Article Volume 13:4

Le criminel d'habitude: aspects criminologiques

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Le criminel d’habitude: aspects criminologiques

Denis Szabo *:

Criminels d’occasion et criminels d’habitude:

Ce n’est pas le d6linquant d’occasion, qu’il soit accus6 d’un crime
grave comme le meurtre (par passion) ou de voies de fait (sous
l’influence de l’alcool) ou de vol simple (sous la pression d’une n6ces-
sit6 6conomique ou psychologique) qui mobilise l’appareil cofiteux
et pl6thorique de l’administration de la justice dans nos pays. Ce sont
les rcidivistes, les d~linquants d’habitude, constituant, suivant les
estimations fort hasardeuses d’ailleurs, de 50 A 70% de la clientele de
nos p6nitenciers, qui t6moignent de l’6chec de la soci6t6 A produire
des citoyens respectueux des lois 6tablies en d~pit de p6nalit6s suc-
cessives dont ils sont afflig~s. C’est donc un probl~me fondamental
dans la criminologie moderne que d’essayer de pr6ciser les caract6-
ristiques de ce type de criminels, noyau d’irr6ductibles qui ne don-
nent pas ou peu de prise A l’intention preventive de la peine.

Afin d’&clairer notre propos nous allons envisager successivement
les definitions juridique, psychologique et sociologique du criminel
d’habitude; ensuite nous d6velopperons la conception criminologique
qui se d~gage de la litt6rature scientifique contemporaine. Finalement,
nous concluerons en indiquant les cons6quences, sur le plan clinique
(diagnostic et traitement) et sur le plan juridique (mesures 16gales)
d’une conception criminologique du d~linquant d’habitude.

Le ddlinquant d’habitude ou le r~cidiviste: definition juridique.

Ii semble indispensable de faire une mise au point, du point de
vue de l’histoire du droit penal, avant d’envisager d’autres d~finitions
du r~cidivisme. En effet, le criminel d’habitude n’est devenu un sujet
de pr6occupation grave pour la conscience collective que depuis fort
peu de temps. La p~nalit6 des si~cles qui pre6daient le XVIIIe 6tait
orientee principalement vers l’61imination. Une ordonnance de Phi-
lippe II en 1570 pr6voyait l’application de la peine de mort d~s la
troisi~me infraction et
‘on connalit le plaidoyer de Thomas More
pour une justice plus humaine dans une Angleterre qui, pour des
vols d’une valeur infime, infligeait la peine capitale. Cependant l’esprit
de resistance des milieux dirigeants fut tel qu’il devait situer dans
une Utopie lointaine l’endroit oil les paysans affam6s ne sont pas

* Dipartement de Criminologie, Universit de Montrial.

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ASPECTS CRIMINOLOGIQUES

occis pour un simple vol de mouton. NManmoins, le syst~me arbitraire
des peines permettait au juge de l’ancien r6gime de frapper A son
gr6 le criminel. Dans une faible mesure donc, due A la pratique 61imi-
natoire des cours, la notion de criminel d’habitude existait et d6ter-
minait une certaine gradation des peines dans la pratique des cours.
Le droit p6nal olassique, inspir6 par la pens6e philosophique du
XVIIIe si~cle, (Montesquieu, Beccaria, Feuerbach) ignorait curieu-
sement la notion de la r6cidive. Bas6 sur les postulats de la respon-
sabilit6 morale, de la peine r6tributive et de la l6galit6 des d61its
et des peines, seul l’616ment objectif mat6riel du d6lit importait. La
force de la r6action contre la pratique arbitraire du droit de l’ancien
r6gime fut telle que toute reconnaissance de la r6idive semblait aller
h l’encontre du principe << non bis in idem >>, base m~me de Ia justice
tre aggrav6e qu’en raison des
nouvelle. La peine du crime ne peut
circonstances qui s’y rattachent, qui lui sont concomitants et qui
font un tout indivisible.

La pression de la r~alit6 a fait ceder cependant assez rapidement
les doctrinaires de l’cole olassique et celui qui en fut le repr6sentant
le plus illustre formule comme suit la position qui, sous une forme
ou une autre, se retrouve, implicite, dans nos codes, nos jurisprudences
contemporaines: << On ne saurait pr~tendre, 6crivait Carrara, que la criminalit6 du second d6lit puisse recevoir un accroissement pour la r~cidive. La r6cidive n'ajoute rien A la nouvelle dette. Le coupable a sold6 la premiere, il serait injuste de la lui porter en compte une seconde fois. Les moralistes d6elament en vain contre la perversit6 plus grande que l'on rencontre chez les r6cidivistes. Le droit p6nal, qui est le juge comp6tent de la criminalit6 objective de fait ne pour- rait s'attacher A la culpabilit6 objective de l'agent sans sortir des limites qui 'lui sont assignees et les critiques des plus habiles crimi- nalistes resteraient sans r~ponse si l'on voulait rattacher l'augmen- tation applicable au r6cidiviste A une augmentation correspondante de l'imputabilit6>>. Et, commente monsieur Ancel, (1955), on voit que
l’auteur prend grand soin de ne pas fonder l’aggravation de la peine
du r6cidiviste sur la culpabilit6 subjective de l’agent: il n’y aurait
(p. 13). C’est dans cet
qu’une circonstance aggravante objective
esprit que les l6gislations du XIXe si~cle ont admis la r6cidive et
ont 6tabli une gradation pr6cise et presque automatique des peines,
bas~e sur les 616ments purement objectifs de l’infraction.

