LE DROIT PENAL ET L’AVIATION
avec r6f6rence au droit canadien
Ren-H. Mankiewicz*
INTRODUCTION
De l’autonomie du droit airien. – A l’instar du “droit maritime”, du
“droit familial”, du “droit du travail”, du “droit des administrations publiques”
et d’autres ensembles de r~gles juridiques li6es entre elles par le fait social,
6conomique ou politique auquel elles s’appliquent, le droit a~rien est un com-
partiment autonome du droit. DIpassant la division traditionnelle du droit en
r~gles de droit public et en r~gles de droit priv6, il assemble un corps de
. son coin et oriente leur
normes coherent autour du fait a6rien, les marque
interpretation. Ensemble organique, ce nouveau compartiment autonome du
droit engendre et d6veloppe un regime et un esprit qui lui sont propres. I1
module la teneur et l’application des normes qu’il emprunte aux branches
juridiques traditionnelles et crie des principes et pr&eptes nouveaux en vue
d’ordonnancer dans la mani re et dans l’esprit qui conviennent, les situations
produites par les conditions techniques, 6eonomiques, sociales et politiques,
n~es de ‘essor de l’aviation. 1 C’est d’ailleurs ainsi que, dans un autre domaine,
s’est form6 en 150 ans le droit administratif franqais, construit par le Conseil
d’Etat autour des manifestations sociales et politiques d’une administration
publique.
En mati~re p6nale, ce corps de r~gles autonomes, appel6 traditionnellement
le droit a&ien, a engendr6:
a) le droit plnal a6rien qui tend A assurer l’observation des r~gles pro-
pres A la navigation et aux transports a&iens;
b) de nouvelles dispositions du droit p6nal commun, en vue de protger
l’aviation et les a6ronefs;
c) l’adaptation, A peine 6bauch6e, des r~gles’du droit p6nal international
(conflits de lois) aux situations particuli6res A. l’aviation.
Notre expos6 traitera de ces trois groupes de normes, en se r6f6rant plus
particuli6rement au droit canadien.
‘OACI, Montreal.
*Membre du bureau juridique de
1Sur l’autonomie du droit arien, v. M. Lemoine, Traiti de droit airien, p. 3 ss.,
M. de Juglart, Traiti ilimentaire de droit airien, p. 14 ss. et les r~frences bibliogra-
phiques donn&es par ces auteurs. – Sur la notion de “compartiment autonome du droit,
v. Le Recueil Lambert dans Bulletin de l’Institut de droit compari de Lyon, 1937,
p. 138 ss.
McGILL LAW JOURNAL
[Vol. 4
I. DROIT PENAL AtRIEN
1. De son objet et de sa technique legislative. Les r~gles du droit p6nal
la
a~rien proprement dit r~priment les actes susceptibles de compromettre
sicurit6 de la navigation et des transports a~riens. Elles &igent en infraction
le pilotage d’un a&onef par une personne d~pourvue de la licence n~cessaire,
1inobservation des r~gles de Fair, la mise en service et l’utilisation d’a6ronefs
dans des conditions incompatibles avec le certificat de navigabilit6, etc. Ces in-
fractions sont pratiquement les mmes dans tous les pays.
La technique l6gislative en ce domaine consiste le plus souvent A idicter
des raglements aronautiques qui prescrivent la conduite des pilotes et 6quipages,
des constructeurs d’avions et des entreprises de transports ariens, etc., et A
dterminer par une “disposition g6n6rale” (disposition de cadre) les amendes
et peines inflig~es en cas d’inobservation de ces prescriptions.
Avant d’examiner la lgislation canadienne en la mati~re, il paralt opportun
. deux traits particuliers des normes de ce droit p6nal
de s’arrter un moment
a6rien.
2. De l’uniformitM du droit penal agrien. Le droit penal airien est dans
une large mesure un droit internationalement uniforme, bien que ses dispo-
sitions soient l’ceuvre de lgislateurs nationaux souverains. Cette uniformite
provient en premier lieu de ce que les definitions des infractions r~prim~es
dans les diff~rents pays sont naturellement uniformes, 6tant donn6 l’identit6,
dfie A la nature de la chose, des rgles mat~rielles de la navigation a~rienne
dont robservation doit 6tre garantie par les dispositions p~nales.
II s’y ajoute une autre cause d’uniformit6. En effet, la plupart des r~gles
matrielles de la navigation a6rienne reposent sur les normes 6dict~es dans
Ia Convention de Chicago.2 Or, sous r6serve des deviations
les Annexes
l’Article 38 de cette Convention, ces
nationales notifi~es conform~ment i
normes sont appliqu6es telles queules par les Etats membres de I’OACI.
2A cette date, le Conseil de I’OACI a adopt6 les annexes suivantes:
Annexe 1- Licences du personnel.
”
”
to
“y
it
2- Rtgles de l’air.
3 – Codes m~tiorologiques.
4 – Cartes aronautiques.
5- Unites de mesure dans les communications air-sol.
6- Exploitation technique des aironefs de transport commercial inter-
It
it
of
”
national.
7-Marques de nationalit6 et d’immatriculation des aronefs.
8- D6Iivrance des certificats de navigabilit6 d’a6ronefs.
9- Facilitation.
10- T6lcommunications a~ronautiques.
de la circulation arienne.
11 -Services
12- Recherches et sauvetage.
13- Enqu~tes sur les accidents d’aviation.
14 – Arodromes.
15- Services d’information aronautique.
No. 1 ]
DROIT PENAL ET AVIATION
II s’ensuit que dans la majorit6 des cas, le droit p6nal arien sanctionne
l’inobservation de rbgles itablies uniformnment pour 70 Etats par les An-
nexes . la Convention de Chicago. C’est dire –
et c’est une des particularit~s
frappantes du droit p6nal a6rien –
que la d6finition de l’acte punissable est tr~s
souvent arrte par un lgislateur international,
l6gislateurs nationaux,
en reprenant ces definitions, se limitant i en formuler les sanctions. En effet,
les deviations aux Annexes A la Convention de Chicago, notifi~es conform&-
ment h. l’Article 38 de cette Convention, ne sont pas tr~s nombreuses.
les
I est vrai que les normes promulgu~es par le Conseil de 1’OACI dans les
Annexes A la Convention de Chicago ne s’appliquent qu’A la navigation civile
internationole, de sorte que les amendes et peines d~termin~es dans les lgisla-
tions nationales en vue de sanctionner leur violation, ne frappent que les
infractions commises a l’occasion de vols internationaux. Mais, en fait, la plu-
part des r~gles gouvernant ces vols
galement
aux transports internes en raison tant de l’identit6 des besoins que du dfsir
des Etats de soumettre tous les vols au-dessus du territoire national h une
seule et m~me rglementation, quelles que soient la destination ou la prove-
nance de
internationaux s’appliquent
‘avion.
Dans ces conditions, le droit materiel et le droit penal de la navigation interne
se conforment eux aussi dans une trts large mesure au droit mat~riel et au
droit p6nal de la navigation internationale qui, elle, est r~glement6e par un
lgislateur international.
3. De la r~pression des infractions a. une loi gtrang~re. Une deuxine
particularit6 frappante du droit penal a6rien rgsulte du fait qu’il doit com-
prendre des dispositions visant la r6pression d’infractions dont les 616ments
de fait sont souverainement d~finis par une loi 6trangre. Ces dispositions ne
sont pas des r~gles de conflits “de lois. Au contraire, elles sont des dispositions
mat~rielles sanctionnant la contravention i la loi d’un autre Etat. La r~gle
dont l’inobservation est punissable est contenue dans la loi de l’Etat survolM
par l’a&onef, la loi dont l’a&onef poss~de la nationalit6 se bornant i prescrire
la sanction. En cons6quence, certaines dispositions du droit p6nal a&rien sont
le produit de l~gislations complgmentaires mais autonomes, adopt6es respecti-
vement par les Etats d’immatriculation et par les Etats survol~s.
Ce r6gime exceptionnel et extraordinaire dcoule des dispositions de ‘Article
12 de la Convention de Chicago. Aux termes de la premiere phrase de cet
Article “Chaque Etat contractant s’engage a adopter des mesures propres a
assurer . . . que tout a6ronef portant la marque de sa nationalit6, en quelque
lieu qu’il se trouve, se conforme aux rtgles et r~glements applicables en ce
la maneuvre des a6ronefs”. Par ailleurs, la derni~re phrase
lieu au vol et
de cet Article dispose que “chaque Etat contractant s’engage 1 assurer des
poursuites contre toute personne qui interviendra dans les rkglements ap-
plicables”.
McGILL LAW JOURNAL
[Vol. 4
II semble peu douteux que les Etats ne peuvent s’acquitter de l’obligation
prescrite par la premiere phrase de
‘Article 12 qu’en 6dictant des disposi-
tions p~nales destin6es A. sanctionner les infractions aux r~glements applicables
A l’tranger au vol et A la manceuvre des a~ronefs
Cependant, on a fait remarquer que cette situation extraordinaire oil un
Etat serait oblig6 de sanctionner les contraventions aux rglements d’un autre
Etat, pourrait 6tre ivite par une interpr6tation strictement littrale de ]a
derni~re phrase de l’Article qui n’oblige l’Etat contractant dont I’a6ronef
possde la nationalit6 qua ‘ “assurer des poursuites” contre l’auteur de Fin-
fraction.
