Case Comment Volume 33:3

Les Eléments Essentiels Et La Charge De La Preuve Des Infractions Criminelles Et Réglementaires

Table of Contents

Les 6l6ments essentiels et la charge de la preuve des

infractions criminelles et r~glementaires

Louise Viau*

Uav~nement de la Charte canadienne des
droits et libert~s risque de bouleverser le droit
relatif aux 616ments essentiels et A la charge
de la preuve des infractions criminelles et r6-
glementaires. Uauteure analyse trois juge-
ments r~cents de la Cour supreme du Canada
et tente d’identifier leur impact 6ventuel sur
le droit existant. I’auteure aborde tout
d’abord l’article 7 de la Charte et ses effets
possibles sur l’exigence d’un 6tat d’esprit bla-
mable, tout particuliarement en regard du
remplacement de la mens rea par la nrgli-
gence et de l’imposition de responsabilit6 ab-
solue. Elle poursuit en considrrant la port6e
de l’alinia 1 l(d) de la Charte relativement A
la charge de la preuve incombant fA l’accus6,
qu’il s’agisse de refuter des prrsomptions I&
gales ou d’invoquer un moyen de defense.
Uauteure cherche d identifier les possibilitrs
de m~me que les limites d’un recours A la
Charte, tout en reconnaissant l’tat incertain
du droit en ]a matire, nombre de questions
n’ayant toujours pas W rrsolues par la Cour
supreme.

The Canadian Charter of Rights and Liber-
ties calls into question certain aspects of the
law governing the constituent elements and
burden of proof required in cases of criminal
and regulatory infractions. The author ana-
lyzes three recent judgments of the Supreme
Court of Canada and tries to identify the im-
pact that these cases may eventually have on
the present law. First, the author examines
section 7 of the Charter and its possible effect
on the requirement of mens rea, in particular
whether the mens rea requirement might be
replaced by a negligence standard or absolute
liability. She also considers the impact of par-
agraph 11 (d) of the Charter on the burden of
proof which is placed on the accused, re-
quiring him or her to either rebut the result-
ing legal presumption or to invoke some
means of legal defense. The author considers
the possibilities, as well as limitations, which
exist of basing an action on the Charter, al-
ways recognizing that the law in this area is
unsettled and that a number of issues have
yet to be resolved by the Supreme Court.

*Professeur titulaire, Facult6 de droit, Universit6 de Montreal. Ce texte reprend avec quelques
corrections une communication pr~sent~e A Montreal, le 17 mars 1988 et A Quebec, le 5 mai
1988, dans le cadre des journ~es d’6tude organisfes par le Conseil de la magistrature A l’intention
des juges provinciaux sifgeant en matire p~nale.

REVUE DE DROIT DE McGILL

(Vol. 33

Introduction

L’entr6e en vigueur de la Charte canadienne des droits et liberts’ risque
‘6tat du droit en ce qui a trait aux < infrac- de modifier consid6rablement tions criminelles au vrai sens du mot >> pour reprendre l’expression du juge
Dickson dans l’arrt Saut Ste-Marie2 . Les infractions 6dict6es par le Par-
lement federal dans l’exercice de sa comp6tence en mati~re criminelle
doivent 8tre scrut~es attentivement compte tenu de la Charte, et plus par-
ticuli~rement de son article 7 qui stipule que

[c]hacun a droit A la vie, A la libert6 et d la s~curit6 de sa personne; il ne
peut 8tre port6 atteinte A ce droit qu’en conformit6 avec les principes de justice
fondamentale.

En effet, certains jugements r~cents de la Cour supreme du Canada
concluent que cet article est la pierre angulaire des garanties juridiques de
la Charte et que les articles 8 A 14 n’en sont que des applications
particuli~res3. D’une fagon plus precise dans le Renvoi relatif t la Motor
VehicleAct 4, lejuge Lamer5 explique l’articulation du concept de << principes de justice fondamentale >> avec le << droit A la vie, la libert6 ou la sfcurit6 de la personne >. I1 resume ainsi son opinion sur ce point:

L’expression < principes de justice fondamentale)> constitue non pas un
droit, mais un modificatif du droit de ne pas se voir porter atteinte A sa vie,
A sa libert6 et A la sfcurit6 de sa personne ; son r8le est d’6tablir les param~tres
de ce droit.

Les articles 8 A 14 visent des atteintes sp~cifiques au < droit ) A la vie, A la libert6 et i la scurit6 de la personne, qui contreviennent aux principes de justice fondamentale et qui, en tant que telles, violent 'art. 7. Ils constituent donc des illustrations du sens, en droit p~nal ou criminel, de l'expression < prin- cipes de justice fondamentale >>; ils repr~sentent des principes reconnus, en
vertu de la common law, des conventions intemationales et de l’enchfissement
m~me dans la Charte, comme des 616ments essentiels d’un syst~me d’admi-
nistration de la justice fond6 sur la foi en la dignit6 et la valeur de la personne
humaine et en la primaut6 du droit6.
Les infractions criminelles sont subordonn~es A l’article 7 puisque, avec

‘Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le

Canada (R.-U.), 1982, c. 11.

2R. c. Ville de Sault Ste-Marie, [1978] 2 R.C.S. 1299, 85 D.L.R. (3d) 161, 40 C.C.C. (2d)

353, 3 C.R. (3d) 30 [ci-apras Sault Ste-Marie cit6 aux R.C.S.].

3R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103, 26 D.L.R. (4th) 200, 24 C.C.C. (3d) 321, 50 C.R. (3d) 1
[ci-apr~s Oakes cit6 aux R.C.S.] ; Renvoi relatif au paragraphe 94(2) de la Motor Vehicle Act,
R.S.B.C. 1979, [1985] 2 R.C.S. 486, 24 D.L.R. (4th) 536, 23 C.C.C. (3d) 289, 48 C.R. (3d) 289
[ci-apr~s le Renvoi relatif i la Motor Vehicle Act cit6 aux R.C.S.].

4Ibid.
sLe juge en chef Dickson de m~me que les juges Beetz, Chouinard et LeDain ont souscrit f

son jugement.

6Renvoi relatifd la Motor Vehicle Act, supra, note 3 A ]a p. 486.

1988]

NOTES

la peine d’emprisonnement dont elles sont toutes assorties, elles portent
atteintes au droit A la libert6 qui y est 6nonc6. Elles doivent donc respecter,
d’une fagon g~n~rale, les principes de justice fondamentale et, plus sp~ci-
fiquement, les garanties 6nonc~es aux articles 8 i 14. Les infractions r6gle-
mentaires doivent 6galement faire l’objet d’un examen afin d’en v6rifier la
conformit6 avec ces dispositions.

Nous nous proposons h cet 6gard d’analyser plus particulirement trois
jugements r6cents de la Cour supreme du Canada afin de tenter d’identifier
l’impact que pourraient avoir ces decisions sur la poursuite des infractions.
k la suite du Renvoi relatif d la Motor Vehicle Act et de l’arrat R. c.
Vaillancourt7, nous nous interrogerons d’abord sur l’exigence d’un 6tat d’es-
prit blamable comme composante de l’infraction criminelle ou r6glemen-
taire. Ensuite, l’analyse de l’arret Oakes8 nous am~nera a r~flechir sur la
charge de la preuve des 6lments des infractions criminelles ou r6glemen-
taires et des moyens de defense dont elles sont assorties. Sur ce second point
6galement, il faudra tenir compte de l’arrt Vaillancourt.

I. Uexigence d’un 6tat d’esprit blamable

Dans le Renvoi sur la Motor Vehicle Act, la Cour supreme A 6t6 appel~e
A se pencher sur la port~e de la reserve relative aux principes de justice
fondamentale 6nonc~e A l’article 7 de la Charte. Elle a refus6 de lui donner
un sens purement procedural qui en aurait fait un synonyme de 1’expression
< principes de justice naturelle >. Le juge Lamer affirme A ce sujet que

les principes de justice fondamentale se trouvent dans les pr6ceptes fonda-
mentaux non seulement de notre processus judiciaire, mais aussi des autres
composantes de notre syst~me juridique9.