Ds la fin du XIXe si~cle, devant l’augmentation de la criminalit6
d’habitude, –
phCnom~ne concomitant non seulement de l’industria-
lisation et de l’urbanisation qui multiplient la proportion des gens
d6racin6s de la soci6t en les rendant plus vuln6rables aux tensions
anti-sociales, mais 6galement de la diminution, puis suppression pro-

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gressive, des peines 61iminatoires, –
on constate l’inefficacit6 des
peines classiques A r’gard des r~cidivistes. Une nouvelle reaction
sociale voit le jour et se manifeste sous la forme de mesures de
sfiret6; celles-ci s’imposent A l’6gard des d6linquants mentalement
anormaux et des criminels d’habitude. La rel6gation et l’internement
de sfiret6 sont les principales mesures qui apparaissent dans les l6gis-
lations europ6ennes et am6ricaines A partir de 1880. Bas6es sur la
notion d’incorrigibilit6, ces mesures de sfiret6 pr6voient, A ]a limite,
rinternement A dur6e ind6termin~e des coupables comme par exemple
la loi belge de d6fense sociale du 9 avril 1930.

De nos jours, les l6gislations donnent une place de plus en plus
large aux << mesures de sfiret6 >>, bas6es essentiellement sur les 616-
ments subjectifs dans l’appr~ciation non seulement de l’acte criminel
mais surtout de Ia personnalit6 du coupable. On s’efforce d’adapter
la r6action sociale contre le crime aux donn6es psycho-sociologiques
qui caract6risent la personnalit criminelle. Cette reconnaissance de
rimportance des mesures de sfiret6, tant dans les 16gislations p6nales
des pays de droit coutumier que dans ceux du continent, ouvre ]a
voie au r6le accru des sciences humaines qui justement se proposent
d’expliquer, par les m6thodes positives d’observation et d’exp6rimen-
tation, les d6terminants de la personnalit6 criminelle.

La personnalit6 criminelle: d6finitions psychologique et sociologique.

Historiquement parlant, les explications A base bio-psychologique
et A base sociologique sont contemporaines, bien que les premieres
furent pr~dominantes durant la premiere moiti6 de notre siecle. Le
concept de Lombroso sur le criminel-n6 apparut comme rapplication
de la th6orie darwiniste sur le ph6nom~ne criminel qui ob6it A des
lois de d6terminisme biologique. II est presque contemporain du
lyonnais Lacassagne qui affirmait que chaque soci6t6 avait les cri-
minels qu’elle m6ritait. Ges deux traditions se sont cependant d6ve-
lopp6es paral~lement et nous sommes en presence aujourd’hui de
d6finitions 6labor~es soit dans une perspective m6dico-psychologique
soit dans une perspective socio-culturelle. Ce n’est que dans les ten-
dances multi-disciplinaires de la criminologie que Pon s’efforce, tout
r6cemment, de rapprocher ces deux points de vue et d’en faire une
synth~se susceptible d’influencer et la pratique clinique et ]a pratique
judiciaire.

DMfinition psychologique.

Bas6es sur l’6tude biologique et psychologique de la person-
nalite, essentiellement sur celle des condanin6s A de longues peines

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ASPECTS CRIMINOLOGIQUES

d’emprisonnement et par consdquent susceptibles de se pr~ter A des
observations approfondies, ces d~finitions r~duisent les facteurs m6so-
logiques au r&le des stimuli auxquels r6pond l’organisme bio-psychique.
Deux tendances distinctes, souvent oppos~es, mais semblables quant
A la d6marche mthodologique, sont A relever: celles qui placent l’ac-
cent sur le biologique et en font d6couler le psychologique (Kinberg
(1960) par exemple) -et celles qui placent le psychologique, produit
d’influences parentales, au point de d6part de cette r~flexion (Fried-
lander (1951) par exemple).

R6sumons rapidement ces deux points de vue: d’apr~s le sufdois
Kinberg, la valeur du stimulus mfsologique n’est jamais la m~me
pour deux personnes. Parmi les impulsions psycho-chimiques innom-
brables qui frappent l’organisme, seules celles qui poss~dent une cer-
taine 6nergie atteignent la hauteur du seuil d’excitation de certains
mfcanismes cfr~braux et deviennent des stimuli qui dfclenchent des
reactions du sujet. En d’autres termes, chaque sujet choisit, selon
sa structure personnelle, pour stimuli les impulsions m~sog~nes qui
se rattachent A lui par une certaine affinit6. II s’ensuit que le milieu en
tant que etimulus d6clenchant les rfactions humaines est une fonction
de la personnaliti de l’individu et, d~s lors, afin de d6couvrir les
causes d’un crime, il faut 6tudier la personnalit6 dans sa triple racine
et envisager: a) le noyau constitutionnel de la personnalit6, c’est-h-dire
l’alliage constitutionnel, les constellations, les tendances rfactionnelles
fondamentales (variante constitutionnelle) ; b) les l6sions c6rdbrales
6ventuelles qui sont susceptibles de modifier ces tendances (variantes
pathologiques) ; c) I’tat des iddes et des 6motions morales et de la
sensibilit6 (fonction morale, sensibilit6 esth6tique).