II nous semble que cette interpretation litt~rale ne tient compte ni de ]a
r~gle imprative inscrite dans la premiere phrase de l’Article 12, ni des parti-
cularit~s de l’aviation. Voudrait-on en effet que le pilote d’un avion canadien,
apr~s avoir viol6 un rtglement grec, soit, apris son retour au Canada, remis
aux autorit~s grecques pour Etre puni d’une amende? Par ailleurs, faut-il
rappeler que d’une faqon g6n6ale
les trait6s n’autorisent l’extradition qu’en
cas de d~lits majeurs et interdi.ent souvent l’extraditior des ressortissants
nationaux?’ En fait, aucun des trait~s d’extradition parvenus A notre con-
naissance ne renferme des rbgles destin6es sp&ialement A la naise en vigueur
des dispositions de
‘Article 12 de la Convention de Chicago.
La conclusion semble donc s’imposer que, malgr6 la redaction A premifre
vue surprenante de l’Article 12 dont la traduction franqaise officielle se lit com-
.”, les membres
me suit :4 “chaque Etat contractant s’engage A poursuivre .
3En ce qui concerne le Canada, v. Loi sur l’extradition des criminels fugitifs. (Statuts
revises du Canada, 1952, Chapitre 322). –
Pour une vue d’ensemble des r~gles g~n&a-
lement adoptes dans. les trait~s d’extradition, v. Frederick Honing, Extradition by
multilateral Convention dans The International and Comparative Law Quarterly,
1956, p. 549 ss.
.
le D~partement d’Etat des Etats-Unis concluait:
4Aux termes d’une clause finale de la Convention de Chicago “un texte r~dig6 dans
les langues anglaise, franvaise et espagnole, chacune faisant 6galement foi, sera ouvert
i la signature A Washington (D.C.)”. Toutefois, la Convention a 6t6 sign~e uniquement
dans la version originale anglaise r&lig~e A la Conf&ence de Chicago. Dans une note
adress~e aux chefs de mission des gouvernements intress~s en date du 22 septembre
1947,
“Le D6partement d’Etat
estime qu’il n’y a pas lieu de faire actuellement des pr~paratifs pour ouvrir i la signature
A Washington les textes en trois langues de ce document. Le gouvemement des Etats-
Unis propose, au contraire, de soumettre la question au Conseil de l’Organisation de
l’aviation civile internationale . . .”. II n’y a donc pas, A l’heure actuelle, de traduction
officielle de la Convention de Chicago en franvais et en espagnol. Cependant, le Secr&
tariat de l’OACI a 6tabli des traductions frangaise et espagnole de cette Convention,
et le Conseil de l’OACI a d~cid6 le 19 f~vrier 1952 que ces textes “seront utilis~s, en
plus du texte anglais sign6 a Chicago, pour les besoins propres de l’Organisation, A
savoir pour le travail du Secretariat, de l’Assemblie, du Conseil et de tout autre organe
de l’Organisation, ainsi que dans les citations figurant dans les communications adres-
ses par l’Organisation aux Etats contractants”; il a en outre “recommand6 aux Etats
contractants d’utiliser ces textes dans leurs rapports avec l’OACI et avec d’autres Etats
contractants”.
No. 1 ]
DROIT PENAL ET AVIATION
la
(provinces)
de l’OACI sont tenus de poursuivre eux-m~mes les personnes qui violent les
r~glements 6dict~s par l’Etat survol6. La r6daction curieuse de cette phrase
dans le texte anglais s’explique probablement par le fait que certains Etats
parties i la Convention de Chicago sont des Etats f~d6raux dont la Consti-
juridiction
tution r~serve aux Etats f6d&r6s
p6nale, au.moins en certaines mati~res. Dans ce cas, l’Etat f~dral, qu’il pos-
s~de ou non le pouvoir 16gislatif en matire p6nale ou a~ronautique, est dans
l’impossibilit6 de poursuivre le d~linquant devant des tribunaux f~draux et
ne peut donc s’engager internationalement qu’A “assurer” sa poursuite devant
les tribunaux des Etats f~d~r~s (provinces). Cette interpretation peut s’ap-
tir6 du fait que le premier projet de
puyer sur l’argument supplkmentaire
l’Article 12 a &6 soumis A la Conference de Chicago par le Canada, qui est
instance et
prcis6ment un Etat f~dral dont les tribunaux de premiere
d’appel relvent des provinces. 5
l’exercice de
I1 risulte donc de
‘Article 12 de la Convention de Chicago que chacun
des 70 Etats membres de I’OACI doit promulguer des dispositions sanction-
nant l’inobservation des rkglements aronautiques en vigueur dans les Etats
survol~s par les aronefs portant sa marque de nationalit6. Le pilote d’un
avion immatriculM au Canada qui viole les rkglements de 1’air grec sera donc
poursuivi et puni au Canada en vertu d’une loi canadienne pour avoir en-
freint une loi grecque; peu importe d’ailleurs la nationalit& de ce pilote, ou
‘a6ronef, pourvu que celui-ci soit immatricul6 au
celle du propri6taire de
Canada.
Toutefois, l’application de l’Article 12 de la Convention de Chicago sou-
16ve une deuxibme question que voici: que faut-il entendre par “les rbgles et
rtglements applicables au vol et A la manceuvre des a6ronefs” dont l’inobser-
vation doit 8tre r~prim~e par l’Etat dont l’aronef poss~de la nationalit6?
Faisant 6tat du titre officiel de l’Article 12 “R~gles de I’air”, certains esti-
ment que seules les Rigles de 1’air proprement dites, i savoir celles promul-
gules en conformit6 de l’Annexe 2 – R gles de 1’air –
i la Convention de
Chicago, requi~rent une sanction par l’Etat d’immatriculation. Cette inter-
pr6tation peut s’appuyer i premiere vue sur une d6cision que le Conseil de
‘OACI a prise lors de I’adoption de la dite Annexe 2. A cette occasion, le
Conseil de l’OACI a en effet dclar6 que cette Annexe contient des rigles
qui, en vertu de ]a deuxi~me phrase de l’Article 12 de la Convention de
Chicago, doivent s’appliquer sans changement ni deviation au vol au-dessus
de la haute mer.6
5Document 50 de la Conference de Chicago.
Ov. aussi Avant-propos i I’Annexe 2 (p. 7): “Le Conseil a pr~cis6 lors de l’adoption
de l’Annexe 2 en avril 1948, puis de I’amendement No. 1 i la dite Annexe en novembre
1951 que cette Anexe constituait des “r~gles applicables an vol et i la manceuvre des
aironefs” au sens de I’Article 12 de la Convention. En consequence, aucune d Igation
ne pourrait 8tre admise en ce qui concerne le survol de la haute mer”.
McGILL LAW JOURNAL
[Vol. 4
Or, il r~sulte du d~bat qui a pric6d6 cette resolution du Conseil de
‘OACI, 7 que celle-ci ne doit pas &re consid~r~e comme une interpr&ation
officielle de rArticle 12 A ‘effet que seules, les r~gles de l’Annexe 2 sont
vis~es par rArticle 12 de la Convention. En constatant officiellement que les
normes prescrites par l’Annexe 2 font partie des Rigles et R~glements dont
parle l’Article 12, le Conseil n’a pas entendu exclure la possibilit6 que cer-
taines normes 6tablies par d’autres annexes A la Convention de Chicago
peuvent 6galement rentrer dans le champ d’application de cette disposition.
Le Conseil de I’OACI a d’ailleurs r6affirm6 cette interpretation
lorsqu’il a
adopt6 l’Annexe 11 –
Services de la circulation a6rienne (Service du con-
tr6le de la circulation a6rienne –
Service
d’alerte) –
i la Convention de Chicago.8
Service d’information de vol –
Le Conseil de I’OACI semble donc donner raison aux auteurs qui pensent
que la disposition de l’Article 12 s’6tend A toute rbgle a6ronautique y compris
celles relatives aux certificats de navigabilit6, i
l’immatriculation et A rex-
ploitation des a6ronefs, etc., qui sont susceptibles d’avoir une incidence sur
le vol et la manceuvre des a6ronefs.
II s’ensuit que chaque Etat membre de l’OACI doit promulguer des dispo-
sitions 16gislatives ou r~glementaires punissant
la violation des R6gles et
R~glements appliqu6s au vol et A la manceuvre des a&onefs dans les Etats
survol6s par les a6ronefs qui poss~dent sa nationalit6. Or, aucune
loi que
nous avons pu consulter ne contient des dispositions de ce genre.
