais de la Banque Harris, d6tient 16% de Bancomer,

et la Banque Scotia d6tient 8% du Grupo Inverlat. Voir Gupta, supra note 259.

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL

[Vol. 49

Une certaine harmonisation du syst~me financier devient visible dans la r6alit6

quotidienne. Comme le faisait remarquer James Baillie265 :

du point de vue de l’utilisateur, le syst~me financier nord-am6ricain dvolue
rapidement vers l’intdgration, comme on le voit avec les guichets automatiques.
Du point de vue rglementaire, il y a une harmonisation des normes
internationales, mais pas d’intrgration des structures266.

A ce sujet, en 2001, le BSIF a mis sur pied le Groupe des consultations
internationales (GCI) pour aider les conomies 6mergentes A amrliorer leur syst~me
de surveillance, afin de faciliter l’intrgration entre ces structures r6gulatrices. Pour le
BSIF, cet engagement est une faqon concrete de favoriser la stabilit6 financi~re
internationale. Le GCI fournit une aide technique, principalement aux autoritrs de
surveillance des Caralbes, d’Asie et d’Amrrique latine, en mati~re de surveillance et
de rrglementation des banques et des socirt6s d’assurances267 . Afin de favoriser le
rayonnement international de cette nouvelle orientation du BSIF et de stimuler le
drbat de fonds, le GCI invite les organismes internationaux de rdglementation dont le
mandat consiste notamment A surveiller les institutions financi~res, A participer A leurs
colloques de formation interne26 .

B. Les propositions de reforme
Les

th6ories de ]’autorrgulation et de

la rdgulation semblent maintenant
inapproprires lorsque vient le temps de r6glementer le commerce 6lectronique et, par
extension, les activitrs bancaires par Internet. Par contre, la cordgulation est une
nouvelle th6orie qui puise sa source dans le meilleur de ces deux mondes et qui 6merge
lentement de la doctrine depuis quelque temps. Nous proposons de rrglementer les

265 Pr&6cesseur de Harold MacKay et premier prsident du groupe de travail sur les services

financiers.

266 Miville Tremblay, <.

268 En ligne : Bureau du Surintendant des institutions financi~res . Sur le plan provincial, notons que I’IGIF est 6galement impliqu6 dans un
processus d’harmonisation d’un cadre de surveillance des institutions fmanci~res. Par exemple,
chaque province qui exerce ses comprtences en mati~re de rrglementation et de surveillance des
institutions financinres non bancaires entraine la mise en ceuvre d’instruments d’intervention auxquels
ces institutions doivent se conformer pour avoir acc~s A ce march6. Une institution peut donc etre
assujettie A autant de regimes rglementaires que de provinces. L’IGIF travaille en collaboration avec
les autres provinces afm de rrduire les effets tangibles de la juxtaposition des regimes rrglementaires
et de surveillance : Inspecteur grnrral des institutions fmanci~res, Les orientations stratigiques 2000
, 2004, Gouvemement du Quebec, 2001
la p. 21, en ligne: Registraire des entreprises . Sur
l’harmonisation provinciale,
voir notamment: Kenneth K. Mwenda et Alex Fleming, dans
Richard Portes et Alexander K. Swoboda, dir., Threats to International Financial Stability,
Cambridge (Royaume-Uni), Cambridge University Press, 1997, 111 A la p. 115.

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL

[Vol. 49

L’ Her et Magnan dans une 6tude fort complete relative aux fusions et aux acquisitions
en Amdrique du Nord:

[…] la ddr6glementation des services financiers et certains effets pervers du
syst~me d’assurance-ddp6t ont conduit A une plus grande flexibilit6, mais aussi
plus de concurrence, ce qui a oblig6 les institutions financi&es A &re plus
innovatrices et A s’engager dans des activit6s plus risqu6es, voire sp6culatives.
Ce mouvement de d&6rglementation a contribud en grande partie A l’essor du
march6 des obligations A haut rendement. Cependant, vers la fin des ann6es
1980, l’intervention de 1’6tat sur ce marchd a contribu6 A sa fin brutale 2 2.

