Case Comment Volume 34:1

L'Equite Procedurale Dans I'entreprise Privee: Un Droit Nord-Americain

Table of Contents

REVUE DE DROIT DE McGILL

[Vol. 34

L’quite proc~durale dans l’entreprise prive:

un droit nord-am6ricain ?

Claude D’Aoust*

Uauteur drmontre que la jurisprudence ar-
bitrale amrricaine en matiRre de droit du tra-
vail a reconnu que l’employeur priv6 doit
respecter certaines regles d’6quit6 procrdu-
rale, en l’occurrence celle qui veut que ’em-
ployeur informe le salari6 des motifs de son
renvoi et lui permette de les refuter avant
qu’il soit congrdi. Plusieurs arr~ts de ]a Cour
supreme des Etats-Unis ont impose cette
obligation a ’employeur public. Elle fut en-
suite transposre au secteur priv6 en se fon-
dant sur la notion de just cause ou en
procdant par analogie avec le secteur public.
Les consequences d’un manquement aux exi-
gences de l’quit6 procrdurale sont rarement
sprcifires dans les conventions collectives et
les decisions se srparent en plusieurs cou-
rants sur cette question. Toutefois, le courant
qui cherche A 6quilibrer les consequences du
manquement de l’employeur et les motifs du
renvoi du salari8 doit 8tre prfter&

The author demonstrates that the jurispru-
dence of American labour law arbitration re-
quires private employers to respect rules of
procedural equity, including the obligation to
give notice to and hear the employee on the
reasons for dismissal before taking action.
Decisions of the United States Supreme
Court have concluded that such an obligation
exists in the public sector. This obligation has
been extended to the private sector through
either the concept of “just cause” or by anal-
ogy with the public sector. Remedies for
breach of procedural equity are seldom spec-
ified in collective agreements, however, and
awards are inconsistent. In this last respect,
balancing the consequences of the breach
with the reasons for dismissal is preferable.

*Professeur titulaire, tcole de relations industrielles, Universit6 de Montreal. Lauteur re-
mercie Monique Desrochers, bibliothcaire professionnelle, qui s’est charg~e en partie de ]a
collecte et de ‘analyse de ]a jurisprudence. II assume toutefois l’enti~re responsabilit6 du con-
tenu de cette note de recherche.

@Revue de droit McGill

McGill Law Journal 1989

19891

NOTES

La jurisprudence canadienne et qu6bcoise a reconnu, A des titres et
degr~s divers, le devoir d’ quit6 proc~durale de l’employeur priv 1. Le droit
public a d’abord impos6 A la Couronne l’obligation d’informer le serviteur
de l’ttat des motifs de son renvoi et de lui fournir l’occasion de s’expliquer,
temp6rant ainsi son privilege de renvoi sans cause et sans pr~avis. Peu A
peu, cette obligation s’est impos~e aux employeurs para- ou p~ri-publics,
notamment aux ordres inferieurs de gouvernement et i l’universit6, pour
atteindre enfin l’employeur purement priv62. En cours de route, le fonde-
ment de l’obligation s’est modifie en consequence. La notion d’quit6 (fair-
ness), contrepartie du pouvoir arbitraire de l’Etat, s’appuie dans le domaine
priv6 sur le concept de d~mocratie industrielle. Le droit public dont 6mane
le duty to act fairly, c’est 6videmment la l6gislation fed~rale et provinciale
qui r~git les rapports entre le public servant et son employeur, par exemple
une loi de la fonction publique, une loi r~gissant les universit6s, ou encore
une loi constitutive d’une soci6t6 d’ttat. Mais, la common law anglais joue
6galement un r6le en la matire, celui de droit suppl6tif et ce, tant au Quebec
que dans les autres provinces3.

Sur le plan th~orique, il est permis de se demander si le droit am6ricain
a connu la meme 6volution. Plus concrbtement, 6tant donn6 l’interdrpen-
dance des 6conomies canadienne et amricaine – que modifie mais n’efface
certainement pas l’accord de libre-6change entre les deux pays –
et la n6-
cessit6 qui en d~coule d’une harmonisation minimale des r6gles r~gissant
l’acquisition et la disposition des ressources productives 4, il importe de
vbrifier comment se compare d’un pays A l’autre un corps de r~gles aussi
important que celui d~coulant des exigences d’6quit6 proc6durale. Enfin,
une troisi~me raison justifie l’exercice. Compte tenu de l’influence incon-
testable, quoique peut-etre non mesurable, de lajurisprudence arbitrale am6-

‘Voir C. D’Aoust et L. Dub6, << Le devoir d' quit6 proc~durale de 'employeur priv6 >> (1987)

47 R. du B. 667.

qu’a titre r~capitulatif; elle ne constitue donc aucunement une d6monstration.

2Cette argumentation est d6velopp6e en d6tail dans l’article pr6cit6. Elle n’est 6nonc~e ici
3Sur cette question, voir C. D’Aoust et M. Desrochers, <( Le rapport juridique entre la Cou- ronne et son pr~pos6 o (1986) 17 R.G.D. 135 et L.-P Pigeon, Redaction et interpretation des lois, 3e Ed., Les Publications du Qu6bec, Quebec, 1986 aux pp. 108 et s. 4Notre remarque correspond A la preoccupation, fond~e ou non, des milieux d'affaires A l'effet que les r~gles d'imposition et de taxation affectent la mobilit6 des capitaux et de la main- d'oeuvre et que les r~gles institutionnelles r~gissant les relations de travail affectent elles aussi la concurrence. A titre d'exemple, mentionnons l'6moi suscit6 par notre l6gislation anti-briseurs de grave (Code du travail, L.R.Q., c. C-27, art. 109.1 et s.) ; rexistence d'exigences proc~durales en cas de congddiement susciterait les memes toll6s s'il s'av6rait que, par contraste, la doctrine am6ricaine de 'employment-at-will soit rest6e intacte. Nous ne discuterons ici que des restrictions d'ordre procedural qu'a apport~es la jurispru- dence A cette doctrine. Sur les restrictions de fond, voir, entre autres: A. D. Hill, (( Wrongful Discharge)) and the Derogation of the At-will Employment Doctrine, Public Policy Series No. 31, Philadelphie, University of Pennsylvania, The Wharton School of Labor Relations, 1987. McGILL LAW JOURNAL [Vol. 34 ricaine sur celle du Canada et du Quebec, il est utile, voire n~cessaire, de connalitre plus pr~cis~ment l'6tat du droit am6ricain dans ce domaine. Nous nous proposons donc, dans cette note, de montrer que le droit am~ricain, plus pr~cis6ment la jurisprudence arbitrale 5, a reconnu que le droit de cong~dier 6tait soumis aux exigences proc~durales d'informer le salari6 des motifs de son renvoi et de lui permettre de les r6futer 6. Cette obligation de l'employeur relive de la notion d'industrial due process, par opposition au constitutional due process qui protege les droits du citoyen impliqu6 dans le processus judiciaire. Toutefois, cette opposition meme - ou cette distinction - r6v~le une analogie, une connexit6. Par ailleurs, la terminologie employee est fort 61astique. On a pu parler de << basic notions of fairness >>7, de obasic standards of fairness >>8 ou plus simplement de
<< procedural requirements >> en synonymie avec industrial due process.

