Le droit linformation des patients
gards en tablissement : un instrument
essentiel de promotion des valeurs
dmocratiques et du statut citoyen
Emmanuelle Bernheim*
Le droit linformation des personnes places
sous garde en tablissement est porteur denjeux
juridiques et sociaux importants. En tant que droit
reconnu par la Charte des droits et liberts de la
personne et galement en tant que condition essentielle
lexercice dautres droits fondamentaux, le droit
linformation permet la promotion des valeurs de
citoyennet et la mise en place dune procdure
transparente de reconnaissance et de mise en uvre des
droits.
Malgr une existence formelle, tant en droit
international quen droit interne, lauteure dmontre
que la concrtisation du droit linformation pose de
nombreuses difficults. Elles trouvent notamment leurs
sources dans lconomie de la loi et dans la procdure,
mais galement dans le rapport problmatique entre les
systmes psychiatrique et juridique. Cette ngation
factuelle des droits fondamentaux a pour rpercussion
la constitution dune classe de citoyens part, dont
lexclusion sociale et la stigmatisation contribuent la
perptuation dun statut marginal, en dehors du projet
social commun.
to
The right to information of persons placed
under confinement in institutions raises important
legal and social issues. As a right recognized by the
Charter of human rights and freedoms and as an
essential condition
the exercise of other
fundamental rights, the right to information allows
both the promotion of the values of citizenship and
the implementation of a transparent procedure for
the recognition and enforcement of rights.
Despite its formal existence in international
and domestic law, the author demonstrates that the
materialization of the right to information poses
many difficulties, arising mainly from the economy
of law and from procedure, but also from the
problematical relationship between the judicial and
psychiatric systems. This
factual negation of
fundamental rights has the consequence of creating
an isolated class of citizens whose social exclusion
and stigmatization contribute to the perpetuation of
a marginal status outside the common social project.
* Doctorante en droit en cotutelle lUniversit de Montral et lcole Normale suprieure
(France), assistante de recherche au Centre de recherche en droit public et au Centre de recherche
Fernand-Sguin.
Lauteure remercie Virginie Mesguich et Noura Karazivan, doctorantes en droit lUniversit de
Montral, pour leur relecture et leurs prcieux commentaires. Les opinions exprimes dans cet article
nengagent toutefois que lauteure.
Emmanuelle Bernheim 2009
Mode de rfrence : (2009) 54 R.D. McGill 547
To be cited as: (2009) 54 McGill L.J. 547
MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL
[Vol. 54
548
Introduction
I. Le droit linformation des patients gards en
tablissement : un droit accessoire essentiel la pleine
ralisation des droits fondamentaux
A. Le droit linformation en tant que droit pleinement exigible
et instrument de promotion des valeurs dmocratiques
B. Le droit linformation comme condition de mise en uvre
du droit lintgrit et de certains droits judiciaires
C. Droit linformation et dignit en synergie
II. Contexte juridique international et qubcois du droit
linformation des patients gards en tablissement
A. Contexte juridico-historique : la lente reconnaissance des
droits des patients psychiatriques
B. Instruments internationaux et droit linformation des
patients psychiatriques
C. Lgislation qubcoise en matire dinformation des
patients mis sous garde en tablissement
III. La mise en uvre du droit linformation : la grande
illusion
A. La signification des requtes pour garde provisoire et
pour garde en tablissement
B. Le droit une dfense pleine et entire et lassistance
dun avocat
C. La remise du document conforme lannexe de la loi
Conclusion
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551
551
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2009]
E. BERNHEIM LE DROIT LINFORMATION DES PATIENTS
549
Introduction
Linformation des patients en psychiatrie1, abondamment discute dans la
littrature juridique et la jurisprudence sous langle du consentement aux soins2,
prend une perspective diffrente dans le cadre de la garde en tablissement3. En effet,
linformation laquelle ont droit les individus mis sous garde en tablissement ne
concerne pas tant les soins, puisque la garde en tablissement nemporte pas le
traitement, que les motifs de cette garde, le droit lassistance dun avocat et celui de
contester lordonnance judiciaire de garde devant le Tribunal administratif du
Qubec4. Il nous semble primordial dtudier ce phnomne pour mieux en
comprendre la porte juridique et sociale.
Il existe trois rgimes de garde en tablissement au Qubec. Dabord, la garde
prventive permet au mdecin, sans le consentement de la personne vise ni
autorisation du tribunal, et sans quun examen psychiatrique nait t effectu, de
maintenir une personne dans un tablissement de sant autoris jusqu soixante-
douze heures, sil considre que ltat mental de cette personne prsente un danger
grave et immdiat pour elle-mme ou pour autrui5. Ensuite, la garde provisoire,
ordonne par le tribunal sur demande dun mdecin ou dun intress, permet de faire
subir la personne deux valuations psychiatriques sans son consentement6.
1 Pour les fins de cette rflexion, nous emploierons lexpression droit linformation pour
dsigner non seulement le droit linformation tel quil est prvu dans la Loi sur la protection des
personnes dont ltat mental prsente un danger pour elles-mmes ou pour autrui, L.R.Q. c. P-38.001,
art. 14-19 [LPPEM], mais galement le droit la signification du dpt de la requte personne
nonc lart. 779 C.p.c. et le droit dtre inform du plan de soin tabli ainsi que de tout
changement important dans ce plan ou dans [l]es conditions de vie de la personne concerne pos par
lart. 31 C.c.Q.
2 Voir par ex. Caroline Gendreau, Le droit du patient psychiatrique de consentir un traitement :
laboration dune norme internationale, Montral, Thmis, 1996 ; Robert P. Kouri et Suzanne Philips-
Nootens, Lintgrit de la personne et le consentement aux soins, 2e d., Cowansville (Qc), Yvon
Blais, 2005 ; Frdric Grunberg, La doctrine du consentement libre et clair : ses fondements
thiques, juridiques et ses applications dans la recherche et la pratique de la psychiatrie (1990) 35
Revue canadienne de psychiatrie 443 ; Hopp c. Lepp, [1980] 2 R.C.S. 192, 112 D.L.R. (3e) 67 ;
Ciarlariello c. Schacter, [1993] 2 R.C.S. 119, 100 D.L.R. (4e) 609 [Ciarlariello avec renvois aux
R.C.S.].
3 Dans cet article, pour des raisons pratiques, nous parlerons de garde en tablissement pour
dsigner la fois les gardes prventives, provisoires et autorises, malgr linexactitude de
lexpression dun point de vue strictement juridique.
4 Il est noter que cette liste nest pas exhaustive.
5 LPPEM, supra note 1, art. 7.
6 Art. 27 C.c.Q. Deux courants de pense saffrontent quant savoir si les valuations psychiatriques
peuvent ou non tre faites durant la mise sous garde prventive. Pour certains, ltablissement devrait
dans tous les cas dposer une requte pour valuation psychiatrique au tribunal avant de procder la
premire valuation, alors que pour dautres, cette dmarche ne serait ncessaire que dans les cas o le
[Vol. 54
MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL
550
Finalement, la garde en tablissement proprement dite, ou garde autorise, est
ordonne par le tribunal la suite des deux examens psychiatriques, si ceux-ci
concluent la ncessit de la garde en tablissement parce que la personne prsente
un danger pour elle-mme ou pour autrui en raison de son tat mental et que le
tribunal a lui-mme des motifs srieux de croire que la personne est dangereuse7.
Nous pensons que le droit linformation des personnes soumises une garde en
tablissement, incluant plus particulirement la communication des droits qui leur
sont expressment reconnus par la loi, est primordial, car il promeut des valeurs de
citoyennet et de dmocratie et favorise une mise en uvre transparente dautres
droits fondamentaux, notamment du droit lintgrit et des droits judiciaires8. Pour
cette raison, les tribunaux doivent assurer lapplication systmatique du droit
linformation. Il est vrai que cet exercice peut savrer complexe, puisquil implique
une hirarchisation des valeurs en jeu et donc un jugement moral9. Par contre, il
permet certainement aux tribunaux de se poser en ultimes gardiens des droits et
liberts du citoyen quel que soit son statut et quelque attnus que soient [s]es droits
et liberts10.
Dans un premier temps, nous exposerons le rle essentiel du droit linformation
dans la mise en uvre du statut citoyen en tant que droit pralable ou constitutif
dautres droits fondamentaux. Dans un deuxime temps, nous examinerons le
contexte juridique international et qubcois en ce qui concerne le droit
linformation des patients mis sous garde en tablissement. Finalement, nous
dcrirons dun point de vue pratique la conjoncture actuelle en matire de droit
patient refuse expressment de donner son consentement. Au soutien de cette interprtation se
trouvent notamment les dlais et les cots supplmentaires engendrs par la judiciarisation.
7 Art. 29-30 C.c.Q.
8 Le droit linformation est dautant plus important dans une situation o le patient gard en
tablissement est par ailleurs priv de certains droits fondamentaux, telles la libert, lintgrit et la
dignit. Voir lopinion du Protecteur du citoyen dans Qubec, Assemble nationale, Commission
permanente des affaires sociales, Consultations particulires sur le projet de loi no 39 Loi sur la
protection des personnes atteintes de maladie mentale et modifiant diverses dispositions lgislatives
(2) dans Journal des dbats de la Commission permanente des affaires sociales, vol. 35, no 58 (19
fvrier 1997) la p. 12 (M. Jacques Meunier).
9 Louise Lalonde, Lapplication de la Charte des droits et liberts de la personne dans le monde
vcu, de la protection civiliste la promotion des droits fondamentaux : Rflexion sur le rapport entre
la Charte et le monde vcu (2006) (numro thmatique hors srie) R. du B. 321 la p. 335 et s.
10 R. v. Board of Visitors of Hull Prison, Ex parte St. Germain (1978), [1979] 1 Q.B. 425, [1979] 1
All E.R. 701 la p. 701 (C.A.), tel que cit dans Martineau c. Comit de discipline de lInstitution de
Matsqui (1979), [1980] 1 R.C.S. 602 la p. 635, 30 N.R. 119. Voir aussi Serge Rousselle, Le rle du
juge dans la socit canadienne (2001) 50 U.N.B.L.J. 291. Cest dailleurs un rle que la cour
revendique (R. c. Kang-Brown, 2008 CSC 18, [2008] 1 R.C.S. 456 au para. 7, 293 D.L.R. (4e) 99) et
remplit souvent (David Gilles, Le rle du juge face aux droits fondamentaux garantis par des normes
fondamentales : France-Canada, une vision croise dans Service de la formation continue du Barreau
du Qubec 2007, Les 25 ans de la Charte canadienne des droits et liberts, vol. 268, Cowansville
(Qc), Yvon Blais, 2007, 125 la p. 160, pour qui les juges ont jou un rle moteur dans laffirmation
[des droits fondamentaux]).
E. BERNHEIM LE DROIT LINFORMATION DES PATIENTS
2009]
linformation des patients gards en tablissement et critiquerons son amnagement
procdural. Si lobjet de cette tude ne se circonscrit quau droit qubcois, il nous
semble cependant important de mentionner quune recherche similaire devrait tre
entreprise dans les autres provinces canadiennes.
551
I. Le droit linformation des patients gards en tablissement :
un droit accessoire essentiel la pleine ralisation des droits
fondamentaux
A. Le droit linformation en tant que droit pleinement exigible et
instrument de promotion des valeurs dmocratiques
Le droit linformation apparat larticle 44 de la Charte des droits et liberts
de la personne11 dans la section sur les droits conomiques et sociaux. Ces derniers ne
bnficient pas a priori dun caractre juridique contraignant et nont pas ce jour
cr dobligations positives pour ltat12, mais le professeur Pierre Bosset indique que
le droit social consacrait dj, antrieurement la Charte, une reconnaissance
positive aux droits conomiques et sociaux. Leur intgration dans la Charte aurait
ainsi d leur donner une juridicit autonome13. Pourtant, jusqu maintenant, force est
de constater que la jurisprudence a confirm lintention du lgislateur de ne pas
reconnatre une porte indpendante ces droits14. Nanmoins, le professeur Pierre
Trudel affirme que [d]ans un nombre restreint de situations, le droit linformation
se prsente en lui-mme comme un droit exigible emportant des obligations de faire
11 L.R.Q. c. C-12, art. 44 : Toute personne a droit linformation, dans la mesure prvue par la loi
[Charte].
