McGill Law Journal Revue de droit de McGill
LE TRIBUNAL DES DROITS DE LA PERSONNE DEVANT
LA COUR DAPPEL DU QUBEC : APPEL PLUS DE
DFRENCE
Sbastien Sencal et Christian Brunelle*
titre de tribunal spcialis, le Tribunal
des droits de la personne du Qubec est protg
par une clause privative qui le met, en principe,
labri de lexercice du contrle judiciaire par la
Cour suprieure du Qubec. Toutefois, les dci-
sions finales du Tribunal peuvent tre lobjet
dun appel, sur permission, devant la Cour
dappel du Qubec. Dans lexercice de cette
comptence dappel, la Cour tend faire preuve
de trs peu de dfrence envers le Tribunal,
nhsitant pas remettre en cause non seule-
ment ses conclusions de droit, mais aussi, assez
frquemment, son apprciation des faits. Les
auteurs soutiennent que cet interventionnisme
bat en brche le principe de la spcialisation des
fonctions, observ dans la jurisprudence de la
Cour suprme du Canada, et compromet ainsi
la capacit du Tribunal appliquer et imposer
un raisonnement propre aux droits et liberts
de la personne, conformment au mandat qui
lui choit en vertu de la Charte des droits et li-
berts de la personne du Qubec.
As a specialized court, the Qubec Human
Rights Tribunal is protected by an ouster clause
that is intended to keep it free from the exercise
of judicial review by the Superior Court of Qu-
bec. However, any final decision of the Tribunal
may be appealed, with leave, to the Court of
Appeal. In exercising this appellate jurisdiction,
the Court tends to show very little deference to
the Tribunal, questioning not only its conclu-
sions of law, but also, quite frequently, its as-
sessment of facts. The authors argue that this
form of interference defies the principle of spe-
cialization of duties observed in Supreme Court
of Canada jurisprudence, which in turn under-
mines the Tribunals ability to implement and
enforce a reasoning based on human rights and
freedoms in accordance with its mandate under
the Qubec Charter of Human Rights and Free-
doms.
* Sbastien Sencal est doctorant et charg de cours la Facult de droit de lUniversit
Laval, Qubec. Christian Brunelle est professeur titulaire la Facult de droit de
lUniversit Laval, avocat et chercheur au Centre de recherche interuniversitaire sur la
mondialisation et le travail (CRIMT). La prsente tude a t rendue possible grce au
soutien financier du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSH).
Sbastien Sencal et Christian Brunelle 2015
Citation: (2015) 60:3 McGill LJ 475 Rfrence : (2015) 60 : 3 RD McGill 475
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Introduction
I.
II.
Lexercice de la comptence dappel de la Cour dappel
du Qubec lencontre des dcisions du Tribunal des
droits de la personne : dune certaine confusion un
interventionnisme certain
A. Les arrts Qubec Cartier et Dhawan
B. Retour en arrire : norme applicable un simple appel
dune dcision dun tribunal gnral
C. Larrt Commission scolaire des Phares
D. Larrt Association des pompiers de Laval
E. Les arrts Gallardo et Saguenay (Ville de)
F. La propension intervenir de la Cour dappel du Qubec
Le concept de la spcialisation des fonctions : remettre en
question lexclusion des tribunaux des droits de la personne
A. Le dveloppement du concept de la spcialisation des
fonctions
B. Les limites de la spcialisation des fonctions : les droits
de la personne ?
1. Larrt Zurich Insurance
2. Larrt Mossop
C. Le concept de la spcialisation des fonctions post-
Dunsmuir
1. La spcialisation des fonctions dans le contexte des
droits de la personne post-Dunsmuir
2. Lexception de la comptence concurrente dans le
contexte des droits de la personne
3. Les leons tirer de larrtWhatcott
Conclusion
Addenda
Annexe
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[L]orsque le lgislateur a confr un tribunal […]
une comptence spcialise, lexpertise de ce tribunal
ou de lorganisme en question doit tre respecte1.
Introduction
Avant que ne soit institu le Tribunal des droits de la personne
en 19902, certains critiquaient la relative timidit des tribunaux de droit
commun dans leur application de la Charte des droits et liberts de la per-
sonne3 (ci-aprs Charte qubcoise ). Depuis, limpulsion qua donne le
Tribunal la Charte qubcoise, en gnral, et sa norme dgalit, en
particulier, fait largement consensus4. Il arrive mme que les tribunaux
de droit commun et les tribunaux administratifs sinspirent de la juris-
prudence du Tribunal fonde sur la Charte qubcoise, notamment en ma-
tire de harclement et de discrimination5.
Quil sagisse du prsident du Tribunal, dun autre juge de la Cour du
Qubec appel y siger ou des assesseurs qui les assistent, tous sont
nomms du fait quils ont une exprience, une expertise, une sensibilisa-
tion et un intrt marqus en matire de droits et liberts de la per-
sonne 6. Cette spcialisation avre explique sans doute pourquoi, aux
termes de larticle 109 de la Charte qubcoise, une cour suprieure ne
1 Voir Gould c Yukon Order of Pioneers, [1996] 1 RCS 571 au para 104, 133 DLR (4e) 449,
juge LHeureux-Dub, dissidente [Gould].
2 Le Tribunal des droits de la personne a t cr par la Loi modifiant la Charte des
droits et liberts de la personne concernant la Commission et instituant le Tribunal des
droits de la personne, LQ 1989, c 51. Les dispositions constituant le Tribunal sont en-
tres en vigueur le 1er septembre 1990 en vertu du dcret 114690 ((1990) GOQ
II, 3381) et celles encadrant sa comptence et son fonctionnement le 10 dcembre 1990
en vertu du dcret 168690 ((1990) GOQ II, 4531).
3 Charte des droits et liberts de la personne, RLRQ, c C-12 [Charte qubcoise]. Voir par
ex Andr Morel, Loriginalit de la Charte qubcoise en pril dans Service de la
formation permanente, Barreau du Qubec, Dveloppements rcents en droit adminis-
tratif (1993), vol 45, Cowansville (Qc), Yvon Blais, 1993, 65 la p 69; Christian Brunelle
et al, 20 ans du Tribunal des droits de la personne : un tribunal phare, malgr les
vagues , Le Devoir [de Montral] (14 dcembre 2010), en ligne :
4 Voir notamment Stphane Bernatchez, Un tribunal spcialis pour rsister
lapproche civiliste en matire de droits de la personne (2012) 42 : 12 RDUS 203 la
p 210.
5 Voir notamment Diane L Demers, Les tribunaux des droits de la personne : quel rle
et quelle place leur rserve-t-on ? dans Le Tribunal des droits de la personne et le
Barreau du Qubec, La Charte des droits et liberts de la personne : pour qui et
jusquo ?, Cowansville (Qc), Yvon Blais, 2005, 175 aux pp 204205.
6 Voir Charte qubcoise, supra note 3, art 101, al 1, 103.
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peut exercer son pouvoir de rvision et de contrle contre le Tribunal
[s]auf sur une question de comptence 7.
Toutefois, larticle 132 de la Charte qubcoise prvoit la possibilit
den appeler la Cour dappel, sur permission de lun de ses juges, dune
dcision finale du Tribunal 8. De lentre en fonction du Tribunal, le 10
dcembre 1990, au 15 avril 2015, les juges de la Cour dappel ont refus
trente-trois (33) requtes pour permission den appeler lencontre de d-
cisions finales du Tribunal et en ont accueillies quarante-sept (47)9. Pen-
dant cette mme priode, la Cour a tranch lappel sur le fond dans qua-
rante-cinq (45) cas. trente (30) de ces occasions, cest–dire dans plus
des deux tiers des cas (66,7 %), la Cour a infirm, en tout ou en partie, la
dcision finale du Tribunal la faveur de la personne ou de lorganisme
qui la discrimination avait t impute. Cette proportion demeure consi-
drable compte tenu du fait que, dans lexercice de son rle gnral de
traitement, de gestion et de filtrage des plaintes de discrimination10, la
Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse ne saisit
le Tribunal que des demandes pour lesquelles elle nest pas parvenue
obtenir un rglement11 et qui lui paraissent, aprs enqute12, suffisam-
ment bien fondes13.
Il faut donc reconnatre quil existe une tension entre la Cour dappel
du Qubec et le Tribunal et, plus gnralement, entre les cours de justice
et les tribunaux des droits de la personne. Certains juges mettent en
doute lexpertise relle de ces tribunaux puisque, traditionnellement, la
dfrence lgard de linterprtation dune loi sacquiert parce que cer-
tains organismes possdent une expertise dans ladministration de r-
gimes lgislatifs jugs complexes14. Il faut dire que la retenue judiciaire
7 Ibid, art 109.
8 Ibid, art 132.
9 Voir la liste des dcisions cites en annexe.
10 Voir ibid, art 74, 77; Coutu c Tribunal des droits de la personne, [1993] RJQ 2793 la
p 2798, 59 QAC 253.
11 Voir Charte qubcoise, supra note 3, art 71, al 2(2), 78, al 1, 80.
12 Voir ibid, art 71, al 2(1).
13 Voir Mnard c Rivet, [1997] RJQ 2108 la p 2120 (CA), 1997 CarswellQue 668 [M-
nard], autorisation de pourvoi la CSC refuse, avec dissidence, [1998] 1 RCS ix. Voir
aussi Anne-Marie Santorineos, Laccs la justice en matire de droits de la per-
sonne : le difficile accs au Tribunal des droits de la personne (2012) 42 : 12
RDUS 49 la p 57.
14 Les domaines des tlcommunications, des relations de travail et des marchs finan-
ciers en sont quelques exemples (voir notamment National Corn Growers c Canada
[Tribunal des importations], [1990] 2 RCS 1324 la p 1336, 74 DLR (4e) 449, juge Wil-
son [National Corn Growers]).
LE TRIBUNALS DES DROITS DE LA PERSONNE 479
lgard des instances spcialises sexplique plutt par la reconnaissance,
par la Cour suprme du Canada, du fait que linterprtation des lois nest
pas une science exacte et quune mme disposition lgislative peut mener
plus dune interprtation valide. Ds 1979, dans larrt S.C.F.P. c. Soci-
t des Alcools du Nouveau-Brunswick, le juge Dickson, au nom de la Cour
suprme, incite les juges gnralistes faire preuve de dfrence lgard
des tribunaux spcialiss lorsque ceux-ci interprtent une loi qui ressort
de leur expertise particulire15. Selon larrt S.C.F.P., les tribunaux sp-
cialiss sont aptes rendre des dcisions parfaitement rationnelles lors-
quils interprtent leur propre loi constitutive parce que leurs membres
ont acquis une expertise et une exprience en la matire et non parce que
le rgime quils mettent en uvre est complexe. Cest un signal puissant
voulant que les cours de justice ne disposent pas du monopole de
linterprtation des lois et quvaluer la justesse des conclusions du tribu-
nal spcialis ne soit pas toujours souhaitable.
La thse que nous dfendrons part de cette ide centrale, dveloppe
par le juge Dickson dans larrt S.C.F.P., selon laquelle les tribunaux ju-
diciaires devraient faire preuve de retenue lorsquil existe de bonnes rai-
sons de le faire, lexpertise tant le facteur le plus important prendre en
compte. Ainsi, notre thse veut que le critre de la raisonnabilit doive
sappliquer aux dcisions du Tribunal malgr la prsence, dans la Charte
qubcoise, dun droit dappel. Comme la affirm le juge Iacobucci dans
larrt Canada (Directeur des enqutes et recherches) c. Southam Inc.,
lappel lencontre dune dcision dun tribunal spcialis ne saurait tre
confondu avec lappel dun jugement dun tribunal civil de premire ins-
tance16.
Pour tayer notre position, nous exposerons dabord la jurisprudence
de la Cour dappel en ce qui concerne la norme de contrle applique aux
dcisions du Tribunal. Cette analyse rvlera que cette cour ne fait, pour
15 [1979] 2 RCS 227 aux pp 23536, 97 DLR (3e) 417 [S.C.F.P.]. Comme la si bien fait res-
sortir le juge Yves-Marie Morissette : [c]et arrt porte en lui une conception et une re-
prsentation radicalement diffrentes de ce quest linterprtation juridique, et donc du
rle de linterprte en droit [nos italiques] ( Rtrospective et prospective sur le conten-
tieux administratif (2008-2009) 39 : 12 RDUS 1 la p 12 ).
16 [1997] 1 RCS 748 au para 55, 1997 CanLII 385 [Southam]. Dans le rcent arrt Ber-
trand c Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (2014
QCCA 2199, (disponible sur CanLII)), la Cour dappel soutient prcisment la thse
contraire au para 10 :
On connat la norme de contrle applicable aux jugements du Tribunal des
droits de la personne : il sagit de la norme propre aux appels. La Cour recti-
fiera donc les erreurs de droit du Tribunal, mais, sur les faits, tout comme
sur les questions mixtes de droit et de fait, elle ninterviendra quen cas
derreur manifeste et dterminante, ce dont la dmonstration incombe la
partie appelante.
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ainsi dire, preuve daucune retenue judiciaire lgard des dcisions du
Tribunal (I). Nous examinerons ensuite la jurisprudence de la plus haute
cour du pays, plus particulirement celle ayant trait au concept de la sp-
cialisation des fonctions. Tout en reconnaissant lexpertise des diffrents
tribunaux spcialiss, une majorit de juges de la Cour suprme du Cana-
da hsite se laisser guider pleinement par ce concept lgard des dci-
sions des tribunaux des droits de la personne. Enfin, nous terminerons
cette analyse en suggrant que cette vision restrictive de la spcialisation
des tribunaux des droits de la personne, dont celle de la Cour dappel du
Qubec lgard du Tribunal des droit de la personne, a t affaiblie par
larrt Saskatchewan (Human Rights Commission) c. Whatcott dans le-
quel la Cour suprme pave la voie au dveloppement dune nouvelle rela-
tion entre les tribunaux des droits de la personne et les cours de justice17,
dcision dont devrait imprativement sinspirer la Cour dappel du Qubec
(II).
I. Lexercice de la comptence dappel de la Cour dappel du Qubec
lencontre des dcisions du Tribunal des droits de la personne : dune
certaine confusion un interventionnisme certain
A. Les arrts Qubec Cartier et Dhawan
La Cour dappel du Qubec sest prononce pour la premire fois sur la
question de la norme de contrle applicable aux dcisions finales du Tri-
bunal dans larrt Qubec (Commission des droits de la personne) c. Cie
minire Qubec Cartier (re Blais)18. Aprs 29 ans de service au sein de
lentreprise, un salari g de 60 ans, a t licenci en raison de la fusion
de son poste avec un autre. Il a t admis en preuve que le titulaire de cet
autre poste ne pouvait pas accomplir lensemble des tches qui y taient
lies. Lemployeur a d confier une partie des tches un subalterne du
plaignant. Il a t aussi admis en preuve que lemployeur avait licenci,
ces dernires annes, des salaris gs de 53 62 ans. La juge Rivet a
donc conclu que le licenciement du salari tait un acte discriminatoire
fond sur lge, contrevenant ainsi la Charte qubcoise. Consquem-
ment, elle a ordonn lemployeur de verser au salari une somme
de 127 000 $ titre de dommages matriels et moraux19.
17 2013 CSC 11, [2013] 1 RCS 467 [Whatcott].
18 [1998] JQ no 3657 (QL) (CA), 1998 CanLII 12609 [Qubec Cartier].
19 Commission des droits de la personne c Compagnie minire Qubec-Cartier [1994]
RJQ 2729 (TDP Qc), 1994 CanLII 2132.
LE TRIBUNALS DES DROITS DE LA PERSONNE 481
La cause a t porte en appel. La principale question tait alors celle
de savoir si lge du salari tait la raison vritable de son licenciement.
Le juge Beauregard, qui rdige lopinion majoritaire de la Cour dappel, se
proccupe bien peu du raisonnement du Tribunal. Il rpond essentielle-
ment la question en litige en substituant son opinion celle de la juge
de premire instance, comme il laurait fait face une dcision susceptible
dappel de plein droit prononce par la Cour du Qubec ou la Cour sup-
rieure20. On cherche en vain, dans son opinion, la moindre reconnaissance
de la spcialisation ou de la spcificit du Tribunal. Dans des motifs con-
courants, la juge Otis examine pour sa part la norme de contrle qui de-
vrait tre applicable aux dcisions du Tribunal. En citant le juge Gonthier
dans larrt Bell Canada c. Canada (Conseil de la radiodiffusion et des t-
lcommunications canadiennes)21, la juge Otis soutient que mme si un
droit dappel est prvu, la Cour doit tenir compte de lexpertise du Tribu-
nal22. Tout en reconnaissant quon devrait faire preuve de retenue
lgard des conclusions du Tribunal, la juge Otis attnue cette proposition
en affirmant que le degr de retenue dont le tribunal dappel devra faire
preuve envers les dterminations du tribunal administratif est susceptible
de varier en fonction de la nature des questions soumises 23.