4. Du droit pinal airien canadien. En vertu de la loi sur
‘a6ronautique
de 1944/45, amend6e en 1952 (Statuts revises du Canada 1952, Chapitre 2),
r’1aboration et la mise en application des r~glements a~ronautiques, ainsi
que la d~termination des infractions A ces r~glements sont d6l$gu~es au Mi-
nistre des Transports en ce qui concerne raviation civile, et au Ministre de
]a D~fense nationale en ce qui concerne les a6ronefs militaires. L’Article 4,
alin~a 1 de cette loi dispose en effet que “sous reserve de l’approbation du
gouverneur en conseil, le Ministre peut 6tablir des r6glements pour contr6ler
et r~gler la navigation a6rienne au Canada et au-dessus des eaux territoriales
du Canada, ainsi que les conditions dans lesquelles un aronef enregistr6 au
Canada peut &re mis en service au-dessus de la haute mer ou d’un territoire
qui ‘nest pas A l’intrieur du Canada; et, sans restreindre ]a g6n6ralit
des
dispositions qui prcedent, il peut 6dicter des r6glements.”
Les sanctions des infractions a ces rglements sont 6nonces dans l’Article
4, alin~a 3 de la loi de 1944/45 qui dispose:
“Quiconque viole les dispositions d’un rbglement est coupable d’une in-
fraction et passible, sur d6dcaration sommaire de culpabiliti, d’une amende
d’au plus cinq mille dollars ou d’emprisonnement pour une p6riode d’au plus
un an, ou A la fois de ramende et de lemprisonnement.”
7Document de rOACI 5701, C/672, p. 60.
8Document 7037, C/814, p. 1.
No. 1]
DROIT PENAL ET AVIATION
Par ailleurs, 1’Article 7 de la loi sur l’adronautique institue une Commission
des transports a6riens, compose de trois membres nomm s pour dix ans par
le Gouverneur en Conseil, qui a pouvoir, en vertu de l’Article 13 de cette loi,
de prescrire des amendes jusqu’A cinq mille dollars et/ou des peines d’empri-
sonnement de six mois au maximum pour toute infraction aux rbglements
qu’elle &dicte, sous reserve de 1’approbation du Gouverneur en Conseil con-
cernant les activit6s des compagnies adriennes et l’exploitation des transports
ariens.
En vertu des pouvoirs qui lui ont &6 conf&6s par la loi de 1944-45, le
Ministre des Transports a promulgu6 le 23 novembre 1954 les Rdglements
de 1’Air (Gazette du Canada, II Partie du 28 ddcembre 1954)
traitant de
l’immatriculation, de la certification et des marques des adronefs (Partie II),
des a&odromes (Partie III), des licenses du personnel (Partie IV), des
r~gles de l’air (Partie V), du contr6le de la circulation adrienne (Partie VI),
de 1’exploitation des services a6riens commerciaux (Partie VII), et des sujets
divers, comprenant les certificats, licences, manuels, livres de bord et archives,
et les accidents et commissions d’enquEte (Partie VIII).
On constatera que certaines des dispositions sur les infractions de droit
p6nal adrien, notamment celles de l’Article 507 sur le jet d’objets, de l’Article
800 sur le transport des explosifs et de l’Article 820 sur les photographies
adriennes ne constituent pas des infractions i des r~gle
a~ronautiques pro-
prement dites et devraient 6tre class6es comme des ddlits airiens de droit
comnun.
On remarquera par ailleurs comme un trait caract~ristique du droit pdnal
adrien canadien que certaines difinitions d’infraction comportent une pr&
somption de faute. Ainsi, l’Article 803, alin6a 3, 6rige en infraction le fait de
donner sans raison valable un signal ou un ordre d’atterrissage et dispose par
la suite qu’il incombe au privenu “de prouver qu’il avait une raison valable
pour donner le signal ou l’ordre en question.” De m~me, lorsque un adronef
est utilis6 et exploit6 en violation des dispositions des r~glements de Fair,
l’auteur de l’infraction est cens6 &re coupable, conform~nent Ai l’Article 815
des rtglements, “A moins qu’il ne prouve … que l’action en cause a &6 faite
i son insu ou sans son consentement, ou qu’il a tout fait ce qui 6tait en son
pouvoir pour en prdvenir l’accomplissement.”
Toutes les infractions aux riglements de l’air sont passibles, conformdment
A l’Article 4, alin~a 3 de la loi sur l’adronautique, d’une amende de $5,000.00
au maximum ou d’un emprisonnement de six mois au maximum ou des deux
peines A la fois.
II. Dispositions nouvelles du droit penal commun. a) Le code penal
canadien. Le droit penal commun a longtemps ignori le fait airien. Cepen-
dant, le code p~nal revis6 de 1955 contient cinq dispositions int&essant l’avia-
tion. Ces dispositions ne crient pas des dits a~riens speciaux mais, en
mentionnant sp~cialement les a6ronefs, trois d’entre elles 6tendent aux trans-
McGILL LAW JOURNAL
[Vol. 4
ports ariens la protection accord~e aux transports terrestres, fluviaux et
‘aronef un lieu de commission
maritimes, alors que les deux autres font de
de certains d~lits sp~cifiques du droit commun. II faut y ajouter deux dispo-
sitions des rbglements de l’air de 1954 d~finissant des infractions qui ne sont,
pas, A proprement parler, des violations de r~gles a~ronautiques mais des in-
fractions de droit commun commises dans un aronef.
i) Dispositions protectrices des transports airiens. La plus importante,
parce que la plus compr6hensive, de ces dispositions est celle de l’Article 220
qui dispose: “Est coupable d’un acte criminel et passible de l’emprisonnement
A perp~tuit6 quiconque, avec l’intention de porter atteinte A la s~curit6 d’une
personne, place quelque chose sur un bien employ6 au transport ou relative-
ment au transport de personnes ou de marchandises par terre, par eau ou par
air, ou y fait quelque chose de nature A causer la mort ou des lesions corpo-
relies A des personnes.”
Ces dispositions viserit le sabotage des a6ronefs,
‘avion pro-
voque par une bombe introduite A bord, sans qu’il importe que l’auteur du
d~lit se trouve lui-m~ne dans l’a~ronef. Un commentateur a soutenu la th~se
que ces dispositions s’appliquent 6galement au cas oai le pilote est bless6 par
une balle de revolver tirie du sol; mais cette question n’a pas encore 6t6
port~e devant les tribunaux, et l’interpr~tation propos~e semble douteuse.
‘explosion de
L’incendie 6tant un crime de droit commun, le lgislateur de 1955 a jug6
utile de pr~ciser que les a&onefs font partie des biens dont l’incendie constitue
un acte criminel. En effet, les Articles 374 et 375 disposent ce qui suit:
Article 374:
(1) Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement de quatorze
axis, quiconque met volontairement le feu
a) A un bitiment ou i une construction termin~e ou non;
b)
. une meule de produits v6g~taux ou i un amas de combustible mingral ou
v~g~tal;
c) i tne mine;
d) i un puits de substance combustible;
e) i un navire ou aronef, termin6 ou non;
f) i du bois de construction ou de service ou A des matriaux d~pos~s dans un
l’quipement
chantier maritime pour servir i ]a construction, au radoub ou
d’un navire;
g) i des approvisionnements militaires ou publics ou a des munitions de guerre;
h) a une r~colte, sur pied ou coup6e; ou
i) i un bois, tne for~t, ou tine pousse naturelle, ou
i du bois de construction, de
seivice ou en grume i quelque radeau, barrage flottant, digue ou glissoir.
(2) Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement de cinq
ans, quiconque, volontairement et dans un dessein frauduleux, met le feu a des biens
mobiliers ou personnels non mentionn~s au paragraphe (1).
Article 375:
Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement de cinq ans,
quiconque
a) volontairement met le feu A une chose susceptible de faire prendre feui
quelque objet mentionn6 au paragraphe (1) de l’article 374; ou
-b) volontairement et pour une fin frauduleuse met le feu i une chose susceptible
de faire prendre feu i des biens mobiliers ou personnels non mentionn6s au
paragraphe (1) de I’article 374.
No. 1]
DROIT PENAL ET AVIATION
ii) L’aronef comme lieu de-commission d’un act,, punissable. Aux ter-
‘Article 234 de l’ancien Code civil, 1’organisation de jeux de hasard
mes de
et la participation A ces jeux dans les v~hicules affect~s aux transports en
commun 6tait un d6lit punissable d’emprisonnement de deux ans. L’Article
180 du Code de 1955 precise que ces actes constituent 6galement un dilit,
r~prim~s par la m&me peine, lorsqu’ils sont commis A bord d’un a6ronef.
I1 convient de mentionner A ce sujet que l’alin~a 2 du dit Article 180 don-
ne au commandant de bord le pouvoir d’arr&er sans mandat toute personne
. bord
qu’il soupgonne lgitimement d’organiser des jeux ou d’y participer
d’un a6ronef.
Voici le texte du nouvel Article 180 du Code penal de 1955: Enfin, l’Article
292 precise que l’effraction qui constitue un 6l6ment aggravant de certains
‘effraction d’un a6ronef. L’Article
d~lits peut &re 6galement comnise par
292 dispose que:
“(1) Quiconque.
