Article Volume 14:1

Le statut des juges de la Cour des sessions de la paix

Table of Contents

Le Statut des juges de

la Cour des sessions de la paix

Raoul P. Barhe *

Avant d’analyser en d6tail les dispositions 6tablissant le statut
des juges de la Cour des sessions de la paix, il est utile de d6terminer
le probl~me qui se pose au lgislateur relativement A la magistrature,
de voir l’application de ces principes aux juges de la Cour des sessions
de la paix et de donner enfin le plan suivant lequel s’organiseront
les propos qui vont suivre.

Problame qui se pose au l~gislateur. – L’exercice de la fonction
de juge suppose de nombreuses qualit~s d’ordre trbs divers. Les
unes sont d’ordre technique: le savoir juridique, l’exp6rience des
proc~s et des hommes, la sagesse et le bon sens. Les autres sont
d’ordre moral: le caract~re, l’ind6pendance, l’impartialit6 et l’int6grit.
Toute l6gislation soucieuse du bon fonctionnement du service
public qu’est la justice doit donc avoir pour pr6occupation, d’une
part, d’6laborer un syst~me de nomination des juges qui permette
d’assurer chez ceux-ci l’existence de connaissances et de qualit~s
techniques requises; d’autre part, d’instituer un syst&me de garanties
personnelles qui assurent le maintien et la dfense des qualites
morales n~cessaires; enfin, et pour le cas o i le magistrat aurait
manqu6 A son devoir, d’organiser des mesures disciplinaires.

Application aux juges de la Cour des sessions de la paix. – Nous
verrons donc comment le l~gislateur a solutionn6 ces probl&mes dans
le cas des juges de la Cour des sessions de la paix. Disons des
maintenant que cette cour en est une de juridiction repressive. Cette
cour, telle qu’elle existe aujourd’hui, fut 6tablie en 1908.1 Depuis,
elle n’a cess6 de se d6velopper. Cour de premiere instance, elle connait
de certains < actes criminels >>,2 de certaines <>8
et d’infractions aux autres lois f6d6rales ou qu6b~coises. 4 On limitera
ces propos au statut des juges composant cette cour.

* Professeur adjoint, Facult6 de Droit (Section de Droit Civil), Universit6

d’Ottawa.

1 8 Ed. VII, S.Q. 1908, c. 42.
2 Voir art. 467 C. crim.
3 Voir art. 692(1) (g) C. crim.
4 Les articles relatifs A la Cour des sessions de la paix se trouvent dans la
deuxi~me partie de la Loi des tibunaux judiciaires qui concerne exclusivement
les tribunaux de juridiction criminelle. Mais, en vertu de l’art. 77 de la dite Loi,

No. 1] LES JUGES DE LA COIR DES SESSIONS DE LA PAIX

85

Plan. – Trois probl6mes se posent: celui de la nomination des
juges (I); celui des garanties d’ind6pendance et d’impartialit6 (II);
enfin celui des mesures disciplinaires (III). Ces propos s’appliquent,
pour la plupart, aux juges des autres juridictions civiles, administra-
tives ou r6pressives.

I. Nomination des juges

Le probl~me de la nomination des juges est d61icat autant qu’impor-
tant; intimement li6 A la vie politique et sociale, aux traditions
nationales et A la conception que les gouvernements se font de
l’administration de la justice, il recoit des solutions diff6rentes
selon les pays.

En cette matiure, notre syst~me s’inspire du syst~me juridique
britannique. Nous examinerons le r6gime actuellement en vigueur
quant au pouvoir que poss~de l’ex6cutif d’effectuer la nomination,
quant aux personnes qualifi6es pour faire l’objet de cette nomination
et quant au serment et A la r6sidence.

A. Nomination par le pouvoir ex~cutif

Dans le systbme actuellement en vigueur au Canada et au Qu6bec
et dans la plupart des pays poss6dant un pouvoir judiciaire bien
organis6, les juges sont nomm6s par le pouvoir exdcutif, par le
gouvernement.

Dans un Etat f6d6ral comme le Canada, il faut distinguer le
pouvoir ex6cutif de l’Etat central, d’une part, et le pouvoir ex6cutif
de chacun des Etats membres, d’autre part. 1 ftaut done se demander
quel est, de ces divers pouvoirs ex6cutifs, celui qui poss6de Ia com-
p6tence pour effectuer la nomination des juges de la Cour des sessions
de la paix.

1. Incidence du f6dgralisme

L’article 96 de I’Acte de l’Amgrique du Nord britannique 5 pr6voit
que <> Le probl~me consiste donc A savoir si la Cour des
sessions de la paix est ou non une cour sup6rieure, de district ou

ces juges exercent aussi la juridiction des juges de la paix, c’est-h-dire, une
juridiction mixte (voir l’art. 186). L’article 77 envisage aussi une juridiction
en mati~re p~nale relevant de l’autorit6 du Parlement du Canada ou de la
LUgislature de Qu6bec, ainsi qu’une juridiction en matire criminelle. L’attribution
de juridiction criminelle est faite en vertu de

‘art. 466(b) C. crim.

5 1867, 30 & 31 Vict., c. 3.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 14

de comt6 au sens de cet article 96. Pour r6soudre ce problhme, il
faut distinquer le cas des comp~tences attribu6es par la L6gislature
qu6b6coise 6 et celui des comp6tences attribu6es par le Parlement
canadien.