La juge Otis reconnat ainsi lexpertise du Tribunal tout en la limitant
aux simples questions de fait en raison de larrt Canada (PG) c. Mossop24,
dans lequel le juge La Forest restreint [l]expertise […] [des] tribuna[ux]
des droits de la personne [] lapprciation des faits […] dans un contexte
de droits de la personne 25.
20 Le juge Beauregard fait sa propre valuation de la preuve prsente en premire ins-
tance aux para 81144.
21 [1989] 1 RCS 1722, 60 DLR (4e) 682 [Bell Canada avec renvois aux RCS].
22 Qubec Cartier, supra note 18 au para 164.
23 Ibid au para 163. la lecture de la dcision, il nest pas clair si la question en cause
tait une question de droit, une question de fait ou une question mixte. notre avis, la
question en cause tait une question mixte puisquil sagissait de savoir sil y avait ou
non discrimination. Il fallait appliquer les principes juridiques aux faits. La juge Otis
parat faire rfrence un examen pouss du raisonnement du juge du Tribunal, ce qui
laisse entendre quelle applique la norme du caractre raisonnable (ibid aux para 180
81). Elle qualifie elle-mme la dcision de draisonnable (ibid au para 181).
24 Ibid aux para 17778.
25 [1993] 1 RCS 554 la p 585, 1993 CanLII 164 [Mossop]. Les autres juges de la Cour
sont daccord avec cette opinion du juge La Forest, sauf la juge LHeureux-Dub qui ex-
prime sa dissidence ( la p 587 et s). Larrt Pezim c Colombie-Britannique (Supertin-
tendant of Brokers) ([1994] 2 RCS 557 aux pp 59091, 1994 CanLII 103 [Pezim]) con-
firme la norme exprime dans larrt Mossop. Sept des neuf juges de la Cour sont una-
nimes, les juge Cory et LHeureux-Dub nayant pas pris part au jugement.
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Larrt Genova et Qubec (Commission des droits de la personne et des
droits de la jeunesse) c. Dhawan26 est intressant cet gard. Dans cette
affaire, le Tribunal avait condamn un professeur duniversit verser la
somme de 7 000 $ la victime, une secrtaire, pour cause de harclement
sexuel au travail27. La question en litige tait celle de savoir si le Tribunal
avait appliqu les bons lments constitutifs du harclement sexuel. R-
digeant les motifs majoritaires, le juge Delisle sen tient la norme
quavait nonce la juge Otis dans larrt Qubec Cartier28. Ainsi, comme
la dfinition du harclement sexuel est une question gnrale de droit, la
Cour devait valuer la dcision du Tribunal quant sa justesse. Toutefois,
ce qui retient lattention dans lopinion succincte du juge Delisle, est le fait
quil examine la substance du raisonnement du Tribunal. Autrement dit,
il accorde une importance la justification de la dcision sans substituer
son opinion celle du Tribunal29.
B. Retour en arrire : norme applicable un simple appel dune dcision
dun tribunal gnral
Dans une srie darrts subsquents, la Cour dappel change compl-
tement de direction en revenant lapplication de la norme applicable
un simple appel dune dcision dun tribunal de premire instance30. De
fait, la Cour dappel revient au degr dintervention dont elle faisait
preuve avant que la juge Otis ne suggre une voie nouvelle dans larrt
Qubec Cartier31.
26 JE 2000-1321 (CA Qc), 2000 CanLII 11031 [Dhawan], autorisation de pourvoi la CSC
refuse, 2001Carswell Que 3491.
27 Voir Genova et Qubec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeu-
nesse) c Dhawan, DTE 96T285, 1995 CanLII 11.
28 Voir Dahwan, supra note 26 au para 11, citant Qubec Cartier, supra note 18 au pa-
ra 178.
29 Voir ibid aux para 2122.
30 Voir Universit Laval c Commission des droits de la personne et des droits de la jeu-
nesse, 2005 QCCA 27, [2005] RJQ 347; Socit de lassurance-automobile du Qubec c
Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, [2005] RJQ 11
(CA), 2004 CanLII 46419; Wal-Mart Canada inc c Commission des droits de la personne
et des droits de la jeunesse, 2005 QCCA 93, JE 2005-441; Valle c Commission des droits
de la personne et des droits de la jeunesse, 2005 QCCA 316, [2005] RJQ 961; Montral
(Communaut urbaine) Service de police c Commission des droits de la personne et des
droits de la jeunesse, 2006 QCCA 612, [2006] RJQ 1307.
31 Voir Commission scolaire St-Jean-sur-Richelieu c Qubec (Commission des droits de la
personne), [1994] RJQ 1227, 117 DLR (4e) 67 (CA); Commission scolaire rgionale
Chauveau c Qubec (Commission des droits de la personne), [1994] RJQ 1196, 1994
CanLII 5704 (CA); Desroches c Qubec (Commission des droits de la personne), [1997]
LE TRIBUNALS DES DROITS DE LA PERSONNE 483
Deux facteurs peuvent expliquer ce retour en arrire. Premirement,
la Cour suprme ne sest jamais prononce sur la question de la norme de
contrle applicable aux dcisions finales du Tribunal lorsque celles-ci ont
t contestes devant elle32. En fait, la Cour neffleure mme pas la ques-
tion. Il nest donc pas surprenant que la Cour dappel nait pas continu
dexplorer la voie suggre par les juges Otis, dans larrt Qubec Cartier,
et Delisle, dans larrt Dhawan. Deuximement, la Cour suprme rend
difficile la conceptualisation de la norme de contrle applicable un appel
et celle applicable la rvision judiciaire dune dcision dun tribunal sp-
cialis puisque les deux approches se concentrent essentiellement sur la
nature de la question en jeu33.
Dans larrt Southam, le juge Iacobucci rexamine, au nom de la Cour
suprme, les principes de common law applicables la rvision judiciaire.
Lessentiel du jugement repose sur lide gnrale que lexpertise dun tri-
bunal doit tre respecte, et ce, mme lorsque la loi constitutive du tribu-
nal spcialis prvoit un droit dappel. Pour ce faire, les juges doivent faire
preuve de retenue en accordant une attention particulire la substance
de la dcision rendue par le tribunal spcialis34. Le tribunal dappel doit
donc se concentrer notamment sur la nature de la question en cause afin
de dterminer le degr de retenue dont il doit faire montre35. De faon g-
nrale, la retenue simpose lorsque le tribunal spcialis interprte sa
propre loi constitutive puisque lobjet de la [l]oi est [alors] mieux servi
en raison de son expertise36. La retenue judiciaire est de mise galement
devant les conclusions de fait et les conclusions mixtes de droit et de fait
du tribunal spcialis37. Autrement dit, la cour dappel ne peut faire
RJQ 1540, 149 DLR (4e) 425 (CA); Whittom c Qubec (Commission des droits de la per-
sonne), [1997] RJQ 1823, 1997 CanLII 10666 (CA).
32 Voir Qubec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c Mon-
tral (Ville de); Qubec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeu-
nesse) c Boisbriand (Ville de), 2000 CSC 27, [2000] 1 RCS 665; Qubec (Commission des
droits de la personne et des droits de la jeunesse) c Maksteel Qubec, 2003 CSC 68,
[2003] 3 RCS 228; Qubec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeu-
nesse) c Montral (Communaut urbaine de), 2004 CSC 30, [2004] 1 RCS 789; Qubec
(Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c Qubec (PG), 2004
CSC 39, [2004] 2 RCS 185; Montral (Ville de) c Qubec (Commission des droits de la
personne et des droits de la jeunesse), 2008 CSC 48, [2008] 2 RCS 698 (dans tous ces ar-
rts, on ne trouve aucune prcision concernant la norme de contrle applicable).
33 Voir gnralement, au sujet du rle de la nature de la question dans lanalyse de la
norme de contrle, Gerald P Heckman, Substantive Review in Appellate Courts since
Dunsmuir (2009) 47 : 4 Osgoode Hall LJ 751.
34 Voir Southam, supra note 16 au para 62.
35 Voir ibid aux para 3445, 54.
36 Voir ibid au para 49.
37 Voir ibid au para 53.
484 (2015) 60:3 MCGILL LAW JOURNAL REVUE DE DROIT DE MCGILL
preuve dune aussi grande retenue lorsquil existe un droit dappel. Toute-
fois, elle doit manifestement tenir compte de lexpertise du tribunal sp-
cialis.
Dans ce contexte, et ce mme depuis que larrt Dunsmuir c. Nouveau-
Brunswick38 a t prononc, il devient difficile de distinguer la norme ap-
plicable un simple appel, explicite par la Cour dans larrt Housen c.
Nikolaisen39, et celle applicable lors de la rvision judiciaire dune dcision
dun tribunal spcialis. Lors dun appel, la cour se concentre sur la na-
ture de la question soumise pour dterminer le contrle quelle doit exer-
cer. En prsence dune question de droit, la norme est celle de la dcision
correcte, alors quen prsence dune question de fait ou dune question
mixte de droit et de fait, la norme est celle de lerreur manifeste et domi-
nante. Le juge de premire instance na droit la retenue que pour ses
conclusions factuelles et ses conclusions mixtes de droit et de fait puisque
lon reconnat son expertise lgard des faits40. Quant son interprta-
tion des lois, elle doit tre juste41. En fait, la principale distinction davec
lappel de dcisions de tribunaux de droit commun provient du fait que,
lorsquune cour de justice rvise une dcision dun tribunal spcialis, cer-
taines questions de droit mritent la retenue judiciaire42. Or, cette distinc-
tion ne semble pas sappliquer aux tribunaux des droits de la personne
puisque la Cour suprme a restreint leur expertise lapprciation des
faits43.
Alors quest-ce qui distingue fondamentalement la norme applique
lappel lencontre dune dcision dun tribunal de premire instance de
celle applicable la rvision judiciaire dune dcision dun tribunal spcia-
lis en droits de la personne ? En thorie, rien. Cest la raison pour la-
quelle le dbat entourant la norme de contrle applicable aux dcisions du
Tribunal des droits de la personne du Qubec apparat a priori thorique.
Toutefois, prtendre que le Tribunal dispose dune spcialisation relle
dans le traitement des questions de discrimination a une incidence pra-
tique pour la victime et pour lensemble du systme prvu dans la Charte
qubcoise, dont les objectifs principaux continuent dtre laccessibilit et
lefficacit44. Somme toute, la valeur conomique du processus institu
38 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190 [Dunsmuir].
39 2002 CSC 33, [2002] 2 RCS 235 [Housen].
40 Voir ibid aux para 1011, 2728, 3536.
41 Voir ibid au para 9.
42 Voir Dunsmuir, supra note 38 au para 55.
43 Voir Mossop, supra note 25 la p 585.
44 Voir Qubec, Assemble nationale, Journal des dbats, 34e lg, 1re sess, vol 31, no 91 (10
dcembre 1990) la p 5978 (M. Rmillard) [Qubec, Journal des dbats].
LE TRIBUNALS DES DROITS DE LA PERSONNE 485
par la rforme de 1990 sen trouve grandement diminue si les appels de-
vant la Cour dappel deviennent simplement loccasion de substituer
lopinion de la Cour celle du tribunal spcialis45. Distinguer une pro-
blmatique en rfrant uniquement la nature de la question tranche
par le tribunal spcialis mne lapplication dune doctrine du tout ou
rien. Il nous semble que la rponse devrait tre plus nuance et sensible
au contexte, la disposition lgislative en cause et aux objectifs gnraux
de la Charte qubcoise, dautant plus quil devient difficile de distinguer
les questions de droit et les questions de fait puisque plusieurs conclu-
sions impliquent des questions mixtes de droit et de fait46.
C. Larrt Commission scolaire des Phares
Dans larrt Commission scolaire des Phares c. Qubec (Commission
des droits de la personne et des droits de la jeunesse), la Cour dappel ac-
centue son discours interventionniste en mettant notamment laccent sur
le droit dappel prvu par la Charte qubcoise et sur labsence de comp-
tence exclusive du Tribunal47. Cette dcision concerne un jeune garon at-
teint de trisomie 21 dont les parents dsiraient lintgration dans une
classe ordinaire. Aprs audition, le Tribunal a condamn la commission
scolaire verser tout prs de 20 000 $ titre de dommages matriels et
une somme de 30 000 $ titre de dommages moraux. Il a ordonn gale-
ment la commission scolaire la mise sur pied dun plan dvaluation pr-
voyant lintgration graduelle du jeune garon en classe ordinaire.
La Cour dappel devait rpondre deux questions. Premirement, la
Loi sur linstruction publique48 oblige-t-elle une commission scolaire pro-
cder lintgration dun lve handicap dans une classe ordinaire ?
Deuximement, la conduite de la commission scolaire a-t-elle port at-
teinte aux droits de lenfant protgs par la Charte qubcoise ? Pour r-
pondre ces questions, la Cour procde dabord une analyse de la norme
de contrle quelle doit appliquer dans les circonstances. Elle constate,
dune part, que le lgislateur na pas confi de comptence exclusive au
Tribunal sur lensemble des droits protgs par la Charte qubcoise49.
45 Voir Mossop, supra note 25 la p 594 (la juge LHeureux-Dub, dissidente, rfre
lintention du lgislateur davoir institu un organism[e] qui peu[t] trancher des ques-
tions dune faon conomiquement efficace et expditive [nos italiques]). Voir galement
Morissette, supra note 15 la p 34 : [l]a solution rapide et bon march dune difficult
juridique, par un dcideur local, facilement accessible et choisi parce quil connat son
affaire, est ce qui devrait caractriser la justice administrative .
46 Voir Southam, supra note 16 au para 35.
47 2006 QCCA 82, [2006] RJQ 378 [Commission scolaire des Phares, 2006].
48 RLRQ c I-13.3.
49 Commission scolaire des Phares, 2006, supra note 47 au para 31.
486 (2015) 60:3 MCGILL LAW JOURNAL REVUE DE DROIT DE MCGILL
Ainsi, une personne peut sadresser aux tribunaux de droit commun sans
devoir passer par le Tribunal. Dautre part, la Cour ajoute que
larticle 132 de la Charte qubcoise prvoit un droit dappel sur permis-
sion, ce qui a pour consquence que la Cour nexerce pas un contrle judi-
ciaire, mais bien une comptence dappel50. Quant la prise en considra-
tion de lexpertise du Tribunal, la Cour conclut que la question a t tran-
che par la Cour suprme dans larrt Mossop : son expertise nest recon-
nue que dans le contexte de lapprciation des faits dans un contexte de
droits de la personne51. La Cour conclut son raisonnement en affirmant
que les dcisions du Tribunal sont ainsi soumises aux mmes critres
dintervention que les dcisions des tribunaux de premire instance su-
jettes appel52. Consquemment, la Cour applique lgard des questions
de droit la justesse de linterprtation des dispositions lgislatives par le
Tribunal, tandis qu lgard des questions de fait et des questions mixtes
de droit et de fait, elle applique la norme de lerreur manifeste et domi-
nante53.
En somme, mme si le Tribunal est un tribunal spcialis54, son exper-
tise se limite lapprciation des faits dans un contexte de droits de la
personne55. Toutefois, ses dcisions finales demeurent soumises aux
mmes critres que ceux applicables au contrle des dcisions des tribu-
naux de premire instance sujettes appel. Il nous faut ainsi constater
que le droit dappel prvu par larticle 132 de la Charte qubcoise a un
poids considrable aux yeux des juges de la Cour dappel, puisque cette
disposition est vue comme le reflet fidle de lintention intgrale du lgi-
slateur56. Ds lors, la question suivante se pose : en quoi la reconnaissance
de lexpertise du Tribunal est-elle utile si, au final, la Cour ne fait preuve
daucune dfrence lgard de ses dcisions ? En fait, lappel factice au
respect de lexpertise semble servir une fin purement rhtorique qui fait
cran lexercice dune comptence dappel essentiellement axe sur la
justesse de la dcision rendue par le Tribunal.
50 Ibid au para 32.
51 Ibid au para 33. Voir aussi Mossop, supra note 25.
52 Commission scolaire des Phares, 2006, supra note 47 au para 34.
53 Ibid. La Cour cite au passage larrt Housen, supra note 39.
54 Commission scolaire des Phares, 2006 supra note 47 au para 31.
55 Ibid au para 33.
56 La Cour dappel appliquera un raisonnement semblable dans larrt Gaz mtropolitain
c Qubec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse), 2011 QCCA
1201 au para 32, [2011] RJQ 1253.