Ces pr~misses 6tant pos6es, voici les observations qui se d6gagent d’une
revue de la jurisprudence arbitrale am6ricaine sur l’6quit6 procfdurale en
cas de congfdiement. Bien que notre propos vise principalement l’em-
ployeur priv6, il convient d’examiner d’abord la situation des agents publics.
Nous verrons en effet qu’aux Etats-Unis comme chez nous, l’6quit6
proc~durale s’est d’abord d6velopp~e dans le secteur public pour s’implanter
par la suite dans le secteur priv6.

5En consequence, nos propos se rapportent uniquement au droit des rapports collectifs de
travail. Le contrO1e de ]a prerogative patronale par l’arbitrage en vertu d’une loi normalisant
les rapports individuels, comme la Loi sur les normes du travail, L.R.Q. c. N-1.1, art. 124 et
le Code canadien du travail, L.R.C. 1985, c. L-2, art. 240 et s. (anciennement art. 61.5), est
inconnu aux Etats-Unis.
6Le renvoi seul, par opposition aux mesures patronales de moindre portee, est ici analys6,

sauf exception que nous signalerons au lecteur.

Nous avons aussi exclu de notre analyse des exigences proc~durales accessoires telles que
l’obligation qu’a l’employeur de faire une enqu~te impartiale et s6rieuse pour 6tayer ses motifs
et fonder son action. Ces exigences sont dites o accessoires >) ou <( secondaires >> car elles n’ont
pour objet que d’assurer l’employeur de ‘existence des faits allgu6s ; dans ]a mesure oia les
faits sont connus, l’obligation d’enqu8ter devient sans objet.

Enfin, et conform6ment i ]a distinction que fait le droit am6ricain entre les procedural et
les substantive requirements of due process, nous ne traitons pas de la r~gle de la progressivit6
des sanctions qui autrement pourrait 8tre comprise dans une notion large de l’obligation d’in-
formation. Cette r~gle veut que l’employeur doive s6vir au fur et i mesure des manquements
du salari6 et, par 1, soit tenu d’informer ce dernier qu’il doit y rem~dier sous peine de mesures
plus s6v6res, sinon, il y a acquiescement (condonation).

Sur ]a notion extensive de < cause juste >) englobant le due process, voir : D.S. McPherson,
<(The Evolving Concept of Just Cause: Carroll R. Daugherty and The Requirement of Dis- ciplinary Due Process >> (1987) 38 Lab.L.J. 387.

7E Elkouri et E.A. Elkouri, How Arbitration Works, 4e 6d., Washington, The Bureau of
8A.M. Koven et S.L. Smith, Just Cause: The Seven Tests, San Francisco, Coloracre Publi-

National Affairs, 1985 A ]a p. 673.

cations, 1985 A la p. 159.

1989]

NOTES

Au depart, l’agent public fedrral n’a, en cas de renvoi, ni droit ni recours.
II peut 6tre renvoy6 brusquement, sauf si une loi lui confere, en vertu de
sa permanence par exemple, le droit d’etre trait6 6quitablement 9. La pre-
mitre brche pratiquee dans cette r~gle, mises a part les protections 16gales
accord~es A la fonction publique, r6sulte de la chasse aux sorci6res de l’apr~s-
guerre. A cette 6poque, un Executive Order prbsidentie 10 permettait A
l’Attorney General des Etats-Unis de dresser une liste d’organismes et grou-
pements subversifs et de la communiquer A la Civil Service Commission.
Un Loyalty Review Board examinait ensuite, dans chaque agence gouver-
nementale, si les fonctionnaires qui lui 6taient drsignbs appartenaient aux
associations 6numbr6es sur cette liste. Un fonctionnaire convaincu d’as-
sociation A un groupe suspect 6tait renvoy6 sur-le-champ. Outre que, sur le
fond, la culpabilit6 par association est un motif douteux, il se trouvait que
la personne renvoye n’6tait pas informre de la tenue de 1’enqu~te et n’avait
pas l’occasion de faire valoir son point de vue.

Une premiere contestation devant la Cour supreme des ttats-Unis
tourna court parce que les huit juges ayant entendu l’affaire s’6taient divis6s
quatre contre quatre 1. Consrquemment la decision de la Cour d’appel, qui
avait retenu la throrie classique du pouvoir absolu de l’tat de renvoyer
sans motif un fonctionnaire fedbral, fiut maintenue. Cependant, le m~me
jour, la Cour supreme rendit jugement dans une affaire oii les associations
drsignres contestaient leur inclusion dans la liste noire, prrtendant qu’en
agissant unilatrralement l’Attorney General avait viol6 leur droit constitu-
tionnel d’tre informres des accusations qui pesaient contre elles et d’avoir
l’occasion d’y rrpondre12. Plusieursjuges profitrrent de l’occasion pour don-
ner leur opinion sur l’affaire Bailey et il fuit ainsi possible de determiner
comment s’6taient partag6es les opinions dans celle-ci. Quoi qu’il en soit,
il fut ds lors acquis qu’une pluralit6 de juges de la Cour supreme 6taient
d’avis que, lorsque les circonstances –
en l’occurrence le climat social de
suspicion et d’animosit6 & l’rgard des sympathisants et des membres de
groupes communistes –
sont telles que le renvoi risque de stigmatiser la

9Keim c. United States, 177 U.S. 290 (1900) ; Eberlein c. United States, 257 U.S. 82 (1921);

United Public Workers of America c. Mitchell, 330 U.S. 75 (1947).

‘Executive Order No. 9835, 5 U.S.C.A. 631 note (1947).
“Bailey c. Richardson, 341 U.S. 918 (1951).
12Joint Anti-Fascist Refugee Comm. c. McGrath, 341 U.S. 123 (1951).
Dorothy Bailey avait 6t6 congbdi6e A cause de son affiliation A rune des associations

requ6rantes.