(a) s’introduit en un endroit par effraction avec l’intention d’y commettre un
acte criminel;
(b) s’introduit en un endroit par effraction et y commet un acte criminel; on
(c) sort d’un endroit par effraction,
(i) apr~s y avoir commis un acte criminel ou
(ii) apr~s s’y 6tre introduit avec l’intention d’y commettre un acte criminel,
est coupable d’un acte criminel et passible
(d) de l’emprisonnement L perp~tuit6, si l’infraction est commise relativement
A une maison d’habitation, ou
(e) d’un emprisonnement de quatorze ans, si l’infraction est commise relati-
vement A un endroit autre qu’une maison d’habitation.
qu’un accus6
(2) Aux fins de procedures intentes en vertu du present article, la preuve
a) s’est introduit dans un endroit par effraction, est une preuve prima facie
qu’il s’y est introduit par effraction, avec l’intention d’y commettre un acte
criminel; ou
b) est sorti d’un endroit par effraction, constitue une preuve prima facie qu’il
en est sorti par effraction
(i) apr~s y avoir commis un acte criminel, ou
(ii) apr~s s’y 8tre introduit avec l’intention d’y commettre un acte criminel.
(3) Quiconque, dclari coupable d’une infraction vis~e par le present article,
avait sur sa personne, au moment oft il a commis l’infraction on a 6t arrt6 par
suite de cette infraction, une arme offensive ou une imitation d’une telle arme, est
passible de la peine du fouet en sus de tout autre chatiment susceptible d’Etre in-
flig6 a l’6gard de l’infraction dont il est dclar6 coupable.
(4) Aux fins du present article, l’expression “endroit” signifie:
a) une maison d’habitation.
b) un bitiment ou une construction, ou toute partie de bAtiment on de construc-
tion, autre qu’une maison d’habitation.
c) tn v~hicule de chemin de fer, tn navire, un adronef ou une remorque; ou
d) tn parc ou enclos o~i des animaux i fourrure sont gard6s en captivit6 pour
fins d’6levage ou de commerce.”
A ces dispositions, il convient d’ajouter les Articles 507, 800 et l’Article
820 qui stipulent respectivement:
Article 507:
“Nul ne pett mettre en danger des personnes on des biens au sol ou sur l’eau
en laissant tomber qnoi que ce soit d’un aronef en vol.”
McGILL LAW JOURNAL
[Vol. 4
Article 800: ”
“(1)
II ne sera pas transport6 d’explosifs ni d’autres substances ou articles dan-
gereux A bord dun a~ronef, sauf en conformit6 d’une autorisation du Ministre.
(2) Nut ne pent envoyer ni prendre A bord d’un a6ronef des explosifs ou autres
substances ou articles dangereux sans en indiquer clairement la nature sur leur em-
ballage extrieur, ou sans en avertir d’autre mani~re le responsable de l’aronef
ou la personne charg~e de la r~ception de ces marchandises A bord.
(3) Un aronef qui transporte des explosifs ou autres substances ou articles
dangereux ne peut transporter d’autres passagers que le propriftaire de ces mar-
chandises ou son reprbsentant autoris6.
(4) Le paragraphe
(3) ne s’applique pas A l’gard des munitions normalement
utiIis6es pour la chasse ou autres fins sportives, ou comme materiel de secours; et
. (3) ne s’appliquent pas i l’gard des explosifs ou autres
les paragraphes (1)
substances ou articles dangereux requis pour l’exploitation de l’aronef *ou pour ]a
s~curit6 de l’quipage ou des passagers.”
Article 820:
“Sauf permission du Ministre, nul ne pent effectuer, depuis un aronef, et par
quelque procd6 que ce soit, un relev6 des dtails et caractristiques du sot en sur-
volant une partie quelconque du Canada ou des eaux territoriales du Canada, A
moins que rexploitant de l’a~ronef ne soit propri~taire ou locataire A bail de la
region devant faire l’objet du relev6 et qu’il ne soit un citoyen canadien ou une
compagnie ou corporation cr 6e ou lgalement constitute conform~ment et subor-
donn~ment aux lois du Canada ou d’une province du Canada, dont le presidcnt ou
le pr6sident du conseil d’administration, et les trois quarts ou plus des administra-
teurs et autres directeurs sont des citoyens canadiens et dans laquelle au moins
soixante-quinze pour cent des intrts donnant droit de vote sont poss~d~s ou con-
tr6l6s par des citoyens canadiens. Toute permission donn~e en application de la pr6-
sente Partie comportera tous termes et conditions que le Ministre pourra juger
n~cessaires on opportuns.”
iii)
Jurisprudence. Etant donn6 que
les probl6mes d’interpr6tation se
posent normalement A ‘occasion de faits precis et ne peuvent gu~re s’inventer,
il est difficile de commenter les dispositions analys6es ci-dessus; car aucune
‘objet d’une dcision judiciaire se rapportant A un
d’elles n’a encore fait
a~ronef ou aux transports a6riens.
b) Lois sp~ciales privoyant la commission d’une infraction au moyen d’un
aronef. Certaines lois spciales pr6voient express6ment que l’infraction A
leurs dispositions peutt tre commise au moyen ou A bord d’un a~ronef. Encore
convient-jil de souligner qu’en vertu de l’Article 5, alin6a 2 du Code p6nal, qui
sera 6tudi6 plus loin, ces infractions ne sont punissables par les tribunaux
canadiens que dans le cas oii elles ont
t commises en territoire canadien.
Parmi ces lois slciales, il convient de mentionner la loi sur les douanes
(Statuts revis6s du Canada, 1952, Chapitre 58), Ia loi sur ‘6migration (Statuts
la loi sur l’opium et les drogues
revises du Canada, 1952, Chapitre 325),
narcotiques (Statuts revis6s du Canada, 1952, Chapitre 201),
la loi sur ]a
chasse aux phoques (Statuts revises du Canada 1952, Chapitre 20), ]a loi
trang~res (Statuts revises du Canada,
sur le service dans des forces armi6es
1952, Chapitre 124), qui declare punissable tout citoyen canadien qui se rend
A 1’6tranger A bord d’un a6ronef (ou par tout autre moyen de transport) en
vue de s’enr6ler dans les forces armies d’un Etat 6tranger qui est en 6tat de
guerre avec un Etat ami du Canada, pr6voit la confiscation de l’a~ronef utilis6
A cette fin lorsque “la personne en charge de l’a6ronef” savait que le passager
No. 1]
DROIT PENAL ET AVIATION
6tait enr616, ou devait s’enr6ler dans une force arm6e Etrang~re dans des con-
ditions interdites par la loi.
On notera en outre que de nombreuses
lois provinciales
interdisent la
chasse en avion.
III. Des infractions de droit commun commises a bord d’un aironef.
(Des conflits de lois). La r6pression des infractions de droit commun com-
mises i bord d’un aronef est d~termin~e en principe par le Statut juridique
des aronefs et soul~ve deux questions: celle de la loi applicable aux infrac-
tions commises dans le territoire national A bord d’un a~ronef itranger, et
celle de ]a loi applicable aux infractions commises A bord d’un avion en dehors
du territoire national. La loi applicable est, selon le cas, soit celle du lieu de
la perp6tration du d6lit, soit celle”X4
tribunal saisi. Elle peut enfin 6tre la loi
du pavilion.
1. Des problames posis par !a loi du pavilion. Si l’unanimit6 se faisait
sur l’application de la loi du pavillon en droit pnal a6rien, il semble A premiere
vue que les problmes relatifs A la repression des infractions commises A bord
des a~ronefs trouveraient une solution simple et uniforme. En effet, quel que
soit le lieu de commission de l’infraction et quelle que soit la loi mat~rielle ou
de conflit applicable par le tribunal saisi, l’infraction serait riprim~e coniorm6-
ment aux dispositions de la loi p~nale de l’Etat dont l’aronef porte les marques
d’immatriculation.
En droit maritime, la loi du pavillon s’applique dans des circonstances ana-
logues parce que le navire est consid&r comme faisant partie du territoire de
l’Etat dont il bat pavilion. Or, la doctrine est aujourd’hui unanime A rejeter
]a conception de l’avion comme extension (partie volante) du territoire de
l’Etat d’immatriculation. Cependant, 6tant donnE les termes de l’Article 12
de la Convention de Chicago que nous avons dijA eu l’occasion d’examiner
dans des paragraphes prcedents, il est permis d’affirmer que le droit inter-
impose A l’Etat d’immatriculation une
national positif reconnait et meme
juridiction p~nale sur ses a~ronefs qui se trouvent en dehors de ses limites
territoriales. Comme l’Etat d’immatriculation doit, au moins dans les limites
dudit Article 12, assurer la repression d’infractions A une loi 6trang&re, com-
mises A ‘6tranger, le droit airien international admet et pr~voit l’application
de la loi du pavilion.
De plus, et en accord avec ces principes de droit international, certaines
16gislations nationales disposent que les aronefs volant A l’6tranger restent
soumis A la loi de l’immatriculation, en stipulant l’application de cette loi aux
actes et faits intervenus A bord d’un a6ronef volant A 1’6tranger.
II serait cependant erron6 de conclure de ces dispositions internationales et
nationales que l’aronef doit 6tre consid6r6 comme faisant partie du territoire
national. L’adoption de la loi du pavillon en droit a~rien ne repose pas sur une
analogie, d’ailleurs inadmissible, avec le drolt maritime, mais se justifie par
des raisons d’efficacit6 techniques propres A l’aviation. Pourtant, sa g6nrali-
McGILL LAW JOURNAL
[Vol. 4
sation, voire son adoption universelle permettraient d’iviter des conflits de
juridiction resultant iventuellement de l’incertitude sur le lieu de la perp6-
tration du d~lit.9 En outre, elle semble assurer l’universalit6 de la repression
et supprimer tout conflit de lois.