En ce qui concerne les comp6tences attribu6es par la L6gislature
qu~b6coise, le probl~me consiste A savoir si la Cour des sessions de
juridictionnelles analogues A celles
la paix exerce des fonctions
exerc6es par les cours sup6rieures, de districts et de comt6s en
1867.7 Si la r6ponse est affirmative, les juges devront alors 6tre
nomm~s par l’Ex6cutif f6d6ral; si, au contraire, la r6ponse est
n6gative, les juges devront alors 6tre nomm6s par l’Ex6cutif qu6b~cois.
Considirant la comp6tence attribu6e par la L6gislature qu6becoise
dans la Loi des tribunaux judiciaires,8 il semblerait qu’une objection
A la comp6tence du juge bas6e sur le fait qu’une telle comp6tence
devrait 6tre exerc6e par un juge nomm6 par le gouverneur g6n~ral
serait rejet6e vu les d6cisions rendues dans le Renvoi touchant la
constitutionnaliM de la loi concernant la juridiction de la Cour de
Magistrat 9 et la Reference Re Adoption.10

En ce qui concerne les comp6tences attribu6es par le Parlement
f6d6ral, il s’agit de savoir si le Parlement, en attribuant des comp6-
tences A un tribunal autrement validement constitu6 en vertu de
l’art. 92 (14) de I’A.A.B.N. peut crier pro tanto une cour de comp6-
tence attaquable.1 fl nous semble que le Parlement fdd6ral pourrait
donner une telle comp6tence A la Cour des sessions de ]a paix en
vertu de l’art. 101 de I’A.A.B.N. qui permet d’ << 6tablir d'autres tribu- 2 naux en vue d'assurer une meilleure ex6cution des lois du Canada. > 1

6 Telles que les mati~res p~nales (voir art. 92(15) de l’A.A.B.N.) et les
matibres civiles (voir art. 92(13) de l’A.A.B.N.) dont les juges de paix pourraient
avoir la comp6tence en vertu de l’art. 186 de la Loi des tribunaux judiciaires.
7 Labour Relations Board of Saskatchewan v. John East Iron Works Limited,
[1949] A.C. 134 A p. 145 et A p. 150, [1948] 4 D.L.R. 673 1. pp. 676 h 677 et A
pp. 681 i 682, [1948] 2 W.W.R. 1055 A pp. 1058 A 1059 et h p. 1064.

8 S.R.Q. 1964, c. 20.
9 [1965] S.C.R. 772. Voir particulibrement les remarques de Fauteux, J., h

pp. 782 A 783.

10 [1938] S.C.R. 398. Voir particulibrement les remarques a propos des juges
de paix et magistrats aux pp. 410 h 418. Voir aussi P.-G. Qudbec v. Slanec
& Grimstead, (1933), 54 B.R. 230 A pp. 264 A 265, [1933] 2 D.L.R. 289 it pp.
304 A 305 (traduit en anglais), per Rivard, J., Canadian International Paper
Co. v. Cour de Magistrat, (1937), 62 B.R. 268.

11 C’est-A-dire que la cour elle-mbme resterait validement constitu6e mais

incapable d’exercer la juridiction offensive.

12 Blais v. R., [1958] B.R. 191 h p. 195, per St-Jacques, J., Valin v. Langlois,
(1879), 3 S.C.R. 1, confirm6, (1880), 5 A.C. 115, C.R. [8] A.C. 251, In re Vancini,
(1904), 34 S.C.R. 621, A.-G. Quebec v. A.-G. Canada, [1945] S.C.R. 600.

No. 1] LES JUGES DE LA COUR DES SESSIONS DE LA PAIX

87

Mais, de toute fagon, le gouvernement f6d~ral a toujours refus6
de poser le problme de fagon aussi globale; il ignore tout simplement
l’existence de cette cour et attribue des fonctions aux juges –
non
A la Cour –
des sessions de la paix. De cette fagon, le tribunal n’aura
jamais A declarer que la nomination des juges de cette cour est
inconstitutionnelle puisque le f6d6ral n’accorde aucune comp6tence
A la cour; il donne comp6tence aux juges de cette cour. Ainsi, le
tribunal ne pourrait, tout au plus, que declarer l’inconstitutionnalit6
de la loi attributive de comp6tence. 13 fl s’agit d’une solution qui
cache les vrais probl~mes. Les constitutionnalistes devraient, A notre
avis, pr6voir um nouvel am~nagement de la repartition des pouvoirs
judiciaires dans les cadres de la F6d6ration canadienne.14

2. Nomination par l’ex~cutif qu~b6cois

Les juges de la Cour des sessions de la paix sont done nontms

par l’ex~cutif qu~b6cois qui, en principe, les choisit parmi les avocats
les plus r~put6s en droit p6nal, en pleine possession de leur science
et de leur talent.

La Loi des tribunaux judiciaires 15 pr~voit que <>.16

Le nombre maximum de juges que le gouvernement pourra nommer
est d6termin6 par la Loi des tribunaux judiciaires. Nous donnons
ici un tableau de l’accroissement du nombre des juges de la Cour
des sessions de la paix depuis son origine afin de bien constater”
l’6volution de son importance.

