Article Volume 26:4

L'expérimentation sur les humains: un conflit de valeurs

Table of Contents

L’exp~rimentation sur les humains: un conflit de valeurs

Jean-Louis Baudouin*

Synopsis

Introduction
Premiere partie: La ldgalit: de l’expdrimentation sur l’homme
I. Les sources
H. L’dtat actuel du droit
A. Le consentement

1. L’existence du consentement
2. Le consentement libre
3. Le consentement dclaird

B. La capacitg
1. Le mineur
2. L’alind
3. Le foetus

C. Le risque acceptable

Deuxi~me partie: La ldgitimitd de l’expdrimentation sur l’homme
I. Les conflits de droits
II. Les conflits de r6les
Conclusion

Introduction”

L’utilit6 de l’expdrimentation m~dicale et scientifique sur l’hom-
me est ind6niable. C’est, en bonne partie, grace h elle que la
science a pu progresser sur le plan de la connaissance, et a su met-
tre au point des techniques permettant de sauver ou de prolonger la
vie humaine. L’homme est une machine tellement complexe que
les essais sur les autres animaux biologiquement les plus proches
de lui, tels le singe, ne sont pas une garantie de succis. Le tragi-

* Professeur, Facult6 de droit, Universit6 de Montr6al.
** Apr~s avoir fait 1’objet dune conference donnde aux Xes Journ6es d’6tu-
des juridiques Jean Dabin, h Louvain-la-Neuve, Belgique, en octobre 1980,
ce texte a

t6 r~vis6 en vue de sa publication dans la pr6sente dition.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 26

que exemple de la thalidomide est lh pour le rappeler. L’exp6ri-
mentation sur l’homme a toujours exist6 sous une forme ou sous
une autre, et nombreux sont les savants qui se sont pris eux-m~mes
comme cobayes. Hunter, d~s 1767, s’inocula le pus d’un malade
affect6 de la gonorrh~e, pour prouver la transmissibilit6 de cette
maladie. Plus pros de nous, en 1910, P. Curie porta sur le bras un
bandage au radium aux seules fins de d~montrer que ce produit
pouvait causer des brfilures graves.’

Depuis quelques ann6es, cependant, la spectaculaire progres-
sion des sciences biom~dicales semble rendre l’exp6rimentation
sur l’homme de plus en plus n~cessaire. La lutte de l’humanit6
contre le cancer et les maladies cardiovasculaires, de m~me que les
recherches sur la g6n~tique, par exemple, seraient probablement
vaines, si ce n’6tait de certaines experiences de radioth6rapie ou
de chimioth6rapie canc6reuse, de chirurgie cardiaque ou de ddchif-
frage du code g6n~tique. L’exp~rimentation sur l’homme est un
fait social et ce, dans tous les pays. Elle continuera d’exister tant
que celuf-ci ne d6cidera pas, h une 6tape de son dvolution, de re-
noncer h la poursuite de la connaissance. Mme dans ce cas, cette
renonciation n’affecterait vraisemblablement qu’un domaine parti-
culier pour un certain temps, et non l’ensemble de la science. Les
arrts temporaires ou les embargos sur la psychochirurgie ou sur
les experiences avec I’A.D.N. en t6moignent.

Avant d’aborder le sujet qui nous intdresse, deux remarques
pr6liminaires s’imposent. La premiere touche l’emploi m~me du
mot “experimentation”. Ce terme est susceptible de plusieurs sens
et peut parfois prAter h confusion. Sans vouloir entrer ici dans des
controverses terminologiques, qu’il nous suffise de dire que nous
entendrons le terme dans son acception la plus large. L’exp6ri-
mentation touche non seulement toute intervention d’ordre physi-
que ou psychologique sur l’8tre humain, mais aussi toute intrusion
dans sa vie privde dans le but de recueillir des donndes scientifi-
ques. Ainsi, la collecte de donndes ou de renseignements personnels
sur un individu ou un groupe d’individus h des fins scientifiques
(par exemple, pour determiner l’incidence statistique d’une certaine
maladie dans un groupe.donn6 de la population) doit, h notre avis,
8tre considdrde comme une expdrimentation. Nous ne pouvons
qu’approuver h. cet 6gard l’attitude prise par le Conseil de recher-
ches mddicales du Canada.2 La seconde remarque porte sur la dis-

aux pp. 78 et seq.