Or, telle n’est pas la situation A l’heure actuelle. Les lgislations qui pri-
voient l’application de la loi du pavilion en droit arien sont loin d’Etre identi-
ques ou complimentaires.’ 0 De sorte que 1’extension du champ d’application
de la loi nationale aux aronefs i l’6tranger est, dans le regime actuel des
ligislations, susceptible de crier de nouveaux conflits de lois. Tel est notam-
ment le cas lorsqu’un Etat applique la loi du pavillon aux a6ronefs immatri-
cul~s dans cet Etat, mais refuse son application aux a~ronefs iimatricul6s A
1’6tranger.1
Void quelques exemples des conflits possibles entre les lois du pavilion:
a) En droit public. En vertu de la loi beige, une naissance survenue A
bord d’un aronef beige est cens~e avoir eu lieu en Belgique. Mais lorsque
l’aronef belge s’est trouv6 au-dessus du
territoire fran~ais au moment
oii l’enfant est n6, la naissance est consid’r~e en droit francais comme ayant
eu lieu en France. Par contre, si la naissance a eu lieu A bord d’un a6ronef
franqais au-dessus du territoire beige, 1’enfant est cens6 &re n6 en France,
aussi bien en vertu du droit franqais qu’en vertu du droit belge. Enfin, si
l’avion fran~ais s’est trouv6 au moment de la naissance au-dessus d’un territoire
britannique, cette naissance est considr~e en France comme ayant eu lieu en
Grande-Bretagne, et en Grande-Bretagne comme ayant eu lieu en France;
l’enfant sera donc apatride, A moins que sa nationalit6 ne soit d~termin~e par
filiation.
b) En droit p~nal. Le d6faut d’application uniforme de la loi du pavillon
cr~e des solutions pareillement inextricables; il peut produire des conflits de
comptence et des conflits entre les lois matirielles, comme il peut aboutir A
l’impossibilit6 de punir un d~lit commis A bord d’un a6ronef.
Un conflit positif’ 2 se produit par exemple dans le cas oil le d6lit a 6t6
commis a bord d’un aronef beige volant au-dessus du territoire suisse. Con-
formiment A l’Article 36 de la loi belge de 1939, cet acte est cens6 &re commis
en Belgique alors qu’en vertu de l’Article 98 de ]a loi suisse de 1948, il est
6galement soumis i la juridiction p~nale suisse.
Par contre, lorsque ]a loi de l’Etat d’immatriculation (loi du pavilion) ne
s’applique pas aux crimes commis A bord de ses aronefs a l’6tranger (ce qui
9Cette conclusion a 6t6 mise en ividence dans le rapport du Sous-comit6 de I’OACI
sur le Statut juridique de I’a&ronef – LC/SC Statut juridlque No. 23.
1oPour un tableau synoptique et des extraits des lois nationales en la matire, v.
document de travail de l’OACI LC/SC Statut juridique DT No. 12.
11C’est notamment
le cas dans les Etats suivants: Argentine, Equateur, France,
Inde, Iran, Mexique, Suisse, Uruguay, Venezuela, Yougoslavie.
12M. Lemoine, Traiti de droit arien, p. 799 s. et M. Litvine, Pricis 8lyrentaire
de droit a~rien, p. 101 s.
No. 1]
DROIT PENAL ET AVIATION
est le cas des dWlits commis dans un adronef canadien A l’6tranger) et que
rEtat au-dessus duquel le crime a &6 commis applique aux avions 6trangers
la loi de leur pavillon, ni l’Etat d’immatriculation ni l’Etat survol6 ne pourra
exercer des poursuites.
Remarquons que contrairement A une opinion fort ripandue, m~me l’appli-
cation uniforme et universelle de la loi du pavilion ne saurait n~cessairement
assurer la repression de tout dWlit commis i bord d’un aironef. L’arr& rendu
par la Central .Criminal Court de Londres dans l’affaire Regina vs Martin en
porte t~moignage. 13
Le pr6venu Martin 6tait accuse de possession iUllgale de drogues lors d’un
voyage de Bahein i Singapore A bord d’un avion immatricul6 en Grande-
Bretagne. Ce d6lit est puni par un r~glement britannique de 1953. Par ailleurs,
l’Article 62 de la loi britannique sur l’aviation civile dispose: “Any offence
whatever committed on a British aircraft shall, for the purpose of conferring
jurisdiction, be deemed to have been committed in any place where the offender
may, for the time being be.”
Le tribunal a acquitt6 le pr~venu en dclarant que le riglement sur les
drogues est d’application strictement territoriale. De l’avis du tribunal, l’Article
62 de la loi sur l’aviation civile ne peut s’appliquer qu’aux “dWlits reprn~ms
universellement”, A savoir “aux d6lits qui peuvent 6tre consid~r~s comme une
infraction quel que soit le lieu de leur commission.” La possession ill gale de
drogues n’est pas de ces infractions, le r~glement n’interdisant la possession
de drogues que sur le territoire britannique. Or, le pr~venu avait voyag6 dans
un avion qui 6tait immatricul6 en Grande-Bretagne mais n’avait A. aucun
moment survol6 le territoire britannique. D~s lors, il a 6t6 acquitt6 faute de
loi mat6rielle applicable.
I1 r~sulte des motifs de l’arr~t que le tribunal se refuse A juste titre A con-
sidrer un avion comme faisant partie du territoire de l’Etat oil il est im-
matricul6. En effet, l’adoption du principe de la loi du pavilion en droit arien
rsulte dans l’extension du champ d’application territorial des lois de l’Etat
d’immatriculation, mais l’aronef ne devient pas pour autant une fraction du
territoire de cet Etat. C’est IA une diffirence essentielle entre le droit arien et
le droit maritime oi’ la loi du pavilion s’applique non pas en vertu d’une exten-
sion legislative du champ d’application territoriale des lois nationales, mais
en vertu du droit international coutumier qui consid6re les navires en haute
mer et, dans une certaine mesure, dans un port &ranger, comme territoire
du pays dont ils battent pavilion.
Certains auteurs 14 ont critiqu6 la distinction faite dans l’arr~t Regina vs.
Martin entre les dW1its r6primis universellement et ceux qui ne sont punis
13(1956), 2 All E. R. 86. Pour une analyse de cet arr~t en franqais v. Revue fran-
raise de droit airien, 1956, p. 329.
14R. Y. Jennings dans British Year Book of International Law. v. aussi The Law
Journal du 9 juillet 1956.
McGILL LAW JOURNAL
[Vol. 4
que dans le cas oii ils ont 6t6 commis z un endroit d~termin6. Quelle que soit
la dicision qui interviendra en appel, il faut reconnaitre qu’en fait la loi du
pavillon peut ne pas assurer la repression universelle de toute infraction corn-
mise a bord d’un aronef.
D’ailleurs, on peut se demander si l’adoption uniforme et exclusive de la
loi du pavilion en matirre arienne est indiqu~e et donnera des r6sultats satis-
faisants. Supposons qu’un crime crapuleux soit commis au-dessus du territoire
italien a. bord d’un avion britannique en route pour l’Australie. Si les tribu-
naux anglais seuls 6taient comp6tents pour exercer des poursuites A propos
de ce crime, le pilote ne pourrait drbarquer le drlinquant qu’en territoire bri-
tannique; c’est dire qu’il devrait faire demi tour ou assurer la drtention du
drlinquant pendant tout le voyage en Australie et jusqu’au retour de l’avion
en Angleterre. II en r~sulterait de nombreux inconv6nients et l’immobilisation
peu opportune de certains membres de l’6quipage.
Supposons d’autre part que le d~lit commis au-dessus du territoire italien
l’Etat italien
dans un avion immatricul6 en Grande-Bretagne “int6resse”
(par exemple en cas d’assassinat d’un citoyen italien), et qu’aprrs la perp~tra-
tion du crime, l’avion fasse escale en territoire italien conform~ment A son
horaire. Peut-on concevoir que les autoritrs italiennes reconnaitront la juridic-
tion exclusive des tribunaux britanniques et permettront le depart du criminel
qui, autre hypoth~se, pourrait bien 6tre un citoyen italien?
Quid enfin du passager qui ayant plac6 une bombe i bord de l’avion provoque
l’explosion de celui-ci au-dessus d’un territoire 6tranger, causant la mort de
“tiers A la surface”? La police int~ressre accepterait-elle de retoumer le d6lin-
– Etat situ6 peut-
quant aux autorit~s de l’Etat oii l’a~ronef est immatricul
Etre A l’autre bout du monde?
Cependant, malgrE ses imperfections, il convient de rappeler que la loi du
pavillon est seule en mesure d’assurer la repression des d~lits commis i bord
d’un a6ronef au-dessus de la haute mer.
