McGill Law Journal ~ Revue de droit de McGill
LE FIDUCIAIRE, VRITABLE PIVOT OU SIMPLE ROUAGE
DE LOPRATION DE FIDUCIE?
Blandine Mallet-Bricout*
Lobjet de cet article est de sinterroger sur le
rle que tient le fiduciaire, spcialement dans la fi-
ducie franaise issue de la Loi no 2007-211 du 19
fvrier 2007 instituant la fiducie, mais aussi en
comparaison dautres systmes juridiques civilistes
ou de common law.
Un double regard permet de montrer que le
fiduciaire ne tient pas, du moins en droit franais,
le rle de pivot de lopration que lon pourrait at-
tendre de lui. En effet, la fiducie envisage sous sa
perspective contractuelle, rvle un contractant fi-
duciaire largement sous la dpendance du consti-
tuant, qui dtermine non seulement sa mission,
parfois trs rduite, mais dispose galement du
pouvoir de le remplacer. La confrontation des pou-
voirs du constituant et de ceux du bnficiaire avec
le statut du fiduciaire, propritaire des biens mis
en fiducie, interroge galement le civiliste : la pro-
prit fiduciaire semble en effet singulirement
sloigner des caractristiques traditionnelles du
droit de proprit (perptuit, exclusivit). Et la
tentative avorte, en 2009, dun ddoublement de
la proprit fiduciaire limage de la distinction
anglo-amricaine entre legal ownership et benefi-
cial interests, na pas permis le rapprochement es-
pr par les praticiens entre la fiducie franaise et
le trust, laissant le fiduciaire au rang dun propri-
taire diminu.
Finalement, la prminence de la relation
contractuelle sur celle patrimoniale instaure par
lopration de fiducie peut aboutir vider de sa
substance la fonction fiduciaire, envisage dans sa
double dimension de gestion et dexercice dun droit
de proprit sur les biens mis en fiducie. Le fidu-
ciaire apparat ainsi moins comme un vritable pi-
vot que comme un simple rouage multifonctions de
lopration de fiducie.
The purpose of this article is to inquire into
the role of the trustee, with special emphasis on
the French trust created by the Loi no 2007-211 du
19 fvrier 2007 instituant la fiducie, but also from a
comparative perspective with respect to other civil
and common law jurisdictions.
A close look suggests that the trustee does
not, at least in French law, play the kind of pivotal
role that might be expected. Indeed, the trust,
viewed from a contractual perspective, reveals a
role for the trustee that is largely contingent on the
constituting party, who not only determines the fi-
duciarys mandateoften a very narrow onebut
also has the power to replace the trustee. The con-
flict between the powers of the constituting party
and the beneficiary, and the status of the trustee,
as owner of the property held in trust, is also intri-
guing to the civilian legal scholar: ownership of
trust property appears, interestingly, to distance
itself from the traditional characteristics of the
right of ownership (perpetuity, exclusivity). Moreo-
ver, the failed 2009 attempt to create a dualistic
model of ownership based on the Anglo-American
distinction between legal ownership and beneficial
interests did not bring about the alignment of the
French and Anglo-American trusts that was de-
sired by practitioners and instead relegated the
trustee to the status of an owner with diminished
rights.
Finally, the pre-eminence of the contractual ra-
ther than patrimonial aspects of the operation of the
trust may have the effect of removing the substance of
the trustees role, viewed as encompassing a dimen-
sion both of management and of the exercise of an
ownership right over property held in trust. The trus-
tee thus appears less as a truly pivotal player, and
more as a multifunctional cog, in the operation of the
trust.
* Professeur agrg des Facults de droit, Universit de Lyon (Jean Moulin).
Citation: (2013) 58:4 McGill LJ 905 ~ Rfrence : (2013) 58 : 4 RD McGill 905
Blandine Mallet-Bricout 2013
906 (2013) 58:4 MCGILL LAW JOURNAL ~ REVUE DE DROIT DE MCGILL
Introduction
I.
II.
Le fiduciaire, contractant sous dpendance
A. Le schma thorique de la dpendance
B. La prminence du constituant
C. Le paradoxe de lbauche dune responsabilit
fiduciaire
Le fiduciaire, propritaire diminu
A. Brches ouvertes dans les attributs du fiduciaire
propritaire
B. Le fiduciaire propritaire sous lpe de Damocls
C. La tentative avorte de ddoublement du propritaire
dans la fiducie franaise
Conclusion
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LE FIDUCIAIRE, VRITABLE PIVOT OU SIMPLE ROUAGE ? 907
Introduction
Trust et droit franais : les frres ennemis? : la question ne manque
pas de provoquer; elle a pourtant t clairement pose il y a quelques an-
nes dans une revue juridique franaise, en intitul dun dossier1 consacr
au trust et sa rception en droit franais. Ce colloque international con-
frontant trust anglo-saxon et fiducie civiliste (sous ses diverses formes)
laisse augurer une rponse heureusement ngative cette question : le
trust et le droit franais ne sont certainement pas frres2, mais ils ne sont
pas non plus ennemis. La nouvelle fiducie franaise, ne de la Loi no 2007-
211 du 19 fvrier 2007 instituant la fiducie3, rpond sans doute partielle-
ment une influence du trust anglo-amricain, mais cette influence doit
tre nuance.
Cet article traite dun thme assez large puisquil sagit de revenir sur
le fiduciaire, dont il a dj t question dans dautres contributions : le fi-
duciaire, vritable pivot ou simple rouage de lopration de fiducie? Quil
sagisse du fiduciaire dans la fiducie de type civiliste ou du trustee dans le
trust anglo-amricain, il semble a priori ny avoir aucun doute quil
sagisse de sujets
juridiques centraux, voire indispensables, dans
lopration de fiducie et dans celle du trust. Cest dans tous les cas un
constat souvent relev propos du trustee4. Cela mrite toutefois dtre
vrifi pour ce qui concerne le fiduciaire, plus spcialement en droit fran-
ais.
En droit franais, le fiduciaire est celui qui le constituant va confier
un bien ou un ensemble de biens, droits ou srets, prsents ou futurs,
dans lobjectif que celui-ci agisse dans un but dtermin au profit dun ou
plusieurs bnficiaires 5. Le constituant peut sadresser un seul fidu-
ciaire comme plusieurs. Simplement, la liste des personnes pouvant tre
dsignes comme fiduciaire(s) est restreinte aux seuls tablissements de
1 Galle Marraud des Grottes, Trust et droit franais: les frres ennemis? (2006) 25
Revue Lamy droit civil 57; voir aussi David Hayton, Prface dans Jean-Marc Tirard,
dir, Trust & fiducie : concurrents ou complments?, Genve, Academy & Finance, 2008,
7.
2 En tmoigne notamment labsence de ratification par la France de la Convention rela-
tive la loi applicable au trust et sa reconnaissance, 1er juillet 1985, 1664 RTNU 311,
RT Can 1993 no 2.
3 JO, 21 fvrier 2007, 3052 [Loi no 2007-211].
4 Voir notamment Marie-France Papandreou-Dterville, Le droit anglais des biens, Paris,
Librairie gnrale de droit et de jurisprudence, 2004 la p 513 [Papandreou-Dterville],
qui souligne que le trustee est certainement le pivot de linstitution , alors mme que
lequity estime quun trust dment constitu ne peut chouer faute dun trustee (Equity
does not want for a trustee) .
5 Art 2011 C civ.
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crdit, entreprises dinvestissement, entreprises dassurance et aux avo-
cats6. Les particuliers, notamment, sont donc exclus de cette qualit.
Le fiduciaire ne rpond aucune qualification juridique dj connue
du droit franais : il nest tout simplement pas qualifi, que ce soit de
mandataire, de gestionnaire ou de toute autre qualification juridique qui
pourrait ventuellement lui tre applique. Il est un agissant sur les
biens qui lui sont confis, mais un agissant particulier, car il agit dans le
cadre original dun patrimoine spar du sien7, ce que la doctrine fran-
aise appelle communment un patrimoine fiduciaire 8.
Le fiduciaire nest donc pas un grant ou un gestionnaire classique. Il
a une position trs originale en droit positif franais, car il se retrouve la
tte de deux patrimoines, le sien propre et le patrimoine fiduciaire, ce qui
droge totalement la thorie classique du patrimoine en droit franais9.
6 Art 2015 C civ. Pour davantage de prcisions sur les qualits requises pour pouvoir tre
fiduciaire, voir notamment La fiducie, mode demploi, 2e d, Paris, ditions Francis Le-
febvre, 2009 au no 720 [La fiducie]. titre de comparaison, le droit luxembourgeois pr-
cise galement de manire dtaille la qualit de fiduciaire, en la rservant aux tablis-
sements de crdit, entreprises d’investissement, socits d’investissement capital va-
riable ou fixe, socits de titrisation, socits de gestion de fonds commun de placement
ou de fonds de titrisation, fonds de pension, entreprises d’assurance ou de rassurance,
organismes nationaux ou internationaux caractre public oprant dans le secteur fi-
nancier (Loi du 27 juillet 2003, Journal Officiel du Grand-Duche de Luxembourg, 3 sep-
tembre 2003, 2620, art 4 [Loi du 27 juillet 2003]).
7 Art 2011 C civ.
8 Lexistence dun patrimoine spar du patrimoine personnel du fiduciaire nest pas ad-
mise dans toutes les fiducies dessence civiliste, notamment en Suisse o le fiduciaire
gre les biens objet de la fiducie au sein de son patrimoine, sans pouvoir constituer de
patrimoine fiduciaire . Voir ce sujet Voir Benot Chappuis, Lincidence de la con-
vention de La Haye relative la loi applicable au trust et sa reconnaissance sur la fi-
ducie en droit suisse dans Le centenaire du Code civil suisse : colloque du 5 avril 2007,
Paris, Socit de lgislation compare, 2008, 201. La fiducia romaine nacceptait pas
davantage lexistence dun patrimoine spar. Au contraire, le droit luxembourgeois re-
tient lexistence dun patrimoine fiduciaire autonome (art 6 de la Loi du 27 juillet 2003,
supra note 3).
9 On voque souvent cette thorie sous lappellation de la thorie dAubry et Rau , du
nom des deux auteurs qui en sont lorigine. En vertu de cette thorie, qui comporte
des implications fondamentales en droit franais, toute personne juridique est titulaire
dun patrimoine et elle ne peut tre titulaire que dun seul patrimoine. Cette thorie
classique exclut donc toute possibilit de patrimoine daffectation. Elle est ainsi claire-
ment remise en question par la loi sur la fiducie et, plus rcemment, par celle sur
lentrepreneur individuel responsabilit limit (Loi no 2010-658 du 15 juin 2010 sur
lentrepreneur individuel responsabilit limite, JO 16 juin 2010, 10984 [Loi no 2010-
658]), qui cre au profit de lentrepreneur personne physique un statut reposant sur
lexistence de deux patrimoines rattachs sa seule personnalit juridique : un patri-
moine personnel et un patrimoine affect ses activits professionnelles. Voir notam-
ment Franois Terr, dir, EIRL : Lentrepreneur individuel responsabilit limite, Pa-
ris, Lexis Nexis, 2011.
LE FIDUCIAIRE, VRITABLE PIVOT OU SIMPLE ROUAGE ? 909
En outre, le fiduciaire peut tenir plusieurs rles puisque fiducie-gestion et
fiducie-sret sont toutes deux admises en droit franais. Le fiduciaire
peut ainsi tre amen grer des biens dans un but dtermin par le
constituant et qui sont destins tre remis, lissue du contrat de fidu-
cie, un tiers bnficiaire (ou plusieurs); ou bien, il peut tre amen g-
rer un patrimoine constitutif dune garantie au profit dun tiers crancier
ou de lui-mme sil est le crancier du constituant.
