Article Volume 25:3

L'arrêt Kravitz et le droit positif français sur la garantie des vices cachés

Table of Contents

L’arr~t Kravitz et le droit positif francais

sur la garantie des vices cachds

Jacques Ghestin*

Introduction

L’esp~ce qui a donn6 lieu h l’arr~t Kravitz’ est, en elle-m6me,
des plus banales: Kravitz se plaint des vices caches de la voiture
automobile qu’il a achetde h Plamondon, concessionnaire de General
Motors. Le concessionnaire 6tant en failtite, il demande et obtient
la resolution, non seulement de son propre contrat avec Plamondon,
mais aussi de la vente conclue entre General Motors et son con-
cessionnaire, ainsi que la restitution du prix qu’il avait pay6. Ce
remboursement est effectu6 h titre de restitution cons6cutive h la
resolution et aussi de r6paration des dommages causes h Kravitz
par les vices de la chose.

L’arrTt rendu par la Cour supreme du Canada se r6f~re de
faron extr~mement precise h la jurisprudence et la doctrine fran-
raise concernant la garantie des vices cach6s. Cela tient sans doute
aux liens qui unissent nos deux pays et plus particuli~rement le
droit qu~b~cois et le droit frangais. Mais il semble que ce .soit
6galement h la mati~re traltde qu’il faille attribuer cette attitude
de la Cour suprame.

Tout comme la jurisprudence de certains Etats des Etats-Unis,2
Ia jurisprudence frangaise est, en effet, ht l’avant-garde dans la pro-
tection des acheteurs et dans une s~vdrit6, qui tend b. se d6velopper,
h l’encontre des vendeurs professionnels et des fabricants. La ju-
risprudence frangaise est si bien connue sur ce terrain, que dans
la ndgociation des contrats internationaux les vendeurs profession-
ntis frangais se voient toujours offrir, comme un cadeau empoi-
sonn6, la soumission des contrats h leur propre droit national, parce
que l’on sait, bien stir, qu’il leur sera peu favorable.

Cette jurisprudence a des consdquences 6conomiques trs im-
portantes. Elle met, en effet, h la charge des fabricants, des indus-
triels, le risque des produits. Elle les oblige par lh h des contrbles
tris prcis, souvent opportuns, mais dont parfois le cofit peut 6tre

* Professeur A l’Universitd de Paris I, Panthdon-Sorbonne, et professeur

invitd it McGill University.

‘General Motors Products of Canada Ltd v. Kravitz [1979] 1 R.C.S. 790.
2Voir Bridge, A Common Lawyer Looks at Kravitz (1980) 25 McGil L.J. 335.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 25

hors de proportion avec le prix du produit. Elle conduit aussi ces
industriels h contracter des assurances particuli~res dont le cofit
est difficile h chiffrer. En revanche, sur le plan social, cette juris-
prudence vise i assurer la protection des acheteurs, c’est-h-dire
finalement des consommateurs. Elle s’inscrit ainsi dans le courant
g6ndral de protection des consommateurs.

L’arrat Kravitz exprime une connaissance du droit frangais qui
fait mon admiration; en ce qui concerne la garantie des vices ca-
ch6s due par les fabricants et vendeurs professionnels, je n’aurais
que peu de choses A dire s’il ne fallait pr6senter une nouvelle
6volution du droit positif frangais, qui fait aujourd’hui une sous-
distinction, selon que l’aoheteur est lui-mme un professionnel.

II est tn, second point sur lequel des 6l6ments int6ressants peu-
vent 6tre donn6s afin de completer les r6f6rences au droit frangais
qui figurent dans l’arr~t Kravitz: il s’agit du fondement et des con-
ditions dans lesquelles l’action en garantie des vices cach6s, nde du
contrat entre le fabricant et le revendeur, peut 6tre cependant
exercde directement par l’acheteur final, autrement dit le sous-acqu6-
reur, contre le fabricant.

J’envisagerai donc, successivement, la garantie des vices cachds
due par les fabricants et vendeurs professionnels, puis le fondement
de ‘action directe du sous-acqudreur contre le fabricant.

I. La garantie des vices cachds due par les fabricants et vendeurs

professionnels
L’arr~t Kravitz s’est express6ment rdf6r6, h la jurisprudence fran-
raise, aujourd’hui bien connue, qui dgfinit avec une certaine sdv6ritd
le rdgime applicable aux vendeurs professionnels et aux fabricants.
Apr~s avoir rappelk celui-ci, il conviendra de pr6senter cette nou-
velle 6volution du droit positif frangais, qui 6tablit une autre
distinction fond6e sur le fait que 1’acheteur, et non plus le vendeur,
est ou non un professionnel.

A. Le rigime applicable aux vendeurs professionnels et aux

jabricants
Les r6dacteurs du Code civil frangais ont fait, quant h la garan-
tie des vices cach6s, une nette difference entre le vendeur qui con-
naissait les vices de la chose et celui qui les ignorait. Cette opposi-
tion se marque sur le double terrain de l’6tendue du dommage r6-
parable et de l’efficacit6 des clauses limitant la garantie.

Quant ;t l’6tendue de la r6paration, selon

‘article 1645 C. civ.,
le vendeur qui “connaissait les vices de la chose … est tenu, outre

1980]

L’ARRPT KRAVITZ SOUS LES FEUX DU DROIT COMPARIE

317

Quant aux clauses limitatives de responsabilit6,

la restitution du prix qu’il en a regu, de tous les dommages et int6-
rats envers l’acheteur”. Celui qui “ignorait -les vices de la chose”
‘article 1646 C. civ., “qu’A la restitution du prix,
n’est tenu, selon
l’acqu6reur les frais occasionn6s par la vente”.
et h rembourser
‘article 1643
C. civ. n’admet leur efficacit6 que si le vendeur ignorait le vice cach6.
La Cour de cassation a tr~s sensiblement modifi6 la portde de
ces textes. Elle assimile en effet, de faron systdmatique, les ven-
deurs professionnels et les fabricants h des vendeurs de mauvaise
foi qui connaissaient, parce qu’ils devaient les connaitre, les d6fauts
des produits qu’ils vendent ou fabriquent. Pour elle le vendeur
professionnel ne pouvait &tre soumis qu’aux dispositions de l’arti-
cle 1645 C. civ.:

Mais attendu que si, aux termes de l’article 1646 susvisd, le vendeur qui
a ignor6 les vices de la chose n’est tenu qu’h la restitution du prix et h
rembourser h l’acqu6reur les frais occasionn6s par la vente, il r6sulte,
par contre, des dispositions de rarticle 1645 du meme code, que le ven-
deur qui connaissait ces vices, auquel il convient d’assimiler celui qui
par sa profession ne pouvait les ignorer, est tenu, outre la restitution
du prix qu’il a regu, de tous dommages-int6r~ts envers l’acheteur 3
Le vendeur professionnel, assimilk h celui qui connaissait le
vice, est ainsi tenu de r6parer toutes les cons6quences dommagea-
bles de celui-ci.