II peut sembler curieux qu’un groupement anti-fasciste soit consid6r comme subversif,
sachant le r8le jou6 par les forces armies am6ricaines contre les pays de
‘Axe durant la
deuxi~me guerre mondiale, mais il faut garder en m6moire la division des Alli6s de la veille,
apr~s la conference de Yalta. Or, rAnti-Fascist Refugee Committee s’occupait de la sant6 et de
l’6ducation de r6fugi6s de ]a guerre civile d’Espagne au cours de laquelle les Brigades inter-
nationales, d’inspiration communiste, avaient combattu pour le camp r6publicain.

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personne qui en est l’objet, celle-ci est protegee par des garanties
proc~durales.

Dans la m~me foul~e, la Cour supreme d~cida, quatre ans plus tard,
qu’6tait nulle une decision du Loyalty Review Board qui s’6tait saisi de son
propre chef du dossier d’un professeur de Yale agissant comme conseiller
au Department of Health, Education and Welfare. Or, ce conseiller avait
d6jA subi favorablement deux enqu~tes (clearances) de l’agence qui l’em-
ployait et, naturellement, aucune des deux parties int6ress~es, seules habi-
lit~es i le faire par l’Executive Order 9835, n’avait port6 cette d6cision en
appel 13. Soulignons que le juge Douglas affirme que l’Executive Order 9835
porte atteinte i la libert6 au sens du cinqui~me amendement de la Cons-
titution am~ricaine, bien que cette opinion n’ait pas
t6 retenue par ]a
majorit614.

En aofit 1950, une loi remplaga l’Executive Order 9835. Elle permettait
aux responsables de certains minist~res (departments) et agences de sus-
pendre sans solde, et 6ventuellement de renvoyer, un employ6 dans l’int6ret
de la s6curit6 nationale. Cette d6cision 6tait sans appel (conclusive andfinal).
Un employ6 suspendu pour enquete, avis6 des all6gations d’association i
des organisations subversives, d6clina rinvitation de se faire entendre con-
form6ment aux exigences de la loi. I1 fit par la suite renvoy6, le Secr6taire
du Department of Health, Education and Welfare ayant d6cid6, i la lumi~re
du dossier, que la continuation de ’emploi de cette personne 6tait clairement
incompatible avec la sauvegarde de la s6curit6 nationale 5 . La Cour d6cida,
A la majorit6, qu’une semblable d6cision n6cessitait une 6valuation du dan-
ger pour la s6curit6 nationale que repr6senterait le maintien de la personne
dans son emploi, danger qui d6pend non seulement des actes que pourrait
poser l’individu mais aussi de la nature de ses fonctions en relation avec la
s6curit6 nationale. Autrement, dit la Cour, l’inefficacit6 ou l’incomp6tence
d’un fonctionnaire pourraient 8tre jug6es dangereuses pour la s6curit6 na-
tionale. De la sorte, les lois g6n6rales r6gissant la fonction publique, qui
offrent des garanties de proc6dure A ceux contre qui p~sent de telles all6-
gations, seraient ais6ment contoum6es 16.

II serait hors de propos d’analyser en d6tail tous les arr~ts se rapportant
aux droits des employ6s publics, relatant ainsi l’6volution de la jurispru-

13Peters c. Hobby, 340 U.S. 331 (1955).
Dans une afflaire subs6quente, un renvoi fut aussi annul6 en raison d’accrocs aux r~gles de

procedure: Service c. Dulles, 354 U.S. 363 (1957).
14Peters c. Hobby, supra, note 13 aux pp. 351-52.
La partie de l’amendement applicable A l’esp~ce se lit: .

1989]

NOTES

dence, sa porte et ses limites. Aussi nous contenterons-nous d’en tracer les
grandes lignes en les regroupant selon quelques themes pr~sentant un int~rt
particulier 17.

D’abord, soulignons que 1’6quit6 proc~durale n’est pas due qu’aux seuls
employ~s fed6raux. Elle s’6tend aux employ~s d’entreprises priv6es four-
nissant des services A 1’ttat f~d6ral, en certaines circonstances. Ainsi en est-
il lorsqu’une agence gouvernementale r~voque le certificat de s~curit6 (se-
curity clearance) d’un salari6 travaillant dans une fabrique d’armements18 .

Les employ~s A 1’essai (probationary employees) n’ont, traditionnelle-
ment, pas eu droit . 1’6nonc6 des motifs de leur renvoi non plus qu’A la
possibilit6 de les r6futer’ 9. Mais, si le renvoi risque de les stigmatiser djamais
et ainsi de les priver de la possibilit6 de gagner leur vie, ils ont un liberty
interest, A drfaut de property interest d~coulant de la permanence, qui leur
donne le droit d’etre entendus pour se disculper des accusations pesant
contre eux. Encore faut-il que la personne conteste les faits car autrement
l’audition serait sans objet 20.

Par ailleurs, le salari6 i

‘essai, susceptible de renvoi pour n’importe
quelle raison ou sans raison aucune, ne peut 8tre renvoy6 pour avoir exerc6
sa libert6 d’expression 2l. I1 s’agit ici d’une libert6 publique et non de l’ex-

17Pour une analyse plus complete, voir, entre autres: K.C. Davis, Administrative Law Trea-
tise, 2e 6d., San Diego, K.C. Davis Publication Co., 1979 aux pp. 361-69; Richard J. Silber,
<(Procedural Due Process o, California Public Employees Relations Magazine (juin 1980) 19. 18Greene c. McElroy, 360 U.S. 474 (1959). Cependant, une salari~e travaillant dans une cafetria militaire n'a pas droit A avis et audition quand la Marine lui retire son permis de circuler (badge): Cafeteria & Restaurant Workers Union, local 473 c. McElroy, 367 U.S. 88 (1961). L'employeur avait offert de la transferer dans un autre 6tablissement, ce qu'elle a refus6 A cause des d6savantages d'un d~placement. Dans ces circonstances, l'intfr& de la Marine A ne pas accorder une entrevue pour sauvegarder la s~curit6 nationale fat jug6 sup~rieur A celui de la r6clamante A ne pas se d8placer. 19Medoffc. Freeman, 362 E 2d 472 (1966), ainsi que les arr8ts qu'on y cite A Ta p. 474, n. 1. La solution efit peut--tre 6t6 differente si le requ6rant avait all~gu6 que sa reputation avait 6t6 entach~e ou sa capacit6 de se trouver un autre emploi d6truite (A la p. 476). 2OCodd c. Velger, 429 U.S. 624 (1977). Un policier A 'essai renvoy6 pour une tentative de suicide perd ses droits A une audition s'il ne nie pas le fait reproch6 (A la p. 627). 21Rankin c. McPherson, 107 S.Ct. 2891 (1987). Apprenant par la radio l'attentat manqu6 du 30 mars 1981 contre le President Reagan, une secr~taire du bureau d'un constable de comt6 (charg6 des poursuites p6nales) commente: < La prochaine fois, j'esp~re qu'ils ne le rateront pas. >> Cette remarque s’adresse A son compagnon
et confrere de travail, mais elle est entendue par un tiers qui la rapporte A son sup6rieur.