13 Sur ce problme, que nous touchons ici de fagon incidente, on consultera
Clement v. R., [1955] B.R. 580, Pelletier v. R., (1938), 65 B.R. 558, Zuckerman
v. R., [1957] B.R. 619.

14 Concernant la r~partition du pouvoir judiciaire dans un syst6me f~d~ral,
on consultera: R.R. Bowie et C.J. Friedrich, 6d., Etudes sur le fidgralisme,
tr. P. Lefrane et R. Raimond, (Paris, 1960), Etude 3: Le pouvoir judiciaire
fgd6ral, pp. 187 h 297. (Dans la version originale en anglais, Studies in
Federalism, (Boston, 1954), on trouvera la mame 6tude h pp. 106 h 172).

15 S.R.Q. 1964, c. 20.
16 Art. 72.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 14

TABLEAU I

Augmentation du nombre des juges de la Cour des

Nombre de juges

sessions de la paix de 1946 A. 1967.
Annie
194617
19511s
195319
195720
196021
196522

25
27
25
30
35
40

Avant 1946, 11 n’y a aucune stipulation quant au nombre maximum

des juges de la Cour de sessions de la paix.

On peut supposer qu’avec cette enquite sur l’administration de
la justice p6nale au Qu6bec (Commission Pr6vost), il en r6sultera
une r~organisation de la Cour des sessions et probablement une aug-
mentation du nombre des juges.

B. Personnes quallfi~es pour 6tre nomm~es juges

L’accs A la fonction de juge de la Cour des sessions de ]a paix

est r6serv6 aux avocats de plus de’dix ans de pratique.
1. Avocat

Ces juges >.23 Cette condition essentielle
suppose donc que la personne est d6tentrice d’un dipl6me en droit –
ce qui garantit le savoir juridique –
et qu’il s’agit d’un citoyen
canadien, de bonne r6putation, ainsi que l’exige la Loi du Barreau.2 4
2. Dix ans de pratique

fl ne suffit pas d’6tre avocat, il faut encore que la personne ait
<>.25 C’est donc dire que la personne
en cause doit avoir exerc6 une activit6 juridique; par exemple, le
praticien, le professeur de droit. Cette condition est excellente car
elle suppose que la personne nomme a une exp6rience des proc~s

1

17 10 Geo. VI, S.Q. 1946, c. 12, art. 1.
1815-10 Geo. VI, S.Q. 1951-52, c. 30, art. 3.
19 2-3 Eliz. II, S.Q. 1953-54, c. 29, art. 1.
20 6-7 Eliz. II, S.Q. 1957-58, c. 20, art. 1.
219 Eliz. II, S.Q. 1960, c. 14, art. 1.
2213-14 Eliz. II, S.Q. 1965, c. 17, art. 8.
23 S.R.Q. 1964, c. 20, art. 72.
2415-16 Eliz. II, S.Q. 1966-67, c. 77, art. 61.
25 S.R.Q. 1964, c. 20, art. 72.

No. 1] LES JUGES DE LA COUR DES SESSIONS DE LA PAIX

89

et des hommes. Cette exigence de << dix ans de pratique >> est certaine-
ment aussi valable que les deux ans qu’un candidat peut faire dans
une dcole de la magistrature tel que cela existe dans le syst~me judi-
ciaire franeais. Signalons que
le l6gislateur n’exigeait autrefois
que 5 ans de pratique, 26 depuis 1946, il exige maintenant 10 ans.27
Ces deux conditions fondamentales pr6cit6es sont 6galement

exig~es pour les juges des autres juridictions. 28

C. Serment et risidence

fl s’agit de r~gles traditionnelles.

1. Serment

Lors de leur nomination et avant d’entrer en fonctions, les juges
de la Cour des sessions de la paix doivent prater serment.29
R1 s’ensuit
que les actes de la fonction qui seraient accomplis sans cette formalit4
seraient nuls. Evidemment le refus de prater serment serait consid6r6
comme emportant d6mission.

Le serment doit 8tre prWt6 devant un juge en chef des sessions
ou le juge en chef ou le juge en chef adjoint de la Cour provinciale. 0

Le texte du serment est le suivant:
Je, (nom ot prgnom), jure de remplir fid~lement, impartialement et honn~te-
ment, au meilleur de ma capacit6 et de nues connaissances, tous les devoirs
de juge des sessions de la paix et d’en exercer de m6me tous les pouvoirs.31

2. Rgsidenee

Le lieutenant-gouverneur en conseil fixe le lieu de leur residence.

Ce lieu est indiqu6 dans l’arr~t6 en conseil qui nomme un juge.

II. Garanties d’ind~pendance et d’impartialitW

On fait souvent observer – mais il importe d’insister –

que
l’ind6pendance et l’impartialit6 des juges r6sident plus dans leur
caract~re que dans les lois.

26 S.R.Q. 1941, c. 15, art. 267.
2710 Geo. VI, S.Q. 1946, c. 12, art. 6.
28 Voir, par exemple, en mati~res provinciales, S.R.Q. 1964, c. 20: dans le
cas des juges de la Cour de bien-6tre social, art. 102; dans le cas des juges
de la Cour provinciale, art. 117; reais, dans le cas de juges de paix, la loi
exige seulement qu’ils soient cchoisis parmi les personmnes les plus comp6-
tentes, r~sidant dans des districts2r, art. 168. La loi f6d~rale exige les m~mes
qualifications pour la nomination des juges d’une cour sup6rieure, de circuit
ou de comt6: voir S.R.C. 1952, c. 159, art. 3.

