Article Volume 37:2

L'Arbitrage et le recouvrement des prêts consentis a des débiteurs etrangers

Table of Contents

INTERNATIONAL DISPUTE RESOLUTION INVOLVING
PRIVATE PARTIES
REGLEMENT DE DIFFERENDS INTERNATIONAUX
IMPLIQUANT PARTIES PRIVEES

L’arbitrage et le recouvrement des prkts consentis

A des d~biteurs etrangers

William W. Park*

L’auteur explore le rile complexe de ‘arbitrage dans le rgle-
ment des difflrends financiers intemationaux impliquant des
dettes privies et publiques. II onus rappelle que le diveloppement
6conomique global bnlficie d’un climat de confiance dons les
relations commerciales internationales. Los doctrines juridiques et
les procidures qui ajoutent de l’incertitude dans le processus de
remboursement des prfts ne peuvent que freiner I’allocation de
crdits qui pourraient autrement favoriser le commerce et l’inves-
tissement outre-frontikre, particuli~rement dons les pays en vole
do diveloppement.

Trois problbmes spicifiques A la finance intemationale souns-

tendent le contexte de l’analyso de rauteur: le riseau de traitla
applicables est g6n~ralement inadiquat pour l’ex&ution dejuge-
ments A l’6tranger; le contrile des chapges; et la difense do l’im-
mounit6 souveraine invoqule par un Etat on so 6manation. De
plus, los prits comportent plus do risques aux Etats-Unis i cause
‘augmentation ricente d’actions fondle sur la doctrine de len-
de
der liability qui pout rendre los banques passibles de dommages-
int6rts lorsqu’elles ont refus6 d’augmenter le cridit des emprun-
tous en difficultd.

L’arbitrage pout fournir des solutions cratives I plusieurs de
ces obstacles an recouvremnt des dettes. Les Conventions de
New York, de Genive et de Panama fournissent un cadre A l’ex6-
trangers.
cution des dlcisions arbitrales contre des empronteurs
Des dispositions Igislatives amnricaines ricentes favorisant l’ar-
bitrage ont adouci ls problimes lila an contrile des changes et
a l’immunit6 seuveraine. L’attributin do dommages dans leos
actions de lender liability sere potentiellment plus raisonnable
lorsqu’elle sees faite par un arbitre expiriment6 plutit que par un
jury civil.

L’autour aborde 6galement leos limites de l’arbitrage. Dons cer-
taines juridictions, une entente comprenant une clause compro-
missoire a 6t6 interpretie comme excluant des mesures provi-
soires comme ]a saisie conservatoire et leos proc6dures sommaires
de droit cambiaire permettant de faire exicuter de faigon acclirle
des lettres de change et des billets N ordre. De plus, maints ban-
quiets considirent que leosjuges sont pins privisibles que leos arbi-
tres. Cependant, ‘auteur note que ]a moilleure dicision judiciaire,
sans un micanisme d’exdcution efficace, n’aura que peu d’utilit6.
Lauteur conclut que l’arbitrage pout aider la communaut6
bancaire & contribuer de fa~on pins significative A la croissance
uconomique mondiale en augmentant Ia confiance en Ia force
obligatoire des prZts interationaux. Dons certains contextes, le
recours h ‘arbitrage facilite des mesures plus sires de recouvre-
mont sans lesquelles leos institutions financires hlsiteront & faire
des affaires outre-frontitre.

The author explores the complex role of arbitration in the set-
tlement of international financial controversies involving both pri-
vate and public debt. He reminds us that global economic devel-
opment benefits from a climate of confidence in international
credit relationships. Legal doctrines and procedures that add
uncertainty to the process of loan recovery can only discourage
extensions of credit that would otherwise foster trans-border trade
and investment, particularly in developing countries.

Three problems specific to international finance set the con-
text for the author’s analysis: the inadequacy of any generally
treaty network for enforcing foreign judgments;
applicable
exchange controls; and the defence of sovereign immunity raised
by a government borrower or its agency. In addition, lending in
the United States has become riskier due to the recent increase in
“lender liability” damage actions brought against banks that
decline to extend additional credit facilities to borrowers in
difficulty.

Arbitration can provide creative solutions to several of these
obstacles to loan recovery. The New York, Geneva and Panama
conventions provide a framework for enforcing awards against
foreign borrowers. Recent American legislative enactments
favouring arbitration have taken some of the sting out of exchange
controls and sovereign immunity. In addition, the determination of
damages in lender liability actions is likely to be more reasonable
when made by an experienced arbitrator rather than a civil jury.
The article also discusses the limits of arbitration. In some
jurisdictions, an agreement to arbitrate may be interpreted to pre-
clude interim measures of protection such as pro-award attach-
ment of assets and accelerated procedures to enforce promissory
notes and bills of exchange. More importantly, many bankers per-
ceive judges as being more predictable than arbitrators in their
decisions. However, the author notes that even the best judge’s
decision will remain nothing but a piece of paper without an effec-
tive mechanism for its enforcement.

The author concludes that arbitration can help the banking
community to contribute more significantly to the world’s eco-
nomic growth and well-being by augmenting confidence that
international loans will be enforceable. In appropriate circumstan-
ces, recourse to arbitration provides a greater measure of assur-
ance that a loan agreement will be enforceable, without which
financial institutions will hesitate to do business beyond the bor-
ders of their home countries.

* Professeur de droit 4 l’Universit6 de Boston; dipl6m6 des Universitts de Yale, de Columbia
et de Cambridge; avocat aux barreaux du Massachussetts et du District de Columbia; Directeur
du Center for Banking Law Studies 4 l’Universit6 de Boston, et Conseil aupr~s du cabinet Ropes
& Gray h Boston. L’auteur remercie M. le Professeur Bernard Audit, Me Laurie Craig, M. Jack
Hutchings, Sir Michael Kerr et Me Olivier Wehrli.
William W. Park

Mode de citation: (1992) 37 R.D. McGill 375
To be cited as: (1992) 37 McGill L.J. 375

McGILL LAW JOURNAL

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Synopsis

Introduction

I.

Le remboursement forc6 des credits
A. Le contrble des changes et la doctrine de ‘Act of State
B. L’immunitg dbEat
C. Les Statuts du Fonds monitaire international

l’6tranger

U. Les clauses compromissoires dans les contrats de prt

A. Les Conventions de New York, de Genbve et de Panama
B. L’immuniti d’Etat et la doctrine de /’Act of State
C. Les Statuts du Fonds monitaire international
D. Le tribunal d’un
E. La responsabilitj du bailleur de fonds (lender liability)

tat neutre : une alternative a l’arbitrage ?

M. La crise mondiale de surendettement

A. Le rgichelonnement des dettes
B. Les projets de diveloppement industriel
C. Les swaps : dchanges de dettes contre des participations au capital
D. Le nouvel ordre 6conomique international

Conclusion

Annexe: Mod~le de clause compromissoire i l’usage de banques dans les

contrats de credit internationaux

II n’y a pas entre nous d’arbitre, qui pose sa main sur nous deux.
-Job 9:33

Pritez sans rien espirer
-Luc 6:35

Introduction

La plainte de Job, priv6 d’arbitre entre lui et son Cr6ateur, n’est pas sans
pertinence i la crise mondiale de surendettement qui s’est manifest~e il y a dix
ans. L’attention du public et des juristes s’est port6e en particulier sur les ten-
tatives de r6chelonnement de la dette en vue d’6viter les risques li6s h une ces-
sation de paiements des pays d6biteurs’. Les analyses des 6conomistes se sont
concentr~es sur la mani~re dont les pays en voie de d~veloppement sont tomb~s
de Charybde en Scylla, soit l’accroissement des taux d’int6rt d’une part, et le

‘Ci-dessous, partie I.

1992]

L’ARBITRAGE ET LES DI BITEURS tTRANGERS

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d6clin du produit de leurs exportations, d’autre part. Certains commentateurs
ont relev6 les facteurs d’aggravation de la crise comme la fuite de capitaux2 sous
1’effet de la crainte de l’inflation et de l’instabilit6 politique.

Mais cette crise a 6galement soulign6 au public 1’absence de proc6dures de
r~glement efficaces aptes h r6soudre les litiges surgissant entre les banques des
pays industrialis6s et leurs d6biteurs A l’6tranger. Le ph6nom~ne du r6chelon-
nement des dettes des pays en voie de d6veloppement pourrait laisser perplexes
les esprits non-avertis, quant t la force obligatoire des cr6dits intemationaux3 .
Les pr&s ne sont ni des dons, ni des apports en capitaux en faveur du d6biteur.
On peut done se demander A quoi sert un syst~me juridique qui en th6orie
devrait assurer le respect par le d6biteur de ses obligations, si en pratique le
paiement de ces dettes est constamment remis au lendemain. Le commandement
de l’6vangile de < pr&e[r] sans rien esp6rer >> n’a jamais
t6 une pratique accep-
t6e par les banques commerciales4.

Quelles que puissent 6tre les causes de la crise et les rem~des qui y seront
apport6s h long terme, il est 6vident que le respect des conventions de pr&t con-
clues avec des d6biteurs 6trangers constitue un des 616ments cruciaux de sa
solution. La force obligatoire d’un emprunt international demeure essentielle

2Voir I. Walter, The Mechanisms of Capital Flight > dans D.R. Lessard et J. Williamson, 6d.,
Capital Flight and Third World Debt, Washington, Institute for International Economics, 1987,
103 ; I. Walter, Secret Money: The World of International Finance Secrecy, Lexington, Lexington
Books, 1985 ; J.S. Henry, Third World Debt Hoare: Where the Money Went >> New Republic (14
avril 1986) 20. La fuite des capitaux et la crise de surendettement constituent deux faces de la
m~me triste histoire. Le remboursement des prts accord6s par des pr&eurs 6trangers est probl6-
matique dans une large mesure parce que d’abondants capitaux destin6s 4 des pays peu d6velopp~s
ont disparu et ont 6t6 d6pos~s dans des banques occidentales, souvent dans des pays dits de ref-
uge o. Dans certains cas, les classes les plus ais6es des pays pauvres ont transf&6r autant d’argent
et il s’agit souvent des memes fonds. Voir Republic
hors de leur pays qu’il n’y en 6tait entr6 –
of the Philippines c. Marcos, 818 F.2d 1473 A Ia p. 1476 (9th Cir. 1987) ; Note, < Marcos Mania: The Crusade to Return Marcos' Billions to the Philippines Through the Federal Courts > (1986)
18 Rutgers L.J. 217 ; W.M. Reisman, Harnessing International Law to Restrain and Recapture
Indigenous Spoliations o (1989) 83 AJIL 56; Aix-en-Provence, 25 avril 1989, D.1988.Jur.343,
concernant ]a famille Duvalier et Haiti.
3Voir les diverses contributions des participants au colloque intitul6 Trends and Forces in Inter-
national Banking Law >, Berne, 26-30 mars 1990, qui ont 6t6 reproduites dans Annual Review of
Banking Law, t. X, Salem, N.H., Butterworths, 1991 aux pp. 304-44 [ci-apr~s Banking Law],
notamment : M. Hughes etA. Yianni, Parity of Treatment > dans ibid., 304 ; M. Krafft, Official
Multilateral Debt Rescheduling dans ibid., 313 ; A. Voegelin, The Process of Rescheduling
dans ibid., 324 ; A. Yianni, The Implications of the Brady Initiative on the Process of Resched-
uling dans ibid., 329 ; M. Hughes, The Current State of the Overall Debt Situation” dans ibid.,
335. Ces exposes discutent du processus de r66chelonnement de la dette des pays d6biteurs, y com-
pris ]a procedure du Club de Paris (les gouvernements cr6anciers), du Club de Londres (les ban-
ques commerciales cr6anci~res) et de l’initiative Brady > du gouvemement des ttats-Unis, pro-
posse en mars 1989 par le Secr&aire du Tr6sor Nicholas Brady, pour succder au plan Baker >
qui a dur6 de 1985 h 1988.

4Voir Luc 6:35. Le lecteur remarquera aussi une vague similitude entre la situation actuelle et
celle prvue par certains textes bibliques exigeant la remise de dettes. Voir Deut6ronome 15:1. Ces
textes ont 6t6 discuts par le present auteur dans Spiritual Energy and Secular Power >, qui parait
dans M. Janis, 6d., The Influence of Religion on the Development of International Law, Deventer,
Pays-Bas, Kluwer, 1991, 171 aux pp. 201-03. I1 convient de remarquer ici que la vie 6conomique
moderne n’a jamais adopt6 cette solution biblique.

REVUE DE DROIT DE McGILL

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pour tout nouveau pr& consenti aux nations d6bitrices. Si le cr6dit international
est appel6 i jouer un r6le dans le d6veloppement 6conomique mondial, les 6ta-
blissements financiers doivent etre en mesure de se faire rembourser par leurs
emprunteurs 6trangers5.

Dans le pass6, les banques pr6f6raient soumettre leurs litiges avec des d6bi-
teurs h des juges nationaux plut6t qu’. des arbitres priv6s. Les arbitres 6taient
rarement appel~s
trancher des litiges d6coulant d’une op6ration financi~re,
sauf en ce qui conceme les garanties h premiere demande6 et les op6rations sur
titres7. Cette reticence face
l’arbitrage en mati~re de financement contraste
avec la situation pr6valant dans les relations commerciales internationales, oi
1’arbitrage constitue un m6canisme de choix pour le r~glement des diff6rends.

La reticence des banquiers face h l’arbitrage n’est pas surprenante. En r~gle
g6n6rale, le banquier jouit dans les n6gociations d’une position qui lui permet
d’imposer des clauses d’61ection de for d6signant les tribunaux du si~ge du pr8-
teur. G6n6ralement, la justice locale (home town justice) est mieux perque que
celle d’un pays 6tranger. I serait 6tonnant, par exemple, qu’une banque new-
yorkaise ne pr6fere pas poursuivre le d6biteur d6faillant devant des juges 4 New
York plut6t que devant des arbitres a Montr6al.

De plus, le d6faut du d6biteur est souvent dfl h son incapacit6 de payer ou
A sa mauvaise foi, plut6t qu’ h une interpr6tation diff6rente des termes du con-
trat. Le banquier peut s’interroger sur l’opportunit6 d’entamer une procedure
arbitrale longue et coflteuse dans de telles circonstances, quand ne sont en cause
que la bonne foi ou la capacit6 de payer du d6biteur. Cette situation est diff6-
rente de celle des relations commerciales, ofi souvent les parties de bonne foi
ont des vues diff6rentes sur l’interpr~tation du contrat qu’elles veulent sou-
mettre h un arbitre neutre.

Les banques 6vitent 6galement les clauses compromissoires, de crainte de
perdre le b6n6fice des proc6dures plus rapides pr6vues par les l6gislations natio-
nales, comme, par exemple, le droit cambiaire en France8 qui, en principe, sim-
plifie la procedure d’ex6cution devant le Tribunal de commerce pour les billets

5ll est i remarquer que certaines tendances politiques, par contre, ne voient pas les prets au Tiers-
Monde de la m~me fagon. Voir D6claration du Mouvement Mondial des Travailleurs Chr6tiens >
Vie Protestante [de Genbve] (14 juillet 1989) 5, oii l’on qualifie 1’endettement du Tiers-Monde
comme le fatal r6sultat d’une strat6gie intemationale mise en place pour un profit maximum >
(ibid.). Voir aussi D. Wermus, La dette du tiers monde: comment sortir du cauchemar >> Vie Pro-
testante [de GenkveJ (29 septembre 1989) 1-8 ; C. von Gamier, La responsabilit6 face A ‘endet-
tement du tiers-monde >> Vie Protestante [de Genkve] (2 mars 1990) 8. A comparer avec G. Fran-
kenberg et R. Knieper, Legal Problems of the Overindebtedness of Developing Countries: The
Current Relevance of the Doctrine of Odious Debts >> (1984) 12 Int’l J. Sociology L. 415.
6B. Chambreuil, Arbitrage international et garanties bancaires > [1991] Rev. arb. 33.
7D. Robbins, Securities Arbitration Procedural Manual, Butterworths, 1990 ; L.D. Lowenfels et
A.R. Bromberg, Securities Industry Arbitrations: An Examination and Analysis >> (1989) 53 Alb.
L. Rev. 755.

8Voir Code de commerce [frangais], art. 121 ; C. Gavalda et J. Stouffiet, Droit commercial : ch-
ques et effets de commerce, t. 2, Paris, P.U.F., 1984. Aux ttats-Unis, le porteur de bonne foi d’un
billet ii ordre (holder in due course) bMn6ficie de certaines pr6somptions quant ii la validitd de plu-
sieurs 616ments du billet, telle Ia signature. Voir U.C.C., art. 3-302, 3-305, 3-307.

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L’ARBITRAGE ET LES D1tBITEURS ItTRANGERS

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A ordre. De plus, certains tribunaux consid~rent les mesures provisoires (comme
la saisie-arr&t ou l’hypoth~que judiciaire provisoire) comme 6tant incompatibles
avec les clauses compromissoires r6gies par la Convention de New York9.

Nonobstant ces h6sitations, les conseillers des banques multinationales
sont aujourd’hui sensibles au fait que les litiges financiers internationaux sont
de plus en plus complexes. De nos jours, plusieurs raisons militent en faveur de
l’insertion d’une clause compromissoire dans un contrat de pr8t. En tout premier
lieu, le danger existe qu’un jugement prononc6 par un juge 6tatique ne se vole
pas accorder l’exequatur A l’6tranger, au lieu oii le d6biteur poss~de ses actifs.
Parfois, les d6biteurs ont des biens dans des pays qui n’ont ratifi6 aucune con-
vention sur la reconnaissance des jugements avec l’ttat oti le jugement a 6t6
rendu. En revanche, une sentence arbitrale b6n6ficie de la reconnaissance et de
l’ex6cution dans plus de quatre-vingts pays qui ont sign6 la Convention de New
York, ainsi que les pays adh6rents aux Conventions de Panama et de Genve .
Ainsi, dans l’hypoth~se oti il y aurait lieu de faire reconnaltre en Chine un
jugement d’un tribunal de New York rendu contre un d6biteur chinois, on cons-
taterait qu’il n’existe aucun trait6 entre les ttats-Unis et la Chine (ni avec aucun
autre pays) sur la reconnaissance r6ciproque des jugements. De plus, le banquier
s’apercevra que les r~gles internes chinoises qui traitent de la reconnaissance
voir avec les r~gles amricaines en la
des jugements 6trangers n’ont rien
mati~re. Ainsi, le tribunal chinois exigera qu’un tribunal am6ricain ait donn6 un
mandat explicite A un tribunal de la R6publique populaire de Chine en vue de
faire ex6cuter ledit jugement”. En revanche, si le banquier b6n6ficie d’une sen-
tence arbitrale rendue contre le d6biteur chinois, il pourra demander la recon-
naissance et l’ex6cution de cette sentence en vertu de la Convention de New
York h laquelle la Chine a adh6r6, tout comme la plupart des pays industrialis6s
et un grand nombre de pays en voie de d6veloppement.