Cette phrase s’inscrivant dans le contexte d’une critique plus large des politiques sociales du
president Reagan, il fut jug6 que la r~clamante s’6tait exprim~e comme citoyenne sur un sujet
d’intrAt public. La protection de Ia libert6 d’expression dans les circonstances de l’affaire fit
jug~e plus importante que l’int&ret de l’Etat-employeur A promouvoir l’efficacit6 de ses services.
La Cour a particuli~rement tenu compte du rfle purement auxiliaire de la r~clamante, qui

McGILL LAW JOURNAL

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pression d’une opinion d’int6r&t priv6, surtout si la personne s’adresse en
tant qu’employ6 A ses compagnons de travail sur des questions qui font
l’objet d’un conflit entre elle et son sup6rieur hi6rarchique 22.

Dans la m~me veine, l’employ6 engag6 pour une duroe d6termin6e (ou
A terme) ne jouit pas, par d6finition, de la permanence. Cela ne signifie pas
pour autant que le non-renouvellement de son contrat, 6quivalant A un
renvoi, puisse se faire sans explications ni motifs. Les circonstances propres
i chaque esp~ce sont particuli~rement importantes en la mati~re, comme
l’illustrent deux d6cisions apparemment contradictoires, rendues le meme
jour par la Cour supreme des ttats-Unis.

Dans le premier arret23, un professeur adjoint fut inform6, sans expli-
cation, qu’il ne serait pas r~engag6 A l’expiration d’un premier contrat d’un
an. L’absence de motivation ne fut pas consid~r~e comme une atteinte A un
liberty interest. Par ailleurs, comme aucune loi du Wisconsin, aucun r~gle-
ment ou politique de l’Universit6 ni aucune condition contractuelle ne lui
conferait quelque droit A son emploi, ce professeur ne pouvait pr6tendre
avoir droit A son emploi (property interest) ni par consequent A des garanties
proc~durales.

Par contre, un professeur au service d’un collfge d’Ietat depuis dix ans,
dont les quatre derniers en vertu de contrats annuels, a, prima facie, droit
A une protection proc~durale quand l’employeur a une politique officielle
de permanence informelle. Dans ce cas, l’6nonc6 de politique 6quivaudrait
A une condition implicite (implied term) du contrat individuel de travail 24.

En terminant cette partie de l’expos6, une mise en garde s’impose. I1
serait erron6 de conclure A une clart6 totale du droit A l’6quit6 proc6durale
des employ6s du secteur public. Selon qu’il s’agit du gouvernement fed6ral
ou d’un 6tat, ou quand une loi de la fonction publique r~git le cong6diement
de l’employ6 en pr~cisant le moyen de contr6le de la decision, le constitu-

consistait A entrer des donn6es sur ordinateur, sans contact avec le public.

La Cour supreme avait d~jA reconnu que ]a permanence (tenure) n’6tait pas une condition
pr~alable A un recours fond6 sur la libert6 d’expression, a charge d’6tablir un lien entre le renvoi
et 1’exercice de ce droit fondamental. Voir, par exemple, dans le cas d’un professeur de collage:
Perry c. Sindermann, 408 U.S. 593 (1972) aux pp. 597-98 [ci-apr6s Perry].

2Connick c. Myers, 461 U.S. 137 (1983). Dans cette affaire, une substitut du procureur-
g~n~ral (deputy district attorney) refusait d’Atre mut~e. Dans le questionnaire distribu6 f ses
collagues, une seule question, touchant une forme d’ing~rence politique dans leurs fonctions,
flit jug~e d’intr~t g6n~ral, toutes les autres 6tant axles sur son propre problane.

2Board ofRegents of State College c. Roth, 408 U.S. 564 (1972) aux pp. 575 et 578 [ci-apras

Roth].

24Perry, supra, note 21 A ]a p. 599. Cette d~cision et Roth, ibid., montrent que l’obligation
d’Aquit6 procadurale s’6tend aux employ~s d’une universit6 d’Etat, et pas seulement aux ern-
ploy6s de la fonction publique.

1989]

NOTES

tional due process pourra s’appliquer ou non. Tous les arrts ne sont pas
n6cessairement compatibles, quand on tient compte de la similarit6 des faits
ayant donn6 naissance aux litiges. En dernier lieu, il importe de toujours
v6rifier la motivation des d6cisions, car il n’est pas rare qu’aucune opinion
ne rallie une majorit6 de juges25 .

La transposition du constitutional due process du secteur public (au
sens large) A l’industrial due process du secteur priv6 ne s’est pas faite d’un
seul coup, ni toujours de fagon identifiable ou univoque. En d’autres termes,
s’il est indubitable que l’industrial due process a un lien de filiation avec le
constitutional due process, comme on le verra, il est tout aussi clair que la
jurisprudence en a 6galement identifi6 la source imm6diate dans des textes
r6glementaires ou conventionnels.

Dans un premier cas, la similarit6 des situations et l’appel aux r~gles
de droit naturel suggrent et, A vrai dire, m6nent in6vitablement a un rai-
sonnement par analogie qui reconnaitrait l’existence d’exigences proc6du-
rales s’imposant A l’employeur priv6. On en trouve l’exemple le plus 6clatant
dans l’industrie du transport ferroviaire, qui fut A maints 6gards un labo-
ratoire d’exp6rimentation du droit am6ricain des rapports collectifs2 6.

Plus g6n6ralement, la jurisprudence arbitrale am6ricaine du secteur
priv6 a recours aux principes du legal due process27 par analogie et compl&-

25Par exemple, comparer: Arnett c. Kennedy, 416 U.S. 134 (1974) (un employ6 fed6ral n’a
pas droit A un 6nonc6 des motifs et i une entrevue contradictoire puisque Ia Lloyd – La
Follette Act pr6voyant qu’un fonctionnaire ne peut 8tre d6mis que pour cause ne lui confere
pas ce droit dans les dispositions relatives aux exigences procdurales); Bishop c. Wood, 426
U.S. 341 (1976) (un policier n’a droit qu’aux garanties de procedure qu’6dicte le r~glement
municipal applicable, m~me si, par hypoth~se, les motifs de l’employeur n’6taient pas fond6s) ;
Elrod c. Burns, 427 U.S. 347 (1976) (le renvoi en bloc des employ6s du bureau d’un sh6rif de
comt6 motiv6 par leur all6geance differente de celle de la nouvelle administration, sous pr6texte
que leur manque de motivation diminuerait leur efficacit6, viole la libert6 de choix politique
prot6g~e par le Premier Amendement).

pp. 365 et s. et Silber, supra, note 17 A la p. 24.