A partir de cette assimilation, la jurisprudence posait en princi-
pe que le vendeur professionnel ou le fabricant ne peut jamais in-
voquer de fagon efficace une clause limitative de responsabilit6.
Assimil6, h raison cle sa profession, h celui qui connaissait le vice
cachd, ou tenu, pour le m~me motif, de le connaftre, il ne se trouve
pas dans la situation pour laquelle l’artiole 1643 du Code civil admet
l’efficacit6 de telles stipulations.4

3 Cass. civ. 1re 19 janvier 1965, D.1965.389; Rev.trim.dr.civ. 1965.665.
4 Voir en ce sens Req. 5 juin 1929, Gaz.Pal. 1929.2.433; Cass. com. 31 mai
1949, Bull. civ. I, no 221, 621; Cass. civ. 1re 17 mai 1965, Bull. civ. I, no 324,
240; Cass. com. 24 octobre 1961, D.1962.46 (note H6mard); 17 juillet 1964,
Bull. civ. III, no 381, 339; 25 octobre 1965, Bull. civ. III, no 527, 473; 22 no-
vembre 1966, Bull. civ. III, no 447, 395; 30 mai 1967, D.1967.511; 27 avril 1971,
J.C.P. 1972.11.17280, lre esp~ce (note Boitard et Rabut), D.1971.somm.144; 20
juillet 1973, Bull. civ. IV, no 254, 236; 3 ddcembre 1973, Bull. civ. IV, no 350,
313, d’autant plus net qu’il s’agissait d’une substitution de motifs; 17 ddcembre
1973, Bull. civ. IV, no 367, 327; 29 janvier 1974, D.1974.268; Cass. civ. 3 me
27 mars 1969, Bull. civ. III, no 278, 212, D.1969.633
(note Jestaz), J.C.P.
1969.11.16102; 23 juin 1971, D.1971.somm.136; 25 janvier 1972, J.C.P. 1972.IV.61;
7 f~vrier 1973, Bull. civ. III, no 109, 78; Grenoble 20 novembre 1952, D.1953.503;
Rouen 20 mars 1959, Gaz.Pal. 1959.2.117; Rouen 14 janvier 1972, D.1972.somm.
128; adde, Malinvaud, La responsabilitM civile du fabricant en droit frangais
Gaz.Pal. 1973.2.doctr.463, sp6cialement no 12.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 25

Cette solution s’applique en particulier aux olauses qui limitent
la garantie du vendeur au remplacement des produits reconnus dd
fectueux,” ht celles qui la limitent h une certaine dur6e h compter
de la livraison;0 et m~me aux stipulations dont l’objet est de pr6-
ciser la nature des contr6les de qualitd qui incombent au vendeur,
dans la mesure oit elles aboutissent h exclure toute garantie pour
vice cach6.7

Cette jurisprudence est d’autant plus s6v~re h l’6gard des fa-
bricants et vendeurs professionnels qu’il leur est interdit de prou-
ver qu’ils ignoraient le vice. Bien mieux, il ne leur sert h rien d’6ta-
blir qu’ils pouvaient ldgitimement l’ignorer, ou, mieux encore, qu’il
leur dtait impossible de le ddceler. Pour la Cour de cassation, “il
importe peu qu’il [le vendeur] invoque un document de nature h
6tablir sa bonne foi”; s qu’il fasse valoir que le contrat de vente
n’avait pas mis hi sa charge les techniques de contr6le qui avaient
6t6 finalement ndcessaires pour ddceler le vice;” ou qu’il fasse dtat
de sa ldgitime ignorance en raison de ]a nouveaut6 du matdriau
dont seul 1’usage pouvait rdv6ler la relative impropri6t6; 10 ou m~me
qu’il ai” “invoqud l’impossibilit6 de d6celer le vice”.” Dans tous les

0 Voir not. Cass. com. 29 juillet 1973, Bull. civ. IV, no 264, 236.
6 Voir Cass. com. 30 janvier 1952, Bull. civ. III, no 47, 37; 4 juin 1969,
D.1970.51; 17 mai 1971, Bull. civ. IV, no 134, 130; 17 ddcembre 1973, Gaz.Pal.
1974.1.428 (note Plancqueel), Bull. civ. IV, no 367, 327, qui dcarte une clause
fixant h huit jours seulement le d6lai pour contester la conformitd, ce qui,
en toute hypoth~se, ne parait correspondre qu’b des vices apparents; Cass.
civ. 1~re 28 avril 1971, J.C.P. 1972.11.17280 (note Boitard et Rabut), D.1972.
somm.4; adde, Cass. com. 17 mai 1971, Bull. civ. IV, no 134, 130, qui, sans
6carter la clause, confirme la decision attaqu6e qui avait jug6, par interprd-
tation du contrat, qu’il suffisait que le dommage se situe dans le d6lai de
garantie et qu’il n’dtait pas ndcessaire que l’action elle-m~me soit exercde
dans ce d6lai.
7 Voir en ce sens Cass. com. 29 janvier 1974, D.1974.268, J.C.P. 1974.11.17852
(note H.T.), qui rejette un pourvoi faisant valoir qu’une telle clause n’avait
pas pour objet une limitation de responsabilitd pour d6faut d’accomplisse-
ment d’une obligation qui avait dt6 souscrite, mais visait seulement h rdpar-
tir entre les parties les contr6les de la piece livrde; l’arr& frapp6 de pourvoi,
Rennes 8 mai 1972, Dr.marit.frangais 1973.37.

8 Cass. com. 8 novembre 1972, Bull. civ. IV, no 282, 266.
9 Cass. com. 27 novembre 1973, Bull. civ. IV, no 344, 307, A propos de fissu-
rations progressives de la couronne dentde d’un r6ducteur, dans un navire,
dues A l’inclusion de particules de sulfure de manganese, dont la plus grosse
6tait de rordre de deux centi~me de millimrtres et qui n’avaient pu 6tre
ddceldes en laboratoire qu’au prix d’examens cofiteux par macrographie,
magn6toscopie et ultra-sons.

‘0 Cass. civ. 36me 17 juillet 1972, Bull. civ. III, no 473, 344.
11 Cass. com. 15 novembre 1971, D.1972.211, h propos de boutures de

chrysanth~mes.

1980]

L’ARRt-T KRAVITZ SOUS LES FEUX DU DROIT COMPAR!E

319

cas, la r6ponse suffisante des juges de fond r6side dans la simple
observation que, vendeurs professionnels ou fabricants, Is 6taient
tenus de connaitre le vice. Et derni~rement, la Cour de cassation
n’a pas hdsit6 h censurer les ddcisions qui avaient 6cart6 la garantie
due par le fabricant ou vendeur professionnel en observant que ce
dernier avait 6tabli qu’il ne pouvait connaitre le vice cach6. Pour
la Cour, cette observation est inop6rante puisque “tout fabricant
est tenu de connaitre les vices affectant la chose fabriqude”. 12

Donc l’assimilation du vendeur professionnel et du fabricant
A celui qui cormaissait les vices cachds est aujourd’hui, pour I’
Cour de cassation, une r~gle de droit, au mme titre que l’article
1645 C. civ., dont elle est devenue le compldment ndcessaire. 13

Le droit positif frangais introduit ainsi une distinction fonda-
mentale selon que le vendeur est ou non un professionnel. Mais
c’est une nouvelle application de la distinction entre professionnels
et profanes qui apparait dans l’dvolution la plus rdcente du droit
frangais en mati~re de garantie des vices cachds. A la distinction
entre vendeurs professionnels et non-professionnels, s’ajoute une
sous-distinction fondde cette fois sur la qualitd de l’acheteur.” Elle
conduit iL distinguer entre l’acheteur professionnel et le consomma-
teur ou l’acheteur non-professionnel.