La fiducie franaise est donc multiple, ce qui pose dailleurs difficult
lorsque lon tente de systmatiser le mcanisme fiduciaire. Il nest pas in-
diffrent que la fiducie soit conclue dans un but de gestion ou dans un but
de garantie, voire en associant les deux fonctions lorsque le fiduciaire
nest pas le crancier bnficiaire de la fiducie, mais est amen grer le
patrimoine fiduciaire dans un but de garantie au profit dun tiers cran-
cier10. On voit dj l les limites de la distinction qui est faite en doctrine
entre fiducie-gestion et fiducie-sret. Le lgislateur sest dailleurs gard
de consacrer officiellement une telle dichotomie, mme si plusieurs dispo-
sitions du Code civil franais sont dsormais consacres exclusivement
la fiducie conclue dans un but de garantie11.
Le fiduciaire est donc voqu dans le Code civil franais de manire
unitaire et, premire vue, il constitue un lment-cl du mcanisme de
fiducie : sur les vingt-et-un articles relatifs la fiducie qui figurent dans le
Livre III du Code civil, deux tiers concernent le fiduciaire et un tiers le fi-
duciaire exclusivement. En dpit de ce constat, il subsiste dans la lgisla-
tion franaise des lacunes sur lessentiel, cest–dire sur la nature des
rapports entre fiduciaire et constituant, dune part, et entre fiduciaire et
bnficiaire, dautre part. La responsabilit du fiduciaire nest par ailleurs
rellement envisage que dans un seul article, assez vague12. Autant dire
que luvre du lgislateur franais reste parfaire, en dpit des nom-
breux textes relatifs la fiducie qui se sont succds ces dernires an-
nes13. Lclairage du juge sera ncessaire tout en tant probablement re-
10 Les premires fiducies conclues en France aprs la mise en vigueur de la Loi no 2007-
211, supra note 3 rpondent ce schma.
11 Voir arts 2372-1, 2488-1 C civ, insrs par lOrdonnance no 2009-112 du 30 janvier 2009
portant diverses mesures relatives la fiducie, JO, 31 janvier 2009, 1854 [Ordonnance no
2009-112] dans le Livre IV du Code civil, consacr aux srets. Les dispositions gn-
rales relatives la fiducie figurent, quant elles, dans le Livre III (art 2011 C civ), con-
sacr aux contrats spciaux.
12 Art 2026 C civ.
13 En particulier : Loi no 2007-211, supra note 3 (texte fondateur); Loi no 2008-776 du 4
aot 2008 de modernisation de l’conomie, JO, 5 aot 2008, 12471; Ordonnance no 2008-
1345 du 18 dcembre 2008 portant rforme du droit des entreprises en difficult, JO, 19
dcembre 2008, 19462; Ordonnance no 2009-112, supra note 11; Ordonnance no 2009-
104 du 30 janvier 2009 relative la prvention de l’utilisation du systme financier aux
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dout par les praticiens ce qui explique la faible pratique de la fiducie en
France depuis la loi du 19 fvrier 200714.
Nanmoins, premire vue, le fiduciaire apparat sans doute comme
le pivot de lopration fiduciaire, celui par lequel passent les biens mis en
fiducie et qui devra la fois respecter la volont du constituant et prendre
les initiatives que lui laissent a priori ses qualits de propritaire et de
gestionnaire. En effet, le fiduciaire cumule les perspectives sous langle
desquelles ses fonctions et son rle peuvent tre tudis : la fois co-
contractant du constituant pour une dure dtermine, propritaire des
biens mis en fiducie, gestionnaire de patrimoine et parfois aussi crancier
du constituant, sa situation originale au regard des catgories juridiques
civilistes traditionnelles rend la fiducie difficile harmoniser avec celles-ci
: comment admettre quune mme personne puisse la fois tre reconnue
propritaire de biens et simple gestionnaire de ces mmes biens au bn-
fice dun tiers? Il est alors ncessaire de passer par ltrange qualification
(au regard du droit franais) de propritaire temporaire pour autrui , ce
qui permet dimaginer quun tel propritaire doive alors agir non pas li-
brement, mais en fonction des objectifs qui lui sont assigns par autrui (le
constituant) au bnfice dun tiers (le bnficiaire).
On mesure quel point les interrogations que pose la fiducie au re-
gard du droit franais ne sont pas facilement exportables en dehors des
systmes juridiques civilistes. En effet, contrairement la fiducie fran-
aise qui repose la fois sur le pilier du contrat et sur le pilier de la pro-
prit15, on sait que le trust anglo-amricain relve historiquement du
champ du droit des biens et non de celui des contrats16. Il sagit l dun
fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, JO, 31 janvier 2009,
1819; Loi no 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et
d’allgement des procdures, JO, 13 mai 2009, 7920; Dcret no 2010-219 du 2 mars 2010
relatif au traitement automatis de donnes caractre personnel dnomm Registre
national des fiducies , JO, 4 mars 2010, 4442; Dcret no 2011-1319 du 18 octobre 2011
relatif lexercice de lactivit fiduciaire des avocats, JO, 20 octobre 2011, 17716 [Dcret
no 2011-1319].
14 Fin 2012, on comptait une centaine de fiducies conclues sous lgide du droit franais.
La doctrine franaise ne se lasse toutefois pas denvisager les nombreuses applications
possibles de la fiducie; en tmoignent les trs nombreuses publications sur le sujet de-
puis 2007. Pour une rflexion rcente, voir le dossier suivant : Les utilisations pra-
tiques de la fiducie-gestion (2012) 212 Dr et Pat 43.
15 Pour une analyse nuance (lauteur voyant dans la fiducie moins un contrat quune op-
ration, ce qui la rapprocherait du trust anglo-saxon), voir Yall Emerich, Les fonde-
ments conceptuels de la fiducie franaise face au trust de a common law : entre droit
des contrats et droit des biens (2009) 61 : 1 RIDC 50.
16 Voir Papandreou-Dterville, supra note 4 la p 411; Emerich, supra note 16 la p 57 ;
Christian Larroumet, La loi du 19 fvrier 2007 sur la fiducie : propos critiques (2007)
D 1350.
LE FIDUCIAIRE, VRITABLE PIVOT OU SIMPLE ROUAGE ? 911
lment essentiel, qui permet de mieux saisir la diversit des approches
de la fiducie civiliste et du trust anglo-amricain. Certains sont mme al-
ls jusqu considrer que la comparaison du trust et de la fiducie tait ds
lors impossible et quen tout tat de cause une transposition des droits is-
sus du trust dans les catgories civilistes tait irralisable17. Il nous
semble au contraire que la comparaison est judicieuse ds lors que lon
sintresse au fiduciaire, qui prsente un certain nombre de points com-
muns avec le trustee. Du moins faut-il admettre que de nombreuses ques-
tions que posent la qualit et le rle du fiduciaire peuvent tre transpo-
ses la qualit et au rle du trustee, et rciproquement. Il y a l, sans
doute, le signe dune certaine universalit , si ce nest de nos solutions
juridiques, au moins de nos questionnements, sur les pouvoirs, les de-
voirs, la responsabilit du fiduciaire et du trustee18. Les fonctionnalits re-
cherches au travers dune fiducie civiliste ou dun trust anglo-amricain
constituent probablement le lien le plus net entre ces institutions.
Nous allons donc voir, tout en essayant dintroduire des lments de
comparaison avec le trust anglo-amricain ou dautres fiducies, que la fi-
ducie de droit franais mne sans aucun doute un tirement des con-
cepts civilistes classiques de gestionnaire et de propritaire, ce qui amne
se demander si le fiduciaire ne serait pas davantage un simple rouage,
dpendant de nombreux autres rouages du mcanisme fiduciaire, plutt
que le vritable pivot de cette opration. Pour cela, nous envisagerons
dabord le fiduciaire en tant que contractant gestionnaire sous la dpen-
dance essentiellement du constituant (I), puis en tant que propritaire
diminu des biens placs en fiducie (II).
I. Le fiduciaire, contractant sous dpendance
Il ny a a priori rien danormal ou de choquant ce quun contractant
puisse tre envisag comme tant sous dpendance : par essence, la re-
lation contractuelle synallagmatique cre une dpendance la volont du
co-contractant. Dans lopration de fiducie, la situation du fiduciaire est
toutefois plus subtile, puisque la dpendance du fiduciaire lgard des
autres protagonistes de lopration de fiducie sexprime de manire mul-
tiple. Au schma thorique de la dpendance, rsultant du mcanisme fi-
17 Voir notamment Henri Motulsky, De l’impossibilit juridique de constituer un trust
anglo-saxon sous l’empire de la loi franaise (1948) 37 : 1-2 Rev crit dr int priv 451;
Claude Witz, La fiducie en droit priv franais, Paris, Economica, 1980 [Witz, La fiducie
en droit priv franais], qui voque un foss entre le trust anglo-amricain et les
droits continentaux au no 8.
18 Pour une tude compare rcente, voir Rafael Ibarra Garza, La protection du patri-
moine fiduciaire-trust fund (tude compare : droit franais-droit anglais), thse de doc-
torat en droit, Universit Paris II, 2013 [non publie].
912 (2013) 58:4 MCGILL LAW JOURNAL ~ REVUE DE DROIT DE MCGILL
duciaire la franaise (A), il faut ajouter une domination de fait du consti-
tuant dans de nombreuses hypothses (B). Lapprhension juridique de la
responsabilit du fiduciaire nen reste pas moins paradoxale : en dpit de
cette situation de dpendance, la responsabilit du fiduciaire nest que ra-
pidement et imparfaitement aborde par le lgislateur franais (C).
A. Le schma thorique de la dpendance
Le mcanisme fiduciaire repose, limage du trust de common law, sur
lide que le fiduciaire doit uvrer au bnfice dun tiers choisi par le
constituant. Cest le bnficiaire qui doit, au final, recueillir les biens pla-
cs dans le patrimoine fiduciaire. Le fiduciaire agit donc dans le cadre de
la fiducie comme un gestionnaire des biens qui lui ont t confis. Mais
la diffrence du trustee, qui nest pas fondamentalement enferm dans un
cadre contractuel19, le fiduciaire franais est minemment li par le con-
trat de fiducie conclu avec le constituant. En droit franais, la fiducie est
avant tout un contrat spcial, plac dans le Code civil parmi dautres con-
trats spciaux tels la vente, le prt, ou encore le dpt. La nature juri-
dique de ce contrat de gestion est donc autonome : aucun renvoi nest fait
au contrat de mandat, contrairement par exemple au droit suisse, qui
sappuie expressment sur le droit applicable au mandat pour dfinir les
rgles applicables la fiducie suisse20 ou encore au droit luxembourgeois
qui va dans le mme sens21. La fiducie en droit franais est une qualifica-
tion contractuelle en elle-mme. Certains auteurs considrent que la fidu-
cie franaise reposerait, lgard du bnficiaire, sur une stipulation pour
autrui au sens de larticle 1121 du Code civil22. Cependant, cela reste dis-
cut.
19 Voir Ren David et Camille Jauffret-Spinosi, Les grands systmes de droit contempo-
rain, 11e d, Paris, Dalloz, 2002 au no 259, n 2 : La catgorie du trust sest ainsi dve-
loppe en dehors du champ contractuel, et elle est demeure une catgorie entirement
diffrente de celle du contrat . Cette analyse doit cependant tre nuance, certains au-
teurs anglo-amricains ayant une approche nettement plus contractualiste du trust en
droit positif : voir John H Langbein, The Contractarian Basis of the Law of Trusts
(1995) 105 : 3 Yale LJ 625.
20 Voir Chappuis, supra note 3 la p 203 : lauteur prsente ce renvoi au droit du mandat
comme tant le cadre fondamental de la fiducie suisse, qui nest rglemente par au-
cun texte lgal.
21 Loi 27 juillet 2003, supra note 3, art 7 : Les rgles du mandat, l’exclusion de celles
reposant sur la reprsentation, sont applicables aux relations entre le fiduciant et le fi-
duciaire dans la mesure o il n’y est pas drog par le prsent titre ou par la volont des
parties . Le fiduciant, en droit luxembourgeois, correspond au constituant en droit
franais.