La compatibilit& de ces trois decisions a 6t6 mise en doute par Davis, supra, note 17 aux
26Voir J. Lazar, Due Process on The Railroads, 6d. r6v. et augment6e, Los Angeles, Institute
of Industrial Relations, University of California, 1953. Voir en particulier l’introduction: par
analogie avec l’ttat et par application de la th6orie de la s6paration des pouvoirs, la n6gociation
correspond A la fonction 16gislative, radministration de la convention A la fonction ex6cutive
et l’arbitrage A la fonction judiciaire. A partir de IA, les principes de droit constitutionnel sont
plus commod6ment appliqu6s aux cas concrets soumis A la r6vision arbitrale ou judiciaire.

Cependant, Lazar reconnait ds le d6part (A la p. 11, n. 3), et jurisprudence A l’appui, que
la convention collective

les principes de l’industrial due process s’inferent de la loi des parties –
– qui confinent la discr6tion patronale de sanction dans les limites de la juste cause.

27Le legal due process comprend toutes les r6gles d’Equit6 proc6durale qui d6coulent du droit
d’origine dtatique, par opposition A celles qui 6manent de l’entente priv6e. Le legal due process
comprend donc le constitutional due process et les r8gles de due process de toute autre branche
du droit. De plus, une m~me exigence proc6durale, telle que celle d’entendre 1’accus6 avant de

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mentairement A une argumentation autonome, fondte soit sur une clause
g~ntrale de la convention collective (le concept de just cause), soit sur une
clause sp6cifique 6nongant les exigences proctdurales que l’employeur doit
respecter (avec ou sans mention des consequences de leur inobservation).
De la m~me mani~re, un texte r~glementaire unilateral 6dict6 par l’em-
ployeur servira de fondement A la r6vision d’une decision patronale qui
transgresse une rtgle de due process. Par exception, on trouve des decisions
qui se fondent uniquement sur le legal due process, mais ce sont des dtcisions
qui examinent une dimension particulitre du due process, ayant reconnu
l’existence du principe et son application au cas examin628, ou encore l’uti-
lisant pour determiner le redressement appropri629.

Dans le secteur purement priv6, le devoir d’quit6 proc~durale a comme
fondement la notion conventionnelle de juste cause, suivant la plupart des
sentences arbitrales30. Si la convention ne dtfinit pas la juste cause –
et
c’est la r~gle g6n~rale –
l’arbitre devra le faire. C’est ainsi que la jurispru-
dence a d6velopp6 les r~gles de base de la juste cause (< a common law of just cause >>)31.

Linterpr6tation de la juste cause selon laquelle la decision de l’em-
ployeur est vici~e au fond en cas de non-respect de certaines r~gles de pro-
c~dure n’a pas manqu6 d’8tre soumise au contr6le judiciaire. La decision
Coca-Cola est l’arr& de principe en la mati~re32. Apr~s avoir r~itt6 les

le condamner, peut se rattacher A la fois au droit constitutionnel et au droit criminel.

La jurisprudence renvoie au legal due process aussi bien qu’A la just cause pour decider que

l’employeur doit donner au salari6 l’occasion de s’expliquer.

2sPar exemple, un employeur ne satisfait pas aux exigences procfdurales en relevant un
salari6 de ses fonctions ]a veille de l’entretien pr~alable a l’imposition d’une sanction si, s’6tant
rendu d l’extrieur pour son travail, le salari6 est incapable d’y assister: Sun Valley Bus Lines
c. Amalgamated Transp. Union, Local Div. 1223, 87 LA 195 (1986) a ]a p. 197 [ci-apr6s Sun
Valley Bus Lines].

II faut supposer que l’employeur aurait dfi lui donner un cong6 avec solde, la veille de ]a
reunion, plut6t que de le suspendre, ce qui laissait croire qu’il l’avait jug6 avant de l’entendre.
29Kaiser Steel Corp., Myers Drum Co. Div. c. United Steelworkers, 78 LA 185 (1982) a la p.
190 [ci-apr~s Kaiser Steel]. Uarbitre adopte la r~gle applicable en Califomie quand un employ6
du secteur public est renvoy& sans 8tre entendu. La question du remade appropri6 sera 6tudi6e
plus loin.

3011 est indifferent que la convention collective parle de cause ou < suffisante > ou
<< appropri~e >, etc. Comparer Worthington Corp. c. United Elec., Radio & Mach. Workers,
Local 259,24 LA 1 (1955) A lap. I ; McCartney’s Inc. c. United Food and Commercial Workers
Int’l Union, Local 76, 84 LA 799 (1985) A ]a p. 804 [ci-apr~s McCartney’s].

3 Enterprise Wire Co. c. Enterprise Indep. Union, 46 LA 359 (1966) A la p. 362.
32Chauffeurs, Teamsters and Helpers, Local Union No. 878 c. Coca-Cola Bottling Co., 613
E 2d 716 (1980) [ci-apr~s Coca-Cola cit6 aux E 2d], requ~te en certiorari refusfe 446 U.S. 988
(1980). Comparer Anaconda Co. Aluminum c. District Lodge No. 27 of the Int’l Ass’n of Ma-
chinists, 693 E 2d 35 (1982). Cet arrt confirme une decision arbitrale ayant annul6 le cong6-
diement d’un salari6 auquel l’employeur avait refus6 l’assistance d’un repr~sentant syndical A
l’entrevue disciplinaire; l’arbitre s’6tait appuy6 sur une clause g6nerale garantissant que les
salaries seraient trait6s avec justice et Equit.

1989]

NOTES

limites de son pouvoir de rvision d’une sentence arbitrale (opinion fond~e
sur une < strong federal policy favoring arbitration as a means of resolving labor disputes >>), la Court of Appeals, Eighth Circuit confirme la d6cision
arbitrale. Lemployeur a cong~di6 un livreur sans l’entendre et sur la foi de
t~moignages d’autres employ~s, au motif qu’il a bris6 une caisse de boissons
gazeuses et a pr~tendu qu’elle manquait A cause d’une erreur des proposes
au chargement. Bien que convaincu par la preuve de la malhonntet du
r~clamant, l’arbitre avait conclu que cette action constituait une cause juste
de renvoi, mais que l’entorse au due process justifiait la r~int~gration sans
remboursement de salaire.