En second lieu, dans un contexte international, les d6biteurs 6trangers sont
susceptibles d’invoquer deux arguments particuliers pour faire obstacle au
recouvrement d’un pr&t: (i) quand des r~gles sur le contr6le des changes sont

9Voir McCreary 7lre & Rubber Co. c. CEAT S.P.A., 501 F.2d 1032 (3d Cir. 1974) [ci-apr~s

McCreary 77ire]. Comparez avee les rfrences cities ci-apr~s aux notes 87, 89 et 90.

1’Convention pour la reconnaissance et l’exicution des sentences arbitrales jtrang&res, 10 juin
1958, 330 R.T.N.U. 39,21 U.S.T. 2518, T.I.A.S. n 6997 [ci-apr~s Convention de New York] ; Con-
vention Inter-amiricaine sur l’arbitrage commercial international, 30 janvier 1975, 14 I.L.M. 336
[ci-apr~s Convention de Panama] ; Convention europienne sur l’arbitrage commercial interna-
tional, 21 avril 1961, 484 R.T.N.U. 336 [ci-apr~s Convention de Genbve].

IVoir W.D.W. Dennis, China dans C. Platto, 6d., Enforcement of Foreign Judgments World-
wide, Londres, Graham et Trotman, 1989, 36 A ]a p. 36 pour des commentaires sur l’art. 204 de
]a Ioi chinoise de procedure civile qui gouverne l’application des jugements 6trangers et sur la pro-
c6dure d’entrustment par le tribunal 6tranger un tribunal populaire. Les proc6dures d’autres pays
sont examinees dans E.F. Scoles et P. Hay, Conflicts of Laws, St. Paul, Minn., West, 1984 aux pp.
967-7 1. Voir 6galement : Platto, ibid. ; art. 25-32 de ]a Loi f6d&ale suisse sur le droit international
priv6 du 18 dcembre 1987 ; P.A. Karrer et K.W. Arnold, Switzerland’s Private International Law
Statute of December 18, 1987: The Swiss Code on Conflict of Laws and Related Legislation,
Deventer, Pays-Bas, Kluwer, 1989 aux pp. 50-56 ; R.C. Casad, Civil Judgement Recognition and
the Integration of Multiple-State Associations: Central America, the United States of America, and
the European Economic Community, Lawrence, Regents Press of Kansas, 1981.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 37

en jeu, ils peuvent invoquer la doctrine de l’Act of State 2 ; et (ii) quand le prat
est accord6 h une institution 6tatique, les r~gles sur l’immunit6 d’ttat peuvent
entrer en ligne de compte 3. Ces deux doctrines donnent A l’arbitrage une raison
d’8tre tout h fait particuli6re quand il s’agit d’op6rations de cr6dit intematio-
nales. D’une part, dans plusieurs pays on consid~re la clause compromissoire
comme une renonciation h l’immunit6 de juridiction dont b6n~ficient les ttats
et leurs 6manations. D’autre part, quand le credit ou le litige prdsente un
lien potentiel avec les ttats-Unis, le recours A l’arbitrage est d’autant plus perti-
nent. En novembre 1988, le Congr~s des ttats-Unis a apport6 des modi-
fications importantes aux lois sur 1’arbitrage et l’immunit6 des Etats qui, dans
beaucoup de cas, facilitent la reconnaissance et l’exfcution des sentences
arbitrales.

Troisi~mement, le d6faut 6ventuel du ddbiteur peut lui donner un atout,
certes paradoxal, mais non moins r6el, lors de la renfgociation de sa dette.
Comme on l’a vu dans le cas brfsilien 4, certains d6biteurs ont profit6 de
l’occasion pour denier la competence des tribunaux du si~ge de la banque. En
effet, l’importance de la dette confere au d6biteur un poids particulier dans les
n6gociations de restructuration, ce qui lui permet de r6sister A l’imposition du
for par le pr~teur. Par cons6quent, du point de vue du pr&eur, l’arbitrage cons-
titue souvent la meilleure voie, puisque le for altematif serait parfois celui du
dfbiteur.

En dernier lieu, il existe aux tItats-Unis une vritable 6pid6mie de litiges
oti le dfbiteur invoque la responsabilit6 du pr~teur dans le cas d’une demande
reconventionnelle en dommages-intfr&s5s . Dans de tels proc~s, dits de lender
liability (responsabilit6 du bailleur de fonds), le d6biteur reproche au cr6ancier
sa < mauvaise foi >. Ces litiges ont amend plusieurs grandes banques am6ricai-
nes A insfrer dans leurs contrats de pr&s des clauses compromissoires, et des
clauses de renonciation au proc~s devant jury, afin d’6chapper aux jugements
excessifs rendus par des jurys am~ricains16.

Le but de cet article est de soulever des questions qui touchent au r~gle-
ment des litiges financiers intemationaux. L’utilit6 de l’arbitrage dfpendra d’un
ensemble de facteurs, dont l’application de la Convention de New York, l’exis-
tence d’un contr6le des changes, le recours du dfbiteur h son immunit6 souve-
raine, le risque d’une demande reconventionnelle en dommages-int6rets fondfe
sur la lender liability, et le processus de r66chelonnement des dettes. Nous abor-
derons ces 6lments dans l’6tude qui suit.

1

12Ci-dessous, partie I.A.
13Ci-dessous, partie I.B.
4Ci-dessous, partie I.A.
15Ci-dessous, partie Hl.E.
1611 convient de rappeler au lecteur que dans le syst~me juridique am~ricain merme des litiges
civils (tels que des actions en justice concernant des prts) peuvent 6tre soumis A des jurys. Voir
le Seventh Amendment de la Constitution amfricaine ; les r~gles 38 et 39 des Federal Rules of Civil
Procedure; J. Hazard, Civil Procedure, 3e 6d., Boston, Little Brown, 1985 ,a lap. 409: The Fed-
eral Constitution guarantees the right to jury trial in civil actions in federal courts and nearly every
state constitution contains a similar guaranty. >>

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L’ARBITRAGE ET LES DtIBITEURS tTRANGERS

381

I. Le remboursement forc6 des credits A l’tranger

On peut d6nombrer trois obstacles juridiques potentiels h l’ex6cution des
contrats de prAts internationaux : (i) la doctrine de l’Act of State, (ii) l’immunit6
d’ttat et (iii) 1’article VIII des Accords de Bretton-Woods 6tablissant les Statuts
du Fonds mon6taire international 7 . De surcroit, quand un litige financier, qu’il
soit international ou pas, est tranch6 devant un tribunal aux ttats-Unis, le d6bi-
teur est parfois amen6 h invoquer l’obligation de bonne foi du banquier (lender
liability) afin de demander des dommages-int6rets suite au refus par ce dernier
de pr&er de nouveaux fonds.

A. Le contr6le des changes et la doctrine de /’Act of State’8

Le Restatement 9 formule comme suit la doctrine de l’Act of State:

In the absence of a treaty or other unambiguous agreement regarding controlling
legal principles, courts in the United States will generally refrain from examining
the validity of a taking by a foreign state of property within its own territory, or
from sitting in judgment on other acts of governmental character done by a foreign
state within its own territory and applicable there.

En d’autres termes, les tribunaux des ttats-Unis respectent les decisions prises
par un ttat 6tranger dans les limites de son territoire, m6me si ces dicisions sont
contraires ? l’ordre public des ,tats-Unis.

Bien que la doctrine de l’Act of State soit une construction –

certains
diraient une obsession –
particuli6re au droit anglo-am~ricain, elle a une influ-
ence qui s’6tend bien au-dela des pays de common law. La doctrine entre en jeu
chaque fois qu’un contrat de pr& est r6gi par le droit d’un ttat des ttats-Unis
ou par celui de l’Angleterre, ou qu’une banque est oblig6e de faire rembourser

17D’autres obstacles au remboursement forc6 des dettes sont soulev~s dans D.M. Sassoon et
D.D. Bradlow, 6d., Judicial Enforcement of International Debt Obligations, Washington, Interna-
tional Law Institute, 1987.

IsVoir de fagon g6nrale: L. Henkin, < Act of State Today: Recollections in Tranquility >> (1967)
6 Colum. J. Transnat’l L. 175 ; D.C.K. Chow, << Rethinking the Act of State Doctrine: An Analysis in Terms of Jurisdiction to Prescribe > (1987) 62 Wash. L. Rev. 397 ; M. Gruson, < The Act of State Doctrine in Contract Cases as a Conflict-of-Laws Rule > (1988) U. Ill. L. Rev. 519. Pour une dis-
cussion de Ta loi anglaise, voir Dubai Bank Ltd c. Galadarie & Ors, High Court of Justice (Lon-
don), 19 juin 1990 [ci-apr~s Dubai Bank] ; Buttes Gas and Oil c. Hammer, [1982] A.C. 888
[ci-apr~s Buttes Gas] ; L. Collins, 6d., Dicey and Morris on the Conflict of Laws, lie dd., Londres,
Stevens, 1987 aux pp. 109-15, r~gle 3 [ci-apr~s Dicey]. Pour les 6nonces les plus rcents de la Cour
supreme au sujet de la doctrine de l’Act of State, voir W.S. Kirkpatrick c. Environmental Tectonics,
493 U.S. 400 (1990) et le commentaire de S. Morrison, The Act of State Doctrine and the Demise
(1991) 2 Ind. Int. and Comp. L.R. 311. Kirkpatrick avait donn6 un pot-
of International Comity
de-vin au gouvernement nig~rien violant ainsi le Foreign Corrupt Practices Act. Dans une action
civile intent6e par un comp6titeur qui invoquait une loi anti-racket (RICO, 18 U.S.C., art. 1962-68),
les intim~s ont invoqu6 la doctrine de l’Act of State, disant qu’elle empechait de faire enqu~te sur
les actes de repr6sentants du gouvernement nig6rien. La Cour supreme a jug6 que cette doctrine
n’empachait pas les cours am6ricaines d’entendre Ia cause. De plus, Ia Cour n’avait pas Ajuger de
la validit6 d’un acte 6tranger dans cette affaire.

19Restatement (3rd) of the Foreign Relations Law of the United States, St. Paul, Minn., American
Law Institute, 1987 [ci-apr~s Restatement]. Le Restatement est un expos6 de la doctrine et de la
jurisprudence sur les relations 6trang~res des Itats-Unis.

REVUE DE DRO1T DE McGILL

[Vol. 37

sa cr~ance de force dans un pays oii la doctrine est appliqu6e. Le droit anglais
contient des principes analogues s ceux du droit am6ricain, mais leur port6e est
diff6rente”. Dans la th6orie et la pratique judiciaires des syst~mes continentaux,
aucun principe ne joue le r6le de la doctrine de l’Act of State telle que l’appli-
quent les tribunaux am6ricains. Les tribunaux frangais, par exemple, ont refus6
de reconnaitre la validit6 des expropriations i l’6tranger sans indemnisation,
qu’ils consid~rent comme heurtant l’ordre public franqais2″. Dans d’autres pays
d’Europe continentale, les principes de droit international offrent plus de con-
trastes que de similitudes avec la doctrine am~ricaine.

Cela ne signifie cependant pas que les juristes continentaux peuvent se per-
mettre d’ignorer cette doctrine. Lors de transactions financi~res internationales,
les juristes europ6ens doivent la connaitre, parce qu’elle s’applique chaque fois
qu’un litige surgit h l’occasion d’une convention de pr~t ou d’un contrat de
d6p6t qui doit 8trd interpr6t6 selon les lois ou par les tribunaux am~ricains, en
particulier ceux de l’Ittat de New York.

Le fondement th6orique de cette doctrine a donn6 lieu A bien des d6bats.
Certains commentateurs ont soulign6 que ses fondements r6sident dans la th6o-
rie << territorialiste >>, selon laquelle la 16gitimit6 d’un acte doit etre appr6ci6e
uniquement en fonction de la loi du pays dans lequel cet acte a 6t6 commis.

Lorsque la Cour supreme des ttats-Unis a 6t6 appel6e A appliquer la doc-
trine de l’Act of State au cours des ann6es soixante, elle a propos6 une nouvelle
justification, celle de la s6paration des pouvoirs ex6cutif et judiciaire. En 1964,
la Cour a tranch6 la c6lbre affaire Sabbatino 22, dans laquelle un courtier new-
yorkais avait vendu, au Maroc, du sucre cubain expropri6. Le connaissement
incorporant le droit de prendre possession du sucre se trouvait New York. Esti-
mant que le sucre appartenait au gouvernement cubain plut6t qu’au propri6taire
expropri6, la Cour Supreme a 6t6 amen6e h revoir la justification’ de la doctrine
de l’Act of State.

Dor6navant, le fondement de la doctrine de l’Act of State aux ttats-Unis,
se trouve plut6t dans le principe de la separation des pouvoirs ex6cutif et judi-
ciaire que dans le champ d’application de la loi 6trang~re. Les tribunaux ne
doivent pas g~ner la politique ext6rieure du Pr6sident et du D6partement d’ttat
qui pourrait etre en n6gociation avec des gouvernements 6trangers. Par exemple,
il se pourrait que le D6partement d’ttat soit en cours de n6gociations avec le
gouvernement cubain pour le retour d’un avion dtoum6, ou avec le gouverne-

20Voir Buttes Gas, supra, note 18, un arr& qui concemait le droit d’Occidental Petroleum de son-
der des gisements de p6trole pr~s de
‘ile d’Abu Masu, et le d~cret d’un des princes de In r6gion
qui tentait de modifier ce droit. Lord Wilberforce a qualifi6 le principe en question de <> (ibid. h lap. 931). Voir 6galement la discussion dans Dubai Bank, supra,
note 18 ; Dicey, supra, note 18.

21B. Audit, Droit international privi, Paris, Economica, 1991, n- 771-773. Voir aussi la discus-
sion des litiges btat Russe c. La Ropit et C.EC.B. c. Atard, dans B. Ancel et Y. Lequette, dd.,
Grands arrts de la jurisprudence fran~aise de droit international privd, Paris, Sirey, 1987 aux pp.
85-86.

2Banco Nacional de Cuba c. Sabbatino, 376 U.S. 398 (1963) [ci-apr~s Sabbatino].
23L’expression exacte dtait << constitutional underpinnings >.

1992]

L’ARBITRAGE ET LES DtBITEURS tITRANGERS

383

ment espagnol pour la cession d’une base militaire, au moment meme oti un tri-
bunal am6ricain est appel6 A prendre une decision sur la validit6 d’un acte du
gouvernement cubain ou espagnol.

On a assimil6 la doctrine de l’Act of State i une rgle sp~ciale de droit
international priv6, qui primerait sur les r~gles ordinaires en mati~re de loi
applicable, et imposerait la loi 6trang~re, meme lorsque celle-ci serait suscep-
tible de violer l’ordre public amdricain24.

Outre le principe de la sdparation entre le pouvoir executif et le pouvoir
judiciaire, une autre justification de la doctrine de l’Act of State r6siderait dans
le fait qu’elle assure une plus grande s~curit6 au n6goce international, en r~dui-
sant les contestations sur la validit6 de la drtention d’un bien acquis h l’6tranger.
L’acheteur sait qu’il peut importer des marchandises en toute s6curit6 aux ttats-
Unis, sans craindre que des juges am6ricains contestent la validit6 d’une loi
6trang~re qui lui confere un droit de propridt6 sur les marchandises.

Certaines exceptions admises au principe de l’Act of State am4liorent un
peu la situation d’un propri~taire d~poss6d6 par une d6cision 6trang~re qui s’op-
pose h des principes fondamentaux de politique am~ricaine. Tout d’abord, l’in-
terdiction d’examiner la validit6 de la loi 6trang~re ne s’applique pas lorsque le
D6partement d’Etat fait une d6claration en ce sens. Cette exception < Bern- stein a 6t6 6labor6e dans une affaire oii on avait entam6 une action en vue de recouvrer la propri6t6 de biens confisqu6s par les Nazis'. En second lieu, la doctrine de l'Act of State ne s'applique pas lorsque des biens ont 6t6 confisqu6s par un gouvernement 6tranger en violation claire du droit international. Selon l'interpr6tation de la doctrine faite par le juge Harlan dans l'affaire Sabbatino, cette doctrine ne trouve pas application lorsque l'af- faire est r6gie par un < trait6 ou une autre convention sans equivoque >>26.
Enfin, l’amendement & Hickenlooper >27, qui fut adopt6 en r6action t l’ar-
r& Sabbatino, prdvoit que d’une mani~re g6n6rale les tribunaux amdricains ne
peuvent pas invoquer la doctrine de l’Act of State pour refuser d’examiner la
validit6 de la confiscation d’un bien corporel situ6 aux ttats-Unis au regard du
droit international. Cet amendement ne s’applique pas, cependant, si le Pr6-
sident decide que les intdr&s dictds par la politique 6trang~re des ttats-Unis
exigent que les tribunaux appliquent la doctrine dans un cas particulier.

Quelle est la port6e de i’Act of State en mati~re de finance intemationale ?
L’affaire Allied Bank’, d6cid6e au d6but des annees quatre-vingt, a trait6 de

24Voir l’art. 443 du Restatement, supra, note 19 ; Chow, supra, note 18 A lap. 398 ; C. Crockett,
The Relationship Between the Act of State Doctrine and Conflict of Laws and Choice-of-Law
Rules

(1989) 10 N.Y.L. School J. Int’l & Comp. L. 309.

25Bernsteiz c. N.V Nederlandsche-Amerikaansche Stoomvaart-Maatschappij, 210 F.2d 375 (2d

Cir. 1954).