I Voir Pappworth, Human Guinea Pigs [;] Experimentation on Man (1967),
2 Voir La ddontologie de l’expdrimentation chez l’humain (1978), h la p. 7,

ot les auteurs du rapport ddfinissent la recherche mddicale comme “la

19811

L’EXPIRIMENTATION SUR LES HUMAINS

tinction souvent faite entre “exp6rimentation th6rapeutique”, par-
fois appel6e “th6rapie exp6rimentale”, et “expdrimentation non
th6rapeutique”. Cette diff6renciation fond6e sur le but de l’acte se
retrouve dans la plupart des textes. Ainsi, la Ddclaration d’Helsinki,
telle que r6visde h Tokyo, en 1975,1 la sanctionne. La distinction a
t6 critiqude. Chaque traitement, m6me le plus conven.
cependant
tionnel, comporte, dit-on, une part d’expdrimentation. Aucun n’est
exclusivement thdrapeutique, puisque chaque individu rdagit diff6-
remment des autres. Cette classification binaire se r6vzle donc ina-
d6quate pour apprdhender la r6alit6.

La critique est tout h fait 16gitime, si on se place au nivea des
rdsultats de l’expdrimentation et de la n6cessit6 d’un meilleur con-
tr6le des actes mddicaux. Telle exp6rience sur un individu donn6
peut produire, dans des proportions diffdrentes et variables, d’une
part, le soulagement d’une affection dont il souffre et d’autre part,
un champ valable d’observation scientifique. Ce n’est cependant
pas au niveau des r6sultats que la distinction est utile, mais bien
au plan de l’intention gdn6rale dans laquelle l’acte est pos6. L’in-
tention ou le but poursuivi 6tait-il principalement de soulager, de
gudrir ou de traiter l’individu, que l’acte relive de la thdrapie, classi-
que ou expdrimentale. S’agissait-il, au contraire, principalement
d’observer simplement les rdsultats et les effets de l’acte, sans que
celui-ci ne soit pos6 pour le b6ndfice ou dans l’intdr6t du sujet de
l’exp6rience, qu’il y a alors exp6rimentation pure ou “exp6rimen-
tation non th6rapeutique”. La distinction entre ces deux concepts
en est sans aucun doute une de degr6 beaucoup plus que de nature.
Toutefois, replacde dans cette perspective et malgr6 son impr6ci-
sion, elle nous semble utile h la fois au niveau conceptuel et comme
outil de discussion. L’imprdcision vient de ce que classifier tel acte

recherche effectu6e selon un protocole scientifiquement valable aux termes
duquel les etres humains sont soumis
des proc6dgs dont les fins peuvent
ddpasser les besoins du sujet en mati~re de prophylaxie, de diagnostic ou
de th6rapie ou constituer une invasion de lk vie privie.” [nos italiques]

3 Voir Recommandations destindes & guider les mdecins dans les recher-
‘6tre humain [disponible en Annexe C-2 du rapport du
ches portant sgur
Conseil de recherches m&Iicales du Canada, supra, note 2; ci-apr~s: Recom-
mandations].

La difficult6 pratique que soul-ve la distinction a pouss6 certains au-
teurs h recommander au 1gislateur de pr6sumer que tout acte m6dical soit
consid6r6, jusqu’A preuve ducontraire, comme un acte de recherche, de
fagon h permettre automatiquement 1’application des m6canismes de pro-
tection du droit i l’individu. Voir Commission de r6forme du droit du Ca-
nada, Human Medical Research in Canada, par Somerville (1979), aux pp.
35 et seq. [inddit].

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 26

dans l’une ou l’autre de ces deux cat6gories exige toujours de porter
un jugement de valeur individuel.

Si le juriste ne conteste pas l’utilit6 de l’expdrimentation sur
l’homme, celle-ci soul~ve h ses yeux des questions fort prdoccupan-
tes. La premiere tient aux limites que le droit se doit d’imposer
au processus pour dviter les abus. Toute forme d’expdrimentation
sur l’homme ne peut .tre ldgale. Certaines doivent 6tre rdsolument
prohibdes. A l’aide de quels crit~res le juriste parviendra-t-il A d6fi-
nir les normes de l’admissible? La seconde concerne les limites que
le droit doit imposer relativement aux sujets m6mes de l’exp6ri-
mentation. Tout 6tre humain ne peut ldgalement faire l’objet d’une
expdrimentation. Parfois, la socidt6 a le devoir d’exclure des catdgo-
ries d’individus de certains champs de recherche afin de les prot6-
ger, notamment les enfants et les alidnds. La troisi~me interroga-
tion, enfin, est beaucoup plus fondamentale puisqu’elle touche h la
source m~me du probl~me. I1 s’agit de la finalitd de l’exp6rimenta-
tion. Quand, et h quelles conditions, l’exp6rimentation sur 1’hom-
me devient-elle moralement et socialement acceptable? En fonction
de quelles valeurs la socidtd peut-elle, ou doit-elle, trancher? Com-
ment va-t-elle rdsoudre le dilemme du conflit apparent entre d’un
c6t6, les droits individuels et les int6r~ts du citoyen et de l’autre, le
droit collectif et les intdr~ts du groupe social? Poser ces trois
questions, c’est en fait poser un double probl~me, soit celui de la
ldgalit6 de l’expdrimentation et celui de sa ldgitimit6. La 16galitd
s’analyse par rapport aux contr6les pr6ventifs et aux mesures cura-
tives que la soci6t6, par le biais du droit, peut imposer aux actes
d’exp6rimentation. La ldgitimitd, elle, se comprend dans un contex-
te beaucoup plus vaste de volontd sociale collective et de degr6 de
tolerance du groupe par rapport h l’acte.