B. La distinction fondge sur le fait que l’acheteur soit ou non un

professionnel

1. L’acheteur est un professionnel

a) Le cumul des qualitds d’acheteur et de vendeur professionnel

Une premiere difficult6 est apparue lorsque, comme dans l’af-
faire Kravitz, le revendeur a achet6 la chose h un vendeur pro-
fessionnel, le fabricant, tout en ayant lui-m8me la qualit6 de ven-
deur professionnel, tenu de connaitre les vices cach6s. La jurispru-
dence a 6cart6 le faux dilemme dans lequel on s’dtait efforc6 de
l’enfermer. On a fait valoir, en effet, qu’une m~me personne, prise
en qualit6 de vendeur professionnel et assimilde t ce titre A celui
qui connaissait le vice, ne pouvait ensuite, lorsqu’elle agissait en
garantie contre son propre vendeur, 6tre autoris6e h se pr6valoir

12 Cass. corn. 27 avril 1971, J.C.P. 1972.11.17280 (note Boitard et Rabut); cf.
dans le m~me sens, pour un vendeur professionnel, Cass. civ. 16re 21 no-
vembre 1972, J.C.P. 1974.11.17890 (note Ghestin).
13 Voir Ghestin, “L’application des r~gles sp~cifiques de la vente A la res-
ponsabilitd -des fabricants et distributeurs de produits en droit frangais”
dans U.E.R. de droit des affaires de l’Universit6 de Paris I, La responsabilitd
des fabricants et distributeurs (1975), 3 4 68, sp6cialement 42 et s., no 55 et s.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 25

d’un d6faut qui serait n6cessairement apparent h ses yeux. Mais
la Cour de cassation a rejet6 le grief d6duit de cette apparente con-
tradiction de motifs.14

Certes, il peut sembler contradictoire d’affirmer qu’une mgme
personne a achet6 le produit en ignorant un d6faut qu’elle aurait
n6cessairement connu, en raison de sa qualification professionnelle,
,au moment oti elle l’a revendu. Mais la contradiction est purement
apparente et formelle. D’abord, les deux appr6ciations ne se situent
pas au m~me moment: on peut admettre que l’acheteur a eu le
temps de proc6der aux examens n~cessaires h la ddcouverte du d6-
faut lorsqu’il a revendu le produit, alors qu’il n’avait pu le faire au
moment de son achat. Surtout, le caract~re occulte du d6faut n’est
pas envisag6 de la m6me fagon selon que l’int6ress6 est pris en
qualit6 d’acheteur ou de vendeur. En tant qu’acheteur, il importe
de savoir si, en fait, et compte tenu des circonstances dont la com-
p6tence technique n’est qu’un aspect, l’int6ress6 a 16gitimement
ignor6 le vice cach6 au moment otL il a accept6 la livraison du
produit.

En tant que vendeur, en revanche, sa connaissance effective
du d6faut est sans int6r~t, comme le montre l’inefficacit6 de la
preuve de son ignorance l6gitime. I1 est assimilk h celui qui connais-
sait le vice cach6 afin d’en r~pondre dans les termes de l’article
1645 C. civ. Mais, en rdalit6, cette assimilation, qui ne supporte pas
la preuve contraire, signifie qu’il est tenu de vendre un produit sans
d6fauts, du moins sans d~fauts tels que l’acheteur n’aurait pas don-
n6 son consentement s’il les avait connus.
b) La validit6 des clauses limitatives de garantie entre professionnels

de m me spdcialitg
Lors du colloque organis6 par l’Universit6 de Paris I en janvier
1975 sur la responsabilit6 des fabricants et distributeurs, 5
les
industriels ont fortement insist6 sur la n6cessit6 d’admettre la
validit6 des clauses limitatives de responsabilit6 dans les relations
entre professionnels, tout au moins lorsqu’ils sont de m6me comp6-
tence ou de m6me sp6cialit6. Un important courant doctrinal s’est
ensuite exprirn6 en ce sens.16

14 Voir en ce sens Cass. civ. lre 17 d~cembre 1968, J.C.P. 1969.IV.35; Cass.
com. 27 octobre 1970, J.C.P. 1971.11.16655 (note P.L.), Bull. civ. IV, no 285, 249;
H6mard, Ventes, transports et autres contrats commerciaux (1971) 24 Rev.
trim. dr. com. 1058, 1070.

1 Supra, note 13.
A Voir Malinvaud, Pour ou contre la validitg des clauses limitatives de
la garantie des vices cachis dans la vente J.C.P. 1975.1.2690; Bigot, Plaidoyer

1980]

L’ARRPT KRAVITZ SOUS LES FEUX DU DROIT COMPARP

321

La chambre commerciale de la Cour de cassation, d~s le 8
juillet 1975, montrait, par an arrPt remarqu6, qu’elle n’dtait pas
restde indiff6rente i ces prdoccupations. Apr~s avoir rappel6 l’ineffi-
cacit6 des clauses limitant la responsabilitd d’un vendeur profes-
sionnel, elle n’avait pas, cependant, cass6 pour violation de l’article
1643 C. civ. (ainsi interpr6td) l’arrt qui avait cru devoir faire
application d’une telle clause.
‘lle s’6tait content6e de le censurer
pour manque de base 16gale en lui reprochant de n’avoir pas
“prdcis6 si le vendeur et l’acqudreur dtaient des professionnels de
m~me sp6cialit6”. 1 On sait que par ce proc6dd
la Cour de cassa-
tion “prdcise les circonstances de fait que les juges du fond auraient
dfi envisager avant de se prononcer, et du mgme coup elle invite la
juridiction de renvoi” (et plus gdndralement les juges du fond) “A
les examiner”‘ 8 L’arrt de ]a chambre commerciale du 8 juillet 1975
illustrait parfaitement l’utilisation de cette technique afin d’6non-
cer “une solution nouvelle de faron plus discrete et nuanee que
par l’affirmation d’un principe”. 19 II signifiait que

‘[Ile principe antdrieur d’inefficacitd des clauses limitatives de respon-
sabilit6 6manant d’un professionnel [6tait] susceptible de recevoir une
exception lorsque le vendeur et 1acqu6reur [6taient] des professionnels
de m6me sp6cialitd’. 20
II ne s’agissait cependant que d’une indication de tendance, fon-
dde sur an raisonnement a contrario dont on connait la fragilit6.
Aussi l’dvolution de la jurisprudence 6tait-elle attendue avec beau-
coup d’intdr~t. Dans une rdponse h une question dcrite de M. Bar-
berot,2 ‘ le ministre de la Justice avait montrd ses rdserves expres-
ses ;
l’6gard de la validitd des clauses limitatives de garantie entre
professionnels. A propos d’une demande visant h. pr6ciser le ddlai
durant lequel “le revendeur est tenu d’intervenir gratuitement et
le d6lai pendant lequel il est autoris6 h se faire payer ses frais de
main-d’oeuvre et de d6placement”, le ministre a fait 6tat du risque,

pour les clauses limitatives de garantie et de responsabilitg dans les contrats de
vente et de fourniture entre professionnels J.C.P. 1976.1.2755; Mercadal, La li-
mnitation de la garantie de vices cachds dans la vente des produits fabriquis
J.C.P. 1976 (&. c.i.) no 12157, no 11; Mollet-Vieville, La responsabilitd des
vendeurs-fabricants non-concepteurs de leur produits Gaz.Pal. 1977.1. doctr. 46.
17 Cass. corn. 4 novembre 1976, Gaz.Pal. 1977.1.244 (note Plancqueel); 8
juillet 1975, J.C.P. 1976.11.18332, Bull. civ. IV, no 199, 164.
1 Ghestin, “Introduction g6n6rale” dans Ghestin & Goubeaux, Traitd de

droit civil (1977), no 468, 349.