22 Voir notamment La fiducie, supra note 6 au no 751.
LE FIDUCIAIRE, VRITABLE PIVOT OU SIMPLE ROUAGE ? 913
En tout tat de cause, le fiduciaire est linterface entre constituant et
bnficiaire, sur la base dun contrat conclu entre lui-mme et le consti-
tuant. Lopration trois personnes de fiducie repose donc fondamenta-
lement sur un contrat tabli entre deux des trois protagonistes. Dans ce
cadre contractuel, le fiduciaire semble avoir un rle majeur jouer, le rle
dun pivot.
La ralit est cependant autre pour plusieurs raisons. En premier lieu,
la rglementation franaise sur la fiducie exclut que celle-ci puisse tre
utilise titre de libralit23, ce qui est critiqu par la doctrine et expli-
cable uniquement par la crainte du lgislateur de voir la fiducie utilise
mauvais escient. On peut penser quun jour ou lautre, la fiducie-libralit
sera admise en droit franais, ce qui confrerait alors au fiduciaire un rle
essentiel de pivot, entre le respect de la volont du constituant et la pr-
servation des intrts du bnficiaire.
En second lieu, le droit franais autorise la confusion des genres entre
les trois acteurs de lopration de fiducie : le fiduciaire peut en effet tre
galement bnficiaire de la fiducie, comme le prvoit larticle 2016 du
Code civil. Cest le cas, notamment, lorsque le fiduciaire est un crancier
du constituant et quune fiducie-sret est mise en place pour garantir la
crance du fiduciaire sur le constituant. Ce nest donc pas une hypothse
dcole. Le constituant peut lui aussi tre bnficiaire24, ce qui peut tre
envisag, par exemple, dans le cadre dune fiducie-gestion portant sur les
biens dun constituant majeur incapable. Cette confusion est plus clas-
sique et admise aussi dans le trust25. En droit franais, elle entrane en
particulier une prsomption daction de concert en droit des socits26.
La fiducie se rsume alors concrtement deux intervenants et non
plus trois, lun deux ayant toutefois une double qualit, celle de fiduciaire
ou de constituant et celle de bnficiaire : le schma fiduciaire est donc
prserv (trois fonctions distinctes) tout en tant quelque peu dvoy
(deux acteurs). Dans ces hypothses, potentiellement frquentes, le fidu-
ciaire nest plus vritablement une interface entre constituant et bnfi-
ciaire : il est face son seul co-contractant, le constituant. Cela modifie
lesprit originel du mcanisme fiduciaire et loigne singulirement la fidu-
cie franaise du trust, le fondement contractuel de la fiducie ressortant
23 Art 2013 C civ (nullit dordre public).
24 Art 2016 C civ.
25 Raymond Legeais, Grands systmes de droit contemporain : approche comparative, 2e
d, Paris, Lexis Nexis, 2008 au no 476.
26 Art L233-10, al 2(5) Code de commerce.
914 (2013) 58:4 MCGILL LAW JOURNAL ~ REVUE DE DROIT DE MCGILL
dautant plus dans ces hypothses27. On peut faire le mme type de cons-
tat de manire plus large, en observant la position du bnficiaire dans le
mcanisme de fiducie (ce qui permet dclairer indirectement celle du fi-
duciaire).
En troisime lieu, le bnficiaire nest en quelque sorte que le rci-
piendaire de laction accomplie par le fiduciaire selon la volont exprime
par le constituant (qui lui a transmis un ou plusieurs biens, droits ou s-
rets 28). Il nest pas partie au contrat de fiducie; seule sa possible accep-
tation de la fiducie est voque, de manire assez allusive, larticle 2028
du Code civil : Le contrat de fiducie peut tre rvoqu par le constituant
tant quil na pas t accept par le bnficiaire . Mais les autres cons-
quences de cette acceptation ne sont pas clairement prcises; en particu-
lier, le Code civil ne donne aucune information sur le sort des fruits et re-
venus des biens, droits ou srets placs dans le patrimoine fiduciaire. Il
semble que ceux-ci ne reviennent pas au bnficiaire, sauf stipulation con-
traire dans le contrat de fiducie29. Le bnficiaire est ainsi rcipiendaire
des seuls biens mis en fiducie, tels quils existent en fin de contrat de fidu-
cie. La common law na pas confr au beneficiary une meilleure position,
du moins dans un premier temps : il a fallu lintervention de lequity pour
amliorer sa position, tant il tait totalement ignor lorigine30.
Comme envisag par le droit franais, le bnficiaire qui reste
dailleurs trs discret dans les textes du Code civil nest donc quun per-
sonnage secondaire et relativement passif. Sur le modle de la stipulation
pour autrui du droit franais31, il est prvu que le constituant reste matre
27 Ce fondement contractuel explique galement que le constituant ne puisse se confondre
avec le fiduciaire, au motif, pour certains auteurs, quon ne pourrait conclure avec soi-
mme. Il semble toutefois que le contrat avec soi-mme soit gnralement admis en
droit franais, ainsi que le soulignent plusieurs auteurs (par ex Christian Larroumet,
Droit civil : Les obligations, Le contrat, t 3, 1re partie, 6e d, Paris, Economica, 2006 aux
paras 257-61; Franois Terr, Philippe Simler et Yves Lequette, Droit civil : Les obliga-
tions, 10e d, Paris, Dalloz, 2009 au para 182). Des auteurs considrent en outre que la
solution inverse aurait t trs probablement une porte ouverte la fraude aux droits
des cranciers du constituant, celui-ci pouvant ds lors protger une partie de ses actifs
en crant un second patrimoine quil grerait lui-mme. Cest pourtant ce qua admis la
Loi no 2010-658, supra note 9, qui autorise lentrepreneur personne physique crer un
patrimoine daffectation ddi ses activits professionnelles. Le trust admet quant
lui que le settlor puisse se constituer lui-mme trustee, mais au profit dun tiers (voir A-
M Honor, Droit des trusts et droit des biens, recueil de cours, Facult internationale
pour lenseignement du droit compar, Strasbourg, 1967 la p 10).
28 Art 2012, al 2 C civ.
29 La fiducie, supra note 6 au no 3600.
30 Witz, La fiducie en droit priv franais, supra note 18 au no 6. Voir aussi David et Jauf-
fret-Spinosi, supra note 20 au no 259.
31 Lequel sert de socle thorique aux contrats dassurance sur la vie, en particulier.
LE FIDUCIAIRE, VRITABLE PIVOT OU SIMPLE ROUAGE ? 915
de lexistence de la fiducie tant que le bnficiaire na pas accept le con-
trat de fiducie. Ce dernier peut toutefois librement renoncer la fiducie
(ce qui ne met pas forcment fin celle-ci32) et surtout demander en jus-
tice, dans certains cas (conventionnellement ou lgalement dfinis), la
nomination dun fiduciaire provisoire ou le remplacement du fiduciaire33.
On voit bien que le bnficiaire nest pas envisag en droit franais
comme un rouage essentiel du mcanisme fiduciaire : il doit certes tre
dsign par le constituant34, mais ensuite il na a priori dautre choix que
de rester passif (si toutefois il accepte le contrat de fiducie), sauf sil re-
nonce la fiducie35 ou demande le remplacement du fiduciaire36. Aucun
autre droit ne lui est expressment accord par les textes. Notamment, il
ne peut exiger une reddition des comptes de la part du fiduciaire, sauf si
le contrat le prvoit expressment37.
Cette situation juridique pose bien sr la question des ventuelles ac-
tions du bnficiaire contre le fiduciaire, dans lhypothse o celui-ci ne
respecterait pas ses pouvoirs de gestion ou nagirait pas dans lintrt du
bnficiaire : sur quel fondement le bnficiaire peut-il agir contre le fidu-
ciaire? La doctrine franaise sinterroge ce sujet, en labsence de toute
disposition gnrale dans le Code civil38. En particulier, que peut faire le
bnficiaire en cas de dissipation des biens par le fiduciaire? Il faut ad-
mettre que le bnficiaire ne dispose, en vertu des textes et de manire
explicite, daucun droit de suite ou droit de prfrence. Il nest a priori ti-
tulaire que de droits personnels lgard du fiduciaire, sil a accept la fi-
ducie. Certains lui reconnaissent la possibilit de prendre des mesures
conservatoires si la gestion du fiduciaire met en pril ses intrts39. La
possibilit de revendiquer les biens mis en fiducie est a priori exclue, sauf
sil sagit dobtenir la restitution des biens de la part du fiduciaire lui-
mme dans lhypothse de la fiducie-sret.
32 Voir art 2029, al 2 C civ : le contrat de fiducie peut prvoir les conditions dans les-
quelles il se poursuit alors.
33 Art 2027 C civ.
34 Art 2018(5o) C civ.
35 Art 2029, al 2 C civ.
36 Art 2027 C civ.
37 Art 2022 C civ.
38 Le Livre IV du Code civil prcise toutefois les droits du bnficiaire dans lhypothse
particulire de la fiduciesret : dfaut de paiement de la dette garantie, le lgisla-
teur accorde au bnficiairetiers crancier du constituant le droit dexiger du fiduciaire
la remise du bien, dont il peut alors librement disposer (art 2372-3, al 2 et 2488-3, al
2 C civ).
39 La fiducie, supra note 6 au no 3750.
916 (2013) 58:4 MCGILL LAW JOURNAL ~ REVUE DE DROIT DE MCGILL
En effet, le bnficiaire, en droit franais, nest titulaire daucun droit
rel; seul le fiduciaire est admis comme propritaire des biens mis en fi-
ducie et aucun dmembrement de la proprit na t reconnu dans la fi-
ducie franaise40. Du moins cest la conclusion que lon peut raisonnable-
ment tirer de la lecture des articles 2011 et suivant du Code civil41. Le b-
nficiaire ne peut ds lors engager quune action visant exiger
lexcution, par le fiduciaire, des actes quil sest engag accomplir42, no-
tamment le transfert de proprit des biens lissue de la fiducie. Le b-
nficiaire ne saurait agir en rsolution du contrat de fiducie, puisquil
nest pas partie ce contrat, ni exiger dun tiers acqureur la restitution
dun bien dont le fiduciaire aurait anormalement dispos, faute dexercer
un droit rel sur ce bien43.
Une partie de la doctrine conteste toutefois cette analyse, en propo-
sant une alternative : le bnficiaire tirerait de larticle 2023 du Code civil
un droit de suite entre les mains du tiers acqureur de mauvaise foi, droit
de suite qui serait le signe de loctroi dun vritable droit rel sur la chose
dautrui son profit44. Toutefois, cette disposition se contente dnoncer
que dans ses rapports avec les tiers, le fiduciaire est rput disposer des
pouvoirs les plus tendus sur le patrimoine fiduciaire, moins quil ne soit
dmontr que les tiers avaient connaissance de la limitation de ses pou-
voirs , sans prciser la sanction applicable dans cette dernire hypothse.
Il pourrait sagir aussi bien de la nullit ou de linopposabilit de lacte
conclu en contradiction des pouvoirs accords au fiduciaire, que de la pos-
sibilit pour le bnficiaire dexercer une action en responsabilit contre le
tiers. Et lon pourrait tout aussi bien considrer que le bnficiaire serait
40 Voir infra la p 920 et s.
41 Trs nets en ce sens, voir Pierre Crocq, Proprit fiduciaire, proprit unitaire dans
Association Henri Capitant, La fiducie dans tous ses tats, t 15, Paris, Dalloz, 2011, 9
aux pp 12-13 [Crocq, Proprit fiduciaire ]; Garza, supra note 19, no 420 et 1077 et s.