LE TRIBUNALS DES DROITS DE LA PERSONNE 487
D. Larrt Association des pompiers de Laval
En 2011, dans larrt Association des pompiers de Laval c. Qubec
(Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse), la Cour
dappel entrouvre la porte lapplication possible des principes de contrle
judiciaire dgags par la Cour suprme du Canada dans larrt Duns-
muir au stade de lappel lencontre dune dcision finale du Tribu-
nal57. Dune part, elle attnue leffet de larrt Commission scolaire des
Phares (2006) qui avait appliqu purement et simplement les normes
dappel aux dcisions du Tribunal. Au nom de la Cour, la juge Bich men-
tionne [quil] nest pas impossible que cet nonc doit tre nuanc […]
mais il demeure en substance 58. Dans son opinion, elle jongle avec diff-
rents lments : le mandat spcialis du Tribunal, le droit dappel, la
clause privative et
les questions de droit dintrt gnral et
dimportance pour lensemble du systme juridique 59.
Dabord, en ce qui concerne lexpertise du Tribunal, elle rappelle que le
Tribunal quoiquil ait un mandat spcialis, na pas reu du lgislateur
une mission exclusive 60. Ensuite, les dcisions du Tribunal peuvent faire
lobjet dun appel sur permission, conformment larticle 132 de la
Charte qubcoise61. Cela semble militer pour lassimilation du Tribunal
spcialis un tribunal gnral de premire instance Ainsi, la juge Bich
crit : [c]omme la Cour entend galement les appels des jugements ren-
dus dans ce domaine par les cours dinstance, cela lui permet dassurer le
dveloppement harmonieux et cohrent du droit en la matire 62. Enfin,
devant ces considrations, la Cour accorde bien peu de poids la clause
privative quelle qualifiait pourtant elle-mme de svre 63 autrefois
de larticle 109 de la Charte qubcoise. Consquemment, la balance
penche nettement en faveur de lapplication dune norme dintervention
analogue celle qui simpose dans les cas de lappel de lordre judi-
ciaire 64.
Cependant, la Cour admet, pour une premire fois, que les dcisions
du Tribunal ne devraient pas toutes tre soumises la norme de contrle
57 2011 QCCA 2041, [2011] RJDT 1025 [Association des pompiers de Laval].
58 Ibid au para 32.
59 Ibid au para 3233.
60 Ibid au para 32.
61 Ibid.
62 Ibid.
63 Voir Mnard, supra note 13 la p 2114.
64 Association des pompiers de Laval, supra note 57 au para 33.
488 (2015) 60:3 MCGILL LAW JOURNAL REVUE DE DROIT DE MCGILL
de la dcision correcte65. Le constat demeure cependant sans consquence
puisque la Cour qualifie la question dont le Tribunal tait saisi en lespce
comme tant dimportance pour le systme juridique et trangre son
domaine dexpertise 66, cest–dire une question pour laquelle le Tribunal
nest pas investi dune mission exclusive et lgard de laquelle il ne
possde en outre pas dexpertise particulire par rapport aux cours de jus-
tice 67. Dans les faits, le point en litige tait de savoir si les clauses de
disparit de traitement (clauses dites orphelins ), intgres dans une
convention collective liant la Ville de Laval et ses pompiers taient con-
traires la Charte qubcoise. En premire instance, le Tribunal avait ju-
g ces clauses discriminatoires. Pour en venir cette conclusion, la juge
du Tribunal avait notamment port son regard sur la Loi sur les normes
du travail68.
Il semble pour le moins trange daffirmer que le Tribunal ne dispose
pas de lexpertise requise pour trancher une question de discrimination.
Dune part, cest une question qui relve entirement du mandat que lui a
confi le lgislateur et qui relve, de plus, de lapplication de sa loi consti-
tutive. Dautre part, labsence dune comptence exclusive ne dpossde
pas le Tribunal de son expertise en matire de discrimination. Le fait que
la Charte qubcoise ne reconnaisse pas une telle comptence exclusive au
Tribunal semble dcupler la puissance rhtorique de la Cour. Ainsi, tout
en affirmant la spcialisation du Tribunal, elle la banalise en se dclarant
tout aussi experte en la matire. Si la Cour avait observ rigoureusement
le principe de dfrence, elle aurait examin la justesse du raisonnement
du Tribunal lgard de son interprtation de la Loi sur les normes du
travail puisque cette loi est trangre son domaine dexpertise. Toute-
fois, en ce qui concerne la conclusion de discrimination, la Cour aurait t
justifie de faire preuve de retenue par gard pour lexpertise du Tribunal
en la matire.
E. Les arrts Gallardo et Saguenay (Ville de)
Lanne suivante, dans larrt Commission scolaire Marguerite-
Bourgeoys c. Gallardo, la Cour dappel affirme que [l]e contrle des dci-
sions finales du Tribunal […] est assujetti aux principes dgags par la
Cour suprme du Canada dans larrt Dunsmuir , soit la justesse et la
65 Ibid.
66 Ibid.
67 Ibid.
68 RLRQ, c N-1.1; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c Laval
(Ville de) (Service de scurit dincendies), 2009 QCTDP 4, [2009] RJQ 853 aux para
18187.
LE TRIBUNALS DES DROITS DE LA PERSONNE 489
raisonnabilit69. Le clou de linterventionnisme est rsolument enfonc par
le juge Dalphond lorsquil affirme, au nom de la Cour, que linterprtation
des dispositions de la Charte qubcoise entre toujours dans la catgorie
des questions dimportance capitale pour le systme juridique lgard
desquelles la norme de la dcision correcte sapplique. Le Tribunal ne sau-
rait jamais prtendre avoir une expertise suprieure cet gard70.
Cest exactement le mme raisonnement quadopte la Cour dans
larrt Saguenay (Ville de) c. Mouvement laque qubcois rendu en 201371.
Cette affaire avait comme point central la question de la neutralit reli-
gieuse de ltat. Le maire de Saguenay avait pour habitude de dbuter les
sances du conseil municipal par la rcitation dune prire72. Un citoyen
non-croyant de Saguenay, appuy par le Mouvement laque qubcois,
tait davis que ce genre de rcitation […] n[avait] pas [sa] place dans
une enceinte voue la dmocratie municipale 73. Le Tribunal a conclu
que la ville de Saguenay et son maire avaient failli lobligation de neu-
tralit quimpose la Charte qubcoise au titulaire dune charge publique.
Consquemment, le Tribunal a ordonn au maire de cesser de rciter la
prire en plus denjoindre la ville retirer tous les symboles religieux pr-
sents dans les salles o se runit le conseil municipal. De plus, le Tribunal
a condamn solidairement la ville et son maire verser prs de 30 000 $
titre de dommages moraux et punitifs.
Le juge Gagnon, qui rdige lopinion majoritaire, suggre quil ny a
pas lieu de faire montre dune dfrence particulire lgard de
lexpertise du Tribunal 74 en raison du fait que, dune part, le Tribunal ne
possde pas de comptence exclusive et que, dautre part, la neutralit re-
ligieuse est une question dimportance pour le systme juridique 75. En-
core plus proccupant, la majorit nhsite pas intervenir dans la dter-
mination du statut dexpert dun tmoin et dans lapprciation de la crdi-
69 Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys c Gallardo 2012 QCCA 908, [2012] RJQ
1001 aux para 4749 [Gallardo].
70 Ibid au para 49.
71 2013 QCCA 936, [2013] RJQ 897 [Saguenay], autorisation de pourvoi la CSC accor-
de, 35496 (16 janvier 2014).
72 Voir ibid au para 17 : [M.] le maire rcite une prire, prcde dun signe de croix quil
accompagne de la formule Au nom du Pre, du Fils et du Saint-Esprit. Cette prire se
termine par un autre signe de croix et par les mots ainsi soit-il (la dcision portait
aussi sur la prsence de signes religieux dans lenceinte du conseil municipal).
73 Ibid au para 19.
74 Ibid au para 37.
75 Ibid (le juge Gagnon appuie son raisonnement sur larrt Association des pompiers de
Laval, supra note 57).
490 (2015) 60:3 MCGILL LAW JOURNAL REVUE DE DROIT DE MCGILL
bilit de son tmoignage76, aspects qui relvent non seulement de
lexpertise relative quaccorde la Cour suprme du Canada aux tribunaux
des droits de la personne77, mais aussi de lexpertise gnrale que lon ac-
corde aux juges de premire instance dans leur apprciation de la preuve
et dans leur aptitude juger78.
F. La propension intervenir de la Cour dappel du Qubec
Ce survol des arrts rcents de la Cour dappel dmontre la prdisposi-
tion de cette dernire contrler la justesse des dcisions du Tribunal.
Nous remarquons ainsi que les juges de la Cour sont la recherche cons-
tante de la bonne rponse, ce qui est caractristique de lapplication de la
norme de contrle de
la dcision correcte79. La recherche de
linterprtation correcte tend nier le pluralisme interprtatif80 et consti-
tue une technique dintervention judiciaire essentiellement axe sur le
formalisme81. En sintressant aux raisons formelles qui lobligent inter-
76 Saguenay, supra note 71 aux para 5055.
77 Voir Mossop, supra note 25 la p 585; Ross c Conseil scolaire du district no15, [1996] 1
RCS 825 au para 33, 133 DLR (4e) 1.
78 Voir Housen, supra note 39 aux para 1011, 2728, 3536. Dans larrt Bombardier inc
(Bombardier Aerospace Training Center) c Commission des droits de la personne et des
droits de la jeunesse (2013 QCCA 1650, [2013] RJQ 1541, autorisation de pourvoi la
CSC accorde, 35625 (1er mai 2014)), la Cour critique le travail du Tribunal dans son
apprciation du rapport et du tmoignage dun tmoin expert. La Cour sexprime
comme suit au para 114 :
[s]i, dentre de jeu, le Tribunal navait pas carter le rapport et le tmoi-
gnage de Bahdi en raison de son manque dexprience ou de comptence, il
devait effectivement redoubler de prudence et de vigilance au moment de les
valuer. Il ne pouvait ignorer les faiblesses de contenu, la non-pertinence ou
la faible pertinence des informations communiques […].
79 Voir Michel Coutu et George Marceau avec la collaboration dAnnie Pelletier et de Ka-
rine Pelletier, Droit administratif du travail : tribunaux et organismes spcialiss du
domaine du travail, Cowansville (Qc), Yvon Blais, 2007 la p 52.
80 Pourfendeur de la doctrine, aujourdhui dpasse, selon laquelle il ne peut y avoir
quune seule bonne rponse toute question de droit, le juge Yves-Marie Morissette
voit dans ce pluralisme interprtatif une […]conception […] pragmatique et raliste
plutt que formaliste, […] facilement intelligible, en accord avec une conception actuelle
du sens que vhiculent les langues naturelles […] (supra note 15 aux pp 1213).
81 Voir Coutu et Marceau, supra note 79 la p 53. Nous rfrons au formalisme tel que la
dfini David Dyzenhaus : [f]ormalism is formal in that is requires judges to operate
with categories and distinctions that determine results without the judges having to de-
ploy the substantive arguments that underpin the categories and distinctions [nos
soulignements] ( Constituting the Rule of Law: Fundamental Values in Administrative
Law (2002) 27 : 2 Queens LJ 445 la p 450). Une fois la catgorisation termine, au-
cune discussion nest ncessaire lgard du contexte de la dcision, de la disposition l-
gislative en cause ou des objectifs gnraux de la loi (voir Paul Daly, A Theory of Defe-
LE TRIBUNALS DES DROITS DE LA PERSONNE 491
venir la prsence dun droit dappel et la non-reconnaissance dune
comptence exclusive plutt quaux raisons substantielles
lexpertise, la sensibilit aux droits de la personne, le contexte de la dci-
sion la Cour dappel semble stre dsintresse de la substance des d-
cisions du Tribunal, de lincidence de la dcision sur la victime de discri-
mination et, ultimement, de lobjectif servi par la dcision, soit celui de
prserver la dignit de la victime. La Cour privilgie une approche for-
melle en catgorisant la question sous tude, trouvant l le sauf-conduit
qui lui permet dintervenir, sans sintresser vritablement au fond de la
dcision qui a t rendue par le Tribunal. Linterventionnisme de la Cour
est manifeste, sans compter que certains juges nhsitent pas critiquer
svrement le travail accompli par le Tribunal82.
En somme, le droit dappel prvu par la Charte qubcoise, le poids
tout relatif accord la clause privative de larticle 109 et la comptence
non exclusive du Tribunal renforcent largumentaire de la Cour qui milite
pour lintervention. Cette attitude contribue laffaiblissement du Tribu-
nal, qui peine imposer sa jurisprudence avant que la Cour dappel ne se
soit prononce83. titre dexemple, on ne peut que constater que de nom-
breuses municipalits ont continu rciter la prire malgr la dcision
du Tribunal qui a condamn une telle pratique ds 200684. De plus, cette
forte inclination pour lintervention diminue aussi la crdibilit institu-
tionnelle du Tribunal. Loin de nous lide daffirmer que la Cour ne de-
vrait jamais intervenir, mais elle devrait tre la recherche dun meilleur
quilibre entre, dune part, lexercice lgitime de sa comptence dappel
prvue par la Charte qubcoise et, dautre part, la spcialisation lgislati-
vement avre du Tribunal.
En instituant le Tribunal en 1990, le lgislateur na pas seulement
prvu lappel des dcisions finales du Tribunal, il a aussi mis sur pied un
tribunal judiciaire et spcialis 85 qui, esprait-on, allait permettre :
rence in Administrative Law: Basis, Application and Scope, Cambridge (R-U), Cam-
bridge University Press, 2012 aux pp 1112).
82 Lobservateur avis ne peut que constater le ton parfois trs dur employ par la Cour
dappel au moment dinfirmer des dcisions du Tribunal des droits de la personne.
Larrt Commission scolaire des Phares c Qubec (Commission des droits de la personne
et des droits de la jeunesse) (2012 QCCA 988, [2012] RJQ 1022) nous semble particuli-
rement loquent cet gard.
83 Voir Jacques Frmont, La Charte, le droit statutaire et le droit commun du Qubec
trente ans plus tard : rflexion autour de malaises dans Le Tribunal des droits de la
personne et le Barreau du Qubec, supra note 5, 63 la p 78.
84 Voir par ex Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c Laval
(Ville de), 2006 QCTDP 17, [2006] RJQ 2529.
85 Voir Qubec, Journal des dbats, supra note 44 la p 5978.
492 (2015) 60:3 MCGILL LAW JOURNAL REVUE DE DROIT DE MCGILL
[d]assurer une plus grande accessibilit pour lensemble des citoyens
qui non seulement verront leurs droits et leurs liberts garantis, en
principe, dans un texte fondamental; qui est notre Charte des droits
et liberts, mais qui pourront aussi sadresser par la Commission des
droits ou directement un tribunal qui pourra faire respecter leur
droit lgalit86.
Comme lobserve juste titre le Barreau du Qubec :
Le Tribunal des droits de la personne permet un accs la justice
particulirement efficace pour les citoyens-nes en ce qui regarde les
droits et liberts, pierre dassise de notre stabilit sociale et de notre
dmocratie, accs que les autres tribunaux ne sauraient assurer avec
autant defficience, compte tenu de leurs multiples fonctions87.
Cest dailleurs en dveloppant le concept de la spcialisation des fonc-
tions, ds 1979, que la Cour suprme du Canada a cherch atteindre
lquilibre hautement souhaitable entre la rigidit dune approche pure-
ment textuelle axe sur lexistence dun droit dappel et les raisons subs-
tantielles qui militent plutt pour la retenue judiciaire (lexpertise avre
et la sensibilit des dcideurs lgard de la mission dont le lgislateur les
a investis).