Le dilemme juridique devant lequel se trouve le 16gislateur canadien, ainsi que ses
coll~gues d’autres pays, au regard de la r6glementation des banques en ligne, suscite
donc une s6rieuse r6flexion quant A la possibilit6 de d6rdglementer le r6gime juridique
des banques 6trang~res. Notre survol de la r6glementation des banques 6trangres de
l’Annexe II pr6sentes au Canada d6montre que celles-ci subissent une s6gr6gation
tant vis-A-vis des banques de l’Annexe I et HII que vis-A-vis des quasi-banques
6trangres. Ce ph6nom~ne est tellement important que le Canada, ainsi que ses
partenaires commerciaux, ont dQ insister pour que le traitement imposd aux banques
6trang~res soit transpos6 dans une r6serve lors des n6gociations de I’ALtNA. Nous
avons vu 6galement que le BSIF a refus6 de consid6rer que les activit6s de la banque
Wells Fargo constituaient des op6rations bancaires273, permettant ainsi A cette derni~re
d’6viter les mailles du filet de l’ancien article 508 de la Loi sur les banques.

Ak nos yeux, un 616ment de solution au probl~me de la r6glementation des banques
virtuelles se trouve dans le projet de loi C-67, qui a instaur6 le r6gime des banques
6trang&es de l’Annexe 1Ij2M7 . Cette nouvelle cat6gorie de banques 6trang~res, qui
jouissent de pouvoirs similaires aux banques de l’Annexe I, constitue une forme de
compromis de la part du gouvernement f6d6ral h la suite de son refus d’acc&ler aux
demandes r6pdt6es des banquiers canadiens de permettre les fusions bancaires. Le
raisonnement est, d’une certaine manire, d’une simplicit6 d6sarmante. D’une part, le
gouvemement d6sire accroftre graduellement la competition dans le secteur bancaire
canadien, tant par la cr6ation des banques de l’Annexe 1H1 que par le d~cloisonnement
du secteur des services financiers. D’autre part, lorsqu’il sera convaincu que le niveau
de comp6tition sera suffisamment 6lev6, le gouvemement permettra les fusions
bancaires, sous certaines conditions. Dans les faits, le processus de fusion bancaire est
d6jA enclench6 depuis 1998275 ; il n’en est qu’A une premiere dtape et, pour le moment,
il ne permet gu~re de r6pondre aux aspirations des grandes banques canadiennes276 .

272 Jean-Franqois L’Her et Michel Magnan,
et I’IGIF en r6pertorie 36 (dont seulement 6 ne sont pas dans la liste du BSIF), en ligne : IGF
et elles sont

toutes constitu6es sous les l6gislations canadienne, qu6b&oise ou d’autres provinces canadiennes.

278 Sinclair Stewart, -Bank Bidding Wars Expected The Globe and Mail [de Toronto] (25 juin
2003) B 1. Voir 6galement Ministre des Finances, Le Minisire Manley rend publique la r6ponse du
gouvernement aux rapports des comit6s du Snat et de la Chambre des communes sur les fusions
bancaires et l’int6r~t public Ottawa, 23 juin 2003, en ligne: Minist6re des Finances .

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROITDE MCGILL

[Vol. 49

2. La cor6gulation

Bien qu’elle connaisse un certain succ~s, l’autor6gulation ne saurait convenir h
toutes les situations, notamment A la gouvernance des banques en ligne. Dans une
6tude sur le soft law, ou autor6gulation, le Groupe juridique des consommateurs
europ6ens mentionne qu’il oexiste un scepticisme A l’6gard du soft law [ …] [a]upr~s
de nombre d’organisations de consommateurs>>279 . En particulier, l’autor6gulation
pure n’est habituellement pas appropri6e dans des domaines tels la fraude, les risques
pour la sant6, la protection des personnes vuln6rables et les cas o6 la concurrence ne
sert pas les int6rts des consommateurs28 .

ce qui procure une

Les motifs de cette inad~quation proviennent de diverses sources. Premirement,
un syst~me d’autor6gulation est habituellement applicable h un groupe particulier, et
non d’application g6n6rale,
incomplete.
Deuxi~mement, certains syst~mes d’autor6gulation ont vu le jour justement afin
intervention du 16gislateur dans un domaine en particulier 81 .
d’6viter une
Troisi~mement, les intervenants A l’origine d’une r~gle d’autor6gulation sont rarement
ind6pendants, contrairement au processus d’adoption 16gislatif. Quatri~mement, le
contr6le est habituellement absent dans un syst~me d’autor6gulation. Cinqui~mement,
un tel syst~me ne dispose habituellement pas d’un processus de sanction, ce qui
repr6sente l’obstacle majeur dans l’implantation d’un syst~me d’autor6gulation28 2 .