29 S.R.Q. 1964, c. 20, art. 78.
o Ibid.
31 Ibid.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 14

Mais il n’en reste pas moins que, contre les pressions, les menaces
ou les tentations possibles, les institutions elles-m~mes peuvent et
doivent favoriser et soutenir les vertus essentielles pour le juge,
d’ind6pendance et d’impartialit6; il ne s’agit pas seulement de l’int6rat
des juges eux-m~mes mais aussi de celui des plaideurs et de la bonne
administration de la justice.

C’est pourquoi le lgislateur 6labore certaines institutions, 6dicte
certaines mesures dont la finalit6 est sp6cialement adapt6e aux
p6rils auxquels les juges peuvent 6tre expos6s.

Ces mesures, qui existent pour les juges des autres cours, le
l6gislateur les a 6galement 6dict6es pour les juges de la Cour des
sessions de la paix. C’est en partant de ces textes que nous traite-
rons d’abord de l’inamovibilit6, des incompatibilit6s et, enfin, du
traitement et de la pension.

A. L’inamovibilit

L’inamovibilit6 est l’institution en vertu de laquelle les juges
ne peuvent 6tre ni r6voqu6s, ni suspendus, ni mis A la retraite pr-
matur~ment par la volont6 arbitraire du gouvernement, sans l’obser-
vation des conditions pr~vues par la loi.

Sa raison d’6tre se chercherait vainement dans le dessein de
favoriser la tranquillit6 ou l’int6r~t personnel des juges qui pour-
raient ainsi, A son abri, se montrer n6gligents dans l’exercice de
leurs fonctions. L’inamovibilit6, qui existe non seulement A la Cour
des sessions de la paix mais 6galement dans la plupart des autres
juridictions canadiennes, constitue essentiellement une garantie de
bonne administration de la justice et, plus particuli~rement, une
garantie de l’ind6pendance des juges A l’gard de l’Ex~cutif.

L’article 72 reconnait formellement ce principe: les juges de la
Cour des sessions sont nomm6s <> et ils ne
peuvent 6tre dmis que conform6ment A l’article 76.32

L’inamovibilit6 ne signifie pas que les juges sont nomm6s ‘a vie;
en effet, l’Age de la retraite autrefois fix6 A 75 ans 33 est, depuis
1967, fix6 A 70 ans.34 Toutefois, le Conseil des ministres peut auto-
riser un juge A continuer l’exercice de ses fonctions apr6s avoir

32 Pour la procedure de destitution, voir infra ?. la page 98.
33 S.R.Q. 1964, c. 20, art. 93 et les amendements y apportfs par 13-14 Eliz.

II, S.Q. 1965, c. 17, art. 12.

3415-16 Eliz. II, S.Q. 1966-67, c. 18, art. 7.

i4o. 1] LES JUGES DE LA COUR DES SESSIONS DE LA PAIX

91

atteint 70 ans.35 Dans ce cas, il recevra sa pension A compter de sa
d6mission. 36

B. Les incompatibilits

S’inspirant de consid6rations du m8me ordre que celles qui
justifient l’inamovibilit6, le l6gislateur 6dicte h l’encontre des juges
certaines incompatibilit~s.

Celles-ci ont pour but, d’une part, d’dviter que le juge exerce
des activit6s qui risqueraient de l’inciter A n~gliger ses fonctions
judiciaires et pourraient porter atteinte A son inddpendance et A
son integrit6, voir A sa dignit6; d’autre part, de mettre le juge A
1’abri de tout soupgon de partialit6, par faveur ou haine, A l’6gard
de

‘un des plaideurs.
Rl y a incompatibilit6 entre les fonctions de juge et ‘exercice de
toute autre activit6 professionnelle et 1’exercice d’un mindat ou d’une
activit6 politique.

1. L’exercice de toute autre activitg professionnelle

Les juges de la Cour des sessions de la paix, d~s leur nomination,
<> 7 et ils sont obliges de se consacrer
exclusivement A leurs fonctions judiciaires.

L’article 73 de la Loi des tribunaux jadiciaires prdvoit que:
Aucun juge des sessions ne peut se livrer, ni directement ni indirectement,
en qualit6 d’administrateur ou de grant de corporation, de compagnie
ou de maison d’affaires, non plus qu’en aucune autre manire, pour lui-m~me
ou au compte d’autres personnes, A une occupation ou affaire autre que
ses fonctions judiciaires, mais chacun d’eux est tenu de se consacrer
exclusivement h ses fonctions judiciaires.
Toutefois, un juge peut remplir des fonctions quasi-judiciaires;
il peut agir comme pr6sident ou vice-pr6sident d’une commission,
d’une r6gie, d’un office ou d’un comit6 institu6 en vertu d’une loi
du Qu6bec.3 8 On nous a dit que ceci donnait lieu A du favoritisme
au sein de la fonction judiciaire. Le l~gislateur devrait peut-8tre
songer A cesser cette pratique et A proc6der A l’6tablissement de
vdritables juridictions administratives avec leurs propres juges.