D’aprbs la psychanalyste britannique K. Friedlander, c’est l’im-
pr6gnation de la personnalit6 par les valeurs et des normes d’origine
sociale par le truchement des parents qui livrera la clef de l’expli-
cation d’une personnalit6 d~linquante. C’est par l’identification suc-
cessive aux figures parentales que se constitue le moi et le surmoi, et
la solution du conflit oeudipien est capitale dans le d6veloppement
d’une personnalit6 qui puisse rencontrer les exigences de la societ
et r6soudre avec succ~s les d~fis que pose son adaptation A ces exi-
gences. LA encore, le milieu social n’a qu’un r6le d’interm6diaire: c’est
la domestication des instincts au sein de la famille durant la petite
enfance qui constitue le processus principal et pertinent dans l’6tude
des sources de la personnalit6 anti-sociale.

Les d6finitions psychologiques dont nous avons choisi ces 6chan-
tillons ont toutes ceci en commun elles basent l’explication de la
personnalit6 criminelle sur un dterminisme individuel, d6coulant de
facteurs qui sont lis it la condition bio-psychologique de l’individu.

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Le monde socio-culturel apparait sous ]a forme de facteurs d6-
clenchant, <> comme le dit Friedlander, sans pertinence
logique ni th6orique par rapport aux forces bio-psychologiques.

Rien d’6tonnant done que ces d6finitions psychologiques aient
conduit certains criminologues contemporains h d6finir la conduite
d6linquante habituelle comme symptomatique, c’est-h-dire comme
une manifestation apparente, d’une condition pathologique latente,
voire mfme sui generis. Comme, par ailleurs la compulsion de r6p6-
tition compte parmi les indications de la n6vrose, l’incorrigibilit6 et
le r6cidivisme doivent 6tre consid6r6s comme les indications de ]a
d6linquance pathologique. Telle est ]a position par exemple de l’6minent
psychologue canadien, le R. P. Mailloux, (1960), pour qui il y a lieu
d’admettre l’existence d’une diff6rence de nature entre le d6linquant
habituel incorrigible et le non-dMlinquant.

Dans une 6tude approfondie d’une population p6nale britannique,
le docteur West, (1963), nous livre un certain nombre de r~flexions
et nous 6claire fort bien au sujet des criminels d’habitude. Contrai-
rement au st6r6otype r6pandu au sujet des criminels d’habitude, fort
peu parmi eux appartenaient A la categorie des criminels violents,
dangereux, membres de la p~gre ou exergant le m6tier de criminel
en << professionnel >>. La majorit6 est compos6e de << shiftless, work-shy characters from whom petty stealing represented the line of the least resistance >> (p. 100). I1 y trouvait une plus grande proportion de
personnes atteintes de troubles psychotiques que pr6vue. Un tiers
parmi eux avait de s6rieux problbmes de sant6 mentale. 88% des
d6tenus avaient des personnalit6s s6rieusement d6viantes, incapables
d’accepter les responsabilitgs sociales et morales qui incombent A un
adulte normal de leur cat6gorie d’age. Souvent cela 6tait dfi A leur
personnalit6 6gocentrique, labile, et A des attitudes d’exploitation
qu’ils avaient A l’6gard de leur entourage. Bien plus souvent cependant
]a cause directe de l’6chec d’adaptation sociale procde d’une person-
nalit6 n6vrotique, introverte, hyper-sensible et solitaire. Et West
conclue: “in effect, these prisonners were much more often like
chronic neurotics of inadequate personality than the conventional
picture of agressive psychopathic delinquant. The fact that at the
average age of forty, a half of the preventive detainees had never
been married and only eight percent were living with wives provided
a good measure of the extent of their social disturbance. Many were
excessive drinkers and gamblers. Sexual relationships tended to be
conspicuously lacking and perversion was common” (p. 101).

I1 est int6ressant de reproduire les types que distingue, au terme
de ces observations soigneuses, West, dans la population p6nale. a)
Les non-ddviants constituent environ 12%. On n’y relive pas de n~vro-