12 En ce qui concerne le droit linformation, il a t gnralement revendiqu comme un droit
laccs aux renseignements personnels ou publics (voir par ex. Lavigne c. Canada (Commissariat aux
langues officielles), 2002 CSC 53, [2002] 2 R.C.S. 773, 214 D.L.R. (4e) 1), comme droit
linformation diffuse par les mdias (voir par ex. Gilles E. Nron Communication Marketing c.
Chambre des notaires du Qubec, 2004 CSC 53, [2004] 3 R.C.S. 95, 241 D.L.R. (4e) 577) ou comme
justificatif la rglementation de la publicit et de la concentration de la presse (voir par ex. Irwin Toy
Ltd. c. Qubec (P.G.), [1989] 1 R.C.S. 927, 58 D.L.R. (4e) 577 ; RJR-MacDonald c. Canada (P.G.),
[1995] 3 R.C.S 199, 127 D.L.R. (4e) 1).
13 Pierre Bosset, Les droits conomiques et sociaux : parents pauvres de la Charte qubcoise ?
(1996) 75 R. du B. can. 583 la p. 601. Voir aussi ibid. la p. 585 :
[L]inclusion des droits conomiques et sociaux dans un document qui affirme
solennellement les liberts et droits fondamentaux […] force envisager la question de
la protection des droits conomiques et sociaux dans une perspective qualitativement
diffrente, propre un texte quasi constitutionnel, et non comme une simple branche du
droit administratif.
14 Gosselin c. Qubec (P.G.), 2002 CSC 84, [2002] 4 R.C.S. 429 au para. 423, 221 D.L.R. (4e) 257,
juge LeBel, dissident [Gosselin].
[Vol. 54
MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL
552
pour un sujet de droit ou pour ltat15. Pour nous, toute situation mettant en cause la
libert ou lintgrit des individus devrait correspondre cette interprtation du droit
linformation.
Dailleurs, en ce qui concerne le droit linformation mdicale en matire de
soins, Franois Toth affirme quil sagit dun droit dont la personne physique ou
morale est dtentrice16, crant pour le mdecin une obligation la fois contractuelle
et lgale17. Lauteur explique en effet que si la jurisprudence a reconnu lobligation
dinformation du mdecin comme dcoulant du contrat mdical, simultanment, la
loi, par le biais du Code de dontologie des mdecins18 et surtout de la Charte19,
prvoit expressment ce droit.
Il est certain quen cas de violation du droit linformation, et si le patient a subi
un dommage caus par cette violation, le mdecin pourra tre poursuivi en
responsabilit civile. Mais Toth va plus loin en soumettant que le patient ls pourrait
avoir un recours en vertu de larticle 49 de la Charte20, sans avoir prouver
lexistence dun dommage corporel, ce qui ne semble pas tre contredit par les propos
de la Cour suprme du Canada21. Dailleurs, le libell de larticle 49 ntablit aucune
distinction quant la sanction de la violation des droits reconnus dans la Charte,
quils soient civils ou sociaux22. Pour Toth, la question se pose donc simplement : la
violation a-t-elle ou non eu lieu23 ?
Nous soutenons cette thse, qui est selon nous transposable aux situations de
garde en tablissement. Le droit linformation dans le contexte de la garde en
tablissement est un droit indpendant, dont la violation devrait tre assertie dun
recours mme en labsence de dommages.
Lobligation lgale dinformation dvolue ltablissement hospitalier et au
policier en vertu de la LPPEM24 est au cur dune structure plus large visant
15 Pierre Trudel, Le droit linformation (2009), en ligne : Facult de lducation permanente,
Universit de Montral
16 Franois Toth, Le droit du patient dtre inform : un droit protg par la Charte des droits et
liberts de la personne (1989) 20 R.D.U.S. 161 la p. 163.
17 Ibid. la p. 165.
18 Code de dontologie des mdecins, D. 1213-2002, 9 octobre 2002, G.O.Q. 2002.II.7354, art. 28-
29.
19 Supra note 11, art. 44.
20 Lart. 49 de la Charte se lit comme suit : Une atteinte illicite un droit ou une libert reconnu
par la prsente Charte confre la victime le droit dobtenir la cessation de cette atteinte et la
rparation du prjudice moral ou matriel qui en rsulte.
21 Gosselin, supra note 14 au para. 418, juge LeBel, dissident, qui ne se prononce cependant pas sur
la question prcise du dommage corporel.
22 David Robitaille, Les droits conomiques et sociaux dans les relations tat-particuliers aprs
trente ans dinterprtation : normes juridiques ou noncs juridiques symboliques ? (2006) (numro
thmatique hors srie) R. du B. 455 la p. 490.
23 Toth, supra note 16 aux pp. 170-71.
24 Supra note 1.
553
E. BERNHEIM LE DROIT LINFORMATION DES PATIENTS
2009]
protger les droits fondamentaux de la personne sous garde en tablissement. Ce nest
quinforme quelle pourra prendre des dcisions claires et saisir les motivations
qui sous-tendent sa mise sous garde en tablissement. Mme si la personne, dans les
faits, na pas le contrle de la situation, linformation ddramatise et permet
dattnuer le sentiment de rvolte, ainsi que limpact psychologique qui peut en
dcouler. Dans ce contexte, le droit linformation prvu par la loi est un instrument
de promotion des valeurs dmocratiques et du statut citoyen, en ce sens quil
cristallise la reconnaissance collective du principe dgalit dans et devant la loi.
De plus, nous pensons, tout comme la Commission des droits de la personne et
des droits de la jeunesse, que lexercice ou la protection de plusieurs droits protgs
par la Charte ont pour prrequis vident un droit linformation25. Cest ainsi que le
droit linformation participe la promotion des droits et liberts, tel que le visait
originellement la Charte, qui exprime les aspirations [dun peuple] et donne un sens
son combat contre larbitraire26. Nous verrons donc comment le droit
linformation permet la mise en uvre du droit lintgrit et de certains droits
judiciaires.
B. Le droit linformation comme condition de mise en uvre du
droit lintgrit et de certains droits judiciaires
Le droit lintgrit est un droit fondamental reconnu par le Code civil du
Qubec27 et par la Charte28. Le seuil de sa violation a t dfini par la Cour suprme :
Le Petit Robert 1 (1989) […] dfinit ainsi le mot intgrit : […] tat dune
chose qui est demeure intacte. […] [L]a Cour suprieure a fait les
commentaires suivants […] : En appliquant cette notion aux personnes, on
constate quil est un seuil de dommages moraux en de duquel lintgrit de la
personne nest pas atteinte. On passera ce seuil lorsque latteinte aura laiss la
victime moins complte ou moins intacte quelle ne ltait auparavant. Cet tat
diminu doit galement avoir un certain caractre durable, sinon permanent29.
25 Qubec, Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, Le droit fondamental
linformation : Examen du rapport quinquennal de la Commission daccs linformation : Une
rforme de laccs linformation : le choix de la transparence (octobre 2003) la p. 3, n. 9, en
ligne : Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse
26 Emmanuelle Duverger, Les droits de lhomme, Les Essentiels Milan, Toulouse, ditions Milan,
2007 la p. 7, reproduit dans Alain-Robert Nadeau, La Charte des droits et liberts de la personne :
origines, enjeux et perpectives (2006) (numro thmatique hors srie) R. du B. 1 la p. 5. Le passage
cit renvoie la Dclaration des droits de lhomme et du citoyen en France, mais son propos
sapplique galement la Charte.
27 Art. 3, 10 C.c.Q.
28 Supra note 11, art. 1.
29 Qubec (Curateur public) c. Syndicat national des employs de lhpital St-Ferdinand, [1996] 3
R.C.S. 211 au para. 96, 138 D.L.R. (4e) 577 [Syndicat de lhpital St-Ferdinand].
[Vol. 54
MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL
554
La Cour suprme ajoute que [l]atteinte doit affecter de faon plus que fugace
lquilibre physique, psychologique ou motif de la victime30.
Dans le domaine mdical, le droit lintgrit est intimement li aux concepts
dautodtermination et dautonomie31 ; il a t le plus souvent trait sous langle du
consentement aux actes mdicaux32. Le consentement clair sous-tend le droit
fondamental de chacun de prendre des dcisions concernant son propre corps33.
Linformation en est une condition essentielle.
En mme temps, le lgislateur reconnat expressment la ncessit de lois
drogeant aux principes fondamentaux du Code civil34 et de la Charte35, condition
quelles soient justifies par des objectifs suffisamment importants et se rapportant
des valeurs dmocratiques, lordre public et au bien-tre gnral des citoyens du
Qubec36. Dans le cas de la garde en tablissement, la limitation du droit
lautodtermination se trouve justifie par la prservation de la vie37 et de la scurit
de la personne38.
Le droit linformation permet tout de mme, dans ce contexte exceptionnel, de
limiter les atteintes lintgrit. Dabord, les atteintes psychologiques dcoulant
ventuellement de limposition de la garde en tablissement ou de lintervention
policire peuvent tre vites ou diminues par une explication de la situation et de
ses motifs. Ensuite, dans le cadre dune garde autorise par le tribunal, linformation
complte sur les droits du patient, entre autres les droits au refus de traitement, aux
renseignements concernant les soins ventuels et au transfert dtablissement, lui
permet de mettre en uvre son droit lautodtermination dans le cadre mme de la
garde en tablissement. Le droit linformation constitue donc une condition
primordiale de mise en uvre du droit lintgrit.
30 Ibid. au para. 97.
31 Ciarlariello, supra note 2 la p. 134 et s.
32 Voir supra note 2 pour des exemples.
33 Ciarlariello, supra note 2 la p. 135, tel que cit dans Louise Blanger-Hardy, Le consentement
aux actes mdicaux et le droit lautodtermination : dveloppements rcents (1993) 25 R.D. Ottawa
485 la p. 490.
34 Disposition prliminaire C.c.Q.
35 Supra note 11, art. 9.1.
36 Ibid. Dailleurs, les limites du droit lintgrit taient au cur des proccupations des juristes
bien avant la Charte. En tmoignent ces questions, poses en 1966 dans Louis Baudouin, La
personne humaine au centre du droit qubcois (1966) 26 R. du B. 66 la p. 66 :
Un problme dordre primordial concernant lindividu, en tant qutre physique, surgit
aussitt. La personne humaine a-t-elle sur son propre corps un droit de proprit, de
disposition, que rien ne limite ? Ou bien ltat, au nom de la socit, peut-il lui imposer
certaines obligations qui sont comme autant dexceptions au caractre de sacralit du
corps humain quexprime la maxime noli me tangere ?
37 Voir A. c. Centre hospitalier de St. Mary, 2007 QCCA 358, [2007] R.J.Q. 483 au para. 32, J.E.
2007-597 [Centre hospitalier de St. Mary].
38 Voir N.B. c. Centre hospitalier affili universitaire de Qubec, 2007 QCCA 1313.
555
E. BERNHEIM LE DROIT LINFORMATION DES PATIENTS
2009]
La Charte protge galement les droits judiciaires du patient39. En particulier, le
droit linformation dans le cadre de la garde en tablissement est une condition la
mise en uvre des droits la libert, lassistance dun avocat et une dfense
pleine et entire40.
La Charte prvoit expressment que le droit la libert dun citoyen ne peut tre
entrav que pour les motifs prvus par la loi et suivant la procdure prescrite41. La
Cour dappel du Qubec a mis en vidence limportance de ce droit, le qualifiant de
lune des valeurs fondamentales, et mme suprmes, de notre ordre social et
juridique42, dont les restrictions en matire de garde en tablissement doivent tre
motives et documentes, afin de permettre un contrle efficace43.