Or, il y a lieu de rapprocher cet 6nonc6 du dictum du juge Pigeon, dissident,
dans l’arr~t R. c. Drybones’0 . Apr s avoir conclu que la D&laration cana-
dienne des droits1′ n’avait que la valeur d’une r~gle d’interpr~tation, le sa-
vant juge r~it~rait l’importance de la mens rea :

Que les r~gles d’interpr~tation soient de moindre importance que les r6gles
constitutionnelles ne signifie pas qu’elles sont sans importance. Par exemple,
dans notre syst~me juridique, la non-r~troactivit6 des lois, de meme que le
principe qu’il n’y a pas de crime sans intention coupable, ne sont rien de plus
que des r~gles d’interpr6tation. Cela ne veut certainement pas dire qu’elles sont

7[1987] 2 R.C.S. 636, 60 C.R. (3d) 289, 10 Q.A.C. 161.
8Supra, note 3.
9Supra, note 3 A la p. 512.
10(1969), [1970] R.C.S. 282 A la p. 300 et s., 9 D.L.R. (3d) 473, 71 W.W.R. 161, [1970] 3

C.C.C. 355 [ci-apr~s Drybones cit6 aux R.C.S.].

“S.C. 1960, c. 44, reproduite dans S.R.C. 1970, app. III.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 33

d’importance secondaire. Des arr~ts comme Beaver c. La Reine et La Reine
c. King montrent clairement A quel point ces principes sont f’conds’ 2.

Particle 7 de la Charte se trouve donc A constitutionnaliser dans une
certaine mesure le principe de la mens rea puisque ce principe fait partie
intrgrante des principes de justice fondamentale13. Ainsi comme l’affirme
le juge Lamer dans l’arr~t Vaillancourt,

[die l’616ment prrsum6 qu’elle 6tait dans l’arr~t Sault Ste- Marie […] la mens
rea est ainsi devenue un 616ment requis par ]a Constitution 14.

La conclusion de la Cour supreme A l’effet qu’il est contraire A l’article 7
d’assortir d’une peine d’emprisonnement une infraction de responsabilit6
absolue nous force A reconnaitre la nrcessit6 d’une forme quelconque d’6tat
d’esprit blAmable comme composante de toute infraction criminelle.

Nous employons sciemment l’expression <<6tat d'esprit blamable >> de
preference A l’expression (( mens rea >> car cette derni~re peut recevoir A ]a
fois un sens normatifet un sens descriptif’ 5. L’habitude veut que l’on associe
; l’expression (< mens rea >> son sens descriptif, A savoir l’exigence d’une
intention ou d’une insouciance 6. Or, le Renvoi relatif dt la Motor Vehicle
Act ne permet pas, d’emblre, de conclure que l’6tat d’esprit blAmable requis
par l’article 7 doive avoir un sens aussi restrictif. En effet, rien dans ce
jugement ne permet de conclure que la negligence aurait 6t6 insuffisante A
cet 6gard. Au surplus, dans l’arr~t Vaillancourt, le juge Lamer donne clai-
rement au concept un sens englobant la n6gligence:

12Drybones, supra, note 10 aux pp. 306-07.
13A. Jodouin, o La Charte canadienne des droits et libertrs et l’06ment moral des infractions

(1983) 61 R. du B. can. 211 A lap. 240:

L2article 7, de son c6t6, fournirait un critrre aussi objectif qu’universel : ]a mens
rea serait un principe pertinent d~s qu’une loi porte atteinte A ]a vie, la libert6 ou
]a srcurit6. Uarticle 7 crrerait done une prrsomption constitutionnelle de mens rea,
s’appliquant A toutes les infractions et rrfragable seulement aux conditions prrvues
par l’article 1 de ]a Charte.

Signalons que, dans son article, le professeur Jodouin attribue au concept de inens rea son
sens normatif, c’est-A-dire un 6tat d’esprit blimable et y inclut ]a nrgligence (voir A ]a p. 238).

14Supra, note 7 A la p. 652.
15J. Fortin et L. Viau, TraitJ de droit p~nal g~nral, Montreal, Thrmis, 1982 aux pp. 70-76.
16R. c. Metro News Ltd (1986), 56 O.R. (2d) 321 A lap. 340, 29 C.C.C. (3d) 35, 53 C.R. (3d)

289 (C.A.) [ci-aprrs Metro News Ltd cit6 aux O.R.], M. le juge Martin:

Mens rea is a complex concept having different meanings in different contexts, but
is most frequently used to describe the minimum necessary mental element required
for criminal liability where a particular mental element is not expressly made a
constituent element of the offence. The minimum and necessary mental element
required for criminal liability for most crimes is knowledge of the circumstances
which make up the actus reus of the crime and foresight or intention with respect
to any consequence required to constitute the actus reus of the crime.

1988]

NOTES

Dans le Renvoi: Motor Vehicle Act de la C.-B., on ne precise pas le degr6 de
mens rea qu’exige la Constitution pour chaque type d’infraction, mais on 6tablit
indirectement que, meme dans le cas d’une infraction A une r6glementation
provinciale, la n~gligence est au moins requise, en ce sens que l’accus& qui
risque d’Etre condamn6 A 1’emprisonnement s’il est dclar6 coupable doit tou-
jours pouvoir au moins invoquer un moyen de defense fond6 sur la diligence
raisonnable17. [Les italiques sont du juge Lamer.]

La porte de l’article 7 6tant ainsi circonscrite, il y a lieu de nous
interroger relativement A la conformit6 des infractions criminelles en regard
de cette exigence d’un 6tat d’esprit blamable.

Rappelons que, depuis des temps imm6moriaux, l’infraction criminelle
ob6issait i la maxime t>18. Le 16-
gislateur n’avait pas A pr6ciser l’exigence de la mens rea puisque celle-ci
6tait r6put6e, d’embl6e, 6tre une composante essentielle de l’infraction cri-
minelle. Toute expression relative A la mens rea inscrite au texte d’incri-
mination n’avait pour but que de pr~ciser la nature eiacte de l’6tat d’esprit
blamable requis par une infraction donn~e. D’autre part, jusqu’I l’entr~e en
vigueur de la Charte, les tribunaux ont toujours reconnu l’entire souve-
rainet6 du l6gislateur. En consequence, il lui suffisait de s’exprimer claire-
ment pour 6carter l’exigence de la mens rea. Ainsi, au Code criminel, on
trouve des infractions qui remplacent la mens rea par la n~gligence’ 9 et
d’autres qui l’6cartent totalement en regard d’un 16ment de r’infraction 20.
En outre, lajurisprudence est impr6cise dans le cas des infractions de rsultat
quant A savoir si l’6tat d’esprit blamable doit exister A la fois en regard des
circonstances et des consequences de l’acte ou s’il suffit qu’il soit pr6sent
quant aux circonstances 21.

A. Le remplacement de la mens rea descriptive par la n~gligence

La n6gligence se d~finit, on le sait, comme le manquement aux stan-
dards de l’homme raisonnable. En principe, comme 1’exprime si bien le juge
Dickson dans l’arr&t Sault Ste-Marie,

[d]ans le contexte d’une poursuite criminelle, est innocente aux yeux de la loi
la personne qui n~glige de demander les renseignements dont s’enquerrait quel-

17Supra, note 7 a la p. 652.
18Fortin et Viau, supra, note 15 A la p. 69.
19C’est le cas notamment de Part. 212(c) du Code criminel, S.R.C. 1970, c. C-34 et des
nouvelles infractions d’ordre sexuel impliquant des enfants et des adolescents en vertu des art.
ddict~s par le PL. C-15, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la preuve au Canada, 2e
sess., 33e LUg., 1986-87 (sanctionn

le 23 juin 1987, mis en vigueur le ler janvier 1988).

20Par exemple, les art. 84(1), 159(1) et (6) et 213 du Code criminel.
21Voir ]a discussion de D. Stuart, Canadian Criminal Law: A Treatise, 2e 6d., Toronto,

Carswell, 1987 a Ia p. 209 et s., en ce qui concerne l’homicide involontaire coupable.

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qu’un de raisonnable et de prudent ou qui ne connait pas des faits qu’elle
devrait connaitre22.