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ASPECTS CRIMINOLOGIQUES

ses ou de perturbations familiales graves. II s’agit d’individus qui sont
bien int~gr6s dans un milieu criminel et pr6parent leurs activit~s
rationnellement. Ils commettent rarement des d6lits de violence, rdus-
sissent dans leur activit6, bien souvent, avant d’-tre arr&6ts par la
police. b) Les d6viants actifs et agressifs, constituent environ 36%
du groupe. Leur attitude est franchement rapace h l’6gard de la
soci6t6 et on retrouve chez eux l’indiff6rence affective si caract6ris-
tique des psychopathes. Une minorit6 parmi eux est toutefois ouver-
tement violente et agressive. Leurs relations avec le milieu est diffi-
cile car ils consid~rent tout le monde avec soupgon et hostilit6. Peu
pr6occup~s des cons6quences de leurs actes, ils attaquent d6lib6r6-
ment la collectivit6 soit par des vols, soit par des fraudes et n’h6sitent
pas A recourir, le cas 6ch6ant, A la violence. Dans ces cas, ils se
rapprochent de la d6finition des psychopathes criminels. c) Des d6-
viants passifs et inad6quats constituent 52% du groupe. Il s’agit de
personnes qui manquent d’ambition, de courage, d’application pour
faire face h leurs obligations sociales. Ils sont port~s au parasitisme,
sont d6pendants, manquent d’amis et ont beaucoup de difficult6 A
6tablir des relations positives, bas6es sur les rapports r6ciproques
avec autrui. Ils se livrent au vol A une petite dchelle, op~rent rarement
en groupe et deviennent surtout actifs sous l’influence de la pression
des conditions adverses. Bien que l’on ne puisse les consid6rer comme
psychiatriquement anormaux, la majorit6 parmi eux pr~sentent des
traits qui exigent une assistance psychiatrique. La plupart des d6-
viants sexuels sont dans cette cat6gorie. Ils sont plus extroverts et
moins n6vrotiques que les d61inquants de la cat6gorie pr6c~dente
(p. 103-104).

Il est 6vident, et West en convient, que cette description du criminel
d’habitude est bas6e sur une s6lection essentiellement arbitraire op&
r6e par les cours: on ne prononce des sentences qu’A l’encontre des
personnes que l’accusation a r6ussi h confondre avec succ6s devant le
juge. Nous examinerons plus tard les cons6quences de ce fait sur le
portrait psychologique du d6linquant d’habitude. On ne sera pas 6ton-
n6 non plus de constater dans le livre du docteur Andry, (1963), que
le r6cidivisme de la population p6nale qu’il a analys6 est en fonction
de l’immaturit6 6motive, de la n6vrose, et de 1′ <>
c’est-A-dire de l’orientation vers autrui de l’agressivit6 pathologique.

DMfinition sociologique.

Bien que les premieres Rtudes de sociologie criminelle aient R6
contemporaines de celles des m6decins et des psychologues, il faut
admettre que l’influence des premieres fut, pendant longtemps, de
beaucoup inf6rieure tant dans l’opinion publique que dans la pratique

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judiciaire et p6nologique. En effet, le point de d6part des 6tudes
sociologiques fut la soci6t6 et la culture, entit6s infiniment plus
difficiles A observer, A d6crire que l’individu, l’objet des investigations
bio-psychologiques. De plus, les populations p~nales ott des individus
pr6sent6s devant les cours ayant 6t6 les premiers et les plus importants
sujets d’observation scientifique, le r6le des sociologues se r~duisait
A relever les traits sociaux (age, profession, 6tat civil, etc.) en cal-
culant leur fr~quence et en les comparant avec les populations non-
criminelles du mgme genre. Forcment, la port~e de telles 6tudes fut
non seulement intellectuellement, mais du point de vue de ]a pratique
judiciaire et p6nitentiaire, fort limit6e.

Ce n’est que grace au d6veloppement des m~thodes d’observations
plus complexes et d’une armature conceptuelle plus ad6quate, que
‘apport de la sociologie a 6t plus notable, par rapport au sujet qui
nous int6resse. A la base de toutes ces 6tudes on trouve le d6veloppe-
ment de l’id6e que la personne socialis6e dans les diverses cultures et
sous-cultures d’une soci6t6 r6agit diff6remment aux r6gles que pres-
crit -a loi: elle s’y soumet, la circonvient ou s’y oppose violemment
suivant les conditionnements qui l’avaient formae non seulement au
sein de la famille mais aussi dans ,les divers groupes auxquels elle-
meme et ses parents adherent. Le criminel d’habitude serait dans
cette perspective celui qui, sous l’influence de circonstances r~p6t6es
a acquis une habitude de criminel. Le dMinquant chronique, sociale-
ment inad6quat suivant les termes de West, appartient A ce type. Le
criminel professionnel, qui a d6lib6rment choisi, par calcul rationnel,
la vie du crime (,le criminel non-deviant de West) constitue la classe
la plus importante et qui pr~sente le plus d’int6r~t pour le sociologue.
En effet, le genre de vie criminelle constitue l’objet d’6tude centrale
du sociologue qui I’aborde dans la mgme perspective qu’on 6tudie les
genres de vie < ou partiellement d6viante, etc.

l6g~rement diff6rent du psychologue-psychanalyste

Le principe implicite dans cette perspective est que ‘la criminalim
6tant un ph~nom~ne social, les criminels doivent 6tre classifi6s sui-
vant leur orientation sociale et 6valu6s A partir des valeurs et des
normes propres A ]a culture dont ils font partie. Le concept central
est ici la socialisation que le sociologue utilisera cependant dans un
sens
comme
Friedlander par exemple. En effet, le point de vue psychanalytique
est centr6 sur la famille et, au fond, quelque soit ]a place de la famille
dans la structure sociale et le d6roulement de la socialisation, on n’en
serait que secondairement affect. Pour ,le sociologue, l’univers so-
cio-culturel est absorb6 par 1enfant et la nature de cet univers a une
influence d6cisive sur le syst6me de valeurs et de normes qui vont
sous-tendre ses attitudes A l’gard de lui-m~me et de ses semblables.