Auparavant, dans la m~me affaire, la District Court, tout en affirmant
que le droit d’etre entendu avant d’6tre cong6di6 n’avait pas de fondement
constitutionnel et ne s’appuyait sur aucune clause sp~cifique de la conven-
tion collective, avait reconnu A. l’arbitre le pouvoir d’interprter la notion
de juste cause comme couvrant i la fois les faits (< substantive elements )) et les exigences proc~durales (le industrial due process)33. I1 est A noter qu'une clause de la convention pr~cisait que l'arbitre devait s'en tenir i ses termes expr~s et qu'il ne devait pas se laisser guider par sa conception personnelle de la justice (<< [h/e shall not sit to dispense his own brand of industrial justice >)34. De plus, la clause des droits de la direction
lui r~servait express6ment le droit d’imposer des mesures disciplinaires <35.

II n’est pas surprenant que les arbitres prennent appui sur l’arr~t Coca-
Cola lorsqu’ils d~duisent de la r~gle de la juste cause les exigences proc&
durales a respecter dans le processus disciplinaire. Cela ne les empeche
nullement de s’appuyer 6galement sur les principes fondamentaux de la
justice naturelle et donc, par analogie, sur la notion de constitutional due
process, de m~me que sur la jurisprudence ant6rieure a l’arrt Coca-Cola
qui reposait essentiellement sur ce genre de raisonnement 36. D’autres d&
cisions ne mentionnent m~me pas l’arr~t Coca-Cola37. I serait donc erron6,
ou en tout cas, pr~matur6 de conclure que la notion de due process comme
fondement du devoir d’ quit6 proc~durale de l’employeur priv6 n’a plus
qu’un int~rat historique.

33 Coca-Cola, supra, note 32 aux pp. 716-17.
34Ibid. i la p. 718.
35lbid. A Ia p. 719.
36Par exemple: Great-Midwest Mining Corp. c. International Bhd. of Teamsters, Local 541,
82 LA 52 (1984) A la p. 55 (l’arbitre parle, entre autres, de <(our societal concepts offair play and due process)), A la p. 56) [ci-apr s Great West Mining] ; Adrian College c. Local 547, Int'l Union of Operating Engineers, 89 LA 857 (1987) A la p. 861 [ci-apr~s Adrian College]. 37Par exemple: Associated Grocers of Colorado Inc. c. International Bhd. of Teamsters, Local 435, 82 LA 415 (1984) [ci-apr~s Associated Grocers of Colorado] ; McCartney's, supra, note 30. McGILL LAW JOURNAL [Vol. 34 Si la convention collective comporte une clause de procedure discipli- naire, sans pr6ciser les consequences d'un rnanquement A cette procedure, les arbitres doivent chercher ailleurs la motivation de leurs conclusions relativement A la nullit6 de la mesure patronale ou A tout autre remde qu'ils jugent approprie. Certains, en presence d'une clause d6finissant la procedure disciplinaire, s'appuient sur la notion contractuelle de la condition precedent38. D'autres deduisent la portee d'une telle clause des principes de justice naturelle 39. A plus forte raison doivent-ils se tourner ailleurs quand ils s'appuient sur la notion de juste cause et qu'elle ne definit pas les for- malit6s du cong6diement. Dans cette hypoth6se, non seulement rarbitre doit-il decider si et pourquoi l'employeur doit indiquer au salari6 les motifs de son renvoi et lui donner la chance de s'expliquer, mais encore lui faut- il preciser quand et dans quelles circonstances cet echange doit avoir lieu. I1 n'est pas evident que la juste cause exige qu'il se produise avant que la decision patronale ne soit arretee. En effet, en l'absence de disposition d6- finissant la procedure - ou lorsque la disposition n'est pas claire quant aux etapes A suivre et aux effets du defaut de s'y conformer - la jurisprudence exige la confrontation prbalable A la decision et la communication des motifs au salari 40 . Comme les cadres de 'entreprise ont naturellement tendance A soutenir qu'ils ont agi correctement, le fardeau de renverser la decision reviendrait autrement au salarie. La violation des exigences procedurales decoulant des principes de jus- tice naturelle ou de la notion de juste cause n'entraine pas une sanction determinee. D'ailleurs, c'est souvent le cas meme pour les exigences pro- cedurales edictees par une disposition expresse de la convention collective. Les arbitres ont donc dfi combler ce vide. C'est pourquoi il n'est pas etonnant de constater que lajurisprudence arbitrale sur la question n'est pas uniforme. Un premier courant deduit de la violation de l'equit6 procedurale la nullite radicale de la decision patronale. Le salarie congedie dans ces cir- constances est reintegr6 sans perte de salaire ou d'autres avantages pecu- A Ia p. 70 [ci-apr6s Cameron Iron Works]. 38Decor Corp. c. Allied Indus. Workers, Local No. 269, 44 LA 389 (1965) A la p. 391 [ci-apras Decor Corp.]. Contra: Flintkote Co., Pioneer Div. c. International Bhd. of Teamsters, Ware- housemen's Local 598, 49 LA 811 (1967) A ]a p. 816 [ci-apr~s Flintkote]. 39Cameron Iron Works Inc. c. International Ass'n of Machinists, Lodge 15, 64 LA 67 (1975) 4Decor Corp., supra, note 38 A Ia p. 391 ; Aerosol Techniques Inc. c. UAW, Local 376, 67-2 ARB 4441, no 8400 (1967) A la p. 4442 [ci-apras Aerosol Techniques] ; Flintkote, supra, note 38 A lap. 816; Cameron Iron Works, ibid. A lap. 70; Kaiser Steel, supra, note 29 A lap. 188 ; Gold Kist, Florida Poultry Div. c. United Food and Commercial Workers, District Union 442, 89 LA 66 (1987) A lap. 70 [ci-apras Gold Kist]. 1989] NOTES niaires. Ce courant a 6t6 6tabli de longue date41 , mais il n'est pas disparu A ce jour 42. Ak l'oppos6, d'autres arbitres refusent que la forme 'emporte sur le fond. Les tenants de cette solution s'appuient sur l'explication suivante : les con- 'erreur de proc6dure s'appr6cient A la lumi6re des circons- s6quences de tances. Celles-ci, A leur tour, d6terminent le pr6judice subi par le salari6. S'il n'y a pas de pr6judice, la faute de 'employeur est jug6e purement technique et n'est donc pas sanctionn6e 43. Mais il y a une troisieme tendance qui fait davantage la part des choses, en sanctionnant la faute de l'employeur en meme temps que celle du salari6. Ici, la faute proc6durale ne dispense pas l'arbitre d'examiner le fond du litige44, comme dans le premier courant. Bien plus, cette tendance a elle aussi ses variantes. Tant6t le salari6 est r6int6gre, mais sans compensation pour le salaire et les autres avantages perdus depuis son renvoi 45. C'est" la solution retenue lorsque le salari6 ne m6rite pas d'6tre renvoy6 selon la preuve au fond, mais que sa conduite a quand meme contribu6 au d6ve- loppement du probleme qui a donn6 naissance au grief, puis A l'arbitrage. Par contre, si la conduite du salari6 justifie le renvoi, il sera d6dommag6 par l'octroi des gains perdus depuis son renvoi et jusqu'A la date de la 4'Voir Decor Corp., supra, note 38. 42National Archives & Record Serv., General Serv. Admin. c. Am. Fed. of Gov't Employees, Local 2578, 73 LA 138 (1979); United Refrigerated Serv. Inc. c. Gen. Drivers, Chauffeurs and Helpers, Local Union 866, 78 LA 243 (1982) ; Dyer's Chop House Inc. c. Hotel & Restaurant Employees Union, Local 868, 82 LA 198 (1984); Gold Kist, supra, note 40; Adrian College, supra, note 36. Des sanctions moindres, telle la suspension, ont aussi 6t6 annules avec pleine compensation: Sun Valley Bus Lines, supra, note 28. 4 3Flintkote, supra, note 39; Safeway Stores Inc., Milk Plant c. Milk Drivers, Local Union Stevens Co. c. Graphic Arts Int'l Union, Local IB, 79 537, 75 LA 430 (1980); Van Wold - LA 645 (1982); Hyatt Hotels Palo Alto c. Hotel, Motel, Restaurant Employees Union, Local 19, 85 LA 11 (1985) (cong&iement r6duit A une suspension pour d'autres motifs); Beatrice/ Hunt-Wesson Inc. c. Teamsters Local 952, 89 LA 710 (1987) A Ta p. 715 (la convention ne 'usage de 'entreprise (( past contenait pas de clause r6gissant la procedure disciplinaire et practice)>) 6tait d’entendre le salari6 A la premiere 6tape de la proc6dure de grief –
et non
avant l’imposition de la sanction –
ce qui fut fait, de sorte qu’aucun pr6judice n’avait r6sult6
de ]a procedure suivie).