42 Witz, La fiducie en droit priv franais, supra note 18 au no 284. Voir aussi Camille de
Lajarte, La nature juridique des droits du bnficiaire dun contrat de fiducie (2009)
60 Revue Lamy Droit Civil 71.
43 Le fiduciaire nayant pas transfr la proprit du bien au bnficiaire, ce dernier ne
peut en tout tat de cause exercer aucune action en revendication de la proprit dun
bien qui ne lui a jamais appartenu. Tout juste pourrait-il tre admis comme ayant un
droit de proprit potentiel ou conditionnel?
44 Un auteur en particulier dfend cette analyse : Frdric Danos, La qualification des
droits des diffrentes parties une opration de fiducie dans Liber Amicorum : M-
langes en lhonneur de Philippe Merle, Paris, Dalloz, 2012 [Danos, La qualification des
droits ] (lauteur analyse in fine (no 21 et s) le droit du bnficiaire comme un droit rel
sui generis, qui correspondrait au droit rel dexpectative reconnu en droit allemand,
une forme diminue de droit de proprit); plus hsitant, Michel Grimaldi, La fiducie :
rflexions sur linstitution et sur lavant-projet de loi qui la consacre [1991] 12 Rper-
toire du Notariat Defrnois, art 35085, 897 aux pp 984-85.
LE FIDUCIAIRE, VRITABLE PIVOT OU SIMPLE ROUAGE ? 917
titulaire, non pas dun droit rel, mais seulement dun jus ad rem, simple
droit de crance lui permettant dexercer une action paulienne spciale
lencontre du tiers de mauvaise foi45.
Les lacunes et incertitudes du droit franais en ce domaine contras-
tent avec laction de breach of trust, spcialement cre en common law
pour protger le beneficiary. En Angleterre, lvolution historique du trust
a conduit le beneficiary, lorigine dpourvu de tout droit (mais seulement
pourvu de beneficial interests), devenir titulaire de droits personnels
puis progressivement de droits in personam ad rem acquirendam46. La fi-
ducie franaise contraste galement avec la rgle selon laquelle un acqu-
reur titre gratuit ou de mauvaise foi des biens confis au trustee
lacqureur tant devenu ainsi propritaire at law devient par l mme
le trustee et doit alors grer les biens dans lintrt du beneficiary47. Les
biens demeurent donc grevs au droit quitable du bnficiaire, ce dernier
disposant dun droit de suite48.
Par ailleurs, quadvient-il en cas de pluralit de fiduciaires et de dis-
parition de lun deux? Le bnficiaire peut-il subir les consquences dune
telle situation? nouveau, le Code civil franais est muet sur la question,
qui semble devoir tre envisage sil y a lieu dans le contrat de fidu-
cie. Les parties pourraient prvoir que la fiducie se poursuive avec les fi-
duciaires subsistants, en prcisant les modalits de lventuelle rparti-
tion des pouvoirs entre eux. Le droit anglais, au contraire, prvoit cette si-
tuation courante et protge le beneficiary laide de linstitution des joint
tenants : si un trustee vient disparatre, les autres continueront admi-
nistrer valablement le trust dans lintrt du beneficiary. Ils reprendront
donc en commun, en quelque sorte, les pouvoirs du trustee disparu49.
Ces questions amnent sinterroger, par rpercussion, sur la place
du fiduciaire dans ce contexte en droit franais : nouveau, il semble quil
se trouve bien davantage face au constituant quil ne serait une vritable
interface entre constituant et bnficiaire. Pour preuve, labsence de
45 Voir notamment Louis Rigaud, propos dune renaissance du jus ad rem et dun essai
de classification nouvelle des droits patrimoniaux (1963) 15 : 3 RIDC 557; Franois
Barrire, La rception du trust au travers de la fiducie, Paris, Litec, 2004 au para 628
[Barrire, La rception du trust]; Laura Sautonie-Laguionie, La fraude paulienne, Paris,
Librairie gnrale de droit et de jurisprudence, 2008 aux paras 296 et s.
46 Voir David Hayton, The distinctive characteristics of the Trust in Anglo-Saxon law
dans Andr Prm et Claude Witz, dir, Trust et fiducie, Paris, Librairie gnrale de droit
et de jurisprudence, 2005, 1 la p 11.
47 David et Jauffret-Spinosi, supra note 20 au no 259.
48 Papandreou-Dterville, supra note 4 la p 547.
49 AH Oosterhoff et al, Oosterhoff on Trusts: Text, Commentary and Materials, 7e d, To-
ronto, Carswell, 2009, ch 12.
918 (2013) 58:4 MCGILL LAW JOURNAL ~ REVUE DE DROIT DE MCGILL
rgles lgales permettant dapporter une solution de nombreuses ques-
tions qui ne manqueront pas de se poser : le lgislateur franais laisse ces
questions relever du contrat et donc en pratique de la volont du consti-
tuant, initiateur de lopration de fiducie. On touche l un point essentiel
du mcanisme fiduciaire, tel quil a t imagin en droit franais : cest
bien le constituant qui semble avoir un rle essentiel jouer dans le
schma thorique de la fiducie. Il est le contractant par lequel tout com-
mence et, dans une certaine mesure, tout arrive.
B. La prminence du constituant
On a vu que le bnficiaire navait, en droit franais, quune position
relativement secondaire et incertaine. Quen est-il du constituant, lautre
acteur de la fiducie avec lequel le fiduciaire doit composer? On prsente
gnralement le fiduciaire comme ayant une mission de gestion dyna-
mique des biens mis en fiducie50, une prsentation valorisante de ses fonc-
tions. Il faut cependant passer du mythe la ralit lorsquon tudie ses
pouvoirs de gestion.
Le fiduciaire peut raliser tout acte sur les biens placs en fiducie,
dautant plus quil a la qualit de propritaire unique de ces biens51 et que
la loi franaise ne donne aucune prcision sur les obligations que le fidu-
ciaire doit respecter dans le cadre de sa mission. Il nexiste pas, en effet,
de thorisation des devoirs du fiduciaire en droit franais. Il nexiste pas
davantage de thorisation des remplois, dans lhypothse o le fiduciaire
dciderait de vendre des biens mis dans le patrimoine fiduciaire52.
Le fiduciaire est toutefois certainement cens respecter les obligations
gnrales de prudence et de diligence attendues de tout gestionnaire de
biens. La seule limite clairement pose aux pouvoirs du fiduciaire dans le
Code civil franais est le fait quil doive agir dans un but dtermin au
profit dun ou plusieurs bnficiaires 53. Larticle 2018(6) du Code civil
indique en outre que le contrat de fiducie dtermine [l]a mission du ou
des fiduciaires et ltendue de leurs pouvoirs dadministration et de dispo-
50 Pour une approche nuance des diverses techniques de gestion des biens dautrui au re-
gard du dynamisme de la gestion, voir Batrice Balivet, Les techniques de gestion des
biens dautrui, thse de doctorat en droit, Universit Jean Moulin – Lyon 3, 2004 [non
publie]; Pierre-Franois Cuif, Le contrat de gestion, Paris, Economica, 2004.
51 Voir ci-dessous la p 920 et s.
52 Comparer David et Jauffret-Spinosi, supra note 20 au no 259 (le droit anglais a mis en
place un principe de subrogation, tantt relle, tantt personnelle).
53 Art 2011 C civ.
LE FIDUCIAIRE, VRITABLE PIVOT OU SIMPLE ROUAGE ? 919
sition 54. On peroit l le rle dterminant jou par le constituant, co-
contractant du fiduciaire.
Le constituant a certes quelques obligations lgard du fiduciaire,
mais il faut bien admettre que celles-ci sont peu nombreuses et ponc-
tuelles : transfrer la proprit et dlivrer les biens au fiduciaire55, ven-
tuellement respecter la procdure dagrment mise en place par le lgisla-
teur franais en droit des socits lorsque les biens mis en fiducie sont des
parts sociales et, si le contrat de fiducie est conclu titre onreux, verser
une rmunration au fiduciaire56. Ce dernier, quant lui, fait ce que le
constituant lui accorde le pouvoir de faire, voire ce que requiert lintrt
des bnficiaires 57, ce qui peut se rsumer dans certains cas ne rien
faire dautre que de conserver les biens mis en fiducie (dans lhypothse,
notamment, dune fiducie-sret au profit de lui-mme, fiduciaire cran-
cier).
Ainsi, dune gestion dynamique mythique, on aboutit parfois une
simple conservation des biens, sans que le fiduciaire ait de rels pouvoirs
daction sur ceux-ci. La gestion fiduciaire tend alors driver vers un
simple dpt la rserve prs (et fondamentale) que le fiduciaire est cens
tre titulaire dun droit de proprit sur les biens. En outre, le constituant
peut obtenir le droit de conserver lusage et la jouissance des biens mis en
fiducie, par la conclusion dune convention de mise disposition vo-
que larticle 2018-1 du Code civil, ce qui rend alors la gestion fiduciaire
fort limite.
Le droit franais de la fiducie, guid par un vident souci de souplesse,
a ainsi cr une potentialit de fiducies caractrises par un montage et
des relations fortement marques par labstraction. Concrtement, le fidu-
ciaire, spcialement dans lhypothse de la fiducie-sret, peut ainsi
navoir aucune autre mission remplir que celle de conserver le bien ou
mme celle de grer abstraitement un bien dont il na pas la possession.
Ce schma est cohrent au regard de lintrt pratique de permettre au
54 Cette clause doit figurer dans le contrat de fiducie peine de nullit (art 2018 C civ).
Elle est particulirement importante car elle permettra sans doute dapprcier la res-
ponsabilit du fiduciaire en cas de difficult.
55 Le contrat de fiducie peut toutefois prvoir que le fiduciaire restera en possession des
biens placs en fiducie (art 2011 C civ : convention de mise disposition).
56 Ce sera, a priori, toujours le cas en droit franais, car larticle 2015 C civ ouvre la quali-
fiduciaire aux seuls avocats, tablissements de crdit, entreprises
t de
dinvestissement et entreprises dassurances, tous professionnels.
57 Olivier Fille-Lambie et Louis-Jrme Laisney, La fiducie : nouvelle garantie des cr-
dits syndiqus? (2010) 192 Dr et pat 76 la p 78.
920 (2013) 58:4 MCGILL LAW JOURNAL ~ REVUE DE DROIT DE MCGILL
constituant de conserver le droit duser des biens mis en fiducie58, mais il
rend difficile la perception dune cohrence densemble du mcanisme.
lextrme, pourrait-on priver le fiduciaire de tout pouvoir? Il semble
que ce soit possible, puisque le Code civil franais ne pose aucune limite
aux contours de la mission et des pouvoirs du fiduciaire. Certains auteurs
considrent toutefois que le fiduciaire doit conserver au minimum le pou-
voir dexercer des mesures conservatoires sur les biens puisquil en est le
propritaire59. Pourrait-on, par ailleurs, imposer lautorisation pralable
du constituant ou du bnficiaire pour accomplir certains actes? On peut
penser quil en serait possible, l encore dans le silence des textes et au
regard de lautonomie de la volont des parties au contrat de fiducie. La
seule limite une telle rduction des pouvoirs du fiduciaire pourrait tre
la fraude, spcialement dans lhypothse de la fiducie-gestion.
Il faut donc admettre le rle prpondrant du constituant dans la fidu-
cie de droit franais : il imprime sa volont dans le contrat de fiducie et
reste largement matre de la situation, quil sagisse de fiducie-gestion ou
de fiducie-sret. Cette perspective est lgitime dans lhypothse de la fi-
ducie-gestion, dans la mesure o lide est de permettre une personne de
confier un tiers la gestion de tout ou dune partie de ses biens dans un
but dtermin, auquel le gestionnaire doit se soumettre. De mme,
lorsquil sagit dune fiducie-sret, on peut comprendre que le constituant
souhaite prciser (a priori en accord avec le crancier bnficiaire) les
actes que le fiduciaire pourra accomplir, afin de scuriser au maximum la
garantie. Nanmoins, mme si le but recherch est comprhensible, voire
lgitime, il nest pas vident de le faire saccorder avec la qualification de
propritaire accorde au fiduciaire par le droit franais60.