26Sabbatino, supra, note 22 t Ia p. 428.
2722 U.S.C., art. 2370(e)(2).
28Allied Bank Int’l c. Banco Credito Agricola, 566 F. Supp. 1440 (S.D.N.Y. 1983) [ci-apr~s
Allied Bank r 1], conf. par 733 F2d 23 (2d Cir. 1984) [ci-apr~s Allied Bank n 2], annulM lors du
second procs 757 F.2d 516 (2d Cir. 1985) [ci-apr~s Allied Bank n, 3].

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 37

cette question dans un contexte bancaire. Cette affaire concemait trois banques
enti~rement contr6l6es par l’ttat du Costa Rica, qui avaient succ6d6 dans ses
droits et obligations a une banque des iles Cayman, ayant fait faillite apr~s avoir
exerc6 la plupart de ses activit6s au Costa Rica. Parmi les engagements de la
banque faillie, on comptait une dette envers un syndicat de trente-neuf banques
am6ricaines et europ~ennes.

En 1981, la Banque Centrale et le Ministre des Finances du Costa Rica
avaient 6mis une ordonnance qui, pour l’essentiel, interdisait le r~glement de
dettes dues A l’6tranger ; il faut pr6ciser h ce propos que le terme de < dette >>
d~signait tout engagement libell6 dans une monnaie autre que celle du Costa
Rica. Ces d6crets ont eu pour effet de produire un d6faut de paiement suite
auquel en 1982 les pr~teurs ont entam6 une action en vue d’obtenir l’ex6cution
des dettes des banques du Costa Rica, qui avaient accept6 le transfert des pr~ts,
et de recouvrer le solde dfi, d’environ 4,5 millions de dollars U.S., plus les int6-
rats accumul6s. Ces banques avaient accept6 la competence des tribunaux de
New York; New York 6tait aussi le lieu de paiement de cet engagement libell6
en dollars amricains.

Le tribunal de premiere instance admit la d6fense des emprunteurs, fond6e
sur la doctrine de l’Act of State qu’il justifia par le raisonnement de la < s6pa- ration des pouvoirs >>.

Apr~s le jugement rejetant la demande d’Allied Bank, le Costa Rica refi-
nanga la plupart de ses dettes avec des cr6anciers 6trangers. Toutefois, l’une des
banques du syndicat s’opposa au r66chelonnement. En sa qualit6 de chef de file
du syndicat, Allied Bank fit appel contre le jugement au nom et pour le compte
de cette banque.

La Cour d’appel confirma le jugement du tribunal de premiere instance,
mais en se fondant sur une notion que l’on appelle comity, ou courtoisie inter-
nationale, selon laquelle les ttats acceptent les d6cisions d’autres ttats souve-
rains, pourvu que celles-ci ne heurtent pas l’ordre public du for29. Cette << r~gle d'or >> exige que tout Etat se comporte envers les autres comme il voudrait que
les autres se comportent envers lui-meme.

La doctrine de la courtoisie s’applique sous r6serve que la d6cision 6tran-
g~re ne soit pas contraire L l’ordre public am6ricain. En revanche, comme on
l’a d6ja indiqu6, la doctrine de l’Act of State s’applique meme lorsque la d6ci-
l’ordre public am6ricain. Dans
sion du gouvemement 6tranger est contraire
son premier arr&, la Cour d’appel avait consid6r6 que le d6cret costaricain 6tait

29Voir Hilton c. Guyot, 159 U.S. 113 (1895) ; J.R. Paul, Comity in International Law >> (1991)
32 Harv. Int’l L.J. 1. Le professeur Paul analyse A la fois ]a conception dtroite de comity ( a syn-
onym for […] courtesy, politeness, convenience or goodwill between sovereigns >>) et une concep-
tion plus large (< a broader version of comity as a constellation of ideas that courts sometimes employ to manage conflicting public policies between sovereign states >>) (ibid. ,A lap. 4). Voir G.B.
Born, Commentaires (1990) 84 Proc. Am. Soc. Int’l L. 326; H.G. Maier, Commentaires (1990)
84 Proc. Am. Soc. Int’l L. 339 ; J.A.R. Nafziger, Commentaires (1990) 84 Proc. Am. Soc. Int’l
L. 332; T.W. Merrill, Commentaires (1990) 84 Proc. Am. Soc. Int’l L. 335 ; M.K. Young, Com-
mentaires (1990) 84 Proc. Am. Soc. Int’l L. 337.

1992]

L’ARBITRAGE ET LES Dt BITEURS tTRANGERS

385

conforme h la politique am6ricaine”. La Cour a assimil6 les d6crets du Costa
Rica h une << r~organisation >> au sens du chapitre 11 de la loi f6d6rale des Etats-
Unis sur la faillite, qui permet la suspension imm6diate de proc6dures
l’encon-
tre du d6biteur en d6faut de paiement. Elle a consid6r6 que les d6crets en ques-
tion 6quivalaient A un nouvel dchelonnement ayant pour effet de diff6rer les
paiements, et non h une r6pudiation de dette pure et simple.

La premiere d6cision rendue dans cette affaire a provoqu6 un 6tat de choc
dans la communaut6 financi~re new-yorkaise. Nombreux 6taient ceux qui esti-
maient qu’elle pourrait mettre en p6ril la position de New York comme centre
de transactions financi~res, en particulier comme centre international de clear-
ing de dettes libell6es en dollars. La position des banques new-yorkaises se trou-
verait troubl6e par la possibilit6 que les tribunaux am6ricains reconnaissent aux
pays d6biteurs le droit de remettre unilat6ralement en cause la structure de leurs
dettes ext6rieures.

L’agitation et la consternation des banques new-yorkaises A la suite de la
premiere d6cision dans l’affaire Allied Bank incit~rent la Cour d’appel h revoir
l’affaire. Pr~s d’une ann6e plus tard, les memes juges annul~rent leur d6cision
pr~c6dente et ordonn~rent h la juridiction de premiere instance de rendre un
jugement sommaire en faveur du syndicat de banques”.
ls indiqu~rent que la
Cour avait commis une erreur en admettant la conformit6 du d6cret costaricain
A l’ordre public am6ricain. Pour informer les tribunaux sur la politique am6ri-
caine en la mati~re, le D6partement de la Justice a d6pos6 un avis en tant qu’a-
micus curiae, dans lequel il exprimait son souci que la d6cision unilat6rale prise
par le Costa Rica de r66chelonner sa dette ext6rieure ne compromette les initia-
tives multilat6rales visant h r6soudre la crise mondiale de surendettement. Le
fait que la Cour, dans sa seconde d6cision, ait estim6 que les d6crets du Costa
Rica n’6taient pas conformes h l’ordre public am6ricain tint en 6chec une 6ven-
tuelle application du principe de la courtoisie intemationale (comity).

La deuxi~me decision de la Cour d’appel paralt correcte et opportune dans
le contexte g6n6ral de la crise de surendettement. Afin d’encourager l’octroi de
nouveaux cr6dits en faveur des nations d6bitrices, les tribunaux doivent autant
que possible garantir aux banques commerciales l’exdcution de leurs conven-
tions de pr& avec des d6biteurs 6trangers. Le bon fonctionnement du commerce
international, autant que la sant6 des 6tablissements financiers, commandent que
les contrats de pr~t soient honor6s. Permettre A un emprunteur 6tranger
d’6teindre unilat6ralement ses dettes viendrait saper les fondements de la coo-
p6ration financi~re internationale en d6niant le droit un pr~teur le droit de se
faire rembourser.

Selon la doctrine de l’Act of State, l’interdiction de mettre en cause un acte
effectu6 A l’6tranger ne s’applique que dans la mesure ofi l’acte en question con-

30La Cour a fait 6tat de certaines Iettres du Secr6taire d’ttat alors en fonction, George Schultz,
au Pr6sident de ]a Chambre des Repr6sentants, Thomas O’Neill. Ces lettres admettaient le principe
d’une future aide bilatdrale au Costa Rica, en d6pit du fait que ce pays 6tait en d6faut pour le paie-
ment de ses dettes.

3 1AIlied Bank n” 3, supra, note 28.

REVUE DE DROIT DE McGILL

[Vol. 37

cerne des biens situ6s sur le territoire de l’ttat 6tranger 2. Si les avoirs vis6s par
les d6crets du Costa Rica dans l’affaire Allied Bank –
c’est-A-dire la dette des
banques costaricaines –
avaient 6t6 situ6s hors des limites territoriales du Costa
Rica, les tribunaux am6ricains auraient pu examiner librement la validit6 du
contr6le des changes costaricain.

Mais il n’est pas toujours facile de localiser une dette. Les choses intan-
gibles, notamment l’obligation de rembourser une dette, peuvent difficilement
atre rattach6es h un lieu pr6cis de la meme mani~re que les biens corporels,
comme le bois, le sucre ou un connaissement maritime. La dette n’est mat6ria-
lis6e que par son entr6e dans les 6critures comptables d’une banque ou dans ses
ordinateurs.

La solution la plus logique serait de localiser l’obligation de restituer une
somme d’argent dans le pays qui dispose du pouvoir de faire ex6cuter l’obliga-
tion, qui serait normalement le pays ayant comp6tence quant h la personne du
d6biteur33. Comme les d6biteurs, dans le cas de Allied Bank, r6sidaient au Costa
Rica, on aurait pu conclure que le lieu de situation de la dette 6tait le Costa Rica.
Toutefois, dans l’affaire Allied Bank, la Cour d’appel est parvenue h une
solution diff6rente en consid6rant que le Costa Rica n’6tait pas en mesure
d’6teindre complhtement l’obligation des emprunteurs de payer en dollars h
New York. Le d6cret de contrfle des changes avait pour objet la cr6ance des
banques se situant A l’6tranger, dans la mesure oil les d6biteurs avaient accept6
d’effectuer le remboursement i New York et reconnu la comp6tence des tribu-
naux new-yorkais.

Quant A la localisation de la dette, un raisonnement semblable avait 6t6
suivi une ann6e auparavant par la m~me Cour dans l’affaire Garcia c. Chase
Manhattan Bank’. Des clients de la banque avaient intent6 une action en vue
d’obtenir le remboursement de certificats de d6p6t, libell6s en pesos, achet6s A

32Supra, note 19, art. 443.
33Voir Harris c. Balk, 198 U.S. 215 (1905) [ci-apr~s Harris] ; Schaffer c. Heitner, 433 U.S. 186
(1977) [ci-apr s Schaffer] a remis en question ]a conclusion de la Cour supreme dans Harris en
ce qui a trait au principe de la comp6tence dite quasi-in-rem.

Comparer la situation en Suisse oi l’art. 74 du Code des Obligations stipule que:

Le lieu oii robligation doit 8tre ex6cut~e est d6termin6 par la volont6 expresse ou pr6-
sum6e des parties. A d6faut de stipulation contraire, les dispositions suivantes sont
applicables :
1. Lorsqu’il s’agit d’une somme d’argent, le paiement s’opre dans le lieu oii le craan-

cier est domicili6 a 1’6poque du paiement;

2. Lorsque l’obligation porte sur une chose d~termin6e la chose est d61ivr~e dans le

lieu ohi elle se trouvait au temps de Ta conclusion du contrat;

3. Toute autre obligation est excut6e dans le lieu oi le d6biteur 6tait domicili6 lors-

qu’elle a pris naissance.

Pour l’application de ce principe, voir Rdpublique de Guinje c. Maritime International Nominees
Establishment, Tribunal f6d6ral suisse, Ire Cour civile, 4 d6cembre 1985, (1987) 5 ASA Bull. 24
hIa p. 26.

I1 existe en droit fiscal frangais des principes analogues. Voir l’art. 750(2) du Code Gdndral des
ImpOts : < Sont considdr6es comme frangaises, les cr6ances sur un d6biteur qui est 6tabli en France ou qui y a son domicile fiscal [...]. >>

34735 F.2d 645 (2d Cir. 1984).

1992]

L’ARBITRAGE ET LES D1tBITEURS E’TRANGERS

387

Cuba en 1958 et confisqurs l’ann~e suivante par le gouvernement revolution-
naire de Fidel Castro. La banque avait garanti le remboursement par toutes ses
succursales dans le monde et pouvait payer le montant des certificats de drp6t
aussi bien A New York qu’A La Havane.

Les avoirs de la Chase Manhattan avaient d6jA 6t6 transf~rs de force au
gouvemement cubain pour le montant des certificats de d6p6t. Ndanmoins la
Cour jugea que la banque devait payer h nouveau, cette fois-ci au profit des
investisseurs : elle compara la situation un vol dans une succursale, situation
oii le si~ge central serait oblig6 de supporter les consequences du vol et de rem-
bourser les d6posants. Il semble que la Cour se soit laissre influencer par le fait
que les dirigeants de la banque savaient que la srcurit6 des fonds 6tait l’un des
crit~res principaux des demandeurs dans leur choix de la banque. En effet, la
Cour avait trouv6 une clause implicite dans la convention de drp6t, que l’on
appelle << last plane account >> –
par laquelle
il est convenu qu’en cas de crise nationale qui obligerait le client A quitter rapi-
dement le pays35, les fonds seraient transf~rs du pays de dp6t vers un lieu plus
sflr.

une << clause du dernier vol >> –

Deux jours apr~s cette decision, la Cour supreme de l’ttat de New York
parvint t un rrsultat contraire dans un cas peu pros identique impliquant la
m~me banque et un autre de ses clients. Dans 1’affaire Perez c. Chase Manhat-
tan Bank36, la Cour d’appel de New York estima que la doctrine de l’Act of State
s’appliquait A la question de la validit6 de l’expropriation effecture par Cuba.
L’existence d’une succursale de la Chase A Cuba signiflait que la dette pouvait
y 8tre remboursre. Le fait qu’il existait d’autres pays dans lesquels le montant
du d~p6t aurait 6galement pu 8tre restitu6 6tait sans importance.

Dans une autre affaire r6cente, Wells Fargo Asia Ltd c. Citibank37 , la suc-
cursale de la Citibank A Manille avait accept6 des drp6ts de la part d’6tablisse-
ments financiers 6trangers. Ces d6p6ts avaient 6t6 ultrrieurement bloqu6s, en
1983, par la Banque Centrale des Philippines. Le probl~me de Citibank soule-
vait la doctrine de l’Act of State. Si la << cession de crrance >> avait 6t6 imposre
par un souverain 6tranger donc par expropriation, la banque A New York ne
serait pas obligde de rembourser le d6p6t fait A l’6tranger 5 . Or, 6tant donn6 que
New York 6tait le lieu prvu de remboursement, les lois en vigueur A New York
devaient recevoir application pour satisfaire aux intentions concordantes des
parties. Donc on pouvait 6carter la doctrine de ‘Act of State puisque l’intention
des parties 6tait de soumettre le contrat de drp6t et le remboursement A la com-

35Par exemple, lorsque le client venait d’attraper le dernier avion en direction de Miami.
36474 N.Y.S.2d 689 (N.Y. 1984).
37Wells Fargo Asia Ltd c. Citibank, 852 F.2d 657 (2d Cir. 1988) [ci-apres Wells Fargo n 2], conf.
695 F. Supp. 1450 (S.D.N.Y. 1988) [ci-apr~s Wells Fargo n” 1], renvoy6 par la Cour supreme Citi-
batik c. Wells Fargo Asia Ltd, 495 U.S. 660 (1990) [ci-apr~s Wells Fargo n- 3], ensuite conf. par
le Second Circuit 936 F.2d 723 (2d Cir. 1991) [ci-apr~s Wells Fargo n 4], cert. refus6 le 22 juin,
1992 (120 LEd 2d 868). En gdnral, voir P.S. Smedresman et A.F. Lowenfeld, < Eurodollars, Mul- tinational Banks and National Laws >> (1989) 64 N.Y.U.L. Rev. 733 aux pp. 762-74.

la p. 1455 : << A New York court would further recognize such compulsory assignment as an act of a foreign sovereign unreviewable under the Act of State doc- trine. >> I1 est noter que cette conclusion quant h la loi new-yorkaise n’6tait pas forcrment exacte.

3sVoir Wells Fargo n 1, ibid.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 37

p6tence des tribunaux de New York. De fait, la Cour d’appel a confirm6 la con-
clusion du tribunal de premi~re instance selon laquelle Citibank 6tait respon-
sable, puisque les parties avaient convenu que le remboursement se ferait at New
York39 . Dans un 6pisode ultdrieur de l’affaire Wells Fargo (digne d’un roman de
Victor Hugo ou de Charles Dickens)40 la Cour supreme a cass6 l’arrt de la Cour
d’appel et a ordonn6 i celle-ci d’examiner de plus pr~s la question du droit
applicable: le contrat de prt 6tait-il gouvern6 par le droit de New York ou le
droit des Philippines4 ? Apr~s avoir revu cette question, la Cour d’appel a
decid6 en 1991 que le droit de New York 6tait applicable (A d6faut d’un choix
explicite par les parties) 6tant donn6 que la devise du prt 6tait le dollar U.S.
et que la banque ddfenderesse avait son siege A New York. De ce fait, le d6po-
sant des fonds pouvait les rdcupdrer it New York, en l’absence d’accord explicite
prdvoyant le contraire’

.

Le praticien pr&e attention a la doctrine de l’Act of State en vue de prot6-
ger son client. Le th6oricien se doit, quant h lui, d’envisager le contenu de la
doctrine dans une perspective plus gdndrale. Quelle que soit la valeur de la r~gle
de l’Act of State pour garantir la sdcurit6 de titres de propri6t6 sur des biens tan-
gibles, son application A des avoirs tels que des dettes peut paraitre discutable.
Nous ne pourrions mieux conclure cette partie de notre 6tude que par la
citation du regrett6 Francis Mann, 6minente autorit6 sur l’arbitrage et les aspects
juridiques de la monnaie:

It must be hoped that the United States and England […] will rid themselves of a
doctrine that is unknown in the rest of the world, is alien to the judicial function,
and should have no bearing on the effects of foreign exchange control4 3.

B. L’immuniti d’Atat

Au mois de mars 1990, une transaction de 182 livres sterling a mis fin t
un diffrend entre l’International Tin Council (ITC) et ses crdanciers’. Ce litige
6tait n6 cinq ans auparavant, lorsque l’ITC avait suspendu ses opdrations de
< buffer stock >>. Six mois avant le r~glement du litige, la Chambre des Lords
h Londres avait rendu une ddcision reconnaissant le bdndfice de l’immunit6 4
I’ITC pour tout litige avec ses crdanciers 45. Cette immunit6 d~coulait de l’Ac-
cord de si~ge (Headquarters Agreement) pass6 entre l’ITC et le Royaume-Uni.