Ces considerations conduisent aux conclusions suivantes:
a) Si la loi du pavillon 6tait adopt~e conventionnellement comme r~gle
internationale uniforme, il faudrait stipuler qu’elle ne confure A l’Etat d’im-
matriculation et A ses tribunaux qu’une juridiction concurrente avec celie de
l’Etat dans le territoire duquel le d~lit a 6t6 commis, et 6ventuellement avec
cele de l’Etat 16s6 par l’infraction.
b) Alternativement, on pourrait privoir que la loi du pavillon s’appliquera,
quel que soit le tribunal saisi; cette derni~re solution serait ais~ment accept~e
par les pays qui admettent l’existence de conflits de lois mat~rielles en droit
penal. Elle r~pugnerait aux Etats dont les tribunaux ne peuvent appliquer que
le droit p~nal national.
2. D’autres solutions des conflits de competence. –
analogues A celles de la loi du pavillon –
a~rien –
sont inh6rentes A toutes les autres r~gles du droit p6nal
Des imperfections
et particuli6rement graves en droit
intema-
No. 1]
DROIT PENAL ET AVIATION
tional. Une analyse succincte en a kt
faite par le Sous-comit6 de I’OACI
sur le statut juridique de l’aronef lors de sa r6union de Gen6ve en septembre
1956.115 I1 est donc inutile de les analyser en d6tail. II suffit de relever, sur la
base du rapport de ce Sous-comit6, qu’aucune de ces r gles de conflit ne se
prate sans r6serve a l’application uniforme et universelle en droit a~rien.
3. Conclusion. Pour assurer i
la fois l’efficacit6 et l’universalit6 de ]a
repression des infractions commises A bord d’aronefs, et afin de permettre
des poursuites rapides, il faut donc admettre des compktences juridictionnelles
concurrentes, quitte A &ablir un ordre de priorit6. Cet ordre est une question
dont les donn~es sont d~termin~es par le fait a6rien, i savoir par les condi-
tions mat~rielles de la navigation et des transports a~riens modernes. II ne
saurait se d~gager-du raisonnement juridique, mais est impos6 par le “fait
a~rien” et par l’esprit propre i ce compartiment juridique autonome qu’est
le droit a~rien.
4. R~gles canadiennes de conflit.
a) Principes. Les conflits de lois en mati~re p~nale peuvent Etre de
deux sortes: Conflits de compltence juridictionnelle, et conflits de droit mat&-
riel. Selon le droit p~nal canadien, il ne peut y avoir que des conflits de com-
petence. Car la loi matirielle qui r~git l’acte punissable est toujours la loi du
tribunal saisi.
I1 s’ensuit d’une part que les tribunaux canadiens appliquent le droit cana-
dien, quel que soit le lieu de commission de l’infraction; et d’autre part que
les rigles canadiennes en mati~re de competence juridictionnelle d6terminent
aussi, implicitement, la loi mat6rielle applicable.
b) Droit agrien. Aux termes de l’Article 419, alin~a d, du Code penal
de 1955, “lorsque l’infraction a 6t6 commise dans un a6ronef au cours d’un
vol de cet a~ronef, elle est cens~e avoir &6 commise:
1. dans la division territoriale dans laquelle le vol a commenc6;
2. dans toute division
territoriale survol~e par l’a6ronef au cours de
ce vol; ou
3. dans la division territoriale dans laquelle le vol a pris fin”.
Etant donn6 que, selon les principes 6noncds ci-dessus, la compdtence des
tribunaux canadiens entraine l’application du droit penal canadien, l’Article
419, alinda d, pourrait 6tre interprit6 comme rendant la loi canadienne appli-
cable A toute infraction commise A bord d’adronefs, immatriculds au Canada
ou A l’6tranger, si l’avion a survolM le Canada, en est parti ou y a termin6 son
vol. Dans tous les autres cas, l’infraction rel verait des lois et des cours
6trang~res, quel que soit le lieu de commission et quelle que s6it la nationalit6
de l’adronef.
15LC/SC – Salut juridique No. 23.
“where an offence is committed i nan aircraft in the course of a flight of that
aircraft, it shall be deemed to have been committed
(i)
(ii)
in the territorial division in which the flight commenced.
in any territorial division over which the aircraft passed in the course
of the flight, or
in the territorial division in which the flight ended; .
(iii)
.
McGILL LAW JOURNAL
[Vol. 4
Propos&e par quelques-uns,’ 6 cette interpr&ation de 1_Article 419, alinea d,
du Code penal semble erronee.
En effet, cet article figure dans Io Partie XII du Code p6nal, intitul6e
“Competence juridictionnelle”. II n’est donc ni une disposition de droit mati-
riel ni une r~gle de conflit, mais une rbgle de procedure. R~gle de procedure,
it n’exclurait pas pour autant l’application de la loi canadienne aux infractions
commises A bord des a~ronefs dans les conditions indiques ci-dessus; car la
comp6tence des tribunaux canadiens r6sulte de l’application du droit p6nal
canadien.
Toutefois, sauf exception, le droit p6nal canadien ne r~git que les infrac-
tions comnmises en territoire canadien. En effet, l’Article 5, alin6a 2, du Code
p6nal dispose que soits rserve des dispositions contraires du Code penal ou de
‘0 Dans une note non publie, Mlle M. M. Ritchie, du Ministare de la Justice du
Canada, a r~sum6 comme suit les arguments en faveur de cette interpretation de
l’Article 419, alin6a d):
l’acte criminel a W commis, et, en consequence,
1) Cette disposition doit Etre interpr&t e comme si elle contenait aprts les mots
“cense 8tre commise” les mots “a toutes fins”. Elle rendrait ainsi les dispositions mat6-
rielles du Code penal d’application extra-territoriale, ce qui n’est pas contraire aux
principes g~n&alement reconnus en droit international public. 2) Si l’Article 419, alin~a
d) ne visait que ]a comp&ence judiciaire, il aurait t6 inutile de dire que l’infraction
“est cens~e &re commise”; la rdaction qui s’imposait dans ce cas 6tait “elle peut atre
poursuivie”. 3) Etant donn6 que l’Article 414, alinea a) du Code pnal conf~re com-
p~tence de juger des actes criminels (indictable offence) A la Cour du lieu “oi l’accus6
se trouve, a 6t6 arr& ou &rou”, it parait que cette cour soit comp~tente quel que soit
il 6tait inutile d’tablir
le lieu ofi
des r~gles sp6ciales concernant la comptence judiciaire en cas d’infraction commise A
bord d’un aronef. 4) Les arr&ts des tribunaux anglais, mEme s’ils n’ont pas la force
d’un pr&cdent obligatoire pour les cours canadiennes, jouissent toujours d’une grosse
autorit6 aupr s d’elles. Or, il a W jug6 en Grande-Bretagne qu’une loi peut avoir un
effet extra-territorial en absence de toute disposition sp~ciale A cet effet, lorsque ses
dispositions visent des actes ou activit~s qui peuvent “dans le cours normal des choses”
avoir lieu i l’6tranger. Ainsi, la loi sur les accidents du travail qui est d’application
territoriale a 6t6 6endue aux accidents du travail soufferts A bord des navires en
dehors des eaux territoriales de la Grande-Bretagne. 5) L’Article 62 de la
loi de
infraction
l’aviation civile (1949) de Grande-Bretagne 6tablit la pr~somption qu’une
commise i bord d’un aronef britannique, est cens6 &re commise “in any place where
the offender may for the time being be”, et elle sp~cifie que cette pr~somption est
6tablie “for the purpose of conferring jurisdiction”. Or, plusieurs juristes anglais ad-
mettent que cette disposition a pour effet de permettre aux tribunaux britanniques
d’appliquer leur droit national aux infractions commises A bord d’a6ronefs britanniques
A l’6tranger donnant ainsi A la loi britannique une application exterritoriale en d~pit
No. 1]
DROIT PENAL ET AVIATION
toute autre loi du Parlement “Personne ne peut 8tre condamni au Canada
pour une infraction commise en dehors du Canada.”’17
En consequence, et
moins de disposition contraire d’une loi canadienne,
l’infraction commise a bord d’un a6ronef t l’ftranger 6chappe A la repression
d’apr~s le droit canadien, quelle que soit la nationalit de l’aironef. Seules sont
punies selon le droit canadien les infractions commises A bord d’un agronef en
territoire canadien, et cela sans igard a la nationalit de l’aironef et alors
m~ne que la loi de l’Etat dont l’aronef poss~de la nationalit6 prgvoit l’appli-
cation de la loi du pavillon.
Les exceptions A l’Article 5, alin.a 2, prgvues par le Code pnal sont la
trahison et les crimes contre la personne du souverain (Article 46), les d~lits
en matire de passeport (Article 58), la piraterie et les dglits assimilgs A
celle-ci (Articles 75 et 76), ainsi que la bigamie (Article 240). Ces- crimes
seront donc punis d’apr~s la loi canadienne, quel que soit le lieu de leur perpe-
tration. En cons6quence, ils rel~vent des tribunaux canadiens m~me dans les
cas of ils ont &6 commis en dehors du territoire canadien, voire au-dessus de
la haute mer, A bord d’un avion immatricul6 A l’6tranger.