Mais le lgislateur, par des mots appropri6s, peut en faire une composante
d’une infraction criminelle23. On doit donc d6terminer si l’exercice de cette
facult6 contrevient aux principes de justice fondamentale. Du Renvoi relatif
d la Motor Vehicle Act, il se d~gage que la condamnation d’une personne
innocente est contraire A l’article 7 lorsque cette demi~re est passible d’un
emprisonnement, d’ofi l’exclusion de la responsabilit6 absolue dans ce cas ;
mais une personne n~gligente peut-elle A cet 6gard etre consid6r~e comme
une personne innocente ? On se rappellera que, dans l’arret Sault Ste-Marie,
la Cour supreme avait rel~gu6 au second plan la responsabilit6 absolue au
profit de la responsabilit6 stricte au motif que cette derni~re respectait da-
vantage les principes fondamentaux de la responsabilit6 p6nale puisqu’elle
conciliait les int~rts de la poursuite avec le principe selon lequel un innocent
ne doit pas 8tre condamn6 24. A cet 6gard, y a-t-il lieu de distinguer les
infractions criminelles des infractions r~glementaires ? Cela ne nous parait
pas 6vident. En effet, 1’6lement d~clencheur de l’application de l’article 7
est la privation du droit A la libert6 r6sultant du risque d’emprisonnement.
Cette privation est la mrme qu’elle r~sulte de la commission d’une infraction
criminelle ou r~glementaire. Tel est l’avis exprim6 en obiter dictum par le
juge Martin dans l’arrt Metro News Ltd:

In my opinion, even in the case of true crimes, a statutory provision
relieving the Crown of the obligation of proving mens rea, but leaving it open
to the accused to avoid liability on the basis of an honest and reasonable
mistake of fact, does not offend against any fundamental principle of penal
liability, nor against any constitutionally secured right, even though upon con-
viction imprisonment is a potential punishment. 25

On pourrait cependant soutenir que la duroe de l’emprisonnement
risque d’8tre plus longue pour la premiere que pour la seconde et que, de
plus, le stigmate dont s’accompagne la condamnation criminelle justifie
qu’elle d6coule uniquement d’une inconduite s’accompagnant d’une mens
rea, entendue dans son sens descriptif.

22Supra, note 2 A ]a p. 1310.
23Voir, par exemple, Code criminel, supra, note 19, art. 84(2) ; R. c. Bathala (1982), 70 C.C.C.
(2d) 190 (B.C.C.A.) ; R. c. Derkosh (1979), 21 A.R. 243, 52 C.C.C. (2d) 252 (C.A.) [ci-apr~s
Derkosh cit6 aux A.R.].

24Sault Ste-Marie, supra, note 2 aux pp. 1310-12.
25Supra, note 16 A la p. 346.

19881

NOTES

B. L’imposition d’une responsabilitg absolue quant d un 9l6ment de

l’infraction

Un certain nombre d’infractions criminelles sont ainsi r6dig6es ou in-
terprtes qu’elles comportent une responsabilit6 absolue quant A un de leurs
6lbments. II peut s’agir d’une exclusion de la mens rea en regard d’une
circonstance de l’actus reus ou en regard du r~sultat en fonction duquel la
conduite est prohibbe.

1.

I’exclusion de la mens rea en regard du r6sultat mentionn6 A l’actus
reus

II serait certes abusif d’affirmer que, dans tous les cas, la mens rea
relative aux infractions de rbsultat ne porte que sur les circonstances de
l’actus reus. Ainsi, toutes les modalit~s de commission d’un meurtre d~crites
A ‘article 212 du Code criminel exigent un 6tat d’esprit blamable en regard
de la consequence. Cet 6tat d’esprit prend la forme soit d’une intention de
tuer 26, d’une intention de blesser s’accompagnant d’une insouciance quant
au dc6s27, ou encore d’une intention de poursuivre une fin illbgale et de
poser un geste dangereux s’accompagnant d’une nbgligence quant au dbc6s 28,
tandis que les modalit~s de commission d’un meurtre d~crites A l’article 213
du Code criminel 6cartent tout 6tat d’esprit blamable en regard du d~c~s.
Par ailleurs, A d6faut d’une indication lbgislative claire, la situation est moins
certaine pour l’homicide involontaire coupable29 ou pour les formes aggra-
v~es de voies de fait ou d’agression sexuelle. Chose certaine, on ne saurait
pr~tendre pour autant qu’il s’agisse d’infractions de responsabilit6 absolue
puisque 1’exigence de la mens rea subsiste A l’ gard des circonstances en-
tourant la commission de l’actus reus3o. Mais cela suffit-il pour conclure que
ces infractions sont conformes h l’article 7 de la Charte ?

La Cour supreme, dans l’arr~t aillancourt, ne le croit pas, du moins
en ce qui a trait A rinfraction de meurtre. Bien que la ratio decidendi de
cet arrt ne porte que sur l’alin6a 213(d) du Code criminel, le juge Lamer,
s’exprimant pour la majorit6, declare que

26Code criminel, supra, note 19, art. 212(a)(i).
27Code criminel, ibid., art. 212(a)(ii).
28Code criminel, ibid., art. 212(c).
29Voir Stuart, supra, note 21.
30A titre d’exemple, citons simplement ‘arr&t R. c. Swietlinski, [1980] 2 R.C.S 956, 117
D.L.R. (3d) 285, 55 C.C.C. (2d) 481, 18 C.R. (3d) 231, dans lequel la Cour supreme a declare
que l’art. 213(d) du Code criminel exige que ‘accus6 ait eu 1intention sp~cifique de commettre
l’infraction dont r~sulte le d~ces.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 33

quelle que soit la mens rea minimale requise pour l’acte ou le r~sultat, il existe,
quoiqu’ils soient tr~s peu nombreux, des crimes pour lesquels, en raison de ]a
nature spciale des stigmates qui se rattachent A une d6claration de culpabilit6
de ceux-ci ou des peines qui peuvent 8tre impos~es le cas 6ch~ant, les principes
de justice fondamentale commandent une mens rea qui refl6te Ia nature par-
ticulire du crime en question. […] La peine impos~e pour le meurtre est la
plus s6v~re que l’on trouve dans notre soci6t6 et les stigmates qui se rattachent
A une declaration de culpabilit6 de meurtre sont tout aussi extremes. En outre,
le meurtre ne se distingue de l’homicide involontaire coupable que par l’l6-
ment moral concernant la mort. II est ainsi evident qu’il doit exister quelque
6lment moral special concernant ]a mort pour qu’un homicide coupable puisse
etre consider6 comme un meurtre31 .

Pour decider du sort de la cause dont elle etait saisie, la plus haute cour
du pays s’est limitee A constater que l’alinea 213(d) du Code criminel ne
comportait << aucun 61ment moral special concernant la mort >>, et 6tait par
consequent inop6rant. Cependant, le juge Lamer semble enclin A exiger pour
le meurtre une mens rea subjective, ce qui aurait pour effet de rendre ino-
perantes toutes les modalites de commission d’un meurtre pr6vues A ‘article
213 de meme que celle de ‘alinea 212(c) du Code criminel. S’agit-il d’un
cas particulier ? Le meurtre 6tant dans notre pays le crime le plus s6rieux
la peine minimale d’emprisonnement A perp6tuit6 en t6moigne 61o-

quemment -,
les principes de justice fondamentale exigeraient-ils un 6tat
d’esprit relatif au resultat tandis que pour les autres infractions de r6sultat
tel ne serait pas obligatoirement le cas ?

Prenons

‘exemple de rhomicide involontaire coupable. La Cour su-
preme du Canada, traitant du lien de causalit6, a affirm6, dans l’arret
Smithers32, que l’accus6 devait prendre sa victime telle qu’elle est. C’est dire
qu’il ne peut echapper A sa responsabilit6 en plaidant que la consequence
etait imprevisible pour lui ni meme qu’elle l’aurait 6t6 pour toute personne
raisonnable 33. Cet arret pourrait 6tre remis en question suite A l’arret Vail-

3 Supra, note 6 aux pp. 653-54.
32(1977), [1978] 1 R.C.S. 506 aux pp. 519-20, 75 D.L.R. (3d) 321, 34 C.C.C. 427,40 C.R.N.S.