39<< [We conclude that WFAL was entitled to collect the deposits out of Citibank assets in New York>> (Wells Fargo n 1, supra, note 37 h Ia p. 661).

4011 existe maintenant cinq arrats diff~rents dans cette affaire.
41Voir Wells Fargo n- 3, supra, note 37.
42Wells Fargo n, 4, supra, note 37 A la p. 727: < We conclude that under New York law, unless the parties agree to the contrary, a creditor may collect a debt at a place where the parties have agreed that it is repayable. >>

43FA. Mann, < Foreign Exchange Control Regulations and the United States Courts: A Contri- bution to the Act of State Doctrine >> (1988-89) 2 N.Y. Int’l L. Rev. 10 l la p. 14. Beaucoup de
juristes sont pr~ts a partager cette critique de la doctrine de l’Act of State quand il s’agit de ques-
tions qui touchent le contr6le des changes.

44Voir International Tin Council, Release (30 mars 1990). Voir aussi G. Marston, < The Origins of Personality of International Organisations in United Kingdom Law >> (1991) 40 I.C.L.Q. 403.
45J.H. RaynerLtd c. Dep’t of Trade, [1989] 3 All E.R. 523 (H.L.). L’art. 8 de l’Accord de siege

de 1972 stipule que:

The Council shall have immunity from jurisdiction and execution except: (a) to the

1992]

L’ARBITRAGE ET LES DtBITEURS tTRANGERS

389

Pourtant, cet accord pr6voyait que l’ITC ne serait pas en droit d’invoquer
son immunit6 h l’encontre de l’ex6cution d’une sentence arbitrale46. Cette clause
6tait h l’avantage d’une des socit6s cr6anci~res de I’ITC, la Malaysian Metal
Exchanges, 6tant donn6 que les clauses pr6voyant l’arbitrage 6taient d’usage
dans les contrats pour le commerce des m6taux.

Toute autre, en revanche, 6tait la situation des banques. Tr~s peu d’entre
elles avaient stipul6 des clauses compromissoires dans leurs contrats de pr&.
Seules celles qui avaient eu la pr6voyance d’ins6rer une telle clause dans leurs
accords avec I’ITC 6taient en mesure de b6n6ficier de la renonciation A l’immu-
nit6 pr6vue non seulement dans l’Accord de si~ge, mais 6galement dans le State
Immunity Act britannique, qui s’applique chaque fois qu’une clause d’arbitrage
est accept~e par une institution 6tatique ou para-6tatique47.

Dans le cas des banques costaricaines, la doctrine de l’Act of State ne cons-
tituait pas le seul obstacle juridique potentiel h l’ex6cution de la convention de
prt A leur encontre. Dans 1’affaire Allied Bank, la juridiction de premiere ins-
tance avait aussi eu A se prononcer sur la question de l’immunit6 d’ltat, selon
laquelle un Etat souverain ne peut pas 6tre cit6 devant les tribunaux d’un autre
tat s. L’immunit proc6durale pr6sente des points communs avec la doctrine de
l’Act of State. Elle s’en distingue toutefois. L’immunit6 d’ttat n’est pas li6e an
droit applicable mais constitue plut6t une limitation du pouvoir de juridiction49.
Elle s’applique seulement lorsque l’emprunteur 6tranger est une entit6 gouver-
nementale, alors que la doctrine de l’Act of State peut 8tre invoqu6e m~me par
une banque priv6e lorsque des d6crets sur le contr6le des changes ou un mora-
toire empechent le remboursement de pr&s qui lui ont 6t consentis par des
cr6anciers 6trangers.

Pour le juriste am6ricain, l’une des raisons qui justifie l’immunit6 d’Etat
est semblable h celle sur laquelle se fonde la doctrine de l’Act of State : en pro-
clamant son pouvoir de juridiction sur un ttat souverain 6tranger, un juge ris-
querait d’entraver l’action du pouvoir ex6cutif dans la conduite des rapports
intemationaux .

extent that the Council shall have expressly waived such immunity in a particular case;
[…] (c) in respect of an enforcement of an arbitration award made under either article
23 or article 24 (cit6 dans ibid.

46 L’art. 23 de l’Accord pr6voit l’arbitrage.
47Voir State Immunity Act, 1978, 1978, c. 33, art. 9 [ci-apr~s State Immunity Act]:

la p. 539).

(1) Where a State has agreed in writing to submit a dispute which has arisen, or may
arise, to arbitration, the State is not immune as respects proceedings in the courts of
the United Kingdom which relate to the arbitration.
(2) This section has effect subject to any contrary provision in the arbitration agreement
and does not apply to any arbitration agreement between States.

Voir de fagon g6n6rale C.J. Lewis, State and Diplomatic Immunity, 3e 6d., Londres, Lloyd’s of
London, 1990 aux pp. 74-75, 166-81.
48Allied Bank n- 1, supra, note 28.
49Voir de fagon g6n6rale Lewis, supra, note 47 ; G.M. Badr, State Immunity: An Analytical and
Prognostic View, Boston, Nijhoff, 1984 ; G.R. Delaume, Sovereign Immunity and Public Debt
(1989) 23 Int’l Lawyer 811. Pour une perspective europ6enne, voir C. Reymond, < Souverainet6 de l'.tat et participation A l'arbitrage > [1985] Rev. arb. 517.
50En langage plus direct : On ne doit pas donner aux juges la possibilit6 de faire des betises.

REVUE DE DROIT DE McGILL

[Vol. 37

La loi des ttats-Unis sur l’immunit6 d’ttat, le Foreign Sovereign Immuni-
ties Act de 1976, accorde l’immunit6 aux ttats 6trangers sous r6serve de diff6-
rentes exceptions5′ dont l’une des principales op6re une distinction entre les
actes publics de l’Etat, les actesjure imperii, et ses actes commerciaux, les actes
jure gestionis. L’immunit6 de juridiction ne fait pas obstacle h un proc~s lors-
qu’un Etat ou une entit6 publique s’engage dans une activit6 commerciale52 .
Cette distinction entre activit6s commerciales et activit6s publiques est i la base
de ce que l’on appelle la th6orie << restrictive >> de l’immunit6, en contraste avec
l’ancienne th6orie qui admettait l’immunit6 absolue pour tousles actes de l’Etat.
Cette distinction est connue en droit continental aussi bien qu’en droit
anglo-am6ricain.

En Grande-Bretagne, le State Immunity Act a rapproch6 le droit anglais de
celui du reste du monde occidental53. De meme, ce n’est que depuis vingt ans
que les tribunaux du Qu6bec ont accept6 la doctrine qui distingue les actes com-
merciaux et les actes publics d’un ttat 6tranger 4. La conception << restrictive >>
de l’immunit6 ainsi adopt6e exclut du b6n6fice de l’immunit6 l’ttat qui a agi
dans un contexte commercial55 . La d6finition des transactions commerciales
donn6e par la loi britannique comprend notamment << tout pr& ou autre transac- tion en vue de la fourniture d'un financement >> et toute garantie accord6e h une
transaction financi~re56 .

Par contraste, la th6orie de l’immunit6 absolue est illustr6e par un arrt bri-
tannique du sicle dernier, Mighell c. Sultan of Johore7 . Le Sultan d’un ttat qui
se situe maintenant en Malaisie avait fait une proposition de mariage sous un
nom d’emprunt. Lorsqu’il changea plus tard d’avis (apr6s un week-end h la
campagne, bien sir !), la fianc6e 16s6e intenta une action contre lui pour rupture
de promesse. Le Sultan parvint A 6chapper aux cons6quences de sa proposition
rompue en d6voilant son identit6 r6elle et en plaidant son immunit6 de
souverain.

Dans le FSIA, la notion d’Etat 6tranger comprend une < agence ou une 6manation 6tatique >>8. Une personne morale qui jouit de sa propre personnalit6
juridique, mais dont le capital est d6tenu par un Etat 6tranger est donc habilit6e
h invoquer l’immunit6.

La Suisse a ajout6 un 616ment h sa doctrine de l’immunit6 en exigeant un
rapport entre l’acte de l’ttat 6tranger et la Suisse. La notion de Binnenbezie-
hung, (< rapport interne >>), a 6t6 utilis6e pour exclure la saisie de biens libyens

5128 U.S.C., art. 1330-1332, 1391(t), 1441(d), et 1602-1611. Le lecteur press6 serait bien avis6

de regarder les art. 1602-11 d’abord.

5228 U.S.C.A., art. 1605(a)(2).
53Lewis, supra, note 47 aux pp. 42-44.
54penthouse Studios c. Venezuela (1970), 8 D.L.R. (3d) 686 (C.A.) ; J.-G. Castel, Droit interna-

tional privi qujbdcois, Toronto, Butterworths, 1980.

55La loi op~re en outre une distinction entre l’immunit6 dejuridiction et l’immunit6 d’exdcution.
Voir State Immunity Act, art. 9. Voir de fagon g6n6ale Lewis, supra, note 47 aux pp. 74-75, 166-81.
56En anglais, ( any loan or other transaction for the provision of finance >> (State Immunity Act,

art. 3(3)(b)).

57[1894] 1 Q.B. 149 (C.A.).
58En anglais, (agency or instrumentality >> (28 U.S.C., art. 1603(a) et (b)).

1992]

L’ARBITRAGE ET LES DEBITEURS 1tTRANGERS

391

situ6s en Suisse en application d’une sentence arbitrale rendue au detriment de
la Libye dans un litige dont 1’objet n’avait aucun lien avec la Suisse59 .

II n’y a pas unanimit6 quant A la qualification commerciale ou gouverne-
mentale d’un acte . Dans certains Etats, l’achat de b16 pour la population sera
considrr6 comme un acte public, meme si n’importe quel commergant peut
acheter du b166 . Pour cerner de plus pros la notion d’< activit6 commerciale >>,
il faut donc porter un jugement de valeur sur le rrle proprement dit du
gouvernement.

Sous l’empire du FSIA, la qualification d’une activit6 ne depend pas de la
nature de la transaction, mais de son but. Ce principe grnrral ressort notamment
des travaux prrparatoires de la loi. Le rapport de la Commission judiciaire du
Congr~s relive ce qui suit:

Moreover, both a sale of bonds to the public and a direct loan from a U.S. com-
mercial bank to a foreign government are activities which are of a commercial
nature and should be treated like other similar commercial transactions. Such com-
mercial activities would not otherwise give rise to immunity and would be subject
to U.S. regulation, such as that provided by the securities laws62 .

Par consequent, l’emprunt d’argent constitue une activit6 commerciale.

Apr~s avoir surmont6 l’obstacle de l’immunit6 dejuridiction il reste encore
au pr~teur, s’il a obtenu un jugement en sa faveur, A le faire executer. Le
srquestre ou l’exrcution forcre de biens appartenant un Etat 6tranger est en
principe interdit et la loi ne pr6voit que de rares exceptions a ce principe. Cepen-
dant, les avoirs utilisds pour l’exercice de l’activit6 commerciale sur laquelle se
fonde la demande en justice ne sont pas protrgds par l’immunit6. Certains autres
biens, tels que les fonds d’une banque centrale (sauf refus explicite de la recon-
naissance de leur immunit6) sont toujours prot6g6s par le principe de l’immu-
nit6, part dans les cas oi la banque centrale aurait agi comme une banque com-
merciale dans le cadre d’une transaction d~termin6e.

I1 importe de se rappeler que la defense tirre de l’immunit6 d’ttat ne
trouve pas application lorsque l’Etat 6tranger a expressrment ou implicitement
renonc6 h son privilfge. II en rrsulte que les pr&eurs peuvent 61iminer au moins
ce risque en stipulant la renonciation de l’Etat h ce privilfge, et il semble que
de telles renonciations soient devenues la r~gle dans les emprunts internatio-
naux63. De plus, comme on le verra plus loin, les amendements apportds en 1988

59Socialist Libyan Arabic Popular Jamahiriya c. Libyan American Oil Co. (LIAMCO), Tribunal

f~d~ral suisse, 19 juin 1980, 20 I.L.M. 151 (note G. Delaume), (1981) 62 I.L.R. 228.

6Voir G. Delaume, Lmv and Practice of Transnational Contracts, New York, Oceana, 1988 aux

pp. 240-59 [ci-apr~s Transnational Contracts].

61Voir Victory Transport c. Comisaria General de Abastecimientos y Transportes, 336 F.2d 354

(2d Cir. 1964), cert. refus6 381 U.S. 934 (1964).

62House Judiciary Committee, H.R. Rep. n, 1487, 94e Cong., 2e sess. (1976)
63Voir Transnational Contracts, supra, note 60 A la p. 270: < [L]enders engaged in transnational lending operations currently insist upon stipulating waivers of immunity from both suit and exe- cution in contracts with foreign governments [...]. >> Voir 6galement G. Kahale III, State Loan
Transactions: Foreign Law Restrictions on Waivers of Immunity and Submissions to Jurisdiction >
(1982) 37 Bus. Lawyer 1549.

la p. 10.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 37

au FSIA sur l’immunit6 des Etats pr6voient qu’un ttat 6tranger ne jouit pas de
l’immunit6 dans une action engag6e en vue d’obtenir l’ex6cution de d6cisions
arbitrales ou de faire confirmer des conventions d’arbitrage.

I1 est tout aussi important de souligner que les tribunaux des Etats-Unis
doivent 6galement disposer d’une comp6tence personnelle h l’6gard du d6fen-
deur lui-m~me, competence r6sultant de contacts minimaux (minimum contacts)
avec l’entit6 6trang~re 4.

La perte de son immunit6 de juridiction par un ttat 6tranger qui a contract6
un emprunt ne porte pas nfcessairement un coup fatal A ses possibilit6s de
d6fense. Comme nous l’avons ddjh dit, la n~gociation de l’immunit6 peut deve-
nir purement th6orique lorsque s’applique la doctrine de l’Act of State.

C. Les Statuts du Fonds mongtaire international6′

Les dispositions des Statuts du Fonds mon6taire international (FMI) ont
ajout6 un autre obstacle au remboursement d’une dette contract6e par un
emprunteur 6tranger soumis h un contr6le des changes. En vue de r~duire les
facteurs de distorsion dans le commerce et les mouvements de capitaux entre
ttats, les Accords de Bretton-Woods interdisent d’apporter toute restriction aux
op6rations dites << courantes >>, sans 1’approbation du Fonds. Les op6rations cou-
rantes sont d6finies h l’article XXX comme 6tant des paiements autres que le
transfert de capitaux . Ils comprennent notamment

les paiements dus A titre d’int6r~ts sur des pr~ts […] [et] les paiements d’un mon-
tant mod6r6 pour amortissement d’emprunts […J.

L’article VIII de ces mimes Statuts, qui interdit les restrictions sur les op6ra-
tions courantes, exige aussi des Etats membres qu’ils respectent mutuellement
leurs contr6les des changes lorsque ceux-ci sont conformes aux statuts du FMI.
L’article VIII(2)(b) stipule:

Les contrats de change qui mettent en jeu ]a monnaie d’un Etat membre et sont
contraires aux r6glementations de contr6le des changes que ce membre maintient
en vigueur ou qu’il a introduites en conformit6 avec les pr6sents Statuts ne seront
ex~cutoires sur le territoire d’aucun membre.

En tant qu’Ittat membre du Fonds, les ttats-Unis sont tenus de respecter les dis-
positions de contr6le des changes mises en place par un autre pays membre

64Voir la discussion dans International Shoe c. State of Washington, 326 U.S. 310 (1945) ; Schaf-
fer, supra, note 33 ; Burger King c. Rudzeivicz, 471 U.S. 462 (1985) ; Asahi Mital c. California,
107 S.Ct. 1026 (1987).
65Voir de faqon gdn~rale J. Gold, Legal and Institutional Aspects of the International Monetary
System: Selected Essays, Washington, FMI, 1979 ; Legal Effects of Fluctuating Exchange Rates,
Washington, FMI, 1990 aux pp. 1-30 ; The Fund Agreement in the Courts, t. 1, Washington, FMI,
1962 et t. 2, Washington, FMI, 1982 [ci-apr~s Fund Agreement n’ 2] ; I. Seidle-Hohenveldem,

(1989) 23 Int’l
Lawyer 957.

66Accord relatifau Fonds monitaire international, 27 d6cembre 1945, 2 R.T.N.U. 39, 60 Stat.
1401, T.I.A.S. n 1501, incorpor6 dans le deuxi~me avenant aux Statuts, ler avril 1978, 29 U.S.T.
2203, T.I.A.S. n 8937.

1992]

L’ARBITRAGE ET LES DtBITEURS ItTRANGERS

393

m~me lorsque celles-ci empachent un d6biteur 6tranger de rembourser une ban-
que am6ricaine. Cette obligation s’applique lorsque la convention de prat peut
8tre consid6r6e comme une convention de change et si les contr6les impos6s
sont conformes
la Convention de Bretton-Woods ; tel est le cas si ces contr6les
ont 6t6 approuv6s par le FMI ou s’ils ne restreignent pas les op6rations cou-
rantes qui comprennent, selon 1’article XXX, les int6r~ts sur des pr~ts et les
paiements mod6r6s pour amortir des pr~ts.

Mais l’accord est loin de r6gner en doctrine et en pratique sur ce qui cons-
titue une convention de change. La doctrine anglo-am6ricaine interpr~te d’une
fagon stricte la convention de change comme un contrat visant l’6change d’une
monnaie nationale contre une autre67. Cette interpr6tation convient bien aux
int6rts du cr6ancier qui souhaite soustraire le prt du champ d’application des
Statuts du FMI.

L’interpr~tation de < contrat de change >> par les tribunaux du continent est
plus large, et donc plus favorable aux int6rets du d6biteur. A ce sujet, on peut
se r6fdrer aux arr~ts rendus notamment par les tribunaux frangais et allemands6″.
La d6finition continentale du contrat de change comprend toute transaction qui
affecte les ressources de change d’un ttat, et donc une bonne partie des contrats
financiers entre les r6sidents de diff6rents pays69.

Cette question a 6t6 trait6e dans l’arrt Libra Bank c. Banco Nacional de
Costa Rica7 , qui portait sur un montant de 40 millions de dollars U.S. prt~s
par un syndicat bancaire sous la direction d’une banque britannique
la Banco
Nacional de Costa Rica en vue de financer la production et les exportations de
sucre. A la suite d’un d6faut de paiement dfi an d6cret de contr6le des changes
d6j 6voqu6 dans l’affaire Allied Bank, une action a 6t6 intent6e h New York
contre les emprunteurs. Le tribunal a jug6 que le situs de la dette se trouvait hors
du Costa Rica, et par cons6quent la doctrine de l’Act of State ne constituait pas
un obstacle au paiement.