II. Le concept de la spcialisation des fonctions : remettre en question
lexclusion des tribunaux des droits de la personne
Dans larrt S.C.F.P., la Cour suprme a tent de prendre ses dis-
tances avec la thorie qui cherche rserver aux juges (judiciaires) le mo-
nopole de linterprtation des lois88. Le juge Dickson, au nom de la Cour,
tente alors de contenir les juges dans leur propension intervenir, parti-
culirement lorsque la dcision dun tribunal spcialis sinscrit au cur
de son expertise (A). Lattitude de dfrence qui doit sinfrer du concept
de la spcialisation des fonctions semble toutefois, pour une majorit de
juges de la Cour suprme, sarrter la porte des tribunaux des droits de
la personne, lexception notoire de la juge LHeureux-Dub, ardente par-
tisane dune application fidle des principes qui se dgagent de larrt
S.C.F.P. (B). Reste voir si la Cour, dans la foule de larrt Dunsmuir,
peut redcouvrir les vertus de la dfrence dans lexercice du contrle ju-
diciaire, mme en matire de droits de la personne. Larrt Whatcott
86 Ibid.
87 Lettre de Denis Mondor, btonnier du Qubec, Thomas J Boudreau, prsident du
Groupe de travail sur lexamen du rle et des fonctions des organismes du
gouvernement (10 dcembre 2004) la p 7, en ligne :
88 Pour lire sur cette thorie, voir notamment Albert Venn Dicey, Introduction to the
Study of the Law of the Constitution, 10e d, Londres (R-U), Macmillan & Co, 1959, ch
12.
donne, tout le moins, des signes encourageants en ce sens. Encore faut-il
que la Cour dappel du Qubec y soit sensible (C).
LE TRIBUNALS DES DROITS DE LA PERSONNE 493
A. Le dveloppement du concept de la spcialisation des fonctions
La relation entre les cours de justice et les tribunaux spcialiss, char-
gs dune mission lgislative particulire, a t profondment influence
par la thorie de Dicey. Tmoin de lexpansion de ltat administratif en
Angleterre la fin du XIXe sicle, Dicey considrait que, pour sauvegarder
limputabilit des agents administratifs, les juges des cours suprieures
devaient maintenir un ensemble de rgles juridiques lgard desquelles
ils devaient disposer de lultime autorit interprtative89. Cette vision de
la rule of law, qui postulait que toutes les lois sont investies dun sens
unique que seul le juge est comptent dgager, ne laissait aucune place
aux organismes administratifs afin quils puissent interprter souverai-
nement leur propre loi constitutive. On croyait et lon dfendait lide
que le droit tait un ensemble de normes scientifiques qui pouvaient
tre dcouvertes par la simple tude et lapplication des principes juri-
diques [notre traduction]90. Cest derrire cette ide de contrle ultime
exerc par les cours de justice que sest forge lidentit de la rvision judi-
ciaire suivant laquelle seuls les juges peuvent rellement dcouvrir
lintention prsume univoque du lgislateur91.
La Cour suprme du Canada sest graduellement dtache de cette
thorie de Dicey pour reconnatre que certaines questions mritent dtre
values par des experts qui disposent dune exprience et dune sensibili-
t dans un domaine particulier. La Cour a reconnu dans larrt S.C.F.P.
que les tribunaux spcialiss, lorsquils interprtent leur propre loi consti-
tutive, ne sont pas tenus darriver une interprtation correcte. Il nexiste
pas une interprtation unique dont on [peut] dire quelle [est] la bonne
[…] 92. La Cour sest donc distancie du contrle activiste pour laisser
place lexercice dune comptence de rvision plus prudente qui recon-
nat la valeur de lexpertise des tribunaux spcialiss. Consquemment, si
lon respecte les enseignements de larrt S.C.F.P., il faut accepter que les
89 Voir ibid.
90 Voir R Blake Brown, The Canadian Legal Realists and Administrative Law Scholar-
ship, 19301941 (2000) 9 Dal J Leg Stud 36 la p 39.
91 Voir gnralement Richard Risk, Here be Cold and Tygers: A Map of Statutory Inter-
pretation in Canada in the 1920s and the 1930s (2000) 63 : 1 Sask L Rev 195 la
p 196.
92 Voir National Corn Growers, supra note 14 la p 1340.
494 (2015) 60:3 MCGILL LAW JOURNAL REVUE DE DROIT DE MCGILL
tribunaux spcialiss ne soient pas soumis aux mmes normes de contrle
que celles applicables aux cours de justice93.
En principe, lors de lappel dune dcision dun tribunal civil de pre-
mire instance, les questions de droit font lobjet dun contrle strict en
vertu duquel la justesse du raisonnement du juge est examine. En
dautres termes, la juridiction dappel peut substituer son propre raison-
nement celui du juge de premire instance. lgard des questions de
fait et des questions mixtes de droit et de fait, une cour dappel
ninterviendra que sil existe une erreur manifeste et dominante 94. Ce
principe gnral a toutefois t assoupli par la Cour suprme du Canada
dans larrt Bell Canada c. Canada (Conseil de la radiodiffusion et des t-
lcommunications canadiennes), prcisment pour tenir compte de la sp-
cialisation de certains organismes95.
La Cour devait alors examiner si le Conseil de la radiodiffusion et des
tlcommunications canadiennes (ci-aprs CRTC ) avait comptence
pour ordonner Bell Canada daccorder un crdit forfaitaire ses abon-
ns. La loi constitutive du CRTC prvoyait un droit dappel, sur permis-
sion, devant la Cour dappel fdrale pour des questions de droit ou de
comptence96, et ne comportait aucune clause privative97. Le juge Gon-
thier, au nom de la Cour, largit lapplication des principes de common
law, propres au contrle judiciaire, lappel dune dcision dun organisme
spcialis. Bien que la comptence dun tribunal dappel soit plus large
que celle dun tribunal saisi dun contrle judiciaire, il estime quune juri-
diction dappel doit tout de mme tenir compte de la spcialisation des
fonctions98. Il revient lessence de larrt S.C.F.P., cest–dire que les
tribunaux devraient faire preuve de retenue envers lopinion du tribunal
dinstance infrieure sur des questions qui relvent parfaitement de son
champ dexpertise 99. La retenue judiciaire se concrtise en lespce par le
respect de la substance de la dcision du CRTC. Ayant conclu que le
CRTC disposait du pouvoir de rendre lordonnance, la Cour juge que la
nature et ltendue de cette ordonnance relvent de sa comptence 100.
93 Voir ibid.
94 Voir Stein c Le Navire Kathy K , [1976] 2 RCS 802 la p 808, 62 DLR (3e) 1; Housen,
supra note 39 aux para 1011.
95 Supra note 22.
96 Voir Loi sur les transports nationaux, LRC 1985 c N20, art 68(1).
97 Voir notamment Bell Canada, supra note 21 la p 1739.
98 Ibid aux pp 174546.
99 Ibid la p 1746.
100 Ibid la p 1762.
LE TRIBUNALS DES DROITS DE LA PERSONNE 495
Larrt Bell Canada a marqu le dbut dun courant qui a caractris,
dans les annes 1990, lintervention de la Cour suprme du Canada lors-
que des dcisions de tribunaux spcialiss sujettes appel ont t contes-
tes devant elle. Deux arrts expriment la pense de la Cour cet gard :
les affaires Pezim et Southam.
Dans larrt Pezim c. Colombie-Britannique (Supertintendant of Bro-
kers), la Cour se prononait sur la question de la norme de contrle appli-
cable un tribunal spcialis lorsque sa loi habilitante ne prvoit pas de
clause privative, mais quelle tablit, au contraire, un droit dappel101.
Laffaire portait sur une dcision de la Commission des valeurs mobilires
de la Colombie-Britannique qui avait conclu essentiellement que des diri-
geants dentreprise avaient omis de divulguer des changements impor-
tants dans lexploitation de leur commerce. Le litige avait comme point
central une question touchant linterprtation dune loi.
Pour dterminer le degr de retenue judiciaire appropri, le juge Iaco-
bucci, qui rdige lopinion de la Cour, a recours une mtaphore spec-
trale. lune des extrmits de ce spectre, se retrouve la norme du carac-
tre manifestement draisonnable qui exige le plus haut degr de df-
rence. Ce ple regroupe les cas lgard desquels les dcisions du tribunal
spcialis sont protges par une clause privative et dont la loi constitu-
tive ne prvoit pas de droit dappel. lautre extrmit du spectre, lon re-
trouve la norme de la dcision correcte. Lutilisation de cette norme exige
une moins grande retenue. Elle simpose dans les affaires portant sur
linterprtation dune disposition lgislative qui limite la comptence de
lorganisme en cause, celles o la loi prvoit un droit dappel lencontre
de la dcision conteste ou encore lorsque lexpertise du tribunal spcialis
nest pas plus grande que celle dune cour de justice102.
En lespce, le litige se situait, selon la Cour, au milieu de ces deux ex-
trmes : la loi constitutive prvoyait un droit dappel, mais la Commission
des valeurs mobilires tait un organisme trs spcialis 103. En cons-
quence, le concept de la spcialisation des fonctions exigeait que le tribu-
nal dappel fasse preuve de dfrence lgard de la dcision du tribunal
spcialis sur des questions qui relvent du mandat et de lexpertise que
le lgislateur a confres cet organisme. La Cour a alors tent de trou-
ver un juste quilibre entre le droit dappel qui permet aux juges de
substituer leur propre opinion celle du tribunal de premire instance
lgard de linterprtation des lois et la spcialisation du tribunal qui a
rendu la dcision porte en appel.
101 Supra note 25.
102 Ibid la p 590.
103 Ibid la p 591.
496 (2015) 60:3 MCGILL LAW JOURNAL REVUE DE DROIT DE MCGILL
Larrt Southam104 sinsre dans cette toile de fond. Simplement, la
Cour y complte le raisonnement quelle avait entrepris dans larrt Pezim
en crant la norme de contrle du caractre raisonnable simpliciter. Cette
norme intermdiaire sinscrit au milieu des deux extrmes dcrits par le
juge Iacobucci dans larrt Pezim. La directive que lance la Cour dans
larrt Southam veut que, mme en prsence dun droit dappel, il existe
parfois de bonnes raisons de faire preuve de retenue judiciaire, lexpertise
tant la principale raison105. videmment, ces arrts mettaient en cause
des organismes trs spcialiss aux yeux de la Cour. Lorsque des dcisions
de tribunaux des droits de la personne ont t contestes devant elle,
celle-ci a majoritairement tenu un tout autre discours…
B. Les limites de la spcialisation des fonctions : les droits de la personne ?
Nous avons dmontr que la Cour suprme a tendu, ds 1989 dans
larrt Bell Canada, les principes de common law applicables au contrle
judiciaire lappel dune dcision dun tribunal spcialis. Paradoxale-
ment, le discours de la Cour, lorsquil a t question des dcisions des tri-
bunaux des droits de la personne, a rvl une attitude plus intervention-
niste.
1. Larrt Zurich Insurance
Lun des premiers arrts de la Cour rendus sur cette question est
larrt Zurich Insurance Co. c. Ontario (Commission des droits de la per-
sonne)106. Une commission denqute avait t institue aux termes du
Code des droits de la personne107 de lOntario (ci-aprs Code ) la suite
dune plainte. Selon celle-ci, la compagnie dassurance Zurich faisait
preuve de discrimination en fixant des taux de prime dassurance auto-
mobile plus levs pour les jeunes conducteurs clibataires par comparai-
son avec les jeunes conducteurs maris et les conducteurs de plus de 25
ans. La Cour devait donc dterminer si le taux dassurance diffrentiel
constituait une discrimination fonde sur lge, le sexe et ltat matrimo-
nial. La commission denqute avait conclu que les pratiques de la compa-
gnie contrevenaient au Code. cette poque, le Code prescrivait un droit
dappel sur toute question de droit, de fait, ou mixte de droit et de fait108.
104 Supra note 16.
105 Ibid au para 62.
106 [1992] 2 RCS 321, 93 DLR (4e) 346 [Zurich avec renvois aux RCS].
107 LRO 1990, c H.19, art 31(1) [Code].
108 Code des droits de la personne, LO 1981, c 53, art 41(1), (3) :
41.
(1) Une partie une instance devant une commission denqute peut
interjeter appel dune dcision ou dune ordonnance de la commission
LE TRIBUNALS DES DROITS DE LA PERSONNE 497
Le juge Sopinka, qui rdige lopinion majoritaire109, affirme quen prsence
dun droit dappel, bien quune juridiction dappel soit expressment ha-
bilit[e] examiner la preuve et substituer ses propres conclusions
celles de la commission denqute 110, le concept de la spcialisation des
fonctions exige une certaine retenue judiciaire lgard des conclusions de
fait de la commission denqute111. Toutefois, le concept de la spcialisa-
tion des tches ne sapplique pas relativement aux conclusions de droit
qui ne relvent pas de son champ dexpertise particulier 112.
Une certaine ambigut ressort de lopinion quexprime le juge Sopin-
ka. La Cour admet-elle quen certaines circonstances les questions de
droit quun tribunal des droits de la personne est appel trancher peu-
vent faire lobjet de dfrence de la part dune juridiction dappel ? En ci-
tant larrt Bell Canada, cest bien ce que laisse croire le juge Sopinka113.
De fait, bien que la question tait celle de savoir si les pratiques de Zurich
taient discriminatoires, ce qui relevait de linterprtation et de
lapplication du Code et donc de lexpertise de la commission denqute
en matire de discrimination le litige se situait au-del du contexte des
droits de la personne, comme le remarque la majorit :
La dtermination des taux et des prestations dassurance ne se rat-
tache pas facilement aux concepts traditionnels des droits de la per-
sonne. La philosophie sous-jacente de la lgislation des droits de la
personne est quune personne a le droit dtre traite selon ses
propres mrites et non en fonction des caractristiques dun groupe.
Inversement, les taux dassurance sont calculs partir de statis-
tiques ayant trait au degr de risque prsent par une catgorie ou
un groupe de personnes. Bien que toutes les personnes dune mme
catgorie ne possdent pas les mmes caractristiques du point de
devant la Cour divisionnaire, conformment aux rgles de pratique.
[…]
(3) Lappel interjet aux termes du prsent article peut porter sur des
questions de droit ou de fait ou les deux. La Cour peut confirmer ou
infirmer la dcision ou lordonnance de la commission denqute ou lui
ordonner de rendre une dcision ou une ordonnance autorise par la
prsente loi. La Cour peut substituer son opinion celle de la com-
mission denqute.
109 Les juges LHeureux-Dub et McLachlin sont dissidentes.
110 Zurich, supra note 106 la p 337, citant Ontario (Human Rights Commission) c Etobi-
coke, [1992] 1 RCS 202 la p 211, 132 DLR (3e) 14, juge McIntyre.
111 Ibid la p 338.
112 Ibid.
113 Ibid.
498 (2015) 60:3 MCGILL LAW JOURNAL REVUE DE DROIT DE MCGILL
vue du risque, personne ne proposerait de procder lvaluation in-
dividuelle de tous les assurs114.
Le Code prvoyait, et prvoit toujours, que lassureur ne peut tre te-
nu responsable de pratiques discriminatoires si celles-ci sont fondes sur
des motifs justifis de faon raisonnable et de bonne foi 115. Pour la
commission denqute, le sens de cette dernire expression tait le mme
que dans le contexte du travail et sapprochait sensiblement de la dfense
relative une exigence professionnelle relle en matire demploi 116.
Consquemment, la Cour se trouvait confronte une question gnrale
de droit dont les rpercussions juridiques taient importantes puisquil
sagissait de savoir si le critre labor dans les affaires de lemploi [pou-
vait] tre transpos au domaine spcial des assurances, plus particuli-
rement la fixation du taux dassurance 117. Cest dans ce contexte quil
faut comprendre lintervention de la majorit. Bien quelle nait pas ex-
pressment ni lexpertise des tribunaux des droits de la personne ni le
fait que, de faon gnrale, le concept de la spcialisation des fonctions
exige de faire preuve de retenue judiciaire lgard des conclusions du
tribunal spcialis, lintervention de la majorit demeure source de proc-
cupation. En effet, ce qui inquitait la juge LHeureux-Dub, qui a expri-
m sa dissidence, cest que la majorit envoie un message contradictoire
aux tribunaux dappel. Pour elle, [l]es conclusions dun tribunal spciali-
s ne peuvent tre infirmes par une cour de justice que dans les cas o
elles sont carrment draisonnables 118. Elle poursuit en mentionnant :
[I]l faut accorder une attention toute particulire […] aux conclusions
de la commission denqute; une cour dappel et notre Cour, […] de-
vraient hsiter substituer simplement leurs propres opinions aux
conclusions mrement rflchies de la commission denqute, mme
114 Ibid aux pp 33839.
115 La disposition lgislative tait la suivante :
21. Ne constitue pas une atteinte au droit, reconnu aux articles 1 3, un
traitement gal en matire de services et de contrats conditions gales
sans discrimination fonde sur lge, le sexe, ltat matrimonial, ltat
familial ou un handicap le fait quun contrat dassurance-automobile,
dassurance-vie,
ou
dassurance-invalidit, quun contrat dassurance-groupe entre un assu-
reur et une association ou une personne autre quun employeur, ou
quun rente viagre, tablisse des distinctions entre des personnes, les
exclut ou leur accorde la prfrence pour des motifs justifis de faon
raisonnable et de bonne foi et fonds sur lge, le sexe, ltat matrimo-
nial, ltat familial, ou un handicap (actuellement Code, supra note 107,
art 22).
dassurance-accident,
dassurance-maladie
116 Zurich, supra note 106 la p 339.
117 Ibid.
118 Ibid la p 362.
LE TRIBUNALS DES DROITS DE LA PERSONNE 499
dans des cas comme celui-ci o […] il ny a pas de clause privative et
o la disposition relative aux appels est plus large […]119.