No. 4]

ASPECTS CRIMINOLOGIQUES

Etudier les caract~ristiques de cet univers socio-culturel par le tru-
chement de la socialisation sera done la mission fondamentale du
sociologue et lorsqu’il aborde l’6tude de la personnalit6 criminelle, du
d6linquant d’habitude, il sera naturellement port6 A examiner les
criminels les plus socialis6s c’est-A-dire les plus normaux du point de
vue psycho-pathologique et m6dical.

Deux r~gles pr6sident done A l’explication sociologique de la con-

duite criminelle:

La conduite <> est essentiellement relative; il n’y a pas
d’acte humain qui, A un certain moment de l’histoire, n’ait W consi-
d6r6 comme criminel. C’est pourquoi il convient de consid6rer les
actes comme distribu6s sur un <>, allant des bons aux mau-
vais et dont certains seront qualifi6s de >. Cette qualifica-
tion et le degr6 de gravit6 qui y est attach6 d6pendent de la culture
ambiante. Dans une soci6t6 qui attache beaucoup de prix A. la libert6
individuelle et & la propri6t6 priv6e, la d6finition socio-culturelle,
voire juridique, de 1’acte criminel sera diff6rente de celle qui pr~vaut
dans des cultures dont ,les valeurs exaltent la propri6t4 collective
et la subordination de l’activit6 individuelle aux int6r~ts communs.
Nous pouvons ainsi formuler une premiere r~gle pr6alable A tout
concept 6tiologique: la culture propre A chaque soci&t6 d6termine les
conduites humaines qui doivent 6tre qualifi6es de criminelles. Comme

GRAPHIQUE No 1

/

:'”:: ……………………………

……..

…………

Certaines definitions
juridiques

Crimes dfinis par
1’opinion publique
comme mdritant
d’Utre signal~s A
la police

Crimes graves

4

Actes coupables

Actes normaux

Actes de saintet6

De mauvais A bon.

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les cultures peuvent se dfcomposer en sous-cultures et comme les
soci~t6s industrielles contemporaines se caract6risent par le grand
nombre de conflits de cultures (Sellin, 1938),
il y a lieu d’6tablir
le coeffficient culturel de chaque acte <> A tous les niveaux de
la perception sociale: qui a commis ,’acte? Comment celui-ci a-t-il 6t
6valu6 par la propre sous-culture de l’individu? Par ]a culture de la
soci6t6 globale? Par ]a police, les tribunaux, les parquets, les organis-
mes de surveillance (probation), etc.? C’est pour n’avoir pas pr6cis6
ces distinctions d’ordre culturel touchant la d6finition m6me de la
conduite criminelle que les explications 6tiologiques laissent tellement
a d6sirer (Sellin et Wolfgang, 1965).

Dlinquance et types de d~linquant.

Quant A la typcologie de la conduite criminelle, elle seule permet
de faire la part des r6les variables que peuvent jouer les facteurs
socio-culturels dans divers genres de crimes. On ne dfnoncera jamais
assez l’erreur d’optique que manifestent les diverses explications de
la <> en g6nfral. Aucune explication englobant la tota-
lit des actes qualifies de d6linquants dans une soci6t6 politique don-
n6e ne peut 6tre tent6e pour les raisons de dfterminisme socio-culturel
dont nous venons de faire 6tat. L’explication 6tiologique ne peut porter
que sur les types de d6linquants, prfalablement d~finis, de m~me qu’on
explique des maladies et non pas la maladie.

En reproduisant le tableau dress6 par Clinard (1963), on peut
formirler la seconde r~gle pr6alable A toute 6tiologie socio-culturelle;
mesure qu’on s’6loigne des criminels mentaux anormaux, l’impor-
tance des facteurs socio-culturels s’accroit. Bien des discussions con-
cernant les r6les respectifs des facteurs bio-psychiques (d’origine
purement individuelle) et des facteurs socio-culturels (d’origine m6-
sologique) apparaissent oiseuses lorsqu’on pr6cise de quel type de
d6linquant il s’agit. Ainsi, si le criminel 6pileptique commet un
meurtre, les facteurs 6tiologiques seront fort diff~rents de ceux qu’on
rel~vera chez le meurtrier A gages, faisant partie d’une bande organi-
see, agissant pour le compte de la pfgre. On ne veut pas dire par Mh
qu’une interpretation psychosomatique soit impossible, mais la rfgle
6nonc6e plus haut peut 6tre consid6r6e comme g6n6ralement valable.
Trois types principaux se rapprochent le plus du criminel d’habi-
tude: le criminel politique qui commet ses actes anti-sociaux pour
raisons id6ologiques, non-6goYstes. Ils peuvent commettre des vols,
voire des meurtres sans cependant accepter de se consid6rer comme
des criminels, fait qui les distinguera des criminels professionnels
avec lesquels ils ont, par ailleurs, de nombreuses caract~ristiques

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ASPECTS CRIMINOLOGIQUES

GRAPHIQUE No 2

Alien~s
mentaux

Cas extrmes
de d6viation
sexuelle

-LI

D61inquants
occasionnels

Exhibitionnisme

Crimes sexuels violents

La plupart des meurtres
et des agressions
Viols reconnus
Certains vols, faux, etc.
Vandalisme