Larticle 29 de la Charte prvoit que [t]oute personne arrte ou dtenue a droit,
sans dlai, den prvenir ses proches et de recourir lassistance dun avocat. Elle
doit tre promptement informe de ces droits. linstar de la Commission des droits
de la personne et des droits de la jeunesse, nous pensons que la nature pnale ou
civile de la dtention ne devrait pas changer lapplication de larticle 2944 mme si,
contrairement la situation qui prvaut lors de la dtention pnale, le droit
linformation lors de la garde en tablissement ne vise pas protger la personne
contre des dclarations incriminantes, mais plutt lui donner la possibilit de
connatre ses droits et recours.
Il nous apparat vident que le droit linformation, par le biais de la signification
et de linformation du droit de communiquer avec un avocat, est la principale manire
de permettre la partie dfenderesse de raliser ses droits une dfense pleine et
entire et se faire reprsenter ou assister par un avocat45. En ce sens, et tel que
dvelopp en ce qui concerne le droit lintgrit, la procdure de garde en
39 Supra note 11, art. 23 et s.
40 Ibid., art. 34-35.
41 Ibid., art. 24.
42 Centre hospitalier de St. Mary, supra note 37 au para. 16.
43 Ibid.
44 Qubec, Assemble nationale, Commission permanente des affaires sociales, Consultations
particulires sur le projet de loi no 39 Loi sur la protection des personnes atteintes de maladie
mentale et modifiant diverses dispositions lgislatives (1) dans Journal des dbats de la Commission
permanente des affaires sociales, vol. 35, no 57 (18 fvrier 1997) la p. 15 (M. Claude Filion pour la
Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse). Voir aussi Qubec, Assemble
nationale, Commission permanente des affaires sociales, tude dtaille du projet de loi no 39 Loi
sur la protection des personnes atteintes de maladie mentale et modifiant diverses dispositions
lgislatives (1) dans Journal des dbats de la Commission permanente des affaires sociales, vol. 35,
no 99 (28 novembre 1997) aux pp. 43-44.
45 Notons tout de mme que lart. 61 C.p.c. lu a contrario confre tout citoyen le droit la
reprsentation par procureur devant les tribunaux et que le tribunal qui entend laffaire peut sassurer
de la reprsentation du dfendeur, sil le juge inapte, en application de lart. 394.1 C.p.c. Malgr cela,
il nous semble ncessaire dinformer la personne vise par la requte de son droit de la contester et de
la manire de le faire.
MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL
556
tablissement ne doit pas faire conomie de sa mise en uvre. Par ailleurs, en plus
dtre essentiel la matrialisation du droit lintgrit et des droits judiciaires, le
droit linformation est galement constituant du droit la dignit.
[Vol. 54
C. Droit linformation et dignit en synergie
Contrairement aux droits lintgrit et la libert, linformation nest pas un
prrequis la mise en uvre du droit la dignit46 : elle en est plutt constitutive.
Nous prfrons donc parler de synergie entre droit linformation et droit la
dignit47.
Le concept de dignit, par son inclusion dans le prambule de la Charte, est
interprt comme valeur justifiant la reconnaissance de lensemble des droits
fondamentaux et comme principe interprtatif des droits et liberts de la
personne48 ; cette reconnaissance particulire est due au principe selon lequel
chaque tre humain possde une valeur intrinsque qui le rend digne de respect49.
Ainsi, le Tribunal des droits de la personne pose que :
Lhumanit est par elle-mme une dignit : lhomme ne peut tre trait par
lhomme (soit par un autre, soit par lui-mme), comme un simple moyen, mais
il doit toujours tre trait comme tant aussi une fin ; cest prcisment en cela
que constitue sa dignit (sa personnalit), et cest par l quil slve au-dessus
de tous les tres du monde qui ne sont pas des hommes […]50.
La dignit nest donc pas concevoir simplement comme un droit. Certes, le droit
la dignit consacr larticle 4 de la Charte peut tre limit en vertu de larticle 9.1.
Toutefois, la dignit comme valeur transcendantale de la Charte, travers son
prambule, se retrouve dans tous les droits fondamentaux et plus particulirement
dans le chapitre sur les droits conomiques et sociaux en tant que notion la plus
permable aux principes consacrs dans [c]e chapitre51.
La tendance envisager la dignit comme un axiome existe galement en droit
international. En effet, selon Claude Katz, la dignit humaine est la finalit mme de
chacun des droits de la personne52. La Dclaration universelle des droits de lHomme
46 Charte, supra note 11, prambule, art. 4.
47 Le terme est emprunt Bosset, supra note 13 la p. 598.
48 Commission des droits de la personne c. Centre daccueil Villa Plaisance (1995), [1996] R.J.Q.
511 la p. 521, J.E. 96-387 [Centre daccueil Villa Plaisance].
49 Commission des droits de la personne et Coutu, [1995] R.J.Q. 1628 la p. 1651, J.E. 95-1199,
reprenant la pense de William E. Conklin, The Utilitarian Theory of Equality Before the Law
(1976) 8 R.D. Ottawa 485 la p. 504.
50 Zivia Klein, La notion de dignit humaine dans la pense de Kant et de Pascal, Paris, Vrin, 1968
aux pp. 23-24, tel que cit dans Centre daccueil Villa Plaisance, supra note 48 la p. 521.
51 Voir Bosset, supra note 13 la p. 600.
52 Claude Katz, Pour la proclamation par la communaut internationale dun noyau intangible des
droits de lhomme (1996) 28 Revue trimestrielle des droits de lhomme 541.
E. BERNHEIM LE DROIT LINFORMATION DES PATIENTS
2009]
pose dailleurs, dans son prambule, la dignit comme fondement des droits53. Elle
opre galement une distinction entre dignit et droits, en affirmant la dignit comme
principe fondateur dun ordre politique, au sens large dordre social, libre, juste et
pacifique54.
dfini les contours ainsi :
Bien que la notion de dignit reste largement imprcise55, la Cour suprme en a
557
La dignit humaine signifie quune personne ou un groupe ressent du respect et
de lestime de soi. Elle relve de lintgrit physique et psychologique et de la
prise en main personnelle. La dignit humaine est bafoue par le traitement
injuste fond sur des caractristiques ou la situation personnelles qui nont rien
voir avec les besoins, les capacits ou les mrites de la personne. Elle est
rehausse par des lois qui sont sensibles aux besoins, aux capacits et aux
mrites de diffrentes personnes et qui tiennent compte du contexte sous-jacent
leurs diffrences. La dignit humaine est bafoue lorsque des personnes et des
groupes sont marginaliss, mis de ct et dvaloriss […]56.
Lapplication du concept de dignit doit permettre la reconnaissance de la singularit
du sujet humain57, tout en objectivant le point de vue des membres raisonnables et
bien informs de la socit58. En fait, latteinte la dignit nest pas quune atteinte
personnelle : elle constitue une atteinte la personne humaine en gnral. Dailleurs,
en ce qui concerne sa violation, la Cour suprme confirme cette perspective :
[C]ontrairement au concept dintgrit, […] le droit la dignit de la personne,
en raison de sa notion sous-jacente de respect, nexige pas lexistence de
consquences dfinitives pour conclure quil y a eu violation. Ainsi, une
atteinte mme temporaire une dimension fondamentale de ltre humain
violerait lart. 4 de la Charte59.
Ce concept de dignit, qui fait de ltre humain une valeur absolue, peu importe sa
condition, replace le dbat autour de la personne comme citoyen participant un
53 Dclaration universelle des droits de lHomme, Rs. AG 217(III), Doc. off. AG NU, 3e sess.,
supp. n 13, Doc. NU A/810 (1948) 71.
54 Franois Borella, Le concept de dignit de la personne humaine dans Philippe Pedrot, dir.,
thique, droit et dignit de la personne : Mlanges Christian Bolze, Paris, Economica, 1999, 29 la p.
31. Le prambule de la Dclaration universelle des droits de lHomme mentionne dailleurs que la
dignit est le fondement de la paix dans le monde (ibid.).
55 Voir Christian Brunelle, La dignit dans la Charte des droits et liberts de la personne : de
lubiquit lambigut dune notion fondamentale (2006) (numro thmatique hors srie) R. du B.
143 la p. 147, qui dit que sa nature est insaisissable.
56 Law c. Canada (Ministre de lEmploi et de lImmigration), [1999] 1 R.C.S. 497 au para. 53, 170
D.L.R. (4e) 1.
57 Gisle Graton, Rflexion thique sur la protection malgr soi : Comment faire pour bien faire ?
dans Service de la formation permanente, Barreau du Qubec, tre protg malgr soi, Cowansville
(Qc), Yvon Blais, 2002, 49 la p. 56.
58 Syndicat national des employs de lhpital St-Ferdinand c. Qubec (Curateur public), [1994]
R.J.Q. 2761 la p. 2818, 66 Q.A.C. 1, conf. par [1996] 3 R.C.S. 211.
59 Syndicat de lhpital St-Ferdinand, supra note 29 au para. 106.
[Vol. 54
MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL
558
projet social et politique en devenir60. Il nest question en effet ni de sujet de droit,
ni de personne raisonnable, ni dtre biologique61. La protection de la dignit de
chacun concerne la socit dans son ensemble.
Cest ici que les droits conomiques et sociaux, mais plus particulirement celui
linformation, deviennent primordiaux. Dans une situation de garde en tablissement,
la seule faon de traiter la personne concerne dignement est de linformer. Cette
information doit porter de manire gnrale sur lvnement mme, sur les faits et les
motivations de ceux qui ont pris la dcision de lamener en tablissement hospitalier
et plus particulirement, sur les droits quelle conserve et peut revendiquer.
Linformation en elle-mme permet, par le biais du dialogue, de maintenir un contact
sans a priori et jusqu un certain point, galitaire. Elle dmontre galement la
transparence du processus, tmoin dune volont sociale du respect de la dignit des
personnes gardes en tablissement. Dans cette optique, le rle du tribunal est central,
puisquil est non seulement le dernier rempart assurant le respect du droit
linformation, mais galement lambassadeur de valeurs sociales fondatrices.
Limportance fondamentale du droit linformation explicite, il nous faut
maintenant examiner la protection juridique formelle du droit linformation des
patients gards en tablissement en droit international et qubcois.
II. Contexte juridique international et qubcois du droit
linformation des patients gards en tablissement
Afin de mieux saisir le droit linformation des patients gards en tablissement
tel quil est prvu dans la lgislation qubcoise, examinons dabord le contexte
juridico-historique qui a men sa reconnaissance, puis
instruments
internationaux qui promeuvent son application et le rgime lgislatif mis en place en
droit qubcois.
les
A. Contexte juridico-historique : la lente reconnaissance des droits
des patients psychiatriques
La premire loi rgissant la rclusion des alins62 remonte au milieu du dix-
neuvime sicle. Il y est mentionn quil est expdient de pourvoir la rclusion et
au maintien des lunatiques et autres personnes dont lesprit est alin […] [et] quil
60 Caroline Gendreau, Nouvelles normes internationales et droits fondamentaux : un problme
deffectivit du droit dans la cration du droit dans Michel Coutu et al., dir., Droits fondamentaux et
citoyennet : Une citoyennet fragmente, limite, illusoire ?, Montral, Thmis, 1999, 483 la p.
485.
61 Borella, supra note 54 la p. 35.
62 Acte pour autoriser la rclusion des personnes alines dans les cas o leur mise en libert
pourrait offrir des dangers pour le public, S. Prov. C. 1850-51 (14-15 Vict.), c. 83 la p. 1915.
559
E. BERNHEIM LE DROIT LINFORMATION DES PATIENTS
2009]
serait dangereux de laisser en libert, vu la nature de leur maladie […]63. Comme le
prsente Foucault, cest cette priode que le fou, en raison de sa maladie, apparat
pour la premire fois comme un adversaire social, comme danger pour la socit64 ;
cette position pistmique perdurera, malgr un fondement scientifique controvers65.