De plus, le constituant peut accentuer sa prminence dans le rapport
fiduciaire en renforant son pouvoir de contrle sur le patrimoine fidu-
ciaire par la nomination dun tiers charg de sassurer de la prservation
de ses intrts dans le cadre de lexcution du contrat et qui peut disposer
des pouvoirs que la loi accorde au constituant 61. Ce tiers est inspir du
protecteur parfois prvu par les trusts de droit tranger, bien que ses
prrogatives ne soient pas identiques. Il peut contrler la gestion du fidu-
ciaire, solliciter son remplacement62, voire exercer tous les pouvoirs du
constituant et devenir ainsi lil du constituant . Le fiduciaire agit donc
sous contrle , cela est trs net dans la lgislation franaise. Pour au-
58 Cest spcialement le cas dans lhypothse de la fiduciesret.
59 La fiducie, supra note 6 au no 3280.
60 Voir infra Partie 2.
61 Art 2017 C civ.
62 Art 2027 C civ.
LE FIDUCIAIRE, VRITABLE PIVOT OU SIMPLE ROUAGE ? 921
tant, et cela peut sembler paradoxal, le rgime de sa responsabilit ne fait
que lobjet dune bauche dans le Code civil franais.
C. Le paradoxe de lbauche dune responsabilit fiduciaire
La question de la responsabilit du fiduciaire lgard du constituant
et lgard du bnficiaire renvoie celle, sous-jacente et importante, de
la protection du constituant et du bnficiaire de la fiducie. Elle participe
aussi au dbat sur la place plus ou moins essentielle accorde au fidu-
ciaire dans lopration de fiducie, car on peut penser que plus
lintervention du fiduciaire et ses obligations seront tendues, plus sa res-
ponsabilit mritera attention de la part du lgislateur. Or, on constate
que le Code civil franais sintresse peu la responsabilit du fiduciaire.
Un seul article est clairement consacr cette responsabilit, certes fon-
damental, mais succinct : Le fiduciaire est responsable, sur son patri-
moine propre, des fautes quil commet dans lexercice de sa mission 63. Le
fiduciaire peut tre responsable civilement et pnalement (sur le fonde-
ment de labus de confiance en particulier). Cependant, de nombreux
points concernant le rgime de sa responsabilit civile ne sont pas abords
par le Code civil.
Il ne fait pas de doute que le fiduciaire est contractuellement respon-
sable lgard du constituant en cas de non-respect des dispositions du
contrat de fiducie. Il ne fait pas de doute non plus que le fiduciaire engage
sa responsabilit dlictuelle pour les fautes commises lgard des tiers
au contrat de fiducie. Mais quen est-il de sa responsabilit lgard du
bnficiaire? La question est dlicate dans la mesure o il existe un dbat
doctrinal portant sur la nature mme des droits accords au bnficiaire
par le lgislateur franais.
On a vu quen principe, le bnficiaire ntait titulaire que de droits
personnels lgard du fiduciaire, mais sa situation, alors insatisfaisante,
car insuffisamment protge, pousse une partie de la doctrine franaise
tenter de lui accorder des droits plus efficaces. Certains auteurs consid-
rent que le bnficiaire devrait avoir des droits personnels ayant une effi-
cacit comparable celle des droits rels sur les biens mis en fiducie64. On
glisserait ainsi de la catgorie des droits personnels celle des droits r-
63 Art 2026 C civ. Voir gnralement Nicolas Borga, Le fiduciaire responsable (exgse
de larticle 2026 du Code civil)? , (2010) 47 Revue Lamy droit des affaires 83; Philippe
Delebecque, La responsabilit du fiduciaire (2009) 186 Dr et pat 42.
64 Voir notamment Barrire, La rception du trust, supra note 47 aux paras 626-29, qui
retient le concept de jus ad rem.
922 (2013) 58:4 MCGILL LAW JOURNAL ~ REVUE DE DROIT DE MCGILL
els65. Dautres auteurs lui accordent mme un droit rel plnier sui gene-
ris66. Un ouvrage rcent dfend par ailleurs lide selon laquelle la fiducie
renfermerait au profit du bnficiaire une stipulation pour autrui, avec les
actions qui y sont attaches67. Toutefois, le Code civil reste bien silencieux
sur ces questions.
Larticle 2026 du Code civil pose comme condition de la responsabilit
du fiduciaire lexistence dune faute. Le concept est abstrait, et pas forc-
ment bienvenu dans le contexte dune responsabilit contractuelle
lgard du constituant, car il existe tout un dbat doctrinal en France sur
la question de lexistence mme dune faute contractuelle en droit de la
responsabilit contractuelle68. Il nexiste donc pas, en droit franais, de
devoirs fiduciaires clairement dfinis69. Le Code civil loblige certes
rendre compte au constituant (voire au bnficiaire ou au tiers de larticle
2017 du Code civil)70, mais pour le reste, ses obligations restent vagues : il
doit agir conformment aux intrts qui lui sont confis ( peine dtre
sinon remplac71), dans la mesure o une mission et des pouvoirs lui
ont effectivement t confis72. Lide gnrale semble tre que le fidu-
65 Jacqueline de Guillenschmidt voque ainsi un droit teint de ralit : La France
sans la fiducie? (1991) 35 : 2 Revue de la Jurisprudence Commerciale 49 la p 58.
66 Voir en particulier, Danos, La qualification des droits , supra note 46 au para 12.
67 La fiducie, supra note 6 au no 751. Dans lhypothse o une stipulation pour autrui se-
rait reconnue au profit du bnficiaire, celui-ci, sil a accept la fiducie, pourrait alors
exercer une action directe lencontre du fiduciaire, en vue dobtenir lexcution du con-
trat et de demander rparation du prjudice subi du fait de linexcution ou de la mau-
vaise excution du contrat de fiducie. Sil na pas accept la fiducie, il conviendrait alors
de reconnatre au minimum au bnficiaire une action en responsabilit dlictuelle
lencontre du fiduciaire.
68 Voir notamment Denis Tallon, Pourquoi parler de faute contractuelle? , dans Jean
Beauchard et Pierre Couvrat, dir, Droit civil, procdure, linguistique juridique : crits
en hommage Grard Cornu, Paris, Presses Universitaires de France, 1995, 429 la
p 429 ; Philippe Rmy, La responsabilit contractuelle : histoire dun faux concept
[1997] 2 RTD civ 323.
69 James Leavy, Administration de la fiducie : quels pouvoirs et devoirs pour le fidu-
ciaire? (2009) 123 B & dr 14. Par comparaison, les devoirs du trustee sont fort dvelop-
ps en droit anglo-amricain. On peut citer lexemple du trust australien, qui reconnat
lexistence dun duty of care pesant sur le trustee, dont il est impossible de sexonrer
laide dune clause contractuelle. Ce devoir gnral se dcline en devoir dviter les con-
flits dintrts entre les obligations tires du trust et les intrts personnels du trustee,
en devoir dinformer le bnficiaire de tout lment relevant de ses intrts, en devoir
de transfrer la proprit au bnficiaire capable et en devoir dagir loyalement
lgard du bnficiaire : Denis Ong, Trusts Law in Australia, 3e d, Sydney (Au), The
Federation Press, 2007 la p 219 et s.
70 Art 2019 C Civ.
71 Art 2027 C civ.
72 Art 2018(6) et 2023 C civ.
LE FIDUCIAIRE, VRITABLE PIVOT OU SIMPLE ROUAGE ? 923
ciaire est une personne de confiance et quil doit donc respecter sa mis-
sion : sen carter constitue sans doute une faute au sens de larticle
2026 du Code civil.
De nombreuses questions restent toutefois en suspens :
Le fiduciaire a-t-il une obligation de moyens ou une obligation de
rsultat dans la dfense des intrts qui lui sont confis 73? Il
faut esprer que la clause du contrat de fiducie prcisant quelles
sont ses missions sattache aussi prciser lintensit de ses obli-
gations lgard du constituant.
Peut-on limiter la responsabilit du fiduciaire, par exemple aux
seuls cas de dol ou de faute lourde quil aurait commis? Rien ne
semble sopposer une telle limitation de sa responsabilit, du
moins dans un rapport juridique entre constituant et fiduciaire
professionnels. lgard du bnficiaire toutefois, une telle clause
pourrait tre sans effet, si lon admet que le fiduciaire est respon-
sable sur le plan dlictuel lgard du bnficiaire74. En effet, il est
impossible de limiter efficacement sa responsabilit dlictuelle en
droit franais.
Le fiduciaire est-il responsable lgard du tiers expressment vi-
s larticle 2017 du Code civil et, si oui, sur quel fondement?
En cas de pluralit de fiduciaires, comment grer leur responsabi-
lit contractuelle et dlictuelle si rien nest prcis dans le contrat
de fiducie?
Le fiduciaire peut-il librement dlguer tous ou une partie des
pouvoirs quil a reus et, dans cette hypothse, pourra-t-on enga-
ger la responsabilit du fiduciaire dlgu en cas de faute de sa
part75?
73 Art 2027 C civ.
74 Ce qui est discut, voir supra la p 915 et s.
75 titre de comparaison, cette question est expressment envisage par le Restatement
(Third) of the Law of Trusts 80(1) (1990) et par la rglementation chinoise du
Trust (Trust Law of the Peoples Republic of China (Order of the President No 50), 28
avril 2001, art 30, en ligne : Chinese Government
Worlds of the Trust: Duties and Liabilities of Trustees under the Chinese Trust dans
Lionel Smith, dir, The Worlds of the Trust, Cambridge University Press [ paratre en
2013]). En droit franais, il semble a priori difficile dadmettre la conclusion, par le fidu-
ciaire, dun sous-contrat de fiducie, en raison du caractre intuitu personae du contrat
de fiducie (voir art 2018(4) C civ). Le fiduciaire pourrait-il nanmoins donner mandat
un tiers daccomplir une partie de sa mission? Dans la mesure o le fiduciaire na pas
forcment toutes les comptences requises pour grer lensemble des biens placs en fi-
924 (2013) 58:4 MCGILL LAW JOURNAL ~ REVUE DE DROIT DE MCGILL
Comment, en outre, interprter la disposition relative au rempla-
cement du fiduciaire76? Dans quels cas y a-t-il manquement du fi-
duciaire ses devoirs et surtout quels sont ses devoirs? Faut-il
considrer que ceux-ci sont forcment dfinis dans le contrat de fi-
ducie ou bien existe-t-il des devoirs gnraux du fiduciaire? Cest
poser l la question sous-jacente du rle du juge dans la dtermi-
nation des obligations du fiduciaire. Par ailleurs, il semble que les
conditions du remplacement du fiduciaire soient bien distinctes
des conditions de mise en cause de la responsabilit du fiduciaire :
larticle 2027 du Code civil, contrairement son article 2026,
nvoque pas, en effet, la faute du fiduciaire. La mise en pril
des intrts confis pourrait simplement renvoyer une gestion
non pertinente des biens mis en fiducie.
Dautres questions, plus prcises, pourraient encore tre souleves, qui
dmontrent en tout tat de cause que le lgislateur franais ne sest pas
suffisamment attard la responsabilit du fiduciaire. Quelques rgles
spciales figurent toutefois dans le Code civil, notamment larticle 1596,
alina 6, qui aborde la question dun ventuel conflit dintrts, ou encore
son article 2021, qui impose au fiduciaire dinformer les tiers de sa quali-
t. Lexercice de la qualit de fiduciaire par les avocats est en outre rgle-
ment depuis rcemment77.
ducie, la question ne devrait pas manquer de se poser en pratique. La conclusion dun
tel mandat pourrait par ailleurs entraner lventuelle conclusion de substitutions de
mandataires subsquentes, sur le fondement de larticle 1994 du Code civil, qui laisse
en principe toute libert au mandataire de se substituer un tiers.