44Aerosol Techniques, supra, note 40; Independent Bus Garage Co. c. Amalgamated Transit
Union, Local 1156, 69-1 ARB 3538, 8160 (1968) ; Cameron Iron Works, supra, note 39 ; North-
west Arctic School Dist. c. Northwest Arctic Educ. Ass’n, 76 LA 1095 (1981) (suspension pour
enqute) ; Kaiser Steel, supra, note 40 ; Associated Grocers of Colorado, supra, note 37 ;
McCartney’s, supra, note 30 (compensation fimite A un mois de salaire); Great Midwest
Mining, supra, note 36; Fry’s Food Stores of Arizona Inc. c. United Food and Commercial
Workers Union, Local 99R, 83 LA 1249 (1984).
4 5Par exemple, Cameron Iron Works, supra, note 39.

REVUE DE DROIT DE McGILL

[Vol. 34

sentence arbitrale46. Le fondement de ce type de d6cision est que le d6faut
d’accorder au salari6 l’occasion de se d6fendre est corrig6 par la proc6dure
d’arbitrage ; A partir de ce moment, il n’y a plus de pr6judice, en autant que
la preuve d6montre que le cong6diement 6tait justifi647.

Si l’arbitre conclut qu’aucun de ces deux types de dispositifs ne r6tablit
l’quilibre entre les parties, il choisira un redressement mitig6 en accordant
le remboursement des gains perdus en partie seulement. Les variations pos-
sibles sont ici virtuellement infinies48.

Globalement, la jurisprudence se r6partit sur un large 6ventail. A une
extr6mit6 se trouve le courant qui conclut A la nullit6 radicale de la mesure

46Par exemple, Kaiser Steel, supra, note 29.
47Ibid. A ]a p. 190.
I’arr& Kaiser Steel adopte A la p. 190 Ia solution retenue par la Cour supreme de Californie
dans Barber c. State Personnel Board, 18 Cal. 3d 395, 556 P. 2d 306 (1976), selon laquelle le
remboursement de salaire couvre une p6riode commengant au moment ofi ]a mesure disci-
plinaire a 6 impos6e jusqu’au moment ofi, apr~s audition du salari6, le renvoi est prononc6.
En l’occurence, cette condition avait W remplie lors de la decision du State Personnel Board,
le 24 janvier 1973, alors que le cong~diement avait

t6 notifi6 le 16 mai 1972.

I1 ressort de l’arr& Barber que le vice de procedure disciplinaire peut etre corrig6 et ]a mesure
disciplinaire valid6e A tout moment, que ce soit en cours de procedure interne de r~glement
des griefs ou lors de ]a decision finale en revision prononc6e par un tribunal. En ce sens, le
dispositifde l’arr& Kaiser Steel est une application particuli6re du principe 6nonc6 dans l’arr~t
Barber.

secteur priv6 le principe 6nonc6 pour Ie secteur public.

I1 convient aussi de noter que l’arrat Kaiser Steel, A la p. 191, transpose directement au
48Selon les circonstances, d’autres solutions interm6diaires sont imagin6es. Par exemple, la
convention collective oblige ’employeur A accorder une entrevue prealable au salari6 et a en
informer le syndicat avant de proc6der au renvoi si la faute est commise sur les lieux du travail.
Le motif du cong6diement a trait d un acte de violence commis sur la ligne de piquetage. Do
plus, la convention n’exige pas que ’employeur precise les faits et il se borne A mentionner
par 6crit: .x your participation in picket line misconduct >. Or, le salari6 a 6t6 arret6 et poursuivi
civilement pour avoir endommag6 une voiture. Uarbitre conclut qu’il devait savoir ce qu’on
lui reprochait et qu’il n’a pas subi prejudice du d6faut de la compagnie de pr~ciser ses motifs,
Par ailleurs, vu que Ia convention ne l’y obligeait pas express6ment, cette lacune n’empechait
pas ‘arbitre d’6tudier l’affaire au fond. En consequence, l’enquete fut ajourne pour permettre
au r6clamant de pr6parer sa d6fense sur les faits precis que l’enquete et audition lui avaient
permis d’identifier avec certitude comme 6tant les motifs de son renvoi. Comparer Roadmaster
Corp. c. Laborer’s Int’l Union, No. 504, 89 LA 126 (1987).