2. Larrt Mossop
La Cour a eu loccasion de prciser sa pense un an plus tard dans
larrt Mossop120. Elle devait alors se prononcer sur la faon de contrler
une dcision du Tribunal canadien des droits de la personne, lequel ntait
pas protg par une clause privative. Plus spcifiquement, la Cour devait
dterminer si lexpression situation de famille utilise dans la Loi ca-
nadienne sur les droits de la personne121 englobait une relation homo-
sexuelle. Le plaignant, employ de la fonction publique, rclamait un con-
g pay aux termes de la convention collective en raison du dcs dun
membre de sa famille, soit le pre de son conjoint. La demande avait t
refuse par son employeur. Une plainte avait ensuite t achemine la
Commission canadienne des droits de la personne, qui avait saisi le Tri-
bunal canadien des droits de la personne, lequel avait donn raison au
fonctionnaire.
Lopinion du juge Lamer dans larrt Mossop lve lambigut qui res-
sort de larrt Zurich. En effet, il affirme quun tribunal des droits de la
personne na pas le genre dexpertise qui appelle une retenue judiciaire
sur des questions autres que des conclusions de fait 122. Ainsi, la pense
de la majorit de la Cour veut quun tribunal des droits de la personne ne
dispose daucune expertise autre qu lgard de lapprciation des faits.
Dans ses motifs concourants, au sujet de la norme de contrle
applicable aux dcisions du Tribunal canadien des droits de la
personne, le juge La Forest prcise :
Lexpertise suprieure dun tribunal des droits de la personne porte
sur lapprciation des faits et sur les dcisions dans un contexte de
droits de la personne. Cette expertise ne stend pas aux questions
gnrales de droit comme celle qui est souleve en lespce. Ces ques-
tions relvent de la comptence des cours de justice et font appel
des concepts dinterprtation des lois et un raisonnement juridique
gnral, qui sont censs relever de la comptence des cours de jus-
tice. Ces dernires ne peuvent renoncer ce rle en faveur du tribu-
nal administratif. Elles doivent donc examiner les dcisions du tri-
119 Ibid la p 363.
120 Supra note 25.
121 LRC 1985 c H-6.
122 Mossop, supra note 25 la p 578 (il cite lappui le passage du juge Sopinka dans
larrt Zurich, supra note 106 la p 338, leffet que le concept de la spcialisation des
tches ne sapplique pas relativement aux conclusions de droit qui ne relve pas de
son champ dexpertise particulier ).
500 (2015) 60:3 MCGILL LAW JOURNAL REVUE DE DROIT DE MCGILL
bunal sur des questions de ce genre du point de vue de leur justesse
et non en fonction de leur caractre raisonnable123.
Pour justifier en quoi les dcisions dun tribunal des droits de la per-
sonne bnficient dune moins grande retenue judiciaire, le juge La Forest
les distingue de celles des arbitres de griefs. En effet, selon lui, un arbitre
de grief uvre, en vertu dune loi, dans un domaine fort restreint, et il
est choisi par les parties pour arbitrer un diffrend entre elles en vertu
dune convention collective quelles ont volontairement signe 124. Il pour-
suit en ajoutant :
En outre, la comptence dun conseil darbitrage en vertu de la loi
stend la question de savoir si une question est arbitrable. Ce qui
est tout fait diffrent de la situation dun tribunal des droits de la
personne, dont la dcision est impose aux parties et qui a une inci-
dence directe sur lensemble de la socit relativement ses valeurs
fondamentales125.
Avec gard, largument du juge La Forest parat fragile en ce quil
nexplique pas en quoi les tribunaux des droits de la personne sont moins
experts dans leur domaine que ne le sont les arbitres de griefs dans le
leur. Lide sous-jacente vhicule par la majorit dans larrt Mossop
tend plutt considrer que les cours de justice disposent dun monopole
lgard des questions dinterprtation des rgles de droit, surtout lors-
quelles mettent en jeu certaines valeurs sociales, ce qui est inhrent
linterprtation et lapplication des lois sur les droits de la personne126.
Sous ce rapport, ladoption de la Charte canadienne des droits et liberts127
na certainement pas contribu relguer linterprtation des lois sur les
droits de la personne certains organismes puisque les tribunaux de droit
commun considrent toute question relative aux droits de la personne
comme relevant de leur comptence128. Dailleurs, le formalisme qui se d-
gage des commentaires du juge La Forest est plutt discutable. Il traite de
123 Mossop, supra note 25 la p 585. Analyse laquelle souscrivent la juge McLachlin et le
juge Cory, bien quils soient dissidents (voir ibid aux pp 64849).
124 Ibid.
125 Ibid.
126 Voir Alison Harvison Young, Human Rights Tribunals and the Supreme Court of
Canada: Reformulating Deference (1993) 13 Admin LR (2e) 206 la p 210.
127 Loi constitutionnelle de 1982, constituant lannexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-
U), 1982, c 11, partie I.
128 Voir Harvison Young, supra note 126 la p 215. Dailleurs, cest un argument qui s-
duit aussi la Cour dappel du Qubec (voir par ex Association des pompiers de Laval,
supra note 57 au para 32, o la juge Bich fait valoir que le degr dexpertise des cours
de justice en matire de droits de la personne nest pas moins grand que celui du Tribu-
nal […] ; voir aussi Commission scolaire des Phares, 2006, supra note 47 au para 31;
Gallardo, supra note 69 au para 49; Saguenay, supra note 71 au para 37).
LE TRIBUNALS DES DROITS DE LA PERSONNE 501
linexistence dune clause privative dans la Loi canadienne sur les droits
de la personne, isolment du contexte gnral dans lequel sinsre la dci-
sion du Tribunal canadien des droits de la personne ainsi que des objectifs
gnraux sous-jacents cette mme loi129. Dans le contexte des relations
de travail, le dfaut dune clause privative ne constitue pas un obstacle di-
rimant la retenue judiciaire lgard des conclusions de droit qui rel-
vent de lexpertise particulire dun arbitre de grief130. Or, dans le contexte
des droits de la personne le dfaut dune telle clause devient, pour la ma-
jorit de la Cour, une licence pour intervenir.
Dans sa dissidence, la juge LHeureux-Dub fait plutt valoir que les
tribunaux des droits de la personne doivent bnficier de la retenue judi-
ciaire lorsquils interprtent leur loi constitutive puisque [l]e principe de
retenue judiciaire repose en partie sur le respect des dcisions du gouver-
nement de constituer des organismes administratifs assortis de pouvoirs
dlgus 131. Cette thse, qui transparat de lensemble des opinions
quelle a signes en ce qui concerne le rapport entre les cours de justice et
les tribunaux des droits de la personne, veut que le principe de dfrence
constitue une valeur fondamentale du systme judiciaire132. Ce principe
trouve son expression non seulement dans lapprciation des faits, mais
galement dans linterprtation des lois. Cest un signal pour les tribu-
naux dappel quils doivent faire preuve de modration et de prudence et
bien soupeser le contexte et les effets dune affaire avant dintervenir. Ce
nest quen prsence dune question gnrale de droit qui se situe en
dehors de lexpertise du tribunal spcialis que le principe peut raisonna-
blement tre cart133.
Certes, les tribunaux des droits de la personne peuvent ne pas tre
aussi spcialiss que dautres organismes qui dtiennent, par exemple, un
savoir technique particulier134. Toutefois, les cours de justice doivent tenir
compte du fait que lun des principaux objectifs justifiant ladoption dune
loi protgeant les droits de la personne est de renforcer la protection des
droits fondamentaux. Pour ce faire, le lgislateur a institu des tribunaux
129 Voir Mossop, supra note 25 aux pp 58384 (ce point sera relev dans la dissidence de la
juge LHeureux-Dub la p 597).
130 Voir Fraternit unie des charpentiers et menuisiers dAmrique, section locale 579 c
Bradco Construction Ltd, [1993] 2 RCS 316 la p 335, 102 DLR (4e) 402.
131 Mossop, supra note 25 aux pp 596, 610. Voir aussi Gould, supra note 1 aux pa-
ra 108, 112.
132 Voir Mossop, supra note 25 aux pp 603604. Voir aussi Zurich, supra note 106 la
p 362; Dickason c Universit de lAlberta, [1992] 2 RCS 1103 aux pp 114849, [1993] 95
DLR (4e) 439 [Dickason]; Gould, supra note 1 au para 104.
133 Voir Gould, supra note 1 au para 109.
134 Voir Dickason, supra note 132 la p 1148. Voir aussi Gould, supra note 1 au para 114.
502 (2015) 60:3 MCGILL LAW JOURNAL REVUE DE DROIT DE MCGILL
spcialiss dont la principale tche est de disposer de plaintes dans un
contexte de droits de la personne et dinterprter la loi qui relve de cette
mission premire. supposer que les tribunaux des droits de la personne
disposent dune expertise qui, par comparaison avec celle de certains
autres tribunaux spcialiss, natteint peut-tre pas le mme niveau de
sophistication technique, la dsignation de leurs membres sexplique tout
de mme par lexpertise et la sensibilit aux droits de la personne quils
ont su dvelopper135.
En somme, pour une majorit de juges de la Cour suprme du Canada,
le concept de la spcialisation des fonctions qui exige des cours de jus-
tice quelles fassent preuve de dfrence lgard des conclusions dun tri-
bunal spcialis, mme en prsence dun droit dappel ne semble pas
sappliquer avec autant de rigueur lorsquest conteste une dcision dun
tribunal des droits de la personne. La doctrine de Dicey selon laquelle les
cours de justice sont suprieures domine ainsi la pense majoritaire. Nous
croyons cependant que lors de lexercice dun contrle judiciaire et mme
lors dun appel, il faut aussi tenir compte du contexte dans lequel sinsre
la dcision et des objectifs globaux de la loi ltude. Il faut savoir aller
au-del de la prescription lgislative dune clause privative ou dun droit
dappel, dfaut de quoi lintervention judiciaire risque de devenir un
automatisme. Reste voir si larrt Dunsmuir peut tre le prcurseur
dun changement vritable dans le discours de la Cour suprme lgard
de lappel des dcisions dun tribunal spcialis, particulirement dans le
contexte des droits de la personne.
C. Le concept de la spcialisation des fonctions post-Dunsmuir
Dans la partie I, nous avons dmontr que la Cour dappel du Qubec
contrle gnralement les dcisions du Tribunal des droits de la personne
du Qubec selon la norme de contrle de la dcision correcte. De fait, la
Cour dappel nhsite pas substituer son opinion celle du Tribunal, et
ce, mme lgard de lapprciation des faits. Cet interventionnisme
semble a priori en profonde contradiction avec le concept de la spcialisa-
tion des fonctions dvelopp par la Cour suprme du Canada la suite de
larrt S.C.F.P. travers sa jurisprudence des annes 1990, la Cour a ap-
pliqu, lunanimit, les principes du contrle judiciaire aux dcisions des
tribunaux spcialiss mme dans les cas o le lgislateur avait prvu un
droit dappel. La rgle semble claire : il sagit de rechercher un quilibre
135 Voir Gould, supra note 1 aux para 11314. Rappelons que le juge qui prside les audi-
tions du Tribunal ainsi que les assesseurs qui lassistent sont choisis en raison de leur
exprience, de leur expertise, de leur sensibilisation ainsi que de leur intrt marqu
en matire de droits et liberts de la personne (voir Charte qubcoise, supra note 3,
art 101, 103).
LE TRIBUNALS DES DROITS DE LA PERSONNE 503
entre lintention formelle du lgislateur de reconnatre une comptence
dappel aux cours de justice et lintention substantielle de ce mme lgisla-
teur de crer des tribunaux spcialiss pour trancher des litiges spci-
fiques. Une majorit de la Cour hsite toutefois appliquer le concept de
la spcialisation des fonctions avec autant de vigueur lorsque sont contes-
tes des dcisions des tribunaux des droits de la personne. Nanmoins,
une majorit de juges leur reconnat une expertise, quoique restreinte,
dans lapprciation des faits en contexte de droits de la personne.
En 2008, dans larrt Dunsmuir, la Cour suprme sest penche sur la
mthode applicable en matire de contrle judiciaire. Soucieuse de renou-
veler une dmarche qui offre [peu] de vritables repres aux parties,
leurs avocats, aux dcideurs administratifs ou aux cours de justice saisies
de demandes de contrle judiciaire 136, la Cour a revu lessentiel de
lanalyse relative la dtermination de la norme de contrle dans le con-
texte de la rvision judiciaire. La question qui surgit lesprit est celle de
savoir si la Cour a mis de ct la jurisprudence unanime, nourrie des ar-
rts Pezim et Southam, qui avait pour effet dappliquer les principes de
common law de la rvision judiciaire lorsquun droit dappel tait prvu
par la loi constitutive du tribunal spcialis. Sur ce point, la majorit de-
meure silencieuse137, alors que le juge Binnie et la juge Deschamps, qui
rdigent des opinions concourantes, sen distancient. Le juge Binnie crit
que [l]e fait que le lgislateur a confr le pouvoir dcisionnel un autre
organisme quune cour de justice appelle la dfrence (ou le respect judi-
ciaire), sauf droit dappel gnral prvu par la loi 138. Pour sa part, la juge
Deschamps affirme que [l]a cohrence du droit revt une importance
primordiale dans notre socit. […] [U]ne cour na pas montrer de df-
rence lorsquil sagit dune question de droit et que la loi prvoit expres-
sment un droit de rvision pour ce type de question 139. Ces deux opi-
nions apportent donc de solides munitions aux cours de justice dsireuses
de contrler la justesse de linterprtation des rgles de droit faite par un
tribunal spcialis lorsque sa loi constitutive assujettit ses dcisions
lexercice dun droit dappel. En fait, aux termes de ces deux opinions, la
Cour dappel du Qubec aurait raison de contrler, comme elle sest mon-
tre encline le faire, les dcisions du Tribunal. Toutefois, la vision
136 Dunsmuir, supra note 38 au para 1, juges Bastarache et LeBel.
137 Le juge Bastarache, qui rdige avec le juge LeBel lopinion majoritaire dans larrt
Dunsmuir, dira plus tard que lintention de la majorit ntait pas de laisser la porte
ouverte lapplication des principes de la rvision judiciaire lorsque la loi prvoit un
droit dappel (voir ce sujet lhonorable Michel Bastarache, Modernizing Judicial Re-
view (2009) 22 : 3 Can J Admin L & Prac 227 la p 234).
138 Dunsmuir, supra note 38 au para 146.
139 Ibid au para 163.
504 (2015) 60:3 MCGILL LAW JOURNAL REVUE DE DROIT DE MCGILL
quexpose la Cour suprme dans larrt Dunsmuir a t nuance dans des
arrts subsquents, repoussant ainsi les opinions exprimes par les juges
Binnie et Deschamps.
Dans larrt Canada (Citoyennet et Immigration) c. Khosa, le juge
Binnie, au nom de la majorit, raffirme lengagement de la Cour lgard
du concept de la spcialisation des fonctions140. Il affirme sans ambages
que larrt Dunsmuir a admis quune certaine dfrence simpose lors-
quune dcision particulire a t confie un dcideur administratif plu-
tt quaux tribunaux judiciaires 141. Cette dfrence sobserve habituelle-
ment lorsque le tribunal spcialis interprte sa propre loi constitutive ou
une loi connexe142. Cette dfrence simpose sans gard la prsence ou
non dune clause privative143. Le juge Binnie rappelle galement ceci :
[l]arrt Pezim a t cit et appliqu dans de nombreuses dcisions au
cours des 15 dernires annes. Ce quil nous enseigne se reflte dans
Dunsmuir 144. videmment, il faut situer cet nonc dans son contexte.