Prostitutes et
homosexuels

Homosexualit6
Prostitution

E

D6linquants
habituels

D6linquants
de la cat6gorie
des non-manuels

D6inquants
syst~matiques

-AZ

Criminels
organis~s

Criminels
de profession

“Vols mineurs
Vagabondage
Infractions A l’ordre public

Monde des affaires
et emplois de bureau
Syndicats
Monde de la politique
et fonction publique
Professions lib~rales
Jeunes voyous
Adultes (voleurs, cambrioleurs,
voleurs d’autos, etc.)
Le <> et sa hi6rarchie
Le crime en tant qu’entreprise
(jeu, prostitution, drogue,
escroquerie au placement
de la main-d’oeuvre, etc.)
Voleurs h ]a tire
Voleurs h l’6talage
Cambrioleurs de banques
Contrefacteurs
Briseurs de coffres-forts
Escrocs de haut vol et petits escrocs

Fig. 2. Typologie de la conduite d6linquante ou criminelle (Clinard, 1963).

624

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socio-culturelles en commun. Le criminel en col blanc se recrute dans
les couches sup6rieures de la soci6t6, parmi les banquiers, les indus-
triels, certains membres des professions lib6rales. Les tentations sont
tr~s grandes dans bien de ces professions et les contr6les sont diffi-
ciles pour ne pas rendre possible des pratiques criminelles de grande
envergure. Les investigations aux Etats-Unis au sujet des infractions
des lois anti-trust, des prix pratiqufs par certaines industries comme
l’industrie pharmaceutique par exemple, la d6ontologie de certaines
professions comme les vendeurs d’automobiles d’occasion, des prati-
ciens du droit, etc. indiquent l’infiltration des habitudes criminelles
dans des couches tr~s larges d’un milieu social jouissant par ailleurs
de tous les attributs de la respectabilitY. Le troisi~me groupe est com-
pos6 de criminels professionnels qui ont appris les 6lments techniques
d’un m6tier au contact d’un milieu fortement organis6, culturellement
int6gr6 et dont
‘arch~type est la maffia. Contrairement au criminel
d’habitude d6crit dans les definitions psychologiques et qui se re-
crutent parmi les d6chets de nos soci6t6s industrielles et se caract6ri-
sent par toutes les n6vroses d’usage, ces criminels sont parfaitement
normaux du point de vue psychologique, ils fonctionnent si bien qu’ils
6chappent A l’arrestation et deviennent ainsi tr~s rarement objet
d’6tude possible au clinicien des institutions p6nales.

Criminalit6 rgelle et 16gale.

Et ceci nous amine A envisager bri~vement ce sujet qui figure
dans tous les manuels de criminologie mais dont il est tr s difficile
de tirer toutes les conclusions qui s’imposent, tant l’6tiologie que ]a
prophylaxie criminologiques les plus r6pandues ont popularis6 une
image du criminel qui le rapproche du psychopathe ou du fou moral,
comme Ferri et Lombroso aimaient les appeler. Or, on peut se poser
des questions s6rieuses sur le caract6re repr~sentatif de ces criminels,
condamn6s d’une mani&re r6p6t6e A des ‘longs termes d’emprisonne-
ment et constituant le fond le plus commun et le plus r6pandu de nos
p6nitenciers. On peut se demander si une vritable criminologie
p6nitentiaire n’est pas n~e et ne s’est pas d6velopp6e au lieu d’une
criminologie qui s’efforcerait de prendre ]a mesure des forces psy-
chologiques, sociales et culturelles qui produisent des actes que la
conscience, le code ou les moeurs r~prouvent. On peut bien r6pondre
A cela qu’en observateur scientifique la criminologie observe les cri-
minels qu’il a sous la main, mais force lui est alors d’admettre le
caract~re le plus provisoire de ses conclusions quant A ]a criminalit6
r6elle. En effet, comme le fait observer J. L6aut6, (1966) il ne faut
pas confondre ,les causes de la criminalit6 avec les causes de la cap-
ture (p. 10). Rien ne nous permet de penser que la partie invisible

No. 4]

ASPECTS CRIMINOLOGIQUES

de la criminalit6 ressemble A la partie observable. L’action des or-
ganes de la justice, police, cours, parquets font une s6lection dans
la fauine criminelle qui n’a jamais 6t6 6valu6e jusqu’a pr6sent. Qui
6chappe A la police? Qui 6chappe, une fois arrMt6, ; l’accusation?
Qui regoit telle ou telle peine du juge? Qui est incarc6r6? Qui b6n~ficie
des mesures de dib6ration conditionnelle? Les r6ponses A ces ques-
tions vont de Finconnu vers une pr6cision accrue: ce que nous appe-
Ions <> est bas6 surtout sur les r6ponses
A ]a troisi~me et quatri~me questions. A part quelques tentatives
tel l’indice de d6linquance de Sellin et Wolfgang
toutes r~centes –
(1965) –

nous ne connaissons pratiquement rien des premieres.