D’autre part, aucune disposition du Code p6nal ni aucune autre loi cana-
dienne ne prgvoit 1’extension du champ d’application territoriale du droit p6nal
canadien pour l’unique raison que l’infraction a 6t6 commise dans un agronef
canadien ou
tranger. 8
II r~sulte de ce qui prgc&de que l’unique but de l’Article 419, ali&ia d) du
Code penal est de dgroger A la rbgle ggngrale (Article 414, Code pgnal) selon
des mots “for the purpose of conferring jurisdiction”. On pent penser que si cette
interpretation 6tait adopt6e par les cours anglaises (elle est implicite dans l’affaire
Regina vs Martin mentionne ailleurs dans ce rapport), elle ferait autorit6 au Canada.
Ces arguments ne sont pas convainquants, itant donnE la disposition de l’Article 5,
alin~a d, du Code pnal canadien. En ce qui concerne plus particulitrement l’argument
bas6 sur la disposition de l’Article 414 du Code pinal, on constatera que celle-ci ne
s’applique qu’aux actes qualifi~s criminels. L’analogie tir6e de la loi anglaise doit Etre
carte non seulement parce que celle-ci est r~dig~e diffremment de l’Article 419,
alinia d, du Code penal canadien, mais aussi parce qu’elle doit
tre comprise comme
6tablissant la competence juridictionnelle des tribunaux anglais en g6iral, laissant
aux ragles particuli6res de procedure p6nale le soin de diterminer la cour comptente
dans un cas donn6.
17 La limitation strictement territoriale de la loi pnale est caract~ristique du Common
Law. Le Canada l’a h~rit~e de l’Angleterre avec le Common Law. A mons de dispo-
sition spciale, il est pr~sum6 qu’une rbgle p~nale n’a pas d’effet extra-territorial. Ces
principes ont toujours 6t6 appliques au Canada et sont maintenant exprim6s formelle-
ment par le dit Article 5, alin6a 2.
18Cependant, certains actes d~lictuels li6s ou cons~cutifs A une infraction comniise
A 1’6tranger sont punissables d’aprZs le Code p~nal canadien. Ainsi, 1’Article 296 du
Code pnal dispose: “Commet une infraction quiconque a dans sa possession une chose
dont ii sait qu’elle a E6 obtenue .. .b) par un acte ou une omission qui, s’ils avaient
6t6 commis au Canada, constitueraient un acte criminel”; v. aussi Article 299, 309,
344, etc. du Code p~nal.
McGILL LAW JOURNAL
[Vol. 4
‘auteur d’une infraction doit Etre poursuivi au lieu ofi il se trouve ou
laquelle
a 6t6 arrt6 et de determiner le tribunal qui sera compttent lorsque, une in-
fraction A bord d’un a~ronef itant indubitablement commise en territoire cana-
dien, il est impossible de d~terminer le ressort de la cour que l’a~ronef a
survol6 au moment ofi cette infraction a 6t6 perp6tr~e.
L’Article 419, alin~a d), s’av~re une disposition indispensable dans l’tat
actuel de la navigation arienne, d’autant plus qu’il permet d’instituer des
poursuites au choix et selon les particularits du cas, soit au lieu du depart,
soit au point de destination de l’avion, soit dans tout ressort juridictionnel
survol6 par l’avion, c’est-i-dire A l’endroit oii, selon les circonstances, il y a
le plus de chance de r~unir les t6moins de l’infraction.
Exception faite des d~lits spciaux mentionn~s ci-dessus,
les tribunaux
canadiens ne sont donc pas comp~tents pour juger des infractions commises
A bord des a~ronefs canadiens en dehors du territoire canadien.19 Par contre,
ils poursuivent et punissent d’aprbs le droit criminel canadien toutes les in-
fractions commises en territoire canadien A bord d’a6ronefs, qu’il s’agisse
d’a6ronefs immatricul6s au Canada ou dans un autre Etat, que l’aronef soit
un aronef civil ou public.
Au cours de sont 38e Congr s la Canadian Bar Association a d~plorE
l’absence de competence des cours canadiennes A l’6gard des infractions com-
mises dans les aronefs canadiens a l’tranger. Aussi, a-t-elle adopt6 une
resolution aux termes de laquelle “l’Avocat g6n6ral du Canada est invit6 A
promouvoir l’adoption d’une loi tendant A conf6rer aux tribunaux canadiens
compEtence pour juger les infractions commises A bord d’a6ronefs en dehors
du territoire canadien.”
Dans sa redaction actuelle, cette r6solution va visiblement trop loin; car
la loi envisag6e par elle aurait pour effet de rendre les cours canadiennes com-
ptentes pour juger igalement toute infraction commise A l’6tranger A bord
d’a6ronefs immatricul6s dans un Etat autre que le Canada, et cela m8me dans
le cas oi l’a6ronef ne se serait trouv6 A aucun moment en territoire canadien.
Or, la competence du l~gislateur canadien n’est certainement pas aussi 6tendue.
Cependant, A la lumi~re du rapport qui avait 6t6 soumis A l’Association par
M. A. B. Roosevaer et dont la discussion a abouti A l’6laboration de ]a r~so-
lution ci-dessus, il est permis d’affirmer que l’Association d~sirait ne faire
6tendre l’application de la loi p6nale canadienne qu’aux infractions commises
A l’6tranger A bord d’a6ronefs immatricul6s au Canada, et A celles commises A
immatricul6s A
l’6tranger par des citoyens canadiens A bord d’a6ronefs
l’6tranger.
1911 en est autrement dans le cas des infrations commises A bord des avions militaires
canadiens i 1’6tranger. En effet, la Loi sur [a difense nationale (Statuts revis6s du
Canada, 9152, Chapitre 184) contient de nombreuses dispositions rendant punissables
par les autorit~s canadiennes les infractions commises a bord, au moyen ou A H’ gard
d’adronefs militaires, sans tenir compte du lieu oi.l’infraction a 6t6 perp~trge.
No. 1]
DROIT PENAL ET AVIATION
Cette nouvelle loi, si elle 6tait adopt~e, comblerait une lacune importante du
droit a6rien canadien. Celui-ci en effet ne pr6voit pas la ripression des crimes
commis dans un avion au-dessus de la haute mer. L’application du droit
canadien aux actes et faits intervenus A bord des navires canadiens en haute
mer est r~gle par les Articles 689 A 692 et 694 de la loi sur la navigation
(maritime) de 1934, (Statuts revises du Canada, 1952, Chapitre 29). Pourtant,
aucune disposition analogue ne s’applique en droit a6rien. En consequence, les
infractions commises en haute mer ; bord d’un a~ronef canadien ou 6tranger
6chappent i toute sanction, i moins qu’un tribunal 6tranger ne s’en saisisse
du chef de la nationalit6 de l’auteur ou de la victime de l’infraction, ou encore
‘Etat,
du chef de la nature du crime (faux monnayage, atteinte A la sfiret6 de
etc.).
5. Constatation et poursuites des infractions commises a bord d’a~ronefs.
Il parait qu’aucune loi nationale ne contient des rbgles sp6ciales sur la
constatation et la poursuite des infractions commises A bord d’aronefs. Pour-
tant, il semble indispensable d’adapter les r~gles traditionnelles de la proc6dure
p6nale aux besoins actuels de l’aviation.
a) Enquete a bord. Les premieres mesures d’enqute sur une infraction
commise dans un aironef devraient normalement 8tre prises A bord de l’a6ronef
imm6diatement apr s la perp6tration de rinfraction et avant la dispersion des
.i une prochaine escale. Si l’enqute est bien faite et complete, elle
t moins
peut m~me rendre inutile toute nouvelle enqu&e et tout compl6ment d’enqute
par les autorit~s policiires du lieu oii les poursuites judiciaires sont institutes.
Or, aucune lgislation nationale n’6tablit des r~gles A cet effet. Rares sont
lois qui chargent le commandant d’a&onef express6ment d’une enqure
les
pr~liminaire a une telle enqu8te. Or, pour qu’il puisse se livrer A une enqu~te
complete, il faudrait que le commandant de bord ffit investi des fonctions et
pouvoirs d’un membre de la police judiciaire.
II est int~ressant de noter dans ce contexte qu’aux termes de la loi cana-
dienne sur les chemins de fer, la police de ceux-ci est exerc6e par des employ6s
des compagnies de chemins de fer investis des pouvoirs d’officiers de police
judiciaire. Mais, aucune disposition semblable ne s’applique aux transports
a~riens.
On doit aussi se demander si les fonctions et pouvoirs d’officier de police
judiciaire doivent r~ellement 6tre conf6r~s au commandant d’a6ronef et s’il
ne vaut pas mieux en investir un membre de 1’6quipage.
En effet, le commandant ne peut s’6loigner longtemps des contr6les de
l’avion sans compromettre la sicurit6 du vol. I1 n’est donc pas en mesure de
proc~der A de longues interrogations de t6moins ou de dresser des proc~s-
verbaux. D’autre part, il ne pent d6l6guer ses fonctions ai un autre membre de
l’quipage si celui-ci n’a pas le statut d’un membre de la police judiciaire. Mieux
vaudrait donc que les fonctions et pouvoirs d’officiers de police judiciaire
McGILL LAW JOURNAL
(Vol. 4
soienf attributes i un membre de l’quipage dont les services ne sont pas requis
pour la navigation.