La Cour devait notamment dterminer, dans laffaire Khosa, la norme de
contrle applicable la dcision de la Section dappel de limmigration (ci-
aprs SAI ). La SAI avait refus de prendre des mesures spciales pour
motifs humanitaires concernant la mesure de renvoi de Monsieur Khosa
dans son pays dorigine, lInde, la suite de sa condamnation pour ngli-
gence criminelle causant la mort. dfaut dune clause privative prot-
geant les dcisions de la SAI, le juge Binnie se range derrire larrt
Dunsmuir selon lequel mme en labsence dune disposition lgislative
expresse , une cour de justice doit faire preuve de retenue judiciaire lors-
que le dcideur interprte et applique sa propre loi constitutive145.
Consquemment, que doit-on comprendre des motifs du juge Binnie
lorsquil rfre larrt Pezim ? Rfre-t-il cette dcision simplement
pour illustrer le fait que la clause privative nest quun facteur parmi tant
dautres pour dterminer la norme de contrle approprie ? Ou est-ce une
reconnaissance, par la majorit, des principes sous-jacents larrt Pezim,
cest–dire lapplication, au droit dappel, des normes de contrle rigou-
reuses propres la rvision judiciaire ? Il sagit sans doute dun indice r-
vlant que la Cour souhaite clore la discussion rcurrente entourant la
prsence dune clause privative ou dun droit dappel, en mettant plutt
laccent sur le lien qui existe entre le mandat que le lgislateur a confi au
140 2009 CSC 12, 1 RCS 339 [Khosa].
141 Ibid au para 25.
142 Ibid. Voir aussi Dunsmuir, supra note 38 au para 54.
143 Khosa, supra note 140 aux para 2326.
144 Ibid au para 26.
145 Ibid.
LE TRIBUNALS DES DROITS DE LA PERSONNE 505
tribunal spcialis et son expertise qui dcoule de linterprtation et de
lapplication de sa propre loi constitutive146. Selon cette approche,
lexpertise se prsumerait ds lors que le tribunal spcialis interprte sa
loi habilitante. Peut-on en dire autant lorsque le point en litige relve de
linterprtation dune loi protgeant les droits de la personne ?
1. La spcialisation des fonctions dans le contexte des droits de la personne
post-Dunsmuir
De laveu mme des juges LeBel et Cromwell, qui crivent pour une
cour unanime dans larrt Mowat, il existe une tension entre certains
des principes qui sous-tendent lactuel rgime de contrle judiciaire lors-
quil sapplique aux dcisions dun tribunal des droits de la personne 147.
Dans cette affaire, la Cour devait dterminer la norme de contrle appli-
cable la dcision du Tribunal canadien des droits de la personne
doctroyer, titre dindemnit, des dpens la victime de discrimination.
La tension dont font tat les juges LeBel et Cromwell provient du fait que
les tribunaux des droits de la personne sont notamment appels tran-
cher des questions de trs large porte 148. Ces mmes questions peu-
vent tre souleves devant dautres organismes administratifs et, en par-
ticulier, devant les cours de justice. Selon la Cour, ces questions de droit
gnrales […] nquivalent pas [ncessairement] toutes des questions
dune importance capitale pour le systme juridique et elles ne sont pas
toutes trangres au domaine dexpertise de lorganisme dcisionnel de
manire imposer lapplication de la norme de la dcision correcte149.
Pour dterminer le degr de retenue judiciaire dont doit bnficier la dci-
sion du Tribunal canadien des droits de la personne, une attention parti-
culire doit tre porte la nature de la question souleve. La Cour assu-
jettit donc la dcision au critre de la raisonnabilit en raison du fait que
[l]a question des dpens constitue une question de droit qui relve essen-
tiellement du mandat et de lexpertise du Tribunal lis linterprtation
et lapplication de sa loi constitutive 150.
146 Voir Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c Canada (PG), 2011
CSC 53 au para 25, [2011] 3 RCS 471 [Mowat]. Voir aussi ce sujet Denis Nadeau,
Larrt Dunsmuir : bilan quinquennal dun contrle judiciaire en redfinition
(2013) 72 R du B 1 au para 46. Dailleurs, la Cour suprme du Canada reconnat
lunanimit, sous la plume du juge Moldaver, que les principes du droit administratif
sappliquent un droit dappel dans larrt McLean c Colombie-Britannique (Securities
Commission), 2013 CSC 67, [2013] 3 RCS 895 au para 21.
147 Mowat, supra note 146 au para 21.
148 Ibid au para 23.
149 Ibid.
150 Ibid au para 25.
506 (2015) 60:3 MCGILL LAW JOURNAL REVUE DE DROIT DE MCGILL
De faon gnrale, la Cour applique lessence de larrt Dunsmuir,
cest–dire que la dfrence est habituellement de mise lorsquun tribunal
spcialis interprte et applique sa propre loi constitutive151. De plus,
lopinion des juges LeBel et Cromwell laisse entendre quune question de
droit gnrale est une question la fois trangre au domaine
dexpertise du Tribunal et dune importance capitale pour le systme juri-
dique dans son ensemble 152. Cela a pour effet de restreindre, invariable-
ment, lapplication de la norme de la dcision correcte153. Dailleurs, dans
larrt Dunsmuir, la majorit signale que la catgorisation dun point
comme tant une question de droit gnrale se produit notamment
lorsque la Cour se retrouve devant une jurisprudence contradictoire154.
cet gard, la majorit de la Cour sest exprime ainsi dans larrt Al-
berta (Information and Privacy Commissionner c. Alberta Teachers Asso-
ciation :
[s]auf situation exceptionnelle et aucune ne sest prsente depuis
Dunsmuir il convient de prsumer que linterprtation par un tri-
bunal administratif de sa propre loi constitutive ou [d]une loi troi-
tement lie son mandat et dont il a une connaissance approfondie
est une question dinterprtation lgislative commandant la df-
rence en cas de contrle judiciaire155.
Ainsi, pour une majorit des juges de la Cour, tel quexprim dans
larrt Rogers Communications Inc c. Socit canadienne des auteurs,
compositeurs et diteurs de musique, lorsque le lgislateur institue un or-
ganisme assorti dun mandat spcialis, il est prsum lui reconnatre
151 Voir Dunsmuir, supra note 38 au para 54.
152 Mowat, supra note 146 au para 12; Dunsmuir, supra note 38 au para 60. Voir aussi
larrt Alberta (Information and Privacy Commissionner) c Alberta Teachers Associa-
tion, 2011 CSC 61, [2011] 3 RCS 654 [ATA], dans lequel le juge Rothstein, qui sexprime
au nom de la majorit, mentionne, au para 46 que depuis Dunsmuir, pour que
sapplique la norme de la dcision correcte, la question doit non seulement revtir une
importance capitale pour le systme juridique, mais elle doit aussi tre trangre au
domaine dexpertise du dcideur [italiques dans loriginal].
153 La Cour signale que les deux conditions vont de pair, cest–dire que pour que la norme
de la dcision correcte sapplique, la question doit tre dune importance capitale pour le
systme juridique et elle doit tre trangre au domaine dexpertise du tribunal spcia-
lis. Ce nest que lorsque ces deux conditions sont rencontres que la juridiction dappel
se retrouverait devant une question de droit gnrale menant lapplication de la
norme de la dcision correcte. Par ailleurs, mentionnons aussi que la majorit dans
larrt ATA (supra note 152 au para 34) sest mme questionne sur lexistence des vri-
tables questions de comptence, ce qui restreint lapplication de la norme de la dcision
correcte aux questions constitutionnelles et aux questions trangres lexpertise du
dcideur.
154 Dunsmuir, supra note 38 au para 60.
155 Voir ATA, supra note 152 au para 34 (le passage entre guillemets est tir de Dunsmuir,
supra note 38 au para 54).
LE TRIBUNALS DES DROITS DE LA PERSONNE 507
une expertise particulire lgard des questions qui touchent
lapplication de sa loi constitutive 156.
videmment, lun des arguments sur lesquels insiste la Cour dappel
du Qubec au sujet du Tribunal des droits de la personne du Qubec est le
fait quil ne possde pas de comptence exclusive en matire de discrimi-
nation157. Ce faisant, la Cour dappel souligne que la Charte qubcoise est
une loi porte gnrale dont lapplication relve galement des cours de
justice. Ainsi, appliquer le critre de raisonnabilit aux dcisions du Tri-
bunal lorsquil se prononce sur une question de discrimination, et la
norme de la dcision correcte un tribunal de droit commun lorsquil se
prononce sur la mme question peut sembler illogique aux yeux de cer-
tains. Lillogisme peut mme sen trouver accentu du fait que le juge du
Tribunal est galement un juge de la Cour du Qubec. Toutefois,
lexpertise du Tribunal est institutionnelle, et non rattache la personne
mme du dcideur, en plus dtre renforce par la contribution des asses-
seurs158.
2. Lexception de la comptence concurrente dans le contexte des droits de
la personne
Une majorit de juges de la Cour suprme du Canada a nanmoins
paru sensible lapparent illogisme qui peut rsulter de lexistence dune
comptence concurrente entre un tribunal spcialis et les cours de jus-
tice. Dans larrt Rogers, rendu en juillet 2012, le juge Rothstein, au nom
des juges majoritaires, reconnat une situation exceptionnelle nouvelle
[italiques dans loriginal] qui permet dcarter la prsomption de
lapplication de la norme du caractre raisonnable lorsquun tribunal sp-
cialis interprte sa propre loi constitutive159. Dans cette affaire, la Cour
devait dterminer la norme de contrle applicable la dcision de la
Commission du droit dauteur dans une affaire qui mettait en cause une
question dinterprtation relative la Loi sur le droit dauteur160. Bien que
la dfrence soit habituellement de mise, et mme prsume lorsquun tri-
bunal spcialis interprte sa loi habilitante, les juges majoritaires affir-
156 Rogers Communications Inc c Socit canadienne des auteurs, compositeurs et diteurs
de musique, 2012 CSC 35 au para 11, [2012] 2 RCS 283 [Rogers].
157 Voir par ex Commission scolaire des Phares, 2006, supra note 47 au para 31; Associa-
tion des pompiers de Laval, supra note 57 au para 32; Gallardo, supra note 69 au pa-
ra 49; Saguenay, supra note 71 au para 37.
158 Voir Luc Hupp, Le statut juridique des assesseurs du Tribunal des droits de la per-
sonne , (2011) 70 R du B 219.
159 Rogers, supra note 156 au para 16.
160 LRC 1985, c C-42. La Commission du droit dauteur est constitue aux termes du para-
graphe 66(1) de cette loi.
508 (2015) 60:3 MCGILL LAW JOURNAL REVUE DE DROIT DE MCGILL
ment quil serait incohrent dappliquer le critre de raisonnabilit la
dcision de la Commission. Lincohrence proviendrait du fait que la
mme question dinterprtation aurait pu tre souleve devant une cour
de justice, ce qui aurait men, en appel, lapplication de la norme de con-
trle de la dcision correcte161.
Dans des motifs concourants, la juge Abella critique vigoureusement
cette approche. Elle souligne que linterprtation des lois est souvent un
pouvoir qui est partag entre les juges gnralistes et les tribunaux sp-
cialiss162. Cette possibilit ne dpossde pas pour autant les tribunaux
spcialiss de leur expertise. Dit autrement, cette expertise ne dcoule pas
de lexclusivit de leurs pouvoirs, mais bien de la connaissance appro-
fondie des dispositions quil[s] applique[nt] […] quotidiennement 163.
Cest une expertise institutionnelle qui dcoule de la volont du lgislateur
de confier certaines questions un tel organisme parce quil dispose dune
sensibilit accrue et dune connaissance fine lgard dun domaine parti-
culier.
Par ailleurs, il semble que lexception cre dans larrt Rogers ne soit
que
lgislative avre parce
quexplicite164. En effet, le juge Rothstein mentionne quil semble ny
avoir de comptence concurrente en premire instance que sous le rgime
des lois sur la proprit intellectuelle, le lgislateur ayant conserv la
comptence de la cour de justice malgr celle accorde au tribunal admi-
nistratif 165. De toute manire, sil y a bien un domaine lgard duquel
cette exception aurait pu tre applique cest bien celui des lois sur les
droits de la personne, ce qui ne semble pourtant pas avoir t le cas.
Cest ce qua dmontr la Cour, lorsquelle a rendu, en fvrier 2013,
larrt Whatcott166. Dans cette affaire, elle devait notamment dterminer
la norme de contrle applicable la dcision du Tribunal des droits de la
personne de la Saskatchewan dont la loi constitutive prvoyait un droit
161 Rogers, supra note 156 au para 14.
162 Ibid au para 70.
163 Ibid au para 64.
164 Voir Loi sur le droit dauteur, supra note 160, art 37 (abrog depuis par la Loi sur la
modernisation du droit dauteur, LC 2012, c 20, art 45) qui mentionnait alors ce qui
suit :
la consquence dune concurrence
37. La Cour fdrale, concurremment avec les tribunaux provinciaux, con-
nat de toute procdure lie lapplication de la prsente loi […].
165 Rogers, supra note 156 au para 19. Voir aussi Nadeau, supra note 146 au para 36.
166 Supra note 17. Dailleurs, les affaires Rogers, supra note 156, et Whatcott ont toutes
deux t entendues lautomne 2011 et elles ont t rdiges par le mme juge, soit le
juge Rothstein. Si la Cour avait voulu largir la nouvelle exception de la comptence
concurrente, elle aurait assurment pu le faire dans larrt Whatcott.
LE TRIBUNALS DES DROITS DE LA PERSONNE 509
dappel sur une question de droit167. La Commission des droits de la per-
sonne de la Saskatchewan avait t saisie de quatre plaintes allguant
que Whatcott distribuait des tracts qui incitaient la haine contre les
homosexuels. Le Tribunal, constitu pour entendre de telles plaintes,
avait conclu que la distribution des tracts tait interdite par le code des
droits de la personne de la province. Saisie dun appel, la Cour du Banc de
la Reine, puis la Cour dappel ont toutes deux conclu lapplication de la
norme de la dcision correcte. Il tait appropri dappliquer cette norme,
selon les juges de ces dernires instances :
[c]ompte tenu de labsence, dans la loi, dune clause privative, du
manque dexpertise particulire du tribunal en matire de droits de
la personne [et du fait] que le litige soulevait des questions de droit
importantes, dont linterprtation de la Constitution168.
Les arguments avancs ressemblent sy mprendre ceux quutilise la
Cour dappel du Qubec lorsquelle contrle les dcisions du Tribunal des
droits de la personne du Qubec.
Pourtant, le juge Rothstein, qui rdige lopinion unanime de la Cour
suprme dans larrt Whatcott, rpond que la dcision relevait manifes-
tement de lexpertise du Tribunal, relativement linterprtation de sa loi
constitutive et son application aux faits dont il disposait 169. Contraire-
ment lapplication de la norme de la dcision correcte qui ncessite que
la cour de justice se demande si la dcision du tribunal spcialis est la
bonne, lattitude de dfrence, qui commande plutt lapplication dun cri-
tre de raisonnabilit, implique quon tienne dment compte des conclu-
sions du dcideur 170. La dfrence est une attitude de respect du tribunal
de rvision qui fait appel, comme le mentionnait le juge Iacobucci dans
larrt Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, lautodiscipline171. Cela
signifie quun juge devrait accepter les conclusions dun tribunal spcialis
167 Voir The Saskatchewan Human Rights Code, SS 1979, c S-24.1, art 32(1). La disposition
lgislative se lisait ainsi :
32. (1) Une partie une instance devant un tribunal des droits de la per-
sonne peut, sur une question de droit, interjeter appel un juge de la
Cour du Banc de la Reine de la dcision ou de lordonnance du tribunal
en signifiant au tribunal, la commission et aux autres parties
linstance un avis de motion, conformment aux Rgles de la Cour du
Banc de la Reine, dans les 30 jours suivant la date de la dcision ou de
lordonnance [traduction franaise dans larrt Whatcott, supra note 17,
annexe A].
168 Whatcott, supra note 17 au para 166.
169 Ibid au para 168.
170 Voir Dunsmuir, supra note 38 aux para 4951.
171 2003 CSC 20 au para 46, [2003] 1 RCS 247.
510 (2015) 60:3 MCGILL LAW JOURNAL REVUE DE DROIT DE MCGILL
mme sil ne serait pas lui-mme parvenu au mme rsultat172. Il sagit
plutt de savoir si les motifs donns lappui dune dcision justifient rai-
sonnablement les conclusions ou encore si le tribunal spcialis a opt
pour
lautre des solutions rationnelles acceptables 173
puisquune question soumise un tribunal nappelle gnralement pas
une seule solution possible174.
lune ou
3. Les leons tirer de larrt Whatcott
En matire de conduite discriminatoire, cette affirmation est dautant
plus vraie tant donn quune question de discrimination peut difficile-
ment tre isole de son contexte factuel. Cela signifie que lors dun appel
dune dcision du Tribunal, on doit tenir compte de ses motifs. Ce nest
pas loccasion dvaluer, dans labstrait, les questions de droit. Il sagit
plutt de porter son regard sur lapplication des principes juridiques faite
par le Tribunal dans le contexte particulier de laffaire dont il tait saisi.