couverture

Afin de contrer ces difficult6s, certains ont avanc6 l’id6e qu’une intervention
16gislative devrait chapeauter un syst~me d’autor6gulation: c’est le syst~me de
cordgulation. Le cas 6ch6ant, <'ttat conserve [...] une position centrale par rapport aux autres ordres juridiques, auxquels il est en mesure d'imposer sa tutelle ou sa 279 European Consumer Law Group, < [2001] Revue

europenne de droit de la consommation 113 A lap. 116.
280 Ibid. aux pp. 116-17.
281 Voir par ex. Association canadienne des foumisseurs Intemet, Code de protection de la vie
prive, en ligne: Association canadienne des fournisseurs Internet . II semble que ce code ait 6t6 publi6 afin de tenter d’empAcher le Conseil de la radio-
t616vision canadienne de r6gir les foumisseurs ; leurs efforts furent vains, puisque la Loi modifiant la
Loi sur les tilecommunications et la Loi sur la rtorganisation et l’alijnation de Tjlhglobe Canada,
L.C. 1998, c. 8, a tout de m~me dt6 sanctionn6e le 12 mai 1998, et est partiellement entr6e en vigueur
le 31 juillet 1998 (art. 1, 3-7, 9(1)) et le le octobre 1998 (art. 2, 11-19, 21-23). Au sujet de cette
question, voir <> Le Devoir [de Montrial] (21 septembre 1998)
A3 ; Robert Brehl, The Globe and Mail [de Toronto], (1
aoft 1998) Al. Aux
indiqu6 qu’en ce qui conceme
‘autor6glementation des fournisseurs d’Intemet vis-A-vis
la protection de la vie priv6e des
consommateurs dans l’Internet, l’exp6rience est un 6chec: Federal Trade Commission, Privacy
Online – Fair Information Practices in the Electronic Marketplace: A Federal Trade Commission
Report to Congress aux pp. 41-43, en ligne: Federal Trade Commission .

ttats-Unis, un

r6cent

rapport a

82 Voir Federal Trade Commission, ibid. aux pp. 120-26.

2004] M. LACOURSIERE- LA R-GLEMENTATION DES BANQUES VIRTUELLES

735

int6r& quant au r6sultat, et qu’il remplace

3 . Ainsi, il est possible d’affimner que la cor6gulation s’installe lorsque
m6diation”
les r6glementations
l’Etat a un
traditionnelles ou qu’il ajoute des r~gles. Dans ces situations, gdn6ralement, une
l6gislation appuie les r~gles de soft law>2
4. La cor6gulation apparait donc comme une
1
m6thode et non comme une source de droit”5. Dans cette dynamique, le droit se
transforme en un droit n6goci6, puisque les destinataires participent A son 61aboration.
De 1’avis des professeurs Issalys et Lemieux, cette nouvelle tendance est sujette A un
b6mol, car un organisme d’autor6gulation peut se voir teint6 par des int6r~ts d’ordre
priv6s et s’61oigner de sa mission premiere286 .

Cette forme de collaboration entre l’ltat et des int6r~ts priv6s apparait sous une
multitude de combinaisons. Dans le domaine des services financiers, le secteur des
valeurs mobili~res est d6jh tr~s prolifique A cet 6gard. D~s la seconde moiti6 du xIxe
si~cle, l’ttat, dans un souci de d6veloppement 6conomique, a facilit6 la lib6ralisation
des 6changes A la suite de pressions en provenance du milieu des affaires287 . Au
Qu6bec, cette collaboration entre l’Etat et le priv6 s’est accentu6e apr~s la cr6ation de
la Commission des valeurs mobili~res du Qu6bec en 1955, car celle-ci entretient …
des liens 6troits avec les acteurs vis6s en proc6dant A des consultations officielles et
officieuses des int6ress6s dans 1′ 61aboration des normes 28 s.

Le secteur bancaire est 6galement la source de deux exemples de cor6gulation,
soit la r6glementation prudentielle et le blanchiment d’ argent. Dans le premier cas, le
succ~s de l’Accord de Bfe de 198829 fait l’unanimit6 parmi les banquiers. Celui-ci
visait 1’6tablissement de standards afin de contr6ler, sinon de diminuer, les risques
financiers, dont le risque de cr6dit. Le r6sultat de cet accord a d6pass6 les attentes de
la BRI, puisque les banques centrales de certains pays industrialis6s, ainsi que celles
de pays en d6veloppement, ont 6labor6 des standards plus 6lev6s que les normes
recommand6es dans cet accord. Ce dermier a 6t6 maintes fois bonifi6 au fil des ans, en

283 Jacques Chevalier, Vers un droit postmodeme N dans Jean Clam et Gilles Martin, dir., Les

transformations de la rigulationjuridique, Paris, L.GD.J., 1998, 21 A lap. 33.