79 [ci-apr~s Smithers tit6 aux R.C.S.], M. le juge Dickson, rendant jugement pour la Cour:

I1 n’incombait pas au minist6re public de prouver l’intention de causer ]a mort
ou des blessures. La seule intention n~cessaire 6tait celle de d6cocher un coup de
pied A Cobby. La pr~visibilit6 n’6tait pas davantage en question. On ne peut se
d6fendre contre une accusation d’homicide involontaire coupable par le fait qu’on
ne s’attendait pas A la mort ou que celle-ci n’aurait pas ordinairement r~sult6 de
l’acte ill~gal.

33C’est, A notre avis, le sens qu’il faut donner A l’allusion qui y est faite A une personne au

crane fragile.

1988]

NOTES

lancourt puisqu’il ne comporte meme pas de << prvisibilit6 objective )34. En effet, le geste pos6 par 'accus6 peut etre qualifi6 de voies de fait simples, de voies de fait graves ou d'homicide involontaire coupable, selon le cas, en fonction d'un resultat auquel il aura contribue, d'une fagon plus que mineure, mais sans qu'il n'en ait 6t6 la cause unique, directe ou immediate 35. L'accuse peut invoquer le caractere accidentel du geste pos6 ou faire valoir une erreur sur les circonstances du geste (par exemple, la croyance de bonne foi dans le consentement ou la confusion entre une personne et un objet) mais il ne peut invoquer l'absence d'intention de causer le resultat. On pourrait sans doute plaider que le critere actuel en matiere de lien de causalit6 est contraire aux principes de justice fondamentale puisqu'il impose une responsabilite absolue en regard du resultat 36. Mais, s'il y a lA contravention aux principes de justice fondamentale, on doit aussi d6ter- miner si celle-ci porte atteinte au droit A la vie, i la libert6 ou A la securite de la personne. On pourrait soutenir que le droit A la libert6 est mis en peril aussi bien par l'accusation de voies de fait simples que par celle d'homicide involontaire coupable, que c'est la conduite intentionnelle de l'accuse qui te 1'element declencheur de la poursuite et finalement qu'une grande a latitude est laissee au juge quant au choix de la sentence appropriee, ce qui distingue ces infractions du meurtre. Cela serait-il suffisant pour rencontrer les exigences de l'article 7 de la Charte ? Cela reste A voir. 2. L'exclusion de la mens rea en regard d'une circonstance de l'actus reus Le legislateur impose parfois une responsabilite absolue quant A un element du crime. Le premier paragraphe 1 de l'article 159 du Code criminel, qui incrimine des conduites liees A la production de materiel obscene, en est un exemple vu l'exclusion de la mens rea decoulant du paragraphe 6 de ce meme article. D'autre part, l'exigence de la mens rea subsiste quant aux autres composantes de la conduite bien que celle-ci ne soit pas exprim~e 34Apr~s avoir cit6 1'extrait de l'arr&t Smithers, le professeur Stuart, supra, note 21 A la p. 211 6crit pour sa part que [t]his passage is almost an aside within a decision on causation. It is, however, a comment on the mental culpability requirement for manslaughter. The last phrase may indicate - that a defence to manslaughter is that harm would ordinarily not have resulted from the unlawful act, in other words, that it was not foreseeable. it is distressingly indirect - 35Smithers, supra, note 32 A la p. 519. 36Compte tenu de l'arrt Vaillancourt, supra, note 7, un tel argument est loin d'etre sp~cieux, quoique rallusion faite par le juge Lamer A lhomicide involontaire coupable semble accrditer la these contraire. REVUE DE DROIT DE McGILL [Vol. 33 clairement par le l6gislateur. Cette mens rea imparfaite suffit-elle pour con- clure au respect des exigences de 'article 7 de la Charte ? La Cour d'appel de l'Ontario a eu l'occasion de se prononcer sur cette question dans l'arr~t Metro News Ltd. Apr~s avoir r6fer6 au Renvoi relatif ei la Motor Vehicle Act, le juge Martin, rendant jugement pour ]a Cour, declare : I observe parenthetically that the term absolute liability is commonly used to describe offences in which it is not open to an accused to avoid criminal liability on the ground that he acted under a reasonable mistake of fact which, if the facts had been as the accused believed them to be, would have made his act innocent. Even in offences of absolute liability, other defences such as insanity, automatism or duress are open to the accused: Glanville Williams, Textbook of Criminal Law, 2nd ed. (1983), p. 14237. I1 conclut ensuite que le paragraphe 159(6) du Code criminel est incom- patible avec I'article 7 de la Charte. Finalement, comme le juge Lamer a affirm6 dans le Renvoi relatifd la Motor Vehicle Act que l'article 1 ne pouvait 8tre invoqu6 avec succ~s que dans des circonstances exceptionnelles, le juge Martin ne croit pas qu'il soit opportun d'y recourir: In my view, s. 159(6) cannot be salvaged by resort to s. 1, however', because in creating an offence of absolute liability Parliament has gone beyond what was necessary to relieve the Crown of the task of proving the requisite know- ledge, assuming, as alleged by the Crown, that it is virtually impossible for the Crown to prove the requisite knowledge in the case of distributors [...]38. [Les italiques sont du juge Martin.] L'effet donn6 par la Cour A ce constat d'incompatibilit6 pourra cependant en surprendre plusieurs. En effet, la Cour d'appel de l'Ontario, apr~s avoir d~clar6 nul le paragraphe 6 de 'article 159 du Code criminel, ne conclut pas pour autant que le minist~re public doit 6tablir la mens rea de l'accus~e. La Cour adopte un mode d'interpr~tation qui vise A rechercher l'intention du legislateur A partir d'une analyse historique de la disposition en cause. Ceci l'amne A conclure que le lgislateur avait v6ritablement voulu 6carter une defense d'absence d'6tat d'esprit blamable A l'encontre d'une accusation de distribution d'une mati~re obscene, lib~rant du m~me coup le minist~re public de l'obligation de prouver la mens rea. Le paragraphe 159(1) du Code criminel ne pouvant imposer une responsabilit6 absolue vu la Charte, la Cour assimile cette infraction aux infractions de responsabilit6 stricte, c'est- A-dire qu'elle permet A 'accus6 de se disculper en d6montrant selon la pr6- pond6rance des probabilit~s qu'il n'a pas t6 n6gligent. 37Metro News Ltd, supra, note 16 i la p. 334. 38Ibid. aux pp. 337-38. 1988] NOTES A notre avis, la Cour d'appel de l'Ontario se devait de conclure que le paragraphe 159(1) du Code criminel exige la mens rea. En effet, meme si le paragraphe 159(2) fournit une indication claire de l'exigence de la mens rea , la lecture du paragraphe 159(1) sans par l'emploi du mot << sciemment egard a celle du paragraphe 159(6) ne doit pas amener A conclure a 1'exclu- sion de la mens rea, vu l'existence presumee de cet element pour les in- fractions criminelles 39. Le remplacement de la mens rea par une responsabilit6 stricte suppose, de la part de la Cour, qu'elle donne un effet, quoique limit6, au paragraphe 159(6) du Code criminel qu'elle declare par ailleurs invalide. Ce faisant, elle donne certes effet i l'intention du legislateur, intention constat6e par l'histoire legislative de la disposition, mais elle se trouve ainsi 5 suppleer aux lacunes legislatives. Or, la Cour supreme du Canada a clairement indiqu6 dans l'arret Hunter c. Southam Inc.40 que les tribunaux ne devaient pas se prater A cet exercice. L'arret Metro News Ltd prate donc le flanc A la critique car si l'analyse adoptee par le juge Martin devait etre suivie jusqu'au bout, il faudrait con- clure que tous les textes d'incrimination qui ne peuvent 6tre de responsa- bilit6 absolue (en d6pit de la volont6 clairement exprim6e du legislateur) creeraient des infrations de < responsabilit6 stricte >>, c’est-A-dire des infrac-
tions pour lesquelles la culpabilit6 decoule de l’accomplissement de l’acte
prohib6, tout en laissant i l’accuse la possibilite de se disculper en d6mon-
trant qu’il a agi avec diligence raisonnable ou sous le coup d’une erreur de
fait raisonnable.