Si lappel devient, chaque fois, un prtexte pour dgager des principes
juridiques fondamentaux, on risque de favoriser lapplication de la norme
de la dcision correcte, ce qui mne invariablement une intervention ac-
crue175 au nom dune bien subjective perfection juridique 176.
Cela tant, il demeure possible que lobservance du principe de df-
rence lendroit du tribunal spcialis mne tout de mme la conclusion
que sa dcision nest pas raisonnable. Toutefois, il existe des raisons pour
faire preuve de dfrence, dont principalement lexpertise. Cette expertise
doit faire lobjet dune reconnaissance par les cours de justice ds lors que
le lgislateur dlgue certains pouvoirs dcisionnels un organisme. Le
rle de la Cour dappel est de donner effet cette intention. Consquem-
ment, lorsque la Cour est saisie dun appel lencontre de la dcision ren-
due par un tribunal spcialis, elle demeure pleinement justifie de faire
preuve de dfrence en raison de lexpertise reconnue par le lgislateur
ce tribunal. Un appel de novo dans ce cas est contre-indiqu puisquil
risque de frustrer lintention lgislative. Accepter daccorder du poids au
raisonnement et aux conclusions mrement rflchies du tribunal sp-
172 Voir ibid.
173 Voir Dunsmuir, supra note 38 au para 47.
174 Voir David Dyzenhaus, The Politics of Deference: Judicial Review and Democracy
dans Michael Taggart, dir, The Province of Administrative Law, Oxford, Hart, 1997, 279
la p 286.
175 Voir David J Mullan, Establishing the Standard of Review: The Struggle for Complex-
ity? (2004) 17 : 1 Can J Admin L & Prac 59 la p 79.
176 Voir Morissette, supra note 15 la p 57.
LE TRIBUNALS DES DROITS DE LA PERSONNE 511
cialis mne alors lapplication de la norme du caractre raisonnable 177.
Ds lors, la russite de la contestation dpend de la raisonnabilit de la
dcision. Celui qui conteste la dcision dun tel tribunal devra indiquer
la cour dappel les lments qui rendent cette dcision draisonnable.
Larrt Whatcott dmontre que lorsque le tribunal spcialis applique le
mauvais critre juridique aux faits de lespce, cela peut rendre la dcision
draisonnable178. Toutefois, quand ce mme tribunal considre les objectifs
de la loi quil est charg dappliquer et prend dment en compte le con-
texte social ainsi que la jurisprudence pertinente relative la nature de la
question dont il est saisi, il est fort probable que sa dcision sera juge
raisonnable179.
Il nous semble que la Cour dappel du Qubec devrait imprativement
sinspirer de larrt Whatcott pour tablir les fondements dune nouvelle
relation avec le Tribunal des droits de la personne du Qubec. Il sagirait
de rechercher un meilleur quilibre entre le droit dappel sur permission
prvu dans la Charte qubcoise et la dfrence que commande la spciali-
sation du Tribunal en matire de droits de la personne. Cet quilibre se-
rait mieux servi, nous semble-t-il, si la Cour adoptait un critre de raison-
nabilit pour contrler les dcisions du Tribunal en faisant preuve de re-
tenue lgard de ses conclusions.
Comme la jurisprudence de la Cour suprme du Canada le dmontre,
il ny aurait rien dincohrent ce que linterprtation et lapplication de
la Charte qubcoise, dans un contexte de discrimination, puissent tre
values en fonction de leur raisonnabilit plutt que de leur justesse. Ap-
pliquer le critre de la raisonnabilit ne signifie pas non plus que la dci-
sion du Tribunal sera toujours juge raisonnable. Mais au lieu dadopter
une vision manichenne du droit en vertu de laquelle linterprtation de
rgles de droit mne lapplication de la dcision correcte tandis que
lapprciation des faits demeure soumise celle de lerreur manifeste et
dominante, la Cour dappel devrait se montrer plus rcepti[ve], atten-
ti[ve] et sensible au raisonnement et aux conclusions du Tribunal 180. Ces
rcentes annes, la Cour suprme sest progressivement rapproche de
lessence de larrt S.C.F.P. et de la vision respectueuse de lexpertise des
tribunaux des droits de la personne promue notamment par la juge
LHeureux-Dub. Il est dommage que la Cour dappel du Qubec em-
prunte la voie oppose.
177 Voir Zurich, supra note 106 la p 363.
178 Voir Whatcott, supra note 17 aux para 198202.
179 Voir ibid aux para 17886.
180 Voir Baker c Canada (Ministre de la Citoyennet et de lImmigration), [1999] 2 RCS 817
au para 75, 174 DLR (4e) 193.
512 (2015) 60:3 MCGILL LAW JOURNAL REVUE DE DROIT DE MCGILL
Conclusion
Il y a vingt-cinq ans, le Tribunal des droits de la personne a t consti-
tu afin dinsuffler une nouvelle vision des droits de la personne au Qu-
bec. Le processus mis en place, peu coteux et plus accessible, est admi-
nistr par des juges et assesseurs sensibiliss aux questions de discrimi-
nation et mieux informs de la ralit de certains milieux. Le lgislateur
avait principalement pour objectif de rsoudre le problme observ de la
rticence des cours de justice reconnatre la discrimination et appli-
quer gnreusement la Charte qubcoise, pourfendant ainsi une vision
parfois trs insensible la ralit multiculturelle du Qubec 181.
Il faut cependant admettre que la capacit du Tribunal appliquer et
imposer un raisonnement propre aux droits et liberts de la personne pa-
rat fortement rduite par lintervention effrne de la Cour dappel du
Qubec, non seulement dans les conclusions de droit du Tribunal, mais
galement dans ses conclusions de fait. Fidles la conception diceyenne,
un nombre important de juges de la Cour dappel semblent encore sous
linfluence de lide que les cours de justice sont qualitativement sup-
rieures aux tribunaux spcialiss. Cette prmisse sinscrit en porte faux
de la jurisprudence de la Cour suprme du Canada depuis quelle a rendu
larrt S.C.F.P. Aprs quelques tergiversations, la directive de la Cour su-
prme sest clarifie. Dornavant, au lieu dvaluer le degr dexpertise en
fonction du type de tribunal, et de tenter de dcouvrir lintention expresse
ou implicite du lgislateur afin de mesurer le niveau de retenue dont une
cour de justice devrait faire preuve, lexpertise doit se prsumer ds lors
que le tribunal spcialis interprte sa loi constitutive.
En refusant dappliquer le critre de la raisonnabilit aux dcisions du
Tribunal, lon se retrouve devant une incohrence manifeste. Il est assez
paradoxal, en effet, que le Conseil de discipline du Barreau du Qubec
fasse lobjet dune plus grande dfrence de la part de la Cour suprme du
Canada quand il statue sur une question constitutionnelle182 alors que le
Tribunal, pourtant charg, en qualit dexpert, de la mise en uvre dune
loi quasi constitutionnelle, ne fait pas lobjet dune retenue judiciaire, si-
non minimale, de la part de la Cour dappel du Qubec.
Dans ltat actuel des choses, il est esprer que la plus haute Cour
qubcoise accepte de se laisser guider par la jurisprudence rcente de la
Cour suprme du Canada et repense fondamentalement son rle
181 Voir Qubec, Assemble nationale, Commission permanente des institutions, Examen
des orientations, des activits et de la gestion de la Commission des droits de la personne
du Qubec : rapport final (14 juin 1988) la p 36.
182 Cest tout le moins ce qui ressort de larrt Dor c Barreau du Qubec, 2012 CSC 12,
[2012] 1 RCS 395.
LE TRIBUNALS DES DROITS DE LA PERSONNE 513
dinstance dappel face au Tribunal des droits de la personne. dfaut de
le faire, le lgislateur qubcois pourrait bien devoir sinspirer de son ho-
mologue ontarien et substituer au droit dappel une clause privative com-
plte qui assujettirait, en termes explicites, les instances suprieures
lobligation de dtecter une erreur manifestement draisonnable 183
avant quelles puissent succomber la tentation apparemment irrsis-
tible pour certains juges qubcois de substituer leur opinion celle du
tribunal spcialis.
183 Par exemple, le Code, supra note 107, art 45.8 prvoit que les dcisions du Tribunal des
droits de la personne ne sont pas susceptibles dappel, ni rvisables, moins dtre
manifestement draisonnable[s] .
514 (2015) 60:3 MCGILL LAW JOURNAL REVUE DE DROIT DE MCGILL
ADDENDA
Le 15 avril 2015, au moment o notre texte tait sur le point dtre
mis sous presse, la Cour suprme du Canada rendait sa dcision dans
laffaire Mouvement laque qubcois c. Saguenay (Ville)184. La Cour su-
prme observe, comme nous lavons relev, que [l]a jurisprudence de la
Cour dappel est contradictoire sur le cadre dintervention applicable 185
aux appels lencontre dune dcision finale du Tribunal des droits de la
personne du Qubec. Jugeant qu il semble difficile pour le justiciable de
sy retrouver , la Cour suprme conclut qu[u]ne clarification simpose
pour assurer une meilleur cohrence et une certaine prvisibilit 186.
Sous la plume du juge Gascon, huit juges de la Cour posent le principe
suivant :
Lorsquune loi prvoit un appel lencontre des dcisions dun tri-
bunal administratif spcialis comme celui qui nous intresse, les
enseignements de notre Cour veulent que les normes de contrle
favoriser soient celles applicables la rvision judiciaire, et non
lappel187.
En somme, [l]orsque le Tribunal agit lintrieur de son champ
dexpertise et quil interprte la Charte qubcoise et applique ses disposi-
tions aux faits pour dcider de lexistence de discrimination, la dfrence
simpose 188. En lespce, la Cour juge que la qualification des experts et
[…] lapprciation de la valeur probante de leurs tmoignages ,
lvaluation du caractre religieux de la prire, la porte des atteintes
causes par celle-ci au plaignant et la dtermination du caractre discri-
minatoire de cette prire sont au cur de lexpertise du Tribunal , de
telle sorte quil a droit la dfrence sur ces questions 189.
S il y a lieu de prsumer que la norme de contrle est la dcision rai-
sonnable 190, le juge Gascon considre cependant que cette prsomption
est repousse en ce qui a trait la dtermination des contours de la neu-
tralit religieuse de ltat qui dcoule de la libert de conscience et de re-
184 2015 CSC 16. Le jugement de la Cour dappel du Qubec est cit dans notre texte, su-
pra, note 71.
185 Ibid au para 25.
186 Ibid.
187 Ibid.
188 Ibid au para 46.
189 Ibid au para 50.
190 Ibid au para 46.
LE TRIBUNALS DES DROITS DE LA PERSONNE 515
ligion que protge la Charte qubcoise 191. Il convient, selon lui,
dappliquer la norme de la dcision correcte cette question 192.
Ainsi, alors qu un tribunal administratif spcialis qui interprte et
applique sa loi constitutive 193 devrait bnficier de la dfrence, voil
que le Tribunal perd soudainement le bnfice de cette prsomption au
motif que la libert de religion qui fait clairement partie de la loi cons-
titutive du Tribunal serait trangre son domaine dexpertise.
Pourtant, le Tribunal tait saisi dune demande o le plaignant
sestimait victime dune discrimination fonde sur la religion (ou plus con-
crtement labsence de religion, dans son cas) dans la reconnaissance ou
lexercice de sa libert de religion (ou plus exactement de sa libert de nen
avoir aucune). Cest le libell mme de larticle 10 de la Charte qubcoise,
lequel est manifestement au cur de lexpertise du Tribunal, qui com-
mande ainsi cette interrelation entre la discrimination fonde sur la reli-
gion, dune part, et la libert religieuse, dautre part. Comment ds lors
soutenir que le Tribunal justifie dune expertise qui commande la df-
rence lorsquil statue sur la discrimination, mais non pas lorsquil se pro-
nonce sur lexercice du droit loccasion duquel cette discrimination se
manifeste ?
Il est craindre que la Cour dappel du Qubec exploite cette brche,
elle qui na pas toujours su rsister la tentation dappliquer la norme
de la dcision correcte toutes les questions de droit dintrt gnral que
le Tribunal est appel trancher 194.
La chose na dailleurs pas chapp la juge Abella qui, dans une opi-
nion concordante, dplore que lon cre une exception additionnelle sus-
ceptible dtre source de confusion 195. Comme elle le souligne avec –
propos, non seulement la libert de religion et de conscience est loin
dtre trangre au domaine dexpertise du Tribunal, mais elle est un
aspect inextricable du fait de dcider sil y a eu ou non discrimination 196 :
Toutes les questions lies la discrimination revtent une impor-
tance capitale pour le systme juridique, mais elles sont galement,
du fait mme de cette importance, des questions que les lgislateurs
travers le pays ont confies des tribunaux administratifs spcia-
liss possdant de lexpertise en matire de droits de la personne, et
191 Ibid au para 49.
192 Ibid.
193 Ibid au para 46.
194 Ibid au para 48.
195 Ibid au para 166.
196 Ibid au para 168.
516 (2015) 60:3 MCGILL LAW JOURNAL REVUE DE DROIT DE MCGILL
non aux tribunaux judiciaires gnralistes. Le fait datomiser ce qui
est cens tre une dmarche holistique permettant de dcider sil y
a eu discrimination affaiblit une analyse qui requiert un examen
minutieux de tous les aspects factuels et juridiques interrelis per-
tinents.
[…]
Si nous continuons de tirer sur les divers filaments, nous risquons
ventuellement de constater que les assises prsidant un contrle
raisonn et dfendable des dcisions des tribunaux administratifs
ont disparu. Et nous aurons alors jet le bb de Dunsmuir avec
leau du bain [italiques dans loriginal]197.
Nous ne saurions mieux dire.
197 Ibid aux para 17273.
LE TRIBUNALS DES DROITS DE LA PERSONNE 517
ANNEXE
Dcisions finales du Tribunal des droits de la personne du Qubec ayant
fait lobjet dune requte pour permission dappeler devant la Cour dappel
du Qubec*
Dcision du TDPQ
1. Commission des droits de la
personne du Qubec c Com-
mission scolaire St-Jean-sur-
Richelieu, [1991] RJQ 3003,
1991 CanLII 1358.
2. Dufour c Centre hospitalier St-
[1992]
Joseph-de-la-Malbaie,
RJQ 825, 1992 CanLII 11.
3. Commission des droits de la
personne c Habachi, [1992]
RJQ 1439, 1992 CanLII 1.
4. Commission des droits de la
personne du Qubec c De-
sroches, [1992] JL 105, 1992
CanLII 1384.
5. Marcotte c Canadian Totalisa-
tor Inc, JE 92-1628, 1992
CanLII 1260.
6. Burke c Youth Horizons
(Centre daccueil Horizons de
la jeunesse), JE 93-10, 1992
CanLII 5.
7. Commission des droits de la
personne du Qubec c Poirier,
JE 93-286, 1992 CanLII 8.
Requte(s) pour
permission
dappeler
Accueillie
Rfrence de la dcision
sur la ou les requte(s)
pour permission
dappeler
Accueillie
200-09-000113-925
(2 mars 1992)
Accueillie
500-09-000724-922
Accueillie
Rejete
Rejete
Rejete
500-09-001272-921
(29 juillet 1992)
500-09-001180-934
(7 juillet 1993)
500-09-002251-924
(18 janvier 1993)
500-09-000043-935
(13 janvier 1993)
* Seules les dcisions finales du Tribunal des droits de la personne ont t prises en
compte. Les autorisations dappel lencontre des jugements interlocutoires, lesquelles
demeurent exceptionnelles (voir Mnard c Rivet, [1997] RJQ 2108 la p 2120
(CA), 1997 CanLII 9973, autorisation de pourvoi la CSC refuse, avec dissidence,
1998 WL 1722666; For-Net Montral inc c Chergui, 2014 QCCA 1508), ont t dlib-
rment exclues.