76 Art 2027 C civ ( En labsence de stipulations contractuelles prvoyant les conditions de
son remplacement, si le fiduciaire manque ses devoirs ou met en pril les intrts qui
lui sont confis [] le constituant, le bnficiaire ou le tiers dsign en application de
larticle 2017 peut demander en justice la nomination dun fiduciaire provisoire ou solli-
citer le remplacement du fiduciaire ).
77 Voir notamment Clarisse Sand, Dernires prcisions concernant les conditions
dexercice de la qualit de fiduciaire par les avocats : propos du dcret du 23 dcembre
2009 (2010) JCP G 76; Reinhard Dammann et Andr Albertini, Lavocat face la fi-
ducie : Guide pratique de bonne conduite (2011) JCP G supp no 41, 4. En vertu du D-
cret no 2009-1627 du 23 dcembre 2009 relatif lexercice de la fiducie par les avocats,
JO, 26 dcembre 2009, 22310 et Dcret no 2011-1319, supra note 14, lavocat fiduciaire
est dbiteur dobligations spcifiques tant lgard du Barreau qu lgard du consti-
tuant ou du bnficiaire, notamment : souscrire une assurance spciale, informer le
constituant et le bnficiaire de la souscription de lassurance et de lvolution du con-
trat, tenir une comptabilit spare. Lavocat fiduciaire a en outre une obligation de
comptence, dont les contours exacts restent prciser (Rglement intrieur national de
la profession, art 6.2.1.5); des formations spcifiques devraient tre organises par les
divers barreaux mais nont pas encore vu le jour. Le 22 novembre 2012, la banque BNP
Paribas et le Barreau de Paris ont sign une convention de partenariat permettant le
lancement de la premire offre de garantie fiduciaire exige pour la pratique de la fidu-
LE FIDUCIAIRE, VRITABLE PIVOT OU SIMPLE ROUAGE ? 925
Pour le reste, le lgislateur franais compte renvoyer sans aucun
doute, au droit commun des contrats et de la responsabilit dlictuelle. On
peut ainsi penser que dans ses rapports avec le constituant, le fiduciaire
soblige excuter le contrat de fiducie de bonne foi78 et collaborer avec
lui. De mme, on peut penser quune clause pnale pourrait efficacement
tre insre au contrat de fiducie, soumise au rgime gnral de larticle
1152 du Code civil franais79.
Il semble donc, pour conclure cette premire partie, que le contrat de
fiducie joue un rle prminent dans lorganisation et le montage de
lopration de fiducie. Bien quil napparaisse pas dans la dfinition de
larticle 2011 du Code civil franais (qui insiste plutt sur le concept
dopration de fiducie et sur le transfert de biens dans un patrimoine
spar gr par le fiduciaire), le contrat pass entre le constituant et le fi-
duciaire est bien la base essentielle de lopration de fiducie. Or, ce contrat
a pour principal objet de dfinir les contours de la mission du fiduciaire
ainsi que de dlimiter ses pouvoirs : son contenu dpend troitement de la
volont du constituant et non de celle du fiduciaire, qui ne fera bien sou-
vent quaccepter les dcisions prises par son co-contractant. Rares en pra-
tique seront les hypothses dans lesquelles le fiduciaire prendra relle-
ment part la ngociation de ses prrogatives. En revanche, probable-
ment frquentes seront les hypothses dans lesquelles le constituant aura
pris soin de prvoir les conditions (souples) de son remplacement ou en-
core la dsignation dun tiers charg de surveiller la gestion du fiduciaire.
Le fiduciaire est galement le propritaire diminu des biens placs
dans le patrimoine fiduciaire.
II. Le fiduciaire, propritaire diminu
En droit franais, la mise en uvre dune fiducie entrane comme effet
principal le transfert de la proprit des biens mis en fiducie du patri-
moine personnel du constituant au patrimoine fiduciaire. Le concept
mme de transfert de proprit ne figure pas dans la dfinition de
larticle 2011 du Code civil franais, mais la doctrine saccorde pour consi-
drer que cest bien ainsi quil faut interprter cette disposition.
Tous les droits trangers admettant la fiducie ou le trust ne retiennent
pas cette condition de transfert de proprit des biens placs en fiducie. Le
droit russe, notamment, a cr dans son nouveau Code civil le trust de
cie par les avocats. Cette garantie sera accorde sous la forme dun cautionnement mis
par la banque loccasion de chaque contrat de fiducie.
78 Art 1134 C civ.
79 Cette disposition donne au juge le pouvoir de rduire ou daugmenter le montant fix
par la clause pnale, au cas o celui-ci serait manifestement drisoire ou excessif.
926 (2013) 58:4 MCGILL LAW JOURNAL ~ REVUE DE DROIT DE MCGILL
gestion , inspir du trust anglo-amricain, mais seulement partiellement,
car il sagit clairement dun contrat spcial, non dune institution relevant
du droit des biens. Or, le Code civil de la Fdration de Russie, tout en fai-
sant appel au concept de transfert de biens dans le trust de gestion80, pr-
cise clairement par ailleurs que [l]a remise des biens dans un trust de
gestion ne transfre pas le droit de proprit au grant du trust qui a pour
obligation dassurer la gestion des biens dans lintrt du propritaire ou
dun tiers dtermin 81. Le droit chinois, galement, ne consacre pas le
transfert de proprit des biens lgard du fiduciaire. Larticle 2 du Trust
Law of the Peoples Republic of China82 indique en effet que le settlor en-
trusts his property rights to the trustee , ce qui doit tre distingu dun
transfert de proprit83. En outre, certains droits trangers admettent
tout comme le droit franais lide dun transfert de proprit des biens,
sans pour autant que soit cr un patrimoine fiduciaire spar du patri-
moine propre du fiduciaire. Cest le cas en particulier du droit suisse, sur
le modle de la fiducia romaine84.
La France a fait un choix radical au regard de sa tradition juridique :
non seulement elle a admis que la fiducie puisse entraner un double
transfert de proprit, du constituant au fiduciaire dans un premier
temps, puis du fiduciaire au bnficiaire dans un second temps, mais elle
a en outre consacr en 2007 la thorie dite du patrimoine daffectation85.
Cette conscration, envisage dun point de vue thorique, doit logique-
ment entraner au profit du fiduciaire un ensemble de prrogatives re-
marquables, celles attaches la qualit de propritaire dans les sys-
tmes de droit civil. Sous cette perspective, le fiduciaire semble bien se
voir accorder en droit franais le rle de pivot dans lopration fiduciaire,
80 Sur ce contrat, voir Code civil de la Fdration de Russie, art 1012 tel cit dans David et
Jauffret-Spinosi, supra note 20 au no 210 : Un propritaire peut transfrer des biens
dans un trust de gestion une autre personne (appele le grant du trust) .
81 Ibid.
82 Supra note 78.
83 Lee, supra note 77.
84 La fiducia romaine a galement beaucoup influenc la fiducie de droit allemand, d-
nomme Treuhand (ou fiduziarisches Rechtsgeschft), dont le rgime juridique, prto-
rien, sest dvelopp partir de lart 903 du code civil allemand (Brgerliche Ge-
setzbuch, abrg BGB) (selon le Kommentar du BGB (Palandt BGB Kommentar, 62e d,
CH Beck, 2003, 903 au no 33 et s).
85 En ralit, il nest pas certain que le patrimoine fiduciaire puisse vritablement tre
qualifi de patrimoine daffectation , dans la mesure o il ne sagit pas pour le consti-
tuant de crer un second patrimoine aux cts de son patrimoine personnel, dans lequel
il aurait affect certains de ses biens, mais plutt de confier la gestion dune partie de
ses biens autrui (le fiduciaire), qui va alors crer un patrimoine spar du sien propre.
La distinction, subtile, est faite par une partie de la doctrine.
LE FIDUCIAIRE, VRITABLE PIVOT OU SIMPLE ROUAGE ? 927
indispensable passeur de proprit entre le constituant et le bnfi-
ciaire.
Plusieurs arguments permettent toutefois de dmontrer quen ralit,
le fiduciaire nest quun propritaire diminu, du moins ses prrogatives
classiques de propritaire peuvent-elles tre profondment atteintes, voire
ignores. La fiducie franaise rvle en effet des brches ouvertes dans les
attributs classiques de la proprit (A). Elle place en outre le fiduciaire
sous une pe de Damocls, qui rend sa qualit de propritaire trs fragile
(B). De plus, le lgislateur franais a tent une ultime atteinte au droit de
proprit du fiduciaire en imaginant la possibilit dun clatement, sur le
modle du trust, de la proprit entre le fiduciaire et le bnficiaire (C).
A. Brches ouvertes dans les attributs du fiduciaire propritaire
La fiducie, on la vu, est souvent prsente comme mettant en uvre
une technique de double transfert de proprit86 : un premier transfert de
proprit du patrimoine propre du constituant au patrimoine dit fidu-
ciaire gr par le fiduciaire, puis un second transfert, lextinction de la
fiducie, du patrimoine fiduciaire au patrimoine propre du bnficiaire de
la fiducie (qui peut tre un tiers ou le fiduciaire lui-mme) moins que
les biens ne retournent dans le patrimoine propre du constituant. Ce
transfert de proprit confre la fiducie franaise tout son intrt, les ob-
jectifs viss tant dune part, dviter que des tiers lopration de fiducie
puissent venir puiser dans cette masse de biens (fiducie-sret), dautre
part, de favoriser une gestion dynamique des biens par le fiduciaire (fidu-
cie-gestion).
Or, la substance du droit de proprit, en droit franais, se trouve
larticle 544 du Code civil. Il est certes difficile de mettre en lumire une
dfinition de la proprit qui fasse lunanimit dans la doctrine franaise,
mais il semble que la majorit des auteurs saccorde considrer que la
proprit runit toutes les utilits des biens, quelle est le droit rel le plus
complet que lon puisse exercer sur une chose et quelle se manifeste es-
sentiellement par lexclusivit quelle confre au titulaire du droit de pro-
86 Voir Frdric Zenati-Castaing et Thierry Revet, Les Biens, 3e d, Paris, Presses Univer-
sitaires de France, 2008 aux nos 255, 261 et 287; Philippe Malaurie et Laurent Ayns,
Droit civil : Les biens, 4e d, Paris, Defrnois, 2010 au no 757; Pascal Puig, La fiducie et
les contrats nomms (2008) 171 Dr et pat 68; plus nuancs, Rmy Libchaber, Les as-
pects civils de la fiducie dans la loi du 19 fvrier 2007, 1re partie [2007] 15 Rpertoire
du Notariat Defrnois, art 38631, 1094 au no 2, 19 et s [Libchaber, Les aspects civils de
la fiducie ]; Grimaldi, supra note 46 la p 914 ( la formule selon laquelle la fiducie se-
rait un contrat translatif de proprit est manier avec prudence puisqu’elle n’opre
aucun transfert de richesse ).
928 (2013) 58:4 MCGILL LAW JOURNAL ~ REVUE DE DROIT DE MCGILL
prit ainsi que par sa vocation la perptuit87. Parce quil est seul
matre de son bien, le propritaire peut en user, en tirer les fruits et sur-
tout en disposer. Or, quobserve-t-on dans le cadre de la fiducie?
Le fiduciaire peut potentiellement tre trs limit dans lexercice de
ses prrogatives sur le bien (usus, fructus, abusus). Certes, les dispositions
du Code civil franais relatives la fiducie ne retirent pas expressment
au fiduciaire telle ou telle prrogative traditionnellement attache au
droit de proprit, mais elles contiennent en germe de nombreuses limita-
tions importantes aux attributs de la proprit. Elles nenvisagent en effet
les prrogatives du fiduciaire que de manire restrictive. Le fiduciaire
nest titulaire des prrogatives dun propritaire sur sa chose que dans la
stricte mesure des limites imposes ses prrogatives par le constituant.