Le principe de reconnaissance des d6cisions 6trang~res an nom de la cour-
toisie intemationale ne prot6geait pas non plus les emprunteurs. Le d6cret du
Costa Rica sur le contr6le des changes constituait une expropriation sans indem-
nit6, contraire h l’ordre public am6ricain. Interijetant appel de ce jugement en
faveur du prteur, la Banco Nacional a soutenu que les prts constituaient des

67Voir Libra Bank c. Banco Nacional, 570 F Supp. 870 (S.D.N.Y. 1983) [ci-apr~s Libra Bank] ;
United City Merchants c. Royal Bank, [1983] A.C. 168 (H.L.) [ci-apr~s United City Merchants].
68Voir le commentaire de B. Audit sur deux arr~ts de ]a Cour de cassation frangaise dans (1975)
102 JDI 66. Voir 6galement J. Gold, << Article VIII, Section 2(b) of the IMF Articles in its Inter- national Setting > dans N. Han, 6d., The Law of International Trade Finance, Deventer, Pays-Bas,
Kluwer, 1989, 65 A la p. 86 ; P. Cresswell et al., Encyclopedia of Banking Law, Londres, 1987,
F1604; Paris, 20 juin 1961, de Boer, Widow Moojen c. Von Reichert, (1962) 89 JDI 718 ; en Alle-
magne, Lessinger c. Mirau, (1955) 22 I.L.R. 725 ; au Luxembourg, Socijtj Filature et 7issage X.
Jourdain c. Heynen-Bintner, (1955) 22 I.L.R. 727. Voir de fagon g6n6ale A.T. Marks, < Exchange Control Regulations Within the Meaning of the Bretton Woods Agreement: A Comparison of Judi- cial Interpretation in the United States and Europe >> (1990) 8 Int’l Tax & Bus. Law 104.

69W.E. Ebke, < Article VIII, Section 2(b), International Monetary Cooperation and the Courts >>

(1989) 23 Int’l Lawyer 677 aux pp. 686-90; Audit, ibid.

7 0Libra Bank, supra, note 67.

REVUE DE DROIT DE McGILL

[Vol. 37

contrats de change au sens de 1’article VIH(2)(b) des statuts du FMI. La Cour
n’a pas admis cet argument. Elle a interpr6t6 de mani~re limitative la notion de
contrat de change comme ne recouvrant que les 6changes d’une monnaie contre
une autre et non pas tous les contrats impliquant des transferts mon6taires. Ce
faisant, elle a refus6 l’interpr6tation plus large sugg6r6e par le Conseil juridique
du FMI selon laquelle un contrat de change comprendrait toute convention entre
un r6sident et un non-r6sident obligeant au paiement ou transfert en une mon-
naie soit nationale, soit 6trang~re, susceptible d’affecter la balance des paie-
ments d’un ttat membrel.

Une interpr6tation 6troite a 6galement 6t6 donn6e en Angleterre par la
Chambre des Lords, dans l’affaire United City Merchants c. Royal Bank of
Canada72. Cette affaire concemait une lettre de cr6dit 6mise en vue de financer
la vente d’6quipements h une soci6t6 p6ruvienne, en violation des prescriptions
du P6rou sur le contr6le des changes. Lord Diplock a estim6 que la notion de
contrat de change se limitait aux contrats concernant l’6change de la monnaie
d’un pays contre la monnaie d’un autre pays 3.

II. Les clauses compromissoires dans les contrats de prft

Nous avons examin6 trois obstacles potentiels A l’ex6cution des conven-
tions de pr&t conclues avec des emprunteurs 6trangers: l’immunit6 d’ltat, la
doctrine de l’Act of State et les Statuts du FMI. Une clause compromissoire pr6-
voyant l’arbitrage, incluse dans une convention de pret, peut permettre aux ban-
ques de franchir au moins deux de ces obstacles: la doctrine de l’Act of State
et celle de l’immunit6 d’ttat. De surcroit, une sentence arbitrale sera parfois
plus facile A faire ex6cuter qu’une d6cisionjudiciaire. Plus de quatre-vingts pays
ont adh6r6 h la Convention de New York sur les sentences arbitrales. Mais
aucun pays –
pas un seul – n’a conclu avec les ttats-Unis de trait6 bilat6ral
sur l’ex6cution des jugements. En demier lieu, l’arbitrage peut adoucir le r6sul-
tat d’une action intent6e par un d6biteur qui invoque la responsabilit6 du bail-
leur de fonds (lender liability) quand un banquier refuse de pr~ter de nouveaux
fonds.

A. Les Conventions de New York, de Genbve et de Panama74

II n’est pas surprenant que l’on pr6fere voir les litiges tranch6s chez soi
plut6t que chez son adversaire. Aussi les banques ont-elles souvent impos6 aux

71Voir Fund Agreement n* 2, supra, note 65

t la p. 281 :

Exchange contracts are contracts between a resident and a nonresident calling for a
payment or transfer in currency, whether domestic or foreign from the standpoint of the
member [whose exchange controls have not been observed] that can affect its balance
of payments.

72 United City Merchants, supra, note 67.
73Libra Bank, supra, note 67 aux pp. 899-900.
74Supra, note 10. Les pays suivants ont adh6r6 h ]a Convention de New York: Afrique du Sud,
Alg6ie, Allemagne, Antigua et Barbuda, Argentine, Australie, Autriche, BahreYn, Belgique, B6nin,
Bi6lorussie, Botswana, Bulgarie, Burkina Faso, Cambodge (Kampuchea), Cameroun, Canada,
Chili, Chine, Colombie, Costa Rica, Cuba, Chypre, Cor6e du Sud, Danemark, Djibouti, Domi-
nique, E gypte, El Salvador, Equateur, Espagne, Etats-Unis, Finlande, France, Ghana, Grande-

1992]

L’ARBITRAGE ET LES D1tBITEURS ]tTRANGERS

395

emprunteurs le for du siege de la banque, par exemple la High Court de Londres
pour les banques britanniques, ou les tribunaux de New York pour les banques
am6ricaines.

Mais que se passe-t-il quand le d6biteur ne poss~de d’actifs ni dans

‘ttat
du for convenu, ni dans un pays avee lequel le for a conclu un trait6 pour la
reconnaissance de jugements 6trangers ? Si le d6biteur ne poss~de des biens que
dans un pays autre que l’Etat du for, et si ce pays ne reconnalt les jugements
6trangers qu’avec difficult6, le banquier pourrait envisager d’inclure une clause
d’arbitrage dans son contrat de pr~t afin d’8tre effectivement en mesure de faire
valoir sa cr~ance.

Un banquier qui se voit oblig6 d’introduire une proc6dure en exequatur se
rendra compte qu’un grand nombre de pays, y compris les ttats-Unis, ne sont
pas partie h un quelconque trait6 international en matire de reconnaissance et
d’ex6cution des jugements 6trangers75. De surcroit, le droit du pays oi sont
situ6s les actifs du d6biteur d6faillant ne connait pas toujours de r~gles efficaces
pour faire ex6cuter ou meme reconnaitre un jugement 6trangerF6. Par cons6-
quent, la banque cr6anci~re ne peut pas toujours 8tre certaine que son d6biteur
aura des actifs saisissables dans un pays qui permette la reconnaissance et l’ex6-
cution de jugements 6trangers.

En revanche, les sentences arbitrales 6trang~res sont reconnues selon la
Convention de New York dans les quatre-vingt-cinq pays qui y ont adh6r6. La
Convention de New York, ratifi6e par la plupart des pays industrialis6s et plu-
sieurs pays en voie de d6veloppement, exige le respect de la volont6 des parties
de sournettre leur litige A un arbitrage. La Convention donne done aux parties
A un contrat international une certaine chance d’6viter la justice locale (home

Bretagne, Gr&e, Guatemala, Haiti, Hongrie, Inde, Indon6sie, Irlande, IsraEl, Italie, Japon, Jorda-
nie, Kenya, Koweit, Lesotho, Luxembourg, Madagascar, Malaisie, Maroc, Mexique, Monaco,
Nouvelle-7_6lande, Niger, Nigdia, Norv~ge, Pakistan, Panama, Pays-Bas, Prou, Philippines,
Pologne, R6publique Centrafricaine, Roumanie, Saint-Si~ge, San Marino, Singapour, Sri Lanka,
Su~de, Suisse, Syrie, Tanzanie, Tchcoslovaquie, Thallande, Trinit6 et Tobago, Tunisie, Ukraine,
URSS, Uruguay et Yougoslavie.

Voir l’ouvrage essentiel de A.J. van den Berg, The New York Arbitration Convention of 1958:

Towards a Uniforn Judicial Interpretation, Deventer, Pays-Bas, Kluwer, 1981.

75Par contre, les pays de ]a C.E.E. sont lies par la Convention de Bruxelles sur la compdtence
judiciaire et l’exdcution des jugements, 27 septembre 1968, 21 J.0. Comm. Eur. (n* L 304) 77, 8
I.L.M. 229 [ci-aprs Convention de Bruxelles]. I1 est a noter que les questions touchant l’arbitrage
sont exclues du champ d’application de la Convention. Voir l’art. 1(4), qui fut interpr6t6 par ]a Cour
de Justice des Communaut6s Europ6ennes dans l’affaire Marc Rich c. Societa Italiana Impianti
P.A. (n’ 190/89), 25 juillet 1991, (1991) 7 Arb. Int’l 197 (comm. M. Darmon). Le 16 septembre
1988 les pays europ6ens qui ne sont pas membres du March6 Commun ont conclu avec ces der-
niers la Convention concernant la compdtence judiciaire et l’exicution des dicisions en matikre
la Con-
civile et connerciale, 29 I.L.M. 1481 [ci-apr~s Convention de Lugano], qui est analogue
vention de Bruxelles. Voir G.A.L. Droz, La Convention de Lugano parall~le h la Convention de
Bruxelles concernant la comp6tence judiciaire et l’ex~cution des d6cisions en mati~re civile et
commerciale >> (1989) 78 Rev. crit. dr. int. priv6 1 ; B. Audit, supra, note 21 aux n7 580-88 ; H.
Gautier et E. Stormann, Lugano Convention on Jurisdiction and Enforcement of Judgments >>
(1991) Int’l Bus. Lawyer 410. La Convention entrera vraisemblablement en vigueur A la fin de
1992.

76Voir supra, note 11 et texte correspondant.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 37

town justice) qui pourrait leur etre appliqu6e par un tribunal 6tranger. La Con-
vention contient des dispositions en vue d’assurer l’ex6cution des sentences et
6galement de garantir une proc6dure arbitrale correcte et en conformit6 avec les
principes fondamentaux de l’ordre public. En plus, la Convention europ6enne
sign6e A Gen~ve en 1961 et la Convention interam6ricaine sign6e A. Panama en
1975 facilitent A peu pr~s de la m~me fagon la reconnaissance des clauses com-
promissoires et des sentences 6trang~res.

La clause d’arbitrage devrait pr6voir que les litiges issus du contrat de pret
seront r6gl6s selon les r~gles d’arbitrage d’une institution telle que la Chambre
de Commerce Internationale 77, la London Court of International Arbitration “8,
l’American Arbitration Association” ou le Centre international pour le r~gle-
ment des diff6rends relatifs aux investissements (CIRDI) sous 1’6gide de la Ban-
que mondiale A Washington”. Elle peut par ailleurs pr6voir un arbitrage hors
d’une institution arbitrale, selon le r~glement CNUDCI (UNCITRAL) de la
Commission des Nations Unies pour le droit du commerce international”, ou le
r~glement CPR du Center for Public Resources A New York82.

Les conventions d’arbitrage constituent un genre de prorogation de for
ant6rieure h tout litige et, en droit am6ricain, elles sont normalement admises
dans les contrats intemationaux alors m~me qu’elles ne le seraient pas dans un
contexte purement interne. Le premier arr~t par lequel la Cour supreme des
ttats-Unis a admis une clause d’61ection de for remonte A une quinzaine d’an-
n6es : il s’agit de l’affaire Scherk c. Alberto Culver 3, dans laquelle la Cour
supreme a explicitement 61argi le domaine dans lequel une prorogation de for
pouvait valablement 8tre stipul6e dans un contrat international. Cette affaire
portait sur des valeurs mobilires. k l’6poque, un contrat entre deux r6sidents
des Etats-Unis n’aurait pas pu valablement inclure une telle clause 4. En 1985,
la Cour supreme a jug6 dans l’arret bien connu de Mitsubishi 5 que les conven-

2e 6d., New York, Oceana, 1990 [ci-apr~s International Chamber of Commerce Arbitration].

77Voir W.L. Craig, W.W. Park et J.P. Paulsson, International Chamber of Commerce Arbitration,
78Voir R.J. Medalie, 6d., CommercialArbitration for the 1990s, New York, American Bar Asso-
ciation, 1991 aux pp. 314-26, appendice 15 [ci-apr~s Commercial Arbitration for the 1990s] ; M.
Hunter et J. Paulsson, << A Commentary on the 1985 Rules of the London Court of International Arbitration >>, dans P. Sanders, 6d., Yearbook: Commercial Arbitration, t. X, Deventer, Pays-Bas,
I.C.C.A., 1985, 167.
79Voir les appendices 8 et 9 dans Medalie, ibid. aux pp. 238-58. I1 est h noter que rAmerican
Arbitration Association poss~de, depuis mars 1991, des r~gles sp6cifiques 4 ‘arbitrage
international.
8Voir G.R. Delaume, << Le Centre international pour le r~glement des diff~rends relatifs aux investissements >> (1982) 109 JDI 775.

Boston, Nijhoff, 1986.

8 1Voir I.I. Dor6, Arbitration and Conciliation Under the UNCITRAL Rules: A Textual Analysis,
82Center for Public Resources, Rules and Commentary for Non-Administered Arbitration of

International Disputes, New York, CPR Legal Programs, 1992.

83417 U.S. 506 (1974).
84Voir Wilko c. Swan, 346 U.S. 427 (1953) [ci-apr~s Wilko]. Dans Rodriguez de Quijas c.
Shearson/American Express, 490 U.S. 477 (1989) [ci-apr~s Rodriguez], ]a Cour supreme a d6cid6
de ne pas suivre sa d6cision dans l’arr&t Wilko.
85Mitsubishi Motors c. Soler Chrysler Plymouth, 473 U.S. 614 (1985) [ci-apr s Mitsubishi]. Voir
de fagon g6n6rale W.W. Park, << Private Adjudicators and the Public Interest: The Expanding Scope 1992] L'ARBITRAGE ET LES Dt BITEURS tITRANGERS 397 tions d'arbitrage s'appliqueraient aux contrats internationaux m~me si l'affaire am~ne h 6voquer des dispositions d'ordre public telles que celles du droit anti- trust, lesquelles ne peuvent pas 8tre r6glres par voie d'arbitrage dans un con- texte purement interne. Cela dit, il convient de rappeler que souvent 1'arbitrage s'impose faute de mieux et qu'en certaines occasions les proc6dures arbitrales ne sont pas toujours idoines pour le r~glement de diffdrends relatifs aux conven- tions de prt. L'arbitrage peut se traduire par une procedure longue, complexe et onrreuse m~me si rien d'essentiel n'est en litige, sinon la volont6 ou la capa- cit6 de l'emprunteur de rembourser une dette. De plus, l'arbitrage peut empe- cher le pr&eur de recourir A la procedure sommaire appliqu6e par de nombreux droits nationaux, notamment le droit cambiaire, permettant de simplifier et d'ac- c~ldrer les proc6dures en vue de faire executer des engagements matrrialisrs par des lettres de changes ou des billets t ordre86 . Aux ttats-Unis, dans certaines Cours d'appel, les clauses d'arbitrage peuvent aussi faire obstacle A des mesures provisoires telles que la saisie d'avoirs - du moins si les parties ne se sont pas express6ment prononc6es sur la question dans leur convention d'arbitrage. En effet, les avis des tribunaux divergent: le blocage a 6t6 autoris6 dans l'affaire Uranexs", mais pas dans l'af- faire McCreary Tire8". D'autres juridictions frdrales (les Circuits) ont autoris6 des mesures provisoires dans des affaires soumises h la procedure arbitrale. Par exemple, dans 1'affaire Teradyne Inc. c. Mostek Corporation"8, la Cour d'appel pour le premier Circuit a rendu un arr& sur des mesures provisoires bloquant quatre millions de dollars U.S. sur les avoirs du drfendeur, jusqu'h l'issue de la procedure d'arbitrage. D'autres tribunaux ont eux aussi prononc6 des mesures provisoires dans les litiges soumis h une procedure arbitrale, et cette tendance semble etre dominante 0 . of International Arbitration >> (1986) 12 Brooklyn J. Int’l L. 629 ; T.E. Carbonneau, Mitsubishi:
The Folly Quixotic Internationalism >> (1986) 2 Arb. Int’l 116 ; H. Smit, Mitsubishi: It Is Not
What It Seems To Be >> (1987) 4:3 L Int’l Arb. 7 aux pp. 14-17.

86Sur l’opposabilit6 des exceptions, voir Code de Commerce [frangais], art. 121 ; Gavalda et
Stoufflet, supra, note 8. En droit amricain, le porteur de bonne foi d’un billet t ordre (holder in
due course) a le brnrfice de certaines prsomptions quant
]a validit6 de plusieurs 616ments du
billet, telle la signature. Voir U.C.C., art. 3-302, 3-305 et 3-307.

87Carolina Power & Light c. Uranex, 451 F. Supp. 1044 (N.D. Cal. 1977), permettant une saisie

avant que la sentence arbitrale ne soit rendue.