19 Ibid., 350.
20 Ibid., citant La responsabiliti des fabricants et distributeurs, supra,

note 13.

21 J.0. D6bats A.N. 24 juin 1977, 4168.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 25

en pr6sence de l’6volution r~cente de la jurisprudence, de voir “les
revendeurs … se trouver … dans une situation tr~s contraignan-
te”, faute de pouvoir “r~percuter la charge sur leurs propres fournis-
seurs ou sur les fabricants”. I1 a d6olar6 “plus souhaitable, si un
alignement du r6gime des garanties s’avrait indispensable, qu’il
intervienne … en permettant tout h la fois aux consommateurs de
conserver les garanties qu’ils ont aujourd’hui et aux revendeurs
de mettre en cause la responsabilit, des fabricants, comme pour-
raient le faire les consommateurs eux-m~mes”.2 2

Ces objections avaient d6jL 6t6 expriimes par M. Cornu qui obser-
vait qu’il “ne serait pas 6quitable de bloquer toute la -charge sur
les intermdiaires, qui, lgitimement emp6ch6s d’imposer leurs clau-
ses h leurs clients, seraient contraints de subir celles de leurs
fournisseurs”.23 Une telle solution irait d’ailleurs A l’encontre de
F’orientation g6n~rale du droit europ~en qui tend h canaliser la res-
ponsabilit6 sur le fabricant, jugs plus h mme de s’assurer, et non
sur le vendeur interm6diaire.2 4

Finalement dans deux arrts, rendus l’un par la 3e chambre
civile, l’e 30 octobre 1978, l’autre par la chambre commerciale, le
6 novembre 1978, la Cour de cassation a consacr6 de fagon certaine
la validit8 des clauses limitatives de responsabilit6 entre profes-
sionnels de mime sp~cialit6. Ces deux arr~ts cependant ne don-
nent h cette solution qu’une port~e limit~e puisque l’un et l’autre,
apr~s avoir admis la validit6 de principe d’une telle clause entre
professionnels de mime sp~cialit6, en 6cartent l’application dans
l’esp6ce qui leur 6tait soumise. La 3e chambre civile se r6f~re pour
cela aux observations de la Cour d’appel selon lesquelles le vice
cach6 6tait en l’esp~ce particuli~rement difficile h deceler. L’acqu6-
reur de l’immeuble n’aurait pu en effet le d6couvrir qu’en proc&
dant h un sondage du b6ton arms. Autrement dit le vice 6tait trop
bien cach6 pour admettre l’efficacit6 d’une clause limitative, m6-
me h l’gard d’un acheteur professionnel. La chambre commerciale
6carte quant h elle la clause limitant la garantie du vendeur pro-
fessionnel, pour la vente d’une pelle m6canique, en observant que
22 Voir sur la portde des rdponses minist~rielles, Ghestin & Goubeaux, supra,
note 18, no 329, 245; Oppetit, Les r~ponses ministgrielles aux questions dcrites
des parlementaires et l’interpr~tation des lois D.1974.chron.107 et s.

23Cornu, Contrats spdciaux (1976) 74 Rev. trim. dr. civ. 569.
24 Voir en ce sens le projet de la Convention du Conseil europden sur la
responsabilit6 du fait des produits, supra, note 13, Annexe II, ainsi que le
projet de directive de la commission de la C.E.E. sur le m~me objet, ibid.,
Annexe I.

25 .C.P. 1979.11.19178 (note Ghestin); Cornu, [1979] Rev. trim. dr. civ. 392.

1980]

L’ARRRT KRAVITZ SOUS LES FEUX DU DROIT COMPARt

323

I’acheteur, un entrepreneur de terrassement, 6tait un client utilisa-
teur et non un m6canicien professionnel de miime spdcialit6.

Cette notion est ainsi entendue de faron particu-iRirement stricte.
I1 reste cependant qu’elle semble a priori applicable au revendeur
professionnel sp6cialis6, tel le concessionnaire d’un fabricant de
voitures automobiles. Dans l’affaire Kravitz cela conduirait h ren-
dre opposable au concessionnaire une clause de limitation de ga-
rantie dans le contrat qui le liait au fabricant. Cette observation,
nous le verrons, n’est pas sans incidence sur la transmission de
l’action du revendeur h l’acheteur final. Mais auparavant il faut
consid6rer la protection sp6ciale dont b6n6ficie aujourd’hui ce der-
nier en droit frangais.

2. L’acheteur est un consommateur ou non-professionnel

La loi du 10 janvier 1978 sur la protection et l’information des
consommateurs, dite loi Scrivener,26 repute non 6crites les clauses
qu’elle d6finit comme abusives lorsqu’elles figurent dans un con-
trat conclu entre un professionnel et un consommateur ou non-pro-
fessionnel m7

Quoique la question ait fait l’objet de discussions, il semble
que
‘on puisse d6finir le consommateur et le non-professionnel
comme celui qui conclut le contrat en vue d’obtenir des produits
ou des services destinds h ses besoins propres et non pour les re-
vendre, les transformer ou les utiliser dans son activit6 profes-
sionnelle.

28

Le texte de ‘article 35 de la loi 6num~re les clauses qui peuvent
6tre consid6rdes comme abusives et vise en particulier les clau-
ses relatives h l’6tendue des responsabilit6s et garanties. Par exem-
ple, l’alina ler de
‘article dclare abusives les clauses qui appa-
raissent impos~es aux non-professionnels ou consommateurs par
un abus de la puissance 6conomique de l’autre partie et conf6rent
h cette derni~re un avantage excessif. Mais, contrairement au Pro-
jet de Code civil du Qu6bec qui, dans son article 76 du livre V,
donne au juge le pouvoir d’annuler les clauses abusives,29 la loi
Scrivener pr~voit l’intervention de ddcrets, pris au Conseil d’Etat,
afin de d6terminer les clauses abusives, r6put~s de ce fait non 6cri-
tes, autrement dit inopposables au consommateur.

26Loi No 78-23 du 10 janvier 1978, 1.0., 11 jan. 1978.
27 Ibid., art. 35.
28 Voir Ghestin, “Le Contrat” dans Ghestin, Traitg de droit civil (1979),

2 0ffice de r6vision du Code civil, Rapport sur le Code civil du Qudbec

t. II, no 595.

(1977).

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 25

Un seul d4cret est intervenu en application de cette loi, le 24
mars 1978
Ses articles 2 et 4 visent pr6cis~ment les clauses con-
cernant la garantie, et selon l’article 2 “la clause ayant pour objet
ou pour effet de supprimer ou de r6duire le droit h. r6paration du
non-professionnel ou consommateur en cas de manquement par le
professionnel h l’une quelconque de ses obligations” est abusive au
sens de l’article 35 de la loi Scrivener.