Sur cette question, il est utile de donner 1’opinion du Juge en
chef de la Cour d’Appel du Qudbec et celle recueillie confidentielle-

35 S.R.Q. 1964, c. 20, art. 93, tel qu’amend6 par 13-14 Eliz. II, S.Q. 1965,

c. 17, art. 12.

3615-16 Eliz. II, S.Q. 1966-67, c. 18, art. 7.
37 S.R.Q. 1964, c. 20, art. 72.
88 S.R.Q. 1964, c. 20, art. 73.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 14

ment aupr~s de certains juges de la Cour des sessions de ]a paix.
Le juge en chef Tremblay s’oppose A la participation des juges aux
commissions d’enqu~te ou commissions administratives, aux offices
et aux r6gies aux motifs suivants:

L’on se plaint, et avec raison, de la congestion des r~les devant les cours
de justice; accaparer des juges pour des commissions d’enqu~te ne contribue
certes pas h allger ces r~les. D’autre part, pour inciter des juges h
diriger des enqu~tes on leur offre d’allchantes allocations de subsistance.
En effet, en vertu de la Loi des juges,39 aucun juge ne peut se livrer A
des occupations autres que celles pour lesquelles il a U6 nomm6, sauf pour
agir en qualit6 de commissaire.40 En quel cas, le juge ne peut accepter de
r~mun6ration suppl6mentaire. II ne lui est permis que d’6tre d~dommag6
pour ses frais de d~placement, de transport et subsistance. Dans certains
cas, on offre A des juges des frais quotidiens allant jusqu’b $100. m~me
pour les jours qui ne sont pas consacr~s A l’enqu~te pour les inciter h
accepter. Ceci est contraire a la Loi des juges.41
De fagon confidentielle, on nous a 6galement tenu les propos

suivants:

fl n’y a aucun doute, cet article 73 anticipait des nominations de juges
comme presidents de commissions ou rdgies A un salaire sup6rieur h clui
qui est versa aux juges. Ce montant peut d6passer au moins $4000. puisque
tous les prdsidents de r6gies, en gdndral, sont pay~s $22,000. par annie
au lieu de $18,000. comme tout autre juge. Mais il y a plus, un juge, it
mon sens, ne peut agir comme arbitre ou m~diateur dans des conflits
ouvriers. II est de notori6td publique qua des juges se sont recrut~s une
clientZle dans des arbitrages pour 6tudier les griefs et les renouvellements
de conventions collectives dans l’industrie et dans la fonction publique.
Normalement, ces juges ne devraient recevoir aucun 6molument, si ce nlest
leurs d~penses, et nous pourrions citer lea noms de plusieurs juges qui
gagnent un montant tr~s 6lev6 et qui n~gligent ainsi leurs fonctions judi-
ciaires. Le ministre de la Justice du Canada a ddjh avi86 les juges nomm~s
par l’Exdcutif f~ddral de cesser cette pratique ? moins qu’ils ne soient
nomms par le ministre lui-m6me. Au Quebec, rien de semblable n’a encore
6t6 fait, et il s’ensuit une discrimination pour les juges dont le traitement
est toujours de $18,000. et qui ne peuvent ainsi augmenter leur revenu
annual puisqu’ils doivent sifger h des cours trop achaland6s,42

2. L’exercice d’un mandat politique

La Loi des tribunaux judiciaires43 -ne contient pas de texte formel
sur ce point, quoiqu’elle dise que <.44

39 S.R.C. 1952, c. 159.
40 S.R.C. 1952, c. 159, art. 37, 38.
4 lAlocution du Juge en chef Tremblay devant les membres de l’Association

du Barreau Canadien le 15 avril 1967.

42 Source confidentielle. Ce tdmoignage nous a 6t6 communiqud avant la loi

modificatrice de 1967.
43 S.R.Q. 1944, c. 20.

’No. 1] LES JUGES DE LA COUR DES SESSIONS DE LA PAIX

93

Toutefois, les diverses lois 6lectorales –

pr6voient cette incompatibilit6; ainsi la Loi

f6d6rale, provinciale et
lectorale
municipale –
du Canada45 pr~voit que >;4 6 6videmment, cette disposition ne s’applique pas
aux juges de la Cour des sessions de la paix. Toutefois, la Loi 6lec-
torale du Quebec 47 pr~voit que les juges. de la Cour des sessions ne
peuvent 6tre inscrits sur une liste 6lectorale, ni voter.48

Enfin la Loi des Cites et Villes 49 et le Code municipal 50 pr6voient
que les juges ou magistrats recevant des 6moluments des gouver-
nements f6d6ral ou provincial, ou d’une corporation municipale ne
peuvent 6tre mis en nomination pour les charges de maire ou de
conseiller. I y aurait peut-6tre lieu de modifier ces dispositions pour
qu’ils ne puissent voter non plus.

Le juge devra non seulement s’abstenir de remplir tn mandat
politique ou de voter, mais il devra, en outre, et ce, dans le dessein
d’assurer la neutralit6 politique qui sied A l’exercice de leurs fonc-
tions, s’abstenir de participer A des r~unions politiques et d’avoir
une vie politique ext6rieure.5 1 Ceci est trfs important, surtout dans
‘on pr6tend que les nominations sont
notre syst~me judiciaire oii
influences par des options politiques.