88McCreary 7Tre, supra, note 9, refusant une saisie avant que la sentence arbitrale ne soit rendue.
89797 F.2d 43 (1st Cir. 1986).
90Sur ]a divergence d’opinions parmi les tribunaux aux Etats-Unis, voir M.F. Hoellering,
Interim Measures and Arbitration >> dans Arbitration and the Law (1990-91), New York, AAA,
1991, 154; Interim Relief in Aid of International Commercial Arbitration >> (1984) Wis. Int’l L.J.
I; RGI hc. c. Tucker & Assoc., 858 F.2d 227 (5th Cir. 1988) ; Merrill Lynch c. Bradley, 756 F.2d
1048 (4th Cir. 1985) ; Roso-Lino Beverage Distributors c. Coca-Cola Bottling, 749 F.2d 124 (2d
Cir. 1984) ; Sauer-Getriebe KG c. White Hydraulics, Inc., 715 F.2d 348 (7th Cir. 1983), cert. refus6
464 U.S. 1070 (1984). Voir de fa~on grnrrale J. Buhart, Attachments and Other Interim Court
Remedies in Support of Arbitration, France >> [1984] Int’l Bus. Law. 107 ; D.W. Shenton, Attach-
ments and Other Interim Court Remedies in Support of Arbitration: The English Courts >> [1984]
Int’l Bus. Law. 101.

En ce qui concerne un arbitrage CIRDI ofi ]a saisie a dt6 accordde, voir Ripublique populaire
revolutionnaire de Guinde c. Atlantic Trinton, 18 novembre 1986, Cass. civ. ire, [1987] Rev. arb.
315, 26 I.L.M. 373. La position suisse dans ]a meme affaire 6tait de refuser la saisie provisoire;

REVUE DE DROIT DE McGILL

[Vol. 37

B. L’immuniti d’Etat et la doctrine de ‘Act of State

Dans plusieurs pays les tribunaux ont rendu des d6cisions selon lesquelles
une clause compromissoire constitue une renonciation t l’immunit6 d’Etat, tant
en ce qui concerne l’immunit6 de juridiction que l’immunit6 d’ex~cution 91. Aux
Etats-Unis, les modifications apport~es en 1988 au FSIA tendent explicitement
h limiter la possibilit6 pour un d6biteur de se pr6valoir de l’immunit6 d’Etat
pour faire obstacle A la saisie de ses actifs lorsqu’il a sign6 une clause compro-
missoire ou a fait l’objet d’une sentence arbitrale. D6sormais, le FSIA dispose
qu’un ttat ou une institution para-6tatique ne saurait se pr6valoir de son immu-
nit6 a l’encontre d’une action judiciaire tendant h faire respecter une clause
compromissoire ou a faire ex6cuter une sentence arbitrale.

Toutefois cette limitation de l’immunit6 d’ttat est soumise t deux condi-
tions : (i) la clause compromissoire ou la sentence arbitrale doit concerner un
arbitrage qui a lieu aux Etats-Unis ou (ii) la clause ou la sentence arbitrale doit
8tre soumise h une convention intemationale qui exige la reconnaissance et
l’ex6cution des sentences arbitrales. Tel serait le cas d’une sentence couverte
par la Convention de New York.

En second lieu, la loi f6d6rale sur l’arbitrage, le United States Arbitration
Act, a 6t6 modifi6e pour que la doctrine de l’Act of State ne fasse plus obstacle
, la reconnaissance ou l’ex6cution d’une sentence arbitrale. Cette loi pr6voit
d~sormais que

[e]nforcement of arbitral agreements, confirmation of arbitral awards, and execu-
tion upon judgments based on orders confirming such awards shall not be refused
on the basis of the Act of State doctrine92.

Ces r~formes sont parfois appel6es les < Amendements LIAMCO en r6frence a une affaire jug~e en 1980, Libyan American Oil Co. c. Libya93, dans laquelle l'immunit6 d'lttat et la doctrine de l'Act of State avaient 6t6 invoqu6es pour s'opposer h l'ex~cution d'une sentence arbitrale rendue dans un litige issu de la nationalisation par la Libye de concessions p6troli~res en mains amricaines. 1 est important de souligner l'6lment territorial de cette nouvelle loi. Le texte pr6voit qu'une convention d'arbitrage ou une sentence arbitrale est ex6cu- toire aux Etats-Unis si la sentence a 6t6 rendue aux Etats-Unis ou si la sentence est r6gie par un trait6 international en vigueur aux Etats-Unis exigeant la recon- naissance et l'ex6cution des sentences arbitrales. Mais rien n'est dit sur les sen- voir Guinge c. Maritime International Nominees Establishment, 7 octobre 1986, 26 I.L.M. 382, d6cision rendue par l'Office suisse des poursuites. 91Voir de fagon g6n6rale ]a jurisprudence cit~e par: Delaume, supra, note 60 aux pp. 363-75, dans J.D.H. Lew, 6d., Contemporary 394-97 ; H. Fox, Sovereign Immunity and Arbitration Problems in International Arbitration, London, School of International Arbitration, Queen Mary College, 1986, 323. Voir 6galement l'affaire SEEE : France c. Socigtrs europiennes d'diudes d'entreprise, Cass. civ. Ire, 18 novembre 1986, (1987) 76 Rev. crit. dr. int. priv6 786 (comm. P. Mayer) a la p. 788. 929 U.S.C., art. 15. 93482 F. Supp. 1175 (D.D.C. 1980). En mai 1980, l'effet de cette decision a dt6 suspendu par la Cour d'appel f~d~rale du District de Columbia; voir ses ordonnances n 80-1207 et n' 80-1252. 1992] L'ARBITRAGE ET LES D1tBITEURS ItTRANGERS 399 tences rendues hors des ttats-Unis, dans un pays avec lequel les Etats-Unis n'ont pas conclu de traitS. Il en r~sulte que, dans un tel cas, la sentence ne cons- tituerait pas une base suffisante pour admettre la competence des tribunaux am~ricains pour son execution. Etant donn6 que le FSIA pr6voit qu' certaines conditions les Etats 6tran- gers ne peuvent invoquer leur immunit6 devant les juridictions des ttats-Unis pour s'opposer une action visant L obtenir l'ex6cution d'une convention d'ar- bitrage ou la confirmation d'une sentence arbitrale, l'ex6cution des sentences arbitrales b6n6ficie souvent d'un traitement plus favorable que l'ex6cution des jugements des tribunaux ordinaires94. Normalement, le FSIA pr6voit qu'un jugement rendu contre un ttat 6tran- ger ou son 6manation ne peut tre ex~cut6 que si les biens saisis sont utilis~s dans l'exercise de la m~me activit6 commerciale que celle qui a donn6 lieu A la sentence arbitrale. La loi exige un lien dit << fonctionnel >> entre les biens A saisir
et les op6rations commerciales qui ont donn6 lieu au litige lui-m~me. Seuls des
biens utilis6s dans la meme activit6 commerciale seront saisissables, et ne b6n6-
ficieront pas de l’immunit6.

Or, dans le cadre d’un litige financier, cette exigence d’un << lien fonction- nel >> pose habituellement un probl~me s6rieux pour le banquier et tend A limiter
la saisie d’actifs aux biens qui ont 6t6 d~sign6s d’avance comme pouvant servir
au remboursement. Toutefois, lorsque le d6biteur est en d6faut, il y a fort A
parier que les actifs pr~alablement design6s seront difficiles A trouver, ou auront
disparu.

En revanche, dans le contexte d’un arbitrage international, les modifica-
tions apport6es en 1988 au FSIA ont aboli la n6cessit6 d’un lien de connexit6.
La loi pr6voit que les biens d’un ttat 6tranger se trouvant aux Etats-Unis ne
b6n6ficieront de l’immunit6 d’ex~cution que lorsque la saisie est fond6e sur un
jugement de reconnaissance d’une sentence arbitrale95. De ce fait, comme nous
l’avons d6jt constat6, parfois une sentence arbitrale rendue contre un d6biteur
6tranger peut etre plus facilement ex6cut~e que le jugement d’un tribunal.

En r6sum6, les r~cents amendements LTAMCO constituent une aide pr&-
cieuse pour les banques, leur permettant de surmonter le double obstacle que
constituent l’immunit6 d’Etat et la doctrine de l’Act of State. Les prateurs
peuvent ainsi esp~rer < faire d'une pierre deux coups >>.

C. Les Statuts du Fonds monitaire international

On peut se demander si un litige mettant en cause les r6glementations de
contr6le des changes et l’article VTI(2)(b) des Statuts du FMvll 96 doit 8tre con-
sider6 comme arbitrable, c’est-A-dire susceptible d’etre r6g16 par voie d’arbi-
trage, dos lors que le contr6le des changes et les Statuts du FMI sont des dis-

9428 U.S.C., art. 1605 (a)(5), art. 1610 (a)(6).
9528 U.S.C., art. 1610 (a)(6).
96Supra, note 66.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 37

positions de droit public dont l’interprdtation est peut-8tre trop importante pour
etre laiss6e h l’appr6ciation d’arbitres priv6s.

En ce qui concerne les ttats-Unis, pour le moins, la r6ponse devrait atre
affirmative : un litige ayant trait au contr6le des changes est susceptible d’6tre
tranch6 par des arbitres. Dans l’affaire Mitsubishi 9′, la Cour supreme a jug6 que
des questions d’ordre public touchant les lois antitrust peuvent dans un contexte
international 6tre soumises
des arbitres. Les questions antitrust n’6tant pas
moins importantes pour l’ordre public am6ricain que le contr6le des changes
(inconnu aux Etats-Unis), il est difficile de voir pourquoi une r~gle plus restric-
tive devrait jouer dans ce dernier cas 8.

D. Tribunal d’un itat neutre : une alternative t l’arbitrage ?

Une convention d’arbitrage ne constitue qu’une option parmi d’autres. Une
autre possibilit6 est de faire 6lection de for aupr6s du tribunal d’un ttat neutre.
Toutefois, les craintes que les juges nationaux puissent avoir des pr6jug6s
empechent en g6n6ral les parties de convenir de soumettre leur litige it l’appr6-
ciation d’un tribunal 6tranger, ou A des juristes de pays qui ne jouissent pas
d’une tradition d’ind6pendance juridique. Les pays en voie de d6veloppement
sont par ailleurs souvent hostiles h une prescription de for en faveur des tribu-
naux des anciennes puissances coloniales, quelle que puisse 8tre leur exp6rience
juridique et commerciale.

Tout aussi important est le fait qu’on ne peut pas toujours 8tre stir d’avance
qu’un tribunal 6tatique acceptera d’exercer son propre pouvoir de juridiction.
Bien des tribunaux s’y opposeront pour des litiges entre des parties n’ayant pas
de lien suffisant avec le pays choisi comme for judiciaire.

I1 existe dans certains ttats une jurisprudence hostile h des clauses d’61ec-
tion de for. Cette jurisprudence peut semer de l’incertitude qui va t l’encontre
du but recherch6 par les parties quand elles ont consenti t la clause99. D’autres
ttats ont l6gifr6 pour permettre des actions fond~es sur une telle clause, mais
seulement h l’int6rieur de certaines limites quant au montant en jeu ou au droit
applicable. L’ltat de New York”0, par exemple, a modifi6 sa General Obliga-
tions Law, qui dispose que d6sormais toute personne peut intenter une action

97Mitsubishi, supra, note 85. Voir 6galement Sonatrach c. Distrigas, 80 Bankr. 606 (D. Mass.

1987) ; Rodriguez, supra, note 84.

9SLe professeur Sandrock de l’Universit6 de Minster parvient A une conclusion semblable pour
Ta R~publique f6d&ale d’Allemagne, A savoir que l’arbitrage est admissible, au moins lorsque l’ap-
plication de l’art. VIH(2)(b) n’est pas la seule question en litige (<< Are Disputes Over the Appli- cation of Article VIII, Section 2(b) of the IM Treaty Arbitrable ? > (1989) 23 Int’l Lawyer 933).
99Voir par exemple, Nashua River Paper Co. c. Hammernill Paper Co., 223 Mass. 8 (1916), un
arr~t qui d6sapprouvait les clauses d’6lection de for, et qui n’a jamais 6t6 rejet6, nonobstant les
questions soulev6es en obiter dans certains jugements plus r~cents. Voir Grace c. Hartford Acci-
dent & Indemnity, 407 Mass. 572 (1991) A Ta p. 582 n. 13.

“Normalement, ]a New York Business Corporation Law (consol. d~cembre 1991) restreint la
possibilit6 pour une soci~t6 6trang~re d’intenter une action contre une autre soci~t 6trang~re A
New York. L’art. 1314 de cette loi stipule qu’une action contre une soci&t6 6trangre (c’est-a-dire
constitute selon Ta 16gislation d’un pays autre que les ttats-Unis ou ne possdant pas de sibge aux

1992]

L’ARBITRAGE ET LES DtBITEURS ETRANGERS

401

contre une socirt6 6trang~re si l’action est nre d’un contrat qui contient une
clause drsignant New York comme for, mais
la condition que ce contrat ait
td soumis h la loi de New York et porte sur un montant global d’au moins un
million de dollars 01.

Mme si un juge est comp6tent pour entendre l’affaire, il peut toujours se
prdvaloir de la doctrineforum non conveniens pour renvoyer les parties t un tri-
bunal que le juge estime (pour diverses raisons mal drfinies) etre plus appropri6
que son propre tribunal” z. Cette option est particuli~rement attirante quand
l’agenda du tribunal est surcharg6, ce qui est frequent. Quelle que soit la fr6-
quence avec laquelle un tribunal a invoqu6 la doctrine forum non conveniens,
l’existence m~me de cette doctrine enl~ve une grande partie de la certitude que
l’on cherche dans une clause d’61ection de for’ 3 .

De telles restrictions ne sont pas A redouter si les parties ont convenu de
recourir
l’arbitrage. On trouve toujours un arbitre pr&t h trancher un litige si
les parties sont en mesure de lui payer ses honoraires. Donc, si la partie deman-
deresse n’est pas assurre de pouvoir invoquer la compdtence d’un tribunal 6ta-
tique, la voie de la prudence serait de signer une clause compromissoire pr6-
voyant un arbitrage selon un r~glement ou une institution assurant de mener
l’affaire A terme.

ttats-Unis) ne peut &re intent~e par une autre socift6 6trang~re que dans des conditions assez limi-
tees : (i) si laction a en vue la reparation de dommages dus a Ia rupture d’un contrat conclu ou
at exdcuter aux Etats-Unis ou concernant des biens siturs aux I~tats-Unis an moment de la conclu-
sion du contrat, (ii) si l’objet du litige est aux ttats-Unis, (iii) si l’origine de l’action en justice se
trouve aux Etats-Unis, (iv) si la partie drfenderesse 6trang~re pourrait 8tre soumise A Ia competence
des tribunaux de New York en vertu d’un autre chef de competence et (v) si la partie d~fenderesse
est une socidt6 avec des operations commerciales aux ttats-Unis. L’art. 200-b de la New York
Banking Law (consol. d6cembre 1991) contient des restrictions semblables relatives aux actions en
justice ouvertes contre des banques 6trang~res.

101( relating to any obligation arising out of a transaction covering in the aggregate not less than
one million dollars […]. >> Voir art. 5-1402 de la New York General Obligations Law (consol.
dfcembre 1991). Voir aussi ]a rfgle n* 327 du New York Civil Practice Law and Rules (consol.
drcembre 1991), qui pr6voit que les actions en justice ne doivent pas 8tre 6cart~es en raison de Fin-
commodit6 (< inconvenience >) du for (< the court shall not stay or dismiss any action on the ground of inconvenient forum >) lorsque l’art. 5-1402 est applicable et que les parties ont choisi
de se soumettre A la legislation new-yorkaise. En plus, quant a Ia loi applicable elle-meme, l’art.
5-1401 de la New York General Obligations Law, ibid., pr~voit que chaque fois qu’un litige porte
sur un montant de plus de 250 000 $, les parties peuvent soumettre leurs droits et obligations con-
tractuels au droit new-yorkais sans 6gard an fait que leur convention ait ou non un lien avec l’ttat
de New York.

02En ce qui concere Ia doctrineforum non conveniens, les tribunaux utilisent souvent un lan-
gage large et flou, comme par exemple < the ends of justice strongly indicate that the controversy may be more suitably tried elsewhere > (New Amsterdam Casualty c. Estes, 353 Mass. 90 (1967)
aux pp. 94-96).
103En Angleterre, les tribunaux se sont montrrs tr~s accueillants h la rrception de litiges de par-
ties 6trang~res. Voir le jugement de Lord Denning dans The Atlantic Star, [1973] 1 Q.B. 364
(C.A.). Voir aussi R.S.C. Order 11, qui en g~n~ral permet a un tribunal anglais d’exercer sa com-
prtence quand un contrat est r6gi par le droit anglais. Cependant, les tribunaux anglais sont quand
meme en train d’6laborer une doctrine de forum non conveniens. Voir Spiliada Maritime c. Can-
sulex, [1987] A.C. 460 (H.L.), qui a drcid6 qu’un litige en Angleterre peut etre mis en sursis si
l’Angleterre n’est pas the natural or appropriate forum >> (Dicey, supra, note 18 aux pp. 393-95).

REVUE DE DROIT DE McGILL

[Vol. 37

E. La responsabiliti du bailleur de fonds (lender liability) “o

Lender liability est une expression vague qui d~signe une s~rie de situa-
tions dans lesquelles des banques aux ttats-Unis se sont vu reprocher d’avoir
manqu6 A leur obligation de bonne foi dans leurs relations avec des d6biteurs,
par exemple, quand elles refusent d’accorder de nouveaux cr6dits A un d6biteur
en mauvaise posture. L’obligation de bonne foi est invoqu~e par des dtbiteurs
qui s’estiment 1s6s par des banquiers aupr~s desquels ils ont emprunt6. Une
situation typique est celle du d6biteur qui souhaite obtenir des dommages-
int~rets suite au refus du banquier de consentir A du credit suppl6mentaire’0 5.
Ces dommages-int~rets sont parfois accord6s par des tribunaux m6me lorsque
le contrat de pr& stipule express6ment que le banquier a le droit d’accorder ou
de refuser des avances selon son seul jugement, avec pour r6sultat de faire en
quelque sorte du financier l’associ6 de son d~biteur.

Pour comprendre l’ampleur du probl~me, il faut se rappeler qu’aux Etats-
Unis des jurys civils sont habilit~s h juger des questions de fait dans des affaires
commerciales1”. Les jurys sont souvent compos6s de personnes qui peuvent
elles-m mes rencontrer des difficult6s avec des 6tablissements de credit. Le jur6
moyen a peut-atre eu des accrochages avec son banquier lorsqu’il a consenti A
une hypoth~que sur sa maison, ou lors du financement d’une voiture ou d’un
commerce.