Ces dispositions donnent tout d’abord une cons6cration l6gisla-
tive h la jurisprudence en mati~re de vices cach6s. La r6gle qui re-
fuse toute efficacit6 aux clauses visant it limiter ou exclure cette
garantie devient ainsi plus facile h connaitre et plus certaine. En
outre la solution se trouve 6tendue de fagon incontestable .t la res-
ponsabiit6 contractuelle de droit commun.3’

En revanche rarticle 2 du d~cret du 24 mars 1978 ne pr6cise pas
s’il concerne 6galement les garanties conventionnelles. I1 en r~sulte
de graves incertitudes, qui sont encore aggrav~es par une recom-
mandation de la Commission des clauses abusives, du 24 f6vrier
19792 Cette Commission a pour mission, entre autres, de d~celer A
titre pr~ventif les clauses abusives qui figurent dans les conditions
g6n6rales des contrats. Elle petit 6noncer h ce titre des recomman-
dations qui pourront 6tre ult6rieurement transform6es en d~crets
d’interdiction. Des deux recommandations publi6es par le Ministre
comp6tent, l’une concerne pr6cis6ment les clauses de garanties et
vise h interdire la plupart des dispositions qui figurent dans les
contrats de garantie usuels3 3

La question de savoir si cette recommandation ne concerne que
la garantie l~gale ou vise 6galement les garanties contractuelles
“compl6mentaires” est trop complexe pour entrer dans les limites
de cet expos6. Elle est actuellement l’un des principaux sujets de
preoccupation des fabricants et vendeurs professionnels en mati~re
de garantie. 4

Ce qui est certain, en tous cas, c’est que le l6gislateur frangais
ne veut pas que les contrats ou clauses de garanties puissent d’une
fagon ou d’une autre limiter la garantie 16gale dont b6n6ficie, par le
seul effet de la loi, le consommateur. Pour que le consommateur en

30 D6cret No 78-464 du 24 mars 1978, Gaz. Pal. mars-avril 1978.
3 1 Voir Ghestin, “Rapport sur les clauses de garanties” dans Ghestin, Les
contrats d’adhdsion et la protection du consommateur (1978), 196 et s., no 5
et s.32 Voir Minist~re de rEconomie, Service de i’information: mesures nouvelles
(fdvrier 1979) 10.

3Ibid.
34 Voir Ghestin, supra, note 28, no 622.

1980J

L’ARRPT KRAVITZ SOUS LES FEUX DU DROIT COMPARP,

325

soit informS, l’article 4 du d6cret du 24 mars 1978 dispose que les
contrats qui offrent une garantie conventionnelle doivent

mentionner clairement que s’applique, en tout 6tat de cause, la garantie
Idgale qui oblige le vendeur professionnel h garantir racheteur contre
toutes les cons6quences des d6fauts ou vices caches de la chose vendue
ou du service rendu.35
Les mentions informatives de ce type tendent h se multiplier
dans les lois r6centes, et ce, afin de prot~ger spdcialement les con-
sommateurs et les 6pargnants. Il s’agit de faire connalitre h l’ache-
teur qu’h c6t6 de la garantie conventionnelle qui lui est donn6e par
le vendeur, il dispose toujours de la possibilit6 d’exercer
‘action
en garantie d;finie par les articles 1641 et suivants du Code civil.

Tel est, tr~s sommairement 6voqu6, le r6gime applicable h la
garantie des vices cach6s due par les fabricants et vendeurs pro-
fessionnels. I1 convient d’envisager maintenant comment cette ga-
rantie, qui est l’un des effets du contrat de vente, peut se transmet-
tre au sous-acqu6reur, de telle sorte qu’4l soit autoris6 h agir direc-
tement contre le fabricant.

II. Le fondement de l’action directe du sous-acqudreur

contre le fabricant
L’arrft Kravitz observe h juste titre qu’il “ne saurait done faire
de doute qu’en France le vendeur dolt la garantie … non pas seu-
lement h son acqugreur imm6diat, mais 6galement A tout acquereur
subs6quent de la chose”?0

I1 admet . son tour cette solution en d6clarant que “[1]a cr~an-
ce en garantie des vices cach6s n’en est pas une qui est personnelle h
F’acheteur”, qu’elle “est due h .F’acqu6reur en tant que propri6taire
de la chose”, et que “c’est une crdance … qui est directement re-
lie h la chose h laquelle elle se rapporte”; de sorte qu’elle “est donc
transmise aux ayants cause 4 titre particulier en m6me temps que
la chose elle-m~me”.3 7

L’arrt Kravitz ajoute que le principe de .’effet relatif des con-
trats ne s’oppose pas h cette action cirecte car il n’a pas un carac-
t~re absolu, une telle rigueur ne correspondant plus qu’h une con-
ception trop individualiste aujourd’hui d~pass~e 8

C’est sur le fondement de

‘action directe du sousacqureur

contre le fabricant qu’il convient maintenant de s’interroger.

35Supra, note 30.
36Supra, note 1, 812.
38 Ibid., 813.
38 Ibid.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 25

Trois explications sont pr6sent6es de fagon classique: une trans-
mission h titre d’accessoire de la chose vendue; une stipulation
pour autrui; et une cession de cr6ance. M. Malinvaud tient les trois
fondements pour dgalement satisfaisants3 9 M. Boubli les consid6re,
en revanche, comme dgalement mauvais. 0
‘aurais personnelle,-
ment tendance h partager cette seconde opinion.

Comme nous allons le voir, le choix ‘du fondement de l’action
du sous-acqudreur est important en raison de ses consdquences pra-
tiques. Or aucune des explications proposdes ne rend compte de
l’action souhait6e, en fait, par la jurisprudence.

A. La transmission de la criance de garantie a titre d’accessoire

de la chose vendue
Selon la formule inspir6e d’Aubry et Rau41 la cr6ance suit le

bien lorsqu’elle en est l’accessoire et s’identifie avec lui.

A l’appui de cette solution on a fait valoir divers textes qui pr6-
voient effectivement la transmission des accessoires avec celle d’un
bien principal, en particulier les articles 1615 pour la vente, 1018
pour le legs particulier et 1692 du Code civil pour la cession d’une
crdance. D’applications particulihres on pouvait, semblet-il, d6duire
un principe g6n6ral.

C’est sur ce fondement qu’une jurisprudence ancienne et cons-
tante a admis la transmission au sous-acqu6reur de l’action en ga-
rantie des vices cach6s que le vendeur interm6diaire pouvait exer-
cer contre son propre vendeur 4 2

La chambre commerciale de la Cour ‘de cassation a jugd cepen-
dant le 27 f6vrier 1973 que le sous-acqu6reur ne disposait de l’action
en garantie de son auteur qu’h seule fin d’obtenir des dommages-

s9 Note sous Cass. civ. 1re 5 janvier 1972, J.C.P. 1973.11.17340.
4o Soliloque sur la transmission de ‘action en garantie (A propos de l’arrat

de la 3e Ch. civile du 9 juillet 1973) J.C.P. 1974.1.2646.

41 Droit civil frangais 7e dd. (Esmein 1961), t. II, 104, 176, no 69: “[L]e
successeur particulier jouit de tous les droits et actions que son auteur avait
acquis dans l’intdr~t direct de la chose, corporelle ou incorporelle, ? laquelle
il a succdd6, c’est-a-dire des droits et actions qui se sont identifids avec cette
chose, comme qualitds actives, ou qui en sont devenus des accessoires”.
42 Voir Cass. civ. 12 novembre 1884, D.P.1885.1.357, S.1886.1.149: “[L]’action
du sous-acqudreur est fondde … sur le principe que la vente d’une chose
comprend tous ses accessoires et notamment les actions que le vendeur a pu
acqudrir h son occasion”. Voir aussi Ghestin, supra, note 13, 65, no 87, les
auteurs et la jurisprudence citds; Adde, Cass. com. 3 f6vrier 1976, Bull. civ.
IV, no 42, 36, qui ddduit la transmission de 1’action de la seule constatation
d’une suite ininterrompue de cessions rdguli~res.