Ces incompatibilit6s ont pour but d’assurer l’ind6pendance et

1impartialit6 des juges.

C. Traitement et pension

Enfin, l’Etat assure l’ind6pendance et l’impartialit6 de ses juges
en leur assurant la s6curit6 mat6rielle par des traitements 6quitables
et un systbme de pension.

44 S.R.Q. 1964, c. 20, art. 73.
45 S.R.C. 1952, c. 23.
46 S.R.C. 1952, c. 23, art. 14(2) (d).
47 S.R.Q. 1964, c. 7.
48S.R.Q. 1964, c. 7, art. 48(a).
49 S.R.Q. 1964, c. 193, art. 123.
60 Art. 227.
51 Mme si le droit commun ne s’est pas expliqu6 sur ce point,’il y a quelques
provisions statutaires relatives A la tenure d’une charge politique: la Loi sur
les juges, S.R.C. 1952, c. 159, art. 37, 38, la Loi sur le Sdnat et la Chambre des
Communes, S.R.C. 1952, c. 249, art. 10, la Loi de la LUgislature, S.R.Q. 1964,
c. 6, art. 22, et la Loi 6lectorale, S.R.Q. 1964, c. 7, art. 131 et 48(a). En Angle-
terre, la situation est effectivement r~gl~e par deux statuts, le Supreme Court
of Judicature (Consolidation) Act, 1925, 15 & 16 Geo. 5, c. 49, s. 12(2), et le
House of Commons Disqualification Act, 1957, 5 & 6 Eliz. 2, c. 20, s. 1 (1) (a).

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 14

1. Traitement

En principe, l’Etat alloue aux juges un traitement assez dlev6:
en effet, un avocat ne renoncera pas A une situation brillante au
Barreau s’il n’obtient pas, d~s son entrde dans la magistrature, une
compensation pdcuniaire, compte tenu de l’honneur qu’il 6prouve
d’6tre nomm6 juge, A peu pros 6quivalente.

Aussi le Parlement qu6becois a-t-il &M6 oblig6 durant les derni~res
ann6es d’augmenter le traitement des juges. Parfois le l6gislateur
n’a agi qu’A la suite des pressions des juges eux-m~mes. 2 Le tableau
suivant donne l’6volution de l’augmentation du traitement des juges
de la Cour des sessions:

TABLEAU 2

Evolution de l’augmentation du traitement des juges

de la Cour des sessions de 1908 – 1967

Ann6e
190853
191454
19225-
194156
194957
195358
195659
195960
196501
196762

Juge en chef

Autres juges

$ 4,000
5,000
6,000
7,000
8,000
10,000
12,000
14,000
18,000
23,000

$ 8,000
10,000
12,000
14,000
16,000
20,000
25,000

Ces traitements, nous le constatons, ne sont pas exag~r6s. Par
exemple, en 1965, le revenu annuel moyen des avocats et notaires
canadiens s’61evait A $19,191; d’autre part, les juges nomm6s et
pay6s par le gouvernement f6d6ral regoivent depuis la loi de 19673

52 Mmoire de la Conf6rence des juges au Quebec, zL’6loquence des chiffress,

1964, et source confidentielle.

53 8 Ed. VII, S.Q. 1903, c. 42, art. 1.
544 Geo. V, S.Q. 1914, c. 36, art. 1 et 5 Geo. V, S.Q. 1015, c. 52, art. 2.
5512 Geo. V. S.Q. 1922, c. 62, art. 1.
50 5 Geo. VI, S.Q. 1941, c. 50, art. 1.
57 13 Geo. VI, S.Q. 1949, c. 19, art. 4.
581-2 Eliz. II, S.Q. 1952-53, c. 29, art. 6.
59 5-6 Eliz. II, S.Q. 1956-57, c. 26, art. 1.
607-8 Eliz. II, S.Q. 1958-59, c. 22, art. 1.
61 1-14 Eliz. II, S.Q. 1965, c. 17, art. 9.
6215-16 Eliz. II, S.Q. 1966-67, c. 18, art. 5.
6314-15-16 Eliz. II, S.C. 1966-67, c. 76.

No. 1] LES JUGES DE LA COUR DES SESSIONS DE LA PAIX

95

un traitement de $26,000 plus une allocation non imposable de $2,000.64
II faut cependant mentionner que les juges des cours de comt6 et
des cours de district des autres provinces ne regoivent que $19,000.35
Par cons6quent, on peut dire que les juges nomms par Qudbec sont
actuellement bien pay~s. Rappelons cependant qu’il importe que le
l6gislateur prdvoit des traitements suffisants pour int6resser A la
magistrature d’excellents juristes qui autrement en seraient 6cart6s.

2. Pension

Concernant la pension, ce sont les articles 91 A 100 amend~s par
les lois de 1965 66 et de 1967 67 qui s’appliquent aux juges de la Cour
des sessions. II suffit de reproduire ces articles:

Pensions 91. Un juge en chef des sessions qui donne sa d~mission apr~s
apr~s
avoir rempli sa charge de juge 6 durant au moms vingt ans a
20 ans
droit A une pension annuelle de quatorze mille dollars; un juge
des sessions qui donne sa d6mission apr~s avoir rempli sa charge
durant la m~me p6riode a droit & une pension annuelle de douze
mille dollars.