Notons que les infractions criminelles pour lesquelles le legislateur indi-
que clairement que la culpabilit6 d6coule d’une conduite n6gligente n’ont
pas pour effet de dispenser le ministere public de l’obligation de prouver
cet element41. De telles infractions n’appartiennent donc pas a la deuxieme
categorie d’infractions decrites par le juge Dickson dans l’arrat Sault Ste-
Marie42′, puisqu’elles n’imposent pas A l’accus6 la charge de convaincre le
te negligent. I1 serait pour le moins paradoxal qu’il
tribunal qu’il n’a pas
en soit autrement pour les infractions criminelles qui, A leur face meme,
sont contraires A l’article 7 de la Charte et dont les tribunaux tentent de
preserver la validit6 en les interpretant de maniere A y voir ‘exigence d’un
etat d’esprit blamable que le legislateur a pourtant clairement voulu 6carter !
II serait preferable de les declarer inoperantes plut6t que de tenter de me-

39Fortin et Viau, supra, note 15 aux pp. 91-92; R. c. Saint John News Co. (1985), 64 N.B.R.

(2d) 318, 165 A.PR. 318, 17 C.C.C. (3d) 234 (Q.B.).

40[1984] 2 R.C.S. 145. LEattitude prise par la Cour supreme dans des affaires plus r6centes
est conforme A cet 6non 6 de principe. Voir, i cet 6gard, Oakes, supra, note 2; Morgentaler c.
R. (1988), 44 D.L.R. (4th) 385, 62 C.R. (3d) 1 (C.S.C.).

41Derkosh, supra, note 23 i la p. 246.
42Supra, note 2 aux pp. 254-55.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 33

nager la chevre et le chou, d’autant plus que, comme nous le verrons main-
tenant, l’inversion de la charge de convaincre est elle-m~me vulnerable, eu
6gard A l’alin~a 11 (d) de la Charte garantissant le droit A la pr6somption
d’innocence.

II. La charge de la preuve

L’alinea 11 (d) de la Charte stipule que:

Tout inculp6 a le droit:

(d) d’8tre pr~sum6 innocent tant qu’il n’est pas d~clar6 coupable, conform~ment
A la loi, par un tribunal ind~pendant et impartial a l’issue d’un proc~s public
et 6quitable; […].

Cette disposition a t6 interpr~t~e par la Cour supreme du Canada dans
Parrt Oakes43. Dans cette affaire, la Cour a dclar6 inop6rant l’article 8 de
la Loi sur les stup~fiants44 A l’effet que, une fois prouv6 hors de tout doute
raisonnable que l’accus6 6tait en possession d’un stup6fiant, ce dernier devait
d6montrer qu’il ne le poss~dait pas avec l’intention d’en faire le trafic. Le
juge en chef Dickson, rendant jugement pour la Cour, justifie ainsi son
opinion:

Je crois que, d’une mani~re g6n6rale, on doit conclure qu’une disposition
qui oblige un accus6 A d6montrer selon la preponderance des probabilit6s
l’inexistence d’un fait pr~sum6 qui constitue un 616ment important de l’in-
fraction en question, porte atteinte A la pr~somption d’innocence de
‘al.
1 ld).S’il incombe A l’accus6 de r6futer selon la preponderance des probabilit6s
un 616ment essentiel d’une infraction, une declaration de culpabilit6 pourrait
tre prononce en d~pit de l’existence d’un doute raisonnable. Cela se produirait
si l’accus6 produisait une preuve suffisante pour soulever un doute raisonnable
quant i sa culpabilit6, mais ne parvenait pas i convaincre le jury selon la
preponderance des probabilit~s que le fait pr6sum6 est inexact 45.

Ii y a lieu d’examiner attentivement ce jugement afin de voir quelle pourrait
en 8tre la porte. A cet 6gard, les obiter dicta du juge Lamer dans l’arrt
aillancourt devront 6galement 8tre analyses avec soin. Nous examinerons
successivement reffet de
‘alin~a 1 l(d) sur les pr~somptions l~gales qu’il
incombe A l’accus6 de refuter, puis sur les moyens de d6fense qu’il devra
6tablir.

43Supra, note 3.
44S.R.C. 1970, c. N-1.
45Supra, note 3 aux pp. 132-33.

1988]

NOTES

A. La charge de la preuve et les pr~somptions l9gales

Rappelons bri~vement que le lgislateur, lorsqu’il entend all~ger le far-
deau de preuve du ministare public, peut recourir A deux genres de pr6-
somptions. Les premieres stipulent que la preuve de certains 61ments donne
lieu de conclure primafacie A l’existence de Pun des 6lments de l’infraction.
C’est le cas notamment de l’induction que suggre le paragraphe 236(2) du
Code criminel, en mati~re de d~lit de fuite46, et de celle 6dict~e par le pa-
ragraphe 312(2) en mati~re de rece 47. Les secondes exigent de l’accuse qu’il
d~montre selon la preponderance des probabilit6s l’inexistence d’un fait
presum. La pr~somption de garde et contr6le en est un exemple48. C’est
aussi le cas de P’article 8 de la Loi sur les stup~fiants relatif a la preuve de
l’accusation de possession d’un stupffiant en vue d’en faire le trafic, article
qui faisait l’objet du litige dans l’arrat Oakes49.

46Code criminel, supra, note 19, art. 236(2):

[L]orsqu’une personne a 6t6 bless~e ou semble avoir besoin d’aide, la preuve qu’un
accus6 a omis d’arrater son v~hicule, bateau ou a~ronef, d’offrir de raide, lorsqu’une
personne est bless~e ou semble avoir besoin d’aide et de donner ses nom et adresse,
constitue en 1’absence de toute preuve contraire, une preuve de l’intention d’ chap-
per i toute responsabilit6 civile et criminelle.

47Code criminel, ibid., art. 312(2):

[Lia preuve qu’une personne a en sa possession un v~hicule a moteur, ou toute
piece d’un tel v~hicule, dont le num~ro d’identification a W totalement ou par-
tiellement enlev6 ou oblitr6 fait preuve, en ‘absence de preuve contraire, du fait
qu’ils ont t6 obtenus et de ce que cette personne sait qu’ils ont 6t6 obtenus
a) par la perpetration, au Canada, d’une infraction punissable sur acte d’accusa-
tion; ou
b) par une action, omission en quelque endroit que ce soit, qui aurait constitue,
si elle avait eu lieu au Canada, une infraction punissable sur acte d’accusation.

48Code criminel, ibid., art. 241(1)(a):

[L]orsqu’il est prouv6 que l’accus6 occupait la place ou la position ordinairement
occup~e par Ta personne qui conduit le v6hicule A moteur, le bateau ou l’a~ronef,
il est r~put6 en avoir eu Ia garde ou le contr6le A moins qu’il n’6tablisse qu’il
n’occupait pas cette place ou position dans le but de mettre en marche ce v~hicule,
ce bateau ou cet a~ronef ou dans le but d’aider A. les conduire, selon le cas […].

49Loi sur les stupffiants, supra, note 44, art. 8 :

Dans toutes poursuites pour violation du paragraphe 4(2), si l’accus6 n’avoue pas
sa culpabilit6, […] la cour doit statuer sur la question de savoir si l’accus6 6tait ou
non en possession du stup~fiant contrairement aux dispositions de l’article 3 ; si la
Cour constate que P’accus6 n’ tait pas en possession du stupffiant contrairement
aux dispositions de l’article 3, elle doit lacquitter, mais si elle constate qu’il 6tait
en possession du stup~fiant contrairement aux dispositions de rarticle 3, il doit etre
fourni A raccus6 une occasion de d~montrer qu’il n’ tait pas en possession du
stup~fiant pour en faire le trafic […].