Afin d’6viter une condamnation A des dommages-int~r~ts 6lev6s (que les
banquiers auraient tendance A qualifier de << d&aisonnables >>), plusieurs ban-
ques am6ricaines ont pr6vu dans leurs contrats de credit (i) des clauses de renon-
ciation au jury, lorsque cela est permis par la loi de l’ttat en question, ou (ii)
des clauses compromissoires. Du point de vue du banquier, l’arbitrage et le tri-
bunal sans jury civil ont l’avantage d’8tre des procedures plac~es entre les
mains d’une instance qui est souvent plus 6clair~e et plus raisonnable qu’un tri-

l’Voir de fagon g~n6rale G.L. Blanchard, Lender Liability: Law, Practice & Prevention, Deer-
field, Illinois, 1991 ; J.R. Butler, Arbitration in Banking, Philadelphie, Robert Morris Associates,
1988 ; M.L. Weissman, Lender Liability: How to Protect YourselfAgainst Unwarranted Suits, New
York, Executive Enterprises Publications, 1988 ; D.R. Fischel, The Economics of Lender Liabil-
ity >> (1989) 99 Yale L.J. 131 ; C.P. Gillette, > (1990) 19 J. Legal Stud. 535 h ]a p. 565 ; D. Golann, < Taking ADR to the Bank: Arbitration and Mediation in Financial Services Disputes >> (1989) 44 Arb. J.
3 ; J.S. Hiller, (Good Faith Lending >> (1989) 26 Am. Bus. L.J. 783 ; M.F. Hoellering, > in Arbitration and the Law (1988-89), New
York, AAA, 1989, 21 ; D.L. Johnson et T.J. Gaffney, << Lender Liability: Perspectives on Risk and Prevention >> (1988) 105 Banking L.J. 325 ; W.I. Lundquist, Alternative Dispute Resolution as
a Settlement Strategy in the Wake of Perdue c. Crocker National Bank>> (1988) 43 Bus. Law
1095 ; D.M. Patterson, << Good Faith, Lender Liability and Discretionary Acceleration: Of Llewel- lyn, Wittgenstein, and the Uniform Commercial Code >> (1989-90) 68 Tex. L. Rev. 169 ; Comment,
<< Lender Liability and Good Faith >> (1988) 68 B.U.L. Rev. 653.

l0 5Voir Reid c. Key Bank of Southern Maine, 821 F.2d 9 (1st Cir. 1987) (marchand de peinture

du Maine a qui on a accord6 100 000 $ U.S.).

’06Voir le Seventh Amendment de la Constitution am6ricaine ; rfgles 38 et 39, Federal Rules of
Civil Procedure ; J. Hazard, supra, note 16 a lap. 409 : >

1992]

L’ARBLTRAGE ET LES Dt1BITEURS IATRANGERS

403

bunal avec jury, et moins susceptible d’entretenir des pr6jugrs A l’encontre du
pr~teur. La prrsomption veut que les arbitres rendront des sentences moins
grnrreuses que les jurrs qui ont tendance h s’identifier avec le d6biteur. De sur-
croit, les arbitres sont moins enclins qu’un jury civil A rendre des sentences
incluant des dommages-int~rts punitifs0 7.

R~gle grnrrale, les proc6dures destinres h obtenir des informations de la

partie adverse (discovery) ne sont pas aussi rrpandues devant les tribunaux arbi-
traux que devant les tribunaux 6tatiques. Parfois l’arbitre ne poss~de pas le pou-
voir lui permettant effectivement d’ordonner la production de documents ou de
trmoins estim6s nrcessaires au proc~s. Dans le contexte d’une action pour len-
der liability, ce fait peut constituer un avantage ou un inconvenient selon la
situation des parties. Il est rarement possible de saioir avant le litige ce que les
trmoins et les documents vont dire sur les accords et les ententes entre le client
et le banquier au sujet de l’obligation de ce dernier d’avancer des fonds si le
drbiteur se trouve en difficult6. Ce souci, ainsi que la crainte d’un arbitre de
comp6tence douteuse, a pouss6 certains avocats h soutenir la these que la renon-
ciation au jury civil est pr6frrable h une clause compromissoire.

La solution optimale pour un banquier serait de r6diger une clause compro-
missoire qui donne A la banque la facult6 unilatrrale d’opter pour 1’arbitrage si
elle le d6sire. Jusqu’, maintenant, il y a eu peu de jurisprudence sur cette ques-
tion c16: une telle option unilatrrale est-elle contraire A l’ordre public’?

1IU. La crise mondiale de surendettement’09

Une grande partie du monde a 6t6 saisie d’une drpendance d’argent 6tran-
ger qui a ajout6 un 616ment nouveau au processus de r~glement des diff6rends
dans le domaine de la finance intemationale. Cette toxicomanie financi~re a
influenc6 les relations entre d6biteurs du Tiers-Monde et banques am6ricaines

“‘7Dans certaines juridictions, ii existe m~me de lajurisprudence qui interdit aux arbitres le droit
d’accorder des dommages punitifs. Voir P. Stipanowich, < Punitive Damages in Arbitration: Gar- rity v. Lyle Stuart, Inc. Reconsidered >> (1986) 66 B.U.L. Rev. 953 ; E.A. Farnsworth, < Punitive Damages in Arbitration>> (1991) 7:1 Arb. Int’l 3.

10811 est noter que des procedures de conciliation, qui ne lient pas les parties, sont aussi envi-
sageables. Par exemple, Boston rcemment, sous 1’6gide du Massachusetts Community and
Banking Council, les grandes banques ont rdig6 un projet de procedure pour le r~glement des dif-
f~rends n~s d’une affaire (certains diraient le scandale) de pr~ts hypothrcaires dits secondary mort-
gages, faits A des propritaires souvent Ags, mal renseignrs et drfavoris~s. Au moment de la r~dac-
tion de cet article, le groupe bancaire Fleet >> avait djP mis en place un tel syst~me. Voir P.
Canellos, (Plan to help mortgage victims gets mixed reviews >> Boston Globe (25 octobre 1991)
16.

109La crise de surendettement a attir6 l’attention de la presse et des gouvernements surtout vers
la fin des ann~es quatre-vingt. Voir: L. Bucheit, > International and Financial Law Review (April 1992) 11 ; C.J.L. Kovacs, From
Baker to Brady and Beyond >> dans J.R. Lacey, 6d., The Law & Policy of International Business,
New York, U. Press of America, 1991, 105 ; K. Lissakers, Banks, Borowers, and the Establish-
ment: A Revisionist Account of the International Debt Crisis, New York, Basic Books, 1991 ; S.
Bartlett, Plan or no Plan, Debt Relief Is Not Around the Comer >> New York Times (9 avril 1989)
Cahier 4 a lap. 1 ; Brady’s Mexican Hat Trick >> The Economist (29 juillet 1989) 61. Voir aussi :
C. Johnson, Left Hand, Right Hand >> (1989) 139 The Banker 144 ; C.H. Farnsworth, < Financial McGILL LAW JOURNAL [Vol. 37 ou europ6ennes relatives au choix du for pour le r~glement de litiges dans trois domaines : (1) le r66chelonnement des dettes, (2) le financement des grands pro- jets de d6veloppement, et (3) les 6changes, dits swaps, de dette contre partici- pation au capital. A certains esprits non-avertis le r66chelonnement des dettes suite A la crise de l'endettement pourrait paraitre comme une remise au lendemain perp6tuelle des obligations de certains pays. Dans la mesure oti ces obligations ont 6t6 libre- ment contract6es par le pays d6biteur, une telle r6pudiation en guise de r66che- lonnement serait contraire aux bons principes de l'6thique commerciale et finan- ci~re' . De surcrolt, une telle remise de dettes serait contraire aux vrais int6rts des pays d6biteurs. L'incertitude quant au recouvrement de pr~ts ne peut que freiner l'allocation des cr6dits bancaires internationaux. Il est 6vident qu'une banque prate moins facilement si elle sat d'avance que sa cr6ance sera douteuse. Dans la mesure oii le remboursement des cr6ances sera rendu plus sfir par le biais du recours A des proc6dures arbitrales, l'arbitrage aura donc jou6 un rfle positif dans le renforcement de la confiance financi~re internationale, ce qui facilitera les flux de capitaux vers les peuples qui en ont besoin. Cette observation, bien stir, n'enlve rien 4 la triste histoire des banquiers qui ont pr&6 aux dirigeants corrompus de pays d6biteurs sans se pr6occuper de l'utilisation des fonds qui sont souvent recycl6s sous forme de d6p6ts dans des comptes secrets aupr~s des m~mes banques qui avaient pret6 l'argent au d6part"'. Si les pays industrialis6s souhaitent faire des cadeaux aux pays en voie de d6veloppement, cela peut 8tre accompli directement par moyen de dons, ou suite a une nationalisation des avoirs bancaires contre indemnisation. Mais dans les deux cas, ces cadeaux devraient etre financ6s par les imp6ts lev6s sur les citoyens et les r6sidents de ces pays g6n6reux, et non pas par une remise de dettes qui met en danger la s6curit6 des d6p6ts bancaires. Officials Seek Better Global Harmony New York Times (25 septembre 1989) Cahier 4 h la p. 8; J. Fuerbringer, Mexico Says Banks' Move Could Reduce New Lending New York Times (25 ]a p. 1 ; S. Bartlett, Third World Debt Crisis Reshapes American septembre 1989) Cahier 4 Banks > New York Times (24 septembre 1989) Cahier 4 h lap. 3 ; S. Bartlett, Third World Debt
Woes: Major U.S. Banks, After Absorbing Losses, Could Lose their Appetite for New Loans >)
New York Times (23 septembre 1989) Cahier 4 ht lap. I1 ; M. Quint, Brady’s Debt Plan Forcing
Big Bank Loss: Mexico’s Deal Leads to More Reserves on Third World Loans > New York Times
(21 septembre 1989) Cahier 4 a Ia p. 1. Pour un peu d’histoire des six si~cles pass6s, voir W.F.
Todd, (A Brief History of International Lending from a Regional Banker’s Perspective
(1989)
11 George Mason L. Rev. 1.

“0 Monsieur L. Focsaneanu, notamment, a dit qu’une dventuelle obligation des Etats t ren6go-

cier leurs cr6ances affaiblit Ia rigueur du droit international :

Une hypoth6tique obligation pour les ttats de ren6gocier leur cr6ances 6quivaudrait au
droit pour les d6biteurs de ne pas payer leurs dettes. Un tel droit n’existe pas et ne doit
pas exister. Je ne trouve dans le droit international traditionnel aucune rfgle 6tablie qui
permette aux ttats de ne pas payer leurs dettes.

(L. Focsaneanu, Commentaires, 63e confdrence de l’International Law Association, Varsovie, 23
aofit 1988, 63 I.L.A. 458 h la p. 462).

1″Supra, note 2.

1992]

L’ARBITRAGE ET LES DtBITEURS t1TRANGERS

405

Les mesures qui pourraient 8tre soutenues par un homme politique h la
recherche de voix ne sont pas toujours permises h un dtablissement de credit
privd qui prend au s6rieux son obligation de conserver le capital des actionnai-
res et les 6conomies des ddposants. Une atteinte h la force obligatoire des pr&s
bancaires est indirectement une atteinte h la sdcuritd des ddp6ts et h la confiance
du public dans le systbme bancaire. Les prts ne sont ni des dons ni des apports
en capitaux. Avant tout le banquier a une obligation morale vis-a-vis des ddpo-
sants qui lui ont fait confiance. La faillite d’une blanchisserie peut entrainer la
perte d’un costume ou de quelques chemises ; mais la faillite d’une banque peut
liquider l’dpargne d’une vie ” ‘ .

De surcroit, il est A craindre qu’un rd6chelonnement perp6tuel des dettes,
m~me sans remise officielle, aura l’effet de tarir le transfert de fonds ndcessaire
au d6veloppement des pays du Tiers-Monde: soit parce que les banques
refusent d’accorder de nouveaux cr6dits, soit parce que les banques augmentent
les taux pour tenir compte du risque accrfi’ 3. Paradoxalement, lorsque les ddbi-
teurs auront fait savoir aux crdanciers que le remboursement des pr~ts est sans
espoir, ce seront les pays d6biteurs qui auront perdu le plus”4, a cause d’un gel
du credit.

A. Le rddchelonnement des dettes 1 1 5

Gdndralement, les banques cherchent A imposer leur propre droit et leur
propre for. Et d’habitude elles y parviennent. Mais de plus en plus, on constate
que leur capacitd h imposer leur droit n’entraine pas forcdment la possibilitd de
faire accepter leur for. Le cas br6silien est instructif h cet dgard.

Les accords pour le r66chelonnement des dettes brdsiliennes, depuis leur
premibre version de 1983 jusqu’ t ce jour, sont express6ment rdgis par la loi de
l’ttat de New York. Mais les ddbiteurs brdsiliens ont n6anmoins insistd pour

I 2 Ainsi que le public aux Etats-Unis l’a constat6 pendant les derni&es anndes, la faillite d’une
banque peut 6galement entrainer des cons6quences lourdes pour les contribuables qui doivent sup-
porter les frais engendrs quand le gouvernement est oblig6 de tirer les banquiers de leurs mau-
vaises affaires, soit par une subvention aux assurances, soit par une subvention directe. Voir par
exemple, M.E. Lowy, High Rollers: Inside the Savings and Loan Debacle, New York, Praeger,
1991 ; L.J. White, The S & L Debacle, New York, Oxford U. Press, 1991.
” 3 Voir H. Pourian, << The Role of Legal Risk in Country Risk Analysis >> dans Lacey, supra, note
109 A ]a p. 189, 196 oa l’auteur 6crit : >

“4Pour un commentaire rcent sur l’importance des pr~ts au ddveloppement du Tiers-Monde,

voir << A Third World Micro-Loan Model >> Boston Globe (7 aofit 1991) Cahier 1 A la p. 18.

115l est a noter que les tribunaux des Etats-Unis ont jug6 que le r66chelonnement des banques
commerciales du << London Club Agreement >> ne pouvait pas etre impos6 une banque crdancibre
qui a refus6 d’y adh&er. Voir National Union Fire Insurance Company of Pittsburgh c. People’s
Republic of the Congo, 729 F. Supp. 936 (S.D.N.Y. 1989), oa le tribunal a accord6 l’exequatur h
un jugement anglais en faveur de la seule banque qui n’a pas accept6 le r66chelonnement de cer-
taines dettes congolaises par le Club de Londres.

Sur le r6lchelonnement de la dette du Tiers-Monde, voir les exposes publi~s dans Banking Law,

supra, note 3 aux pp. 303-44.

REVUE DE DROIT DE McGILL

[Vol. 37

que ces accords contiennent une clause compromissoire qui soumet
tout litige d6coulant du r66chelonnement1 6.

l’arbitrage

Cette clause d’arbitrage est un m6lange curieux d’616ments tir6s de plu-
sieurs r6gimes arbitraux. Tout d’abord, chaque partie doit nommer un arbitre.
Ensuite, les deux arbitres ainsi nomm6s doivent choisir le pr6sident du tribunal.
A d6faut d’accord entre les deux sur le choix du pr6sident, ce dernier doit etre
nomm6 par le Pr6sident de la Banque mondiale. En demier ressort, c’est le
Chartered Institute of Arbitrators Londres qui doit se charger de la mission
de choisir un pr6sident. Le r~glement arbitral de la Banque mondiale selon la
Convention CIRDI s’applique A la proc6dure de l’arbitrage pour autant que ce
r~glement ne soit pas contraire aux termes des accords de r 6chelonnement eux-
memes, qui dans cette hypoth~se priment”‘ .

B. Les projets de diveloppement industriel

Le financement octroy6 aux pays en voie de d6veloppement pour le d6ve-
loppement de leurs infrastructures constitue un autre terrain de choix pour
l’arbitrage financier. L’histoire de la coop6ration franco-iranienne est significa-
tive A cet 6gard. En 1974, l’Iran et le Commissariat franqais
l’6nergie nucl6aire
(CEA) ont conclu des accords dans le but de mettre
la disposition de l’Iran
une expertise dans le domaine nucl6aire et un acc~s aux sources d’uranium en-
rich 1 8. En plus d’un contrat g6n6ral intergouvernemental, le Agreed Minute on
Cooperation, des accords plus pr6cis ont 6tabli les modalit6s industrielles et
financi~res de la coop6ration.

En contrepartie du concours frangais, l’Iran s’est engag6 h preter aux Fran-
qais des sommes consid6rables. Un pret en dollars U.S. a 6t6 fait au CEA. Un
autre pret en francs franqais a 6t6 accord6 t une entit6 du meme groupe, Euro-
dif”g. Dans les deux cas, des clauses compromissoires pr6voyaient que les dif-
f&ends surgissant dans les rapports seraient tranch6s par arbitrage.

A la suite de la r6volution iranienne de 1979, ces accords compliqu6s ont
donn6 lieu h plusieurs arbitrages et A des litiges accessoires devant les tribunaux
frangais et suisses. Des s6questres des cr6ances iraniennes contre le CEA ont 6t6
obtenus en France, mais les actions sur le fond ont 6t6 suspendues jusqu’h la fin
de la procedure arbitrale 120 . Un arbitrage de la Chambre de Commerce Interna-

” 6Voir > n- 12.08(a)-(b), 22 septembre
1988 (renseignements disponibles aupr~s de l’auteur).

I7TLe Centre international pour le r~glement des diffrends relatifs aux investissements fut dtabli
selon la Convention pour le rbglement des diffirends relatifs aux investissements entre _?tats et res-
sortissants d’autres Etats, 18 mars 1965, 17 U.S.T. 1270, T.I.A.S. n, 6090, 575 R.T.N.U. 159 (en
vigueur le 14 octobre 1966). Le CIRDI est bas6 a la Banque mondiale, 1818 H Street, N.W., Wash-
ington, D.C. Voir Delaume, supra, note 80.

“sVoir la discussion dans les arrts frangais du 20 mars 1989, Cass. civ. lre, et du 28 juin 1989,
Cass. civ. Ire, [1989] Rev. arb. 653 aux pp. 653-67 (comm. P. Fouchard). Voir aussi le jugement
du 17 mai 1990 du Tribunal f6d6ral suisse discut6 infra, notes 119-122 et texte correspondant.
11La sentence du 22 d6cembre 1990 a 6t6 discut6e dans << Eurodif est condammS ii payer 940 '20La d6fense iranienne, bas6e sur la doctrine d'immunitd d'ttat a 6t6 rejetde par le tribunal fran- 'Iran >> Le Monde [de Paris] (ler janvier 1991) 16.

millions de francs a

qais

cause de la nature commerciale de l’op6ration.