Pensions
apr~s
25 ans

Un juge en chef des sessions qui donne sa d6mission apr~s
avoir rempli sa charge de juge 69 durant au moins vingt-cinq ans
a droit A une pension annuelle de seize mille dollars; un juge
qui donne sa d6mission apr6s avoir rempli sa charge durant la
mgme p~riode a droit A une pension annuelle de quatorze mille
dollars.

, un juge en chef ou

Incapacit6 92. La pension pr~vue au premier alin6a de l’article 91 est
un juge des sessions avant
accordde
perma-
nente
l’expiration de vingt ann6es d’exercice de sa charge, s’il est
6tabli A la satisfaction du lieutenant-gouverneur en conseil qu’il
est atteint d’une incapacit6 permanente l’empchant de remplir
utilement ses fonctions et qu’il donne sa d~mission.

Pension a 93. Lorsqu’un juge en chef ou un juge des sessions atteint
70 ans
l’Age de soixante-dix ans, il cesse de remplir ses fonctions et est
admis A la retraite; dans ce cas, il est accord6 A ce juge en chef
une pension annuelle de seize mille dollars et & ce juge une
pension annuelle de quatorze mille dollars.

64 Art. 1.
65 14-15-16 Eliz. II, S.C. 1966-67, c. 76, art. 19.
66 13-14 Eliz. II, S.Q. 1965, c. 17, art. 10 A 16.
6715-16 Eliz. II, S.Q. 1966-67, c. 18.
68 Ces mots, i.e. ede juge 6taient ins~r~s par 14-15 Eliz. II, S.Q. 1966, c. 7,

art. 5.

69 Voir supra note 68.

…. McGILL LAW JOURNAL

(Vol. 14

Exception

Cependant, le lieutenant-gouverneur en conseil peut, lorsqu’il
le croit conforme aux intr ts de la justice, autoriser tout juge
en chef ou juge des sessions A continuer l’exercice de ses fonc-
tions apr~s avoir atteint l’ge de soixante-dix ans. Dans ce cas,
l’admission A la retraite avec pension a lieu A compter de la
d6mission de -ce juge ou A la date fix~e par le lieutenant-gou-
verneur en conseil dans cette autorisation.

Mise a la 94. Le lieutenant-gouverneur en conseil peut, dans tous les cas
oL un juge en chef ou un juge des sessions est atteint d’une
retraite
l’emp~chant de remplir utilement ses
incapacit6 permanente
fonctions, mettre tel juge “A sa retraite en lui accordant, selon
le cas, la pension pr6vue A l’article 91 ou A l’article 92.

Proc6dure

Effet

L’incapacitM permanente pr6vue au present article est 6tablie
par la Cour du banc de la reine, apr~s enquite faite sur requite
du procureur g~n6ral70
95. Toute mise A la retraite en vertu des articles precedents a
les mgmes effets qu’une d6mission acceptee.

R~duction 96. Si une personne qui touche une pension en vertu des dis-
de pension positions du pr6sent paragraphe vient A recevoir un traitement
pour I’exercice de quelque charge sous le gouvernement de la
province, il est d6duit de ce traitement une somme 6gale au
montant de sa pension.

Pension h 97. A compter du premier jour du mois qui suit le d~c~s d’un
juge en chef ou juge des sessions, en fonction ou –
la veuve
la retraite,
il est accord6 A sa veuve une pension annuelle de sept mille
dollars s’il s’agit d’un juge en chef, de six mille dollars s’il s’agit
d’un autre juge. Cette pension lui est vers6e sa vie durant et
pendant viduit6, par versements mensuels 6gaux, et elle est in-
cessible et insaisissable.
98. Les ann~es pendant lesquelles un juge des sessions.., a
rempli, A une 6poque antrieure h sa nomination comme tel, une
fonction judiciaire A laquelle 6tait attach6e une pension en vertu
de la pr6sente loi lui sont comptees pour les fins de sa pension
comme titulaire de sa nouvelle fonction.

Compu-
tation

Pensions 100.71 Sous les r6serves stipu~es A l’article 97 quant aux pen-
viag~res
incessibles sions des veuves de juges, les pensions ci-dessus prvues sont
viag res; elles sont payees mensuellement A m~me le fonds con-
solid6 du revenu et elles .ont incessibles et insaisissables.

1ODepuis 1965,

l’expression rprocureur g~nral’
justice: 13-14 Eliz. II, S.Q. 1965, c. 16, art. 21(2).

d~signe le ainstre de la

7 1

‘article 99 a 6t6 abrog6 par 13-14 Eliz. II, S.Q. 1965, c. 17, art. 15.

No. 1] LES JUGES DE LA COUR DES SESSIONS DE LA PAIX

97

III. Mesures disciplinaires

Le 16gislateur ne devait pas seulement instituer les moyens en
quelque sorte pr6ventifs, qui viennent d’tre examines, en vue d’as-
surer l’ind6pendance, l’impartialit6 et l’int6grit6 des juges. I1 devait
6galement, envisageant l’hypoth~se oit le juge aurait manqu6 A ses
devoirs, instituer des moyens r6pressifs cette fois destines A frapper
disciplinairement le coupable.