REVUE DE DROIT DE McGILL

[Vol. 33

Sur la lanc~e du jugement qu’elle avait rendu dans l’affaire Oakes50 la
Cour d’appel de l’Ontario avait conclu, dans l’arret Boyle5l, que seule ]a
premiere induction sugg~r~e par le paragraphe 312(2) du Code criminel 6tait
conforme A 1’alin~a 1 l(d) de la Charte. Le raisonnement de cette Cour avait
pour fondement le < crit~re du lien rationnel > qui avait W adopt6 par la
Cour supreme du Canada dans l’arr~t Shelley52. Or, la Cour supreme, dans
l’arrt Oakes, n’a pas retenu cette approche, pr6f’erant limiter le recours A
ce critre au contexte de l’article 1 de la Charte53. II faut donc chercher A
savoir si l’alin6a 11 (d) peut 6tre invoqu6 pour tout genre de pr6somptions
l6gales ou uniquement A 1’Ngard de celles qui comportent une inversion de
la charge de convaincre.

Si l’616ment d6terminant pour l’application de l’alin6a 11 (d) r6side dans
le fait qu’un accus6 est susceptible d’etre condamn6 s’il pr6sente une preuve
qui suscite un doute mais n’emporte pas la prdpond6rance des probabilit6s,
cet article ne pourrait A prime abord 8tre invoqu6 A l’encontre des pr6-
somptions pouvant etre repouss6es par une preuve contraire.

Si, d’autre part, le fondement du droit i la pr6somption d’innocence
r6side dans le droit au silence de l’accus6 54, celui-ci est mis en p6ril de la
m~me fagon par les deux genres de pr6somptions 16gales 55. Au soutien de
cette approche, il y a lieu de rappeler le dictum suivant du juge Dickson
dans l’arr~t Oakes:

[Lie droit, pr6vu par ‘al. 1 ld), d’8tre pr6sum6 innocent tant qu’on n’est pas
d~clar6 coupable exige i tout le moins que, premi6rement, ]a culpabilit6 soit
6tablie hors de tout doute raisonnable et deuxi6mement, que ce soit A l’Etat
qu’incombe la charge de la preuve. Comme ‘affirme lejuge Lamer dans I’arrbt
Dubois c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 350, A ]a p. 357:

L’alin6a lId) impose A ]a poursuite le fardeau de d6montrer la culpabilit6
de l’accus6 hors de tout doute raisonnable ainsi que de pr6senter sa preuve

50R. C. Oakes (1983), 40 O.R. (2d) 660, 32 C.R. (3d) 193, 2 C.C.C. (3d) 339 (C.A.).
51Re Boyle andR. (1983), 41 O.R. (2d) 713, 148 D.L.R. (3d) 449, 5 C.C.C. (3d) 193, (sub

nom. R. c. Boyle) 35 C.R. (3d) 34 [ci-apr~s Boyle].

52R. c. Shelley, [1981] 2 R.C.S. 196, 123 D.L.R. (3d) 748, 59 C.C.C. (2d) 292, 21 C.R. (3d)

354.

53Supra, note 3 aux pp. 133-34.
54Le droit au silence avait

tA consid6r6, rappelons-le, comme une composante du droit A

la pr6somption d’innocence, dans R. c. Appleby, [1972] 2 R.C.S. 303, 16 C.R.N.S. 35.

55Les prsomptions l6gales doivent 8tre oppos6es aux pr6somptions de fait. Alors que ces
demires laissent au juge des faits 1’enti~re discr6tion d’effectuer ou non rinduction qu’elles
suggrent, les pr6somptions l6gales sont au contraire obligatoires. Voir Fortin et Viau, supra,
note 15 aux pp. 41-42 ; R. c. Proudlock (1978), [1979] 1 R.C.S. 525, 91 D.L.R. (3d) 449, 43
C.C.C. (2d) 321, 5 C.R. (3d) 21 ; Boyle, supra, note 51 ; Oakes, supra, note 3 ; R. c. Pye (1984),
62 N.S.R. (2d) 10, 38 C.R. (3d) 375, 11 C.C.C. (3d) 64, 7 D.L.R. (4th) 275 (S.C.A.D.); R. c.
S.T (1985), 66 N.S.R. (2d) 311, (sub nom. R. c. S.D.T) 43 C.R. (3d) 307 (S.C.A.D.). Voir aussi
D. Stuart, Annotation: Russell c. R. (1983), 32 C.R. (3d) 307 (N.S.S.C.A.D.).

19881

NOTES

contre l’accus6 avant que celui-ci n’ait besoin de r~pondre, soit en t6moignant
soit en citant d’autres t6moins 56.

Au surplus, ‘alin~a 1 l(d) lu en corr6lation avec ‘article 7 de la Charte
pourrait donner lieu A un tout autre r~sultat, comme le sugg~re le juge Lamer
dans l’arr& Vaillancourt:

Enfin, au lieu d’81iminer simplement la n~cessit6 de faire la preuve d’un 616ment
essentiel, le 1gislateur peut remplacer la preuve d’un 616ment different. A mon
avis, cela ne sera constitutionnel que si apr~s que l’on a prouv6 hors de tout
doute raisonnable rexistence de l’6ment substitu6, il serait d6raisonnable que
le juge des faits ne soit pas convaincu hors de tout doute raisonnable de l’exis-
tence de l’P616ment essentiel. Si le juge des faits peut avoir un doute raisonnable
quanta l’l ment essentiel malgr6 la preuve hors de tout doute qui a 6 faite
de rexistence de l’616ment substitu6, alors la subsitution contrevient A l’article
7 et A l’alina lId)57.
Comme on le voit, le sort d’une contestation des pr~somptions l6gales
n’imposant A l’accus6 qu’une charge de pr6sentation de la preuve fond~e
sur ‘alin6a 11(d) est nettement plus al6atoire que dans le cas des pr6somp-
tions lui imposant la charge de convaincre 8, mais la question reste A tran-
cher. En outre, pour ces derni~res, il va sans dire qu’i ne faut pas minimiser
l’impact que pourrait avoir l’article 1 de la Charte.

B. La charge de la preuve et les moyens de difense

Hormis les cas de pr6somptions l~gales, l’accus6 est habituellement libre
de presenter ou non une d6fense 59. II n’y aurait donc g6n6ralement pas lieu
d’invoquer
l(d) en regard des moyens de d6fense. Toutefois le

‘alinda

56Supra, note 3 A la p. 121.
57Supra, note 7 A la p. 655. N’est-ce pas ramener le crit~re du lien rationnel A l’apprciation
de la compatibilit6 de la prsomption avec les droits garantis plut6t que d’en limiter le recours
aux seules fins de l’article 1 ? Le juge Lamer, dans l’arrt Vaillancourt, semble en effet limiter
la port~e de l’arrft Oakes A ces derni~res uniquement lorsqu’il affirme:

II ressort clairement [… ] que ce qui contrevient A la pr~somption d’innocence, c’est
le fait qu’un accus6 peut 8tre d6clar6 coupable malgr6 rexistence d’un doute rai-
sonnable quant A un 616ment essentiel de l’infraction, etje ne crois pas qu’il importe
que cela r~sulte de l’existence d’une disposition portant inversion de la charge de
Ia preuve ou de l’P1imination de la n~eessit6 de faire la preuve d’un 616ment essentiel.

58Notons que l’arr&t Boyle, supra, note 51, est le seul, A notre connaissance, qui ait jug6
qu’une pr~somption affectant seulement la charge de pr6sentation 6tait contraire A ‘art. 11 (d)
de ]a Charte. Les tribunaux se sont montr~s plut6t de ravis contraire. Mentionnons a cet 6gard
les jugements suivants: R. c. Soucy (1982), 4 C.C.C. (3d) 150 (C.S.P. Qu6.) ; R. c. T. (1985),
18 C.C.C. (3d) 125 (N.S.S.C.C.A.); R. c. Francis (1982), 17 M.V.R. 177 (Alta prov. ct). I1 ne
faudrait cependant pas conclure que la question est d6finitivement tranch~e, ces jugements
6tant ant6rieurs A la d6ecision de la Cour supreme dans l’arr~t Oakes.
59Woolmington c. D.PP, [1935] A.C. 462, 25 Cr. App. R. 72 (H.L.).