Un autre point qui m6rite l’attention est le suivant: Lorsque le commandant
d’aronef ou un autre membre d’6quipage proc~de en tant qu’officier de police
A une enquire i bord d’un avion au moment oii celul-ci survole le territoire
d’un Etat autre que
‘Etat d’immatriculation, cet Etat pourra, en vertu des
. 1’exercice sur son territoire
r~gles reconnues du droit international, s’opposer
d’actes d’autoriti par un fonctionnaire 6tranger. I1 en r~sulte qu’il pourra
6carter les proc~s-verbaux de l’enqute comme nuls et non avenus.
II semble donc indispensable, d’une part, d’adopter de nouvelles lois sur
les attributions polici~res et judiciaires du commandant de bord, et, d’autre
part, d’6laborer une convention
l’exercice des
attributions A bord des aronefs.
internationale r~glementant
b) Enqutte au sol. L’application des rigles de procedure pr~sentement
en vigueur dans les diff6rents pays rencontre tun certain nombre de difficultis
mat~rielles, quel que soit le lieu out se poursuit l’enqu~te ou le lieu oil les
poursuites judiciaires sont institutes (lieu du premier atterrissage, lieu du
depart ou de destination, lieu situ6 dans l’Etat d’immatriculation). 20
La difficult6 principale provient de la n6cessit6 6ventuelle de retarder, peut-
6tre pendant plusieurs jours, l’envol de l’avion et le d6part des t&noins n6-
cessaires A l’enqute. Ensuite, lorsque les poursuites judiciaires sont institu6es,
il faudrait faire revenir les t6moins ou, si la loi du tribunal saisi le permet, les
faire entendre par commission rogatoire.
Dans ce dernier cas, la commission rogatoire ne peut &re excut~e qu’en
vertu de conventions d’assistance entre le pays oit les poursuites ont lieu et
les pays ofi se trouvent les t~moins. Au surplus, cette proc6dure peut 8tre
pr~judiciable au pr~venu lorsqu’il n’a pas les moyens financiers d’Etre present
ou de se faire representer A l’audition des t6moins a l’6tranger. Enfin, en
l’absence de toute r~gle conventionnelle A ce sujet, le juge de l’infraction n’a
pas le droit de proc~der lui-m&ne A l’adition des t6moins A l’tranger et
perd ainsi ]a possibilit6 d’apprcier la personnalit6 de ces t~moins.
L’insuffisance, au point de vue du droit aronautique, des r~gles de pro-
c~dure p~nale actuellement en vigueur20 a 6t mise en lumi~re dans un r6cent
rapport canadien qui nous a 6t6 communiqu6 par Mlle M. E. Ritchie. On y lit:
“It is only necessary to refer very briefly to the fact that where an offence has
been committed on board an aircraft and the witnesses include persons from another
country, it would probably be necessary to detain the witnesses for at least a short
period of time, thereby causing them inconveniences and raising questions as to the
responsibility for the expenses
in particular, whether such
expenses should be borne by the witnesses themselves or by the State which desires
to use their evidence. As a practical matter it may be assumed that a witness faced
with the necessity of testifying and of being required to stay over in a foreign
20C’est en tenant compte de ces difficult6s qu’un Etat formulait certaines des pro-
LC/SC, Statut
le rapport du Sous-comit6 de l’OACI –
thereby incurred –
positions figurant dans
uridique No. 23.
No. 11
DROIT PENAL ET AVIATION
country at expense to himself, would be likely to suffer a lapse of memory unless
he received some adequate reimbursement for the financial losses he would other-
wise be caused. It is highly doubtful whether the witness fees prevailing in most
jurisdictions are adequate in the case of tourits or foreign business-people whose
expenses would be high, and whose time would be at a premium, and whose plans
once they had reached another destination would thereby be disrupted. In addition.
if it were necessary to bring such witnesses back from their own country to testify
at a trial, it is apparent that the transportation expenses involved would be heavy.”
CONCLUSIONS
Cette vue rapide montre que le droit p6nal de 1’aviation est encore dans un
6tat fort achalque et loin de r~pondre aux conditions du trafic a6ri’en moderne.
Certes, la Convention de Chicago a innov6 par son Article 12 en obligeant
les Etats contractants de r~primer les infractions commises aux r~glements
a~ronautiques commises i l’6tranger et au-dessus de la haute mer. Mais, com-
me elle ne se pr~occupe que de la navigation adrienne, la r~gle de l’Article 12
ne vise que les violations des r~glements applicables au vol et
. la manceuvre
des aronefs et ne traite ni du droit p6nal commun ni des d~lits ariens propre-
ment dits,
savoir des d~lits contre des transports ariens ou les dMlits s’ag-
gravant du fait qu’ils ont 6t perp6tr6s dans un aronef ou au moyen d’un
aronef. Encore avons-nous vu que les membres de I’OACI n’ont rien fait
pour mettre en application sur leurs territoires les dispositions de l’Article 12
de la Convention sur I’observation des r~glements de Fair 6trangers. Ainsi,
une importante partie du droit penal arien n’est pas encore 61aboree.
.On constate en putre que le droit penal de l’aviation pr~sente de nombreuses
et importantes lacunes. La liste de tous les d6lits a~riens autres que les viola-
tions des rtglements aronautiques n’est pas encore dress~e. Or, nombreux
sont les crimes et d~lits oii l’intervention ou l’utilisation d’un aronef devrait
constituer un 6lment aggravant. De m me la protection plnale de l’aviation
et des a6ronefs est encore fragmentaire. Le Code p6nal canadien ne pr~voit
que cinq “dWlits a~riens” de droit commun, et leurs auteurs ne peuvent &re
poursuivis au Canada que lorsque le d6lit a 6t6 commis en territoire canadien.
Ainsi, l’explosion ou la chute d’un avion en territoire canadien, provoqu6e par
. l’tranger ou par une bombe placie . bord en
un acte de sabotage commis
pays 6tranger ne pentt
tre puni au Canada. II en est de m~me de l’assasinat
d’un passager, attribuable
l’absorption d’aliments intoxiqu~s livr~s par un
traiteur lors d’une escale en dehors du Canada.
Or, les r~gles nouvelles destinies a remplir les lacunes actuelles ne peuvent
6tre construites
. partir du raisonnement juridique et des conceptions tradi-
tionnelles du droit. Leur 6laboration doit tenir compte des donn6es particuUires
de l’aviation et de la navigation adrienne.
I1 y aurait lieu 6galement de reviser certaines r~gles nationales de procedure
p~nale afin de les adapter aux donn6es matErielles de l’aviation. On conqoit
difficilement que les autorit s judiciaires ou polici~res a un a~roport d’escale,
saisies de l’enqute sur un crime commis A bord d’un a ronef dans l’Etat
d’escale, aient le droit de retarder, peut 6tre pendant plusieurs jours, le depart
McGILL LAW JOURNAL
[Vol. 4
d’un passager innocent, en pr~textant qu’il est un tdmoin important (material
witness) du crime; ou qu’elles puissent interdire l’envol de
‘avion en vue d’une
enqure sur les lieux.
Par ailleurs, il r~sulte des faits caractdristiques du trafic adrien que l’appli-
cation uniforme de la loi du pavilion dans tous les pays ne rdsoudra pas tous
les probl~mes ni ne surmontera toutes les difficult~s de la r6pression des in-
fractions commises A bord d’adronefs. Si bien que son adoption A titre de loi
uniforme et universelle devra &re assortie de l’adaptation des r~gles de com-
p~tence judiciaire et de procddure p~nale aux besoins des transports ariens
modernes.
A ce sujet, le Sous-comit- de I’OACI sur le statut juridique de l’a6ronef21
a fort justement remarqu6 qu’il faut tenir compte aussi des fonctions et des
possibilit6s d’action du commandant d’adronef. Car il est inutile d’6laborer
une r~gle logique et th~oriquement valable en matiare de conflit lorsque les
donndes du transport a6rien empachent sa mise en ceuvre.
Des considdrations analogues s’opposent A l’application de la loi de l’Etat
dans le territoire duquel l’infraction a 6t& commise. Elle suppose notamment
que le pilote soit autoris , le cas 6ch6ant, A faire une escale non pr6vue A
l’horaire dans cet Etat. D’autre part, on se demande comment les autorit6s de
celui-ci procdderont A l’enqu&e si tous les t6moins du d6lit s’envolent vers des
destinations lointaines. Comment ramener le ddlinquant et les t~moins oculaires
‘Etat oi l’a6ronef est immatricul6, ou dans tout autre
dans cet Etat, ou dans
Etat autoris6 A exercer des poursuites, soit aux fins d’enqufte, soit au moment
ofi
l’affaire sera jugde?
Les conflits de lois privies ont 6t6 risolus dis l’aube de l’aviation par l’6la-
boration de la Convention de Varsovie. Celle-ci a cr6. un droit uniforme des
transports ariens. Devrait-on, en mati~re pnale, pr~voir 6galement l’6labora-
tion conventionnelle de r gles de fond et de proc~dure uniforme qui soient
adapt~es aux conditions et A l’esprit propre i
l’aviation moderne? Tfche
difficile, mais non impossible.
21LC/SC, Statut juridique No. 23.