La situation du fiduciaire relve donc dun esprit contraire celui qui
anime le droit de proprit ordinaire : le fiduciaire nest pas un propri-
taire entendu comme seul matre de sa chose, mais bien davantage un
gestionnaire (fiducie-gestion) ou un conservateur (fiducie-sret), soumis
un impratif de respect du but dtermin de lopration88 et des pou-
voirs que le constituant a bien voulu lui laisser.
Certes, le propritaire fiduciaire nest pas le seul propritaire qui ver-
rait ses prrogatives limites, du moins pendant un temps. Dans
lhypothse de la rserve de proprit89, par exemple, on retrouve cette n-
cessaire limitation aux prrogatives du propritaire. Cependant, une dif-
frence importante entre ces deux hypothses de proprit finalise doit
tre souligne, car dans le premier cas (clause de rserve de proprit), le
vendeur rservataire accepte de voir ses prrogatives limites pendant un
temps dans son propre intrt, alors que dans lhypothse de la fiducie,
ces limitations sont mises en place dans lintrt dun tiers90. Cest ce qui
87 Voir notamment Jacques Ghestin, Trait de droit civil : Les biens, 2e d par Jean-Louis
Bergel, Marc Bruschi et Sylvie Cimamonti, Paris, Librairie gnrale de droit et de ju-
risprudence, Lextenso, 2010 au no 92 et s ; Malaurie et Ayns, supra note 89 au no 455
et s; Franois Terr et Philippe Simler, Droit civil : Les biens, 8e d, Paris, Dalloz, 2010
au no 140 et s; Grard Cornu, Droit civil : Les biens, 13e d, Paris, Domat, 2007 au no 26
et s ; William Dross, Droit civil : Les choses, Paris, Librairie gnrale de droit et de ju-
risprudence, Lextenso, 2012 au no 141 et s ; comparer avec Frdric Zenati, Pour une
rnovation de la thorie de la proprit [1993] 2 RTD civ 305.
88 Art 2011 C civ.
89 Art 2367, al 1 C civ : La proprit dun bien peut tre retenue en garantie par leffet
dune clause de rserve de proprit qui suspend leffet translatif dun contrat jusquau
complet paiement de lobligation qui en constitue la contrepartie .
90 Il faut toutefois rserver lhypothse de la fiduciesret dans laquelle le bnficiaire
est le fiduciaire : dans ce cas, la fiducie est conclue dans lintrt du fiduciaire. Cette ob-
servation peut dailleurs amener sinterroger sur lunit mme de la fiducie franaise,
lhypothse de fiduciesret qui vient dtre voque ne se distinguant pas fondamen-
LE FIDUCIAIRE, VRITABLE PIVOT OU SIMPLE ROUAGE ? 929
amne des auteurs reconnatre dans le fiduciaire une forme de propri-
taire pour le compte dautrui91. Mais peut-on encore parler de proprit
lorsque le fiduciaire perd les prrogatives classiques dun propritaire,
dans lintrt dautrui et de manire dfinitive?
B. Le fiduciaire propritaire sous lpe de Damocls
Si lon sintresse prsent aux caractres fondamentaux du droit de
proprit, du moins ceux qui semblent tre gnralement considrs en
doctrine comme tant de vritables caractristiques de la proprit (exclu-
sivit et perptuit92) que ressort-il de leur confrontation avec la propri-
t fiduciaire ?
La perptuit, en premier lieu, nest aucunement attache la pro-
prit fiduciaire : la fiducie est gnralement prsente comme tant par
essence temporaire (limite un maximum de 99 ans compter de la si-
gnature du contrat93) et la proprit fiduciaire na aucune vocation durer
au-del du contrat de fiducie. Bien plus, le fiduciaire peut se voir retirer la
proprit fiduciaire contre sa volont, dans plusieurs hypothses : larticle
2027 du Code civil organise ainsi son remplacement, soit dans le cadre des
stipulations contractuelles qui peuvent en prvoir librement les condi-
tions, soit (surtout) sur des fondements lgaux (manquement ses de-
voirs, mise en pril des intrts qui lui sont confis, ouverture son en-
contre dune procdure de sauvegarde ou de redressement judiciaire).
Quant larticle 2028, il ouvre la possibilit au constituant de rvoquer le
fiduciaire, qui va ainsi perdre la proprit des biens mis en fiducie.
Lexclusivit, en second lieu, pose galement difficult propos de la
proprit fiduciaire. Lexclusivit tablit en effet un rapport privatif et
talement du mcanisme dautres srets-proprit admises sans difficult en droit fran-
ais.
91 Voir Laurent Kaczmarek, Proprit fiduciaire et droits des intervenants lopration
(2009) D 1845; galement, Frdric Danos, Proprit, possession et opposabilit, Paris,
Economica, 2007 au no 43 [Danos, Proprit], qui parle dune proprit au service
dautrui .
92 Le caractre absolu du droit de proprit, affirm larticle 544 C civ, subit tellement
datteintes en droit positif quil nest frquemment plus considr comme un caractre
distinctif du droit de proprit. En ce sens, voir notamment Cornu, supra note 90 au no
29; Christian Larroumet, Droit civil : Les biens, droits rels principaux, t 2, 5e d, Chris-
tian Larroumet, dir, Paris, Economica, 2006 au no 211 et s; Ghestin, supra note 90 au no
93 et s ; Grimaldi, supra note 46 aux pp 915-17; plus nuancs, Terr et Simler, supra
note 90 au no 141 et s; contra, Malaurie et Ayns, supra note 89 aux no 431 et 455. Il
apparat en tout tat de cause trs difficile daffirmer que le fiduciaire aurait un droit de
proprit absolu sur les biens placs en fiducie, tant ses prrogatives sont limites.
93 Art 2018(2) C civ. Voir cependant contra : Crocq, Proprit fiduciaire , supra note 43
aux pp 9-10; Dross, supra note 90 au no 112-1.
930 (2013) 58:4 MCGILL LAW JOURNAL ~ REVUE DE DROIT DE MCGILL
confre au propritaire le pouvoir dexclure , cest–dire de faire chap-
per la chose au pouvoir de toute autre personne que lui-mme94. Lide
gnrale qui sous-tend le caractre exclusif de la proprit est donc celle
dune matrise de la chose et de ses utilits par le seul propritaire de
celle-ci, car il en est le seul matre95. Or, la proprit fiduciaire ne
semble aucunement confrer au fiduciaire une telle matrise sur le patri-
moine fiduciaire. Cest au contraire le fiduciaire lui-mme qui peut tre
exclu de ce rapport aux biens par leffet de la dcision du constituant ou
du tiers bnficiaire.
Ainsi quon la dj voqu, plusieurs dispositions rendent compte dun
remarquable pouvoir de contrle de la gestion des biens mis en fiducie, ac-
cord au constituant : on a vu que le fiduciaire devait avant toute chose se
conformer la mission 96 que lui a confie le constituant. Il doit en outre
rendre des comptes au constituant97 et il est responsable des fautes quil
commet dans lexercice de sa mission98. Par ailleurs, lorganisation dun
contrle de lexercice de la proprit fiduciaire est particulirement
mise en exergue larticle 2017 du Code civil, qui prvoit la possibilit,
tout moment, pour le constituant, de dsigner un tiers charg de
sassurer de la prservation de ses intrts dans le cadre de lexcution du
contrat : le fiduciaire agit alors sous lil dun censeur, reprsentant du
constituant.
La proprit fiduciaire nest donc aucunement entendue comme une
proprit libre. On la qualifie ainsi de proprit dun nouveau type, une
proprit avec charge 99. Certes, la notion mme de proprit avec charge
94 Zenati-Castaing et Revet, supra note 89 la p 315 et s.
95 En ce sens, Jean-Louis Bergel, La proprit, Paris, Dalloz, 1994, la p 31; Terr et Si-
mler, supra note 90 au no 143.
96 Le terme, fort rvlateur de lesprit de la fiducie et qui renvoie davantage lide de re-
prsentation ou de dlgation de pouvoirs qu celle de proprit, est employ plu-
sieurs reprises dans le Code civil, aux art 2018(6), 2022, 2026. On le retrouve gale-
ment dans la Dcision du 24 avril 2009 portant rforme du rglement intrieur national
(RIN) de la profession d’avocat (art. 21-1 de la loi du 31 dcembre 1971 modifie), JO, 12
mai 2009, 7875.
97 Art 2022 C civ.
98 Art 2026 C civ.
99 Voir France, Snat, Commission des Finances, du contrle budgtaire et des comptes
conomiques de la Nation, Rapport sur la proposition de loi, adopte par l’Assemble
Nationale, tendant favoriser l’accs au crdit des petites et moyennes entreprises, par
Philippe Marini, rapport no 442 (27 mai 2009) la p 83 [Marini]. La doctrine franaise
ne tarit pas dimagination pour dcrire cette nouvelle proprit, usant de multiples ad-
jectifs destins rendre compte de son particularisme. Le fiduciaire serait ainsi un
propritaire oblig et la proprit fiduciaire une proprit modele , imparfaite ,
amoindrie ou encore phmre … (Blandine Mallet-Bricout, Fiducie et proprit
LE FIDUCIAIRE, VRITABLE PIVOT OU SIMPLE ROUAGE ? 931
nest pas nouvelle en droit franais et ne soppose pas la qualification de
proprit; toutefois, la proprit fiduciaire prsente la particularit
dimposer des charges importantes au fiduciaire non dans son propre int-
rt, mais dans lintrt dautrui.
Quelle est alors cette proprit que lon peut perdre, par remplace-
ment ou par rvocation, la demande dun tiers? Il sagit l, minemment,
dune opration finalise dans laquelle le principal acteur (ou suppos tel)
est en ralit asservi aux dcisions et aux choix dautres protagonistes
lopration100. Or, il est difficile, si lon sen tient la notion classique de
proprit pilier de notre droit civil101 dadmettre lide dun propri-
taire asservi102. Ce constat pousse sinterroger sur la qualification mme
de propritaire applique au fiduciaire, ainsi que quelques auteurs ont pu
le souligner103.
En outre, la reconnaissance dun vritable droit de proprit accord
au fiduciaire emporte des consquences pratiques non rsolues, par
exemple dans lhypothse de lintroduction dans le patrimoine fiduciaire
de biens commerciaux : comment grer linscription au registre du com-
merce et des socits du propritaire dun fonds de commerce plac en fi-
ducie? Faut-il inscrire le fiduciaire, en sa qualit de propritaire alors
quil est fort probable quil ne grera pas lui-mme le fonds104? tre inscrit
dans Sarah Bros et Blandine Mallet-Bricout, Liber Amicorum : Christian Larroumet,
Paris, Economica, 2010, 297 la p 315).
100 Contra, Garza, supra note 19, no 425 et s, 510 et s, qui considre que le fiduciaire ne
saurait tre assimil un propritaire sans libert , car il reste le matre de ses d-
cisions et il choisit comment exercer son droit .
101 Jean Carbonnier, Flexible droit : pour une sociologie du droit sans rigueur, 10e d, Paris,
Librairie Gnrale de Droit et de Jurisprudence, 2001, la p 255.
102 Sur les liens philosophiques entre proprit et libert, voir notamment Michal Xifaras,
La proprit : tude de philosophie du droit, Paris, Presses Universitaires de France,
2004, aux pp 90, 280 et s; Denis Alland et Stphane Rials, dir, Dictionnaire de la culture
juridique, Paris, Presses Universitaires de France, 2003, sub verbo proprit (droit
de) par Anne-Marie Patault.