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 33

problme pourrait se poser en regard de la d6fense d’ali6nation mentale,
d’une part, et en regard des infractions dites de responsabilit6 stricte, d’autre
part, puisque dans ces cas il incombe A l’accus6 de dfmontrer au tribunal
le bien-fond6 du moyen de d6fense qu’il invoque. C’est le cas 6galement
pour la d6fense de provocation polici6re et, tr~s souvent, pour celle d’excuse
l6gitime.

1.

La charge de la preuve en matire d’ali6nation mentale

Que l’on ait conclu qu’il incombait A l’accus6 de d6montrer son ali&
nation mentale r~sulte tout autant de l’interpr~tation de le paragraphe 16(4)
du Code criminel60 que de la tradition de common law en cette mati~re61.
Une telle exigence peut sembler paradoxale dans la mesure oci il suffit A
l’accus6 de susciter un doute lorsqu’il invoque d’autres moyens de d6fense
portant sur sa capacit6 de discemement, comme c’est le cas pour la defense
d’automatisme 62 ou celle d’intoxication volontaire 63. Malgr6 l’incongruit6
de la situation, peut-on conclure qu’elle contrevient A l’alinfa 11 (d) de la
Charte? Si la d6fense qu’il invoque suscite un doute mais n’emporte pas
la pr6pond6rance des probabilit6s, l’accus6 doit 8tre d~clar6 coupable. Ainsi
donc, malgr6 le doute qui subsiste quant A sa capacit6 mentale, si l’ali6nation
mentale est le seul moyen de d6fense invoqu6, l’accus6 est r~put6 avoir eu
l’6tat d’esprit que requiert l’infraction. Ne s’agit-il pas d’une mens rea
fictive ?

La Cour d’appel du Manitoba, dans l’arrt Godfrey64, a conclu que
l’inversion de la charge de la preuve pr~vue au paragraphe 16(4) du Code
criminel n’6tait pas contraire i l’alin~a 11 (d) de Ia Charte, puisque la pr6-
somption de sant6 mentale a pour effet de pr6sumer d’une situation
normale 65. Au surplus, elle ne donne pas lieu A une inversion de la charge
d’un 616ment de l’infraction 66. Mais ce jugement ne saurait clore le d6bat.
On peut en effet soutenir que l’aspect conscient et volontaire de la conduite
est un 616ment implicite de l’actus reus ayant pour fondement les principes
de justice fondamentale de
‘article 7, au m~me titre que la mens rea. II
serait alors possible de contester l’inversion de la charge de la preuve puis-

6Clark c. R. (1921), 61 R.C.S. 608, [1921] 2 W.W.R. 446, 59 D.L.R. 121, 35 C.C.C. 261.
6 1 Woodmington c. D.PP, supra, note 59.
62Rabey c. R., [1980] 2 R.C.S. 513, 79 D.L.R. (3d) 414, 37 C.C.C. (2d) 461, 40 C.R.N.S. 46.
63Learyc. R. (1977), [1978] 1 R.C.S. 29, 74 D.L.R. (3d) 103, 33 C.C.C. (2d) 473,37 C.R.N.S.

64R. c. Godfrey (1984), 39 C.R. (3d) 97, 26 Man. R. (2d) 61 (C.A.) (permission d’appel refus6e,

60.

[1984] 1 R.C.S. viii).

6Slbid. A ]a p. 105, M. le juge O’Sullivan.
66Ibid. aux pp. 103-04, M. le juge O’Sullivan.

19881

NOTES

qu’elle aurait pour effet d’exiger de Faccus6 la d6monstration de l’inexistence
d’un element de l’infraction.

2.

La charge de la preuve en matiere d’infractions de responsabilite
stricte

On se rappellera que le ministere public n’a, A l’egard des infractions
de responsabilit6 stricte, quh 6tablir les elements de l’actus reus. I1 est par
‘accus6 de demontrer au tribunal qu’il a fait preuve de
la suite loisible a
diligence raisonnable ou qu’il a agi sous le coup d’une erreur de fait
raisonnable 67. Le raisonnement de l’arret Oakes peut-il s’appliquer A cette
situation ?

Une reponse affirmative s’impose si la possibilite laiss6e A l’accuse de
se disculpter suppose implicitement que ces infractions comportent la ne-
gligence a titre d’element essentiel. Le juge Martin, dans l’arret Metro News
Ltd68, semble considerer que de tels moyens de defense se situent A l’ex-
terieur du cadre des elements de l’infraction. Nous croyons, pour notre part,
qu’une telle analyse est erronee car les defenses de diligence raisonnable et
d’erreur de fait raisonnable ne sont que la transposition, pour les fins d’une
infraction de negligence, des defenses d’accident et d’erreur de fait de bonne
foi, elaborees dans le contexte des infractions de mens rea69. En consequence,
le fait d’exiger de l’inculp6 qu’il demontre selon la preponderance des pro-
babilites sa diligence raisonnable ou son erreur de fait raisonnable semble,
A premiere vue, contraire a l’alinea 11 (d) de la Charte7.

En outre, les chances de succes du recours A l’article 1 nous paraissent
pour le moins aleatoires. Reprenant A nouveau l’arret Oakes, il faudrait
considerer deux aspects. D’abord, la restriction au droit A la pr6somption
d’innocence decoule-t-elle d’une regle de droit ? Ensuite, peut-elle se d6-
montrer dans le cadre d’une socie6t

libre et democratique ?

67Sault Ste-Marie, supra, note 2 A la p. 1325.
68Supra, note 16 t la p. 348.
69Les auteurs A.W. Mewett et M. Manning, Criminal Law, 2e 6d., Toronto, Butterworths,
1985 A la p. 151 affirment que << Sault Ste. Marie does not require the Crown to prove negligence in strict liability cases, but only allows the defendant to succeed if he proves that he did act reasonably.)) N'est-ce pas conclure tacitement que l'infraction de responsabilit6 stricte, outre 1'actus reus, comporte une negligence dont l'existence est pr6sumfe jusqu'A preuve de la dili- gence raisonnable de l'inculp6 ? C'est ainsi qu'est comprise la responsabilit6 stricte par la plupart des auteurs ayant analys6 l'arr& Sault Ste-Marie: voir G. Ct-Harper et A. Manganas, Droit p~nal canadien, Montr~al, Yvon Blais, 1984 A la p. 320 et s. ; D. Stuart, supra, note 21 A la p. 165 et s. ; Fortin et Viau, supra, note 15 i la p. 150 et s. 70Sur ce point, voir D. Stuart, Annotation : R. c. Cancoil Thermal Corp. (1986) 52 C.R. (3d) 189 (C.A. Ont.). 572 REVUE DE DR OIT DE McGILL [Vol. 33 La Cour supreme a conclu que 'article 8 de la Loi sur les stup~iants constituait une r~gle de droit car il s'agissait d'une << disposition legislative dfiment adopt~e >>71. Dans le cas des infractions de responsabilit6 stricte, il
s’agit plut6t d’une creation jurisprudentielle mais cela ne devrait pas, A notre
avis, constituer une fin de non-recevoir car ‘article 1 traite de << r~gle de droit >> et non de dispositions lgislatives >>72.

Si 1’expression o r~gle de droit ne constitue pas un obstacle insur-
montable, il faudrait alors d6terminer si l’inversion de la charge de la preuve
rencontre les exigences de ‘article 1 telles que formul~es dans l’arret Oakes73.
A cette fin, il y aurait lieu de decider si la question de rurgence justifiant
la derogation au droit A la pr6somption d’innocence 74 doit s’appr6cier glo-
balement pour toutes les infractions de responsabilit6 stricte ou si cette
question doit 6tre analys~e isol~ment pour chacune d’elles.