Il faudrait sans doute mettre au point des techniques ing6nieuses,
non sans danger certes pour le vaillant criminologue qui oserait s’en
servir pour mesurer l’6tendue de la criminalit6 ou la <>
r6elle dans une soci~t6. Nous ne pouvons pas nous 6tendre ici sur
ces probl~mes si int6ressants pourtant. Ce qu’l y a lieu de retenir,
c’est l’importance que rev~t, en l’occurence, ,l’6tude de la moralit6
tant dans ses manifestations collectives que dans ses manifestations
au niveau de la personnalit6. En effet, comme l’a montr6 r6cemment
Wilkins (1964) (p. 46), nos actes peuvent Utre r6partis sur un con-
tinuum allant de i’approbation unanime, Fopinion moyenne constituant
le point le plus 6lev6 de la courbe gaussienne de distribution, A la
reprobation unanime. Le criminologue doit 6tre aussi attentif aux
extr~mistes n6gatifs, c’est-A-dire aux criminels, qu’A ceux qui consti-
tuent la totalit6 socio-culturelle, en somme h tout l’univers social.
Les param~tres peuvent 6tre d6velopp6s, grace aux divers tests
de socialisation, d’6chelles d’attitude de toutes sortes pour exa-
miner les facteurs qui composent ou qui influencent la moralit6
individuelle et collective. La moralit6 qui implique un 6lment t6l~olo-
gique, d’option, de choix normatif constitue le lien entre les aspi-
rations, les besoins, la sensibilit6 aux valeurs et les conduites, les
actions. Les transitions sont A peine perceptibles du module de conduite
approuv6, par le Moi et le Surmoi, par les moeurs des divers milieux
socio-cu’lturels et par les lois, vers ceux qui sont plus marginaux,
voire d6viant et, h la limite, criminels. En d’autres termes, l’6tude
du potentiel criminel d’une soci6t6, d’une culture par le truchement
de sa moralit6 tant individuelle que collective, est une thche aussi
importante pour la criminologie contemporaine que l’examen des
personnalit6s ou des groupes criminels dans le cadre judiciaire ou
p6nitentiaire. Les deux points de vue se compl~tent, 6videmment;
toutefois, il n’est pas inutile de presenter cette vaste perspective
pour les criminologues futurs: notre laboratoire nest pas uniquement
le milieu lugubre des prisons, l’enceinte solennelle des tribunaux, les
locaux de la police ou des agences de resocialisation. Ce n’est que la

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[Vol. 13

GRAPHIQUE No 3

Diterminismes socio-culturels

dans la conception du criminel d’habitude

Taux de criminalit6
identifi6 au niveau
de la police de la cour
du p~nitencier (le taux
repr~sente une proportion
hypoth6tique de criminels
par rapport h la
population)

champ de vision et
d’exp~rience du clinicien

/

,

S/

champ de vision et
d’exp6rience du policier

/

/l

1/100,000

(incarc6r~s pour de longues peines)

1/1,000-

1/100

1/1

0
Criminalit6 r6elle.

(condamn~s par les cours)

(accuses devant les cours)

(rapport~s h la police)

x

partie la plus visible, le cadre institutionnel de la d6linquance captur6e
ou capt6e par les organes de la soci6t6. La criminologie pr6ventive, qui
accompagnera la criminologie p6nitentiaire, largement ouverte A l’ap-
port de l’anthropologie, de la sociologie, de la psychologie, analyse tou-
tes les conduites dans les contextes socio-culturels, dans une perspecti-
ve de comparaisons transculturelles les plus diverses et les plus
6largies. S’inspirant du concept de Durkheim sur la <> du
crime, cette criminologie pr6ventive 6tudiera les divers paliers de la
soci6t6, de la culture et de la personnalit6, l’interaction des besoins, des
aspirations individuelles, des normes culturelles au sein d’une civilisa-
tion donn~e.

L’exp6rience de l’observateur d6terminera largement ses opinions
au sujet du criminel d’habitude: le procureur de la poursuite, le
policier qui observent une large portion de ]a criminalit6 r6elle et n’en
parviennent A arr~ter qu’une fraction, seront toujours plus sensibles,
dans leur conception du d6linquant d’habitude, A cette partie de ]a
criminalit6 qui leur 6chappe. Ils seront donc port6s A s’acharner
contre ceux des criminels r6cidivistes dont ils ont pu s’assurer de ]a
personne. Ils contestent le rapport et les observations cliniques qui

No. 4]

ASPECTS CRIMINOLOGIQUES

semblent prouver le caract~re n~vrotique de la plupart de ces indivi-
dus. En revanche, les cliniciens sont port6s A oublier promptement
que les d6linquants d’habitude qu’ils observent ne constituent qu’une
fraction peu pr6sentative du monde criminel total: si les policiers
sous-6valuent, eux, par contre, sur-6valuent les 6l6ments patho-
logiques propres aux r6cidivistes. Le graphique suivant 6claire notre
propos:

GRAPHIQUE No 4

100%

Taux d’anomalie mentale

majorit6 de ceux connus
mais pas arr~t6s par
la police

03

0

o

02

02
U2

CD

CD

Mod~le sch6matique repr6sentant la variable de

‘anormalitg

mentale aux diffdrents niveaux de connaissance du monde ciminel.

Criminalit6 r~elle.

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Synthise criminologique.