518 (2015) 60:3 MCGILL LAW JOURNAL REVUE DE DROIT DE MCGILL
8. Commission des droits de la
personne du Qubec c Com-
mission scolaire rgionale
Chauveau, [1993] RJQ 929,
1993 CanLII 7.
Accueillie
200-09-000160-934
(10 mars 1993)
200-09-000387-933
(10 juin 1993)
500-09-002198-935
(24 janvier 1994)
500-09-000159-947
(9 mars 1994)
Rejete
Rejete
Rejete
9. Commission des droits de la
personne du Qubec c La-
rouche, JE 93-994, 1993 Can-
LII 2587.
10. Commission des droits de la
personne c Restaurant
Alexandre inc, JE 94-45, 1993
CanLII 13.
11. 11. Iftkhar c Universit Con-
cordia, JE 94-46, 1993 Can-
LII 1813.
12. Commission des droits de la
personne du Qubec c Whit-
tom, JE 94-319, 1993 Can-
LII 10.
13. Commission des droits de la
personne du Qubec c Dupont,
Desmeules et Associs Inc,
[1994] RJQ 2092, 1994 Can-
LII 2265.
14. Morin c Commission scolaire
des Manoirs, JE 94-1432, 1994
CanLII 3040.
15. Commission des droits de la
personne c Compagnie minire
Qubec Cartier, [1994]
RJQ 2729, 1994 CanLII 2132.
16. Commission des droits de la
personne du Qubec c Autobus
Legault Inc, [1994] RJQ 3027,
1994 CanLII 2805.
17. Commission des droits de la
personne du Qubec c Mon-
tral (Ville de), DTE 95T-241,
1994 CanLII 3054.
18. Commission des droits de la
personne du Qubec c Mon-
tral (Ville de), DTE 95T-478,
1995 CanLII 13.
Accueillie en partie
500-09-000153-940
Rejete
Rejete
Accueillie
(9 fvrier 1994)
500-09-001140-946
(27 juillet 1994)
500-09-001373-943
(31 aot 1994)
200-09-000495-942
(24 aot 1994)
Accueillie
200-09-000710-944
Rejete
500-09-000096-958
(18 janvier 1995)
Accueillies
500-09-000601-955 et 500-
09-000602-953
LE TRIBUNALS DES DROITS DE LA PERSONNE 519
Accueillies
500-09-000601-955 et 500-
09-000602-953
Rejete
Accueillie
Accueillie
500-09-000697-953
(24 mai 1995)
500-09-00970-954
(14 juin 1995)
200-09-000425-956
(1er septembre 1995)
[1995] RDJ 590 (CA Qc)
Accueillie
500-09-001860-956
Accueillie
500-09-003568-961
Rejetes
Rejete
Rejete
Accueillie
Rejete
500-09-002672-962 et 500-
09-002826-964
(3 juin 1996)
200-09-000906-963
(4 juin 1996)
500-09-002957-967
(5 septembre 1996)
[1996] RDJ 513 (CA Qc)
500-09-004457-974
(27 fvrier 1997)
500-09-003253-960
(7 novembre 1996)
19. (Qubec) Commission des
droits de la personne du Qu-
bec c Boisbriand (Ville de),
1995 CanLII 10, (1995) AZ-
50010616 (Azimut).
20. Commission des droits de la
personne du Qubec c Allard,
JE 95-986, 1995 CanLII 15.
21. Commission des droits de la
personne du Qubec c Coutu,
[1995] RJQ 1628, 1995 Can-
LII 2537.
22. Commission des droits de la
personne du Qubec c Com-
mission scolaire de Jean-
Rivard, [1995] RJQ 2245, 1995
CanLII 3139.
23. Commission des droits de la
personne du Qubec c Dha-
wan, DTE 96T-285, 1995 Can-
LII 11.
24. Lisenko c Commission scolaire
St-Hyacinthe Val-Monts,
JE 96-787, (1996) AZ-
96171004 (Azimut).
25. Brandao c Dpartement de
science politique et facult des
arts et des sciences (Universit
de Montral), JE 95-2176,
1995 CanLII 2730.
26. Deschnes c Hpital de Mont-
Joli inc, DTE 96T-872 1996
CanLII 18.
27. Thriault c Commission sco-
laire Outaouais-Hull, JE 96-
1761, 1996 CanLII 2131.
28. Lambert c Qubec (Ministre
du Tourisme), [1997] RJQ 726,
1996 CanLII 21.
29. Hadji c Montral (Ville de),
DTE 96T-1321, 1996 CanLII
31.
520 (2015) 60:3 MCGILL LAW JOURNAL REVUE DE DROIT DE MCGILL
30. Commission des droits de la
Rejete
personne du Qubec c Garderie
du Couvent inc, [1997]
RJQ 1475, 1997 CanLII 59
31. Commission des droits de la
personne et des droits de la
jeunesse c Genest, [1997]
RJQ 1488, 1997 CanLII 66.
32. Commission des droits de la
personne et des droits de la
jeunesse c Maskteel Qubec
inc, [1997] RJQ 2891, 1997
CanLII 49.
Accueillie
Accueillie
500-09-004533-972
(4 mars 1997)
500-09-004729-976
(14 avril 1997)
500-09-005653-977
(29 octobre 1997)
33. Commission des droits de la
personne et des droits de la
jeunesse c Lachine (Ville de),
[1998] RJQ 658, 1997 Can-
LII 15668.
34. Commission des droits de la
personne et des droits de la
jeunesse c Commission scolaire
Outaouais-Hull, DTE 98T-368,
1998 CanLII 66.
35. Commission des droits de la
personne et des droits de la
jeunesse c Gestion Ren Lan-
dry inc (Restaurant Harveys),
DTE 98T-707, 1998 CanLII 51.
36. Cadieux c Montral (Commu-
naut urbaine de), [1998]
RJQ 2881, 1998 CanLII 29.
37. Commission des droits de la
personne et des droits de la
jeunesse c Emballage Graham
du Canada Lte, [1999]
RJQ 897, 1999 CanLII 57.
38. Commission des droits de la
personne et des droits de la
jeunesse c Produits forestiers
Domtar inc, JE 2000-1542,
2000 CanLII 72.
39. Commission des droits de la
personne et des droits de la
jeunesse c Montral (Commu-
naut urbaine de), [2000]
RJQ 2771, 2000 CanLII 83.
Accueillie
500-09-006159-982
Rejete
Rejete
Accueillie
Rejete
Accueillie
Accueillie
500-09-006315-980
(2 avril 1998)
500-09-006742-985
(8 juillet 1998)
500-09-007230-980
(29 octobre 1998)
500-09-007868-995
(9 avril 1999)
200-09-003168-009
(28 juin 2000)
500-09-009865-007
(24 octobre 2000)
LE TRIBUNALS DES DROITS DE LA PERSONNE 521
Accueillie
Accueillie
500-09-011778-024
(24 janvier 2002)
Rejete
500-09-012793-022
(19 dcembre 2002)
[2003] RJQ 22 (CA Qc)
Accueillie en partie
Rejete
500-09-013055-033
(27 fvrier 2003)
JE 2003-497
500-09-013080-031
(12 mars 2003)
Accueillie
200-09-004383-037
Accueillie
Accueillie
Rejete
500-09-013309-034
(29 mai 2003)
500-09-013539-036
(2 juillet 2003)
500-09-013666-037
(27 octobre 2003)
40. Commission des droits de la
personne et des droits de la
jeunesse c Universit Laval,
[2000] RJQ 2156, JE 2000-
1572.
41. Commission des droits de la
personne et des droits de la
jeunesse c Montral (Service de
police de la communaut ur-
baine de), [2002] RJQ 824,
2001 CanLII 21117.
42. Commission des droits de la
personne et des droits de la
jeunesse c Provigo Distribution
inc, division Maxi,
DTE 2002T-1041, 2002 Can-
LII 36232.
43. Commission des droits de la
personne et des droits de la
jeunesse c Gagn, [2003]
RJQ 647, 2002 CanLII 6887.
44. Commission des droits de la
personne et des droits de la
jeunesse c Repentigny (Ville
de), JE 2003-495, 2003 Can-
LII 68798.
45. Commission des droits de la
personne et des droits de la
jeunesse c Socit de
lassurance automobile du
Qubec, [2003] RJQ 1737, 2003
CanLII 33421.
46. Commission des droits de la
personne et des droits de la
jeunesse c Magasins Wal-Mart
Canada inc, [2003] RJQ 1345,
2003 CanLII 24566.
47. Commission des droits de la
personne et des droits de la
jeunesse c Valle, [2003]
RJQ 2009, 2003 CanLII 28651.
48. Commission des droits de la
personne et des droits de la
jeunesse c Lacombe, JE 2003-
1464, 2003 CanLII 13140.
522 (2015) 60:3 MCGILL LAW JOURNAL REVUE DE DROIT DE MCGILL
49. Commission des droits de la
personne et des droits de la
jeunesse c Caisse populaire
Desjardins dAmqui, [2004]
RJQ 355, 2003 CanLII 48209.
Rejete
50. Landry c Cooprative
dhabitation Le Tourbillon
de Neufchatel, [2004]
RJQ 2033, 2004 CanLII 27303.
51. Golzarian c Qubec (PG),
JE 2004-1754, 2004 Can-
LII 5156.
52. 52. Commission des droits de
la personne et des droits de la
jeunesse c Commission scolaire
des Phares, [2005] RJQ 309,
2004 CanLII 46172.
53. Commission des droits de la
personne et des droits de la
jeunesse c Centre maracher
Eugne Guinois Jr inc, [2005]
RJQ 1315, 2005 CanLII 11754.
54. Commission des droits de la
personne et des droits de la
jeunesse c Industries aca-
diennes inc, [2006] RJDT 473,
2005 CanLII 36235.
55. Commission des droits de la
personne et des droits de la
jeunesse c OToole, 2006
QCTDP 21, [2007] RJQ 215.
56. Commission des droits de la
personne et des droits de la
jeunesse c Blais, 2007 QCTDP
11, JE 2007-973.
57. Commission des droits de la
personne et des droits de la
jeunesse c Hpital gnral juif
Sir Mortimer B Davis, 2007
QCTDP 29, [2007] RJDT 1953.
Rejete
Rejete
Accueillie
Rejete
Accueillie
Rejete
Rejete
Accueillie
200-09-004700-040 (23
janvier 2004)
AZ-04019594 (Azimut) (CA
Qc)
200-09-004831-043 (10
juin 2004)
AZ-50257640 (Azimut) (CA
Qc)
500-09-014793-046
(25 aot 2004)
200-09-005051-047 (19
janvier 2005)
2005 QCCA 85
500-09-015559-057
(5 mai 2005)
500-09-016347-064 (6
fvrier 2006)
2006 QCCA 203
500-09-017364-076
(25 janvier 2007)
200-09-005932-071
(1er mai 2007)
2007 QCCA 603
500-09-018203-075
(14 dcembre 2007)
2007 QCCA 1844
58. Commission des droits de la
personne et des droits de la
jeunesse c Cooprative
dhabitation LEscale de Mon-
tral, 2008 QCTDP 1, JE 2008-
306.
59. Commission des droits de la
personne et des droits de la
jeunesse c Gaz mtropolitain
inc, 2008 QCTDP 24, [2009]
RJQ 487.
60. Commission des droits de la
personne et des droits de la
jeunesse c Socit de transport
de Montral, 2008 QCTDP 29,
DTE 2009T-29.
61. Commission des droits de la
personne et des droits de la
jeunesse c Laval (Ville de)
(Service de scurit
dincendies), 2009 QCTDP 4,
[2009] RJQ 853.
62. Commission des droits de la
personne et des droits de la
jeunesse c Centre hospitalier
universitaire de Sherbrooke,
2009 QCTDP 18, [2010]
RJDT 361.
63. Commission des droits de la
personne et des droits de la
jeunesse c Commission scolaire
des Phares, 2009 QCTDP 19,
[2010] RJQ 357.
64. Commission des droits de la
personne et des droits de la
jeunesse c Syndicat des cons-
tables spciaux, 2010 QCTDP
3, [2010] RJQ 1005.
65. Gallardo c Bergeron, 2010
QCTDP 5, JE 2010-960.
LE TRIBUNALS DES DROITS DE LA PERSONNE 523
Accueillie
500-09-018422-089
Accueillie
Accueillie
Accueillie
Accueillie
Accueillie
Accueillie
Accueillie
(18 mars 2008)
2008 QCCA 565
500-09-019077-080
(4 dcembre 2008)
2008 QCCA 2322
500-09-019252-089
(27 janvier 2009)
500-09-019546-092
(20 avril 2009)
2009 QCCA 764
500-09-019561-091
(20 avril 2009)
2009 QCCA 764
500-09-020255-097
(18 fvrier 2010)
2010 QCCA 308
200-09-006913-096
(25 janvier 2010)
2010 QCCA 107
500-09-020488-102 et 500-
09-020493-102
(30 mars 2010)
2010 QCCA 641
500-09-020681-102
(7 septembre 2010)
2010 QCCA 1605
524 (2015) 60:3 MCGILL LAW JOURNAL REVUE DE DROIT DE MCGILL
66. Commission des droits de la
personne et des droits de la
jeunesse c Bombardier inc
(Bombardier Aerospace Trai-
ning Center), 2010 QCTDP 16,
[2011] RJQ 225.
Accueillie
67. Commission des droits de la
personne et des droits de la
jeunesse c Lusk, 2010 QCTDP
17, JE 2011-277.
68. Simoneau c Tremblay, 2011
QCTDP 1, [2011] RJQ 507.
Rejete
Accueillie en partie
Rejete
Accueillie
Rejete
Rejete
Rejete
Accueillie
69. Commission des droits de la
personne et des droits de la
jeunesse c Laurentian Sha-
vings Products (1986) inc,
2011 QCTDP 2, [2011]
RJQ 479.
70. Commission des droits de la
personne et des droits de la
jeunesse c Calego international
inc, 2011 QCTDP 4, [2011]
RJQ 1141.
71. Commission des droits de la
personne et des droits de la
jeunesse c Socit des casinos
du Qubec inc, 2011 QCTDP
17, [2011] RJQ 2133.
72. Commission des droits de la
personne et des droits de la
jeunesse c Montral (Service de
police de la Ville de) (SPVM),
2012 QCTDP 5, [2012]
RJQ 907.
73. Hajjage c McGill University,
2012 QCTDP 7, (2012) AZ-
50858497 (Azimut).
74. Commission des droits de la
personne et des droits de la
jeunesse c 9185-2152 Qubec
inc (Radio Lounge Brossard),
2013 QCTDP 5, JE 2013-840.
500-09-021287-107
(17 fvrier 2011)
2011 QCCA 322
500-09-021352-117
(9 fvrier 2011)
2011 QCCA 275
200-09-007328-112
(29 mars 2011)
2011 QCCA 583
500-09-021503-115
(29 mars 2011)
2011 QCCA 597
500-09-021664-115
(30 mai 2011)
2011 QCCA 996
500-09-022135-115
(13 dcembre 2011)
2011 QCCA 2314
500-09-022695-126
(22 aot 2012)
2012 QCCA 1501
500-09-022766-125
(10 juillet 2012)
2012 QCCA 1272
500-09-023466-139
(25 avril 2013)
2013 QCCA 748
75. Pearson c Montral (Ville de),
2013 QCTDP 9, JE 2013-749.
76. Commission des droits de la
personne et des droits de la
jeunesse c Bertrand, 2013
QCTDP 6, JE 2013-706.
77. Commission des droits de la
personne et des droits de la
jeunesse c Spa Bromont inc,
2013 QCTDP 26, [2013]
RJDT 920.
78. Commission des droits de la
personne et des droits de la
jeunesse c Universit de Sher-
brooke, 2013 QCTDP 15,
[2013] RJDT 883.
79. Commission des droits de la
personne et des droits de la
jeunesse c Ct (Matins de Vic-
toria), 2013 QCTDP 35,
JE 2014-365.
80. Commission des droits de la
personne et des droits de la
jeunesse c Commission scolaire
de Montral, 2014 QCTDP 5,
JE 2014-1219.
LE TRIBUNALS DES DROITS DE LA PERSONNE 525
Rejete
Accueillie
Accueillie
Accueillies
Accueillie
Accueillie
500-09-023523-137
(14 juin 2013)
2013 QCCA 1097
500-09-023484-132
(25 avril 2013)
2013 QCCA 749
500-09-023847-130
(11 septembre 2013)
2013 QCCA 1579
500-09-023779-135 et 500-
09-023783-137
(21 aot 2013)
2013 QCCA 1449
500-09-024126-138
(12 fvrier 2014)
2014 QCCA 265
500-09-024355-141
(24 septembre 2014)
2014 QCCA 1761
(2015) 60:3 MCGILL LAW JOURNAL REVUE DE DROIT DE MCGILL