103 Rmy Libchaber, Une fiducie franaise, inutile et incertaine dans Mlanges Phi-
lippe Malaurie : Liber amicorum, Paris, Defrnois, 2005, 303, no 13 s; Libchaber, Les
aspects civils de la fiducie , supra note 89 au no 25; voir galement Danos, Proprit,
supra note 94, no 43; Pierre Crocq, Proprit et garantie, Paris, Librairie Gnrale de
Droit et de Jurisprudence, 1995 aux pp 195-96. Bouteille, au contraire, dfend lide se-
lon laquelle le droit du fiduciaire serait une modalit externe de la proprit , ce qui
lui permet daffirmer lexistence de la proprit du fiduciaire , compatible avec la
thorie classique de la proprit en droit civil : Magali Bouteille, La proprit fidu-
ciaire, une modalit externe de la proprit (2010) 74 Revue Lamy droit civil 36.
104 Le fiduciaire avocat, en particulier, ne pourra grer lui-mme le fonds de commerce en
raison des interdictions professionnelles qui sont attaches cette profession. En outre,
la convention dusage et de jouissance prvue lart 2018-1 C civ permettra dans bien
des cas au constituant de conserver lusage de son bien.
932 (2013) 58:4 MCGILL LAW JOURNAL ~ REVUE DE DROIT DE MCGILL
au registre du commerce en qualit de propritaire du fonds de commerce
mis en fiducie ne correspond ds lors aucune ralit conomique.
Autre exemple, lhypothse dans laquelle le fiduciaire viendrait c-
der, sans avoir le pouvoir de disposer, un bien plac dans le patrimoine fi-
duciaire : il faut convenir que la sanction attache la vente de la chose
dautrui doit tre exclue105, puisque le fiduciaire est le propritaire du
bien. Quelle action pourrait alors engager le constituant, voire le bnfi-
ciaire, son encontre? Une action en revendication semble exclue, reste-
rait une action en responsabilit personnelle lencontre du fiduciaire
maigre consolation106.
Finalement, on voit bien que les difficults naissent essentiellement
du fait que la fiducie est aussi et avant tout un contrat, un contrat spcial
qui repose officiellement sur lide dun transfert de proprit, mais qui
reste trs marqu par une forte charge obligationnelle107. Au fond, dans la
fiducie, le contrat napparat pas comme le simple support du transfert de
proprit, ce qui est en gnral sa fonction. Il est le cur du mcanisme,
la proprit fiduciaire [] ntant quun instrument au service dune fina-
lit conomique bien dfinie [italiques dans loriginal]108. La proprit
devient ainsi linstrument de rapports dobligations dominants, au risque
de perdre sa substance mme. Et le fiduciaire nest plus alors, au mieux,
quun propritaire diminu . Le lgislateur franais a mme tent
daccentuer cette tendance en proposant de faire clater la proprit fidu-
ciaire entre fiduciaire et bnficiaire, sur le modle du trust anglo-
amricain.
C. La tentative avorte de ddoublement du propritaire dans la fiducie
franaise
En octobre 2009, le lgislateur franais a profit des incertitudes atta-
ches la notion de proprit fiduciaire pour lclairer sous un nouveau
jour. Le Parlement franais a ainsi vot un second alina larticle 2011
du Code civil109, qui devait tre entendu dans un sens bien spcifique, pr-
cis par les travaux prparatoires de la Loi no 2009-1255 du 19 octobre
105 Voir art 1599 C civ (larticle prvoit la nullit de la vente dans cette hypothse).
106 Sur ce dbat, voir supra la p 915.
107 Roxana Family insiste particulirement sur les obligations mises la charge du fidu-
ciaire : Lacte de fiducie (tude de droit interne et de droit international priv), thse de
doctorat en droit, Universit Panthon-Assas, 2000 [non publie] au no 253.
108 Mallet-Bricout, supra note 103 la p 299.
109 Art 2011, al 2 C civ : Le fiduciaire exerce la proprit fiduciaire des actifs figurant
dans le patrimoine fiduciaire, au profit du ou des bnficiaires selon les stipulations du
contrat de fiducie .
LE FIDUCIAIRE, VRITABLE PIVOT OU SIMPLE ROUAGE ? 933
2009 tendant favoriser laccs au crdit des petites et moyennes entre-
prises et amliorer le fonctionnement des marchs financiers110. Grce
cette disposition nouvelle, le lgislateur entendait en effet favoriser
lintroduction de la finance islamique sur la place financire de Paris111.
Or la finance islamique impose le respect de certaines exigences poses
par la loi islamique, elle-mme inspire de la Charia112.
Le lgislateur a cru voir dans la fiducie linstrument idoine 113 pour
rpondre aux exigences de lun des instruments financiers de la finance
islamique : le sukuk. La fiducie, adapte cet instrument, aurait alors re-
pos sur le principe que le bnficiaire de la fiducie, titulaire du sukuk,
puisse exercer un droit direct sur les actifs du patrimoine fiduciaire, et
pas seulement un droit personnel lgard du fiduciaire114. Le rapport du
snateur Philippe Marini en concluait alors que la proprit fiduciaire
renfermait un nouveau concept de proprit , une proprit clate
entre fiduciaire et bnficiaire : Pour rsumer, le fiduciaire bnficierait
de la proprit juridique des biens alors que le bnficiaire bnficierait de
la proprit conomique des mmes biens 115.
On peroit bien, derrire cette analyse, linfluence du droit anglo-
amricain, qui admet depuis longtemps une division entre legal ownership
et beneficial interests116. Celle-ci permet dexpliquer le mcanisme du trust
110 JO, 20 octobre 2009, 17410 [Loi no 2009-1255]. Voir Marini, supra note 103.
111 Le dveloppement de la finance islamique en France tait prconis par Paris Euro-
place, dans son programme daction 2009. Voir Elys Jouini et Olivier Pastr, Enjeux et
opportunits du dveloppement de la finance islamique pour la place de Paris, Paris, Pa-
ris Europlace, 2008. Voir aussi France, Snat, Commission des Finances, du contrle
budgtaire et des comptes conomiques de la Nation, Rapport dinformation sur la fi-
nance islamique, par Jean Arthuis, rapport no 329 (4 mail 2008). La doctrine franaise
sintresse galement cette question depuis rcemment : Centre franais de droit
compar, La finance islamique : lautre finance (Table ronde du 19 juin 2008), Paris, So-
cit de lgislation compare, 2009; Franois Xavier Lucas, La fiducie au pays de lOr
noir [2009] 10 Bulletin Joly Socits 825.
112 Pour le dtail de ces principes, voir Jacques Charlin, Fiducie, sukuk et autres mura-
baha ou ijara (2009) JCP E 1946. Voir aussi Franois Barrire, Proprit, fiducie et
sukuk (2011) JCP E 23.
113 Marini, supra note 103 la p 82.
114 Ibid la p 78.
115 Ibid aux pp 82-83.
116 Le concept de proprit nest en effet pas envisag de manire unitaire en droit anglo-
amricain. Dans lhypothse du trust, le trustee est investi du legal ownership tandis
que des beneficial interests reviennent au bnficiaire. Cette dissociation du concept de
proprit trouve elle-mme ses racines dans la distinction que fait le droit anglais entre
common law et equity. Pour une comparaison entre les conceptions anglo-saxonne et ci-
viliste de la proprit voir Paul Matthews, The compatibility of the trust with the civil
law notion of property , dans Smith, supra note 77.
934 (2013) 58:4 MCGILL LAW JOURNAL ~ REVUE DE DROIT DE MCGILL
qui a certes inspir notre fiducie franaise, mais sans que lon puisse ima-
giner de se conformer en droit franais aux fondements juridiques qui
dominent le droit anglo-amricain des biens. En effet, la dissociation juri-
dique entre titularit du droit et profit du droit nest pas inscrite en droit
franais117 et contredit singulirement un principe civiliste fondamental,
celui de lunit de la proprit telle quentendue larticle 544 du Code ci-
vil.
Dans la perspective du nouvel article 2011, alina 2 du Code civil, le
fiduciaire aurait t le propritaire juridique des biens placs en fidu-
cie et seulement cela. Un tel bouleversement de la thorie civiliste de la
proprit ntait pas anodin. Effectivement, une chose est dadmettre des
volutions quant la fonction mme du droit de proprit, au travers de
proprits finalises, de proprits collectives ou encore de proprit-
srets. Autre chose est dadmettre un clatement du concept mme de
proprit, qui aurait alors englob la classique proprit (plena in re potes-
tas) de larticle 544 du Code civil et cette nouvelle forme de proprit, elle-
mme clate, dite fiduciaire.
Une partie de la doctrine franaise sest alors leve contre ce texte l-
gislatif118. Le Conseil constitutionnel a annul cette disposition, pour des
raisons ne tenant pas ce dbat119, ce qui a eu pour effet de clore provisoi-
rement la discussion. Depuis, le lgislateur semble stre rang lide
que dautres supports juridiques que la fiducie pourraient convenir pour
favoriser lintroduction de la finance islamique en France. Le fiduciaire
reste donc seul propritaire des biens placs en fiducie, sans ddouble-
ment du concept, ce qui a au moins le mrite de prserver lunit de la
proprit civiliste franaise. Il reste que la proprit fiduciaire prsente
117 Celle-ci a toutefois fait lobjet de quelques tudes en doctrine, sans cependant que les
auteurs saccordent sur les fondements juridiques de cette potentielle dissociation : voir
en particulier les thses de Charles Goyet, Le louage et la proprit lpreuve du crdit-
bail et du bail superficiaire, Paris, Librairie Gnerale de Droit et de Jurisprudence,
1983; Gauthier Blanluet, Essai sur la notion de proprit conomique en droit priv
franais : Recherches au confluent du droit fiscal et du droit civil, Paris, Librairie Gn-
rale de Droit et Jurisprudence, 1999; Sylvain Ravenne, Les proprits imparfaites : Con-
tribution ltude de la structure du droit de proprit, thse de doctorat en droit, Uni-
versit Paris-Dauphine, 2007 [non publie]; Grimaldi, supra note 46 aux pp 916-17;
Alain Bnabent, La fiducie (Analyse d’un projet de loi lacunaire) (1993) JCP N
100804.
118 Laurent Ayns et Pierre Crocq, La fiducie prserve des audaces du lgislateur
(2009) 38 D 2559; Mallet-Bricout, supra note 103, aux pp 319 et s.
119 Cons const, 14 octobre 2009, Loi tendant favoriser laccs au crdit des petites et
moyennes entreprises et amliorer le fonctionnement des marchs financiers, JO, 20 oc-
tobre 2009, 17412, 2009-589 DC. Le Conseil constitutionnel a estim que le nouvel art
2011, al 2 C civ tait sans rapport avec lobjet de la Loi no 2009-1255, supra note 114,
dans laquelle il figurait.
LE FIDUCIAIRE, VRITABLE PIVOT OU SIMPLE ROUAGE ? 935
un particularisme puissant, qui sinscrit dans la remarquable volution de
linstitution proprit , depuis quelques dcennies, en droit franais120.
Conclusion
La prminence de la relation contractuelle sur la relation patrimo-
niale instaure par lopration de fiducie est trs nette; elle distingue sans
doute fondamentalement la situation du fiduciaire de droit franais de
celle du trustee en common law. Cette prminence peut aboutir vider
de sa substance la fonction fiduciaire, envisage dans sa dimension de
gestion ou dans sa dimension dexercice dun droit de proprit sur les
biens mis en fiducie. Le fiduciaire apparat ainsi moins comme un vri-
table pivot que comme un simple rouage multifonctions de lopration de
fiducie. Les qualifications juridiques utilises dans la fiducie la franaise
manquent de clart, semblent pouvoir tre facilement tires, ce qui en-
trane par rpercussion, et galement en raison des lacunes du rgime de
la fiducie, de regrettables faiblesses, quil reviendra au juge dattnuer.
120 Voir notamment Centre dtudes sur la coopration juridique internationale, Les mo-
dles propritaires au XXIe sicle : Actes du colloque international organis par le
CECOJI la Facult de Droit et des Sciences sociales de lUniversit de Poitiers 10 et 11
dcembre 2009, Poitiers, Librairie gnrale de droit et de jurisprudence, 2012.