19801

L’ARRPT KRAVITZ SOUS LES FEUX DU DROIT COMPARt8

327

int~rts. En revanche il ne b6n~ficiait pas de l’action en r6solution
de la vente qu’il ne pouvait exercer “que par voie oblique”. 43

Le doyen Savatier voit dans cette distinction une 6vidence
puisque le vendeur initial ne pourrait 8tre condamn6 a rembourser
le prix pay6 par le demandeur alors que lui-m~me “n’avait certaine-
ment pergu qu’un prix moindre”.”4 M. Plancqueel, qui critique cet
arr~t, estime quant i lui que le sous-acqu6reur peut r~clamer,
t
titre de dommages et int6r~ts, la totalit6 du prix qu’il a payS, A
moins que le vendeur originaire ait 6t6 de bonne foi. C’est la solu-
tion admise par l’arrt Kravitz. Le doyen Cornu critique 6galement
la solution en observant, d’une part, que le sous-acqu~reur exerce
l’action m~me de son propre vendeur et ne peut donc pr6tendre
qu’&h la restitution du prix pay6 par ce dernier, quitte h r6clamer A
celui-ci le complement du prix qu’il leur a personnellement vers6,
et, d’autre part, que la dissociation de laction en r6solution et des
dommages-intrts qui en constituent le compl6ment habituel est
6videmment fAcheuse en pratique.4

Le fondement objectif de la transmission a l’avantage de rendre
inutile la recherche d’un accord de volont6 plus ou moins factice.
I1 s’oppose en cela h la stipulation pour autrui et h la cession de
cr6ance pr6sum6es par certains auteurs. Mais ce fondement juridi-
que a d’autres consequences importantes4 1

A l’6gard du revendeur l’identification de la cr6ance au bien
transmis paralt bien impliquer une transmission int6grale et n6-
cessaire au sous-acqudreur. I1 en r~sulte que le revendeur ne peut
plus se pr6valoir de la cr6ance, m~me s’il conservait un int6r~t h le
faire. I1 ne peut m6me, semble-t-il, refuser de faron expresse cette
transmission.

A l’gard du sous-acqu6reur cette m~me identification interdit
normalement h celui-ci de refuser la transmission de la cr~ance.
II ne peut donc 4tre consid6r6 comme un tiers et la r~gle de non
cumul des responsabilit6s contractuelle et d~lictuelle ne lui permet

43Cass. com. 27 f~vrier 1973, J.C.P. 1973.11.17445 (note Savatier).
44 Ibid.
45Note Gaz.Pal. 1973.2.737.
46 Cornu, Contrats spdciaux (1973) 71 Rev. trim. dr. civ. 582. Voir dans le
meme sens Malinvaud, D.1974.138. Adde, H6mard, Ventes, transports et autres
contrats commerciaux (1973) 26 Rev. trim. dr. com. 845, 860; contra, Boubli,
J.C.P. 1974.1.2646, no 6 et s., qui se prononce de fagon g~n~rale, contre la
transmission de l’action en garantie.

4 7lestaz, note sous Cass. civ. 3 me 23 mars 1968, D.1970.664.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 25

pas, en cons6quence, de se placer sur le terrain de la responsabilit6
d4lictuelle, m~me si celui-ci 6tait plus avantageux. 8

La r6f6rence h la notion d’accessoire a 6t6 critique.49 On a fait
valoir que les accessoires de la chose vendue considrds par l’arti-
cle 1615 C. civ. sont par exemple les outils qui garnissent.le coffre
de l’automobile et non Faction en garantie; et que de plus, d’une
lfagon g6ndrale, un droit ne pourrait 6tre rattach6 h une chose.
Mais la critique ne parait pas d~cisiveP La question essentielle est
de savoir si le transfert d’un droit reel, g6n6ralement de la propri-
t6 d’un bien, entraime celle des cr~ances qui lui sont suffisamment
attach~es pour ne pas en 6tre dissoci~es. 51 L’extension de la notion
d’accessoire, des objets mat6riels aux droits, ne semble pas excd-
der les possibilit~s d’interprdtation des textes, ds lors que la trans-
mission qu’il s’agit de justifier est opportune.

La rdf6rence A la notion d’accessoire encourt cependant une cri-
tique plus sdrieuse. Admissible pour expliquer, apr6s coup, la trans-
mission, elle n’est pas d’un grand secours en tant que crit~re g6nd-
ral permettant de savoir quand il y a ainsi transmission.

Le critre le plus satisfaisant est sans doute le fait que la crdance
consid6rde n’a plus aucun intdr& pour son titulaire une fois trans-
mis le bien auquel elle se rattache.

Cette justification de la transmission est tr~s gdn6ralement ad-
mise, 2 d’autant qu’elle peut aussi autoriser h pr6sumer ne volon-
t6 en ce sens du titulaire du droit.53

Peut-tre m6me peut-on aller plus loin et n’admettre la trans-
mission que dans la mesure oil la cr6ance n’a plus d’int6r6t pour
son titulaire. Le sous-acqudreur ne se verrait transmettre l’action

acqudreur contre l’architecte et 1entrepreneur, en ce sens, Jestaz, ibid.

48 Voir pour la transmission de
‘action en garantie ddcennale du sous-
49 Rodiire, note sous Aix 5 octobre 1954, J.C.P. 1955.I1.8548; Gross, La
notion d’obligation de garantie dans le droit des contrats (1964), 184, no
192; Cozian, L’action directe (thise Dijon 1969), 60, no 94; Jestaz, supra, note
47, et note sous Riom 4 janvier 1968, D.1969.102.

1’action en garantie au droit de propri~t6.

60 Voir Malinvaud, supra, note 39.
51 Cf. Cass. civ. 16re 28 novembre 1967, Bull. civ. I, no 348, qui rattache
52 Voir notamment Weill, Le principe de la relativitd des conventions en
droit privg frangais (these Strasbourg, 1938), 874; Lepargneur, Dc l’effet (
l’6gard de l’ayant cause particulier des contrats gdndrateurs d’obligations
relatifs aux biens transmis (1924) 23 Rev. trim. dr. civ. 481, 503 et 528; Planiol
& Ripert, Trait6 pratique de droit civil frangais (1952), dd. Esmein, t. VI, 421,
no 331, Demogue, Traitd des obligations en gdndral (1933), t. VII, 33, no 676.

3 Choteau, A propos du refus & l’acqudreur de lFaction en rdsiliation du bail

6

pour manquements antdrieurs du preneur D.1959.chron.275.

1980]

L’ARRPT KRAVITZ SOUS LES FEUX DU DROIT COMPARtE

329

en garantie des vices cach6s que dans la mesure oit la vente n’aurait
pas d6jh tenu compte des d6fauts sous forme d’une r6duction du
prix.

La solution devient ainsi plus simple, mais aussi plus incertaine.
Cela vient sans doute de ce que le mdcanisme m~me d’une trans-
mission de Faction du vendeur intermdiaire au sous-acqu6reur n’est
pas satisfaisant. Ii ne semble pas d’ail-leurs qu’il puisse justifier
l’ensemble des solutions du droit positif en la mati~re.

Un premier doute apparalt lorsque

‘on consid~re Faction en
garantie exerc~e par le revendeur contre le fabricant apr~s indem-
nisation par ses soins du sous-acquereur.