II importe de tenter de d6passer, dans la perspective de la crimino-
logie contemporaine, le point de vue trop partiel des explications
bio-psychologiques et de compl6ter le caract6re trop global et peu
pr6cis des explications sociologiques. Monsieur Pinatel (1963), 6mi-
nent criminologue frangais, indique la voie A suivre: il sugg~re qu’on
abandonne l’id~e d’une difference de nature entre d6linquants et non-
d6linquants. II soutient qu’il n’y a qu’une diff6rence de degr6 qu’il
s’agit d’6tablir et de pr6ciser aux m6thodes d’observation de plus en
plus pr~cises. Si ce sont les diff6rences de degr6 qui s6parent les
criminels entre eux depuis l’occasionnel le plus lager jusqu’au r6cidi-
viste le plus endurci, parler de personnalit6 criminelle n’implique rien
d’autre que le souci de pr~ciser ces diff6rences de degr6. Le concept
de personnalit6 criminelle est op6rationnel, conclut-il (p. 475). L’6-
gocentrisme, la labilet6, l’agressivit6, l’indiff~rence affective s’expri-
ment, selon Pinatel, par des manifestations physiologiques et patho-
logiques. fl faut souligner cependant que la combinaison de ces traits,
leur signification n’est pas aussi ind6pendante des cultures ambiantes
que la plupart des eliniciens semblaient le croire. Cette hypoth~se
de travail sera surtout f6conde si une relation peut 6tre 6tablie entre
tous ces traits et la culture et les sous-cultures qui impr~gnent la
personne socialis6e.

La d6finition la plus acceptable, du point de vue de la criminologie
est celle donn6e par Norval Morris (1951): le criminel d’habitude
est celui qui <> qui peuplent nos p6ni-
de s’acharner sr
tenciers, alors que si peu est fait pour s’assurer de la personne des
autres. Personne n’a mesur6 l’effet d6moralisateur de la corruption,
et de la violence impunie sur une soci6t6 dont la stabilit6 morale laisse,
de ‘avis de bien des observateurs, beaucoup A d6sirer. L’accroissement
inqui6tant de la d6linquance juv6nile ne doit pas 6tre sans rapport
avec cette situation. c) Bien que la l6gislation de nos pays de tradition
lib6rale ne saurait jamais d6roger du principe de <>, on peut se demander si .’on ne devrait pas, sous contrble judicial-
re tr~s strict, 6tendre les mesures de sftret6, A portle pr6ventive, au
d6triment des mesures strictement p6nales. Une coordination beau-
coup plus grande des services de ,la police, de la cour, des libert6s
surveill6es et de la lib6ration conditionnelle doit 6tre 6tablie, si l’on
veut 6viter, par le morcellement des juridictions, de r6duire encore
l’efficacit6 d6jh toute relative de notre syst~me de protection sociale.
Certains individus pr6sentent de telles pathologies de la personnalit6
que des mesures prolong6es doivent 6tre entreprises A leur 6gard,
mesures pour lesquelles cependant l’acte commis ne peut servir comme
un des indices pertinents. En d’autres termes, les dossiers de person-
nalit6s 6tablis aux diff6rents stades du proc~s pr6ventif et r6pressif
devraient servir de base A tous ceux qui auront h traiter avec le
sujet. d) Le cloisonnement actuel des services pourrait Ctre r~duit
et A la limite 6limin6, par la formation d’un personnel professionnel
d’un niveau plus 6lev6 et, si possible, dans une perspective multi-
disciplinaire. Ainsi tout le monde sera port6 A consid~rer le criminel
d’habitude dans une perspective A ]a fois psychologique, sociologique

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[Vol. 13

et judiciaire, tenant compte en m~me temps des int6rcts sup6rieurs
de la protection sociale, qui ne devrait pas conclure la protection
suffisante des droits et des libert6s individuels. Un grand obstacle
vers cette 6volution est constitu6 par la perspective diff~rente que
cliniciens, juristes, policiers, administrateurs p~nalistes, personnel de
probation et de surveillance ont sur la r~alit6 criminelle et de leur
role respectif dans l’oeuvre de protection Fociale. Une nouvelle syn-
th~se intellectuelle, la criminologie, servira de base A une nouvelle
profession qui 6mergera au carrefour du droit p6nal, des sciences
en un tout par une
humaines et des disciplines cliniques. Cimentl
philosophie morale n~e des exigences modernes de la justice, l’admi-
nistration de celle-ci sera confi6 b un corps professionnel obissant A
une d~ontologie qui lui est propre, adapt6e A une discipline intellec-
tuelle et scientifique nouvelle. Comme la sant6 publique, l’dducation,
le commerce et l’industrie, la finance et le bien-6tre peuvent tous
compter sur les services de professions sp6cifiquement form6es en
vue de leurs besoins, la justice doit se hisser A leur niveau dans une
civilisation dont les moyens materiels permettent, peut-8tre pour ]a
premiere fois dans l’histoire de l’humanit6, de traiter le probleme de
la criminalit6 et de la d6viance suivant des principes qui d6passent
celui de ]a loi du talion.

Mars 1967.

REFERENCES

Nous ne donnerons pas de bibliographie exhausive; celle-ci peut se trouver
soit dans les ouvrages citds, soit dans les bibliographies sp~cialis6es, soit par
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