En ce qui concerne les droits des personnes internes, il faut attendre la Loi sur
les asiles dalins66 de 1909 pour quun certain droit la communication leur soit
reconnu67. La loi est revue en 195068, mais aucun droit supplmentaire nest accord
en dpit du traumatisme caus par la Seconde Guerre mondiale et la reconnaissance
par le droit international de droits inalinables pour tous les tres humains travers la
Dclaration universelle des droits de lHomme69.
Cest dans les annes soixante, dans la foule dun mouvement gnral de lutte
pour la reconnaissance des droits70 et conscutivement la dnonciation de la
situation dans les hpitaux psychiatriques71, que le gouvernement qubcois met sur
pied la Commission dtude des hpitaux psychiatriques, mieux connue sous le nom
de Commission Bdard, qui fait la lumire sur la gravit de la situation des malades
enferms dans ces hpitaux. partir de 1962, une rorganisation profonde des
services de psychiatrie se met en place. La psychiatrie, en tant que science, gagne
63 Ibid., prambule.
64 Michel Foucault, Le pouvoir psychiatrique, Paris, Gallimard-Seuil, 2003 la p. 98.
65 En fait, une association trs faible serait faire entre danger et diagnostic psychiatrique, la
violence perptre par des personnes atteintes de maladie mentale tant une proportion minuscule de
la violence en socit. Voir John Monahan et Jean Arnold, Violence by People with Mental Illness: A
Consensus Statement by Advocates and Researchers (1996) 19:4 Psychiatric Rehabilitation Journal
67 la p. 70. Voir aussi Malcolm Weller, Violence and Mental Illness (1984) 289 British Medical
Journal 2 la p. 3 (expliquant que le vritable lien tablir est celui entre violence et ngligence
sociale de la maladie mentale). Aujourdhui pourtant, cette croyance est rpandue dans le public,
notamment sous linfluence des mdias. Voir Brodie Paterson et Cameron Stark, Social Policy and
Mental Illness in England in the 1990s: Violence, Moral Panic and Critical Discourse (2001) 8
Journal of Psychiatric and Mental Health Nursing 257 la p. 260.
66 L.R.Q. 1909, vol. 2, titre VIII, c. 4.
67 Ibid., art. 4122, qui prvoit en effet que [t]oute lettre crite par un patient dtenu dans un asile et
adresse aux membres du Conseil excutif, aux inspecteurs des asiles, sa famille ou ceux qui ont
provoqu son internement, doit tre transmise son adresse par les propritaires de ces asiles ou leurs
officiers sans tre ouverte.
68 Loi concernant les hpitaux pour le traitement des maladies mentales, L.Q. 1950, c. 31.
69 Supra note 53.
70 Les femmes, par exemple, ont cherch obtenir une reconnaissance de leurs droits civils,
conomiques, sociaux et politiques. Lhistoire de cette lutte est remarquablement rendue dans Mariette
Sineau et velyne Tardy, Droits des femmes en France et au Qubec 1940-1990, Montral, Remue-
Mnage, 1993.
71 En 1961, Jean-Charles Pag, ancien patient lhpital Saint-Jean-de-Dieu Montral, publie un
livre dans lequel il raconte son exprience et dnonce les conditions de vie dans ces hpitaux, quil
dcrit comme tant des prisons. Son livre contient une postface du Dr. Camille Laurin : Jean-Charles
Pag, Les fous crient au secours !, Montral, ditions du Jour, 1961.
[Vol. 54
MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL
560
progressivement la confiance de la communaut mdicale72, puis du public, et se pose
en experte de la maladie mentale. Les communauts religieuses, jusque-l
responsables des asiles, se voient mises lcart et une premire vague de
dsinstitutionnalisation samorce73.
En 1972, par lentre en vigueur de la Loi sur la protection du malade mental74,
des changements importants et profonds du point de vue des droits fondamentaux
sont sanctionns lgislativement75. Dornavant, les personnes ne peuvent tre places
en cure ferme76 que sur ordonnance judiciaire et elles bnficient dun droit
dappel. Des rvisions rgulires du statut de la personne interne sont imposes. Le
droit linformation, prvu larticle 27, est pour la premire fois spcifiquement
reconnu en matire de cure ferme. Ainsi, ltablissement qui admet une personne en
cure ferme doit linformer par crit des droits et recours dont elle dispose. Un
document remis par ltablissement la personne doit faire tat de son droit dexiger
ledit document, de correspondre en toute confidentialit et de contester la cure
ferme, ainsi que du droit de la famille dtre avise des mesures qui devraient tre
prises pour hter [le] retour la sant77. Le droit de la personne de connatre ces
mesures est galement reconnu, moins que ce ne soit contre son intrt. Y sont aussi
listes les situations requrant la fin immdiate de la cure ferme.
De surcrot, partir des annes soixante, le droit international joue un rle
important dans la promotion des droits, notamment des droits civils et politiques, des
72 La diffusion massive du DSM, outil diagnostique dvelopp en 1952 par lAmerican Psychiatric
Association, visait une standardisation des diagnostics et des traitements, permettant la science
psychiatrique de prtendre la mme rigueur que les autres disciplines mdicales. Voir Committee on
Nomenclature and Statistics of the American Psychiatric Association, dir., Diagnostic and Statistical
Manual: Mental Disorders, Washington (D.C.), American Psychiatric Association, 1952 ; Stuart Kirk
et Herb Kutchins, Aimez-vous le DSM ? Le triomphe de la psychiatrie amricaine, trad. par Olivier
Ralet et Didier Gille, Le Plessis-Robinson (France), Institut Synthlabo, 1998. Il est noter que cette
nosographie est encore conteste aujourdhui. Voir par ex. Pauline Rhenter, Les figures du social
dans la culture professionnelle psychiatrique (2006) 55 Lien social et politiques 89 aux pp. 89-98 ;
Horacio Fabrega Jr., International Systems of Diagnosis in Psychiatry (1994) 182 The Journal of
Nervous and Mental Disease 256.
73 Marie-Jose Fleury et Guy Grenier, Historique et enjeux du systme de sant mentale
qubcois (2004) 10 Ruptures, revue transdisciplinaire en sant 21 la p. 26.
74 L.R.Q. c. P-41, abr. par LPPEM, supra note 1.
75 Au sujet des nombreux changements survenus dans les annes soixante-dix, voir Dominique
Bdard, Acquis importants en sant mentale dans Yves Lecomte, dir., 20 ans de Sant mentale au
Qubec : Regards critiques des acteurs et des collaborateurs, Montral, Sant mentale au Qubec,
1996, 11.
76 Cest le vocable de la Loi concernant les hpitaux pour le traitement des maladies mentales,
supra note 68, art. 9, qui sera utilis jusqu lentre en vigueur en 1994 du Code civil du Qubec,
remplaant le Code civil du Bas Canada. ce moment, la cure ferme deviendra la garde en
tablissement et le processus deviendra contradictoire.
77 Rglement dapplication de larticle 27 de la Loi sur la protection du malade mental, R.R.Q.
1981, c. P-41, r. 1, ann. A, art. 2(b).
E. BERNHEIM LE DROIT LINFORMATION DES PATIENTS
2009]
personnes souffrant de problmes de sant mentale78. Plus particulirement, au regard
du droit linformation des patients psychiatriques, le droit international se pose en
prcurseur de sa reconnaissance et de son amnagement au niveau tatique.
561
B. Instruments internationaux et droit linformation des patients
psychiatriques
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la communaut internationale, par
le biais de lOrganisation des Nations Unies (ONU), sest dote de plusieurs
instruments reconnaissant aux hommes des droits fondamentaux. Mme si la plupart
de ces traits ne visent pas particulirement les personnes atteintes de maladie
mentale, ils ont une importance capitale dans linterprtation des droits de ces
personnes, puisquil y est fait mention expresse de luniversalit des droits
fondamentaux79.
En 1983, la Dclaration de Hawa de lAssociation mondiale de psychiatrie
reconnat spcifiquement le droit linformation du patient hospitalis contre son
gr :
As soon as the conditions for compulsory treatment no longer apply, the
psychiatrist should release the patient from compulsory nature of the treatment
and if further therapy is necessary should obtain voluntary consent. The
psychiatrist should inform the patient and/or relatives or meaningful others, of
the existence of mechanisms of appeal for the detention and for any other
complaints related to his or her well being80.
lAssemble gnrale de
En 1991,
lONU adopte une rsolution portant
particulirement sur les droits des personnes souffrant de maladie mentale81.
Llaboration du principe portant sur le droit linformation des personnes internes
reflte une nette amlioration par rapport la Dclaration de Hawa, puisquil ne
permet pas quune personne puisse tre traite contre son gr et tenue dans
lignorance de ses droits la suite de son admission en tablissement :
78 Notamment par linterdiction des actions tatiques restreignant arbitrairement les liberts
individuelles. Voir David Norman Weisstub et Julio Arboleda-Flrez, Les droits en sant mentale au
Canada : une perspective internationale (2006) 31 Sant mentale au Qubec 19 la p. 22, se rfrant
notamment au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 19 dcembre 1966, 999
R.T.N.U. 171, R.T. Can. 1976 no 47, 6 I.L.M. 368 (entre en vigueur : 23 mars 1976, accession du
Canada 19 mai 1976).
79 Dclaration universelle des droits de lHomme, supra note 53, prambule, art. 1-2.
80 Association mondiale de psychiatrie, Dclaration de Hawa (10 juillet 1983), art. 6, en ligne :
Association mondiale de psychiatrie
81 Protection des personnes atteintes de maladie mentale et amlioration des soins de sant mentale,
Rs. AG 46/119, Doc. off. AG NU, 46e sess., supp. no 49, Doc. NU A/RES/46/119 (1991) [Principes
de lONU].
562
MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL
[Vol. 54
Ds son admission dans un service de sant mentale, tout patient doit tre
inform ds que possible, sous une forme et dans un langage quil peut
comprendre, de tous ses droits conformment aux prsents Principes et en vertu
de la lgislation nationale, et cette information sera assortie dune explication
de ces droits et des moyens de les exercer.
Si le patient nest pas capable de comprendre ces informations, et tant que cette
incapacit durera, ses droits seront ports la connaissance de son reprsentant
personnel le cas chant, et de la personne ou des personnes qui sont les mieux
mme de reprsenter ses intrts et qui sont disposes le faire82.
La reconnaissance des droits des personnes souffrant de maladie mentale, et plus
particulirement de leur droit linformation, sest donc btie au fil du temps et des
diffrents instruments internationaux. Depuis 2005, lOrganisation mondiale de la
sant met la disposition des tats un guide sur la sant mentale, les droits humains
et la lgislation83. Au sujet du droit linformation des personnes hospitalises contre
leur gr, les deux premiers alinas sont les mmes que ceux des Principes de lONU.
Cependant, un alina a t rajout : A patient who has the necessary capacity has the
right to nominate a person who should be informed on his or her behalf, as well as a
person to represent his or her interests to the authorities of the facility84.
la
concrtisation du droit linformation doivent se faire. ce titre, la lgislation
qubcoise reconnat jusqu un certain point la philosophie mise de lavant par les
instruments internationaux.
lamnagement procdural et
Toutefois, cest en droit
interne que
82 Ibid., principe 12(1)-(2). Le droit international a souvent servi de tremplin aux revendications des
personnes souffrant de maladie mentale. Voir Lawrence O. Gostin et Lance Gable, The Human
Rights of Persons with Mental Disabilities: A Global Perspective on the Application of Human Rights
Principles to Mental Health (2004) 63 Md. L. Rev. 20 la p. 34 :
For example, the prohibition of cruel, inhuman, and degrading treatment has
empowered mentally disabled persons subject to civil commitment to argue for more
humane conditions of confinement and treatment. Likewise, the right not to be subject
to arbitrary arrest or detention has bolstered efforts to require adequate procedural
protections for persons with mental disabilities subject to civil or criminal confinement.