En principe, si laction du revendeur avait 6t6 transmise au
sous-acqudreur, le revendeur ne devrait avoir d’autre recours con-
tre le fabricant que celui qui est fond6 sur la subrogation person-
nelle. Ii ne .devrait pouvoir r~clamer au fabricant que ce qu’il aurait
aussi pay6 “pour d’autres”, c’est-h-dire d6duction faite de sa propre
contribution dans la r~alisation du dommage. Or la question n’est
pratiquement jamais posse en ces termes. L’action rcursoire du
revendeur contre le fabricant est appr6ciee comme s’il avait con-
serv6 laction en garantie qu’il tenait de la vente initiafle, ce qui n’est
gu~re compatible avec sa transmission au sous-acqu6reur.

Une autre contradiction avec cette transmission apparait dans
le fait que le sous-acqu6reur conserve, selon la Cour de cassation,”
la possibilit6 d’exercer contre le fabricant une action en responsa-
bilit6 quasi-d lictuelle, notanment fond6e sur l’article 1384, alin6a
ler, du Code civil. Cette facult6 est en contradiction avec le princi-
pe qui interdit le choix de la responsabilit6 dlictuelle h celui qui
a subi un domaage r6sultant de l’inex6cution -d’une cr6ance con-
tractuelle. Si le sous-acqu6reur s’est vu transmettre laction en ga-
rantie du revendeur contre le fabricant, action contractuelle, il ne
devrait pas pouvoir logiquement agir contre ce dernier sur le fon-
dement de l’article 1384, alin6a ler, action quasi-d6lictuelle.

Enfin la transmission de l’action du revendeur au sous-acqu6reur
risque de cr”er une difficult6 considerable en raison de l’F6volution
la plus r6cente de la jurisprudence frangaise qui admet la validitd
des clauses limitatives de responsabilit6 entre professionnels de m6-
me spcialit6. S’il en r6sulte que le fabricant peut ainsi limiter la
garantie qu’il doit au revendeur professionnel, logiquement la trans-
mission de cette crance du revendeur au sous-acqu6reur devrait

64Voir, e.g., Cass. civ. lre 12 novembre 1975, J.C.P. 1976.11.18479 (note

Viney).

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 25

avoir pour effet indirect de rendre opposable h ce dernier les limi-
tations conventionnelles de responsabilit6. Crest de toute 6vidence
une solution qui ne correspond pas h la .port~e limite que la Cour
de cassation entend donner h la validit6 de ces clauses, strictement
r~serv~e aux relations entre professionnels.

Le m6canisme d’une transmission n’est-il pas alors inad6quat?
On ne revient de ce fait h envisager, non -plus une transmission de
la cr~ance de garantie du revendeur, mais un droit propre du sous-
acqureur naissant du contrat de vente initial. I1 faut alors que
soit 6 art6 le principe .de 1’effet relatif -des contrats. La stipulation
pour autrui, exception l6gale et classique A ce principe, le permet.
C’est d’ailleurs le deuxibme fondement classique de I’action directe
du sous-acqu6reur.

B. Une stipulation pour autrui prdsumie

En l’absence de clause formelle ou m~me de circonstances parti-
culi~res permettant d’interpr~ter une volont, tacite des parties, on
va presumer qu’a d6faut de volont6 contraire, ‘ayant cause b6n6fi-
cie d’une stipulation faite en sa faveur par son auteur. Le commer-
gant qui ach~te un produit h un fabricant stipulerait que la garantie
des vices cachs, qui lui est due, b6n6ficiera 6galement h celui au-
quel il le revendra.

Cette pr~somption peut trouver un support l6gal dans l’article
1122 du Code civil aux termes duquel “on est cens6 avoir stipul6
pour soi et pour ses hdritiers ou ayants cause, h moins que le con-
traire ne soit exprim6 ou ne r6sulte de la nature de la convention”.
On a soutenu que les ayants cause vis6s par ce texte ne seraient
que les ayants cause h titre universel pour lesquels, on le sait, la
transmission est automatique. 5 Le texte cependant ne precise pas
et la distinction qu’il fait entre les h6ritiers et les ayants cause
permet de penser que ses r~dacteurs ont vis6 tous les ayants cause.
Les anciens auteurs0 et particuli~rement Pothier,6 7 inspirateur di-
rect de l’article 1122, d~signaient express6ment les ayants cause par-
ticuliers. 11 semble donc que l’article 1122 vise bien les deux cat6go-
ries d’ayants cause.58

65 Voir en ce sens Mazeaud, “Obligations: Th6orie G~ndrale”, dans Chabas

(r6d.), Legons de Droit Civil 6e 6d. (1978), t. 2, 846, no 753.

5 Voir Ferri~re, Dictionnaire de droit et de pratique (1749), 221; nouvelle

4dition (1779), 168.

6 Pothier, Traitg des Obligations (6d. 1883), 34, no 67.
5 8 Voir en ce sens Lepargneur, supra, note 52, 482 et s.; Calastreng, La rela-
tivitd des conventions (th se Toulouse 1939), 96; Laborde-Lacoste, Essai sur
la notion d’ayant cause & titre particulier en droit privd frangais (th~se

1980] L’ARRtT KRAVITZ SOUS LES FEUX DU DROIT COMPARe.

331

C’est, semble-t-il, en vertu d’une telle stipulation que la juris-
prudence a admis la transmission au sous-acqu6reur d’un fonds de
commerce, de la clause de non-concurrence que son vendeur avait
obtenu de son pr6ddcesseur lors de sa propre acquisition.59 La
jurisprudence a 6galement autoris6 le destinataire de marchandises
perdues ou avarides au cours du transport h se pr6Valoir d’une sti-
pulation de 1’exp6diteur h son profit lui pernettant d’invoquer le
contrat conclu par ce dernier contre le transporteur.

Cette utilisation d’une stipulation pour autrui pr6sume a 6t

cn.tiqude. On lui a reproch6, en particulier, de permettre, dans les
contrats synallagmatiques, une transmission des or6ances sans as-
surer celle, corrdlative, des dettes ndes du mime contrat.6 ‘ Mais
en r6alitd rien n’interdit h l’un des contractants de transmettre
partie de sa cr6ance en gardant pour lui sa dette, ce qui corres-
pond d’ailleurs aux dispositions expresses de l’article 1121 du Code
civil.0 2

I1 reste que la stipulation pour autrui n’est sans doute pas le
m6canisme le plus ad6quat. Elle suppose, en effet, l’acceptation

Bordeaux 1916), 23; Weill, supra, note 52, 113; Aussel, Essai sur la notion de
tiers en droit civil frangais (th~se Montpellier 1953), 40 et s., no 24 et s.;
adde, du Garreau de la M6chenie, La vocation de l’Ayant-cause a Titre parti-
culier aux Droits et Obligations de son Auteur (1944) 42 Rev. trim. dr. civ.
227, qui constate l’utilisation de la stipulation pour autrui par la jurisprudence
pour crder en fait une transmission l6gale; Soinne, La responsabilitd des archi-
tectes et entrepreneurs apr s la rdception des travaux (these Lille 1969), t. I,
no 91 et s.

59 Req. 18 mai 1868, D.P.1869.1.366, qui admet rinterpr6tation souveraine
des juges du fond selon laquelle cet engagement avait 6t6 obtenu “non pas
seulement dans l’int6r6t personnel” du stipulant “mais aussi dans l’int6r6t
de son
tablissement”; ou, de fagon plus pr6cise, selon Req. 5 juillet 1865,
D.P.1865.1.425, “dans l’intdr~t de tous les possesseurs de l’6tablissement”. Voir
admettant 6galement cette transmission afin d’assurer la transmission effec-
tive de la client~Ie, Nancy 14 novembre 1905, D.P. 1907.2.321 (note Lacour);
Rouen 28 mars 1925, D.P. 1927.2172 (note Lepargneur); Angers 9 juillet 1935,
D.H.1935.513; Rouen 15 novembre 1938. S.1939.2.151; Lyon 18 d6cembre 1952,
D.1953.241 (motifs). Adde, Despax, L’entreprise et le droit (th6se Toulouse
1957), 49-52, nos 53-56; du Garreau de la Mdchenie, supra, note 58, 225;
Lepargneur, supra, note 52, 525 et s.