Voyons d’abord le principe de l’immunit6 des juges et ensuite le

probl~me de la destitution.

A.

ImmunitM des juges
Au Canada, comme en Angleterre, les juges ne peuvent 6tre sus-
pect6s d’avoir commis une faute: il n’y a pas d’action en responsa-
bilit6 contre les juges pour les actes commis dans l’exercice de leurs
fonctions.

Les prinoipes du droit constitutionnel sur l’ind6pendance de la
magistrature font obstacle A ce que les personnes ls6es par un
acte officiel d’un magistrat puissent l’actionner en dommages-int6r~ts.
Le juge est rev~tu d’un privilege de juridiction qui le protege contre
toute poursuite devant les tribunaux civils ordinaires pour tout ce
qu’il a dit ou fait dans l’accomplissement de ses devoirs.72 Ceci n’est
que l’application de principes de common law appliqu6s au Canada.37
Toutefois, l’immunitM judiciaire ne peut s’appliquer qu’A une
enquite autoris6e devant un tribunal qui a des attributions semblables
A une cour de justice.74

La Loi des privil~ges des magistrats 75 semble pourvoir les juges
des <> au sens de la Constitution de 1867 et, par
cons6quent, les juges de la Cour des sessions qu’A une sorte d’immu-
nit6 partielle. En effet, la loi pr6voit que:

Nulle action ne peut Utre intent6e contre un juge des sessions … en raison
d’un acte fait en vertu d’une disposition statutaire du Canada ou de la
province, pour le motif que cette disposition est inconstitutionnelle.76
En France, les juges sont responsables mais leur responsabilit6
ne peut Utre mise en oeuvre que dans des cas precis, sous des con-

72 Bengle v. Weir, (1929), 67 C.S. 289. Voir aussi Rapport Rand sur l’affaire

Landreville.

73 Voir, par exemple, les causes anglaises de Floyd v. Barker, (1654), 12
Co. Rep. 23, 77 E.R. 1305 et Royal Aquarium and Summer and Winter Garden
Soc. v. Parkinson, [1892) 1 Q.B. 431 4 p. 442, per Lord Esher.

74 O’Connor v. Waldron, [1935] 1 D.L.R. 260, [1935] A.C. 76.
75 S.R.Q. 1964, c. 25, amend6 par 14-15 Eliz. II, S.Q. 1966, c. 9.
70 14-15 Eliz. II, S.Q. 1966, c. 9, art. 3.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 14

ditions bien d~finies et selon une procedure particuli~re: la prise
& partie.77

B. Destitution des juges

Toutefois, l’inamovibilit6 et l’immunit6 ne sauraient assurer l’im-

punit6; s’il devient indigne, le juge sera destitu6.

Les juges des <, au sens de ]a Constitution de
1867, ne peuvent 6tre destitu6s que par le gouverneur g6n~ral sur
une adresse du S6nat et de la Chambre des communes.78 En ce qui
concerne les <) relevant de la comp6tence l6gisla-
tive du Quebec, on pr6voyait, jusqu’en 1941, une proc6dure analogue
<; 79 mais, en 1941,80 ceci fut remplac6 par >.81 I1 ne semble pas que cette
procedure ait W utilis~e au niveau provincial. Dans le cas de faute
portant atteinte A l’int6grit; du juge, il est de convenance que le
juge d6missionne volontairement.

Voilh done

‘ensemble des rfgles d6terminant de fagon assez pr6-
cise le statut des juges de la Cour des sessions de la paix. Comme
nous le faisions remarquer au d6but, plusieurs de ces r~gles s’appli-
quent aux juges des autres juridictions. Ce syst~me n’est pas parfait:
certains voudraient am6liorer le syst&me de nomination des juges;
d’autres recommandent des augmentations de traitement pour attirer
les meilleurs juristes; d’autres voudraient une Ecole de ]a magistra-
ture, etc.

Toutefois, l’6tude de ces textes fait quand m6me sentir le souci
qu’a le l6gislateur d’assurer le bon fonctionnement de ce service
public.8 2

77 Pour un expos6 de cette institution, voir H. Solus et R. Perrot, Droit

judiciaire privg, (Paris, 1961), nos. 834-845, pp. 702

i 713.

7SActe de l’Amdrique du Nord britannique, 1867, 30 & 31 Vict., c. 3, art. 99;

voir Rapport Rand, enqubte concernant l’hon. Ldo A. Landreville.

79 S.R.Q. 1.925, c. 145, art. 221.
80 5 Geo. VI, S.Q. 1941, c. 50, art. 2.
81 S.R.Q. 1941, c. 15, art. 221; S.R.Q. 1964, c. 20, art. 76; voir cependant
P6tition pour dimettre un juge de ses fonctions, La Presse, 8 f6v. 1968. Le
Ministre de la Justice aurait fait une requbte A la Cour d’appel concernant
la destitution 6ventuelle d’un juge.

82 Plusieurs notions ont 6tk puis6es au cours du professeur Solus de la Facult6
de Droit de Paris. Ce cours a maintenant Ut6 partiellement publi6 dans son
volume pr~cit6. Ce volume comprend un chapitre consacr6 A < h pp. 629 A 713. On aurait avantage & le consulter.

Will Fiscal Reform in Canada Affect United States Interests in this issue Unreported judgments

related content