2141jbid. A lap. 114.
285 Christian Paul, . Pour la
territoires non
coopdratifs, voir Groupe d’action fimanci~re sur le blanchiment de capitaux, Pays et territoires non
coopratifs , Paris, GAFI, 2003, en ligne : GAFI .

liste des pays et

Voir Groupe d’action flnanci~re sur le blanchiment de capitaux, .

293 Le GAFI rdunit notamment un forum sur les services financiers tous les deux ans, avec des
repr6sentants nationaux et intemationaux du secteur des services financiers et d’autres professionnels
ou entreprises int&ess6s, pour discuter de pr6occupations communes.

294 Voir l’article 2 du R~glement modifiant certains r~glements pris en vertu de la Loi sur le
recyclage des produits de la criminalit6 et le fimancement des activit6s terroristes, D.O.R.S./2003-102,
lequel abroge I’article 5 du R6glement sur la d6claration des op6rations douteuses –
,
D.O.R.S./2001-317; D.O.R.S./2002-185, qui obligeait
les professionnels A d6clarer certaines
op6rations douteuses.

295 Convention Internationale de l’Opium, 23 janvier 1912, 8 R.T.S.N. 187. Cette convention est

maintenant g6r6e par l’Organisation des Nations Unies (ONU).

2004] M. LACOURSIERE – LA R-GLEMENTATION DES BANQUES VIRTUELLES

737

anndes que les gouvernements nationaux ont concr6tis6 leurs efforts en ce sens.
Ensuite, l’adoption de r~gles par les l~gislateurs nationaux s’av~re insuffisante,
consid~rant 1’6tendue du probl6me. D’ailleurs, bien que tous s’entendent sur la
n6cessit6 de collaborer, ceci demeure difficile en pratique, comme le d6montre la
faible participation des Etats au GAFI, ainsi que le nombre –
heureusement
drcroissant –
des Etats non coop6ratifs. Enfin, le GAFI a souffert d’un certain
, mais le
handicap lors de sa cr6ation – manque de notori6t6 et de cr~dibilit6 –
support de l’Organisation de coop6ration et de d6veloppement 6conomiques et de
l’ONU permet maintenant de combler cette lacune.

Ainsi,

l’architecture d’une r6glementation des banques virtuelles doit 8tre
chapeaut6e par un organisme international qui jouit d’une r6putation s6drieuse et cr&lible.
La BRI est en mesure, selon nous, de remplir une telle mission dans le secteur bancaire.
Les organismes nationaux de supervision des institutions financi~res – BSIF, OCC, par
exemple – devraient prendre le relais au niveau national. Les recommandations issues
d’un organisme international pourraient 6tre mises en application au plan national. La
collaboration, non seulement entre les ltats, mais surtout entre ceux-ci et leurs
partenaires priv6s, est n6cessaire pour la r6ussite de cette d6marche.

Conclusion

L’d6volution des banques A travers

les derniers si~cles a men6 A une
informatisation qui offre un potentiel tr~s important. Notamment, le consommateur y
trouve une convivialit6 et une flexibilit6 –
tant pour les horaires que pour 1’acc~s en
r6gion 6loign6e –
, tandis qu’une banque peut abaisser ses coats et am6liorer sa
productivit6. Au Canada, les services offerts par les banques canadiennes sur Internet
different peu des services traditionnels disponibles en succursales, et les banques
canadiennes exclusivement virtuelles demeurent tr~s rares. Depuis 1996, le paysage
bancaire canadien a 6t6 marqu6 profond6ment lorsque deux banques 6trang~res –
Wells Fargo Bank et ING Groep N.V. –
ont annonc6 leur intention d’offrir leurs
services aux internautes canadiens. Ce ph6nom~ne a soulev6 la question suivante : de
le
quelle mani~re doit-on
gouvernement f6d6ral ait r6ussi A esquiver le probl~me immdliat en concluant une
entente avec la banque Wells Fargo, tandis qu’ING Groep N.V. s’est incorpor6e en
tant que banque de l’Annexe II, le cadre r6glementaire canadien est demeur6 inadapt6
pour r6glementer ce type de banques.

r6glementer ces nouvelles banques? Bien que

Le gouvernement canadien a modifi6 substantiellement la Loi sur les banques
le secteur bancaire et en

depuis quelques ann6es, notamment en d6r6glementant
ouvrant timidement la porte A une nouvelle cat6gorie de banques 6trangres –
appel6es les banques 6trang~res autoris6es -,
permettant h celles-ci d’effectuer un
certain nombre d’activit6s bancaires jusque l r6serv6es aux banques de l’Annexe I.
L’intervention du l6gislateur n’a point all6g6 le fardeau r6glementaire impos6 aux
banques 6trangres de l’Annexe II, celles-ci 6tant trait6es plus lourdement que les
autres institutions financi~res 6trang~res. Si des banques 6trang~res paraissent
lourdeur r6glementaire repr6sente une
s’accommoder de cette situation, cette

MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL

[Vol. 49

invitation lanc6e aux banques en ligne de venir au Canada en 6vitant de se soumettre A
cette r6glementation. Cette lacune est amplifide d’une mani~re exponentielle par
l’approche attentiste du gouvernement canadien au regard des banques par Internet.