Ensuite, et peu importe la solution retenue, il y aurait lieu d’analyser
le crit~re de la proportionnalit6 sous ses trois aspects 75. A prime abord, il
y a sans doute un lien rationnel entre l’objectif vis6, qui est ind6niablement

71Oakes, supra, note 3 i la p. 135.
72Telle semble 6tre l’interpr~tation que la Cour supreme donne A ‘expression <(r~gle de droit >> : voir Retail, Wholesale and Department Store Union, Local 580 c. Dolphin Delivery
Ltd, [1986] 2 R.C.S. 573, 33 D.L.R. (4th) 174, 57 N.R. 240; R. c. Therens (1984), [1985] 1
R.C.S. 613 A la p. 645, 18 D.L.R. (4th) 655, 59 N.R. 122, M. le juge LeDain ; R. c. Mannion
(1985), [1986] 2 R.C.S. 272, 31 D.L.R. (4th) 712, 56 N.R. 160.

730akes, supra, note 3 A la p. 135 et s.
74Ibid. aux pp. 138-39:

Pour 6tablir qu’une restriction est raisonnable et que sa justification peut se d6-
montrer dans le cadre d’une soci~t6 libre et d~mocratique, il faut satisfaire f deux
crit~res fondamentaux. En premier lieu, l’objectif que visent A servir les mesures
qui apportent une restriction A un droit ou A une libert6 garantis par la Charte, doit
etre osuffisamment important pour justifier la suppression d’un droit ou d’une
libert6 garantis par la Constitution >>: R. c. Big M Drug Mart Ltd. […]
]a p. 352.
La norme doit 6tre s~v~re afin que les objectifs peu importants ou contraires aux
principes qui constituent ressence m~me d’une soci~t6 libre et d~mocratique ne
b~n~ficient pas de ]a protection de Particle premier. II faut A tout le moins qu’un
objectif se rapporte A des preoccupations urgentes et r~elles dans une soci6t6 libre
et d~mocratique, pour qu’on puisse le qualifier de suffisamment important.

, mon avis, un crit~re de proportionnalit6 comporte trois 6lments importants.
Premi~rement, les mesures adopt~es doivent etre soigneusement conques pour at-
teindre l’objectif en question. Elles ne doivent
tre ni arbitraires, ni in6quitables,
ni fond~es sur des considerations irrationnelles. Bref, elles doivent avoir un lien
rationnel avec robjectif en question. Deuxi~mement, m~me A supposer qu’il y ait
un tel lien rationnel, le moyen choisi doit etre de nature A porter<< le moins possible atteinte au droit ou A la libert& en question: R. c. Big M Drug Mart Ltd. [... ] A ]a p. 352. Troisi~mement, il doit y avoir proportionnalit6 entre les effets des mesures restreignant un droit ou une libert6 garantis par la Charte et l'objectif reconnu comme o suffisamment important. ) 75lbid. A lap. 139: 1988] NOTES de faciliter la tache de la poursuite, et l'inversion de la charge de la preuve. Cependant, l'analyse de cet aspect du critere de proportionnalite exige d'abord un examen intrinseque de la disposition en vue de d6terminer si elle est elle-meme rationnelle 76. II serait sans doute possible de contester l'existence du lien rationnel entre le fait etabli, l'accomplissement de l'acte prohibe, et le fait presume, la negligence. Le moyen choisi est-il celui qui porte le moins possible atteinte au droit en question ? I1 est difficile de repondre A cette question d'une fa~on negative, car la charge de la preuve d'un element de l'infraction incombe fatalement soit i la couronne, soit d l'inculpe. Finalement, y a-t-il proportionnalit6 entre les effets de la mesure choisie et l'objectif reconnu comme suffisamment important ? C'est ici, v- ritablement, que le bat blesse. Pour simplifier la tache du ministere public, est-il essentiel d'exiger de l'inculp6 qu'il demontre qu'il a fait preuve de diligence, ce qui comporte le risque qu'un innocent soit condamn6 parce que la preuve qu'il presente n'emporte pas la preponderance des probabi- lites ? A notre avis, un tel resultat ne s'impose pas d'emblee. 3. La charge de la preuve des d6fenses de provocation policiere et d'excuse legitime Ces defenses se situent nettement a l'ext~rieur des elements de Pin- fraction. Elles n'ont pas pour effet de dispenser le ministere public de son obligation de prouver tous les 6lements de celle-ci. Ainsi, l'article 309 du Code crimineP7 confere A l'accuse la possibilite d'expliquer en quoi sa pos- session d'outils de cambriolage, dans des circonstances suspectes, ne contre- vient pas A la loi78. De meme, l'article 408 du Code criminel qui incrimine la possession, sans excuse legitime, de monnaie contrefaite ne dispense pas le ministere public de son obligation de prouver l'actus reus et la mens rea 76Ibid. aux pp. 141-42. 7"Code criminel, supra, note 19, art. 309(1): Est coupable [...] quiconque, sans excuse l6gitime dont la preuve lui incombe, a en sa possession un instrument pouvant servir A p~n~trer par effraction dans un endroit, [... dans des cironstances qui donnent raisonnablement lieu de conclure t6 destin6 A etre utilis6 dans un tel que l'instrument a but. t6 utilisE, est destin6 ou a 78R. c. Holmes, (1983), 4 C.C.C. (3d) 440 (C.A. Ont.) ; R. c. Kowolczuk (1983), 5 C.C.C. (3d) 25, 20 Man. R. (2d) 379 (C.A.). McGILL LAW JOURNAL [Vol. 33 de la possession 79. C'est 6galement clairement le cas lorsque l'accus6 plaide la provocation polici~re 80. Selon nous, l'alin~a 11 (d) de la Charte ne pourrait 8tre invoqu6 avec succ~s dans ces cas que dans la mesure ofi les tribunaux retiendraient comme aspect dominant le droit au silence de l'accus6 ou encore condamneraient I'exigence d'une preuve pr6pond6rante, quel qu'en soit l'objet8 l. Par ailleurs, si l'arr&t Oakes est interpret6 restrictivement et ne regoit application que dans la mesure ofi 'accus6 doit, par preuve pr6pond6rante, nier un 616ment de l'infraction, les defenses d'excuse lgitime et de provocation polici~re seraient alors incontestables. Conclusion II va sans dire que le present texte n'a pour but que de pr6senter quel- ques 616ments de r~flexion et que toute solution qui y est pr~conis6e devra faire l'objet d'une vdrification minutieuse A la lumi~re des futurs jugements de la Cour supreme du Canada. 79R. c. Santeramo (1976), 36 C.R.N.S. 1, 32 C.C.C. (2d) 35 (C.A. Ont.). Contra, R. c. Sagliocco, [1978] 3 W.W.R. 193, 39 C.C.C. (2d) 514 (B.C.C.A.). Dans R. c. Burge (1986), 8 B.C.L.R. (2d) 89, 22 C.C.C. (3d) 277 (C.A.), le tribunal a conclu que 'art. 408 du Code criminel violait Part. 11 (d) de la Charte puisque, se devant de suivre l'arr&t Sagliocco, il a conclu qu'il incombait A l'accus6 de d~montrer qu'il ignorait que ]a monnaie 6tait contrefaite. L'approche adopt6e dans l'arr~t Santeramo nous semble pr6ft'rable et non contredite par l'arr~t R. c. Duane, [1985] 2 tA rendu par la suite. Dans R. c. Gutting (1983), 4 C.C.C. (3d) I (C. ct6 R.C.S. 612, qui a Ont.), le tribunal a conclu que l'inversion de ]a charge de ]a preuve n'6tait pas contraire A Part. I 1(d) en recourant au concept de lien rationnel, concept que la Cour supreme ne retient pas aux fins de d6terminer ]a conformit6 d'un texte avec les exigences de l'art. I 1(d). Voir supra, note 53 et texte correspondant. 80R. c. Sabloff, [1979] C.S. 821 A la p. 830, 13 C.R. (3d) 326; R. c. Mack (1985), 23 C.C.C. (3d) 421 A la p. 433, 49 C.R. (3d) 169 (B.C.C.A.); R. c. Gingras (1987), [1988] R.J.Q. 452 A la p. 455 et s. (C.S.). 8'Compte tenu de l'opinion 6mise par la Cour supreme du Canada dans l'arrt Collins c. R., [19871 1 R.C.S. 265, 33 C.C.C (3d) 1, 56 C.R. (3d) 193, relativement A la charge de ]a preuve exig~e de l'accus6 qui invoque 'art. 24(2) de la Charte, ]a chose paralt peu probable.