83 Organisation mondiale de la sant, WHO Resource Book on Mental Health, Human Rights and
Legislation: Stop Exclusion, Dare to Care, Genve, Organisation mondiale de la sant, 2005 [WHO
Resource Book]. Voir aussi Organisation mondiale de la sant, Mental Health, Human Rights and
Legislation: WHOs Framework (2009) la p. 1, en ligne : Organisation mondiale de la sant
the basis of all mental health care. Rigorous and ongoing procedural safeguards need to be in place to
protect against the overuse and abuse of involuntary admission and treatment.
84 WHO Resource Book, ibid., principe 12(3) la p. 161.
2009]
E. BERNHEIM LE DROIT LINFORMATION DES PATIENTS
563
C. Lgislation qubcoise en matire dinformation des patients
mis sous garde en tablissement
Au Qubec, la Charte, comme la Dclaration universelle des droits de lHomme,
universalise les droits quelle contient et pose le principe de non-discrimination85.
Comme nous lavons vu plus haut, cest larticle 44 qui consacre spcifiquement le
droit linformation.
En ce qui concerne plus particulirement la sant, les droits des usagers du
systme de sant sont colligs dans la Loi sur les services de sant et les services
sociaux86. Ainsi, larticle 8(1) nonce :
Tout usager des services de sant et des services sociaux a le droit dtre
inform sur son tat de sant et de bien-tre, de manire connatre, dans la
mesure du possible, les diffrentes options qui soffrent lui ainsi que les
risques et les consquences gnralement associs chacune de ces options
avant de consentir des soins le concernant87.
Lobligation dobtenir le consentement dun patient avant de procder tout acte
mdical, dont des examens ou des valuations, est prvue au Code civil du Qubec88
et au Code de dontologie des mdecins89. Par consquent, le refus de soins doit tre
respect90. En plus de consentir aux soins le concernant, le patient participe
llaboration de son plan dintervention ou de traitement91. Dans ses dmarches de
renseignement, il peut tre accompagn de la personne de son choix92. De plus, tous
les droits reconnus aux usagers peuvent, en cas dinaptitude lgale, tre exercs par
un reprsentant93.
Dans le domaine spcifique de la garde en tablissement, la LPPEM dicte
clairement que la personne amene lhpital pour y tre garde doit recevoir des
informations prcises : le fait quelle y est amene pour tre garde, le lieu de sa
85 Supra note 11, prambule, art. 1, 10.
86 L.R.Q. c. S-4.2 [LSSSS].
87 Ibid., art. 8(1).
88 Art. 11 C.c.Q.
89 Supra note 18, art. 28.
90 Il sagit galement dune obligation dontologique prvue lart. 29 du Code de dontologie des
mdecins (ibid.). Des soins ne peuvent donc tre imposs une personne que si sa vie est en danger et
que son consentement ne peut tre obtenu en temps utile (art. 13 C.c.Q.) ou, en cas dinaptitude
consentir aux soins, par le biais dun consentement substitu, voire, en cas de refus catgorique, dune
autorisation de soins obtenue en vertu de lart. 16 C.c.Q. La Cour suprme a prcis les critres
permettant de prouver linaptitude consentir aux soins dans Starson c. Swayze (2003 CSC 32, [2003]
1 R.C.S. 722, 225 D.L.R. (4e) 385). Au Qubec, cependant, les critres appliqus en matire
dinaptitude sont toujours les critres de la Nouvelle-cosse, conformment la dcision Institut
Philippe-Pinel de Montral c. G.(A.) ([1994] R.J.Q. 2523, 66 Q.A.C. 81).
91 LSSSS, supra note 86, art. 10.
92 Ibid., art. 11.
93 Ibid., art. 12.
[Vol. 54
MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL
564
garde et son droit de communiquer avec ses proches et un avocat94. Ces informations
doivent tre donnes par lagent de la paix charg damener la personne lhpital et
par ltablissement ds sa prise en charge. Ce dernier a lobligation supplmentaire de
la renseigner des motifs de sa garde95.
Lorsque ltablissement dpose une requte pour garde en tablissement, il a
lobligation de la signifier la personne concerne96, personne97, cest–dire en lui
remettant copie de lavis de prsentation en mains propres98. Judith Lauzon explique
quun des objectifs de la signification personne est la mise en uvre de droits quasi-
constitutionnels :
[La signification] perme[t] la personne dobtenir toute linformation
ncessaire la comprhension du processus judiciaire ainsi qu la prservation
de ses droits et liberts. Cest en tant ainsi informe quune procdure
judiciaire est entame que la personne pourra sassurer dtre entendue,
dinterroger et de contre-interroger les tmoins, de prsenter une dfense pleine
et entire, de recourir lassistance dun avocat afin dtre mise au courant des
droits quelle peut faire valoir et den assurer la protection, de mme que de se
faire reprsenter ou assister devant le tribunal99.
Une fois la garde ordonne par le tribunal, ltablissement doit remettre la personne
concerne ou, en cas dincapacit le comprendre, la personne habilite consentir
pour elle, un document complet sur ses droits et recours ; ce document est en annexe
de la loi100. Il y est fait tat du droit au transfert dtablissement, de la fin automatique
de la garde si aucun examen psychiatrique nest fait dans les vingt et un jours, du
droit la communication confidentielle, du droit de contestation au Tribunal
administratif du Qubec, de toutes les situations entranant la fin automatique de la
garde et du droit au refus de traitement et dexamen, except des examens
psychiatriques.
Simultanment, larticle 31 du Code civil prvoit expressment le droit pour la
personne sous garde en tablissement et recevant des soins dtre informe par
ltablissement du plan de soins tabli son gard, ainsi que de tout changement
important dans ce plan ou dans ses conditions de vie. Ce droit, reconnu tous les
patients, est dautant plus important dans le contexte de la garde en tablissement,
puisquil permet la mise en uvre des droits lis aux soins et donc la reconnaissance
94 Supra note 1.
95 Ibid., art. 14-15.
96 Art. 779 C.p.c.
97 Art. 135.1 C.p.c., qui prvoit que [l]es demandes relatives lintgrit dune personne ge de
14 ans et plus, son tat ou sa capacit doivent lui tre signifies personne.
98 Art. 123, 135.1 C.p.c.
99 Judith Lauzon, Lapplication judiciaire de la Loi sur la protection des personnes dont ltat
mental prsente un danger pour elles-mmes ou pour autrui : pour un plus grand respect des droits
fondamentaux (2002-03) 33 R.D.U.S. 219 la p. 277 [Lauzon, Application judiciaire].
100 LPPEM, supra note 1, art. 16.
E. BERNHEIM LE DROIT LINFORMATION DES PATIENTS
2009]
effective de la non-altration de la personnalit juridique en dpit de la garde en
tablissement.
Lors de ladoption de la LPPEM, le lgislateur pensait avoir prvu des
mcanismes efficaces pour garantir la mise en uvre du droit linformation des
patients gards en tablissement. En tmoignent ces commentaires du ministre de la
Sant et des Services sociaux du Qubec de lpoque, Jean Rochon :
565
[O]n sassure, dans la loi, que linformation est compltement disponible,
dabord linformation que la personne implique reoit. Ds lintervention dun
agent de la paix, dun professionnel de la sant, de qui que ce soit qui en arrive
la conclusion que la personne prsente ce degr de dangerosit qui amnerait
une valuation psychiatrique pour dcider si, oui ou non, il faut garder la
personne en garde, ds le premier moment, la personne doit […] tre informe
[…] [de la raison pour laquelle] on lamne lhpital ou au CLSC, […] ce qui
va se passer et quel […] type de dcision […] [sera pris] compte tenu de
lvaluation psychiatrique. Si la personne est garde dans un tablissement,
ltablissement doit renouveler toutes ces informations-l. chaque tape, la
personne a le droit de savoir ce qui lui arrive et les gens ont lobligation
dinformer la personne101.
Si diverses procdures ont effectivement t prvues afin de sassurer que les
personnes gardes en tablissement reoivent bien toute linformation ncessaire la
mise en uvre de leurs droits, il faut maintenant se demander comment elles trouvent
rellement application. Cest ce que nous nous proposons dexplorer dans la dernire
partie de cet article.
III. La mise en uvre du droit linformation : la grande illusion
Les tudes portant sur lapplication de la LPPEM sont rares. Il est donc difficile
de se faire une ide gnrale de ltat actuel de la mise en uvre du droit
linformation dans le cadre de la garde en tablissement. Nous avons retenu, aux fins
de cette analyse, les donnes qui nous semblent les plus pertinentes. Ainsi, nous
examinerons dabord la procdure de signification des requtes pour examen
psychiatrique (soit la garde provisoire) et pour garde en tablissement. Puis, nous
aborderons la mise en uvre du droit une dfense pleine et entire et lassistance
dun avocat. Nous terminerons par un examen de la procdure de notification de
lordonnance judiciaire de garde en tablissement et de la remise du document en
annexe la loi.
A. La signification des requtes pour garde provisoire et pour
garde en tablissement
Le Code de procdure civile stipule larticle 779 :
101 Qubec, Assemble nationale, Journal des dbats, 35 (17 dcembre 1997) la p. 9608 (M. Jean
Rochon).
566
MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL
[Vol. 54
La demande [de garde] ne peut tre prsente au tribunal ou au juge moins
davoir t signifie la personne qui refuse lvaluation ou la garde au moins
deux jours avant sa prsentation. [] Exceptionnellement, le juge peut
dispenser le requrant de signifier la demande la personne concerne sil
considre que cela serait nuisible la sant ou la scurit de cette personne ou
dautrui, ou sil y a urgence.
Comme la signification constitue un prrequis la requte pour garde, le tribunal doit
exiger une preuve de signification et la dispense de signification ne devrait tre
accorde que sur allgations avres. Nanmoins, daprs les tudes sur la question,
des dispenses de signification ont t demandes dans le district judiciaire de
Montral, en 2004, dans 16 21 pour cent des requtes, un nombre considrable102.
Cette situation tait dailleurs connue et dnonce depuis longtemps, notamment par
la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse103. Cependant,
des donnes plus rcentes ne rvlent que deux demandes de dispense de
signification dans un chantillon de quatre-vingt-huit requtes pour gardes
provisoires et rgulires dposes dans plusieurs districts judiciaires au Qubec104.
Dans le district judiciaire de Montral, le taux de signification atteint 91,2 pour cent
dans le cas des gardes en tablissement et 82 pour cent dans le cas des
renouvellements de garde105. Il semble donc quune certaine amlioration soit
signaler.
Les dispenses de signification dans le cas de demandes de garde provisoire sont
le plus souvent demandes par des requrants autres que les tablissements,
autrement dit par des proches de la partie dfenderesse, pour raison de scurit
personnelle106. En ce qui concerne les demandes de garde en tablissement ou de
102 Action Autonomie Le Collectif pour la dfense des droits en sant mentale de Montral, Des
liberts bien fragiles : tude sur lapplication de la loi P-38.001 sur la protection des personnes dont
ltat mental prsente un danger pour elles-mmes ou pour autrui (novembre 2005) la p. 23, en
ligne : Action Autonomie
tude de la loi].
103 Qubec, Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, Mmoire la
Commission des affaires sociales de lAssemble nationale sur le projet de loi n 39 : Loi sur la
protection des personnes atteintes de maladie mentale (fvrier 1997) la p. 5, n. 15, en ligne :
Bibliothque et Archives nationales
104 Judith Lauzon, Prs de dix ans dapplication de la Loi sur la protection des personnes dont
ltat mental prsente un danger pour elles-mmes ou pour autrui Notre constat : le respect des
liberts et droits fondamentaux toujours en pril dans Service de la formation continue, Barreau du
Qubec, Obligations et recours contre un curateur, tuteur ou mandataire dfaillant 2008, Cowansville
(Qc), Yvon Blais, 2008, 1 la p. 22 [Lauzon, Dix ans dapplication].
105 Action Autonomie Le Collectif pour la dfense des droits en sant mentale de Montral, Nos
liberts fondamentales… Dix ans de droits bafous ! tude sur lapplication de la Loi sur la protection
des personnes dont ltat mental prsente un danger pour elles-mmes ou pour autrui (octobre 2009)
la p. 42, en ligne : Action Autonomie
Nos liberts].