61 Rodi~re, supra, note 49.
1 Selon ce texte, en effet, “on peut pareillement stipuler au profit d’un
tiers, lorsque telle est la condition d’une stipulation que l’on fait pour soi-
m~me”. Voir en ce sens Malinvaud, supra, note 39.

10 Voir du Garreau de la M6chenie, supra, note 58, 227; Cass. civ. 2 d6cembre
8 mars 1911,

janvier 1894, S.1894.1.246;

1891, D.1892.1.161, S.1892.1.92; 31
D.1913.1.228; 26 janvier 1915, D.1916.1.47.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 25

du tiers b6n6ficiaire.P Or cette solution, qui ne parait d’ailleurs
pas toujours correspondre au droit positif, aurait l’inconv~nient
de laisser h l’ayant cause la possibilit6 de choisir entre la respon-
sabilit6 contractuelle et d6lictuelle du d6biteur de son auteur, ce
qui est contraire h la r~gle du non cumul des deux responsabilit6s.
De plus la stipulation pour autrui pr6sum6e doit 6tre au moins
vraisemblable et, en tous cas, suppose un int6r&t moral du stipu-
lant. Si largement que celui-ci soit entendu il sera souvent difficile
h admettre. La transmission de l’action en garantie au sous-acqud-
reur n’a jamais
td entendue comme lib6rant le vendeur de sa
propre garantie. L’intdr~t pour celui-ci d’une telle stipulation n’est
pas alors 6vident. 4

En revanche la stipulation pour autrui ne fait pas obstacle h ce
que le revendeur garde le bn6fice de la cr6ance dans la mesure ott
celle-ci pr6sente encore pour lui un certain int6r~t. Elle se distingue
en cela de la cession de crdance qui a dgalement 6td proposde pour
justifier la transmission.

C. Une cession de crdance prdsumde

Le recours du sous-acqudreur contre le ddbiteur d’une obliga-
tion de garantie au profit du vendeur immddiat s’expliquerait par
une cession de crdance “que la nature de la convention de vente
autorise h supposer voulue par les parties h ce contrat”, comme
tne suite conforme h l’6quitd et h l’usage selon
‘article 1135 C.
civ.1 Cette analyse ne parait pas avoir 6t6 appliqu6e par la juris-
prudence 6 Elle se heurte, il est vrai, t de s6rieuses objections.

Dans les rapports entre le sous-acqu6reur et le revendeur, il.

n’est pas certain que ce dernier ait toujours voulu c6der son droit
de cr6ance. L’acheteur, qui revend la chose apr~s avoir constat6 son
d6faut et accept6 un prix r6duit en consequence, entend normale-
ment conserver contre son propre vendeur Faction qui lui permettra

63 Voir Ripert & Boulanger, “Les Obligations” dans Traitd de Droit Civil

(1957), t. II, 216, no 564.

64 Voir Boubli, supra, note 46, no 13.
65 Rodi~re, supra, note 49; Gross, supra, note 49, no 191 A 193; Cozian,

supra, note 49, 60, no 94.

0 0Jestaz, supra, note 47; Malinvaud, supra, note 4. La jurisprudence ad-
ministrative semble n’accepter la transmission de l’action que si une cession
de cr~ance est formellement stipulde dans la vente: Cons. d’Et. 7 novembre
1952, Rec. Cons. d’Et. 853; Act. jur. D.A. 1953, 36. Voir toutefois Cons. d’Et.
6 janvier 1961, D.1962.126 (note Lamarquie), qui ne precise pas si la cession
dtait expresse ou tacite.

19803

L’ARRRT KRAVITZ SOUS LES FEUX DU DROIT COMPAR8

333

d’etre indemnis6. Or il n’a plus cette possibilit6 s’il est cens6 avoir
c6d6 son droit h garantie en mme temps que la chose; ce qui peut
lui 8tre oppos6 efficacement par le d6biteur. 7

Finalement, en plus de ses d6fauts particuliers, la cession de
cr6ance cumule les inconv~nients des deux explications pr&cdentes.
Comme la stipulation pour autrui elle repose sur une fiction de
volont6, tout en restant soumise h la volont6 contraire du fabricant
ou du revendeur. Comme la transmission A titre d’accessoire elle
r6alise un .transfert de l’action mime du vendeur interm6diaire;
ce qui n’est pas satisfaisant.

En r~alit6 ce que la jurisprudence entend r6aliser c’est donner
au sous-acqu6reur une action contre .le fabricant qui lui soit propre
et qui r6sulte du simple enchainement des contrats de vente succes-
sifs. Force est de constater qu’aucune des explications doctrinAles
propos~es jusqu’h pr6sent ne correspond exactement h ce but.

Celui-ci est pourtant atteint par la jurisprudence grace h des
formules d’une grande souplesse qui ne va pas, il faut bien le dire,
sans quelque ambigu’ft6. Celle-ci n’est malheureusement pas sans
cons6quence, comme le montre l’arr~t de la chambre civile de
1973, 18 tr~s g6n6ralement critique, qui refuse au sous-acqu6reur
l’action en rcsolution du contrat. Une intervention l6gislative ne
serait-elle pas opportune?

Conclusion

En guise de conclusion j’observerai simplement que les textes
europdens, qu’il s’agisse du projet de directive de la Communaut6
Economique Europdenne ou de la Convention du Conseil de l’Euro-
pe sur la responsabilit6 du fait des produits, ont su couper court
i ces diffificult6s.

Ces textes pr6voient, en effet, une responsabilit6 ind6pendante
de toute relation contractuelle entre le fabricant du produit et la
victime. I1 suffit que le dommage soit dfi h un d~faut du produit
pour que la responsabilit6 du fabricant soit engag~e, dans les limi-
tes fix~es par ces deux textes naturellement, mais en tous cas, in-
d~pendamment de tout lien entre la victime et le fabricant ou le
produit.70

67Voir Cass. civ. 3 me 9 juillet 1973, J.C.P. 1974.12646 (note Boubli).
88 Ibid.
09Supra, note 24.
10 Ibid.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 25

II est vrai que ces textes europeens ne visent qu’h r6parer les
dommages corporels et, accessoirement, certains dommages aux
biens. Ils ne concernent pas la r6solution du contrat.

Egalement le projet de Code civil du Qu6bec donne une action
directe au sous-acqudreur 1 I1 en est de m6me du dernier alin6a de
1’article 53 de la Loi sur la protection du consommateur 2 qui entre-
ra bient6t en vigueur au Quebec.

En somme, il serait opportun que le l6gislateur frangais prenne
exemple sur ces interventions lgislatives et se d6cide h r6diger
de nouveaux textes sur la garantie, et m6me sur les contrats en
g~n6ral, car les dispositions actuelles ne sont plus adapt6es aux
n6cessit6s de notre temps et la jurisprudence ne peut, m6me avec
l’aide de la doctrine, r6gler toutes ces difficult6s.

11 Rapport sur le Code civil du Qudbec, supra, note 29, livre V, art. 366.
72 L.Q. 1978, c. 9.