Peut-etre convient-il de classer dans les variantes de Ia troisi6me cat~gorie le cas particulier
de l’arr& motive A la fois par les manquements f l’&iquit6 procfdurale et l’insuffisance de preuve
sur le fond: Heublein, Inc. c. Teamsters Local Union No. 283, 88 LA 1292 (1987) a lap. 1301.
I1 y a tout lieu de croire que si la preuve avait d6montr6 juste cause sur le fond, le grief aurait
6 quand meme accueilli 6tant donne la procedure disciplinaire suivie. Mais comment savoir
avec certitude? Ce doute est le point faible de la jurisprudence de ]a Cour d’appel du Quebec
qui veut qu’un arbitre entende toute la preuve au lieu de trancher sur une objection pr61iminaire.
Voir CEGEP de Valleyfield c. Gauthier-Cashman, [1984] C.A. 633 ; Martin c. CEGEP Lionel-
Groulx (13 avril 1987), Montreal SA 124-87-96, D.T.E. no 87T-482 (l’arbitre refuse de scinder
la preuve et de se prononcer sur une requ~te en irrecevabilit6).

1989]

NOTES

disciplinaire entach~e du non-respect d’une exigence proc~durale fonda-
mentale. La tendance suivante conclut i la nullit6 du cong~diement et or-
donne la r~int~gration, mais sans compenser les pertes encourues par le
salari6. Le courant median reconnait que le vice de procedure doit &re
sanctionn6, mais que la faute A l’origine de la mesure disciplinaire doit l’atre
6galement; en consequence, le contenu et la nature des redressements va-
rieront en fonction des circonstances de l’espce. Vient ensuite ‘6cole de
pens~e qui donne pr~s~ance au fond sur la forme: le cong6diement est
confirm6 sur le fond s’il y a juste cause A ce niveau et le salari6 regoit pleine
compensation pour le manque A gagner depuis le renvoi jusqu’au prononc6
de la sentence, puisque ce n’est qu’A ce moment qu’il a obtenu ce A quoi il
avait droit, c’est-A-dire une occasion de r6pondre A des allegations prcises.
Enfin, A l’autre extremit6, un dernier courant donne pr~s~ance absolue au
fond sur la forme. Le non-respect des exigences proc~durales, m~me lors-
qu’elles se rattachent A la justice naturelle, n’est pas sanctionn6, sauf si le
salari6 a subi un prejudice ou si une disposition expresse pr~voit une
sanction.

En somme, le courant median parait le plus judicieux, en l’absence de
r~gles contractuelles d~finissant la marche A suivre. En effet, c’est le seul qui
en principe vide la question de fond, ce qui est apr~s tout le but ultime de
l’arbitrage49.

En conclusion, il ressort de notre 6tude que l’6quit6 proc~durale trouve
sa source dans le droit constitutionnel aux Etats-Unis comme chez nous,
lorsqu’il s’agit du renvoi d’un serviteur de l’ttat ou du personnel assimil6.
Au-delA de cette coincidence de sources, il convient de rappeler que le droit
public am6ricain a son fondement ultime dans une Constitution 6crite, con-
trairement au droit canadien qui repose finalement sur la common law.
Mais force est enfin de constater que les notions de liberty interest et de

49Comparer Ta solution canadienne qui laisse en suspens le problme de fond: si l’employeur
n’est plus dans les d~lais pour agir, ce probl~me demeure entier et dans le cas contraire le
processus disciplinaire doit etre repris i partir de z6ro. Voir C. D’Aoust, <( Effets de l'annulation d'un avis de cong~diement par un arbitre)> (1984) Rel. indus. 364; E Morin et R. Blouin,
L’arbitrage des griefs, Montreal, Yvon Blais, 1986 A la p. 419. Pour un exemple recent oC
l’arbitre a prononc6 la nullit6 absolue d’un cong~diement ne respectant pas les exigences pro-
c~durales pr~vues par la convention collective, voir Victoriaville (Ville de) c. L’Association
professionnelle des policiers-pompiers de Victoriaville (1988), 8 C.L.A.S. 86, aux pp. 16-23.

Par contre, certains arbitres refusent d’attacher une sanction A un manquement procedural
lorsque les parties n’en ont pas pr~vu et que, par ailleurs, le salari6 n’a pas subi de prejudice.
Voir, a titre d’exemples Syndicat des employs de Celanese (C.S.N.) c. Celanese Canada Inc.,
[1985] T.A. 281 i la p. 284 et la jurisprudence qui y est cite ; Frito-Lay Canada Limit~e c.
Union internationale des travailleurs en boulangerie et confiserie, Unitt locale 480, [1979] S.A.G.
40. On a aussi refus6 d’accorder preponderance A une exigence procdurale, laissant ainsi le
probl~me de fond non r~solu : Longueuil (Ville de) c. SCFP Section locale 307 (1988), 8 C.L.A.S.
92.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 34

property interest ont, A rinstar de la notion de justice naturelle, conduit ]a
jurisprudence exactement au meme point, A savoir que le serviteur public
ne peut etre destitu6 sans etre inform6 des motifs de son renvoi et sans
avoir la chance de faire valoir son point de vue.

De plus, comme c’est le cas chez nous50, il n’y a pas de filiation directe
entre l’ quit6 proc~durale du droit public et celle du droit priv6, s’il est
permis de s’exprimer ainsi. Le processus de transmission relive plut6t de
la transposition par analogie. Ce ph6nom~ne 6tant essentiellement qualitatif,
il ne se prete pas facilement A la d6monstration. II n’en est pas moins
perceptible, quoique parfois de mani~re diffuse, dans la jurisprudence ar-
bitrale. M~me le courant jurisprudentiel qui rattache l’industrial due process
A la notion de juste cause n’y 6chappe pas. Car en pr~cisant le contenu de
cette notion non d6finie de la convention collective, les tenants de ce courant
n’ont pas manqu6 de s’inspirer du droit constitutionnel pour d6cider que
sans 6quit6 proc6durale il ne peut y avoir juste cause. Du legal due process
A l’industrial due process, le droit am~ricain a franchi le mame pas que le
droit canadien qui est pass6 de la justice naturelle aux exigences proc~du-
rales. Dans l’une et ‘autre juridiction, toutefois, tous les arbitres n’adh6rent
pas A la th6orie de l’6quit6 proc6durale, du moins en ce qui concerne les
consequences du non-respect de ses exigences. Cela cr6e une zone d’incer-
titude dont les parties et les arbitres pourraient faire l’6conomie. Les parties
en tout cas ont toute latitude pour l’6liminer puisqu’elles peuvent, par n6-
gociation, d6finir A la fois le contenu de la r~gle et les cons6quences de sa
violation. Par ailleurs, l’expos6 de la jurisprudence est la condition pr6alable
de son unification. A ces deux niveaux, esp6rons-nous, notre 6tude sera
peut-8tre de quelqu’utilit6.

50Voir D’Aoust et DubE, supra, note 1.