106 Action Autonomie, tude de la loi, supra note 102 la p. 23. Voir galement Service aux
collectivits de lUQM et Action Autonomie, Protection ou coercition : Rapport de recherche
567
E. BERNHEIM LE DROIT LINFORMATION DES PATIENTS
2009]
renouvellement de garde dposes par les hpitaux en 2004, celles-ci nont demand
de dispenses de signification que dans 4 pour cent des cas, ce qui reprsente une
progression apprciable, puisque seulement cinq ans plus tt, 28 pour cent des
requtes ntaient pas signifies107.
Par contre, il semblerait que les dlais de signification ne soient pas toujours
respects par les tablissements. Ainsi, Judith Lauzon rapporte, selon des donnes
recueillies en 2001, alors que le dlai de signification ntait que dun jour franc108,
que des demandes dabrger les dlais de signification taient rgulirement
prsentes au tribunal et que, dans son chantillon de cinquante requtes, au moins 42
pour cent ne respectaient pas les dlais de signification109. Depuis que le dlai est de
deux jours, les tudes dmontrent une amlioration quant son respect ; mais ce nest
encore quentre le quart et le tiers des tablissements qui sy conforment110.
Le non-respect des dlais lgaux semble tre sans consquence pour lobtention
de lordonnance judiciaire de garde en tablissement, alors mme quil est
prjudiciable du point de vue de la mise en uvre dune dfense pleine et entire. La
personne signifie dans les dlais lgaux ne dispose effectivement que de deux jours
pour recourir lassistance dun avocat ou pour prparer elle-mme la prsentation
quelle fera au tribunal : cest dj trs peu. Il va sans dire que le non-respect des
dlais ne peut quajouter cette difficult. Certains dfendeurs ont dailleurs fait
valoir le non-respect des dlais comme moyen prliminaire de contestation de la
requte. Dans leur analyse, les juges, tout en reconnaissant que les dispositions
relatives la garde en tablissement drogent aux droits fondamentaux et quelles
doivent tre interprtes avec mesure, concluent que pour le malade mental, sa
protection constitue un principe gnralement prioritaire111 et quil serait contraire
portant sur lapplication de la Loi de protection des personnes dont ltat mental prsente un danger
pour elles-mmes ou pour autrui : Point de vue des personnes interpelles (mai 2007) la p. 115, en
ligne : Action Autonomie
Action Autonomie]. En pratique, la dispense de signification est automatique en matire de garde
provisoire.
107 Dans le district judiciaire de Montral, voir Action Autonomie, tude de la loi, ibid. la p. 24.
108 Cest en 2002 que le lgislateur a chang ce dlai pour deux jours. Voir Loi portant rforme du
Code de procdure civile, L.Q. 2002, c. 7, art. 110. Encore une fois, deux coles de pense saffrontent
sur le sujet. Pour certains, deux jours ne signifie pas quarante-huit heures, mais bien deux jours
passs, ce qui correspond en pratique un jour franc. Pour dautres, deux jours est interprter
comme signifiant quarante-huit heures. Dans le district judiciaire de Montral, en 2008, 40,92 pour
cent des requtes sont signifies dans un dlai plus court que quarante-huit heures. Voir Action
Autonomie, Nos liberts, supra note 105 la p. 47.
109 Lauzon, Application judiciaire, supra note 99 la p. 292.
110 Action Autonomie, tude de la loi, supra note 102 aux pp. 25-26 ; Lauzon, Dix ans
dapplication, supra note 104 la p. 25.
111 Grizenko c. X, [2000] R.J.Q. 2123 la p. 2126, J.E. 2000-1222 (C.Q.) [Grizenko].
[Vol. 54
MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL
568
lintrt de lintim et de la socit que le dfaut de respecter une procdure [prvale]
sur lobjectif de la Loi qui est la protection du malade et la protection dautrui112.
Pourtant, la procdure de signification est lunique moyen de sassurer que le
droit de contestation des diffrentes requtes est bien connu des dfendeurs. Or, en
2008, dans le district judiciaire de Montral, les parties dfenderesses prsentes
laudition ne reprsentaient que le tiers de lensemble des personnes concernes113.
Ces absences pourraient tre dues, en partie, aux significations omises ou tardives.
B. Le droit une dfense pleine et entire et lassistance dun
avocat
la
Curieusement,
loi ne prvoit pas expressment
lobligation pour
ltablissement demandeur dinformer la personne de son droit de contester la
demande de garde. En 1997, le Barreau du Qubec avait recommand que soit
ajoute au texte de loi lobligation pour ltablissement hospitalier dinformer le
patient de lexistence dorganismes daide et daccompagnement, ainsi que des
services quils peuvent rendre114. Le Barreau sappuyait sur la Politique de sant
mentale du ministre de la Sant et des Services sociaux et cherchait ce que soit
oprationnel un systme complet de promotion […] [des] droits […] garantis par les
chartes fdrale et provinciale ainsi que par la L.S.S.S.S.115.
Si le patient ne dispose pas de linformation sur son droit de contestation ds
ladmission en tablissement, nous pouvons prsumer que cest par la signification
quil lapprendra. Le contenu des avis de prsentation remis lors de la signification,
comme pour toutes les requtes, est prvu larticle 119 du Code de procdure
civile116, mais la pratique tmoigne dune grande disparit entre les tablissements.
Sur les treize principaux hpitaux de Montral ayant prsent des requtes en 2004, la
112 Docteur Jean-Bernard Trudeau c. Gamache (29 novembre 2001), 550-40-001047-018 (C.Q.), tel
que cit dans Lavigne c. P.F., 2008 QCCQ 482 au para. 22.
113 Action Autonomie, Nos liberts, supra note 105 la p. 78.
114 Barreau du Qubec, Mmoire sur la protection du malade mental (P.L. 39) (fvrier 1997) la
p. 35, en ligne : Barreau du Qubec
qubcoise pour la radaptation psychosociale dans Qubec, Assemble nationale, Commission
permanente des affaires sociales, Consultations particulires sur le projet de loi no 39 Loi sur la
protection des personnes atteintes de maladie mentale et modifiant diverses dispositions lgislatives
(4) dans Journal des dbats de la Commission permanente des affaires sociales, vol. 35, no 72 (8
avril 1997) la p. 43 (Mme Catherine Valle).
115 Mmoire du Barreau, ibid. la p. 34, reprenant les lignes directrices de Qubec, Ministre de la
Sant et des Services sociaux, Politique de sant mentale, Qubec, Publications du Qubec, 1989 la
p. 33.
116 Lart. 119 C.p.c. stipule notamment que lavis doit informer le dfendeur quil est tenu de
comparatre, faute de quoi un jugement pourra tre rendu contre lui, et que les pices au soutien de la
requte sont disponibles sur demande. Cette disposition semble mal adapte la situation particulire
de la garde en tablissement, ne serait-ce quen raison du court dlai entre la signification et laudition.
569
E. BERNHEIM LE DROIT LINFORMATION DES PATIENTS
2009]
moiti semble navoir inclus dans les avis de prsentation que le lieu, la date et
lheure de laudience. En tout, seulement quatre hpitaux se conformaient leur
obligation dinformer le dfendeur de la disponibilit sur demande des pices au
soutien de la requte ; deux autres hpitaux indiquaient le numro des pices verses
en preuve. Cinq hpitaux fournissaient un numro de tlphone pour contester et un
seul le conseil de communiquer avec un avocat117. Il est ds lors comprhensible que
des personnes peu renseignes puissent croire leur impuissance devant le processus
judiciaire mis en branle. Cest ce que confirment dailleurs les tmoignages recueillis
par lUQM et Action Autonomie118.
Malgr la disparit des pratiques dinformation sur les droits de contestation et de
reprsentation dans les avis de prsentation, la situation devrait normalement se
corriger en aval, au tribunal mme, puisque larticle 780(1) du Code de procdure
civile prvoit expressment que :
Le tribunal ou le juge est tenu dinterroger la personne concerne par la
demande, moins quelle ne soit introuvable ou en fuite ou quil ne soit
manifestement inutile dexiger son tmoignage en raison de son tat de sant ;
cette rgle reoit aussi exception lorsque, sagissant dune demande pour faire
subir une valuation psychiatrique, il est dmontr quil y a urgence ou quil
pourrait tre nuisible la sant ou la scurit de la personne concerne ou
dautrui dexiger le tmoignage.
Nous ne possdons aucune donne sur les demandes de dispense dinterrogatoire de
la partie dfenderesse119. Or, sachant que seulement 34,83 pour cent des dfendeurs
taient prsents laudience en 2008 dans le district judiciaire de Montral120, faut-il
conclure que les juges accordent cette dispense dans prs des deux tiers des cas ? De
117 Action Autonomie, tude de la loi, supra note 102 aux pp. 22-23. Bien quil ne sagisse pas
dune obligation lgale, cette information nous semble essentielle, le droit de communiquer avec un
avocat tant prvu aux art. 14-15 de la LPPEM, supra note 1.
118 UQM et Action Autonomie, supra note 106 la p. 119.
119 Le tribunal doit interroger la personne au sujet de laquelle la requte est prsente, sinon [l]a
requte devra contenir une demande expresse de dispenser dinterrogatoire, avec les motifs qui la
justifie. Voir Jean-Pierre Mnard, La Loi sur la protection des personnes dont ltat mental prsente
un danger pour elles-mmes ou pour autrui dans Service de la formation permanente, Barreau du
Qubec, Congrs annuel du Barreau du Qubec (1998), Montral, Barreau du Qubec, 1998, 427 la
p. 469.
120 Action Autonomie, Nos liberts, supra note 105 la p. 78. Ceci reprsente tout de mme une
nette amlioration par rapport au taux de prsence de 1996, qui tait de 4,8 pour cent, celui de 1999,
qui tait de 16,9 pour cent et celui de 2004, qui tait de 24,3 pour cent. Voir Action Autonomie, tude
de la loi, supra note 102 la p. 40 ; Ghislain Goulet, Des liberts bien fragiles… Lapplication de la
Loi sur la protection des personnes dont ltat mental prsente un danger pour elles-mmes ou pour
autrui : Pour le respect des rgles dapplication dune loi dexception dans une culture humanise de
services de sant dans Service de la formation continue du Barreau du Qubec 2007, Autonomie et
protection, vol. 261, Cowansville (Qc), Yvon Blais, 2007, 183 la p. 195. En fait, il semble que des
dispenses dinterrogatoire dans le cas de gardes en tablissement soient rarement demandes.
Labsence du dfendeur est plutt considre comme une absence de contestation.
la
jurisprudence,
[Vol. 54
En consultant
il appert rapidement que
MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL
570
plus, les taux de reprsentation par avocat de la partie dfenderesse varient
normment dun hpital lautre : de 4,76 66,67 pour cent en 2008121.
la dispense
dinterrogatoire nest gnralement pas motive122. En fait, ces ordonnances, qui sont
extrmement courtes, commencent frquemment par une srie de considrant au
milieu desquels se retrouve : [c]onsidrant quil est manifestement inutile dexiger le
tmoignage de la dfenderesse, en raison de son tat de sant et de lopinion des
psychiatres123, comme unique explication de la dcision daccorder la dispense
dinterrogatoire.
Dans laffaire Grizenko, le curateur public, mis en cause, sopposait cette
dispense dinterrogatoire, affirmant que celle-ci ne doit tre fonde que sur des faits
allgus. Le juge explique : Encore ici, les psychiatres sont la source premire pour
amener le tribunal dcrter labsence dobligations dinterroger le malade. Le mis
en cause aurait bien peu de moyens pour contester les opinions des psychiatres ce
sujet124. Par contre, en 2007, la Cour dappel a renvers une dcision de premire
instance o le juge avait ordonn une garde sans entendre la partie dfenderesse. La
cour sexprime sans ambigut :
Si tel est le cas, le juge doit sen expliquer et justifier par certaine preuve
[L]article 780 C.p.c. est formel : le juge est tenu dinterroger la personne
concerne par la demande moins quil ne soit manifestement inutile dexiger
son tmoignage, ce qui ne me semble pas tre le cas en lespce.
factuelle pourquoi il serait manifestement inutile de lentendre.