Quelques tentatives de solutions ont r6ussi A am61iorer des facettes du secteur
bancaire international. L’autor6glementation s’est notamment montr6e utile A l’6gard
du commerce 61ectronique en proposant des balises de r6f6rences, que ce soit la Loi
type de la CNUDCI sur le commerce ilectronique296 ou les Principes regissant la
protection des consommateurs dans le commerce 61ectronique : le cadre canadien297 .
L’harmonisation a 6galement permis de trouver quelques solutions int6ressantes en
Europe, mais le secteur bancaire demeure r6fractaire aux accords internationaux et A
I’ALtNA, comme le d6montre les nombreuses r6serves dans ces trait6s.

I1 est int6ressant de dresser un parall~le entre la r6glementation du blanchiment
d’argent et celle des banques en ligne. Dans les deux cas, les ententes intemationales
sont n6cessaires pour contrer le probl~me, puisque les r6calcitrants peuvent toujours
s’installer dans une sorte de paradis financier et 6viter ainsi de s’exposer A l’obligation
de se soumettre A un r6gime rdglementaire strict. De m~me, dans les deux situations, les
autorit6s ont adopt6 une approche attentiste, bien que le blanchiment d’argent ait attir6
l’attention des autorit6s vers la fin des ann~es 1980.

Nous prdconisons une d6marche en deux temps. D’abord, en se situant en
quelque sorte A contresens de l’approche l6gislative habituelle, l’att6nuation de la
r6glementation du secteur bancaire canadien h l’6gard des banques 6trang~res est
n6cessaire afin de rendre ce secteur plus compdtitif. Plus pr6cis6ment, ces banques
devraient avoir la possibilit6 d’exercer un plus grand nombre d’activit6s bancaires
avec, pour corollaire, l’obligation d’6tre membre de la SADC 98 . Cette piste de
solution repr6sente en quelque sorte 1’acc6ldration du d6sir du l6gislateur canadien, tel
que le montre son attitude vis-a-vis les fusions bancaires, ainsi que la cr6ation des
banques 6trangres autoris6es. Cette ouverture ne doit pas signifier une absence de
contr6le A l’6gard des banques 6trang~res, et surtout des banques virtuelles.

Une certaine forme de cor6gulation doit donc pr6dominer, car un encadrement
juridique minimum doit exister afin de maintenir un niveau de comp6tition
raisonnable entre les institutions financires et, ainsi, 6viter les abus. Comme le note A
juste titre le Comptroller of the Currency,

[u]ltimately, the market will decide whether these innovations succeed, and
whether electronic payment vehicules will come to dominate the payments
systems, but government still has the responsibility to protect the public interest,

296 Supra note 171.
297 Supra note 189.
298 Supra note 128.

2004] M. LACOURSIRE – LA R-GLEMENTATION DES BANQUES VIRTUELLES

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ensure the efficiency and competitiveness of our markets, and maintain public
confidence in our financial institutions and payment system299.

En considrant cet argument, un cadre rdglementaire minimum devrait &re implantd
pour gouvemer les opdrations bancaires en ligne. Vu l’exp6rience de la BRI 4 l’6gard
des mesures prudentielles, ainsi que du blanchiment d’argent, il est souhaitable que
celle-ci prenne un r6le directeur afin d’assurer une gouvernance intemationale des
banques en ligne et sugg6rer des mesures A 1’endroit des autoritts rtgulatrices
nationales. En outre, il est possible d’anticiper que des mesures que pourrait proposer la
BRI rejoindraient celles d6j souhaittes par le gouvemement canadien –
affichage de la
liste des fournisseurs ill6gaux, obligation d’information, sceau de qualit6 –
et ainsi,
auraient des chances d’8tre adopttes par plusieurs ttats. Enfin, il importe de garder A
l’esprit qu’une collaboration avec les intervenants du milieu financier pourrait aider
l’implantation de telles mesures.

299 E.A. Ludwig, cit6 par: Note, >

(1996) 15 Banking Pol’y Rep. 28 A lap. 28 [nos italiques].