1992]

L’ARBITRAGE ET LES DtBITEURS ItTRANGERS

407

tionale dans l’affaire visant un pr8t en dollars U.S. a d~but6 i Gen~ve en 1984.
Cependant, dans une sentence partielle, les arbitres ont d~cid6 que la procedure
devait 6tre suspendue en attendant le r~sultat d’un autre arbitrage en France2 .
Cette sentence a 6t6 annul6e ult6rieurement par la Cour de justice de Gen~ve,
dont la decision a 6t6 confirm~e par le Tribunal fdd6ral suisse en 1990122. Selon
la Cour de justice et le Tribunal f~d~ral, les arbitres auraient dOi entendre les par-
ties sur le fond du litige.

C. Les swaps : changes de dettes contre des participations au capital12

Certaines banques ont pu vendre, sur un march6 secondaire, les pr~ts dou-
teux libell6s en dollars qu’elles avaient consentis A des d6biteurs du Tiers-
Monde. Les acheteurs de ces cr6dits sont des entreprises industrielles ou com-
merciales d6sireuses de les utiliser indirectement pour accroltre leurs
participations au capital de filiales situ6es dans ces pays d6biteurs. A travers les
banques centrales, les entreprises, apr~s avoir achet6 la cr6ance de la banque
contre le d6biteur 6tranger, normalement libell6e en dollars, 6changent ces
cr6ances contre des devises dites soft du pays d6biteur, afin de les investir dans
l’6conomie locale.

Par exemple, le d6biteur br6silien d’une banque amencaine pourrait voir sa
dette 6chang6e par l’entremise de la Banque centrale du Br6sil, pour des cruzei-
ros destin6s h 6tre utilis6s dans le financement d’une usine d’automobiles pros
de Rio de Janeiro. Par ailleurs, une entreprise de cartes de cr6dit pourrait acheter
la dette mexicaine d’une banque afin de 1’6changer contre des pesos utilis6s
pour payer les factures de clients qui ont utilis6 leurs cartes de cr6dit en
vacances h Mexico.

Dans la majorit6 des cas, l’achat de la cr6ance bancaire aura lieu avec un
escompte, dfi au manque de confiance en la capacit6 du d6biteur d’honorer ses
engagements, et l’achat de devises locales par 1’entreprise industrielle ou com-
merciale sera fait A un taux favorable, 6tant donn6 le souhait du gouvernement
du d6biteur de r6duire sa dette 6trang~re. Tout le monde semble donc y trouver
son avantage : la banque se d6barrasse d’un prat dont le remboursernent est dou-

121L’arbitrage frangais 6tait Sofidif c. Iran, CCI, affaire n 3683 [non publi6e].
122Voir C.E.A. c. Iran, 112 Semaine Judiciaire, 1990, n’ 26

lap. 566, ATF 116 Ia 154, con-
cernant I’arbitrage CCI n 5124, publi6 dans A.J. van den Berg, ed., Yearbook: Commercial Arbi-
tration, t. XVI, Deventer, Pays-Bas, ICCA, 1991, 182.

123Voir de fagon g6n6rale A.C. Quale Jr., o New Approaches to LDC Debt Restructuring, Reduc-
tion and Disposition: United States Legal and Accounting Considerations >> (1989) 23 Int’l Lawyer
605 ; L.C. Buchheit, Alternative Techniques in Sovereign Debt Restructuring > (1988) U. Ill. L.
Rev. 371 ; L. Maktouf, < Some Reflections on Debt-for-Equity Conversions > (1989) 23 Int’l Law-
yer 909; Note, > (1988) 26
Colum. J. Transnat’l L. 377 ; Note, International Debt: Debt-to-Equity Swaps >> (1987) 28 Harv.
Int’l L.J. 507 ; Note, < Debt-for-Equity Swaps in Mexico >> (1988) 23 Tex. Int’l L.J. 443 ; Note,
< Give Me Equity or Give Me Debt: Avoiding a Latin-American Debt Revolution > (1988) 10 U.
Pa. J. Int’l Bus. L. 89 ; Banque mondiale, Report on Chilean Debt Conversion with Chilean Rules
on Investments ivith Foreign Debt Instruments and Provision in a Debt Restructuring Agreement
for Such Jnvestments, Washington, Banque mondiale, 1986, 26 I.L.M. 819 ; pour le programme
br6silien, voir A.T. Paes Jr., << Brazil's Debt to Equity Swap Program >> (1989) 23 Int’l Lawyer 533.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 37

bon prix des devises pour ses activit6s
teux, l’entreprise industrielle regoit
6trang~res, et le pays drbiteur arrive A liquider une partie de sa dette libell~e en
dollars par le paiement de devises locales.

Dans le cadre de tels swaps, une clause compromissoire est normalement
ins~re dans l’accord d’investissement entre l’entreprise industrielle et la ban-
que centrale du drbiteur. Ceci ajoute une mesure de srcurit6, m6me relative, en
cas d’expropriation”. La crainte de l’investisseur, bien stir, est qu’en cas de
litige sur le montant de la compensation, les juges de l’Etat expropriant soient
moins neutres, et plus influenc6s par leur gouvernement que des arbitres nom-
m6s par une institution arbitrale internationale. Comme nous l’avons mentionn6
plus haut, parmi les institutions arbitrales idoines qui visent ce but, on retrouve
la Chambre de Commerce Internationale h Paris”z , le London Court of Interna-
l’American Arbitration Association h New
tional Arbitration en Angleterre”a,
York 27 ou le Centre international pour le r~glement des diff6rends relatifs aux
investissements de la Banque mondiale A Washington”. On peut 6galement
envisager l’arbitrage en dehors d’une surveillance institutionnelle, selon le
r~glement CNUDCI 29 de la Commission des Nations Unies pour le droit du
commerce international.

D. Le nouvel ordre gconomique international

L’opinion favorable A l’arbitrage, qui a cours aux Etats-Unis, n’est pas tou-
jours partag6e par les pays en voie de d6veloppement. En 1974, un programme
dit de << nouvel ordre 6conomique international >> avait 6t6 adopt6 dans une r6so-
lution de l’Assembl6e Grnrrale des Nations Unies intitulre << Charte des droits et devoirs 6conomiques des Ittats >>”0.

Selon le droit international classique, un ttat qui exproprie les biens d’un
investisseur 6tranger doit fournir une compensation juste et 6quitable. Selon une
formule se trouvant dans une d6claration de l’ancien Secr~taire d’ttat des ttats-
Unis en 1938, la compensation, pour 8tre juste et 6quitable, devrait 8tre
<< prompt, adequate and effective >> 31. Dans ses grandes lignes, cette formule

’24Voir discussion du << nouvel ordre 6conomique mondial >>, ci-dessous, partie II.D.
125Voir International Chamber of Commerce Arbitration, supra, note 77.
t26Voir l’appendice 15 dans Commercial Arbitration for the 1990s, supra, note 78 aux pp.

314-26 ; Hunter et Paulsson, supra, note 78.

’27Supra, note 79.
128Voir Centre international pour le rfglement des diffrends relatifs aux investissements,
CIRDI: Documents de Base, Washington, CIRDI, 1991. Voir aussi Transnational Contracts,
supra, note 63 au c. 10; Delaume, supra, note 80.

129Voir Dor6, supra, note 81.
130R6s. AG 3281 (XXIX), Doc. off. AG NU, 29′ sess., Supp. n, 31, p. 50, Doc. NU A/9631
(1981) 61
(1974). Voir W.W. Park, << Legal Issues in the Third World's Economic Development B.U.L. Rev. 1321 ; R.F. Meagher, An International Redistribution of Wealth and Power: A Study of the Charter of Economic Rights and Duties of States, New York, Pergamon Press, 1979 ; S.K. Chatterjee, < The Charter of Economic Rights and Duties of States: An Evaluation After 15 Years >
(1991) 40 I.C.L.Q. 669.
131 .M. Norton, << A Law of the Future or a Law of the Past? Modem Tribunals and the Inter- national Law of Expropriation >> (1991) 85 AJIL 474.

1992]

L’ARBITRAGE ET LES Dt BITEURS tTRANGERS

409

reste plus ou moins celle des pays industrialis6s occidentaux32.

La Charte rejette le principe selon lequel l’indemnisation d’expropriation
de biens 6trangers doit 6tre dftermin6e par des tribunaux intemationaux neutres.
Son article 2(2)(c) exige que la compensation pour les avoirs nationalis6s soit
uniquement fix6e par les tribunaux de l’Etat oia sont situ6s les biens, ce qui
exclut effectivement tout arbitrage neutre :

Dans tous les cas oii la question de l’indemnisation [de biens 6trangers expropri6s]
donne lieu t un diff6rend, celui-ci sera r6gl6 conform6ment
la i6gislation interne
de l’ttat qui prend des mesures de nationalisation et par les tribunaux de cet Etat
I[…].

Dans les arbitrages intemationaux, cet article de la Charte n’a pas souvent 6t6
consid6r6 comme une disposition imp6rative. Dans un litige concemant les
nationalisations par le gouvemement libyen de biens immobiliers appartenant it
Texaco et A Standard Oil of California, par exemple, l’arbitre a insist6 sur le fait
que l’article 2(2)(c) de la Charte a 6t6 adopt6 par l’ONU, en d6pit de l’opposi-
tion ou 1’abstention de tous les pays industrialis6s133.

Le contenu de 1’article 2(2)(c) refl~te la doctrine qui porte le nom d’un
juriste argentin du dix-neuvi~me si~cle, Carlos Calvo, qui proposa un principe
g6n6ral d’6galit6 de traitement pour les nationaux sud-am6icains et les inves-
tisseurs 6trangers. La doctrine Calvo a 6t6 ancr6e dans de nombreuses disposi-
tions constitutionnelles et l6gislatives de plusieurs pays d’Am6rique du Sud,
donnant comp6tence exclusive aux tribunaux locaux. D~s lors, il est possible
qu’un tribunal d’Am6rique latine refuse d’admettre une 6lection de for contraire
aux droits nationaux fond6s sur la doctrine Calvo. En revanche, les arbitres eux-
m~mes pourraient adopter une attitude diff6rente envers une telle pratique,
comme on l’a vu dans l’affaire Texaco/California Asiatic.

Conclusion

A ‘heure actuelle, il est encore difficile de faire un bilan pr6cis des avan-
tages et des inconv6nients d’une clause d’arbitrage par rapport t une clause de

32Voir le Restatement, supra, note 19, avec un langage semblable dans la derni~re phrase de

1

l’art. 712(1). L’art. 712 se lit comme suit:

A state is responsible under international law for injury resulting from:
(1) a taking by the state of the property of a national of another state that

a) is not for a public purpose, or
b) is discriminatory, or
c) is not accompanied by provision for just compensation;

For compensation to be just under this Subsection, it must, in the absence of excep-
tional circumstances, be in an amount equivalent to the value of the property taken and
be paid at the time of taking, or within a reasonable time thereafter with interest from
the date of taking, and in a form economically usable by the foreign national.

Voir en g6n6ral W.C. Lieblich, Determinations by International Tribunals of the Economic Value
of Expropriated Enterprises > (1990) 7:1 J. Int’l Arb. 37 ; B.M. Clagett et D.B. Poneman, > que de
procdder ii une application stricte de la loi. Le processus de choix des arbitres
est susceptible de ddboucher sur une personne de compdtence douteuse, et donc

134Ceci dit, il faut admettre que dans les arbitrages internationaux les arbitres aussi ont mainte-
nant l’habitude de motiver leurs sentences (voir International Chamber of Commerce Arbitration,
supra, note 77), concemant des arbitrages selon le R~glement d’Arbitrage de la Chambre de Com-
merce Internationale), et les sentences sont souvent fond~es sur une jurisprudence arbitrale (T.E.
Carbonneau, Rendering Arbitral Awards with Reasons: The Elaboration of a Common Law of
International Transactions >> (1985) 23 Colum. J. Transnat’l L. 579).

1992]

L’ARBITRAGE ET LES DtBITEURS tTRANGERS

411

peu desirable, dite arbitre joker, ou wild card. Le risque est qu’une telle per-
sonne rende une sentence contraire A la volont6 des parties telle qu’exprimre
dans le contrat, ce qui est d’autant plus grave parce que dans la plupart des cas
une sentence arbitrale n’est pas susceptible d’appel pour mauvaise application
de la loi.

Les obligations des membres du FMI ajoutent un autre 616ment d’incerti-
tude au processus arbitral. Dans certains pays la jurisprudence a assimil6 les
contrats de pr~ts h des contrats de change. Or, selon 1’article VIII(2)(b) des Sta-
tuts du FMI, 1’exdcution d’un contrat de change qui est contraire au contr6le des
changes d’un pays membre du FMI devrait, dans certaines circonstances, 8tre
refusde.

I serait de bonne politique que les credits internationaux continuent hjouer
un rrle dans le drveloppement 6conomique mondial. Toutefois, des prets sont
des pr&s et non des dons, ni des participations en capital. I est 6vident que Fin-
certitude qui entoure les possibilitrs de recouvrement des pr&s accordrs aux
d~biteurs 6trangers constitue un frein au financement international. Si l’arbi-
trage rend plus stir le recouvrement des credits internationaux, il aura contribu6
A la cr6ation de richesses pour tous les peuples. Cela pourrait 6tre le cas (i)
quand la Convention de New York s’applique parce que les actifs du drbiteur se
situent hors du lieu du litige, (ii) quand le drbiteur 6tranger risque d’invoquer
soit son immunit6 fond6e sur son statut d’6manation d’un ttat souverain, soit
la doctrine de 1’Act of State h cause des dispositions du contr6le des changes,
et (iii) quand le drbiteur pourrait etre en mesure d’intenter une action en respon-
sabilit6 contre le prteur pour violation des obligations de lender liability, t l’en-
contre d’un banquier qui refuse d’avancer des fonds supplrmentaires.

Cependant, les avantages ont aussi des inconvrnients. Par une clause com-
promissoire, le banquier pourrait 6tre consider comme ayant renonc6 aux pro-
crdures provisoires d’urgence prrvues par maints syst~mes juridiques natio-
naux. Aussi, 1’arbitrage risque toujours d’etre plus long et plus cofiteux qu’un
litige devant des tribunaux ordinaires quand l’arbitre ne poss~de pas de moyens
efficaces pour exiger le respect de ses ordres int6rimaires. Les parties suscep-
tibles de perdre le litige ne manquent g6n6ralement pas une occasion de rallon-
ger la procedure arbitrale, par exemple en refusant de collaborer avec l’arbitre
ou en prenant recours contre la sentence au si~ge arbitral et au lieu oi la sen-
tence doit 6tre exrcutre.

Au fond, le rfle de 1’arbitrage dans la finance internationale d6pend beau-
coup de la fagon dont les banquiers et les drbiteurs jugent les procedures alter-
natives. Un jugement 6tatique sera-t-il rendu dans un pays oia le drbiteur a des
actifs ? Faudra-t-il faire appel aux juges 6trangers pour faire executer le juge-
ment ? La Convention de New York s’appliquera-t-elle t la sentence ? Les juges
seront-ils plus prrvisibles dans leurs jugements que les arbitres avec leurs sen-
tences ? Est-ce que les drbiteurs risquent d’invoquer l’immunit6 dtI tat ou la
doctrine de 1’Act of State ? Quels seront les choix de for impos6s par les pays
d6biteurs quand ils n6gocieront le r66chelonnement de leur dette extrrieure ?

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 37

D’un point de vue 6conomique, le recours

l’arbitrage pour r6soudre les
litiges financiers peut renforcer la confiance en la force obligatoire des contrats
de pr&, et donc faciliter les flux financiers, condition n6cessaire du d6veloppe-
ment 6conomique. Mais le r6le de 1’arbitrage dans le domaine financier reste a
d6velopper en grande partie parce que l’arbitrage est demeur6 it un stade tout
h fait primaire en ce qui concerne la publication des sentences qui reconnaissent
et consacrent les principes parfois dits de lex mercatoria 3 .

En somme, le recours t l’arbitrage dans un contrat de pr& peut augmenter
les possibilit6s de son recouvrement it l’6tranger, 6tant donn6 les meilleures pos-
sibilit6s d’ex6cution d’une sentence arbitrale par rapport a un jugement, en par-
ticulier quand le litige soul~ve des questions relatives au contrfle des changes.
Mais le r6le de l’arbitrage dans les litiges financiers intemationaux r6siste it une
analyse facile, et d6pend, plus que jamais, du contexte du cr6dit en question.

Mod~le de clause compromissoire t l’usage des banques

Annexe:

dans les contrats de credit internationaux

1. Tous diff6rends ou litiges d6coulant du pr6sent contrat, ou en rapport avec
lui, y compris un prtendu dommage d6lictuel ou contractuel subi par le
d~biteur suite au comportement de la banque, seront tranch6s d6finitivement
suivant le R~glement d’Arbitrage de la Chambre de Commerce Intematio-
nale par un ou plusieurs arbitres nomm6s conform6ment it ce R~glement’ 36.

2. Le lieu de l’arbitrage sera [
3. Le pr6sident du tribunal arbitral ou l’arbitre unique, selon les circonstances,

I7.

sera un avocat ou un juge retrait6.

4. La langue de l’arbitrage sera [
5. Aucune disposition de la pr6sente clause compromissoire ne limite le droit
de chacune des parties d’obtenir des mesures provisoires ou conservatoires
de la part d’un tribunal comp6tent.

138.

135Ceci n’empeche pas d’admettre que de grands pas ont 6t6 faits dans ces directions. Voir Y.
Derains et S. Jarvin, Recueil des sentences arbitrales de la CCI 1974-1985, Deventer, Pays-Bas,
Kluwer, 1990 et T.E. Carbonneau, 6d., Lex Mercatoria and Arbitration: A Discussion of the New
Law Merchant, Dobbs Ferry, N.Y., Transnational Juris Publications, 1990.
136On peut 6galement d6signer le rfglement de Ta London Court of International Arbitration or
137Bfle, Boston, Gen~ve, Londres, MontreaI, New York, Paris, et Zurich sont parmi les lieux

de l’American Arbitration Association.

d’arbitrage que l’on peut recommander, selon les circonstances.

138Frangais, anglais ou autre langue commune.

Preface in this issue La Lex Mercatoria : point de vue Français apres quarante ans de controverses

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