Cela na pas t fait.
srieuse125.
Le jugement souffre dune irrgularit grave qui en fait voir une faiblesse
Il semble que cette dcision ait eu une incidence sur la jurisprudence
subsquente. Ainsi, la consultation des dcisions de 2008 nous permet de penser que
la facture des jugements a quelque peu chang. Dans Centre de sant et de services
sociaux de Rivire-du-Loup c. A.M.126, par exemple, le juge, aprs avoir cit larticle
780 C.p.c., labore une liste de faits qui lui permettent de justifier une dispense
dinterrogatoire. Dans Centre de sant et de services sociaux de Sept-les c. S.L., le
121 Action Autonomie, Nos liberts, ibid. la p. 83. Voir aussi UQM et Action Autonomie,
supra note 106 la p. 114 et s.
122 Il est noter que la jurisprudence disponible est gnralement celle de districts autres que
Montral. Dans le district de Montral, en raison du volume important des causes, les juges rendent
leur dcision sur le banc.
123 Lamarre c. A., 2007 QCCQ 660 au para. 9.
124 Grizenko, supra note 111 la p. 2129.
125 G.J. c. Directeur des services professionnels du Centre hospitalier Pierre-Le-Gardeur, 2007
QCCA 1053 aux para. 5-8.
126 2008 QCCQ 2930 aux para. 5-7.
571
E. BERNHEIM LE DROIT LINFORMATION DES PATIENTS
2009]
juge mentionne que [l]a preuve rvle quil est manifestement inutile dexiger le
tmoignage de monsieur127. Mentionnons galement que dans Centre de sant et de
services sociaux de Rimouski-Neigette c. L.L., le juge, sappuyant sur la dcision de la
Cour dappel cite plus haut, rejette une demande de dispense dinterrogatoire,
soulignant que le tribunal doit justifier par une preuve factuelle linutilit dentendre
le tmoignage de la partie dfenderesse128.
La dispense dinterrogatoire a des rpercussions dramatiques du point de vue des
droits fondamentaux des dfendeurs. En effet, elle influe directement sur leur droit
prsenter une dfense pleine et entire contre un tablissement demandeur qui est par
ailleurs toujours reprsent par un avocat129. Les chiffres sont loquents : dans le
district de Montral, le taux de requtes accueillies lorsque le dfendeur est absent est
de 92,30 pour cent, contre 86,25 pour cent lorsquil est prsent sans avocat et 82,18
pour cent lorsquil est assist de son avocat130. Le taux de requtes rejetes est
respectivement de 0,50 pour cent, 1,25 pour cent et 3,83 pour cent131. Nous constatons
donc une diffrence importante entre les situations o la partie dfenderesse est
absente, celle o elle est prsente seule et celle o elle est reprsente par un avocat.
Les juges eux-mmes se montrent proccups par la situation. Ils rapportent que
lorsquun avocat est prsent au dossier, celui-ci est plus complet, ce qui leur permet
de prendre leurs distances face aux rapports psychiatriques132. Lorsque le dfendeur
est absent, le juge se base essentiellement sur les deux examens psychiatriques et suit
tout simplement leur recommandation de maintien en tablissement133.
Il semble cet gard que les juges soient jusqu un certain point captifs du
contexte procdural de la garde en tablissement134. Il faut dire que ce constat ne nous
127 2008 QCCQ 3854 au para. 6. Ce genre de justification semble commun plusieurs dcisions :
voir par ex. Michaud c. D.D., 2007 QCCQ 13205 ; Centre de sant et de services sociaux de Sept-les
c. Y.F., 2007 QCCQ 11170 au para. 4, o le juge dit sappuyer sur laffidavit dpos en preuve par la
psychiatre de ltablissement demandeur.
128 2008 QCCQ 8319 au para. 19.
129 Lart. 61 C.p.c. prvoit lobligation pour les personnes morales de se faire reprsenter par un
procureur.
130 Action Autonomie, Nos liberts, supra note 105 la p. 88. Les chiffres de 2008 montrent que
les requtes sont accueillies partiellement dans 0,37 pour cent des cas quand la partie dfenderesse est
absente, 10 pour cent quand elle est prsente seule et 12,45 pour cent quand le dfendeur et lavocat
sont prsents (ibid.).
131 Ibid.
132 Emmanuelle Bernheim, Perspective Luhmannienne sur linteraction entre droit et psychiatrie :
thorisation de deux modles dans le contexte particulier de lexpertise psychiatrique, en ligne :
(2008) 13:1 Lex Electronica 1 la p. 64
133 Ibid. la p. 56. Un juge interrog sur la question rapporte : On a deux rapports de spcialistes
dans le domaine de la sant mentale qui viennent nous dire quil faut quil reste en tablissement et
lindividu ne vient pas nous dire pourquoi il ne devrait pas rester, alors on se base essentiellement sur
les rapports sans vraiment les contester, cest–dire sans vraiment les discuter.
134 Ibid. la p. 95 et s.
[Vol. 54
MCGILL LAW JOURNAL / REVUE DE DROIT DE MCGILL
572
claire nullement sur les raisons qui expliquent labsence aussi frquente des
dfendeurs135. Il reste quune mise en application judiciaire plus systmatique du droit
linformation, par le biais de la vrification de sa mise uvre effective et par sa
priorisation, permettrait de pallier, du moins partiellement, le problme apparent de
subordination du tribunal lopinion psychiatrique.
judiciaire de garde en
tablissement136, comprenant notamment la remise du document en annexe de la loi,
constitue possiblement, pour le dfendeur, la premire et seule occasion de prendre
rellement connaissance de lintgralit de ses droits137. Il sagit donc dun moment
central dans son exprience personnelle de garde en tablissement, et plus
particulirement quant lactivation de son statut citoyen.
la notification de
Par ailleurs,
lordonnance
C. La remise du document conforme lannexe de la loi
Comme le prvoit larticle 16 de la LPPEM, un document conforme lannexe
de la loi doit tre remis la personne sous garde en tablissement. Ce document
contient toute linformation sur ses droits durant sa garde en tablissement.
Nous pensons que ce document devrait tre remis la personne ds sa mise sous
garde prventive ou sous garde provisoire, selon les cas, plutt quaprs lobtention
dun jugement de garde en tablissement138. Cest dailleurs ce que prconisent les
principes onusiens, puisquils dclarent que le patient doit tre inform de ses droits
ds son admission139. Dans ltat actuel des choses, une personne peut se retrouver
sous garde en tablissement plus dune semaine, selon les termes de la loi, sans
recevoir linformation dtaille sur ses droits, telle que contenue dans le document
conforme lannexe de la loi140. En ralit, le dlai pourrait mme tre plus long141.
135 Les personnes gardes en tablissement seraient prives de leur droit de communiquer avec un
avocat et feraient lobjet de chantage. Voir Association des groupes dintervention en dfense des
droits en sant mentale du Qubec, La garde en tablissement : Une loi de protection… une pratique
doppression, Montral, Association des groupes dintervention en dfense des droits en sant mentale
du Qubec, 2009 la p. 20.
136 Prescrite par lart. 781 C.p.c.
137 Le document conforme lannexe de la loi constitue le seul crit sur les droits et recours du
patient qui lui est obligatoirement remis. Bien que diffrentes informations doivent lui avoir t
transmises par lagent de la paix, ltablissement ou mme le tribunal, leffectivit de cette
information ainsi que son contenu diffrent dun district judiciaire lautre et mme dun
tablissement lautre.
138 Le Barreau du Qubec avait suggr que la remise du document ait lieu au moment de la mise
sous garde provisoire. Voir Mmoire du Barreau, supra note 114 la p. 36.
139 Principes de lONU, supra note 81, principe 12(1).
140 Selon lart. 7(3) de la LPPEM, supra note 1, la garde prventive ne peut durer plus de soixante-
douze heures (donc trois jours), sauf si le troisime jour est un samedi ou un jour non juridique,
moins que ltablissement nait obtenu une ordonnance judiciaire permettant de placer la personne en
garde provisoire. Dans ce cas dexception, la garde peut se prolonger jusqu lexpiration du jour
juridique suivant, soit jusqu sept jours en cas de jours fris conscutifs une fin de semaine. Lart.
573
E. BERNHEIM LE DROIT LINFORMATION DES PATIENTS
2009]
En effet, il semblerait que la majorit des requtes pour garde en tablissement visent
des personnes qui sont en garde prventive et pour lesquelles aucune requte de garde
provisoire en vue de faire une valuation psychiatrique na t dpose142. Faut-il
conclure que la personne a consenti subir deux examens psychiatriques alors quelle
refusait son hospitalisation ?
Ce dlai avant une divulgation expresse des renseignements contenus au
document conforme lannexe de la loi nous semble injustifi et prsente une atteinte
importante aux droits fondamentaux, notamment en ce qui concerne le droit de
contester la demande de garde en tablissement, puisque le document constitue
parfois le premier et seul transfert dinformation au patient. Quant au droit au refus de
traitement, sa notification nest lgalement prvue qu ce stade du processus.
Nous croyons galement que la loi devrait prvoir, toujours conformment aux
principes onusiens ainsi qu la jurisprudence concernant la protection des droits
judiciaires lors darrestations policires143, lobligation pour le personnel charg de
transmettre linformation quil sexprime sous une forme et dans un langage
appropris et quil sassure que la personne concerne (soit le patient lui-mme, soit
la personne autorise consentir pour ce dernier) a bien compris la nature des droits
en jeu et les moyens de les exercer. Pour le moment, larticle 15 de la LPPEM prvoit
que linformation doit tre donne [d]s la prise en charge de la personne par
28(2) C.c.Q. prvoit que les examens psychiatriques autoriss par lordonnance judiciaire de garde
provisoire doivent tre complts au plus quatre jours aprs la prise en charge, ou bien deux jours
aprs la prise en charge si la personne tait pralablement en garde prventive. Selon lart. 28(3)
C.c.Q., ltablissement dispose de quarante-huit heures pour prsenter une requte au tribunal. Selon
ces prescriptions, une personne peut donc tre maintenue en tablissement six jours en garde
provisoire, en plus de la garde prventive, avant de recevoir copie du document conforme lannexe
de la loi.
141 Voir par ex. Hpital Jean-Talon c. S.S., 2008 QCCQ 3850, o le dfendeur tait en garde
provisoire depuis onze jours. Lauzon affirme que plus de 60 % des personnes vises [par des
requtes pour garde rgulire] ont subi une dtention civile illgale, dune dure variant de un sept
jours, et peut-tre mme plus. Elle dduit nanmoins qutant donn le respect des dlais par les trois
tablissements du district judiciaire de Qubec, les balises lgales sont ralistes. Voir Lauzon, Dix
ans dapplication, supra note 104 la p. 33. Le Protecteur du citoyen dnonce galement le non-
respect des dlais dans Qubec, Protecteur du citoyen, Rapport annuel 2006-2007, Qubec,
Assemble nationale du Qubec, 2007 la p. 264, en ligne : Protecteur du citoyen
142 Action Autonomie, tude de la loi, supra note 102 la p. 29.
143 Dans R. c. Evans, la juge McLachlin affirme que lorsquil y a des signes concrets que laccus
ne comprend pas son droit lassistance dun avocat, les policiers ne peuvent se contenter de la
rcitation rituelle de la mise en garde relative ce droit de laccus ; ils doivent prendre des mesures
pour faciliter cette comprhension ([1991] 1 R.C.S. 869 la p. 891, 63 C.C.C. (3e) 289 [Evans]).
Ainsi, le dfaut des policiers dexpliquer laccus son droit lassistance dun avocat, dont ils
lavaient au pralable inform, viole lart. 10(b) de la Charte canadienne des droits et liberts (partie I
de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant lannexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.),
1982, c. 11). La juge McLachlin justifie lobligation policire par le fait qu[u]ne personne qui ne
comprend pas son droit nest pas en mesure de lexercer (Evans, ibid.).
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ltablissement, ou ds que la personne semble tre en mesure de comprendre ces
renseignements144. Pour nous, cette obligation nquivaut nullement celle formule
dans les Principes de lONU, qui prcisent que linformation sera assortie dune
explication [des] droits et des moyens de les exercer, sous une forme et dans un
langage [que le patient] peut comprendre145. Dailleurs, lOrdre des infirmires et
infirmiers du Qubec avait recommand, lors des consultations sur le projet de loi,
linstauration de mesures de soutien aux personnes auxquelles le document conforme
lannexe de la loi est remis, soulignant notamment le fait que plusieurs personnes
sont analphabtes146.
Nous avons dmontr que le droit linformation des patients gards en
tablissement connat diverses difficults dapplication ; de ces difficults dcoulent
logiquement une impuissance faire valoir dautres droits fondamentaux et une
inaccessibilit la justice. Une valorisation accrue du droit linformation assurerait
non seulement sa mise en uvre, mais permettrait galement aux tribunaux de
reprendre la place qui devrait tre la leur, soit celle de constituer le dernier rempart
avant une privation des droits fondamentaux protgs par la Charte. En effet, si les
juges vrifiaient systmatiquement si la partie dfenderesse a bien t informe des
possibilits de contestation mieux, sils obtenaient une preuve de son choix de ne
pas contester, et dfaut, sils exigeaient le tmoignage du dfendeur linformation
serait donne plus frquemment avant laudience147.
144 Lart. 14 de la LPPEM, qui porte sur les obligations dinformation incombant au policier, ne
prvoit pas cette obligation (supra note 1).
145 Supra note 81, principe 12(1).
146 Qubec, Assemble nationale, Commission permanente des affaires sociales, Consultations
particulires sur le projet de loi no 39 Loi sur la protection des personnes atteintes de maladie
mentale et modifiant diverses dispositions lgislatives (3) dans Journal des dbats de la Commission
permanente des affaires sociales, vol. 35, no 59 (20 fvrier 1997) la p. 35 (Mme Denise Lvesque-
Boudreau). LAssociation des groupes dintervention en dfense de droits en sant mentale du Qubec
(AGIDD-SMQ) proposait par ailleurs dtre elle-mme informe de la situation des personnes places
en garde en tablissement afin de pouvoir proposer un accompagnement adquat. Voir Qubec,
Assemble nationale, Commission permanente des affaires sociales, Consultations particulires sur
le projet de loi no 39 Loi sur la protection des personnes atteintes de maladie mentale et modifiant
diverses dispositions lgislatives (1) dans Journal des dbats de la Commission permanente des
affaires sociales, vol. 35, no 57 (18 fvrier 1997) la p. 36 (M. Mario Bousquet).
147 Nous croyons par ailleurs limportance primordiale du rle du pouvoir judiciaire dans la
protection du dfendeur et de la socit dans le cadre de lapplication de la LPPEM. Cependant, cette
protection ne doit pas tre comprise comme ne concernant que le danger potentiel et doit galement
viser les droits des dfendeurs. Actuellement, la pratique de la Cour du Qubec en matire de garde en
tablissement est qualifie par certains de rubber stamp. Voir Ian-Kristian Ladouceur, Droits de la
sant mentale : checs lgislatifs et juridiques (2006) 38:2 J. Barreau 50. Ce rle de protecteur des
droits nous apparat dautant plus important que le nombre de requtes (requte pour examen
psychiatrique, garde provisoire, garde en tablissement ou renouvellement de garde en tablissement)
ne cesse daugmenter dans le district judiciaire de Montral. En 1996, soit sous le rgne de la Loi de
protection du malade mental, elles taient au nombre de 1591. En 2004, sous la LPPEM, le district en
a reu 2136 et en 2008, 2460. Ces chiffres ne comprennent pas les leves de garde, qui sont des
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E. BERNHEIM LE DROIT LINFORMATION DES PATIENTS
2009]
Conclusion
La problmatique, multifactorielle, concernant la mise en uvre du droit
linformation des patients gards en tablissement rside notamment dans lconomie
de la loi et de la procdure, qui confine le tribunal un rle subordonn celui des
psychiatres. En effet, actuellement, malgr le second alina de larticle 30 C.c.Q., qui
prvoit que le tribunal ne peut autoriser la garde que sil a lui-mme des motifs
srieux de croire que la personne est dangereuse et que sa garde est ncessaire, quelle
que soit par ailleurs la preuve qui pourrait lui tre prsente et mme en labsence de
toute contre-expertise, le tribunal se voit dans lobligation de statuer sur la mise sous
garde en tablissement dune partie souvent absente et sur la foi de deux rapports
psychiatriques parfois complexes. Ces derniers, frquemment sibyllins sur
formulaires primprims148, constituent le plus souvent lunique preuve de
lexistence des deux critres lgaux essentiels lordonnance, soit la prsence de
dangerosit en lien avec ltat mental149. Certains juges expliquent quils se voient
contraints de prononcer lenvoi de la personne en garde en tablissement ds lors
quils ne possdent en preuve que les rapports psychiatriques, moins que ces
derniers ne concluent pas la prsence de dangerosit150.
En effet, la nature des rapports psychiatriques permet difficilement au tribunal de
remplir sa fonction. Dabord, le diagnostic pos par les psychiatres de ltablissement
demandeur nest pas discut par le tribunal tant donn labsence de contre-expertise
qui pourrait le nuancer, voire le contredire. Ensuite, une difficult majeure se pose
dans le concept de dangerosit lui-mme, puisquil est indfini par le lgislateur et
donc difficile contrler judiciairement. Il appartient aux psychiatres de procder
causes rayes du rle lorsque la garde est leve avant laudience. Les leves de garde, au nombre de
500 en 2008, font monter 2960 le nombre de requtes inscrites sur le rle cette anne-l. Pour les
chiffres de 1996 et 2004, voir Goulet, supra note 120 la p. 190 et s. Quant aux statistiques de 2008,
nous remercions le greffe de la sant mentale de la Cour du Qubec du palais de justice de Montral
pour sa collaboration.
148 Voir lopinion de la Cour dappel dans D.M. c. Prosper (22 dcembre 2004), Montral 500-09-
015164-049 au para. 3.
149 Voir Louis Sncal, Le cadre procdural : la requte pour garde en tablissement et la requte
pour valuation psychiatrique dans Service de la formation permanente, Barreau du Qubec,
Dveloppements rcents en droit de la sant mentale (1998), Cowansville (Qc), Yvon Blais, 1998, 277
la p. 292, pour qui lexpertise psychiatrique constitue une pice matresse [Barreau du Qubec,
Droit de la sant mentale].
150 Bernheim, supra note 132 la p. 56 : videmment le juge na ce moment-l que le rapport
dexpertise. Prend connaissance des rapports, pas beaucoup le choix, moins que les rapports ne
concluent pas que la personne est dangereuse pour elle-mme, pour autrui, pas b[i]en le choix que
denvoyer la personne en cure ferme. Il faut savoir que cette situation faisait dj lobjet de
proccupations srieuses lors de ltude du projet de loi : Qubec, Assemble nationale, Commission
permanente des affaires sociales, tude dtaille du projet de loi no 39 Loi sur la protection des
personnes atteintes de maladie mentale et modifiant diverses dispositions lgislatives (2) dans
Journal des dbats de la Commission permanente des affaires sociales, vol. 35, no 100 (5 dcembre
1997) la p. 6 (M. Christos Sirros).
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lvaluation de la dangerosit selon des critres cliniques, qui ne sont pas dbattus
lors de laudience en vue dordonner la garde en tablissement, malgr une validit
scientifique controverse151. Pour la Cour du Qubec, pourtant, [i]l revient […] au
Tribunal de vrifier, outre le respect de la lgalit et de la procdure, lexistence et le
srieux des motifs allgus dans les observations des psychiatres qui les ont conduits
conclure la dangerosit du patient152.
Or, bien souvent, les rapports, succincts, ne contiennent pas les lments
suffisants pour permettre aux juges de vrifier la prsence effective de motifs
permettant de conclure la dangerosit153. Cette difficult majeure est dailleurs
souligne par des juges, dont un affirme que [l]expertise est extrmement sommaire
notamment quant la conclusion qui n[…]apparat pas appuye sur des faits154.
Pour nous, en toute dfrence, tant donn notamment les difficults lies la
preuve, cest par lapplication stricte et rigoureuse de la procdure, surtout en ce qui a
trait au droit linformation, que le tribunal jouera rellement son rle quant la
garde en tablissement155, sans jamais oublier que tous les tres humains sont gaux
en valeur et en dignit et ont droit une gale protection de la loi156. Un diagnostic
psychiatrique coupl une valuation positive de la dangerosit, dans le contexte que
nous connaissons, devrait-il tre suffisant pour priver la personne, non seulement du
droit la libert, mais galement de ses autres droits ? Il nous semble vident quici,
151 Daprs Phil Woods et Gerri C. Lasiuk, Risk Prediction: A Review of the Literature (2008) 4
Journal of Forensic Nursing 1 la p. 8, les cliniciens ont tendance tre exagrment conservateurs
dans leur prdiction du risque, ce qui confirme la subjectivit de lvaluation. Pour Otero, la LPPEM
contribue […] grer des phnomnes complexes, plus proches du drangement que du danger,
phnomnes qui antrieurement relevaient dautres formes de rgulation et dautres intervenants.
Voir Marcelo Otero, Le psychosocial dangereux, en danger et drangeant : nouvelle figure des lignes
de faille de la socialit contemporaine (2007) 39 Sociologie et socits 51 la p. 68. Ce nest
cependant pas lopinion de Jean-Luc Dubreucq, Sans-abri, caractriel, alcoolique, drogu et fou… Au
secours ! dans Service de la formation permanente du Barreau du Qubec 2006, Dpendances et
protection, vol. 238, Cowansville (Qc), Yvon Blais, 2006, 23 la p. 35, pour qui on assiste
actuellement un glissement vers une interprtation de plus en plus restrictive de la notion de
danger, celle-ci se rduisant au risque de suicide ou de violence envers autrui.
152 C.H.A.L. c. T.I.B., [2001] R.D.F. 414 la p. 417, J.E. 2001-653 (C.Q.).
153 Voir Lauzon, Dix ans dapplication, supra note 104 la p. 14, qui rapporte quune analyse de
quatre-vingt-dix rapports dexamens psychiatriques faite en mai 2007 a permis non seulement de
confirmer leur brivet, mais galement la non-conformit avec les critres lgaux dans plus de 60
pour cent des cas.
154 Bernheim, supra note 132 la p. 63.
155 Jean-Pierre Mnard, Les grands principes de la nouvelle Loi sur la protection des personnes
dont ltat mental prsente un danger pour elles-mmes ou pour autrui dans Barreau du Qubec,
Droit de la sant mentale, supra note 149, 1 la p. 7. Ainsi, le fait dentendre le dfendeur, surtout sil
est reprsent, change significativement lissue du recours. Pour Ladouceur, supra note 147 la p. 50,
le tribunal devrait systmatiquement sassurer que les personnes malades ont t dment avises de
leurs droits tel que prvu par la Loi et quelles sont reprsentes lorsquil y a contestation de la
requte.
156 Charte, supra note 11, prambule.
E. BERNHEIM LE DROIT LINFORMATION DES PATIENTS
2009]
la mise en uvre du droit linformation permettrait lactualisation des valeurs
dmocratiques, et plus particulirement de la citoyennet universelle157. Ctait
dailleurs, semble-t-il, ce que le lgislateur visait originellement par ladoption de la
Charte158.
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157 Voir Gendreau, supra note 60 la p. 511, pour qui une catgorie particulire de citoyens [est]
tablie en fonction dun diagnostic […] psychiatrique. […] [C]ela a comme consquence de dterminer
ltendue de leurs droits.
158 Nadeau, supra note 26 la p. 5.