Premire partie: La Idgalitd de l’exp6rimentation sur I’homme

Au Canada, comme dans bien d’autres pays, on s’interroge sur”
la 16galit6 de l’expdrimentation sur l’homme.4 La proximit6 des

4 Voir, h ce sujet, notamment, Mayrand, L’inviolabilitg de la personne hu-
maine (1975); Conseil de recherches m6dicales du Canada, supra, note 2;
Conseil des arts du Canada, Rapport du groupe consultatif de ddontologie
(1977); Commission de r6forme du droit du Canada, supra, note 3, et Le con-
sentement & l’acte mddical, par Somerville (1980); Bowker, Experimentation
on Humans and Gifts of Tissue: Articles 20-23 of the Civil Code (1973) 19’
McGill L.J. 161, et Legal Liability to Volunteers in Testing New Drugs (1963)
88 Can. Med. Ass. J. 745; Castel, Legal Implications of Biomedical Science and
Technology in the Twenty-First Century (1973) 51 Can. Bar Rev. 119, et
Nature and Effects of Consent with Respect to the Right to Life and the

1981]

L’EXPI RIMENTATION SUR LES HUMAINS

Etats-Unis est probablement un facteur d6terminant dans l’int6r~t
manifest6 par les juristes canadiens pour ce problme. D’une part,
certains abus commis aux Etats-Unis et r6cemment divulgu6s ont eu
pour effet d’6veiller ropinion publique au problme.5 D’autre part,
la richesse de la litt6rature am6ricaine, notamment les travaux de
la National Commission for the Protection of Human Subjects of
Biomedical and Behavioral Research,6 a servi de stimulant h la re-
cherche en la mati6re. Au Canada, comme ailleurs, le juriste se
heurte h de sdrieuses difficultds dans la recherche et l’apprdciation
de la situation de fait. I1 se butte en gdndral h une impossibilit6 de
savoir pr6cis6ment ce qui se ddroule au point de vue expdrimenta-
tion dans les h6pitaux, les laboratoires, les universitds et les cen-
tres de recherche. C’est donc, malheureusement, sur la pathologie
de la mddecine qu’il doit souvent travailler. I1 n’a, au sujet de 1’ex-
p6rimentation, que les renseignements qui lui parviennent quant
aux mdthodes ou protocoles controvers6s, ou aux erreurs de juge-
ment susceptibles de donner naissance h des poursuites judiciaires.
Plusieurs facteurs sont h la source de cette difficult6. D’abord,
il est fort ardu de qualifier la recherche sur 1’6tre humain. Certains

Right to Physical and Mental Integrity in the Medical Field: Criminal and
Private Law Aspects (1978) 16 Alta L. Rev. 293 [ci-apr~s: Nature and Effects];
Crdpeau, Le consentement du mineur en mati~re de soins et traitements md-
dicaux ou chirurgicaux selon le droit civil canadien (1974) 52 R. du B. can.
247; Dickens, Information for Consent in Human Experimentation (1974) 24
U.T.LJ. 381 [ci-apr~s: Information]; Contractual Aspects of Human Medical
Experimentation (1975) 25 U.T.LJ. 406 [ci-apris: Contractual Aspects], et
The Use of Children in Medical Experimentation (1975) 43 Med. Leg. J. 166;
Deleury, “Le corps humain, personnalit6 juridique et famille en droit cana-
dien” in Association Henri-Capitant, Le corps humain et le droit (1975),
t.
XXVI, aux pp. 57 et seq. [ci-apr~s: Le corps humain], et Une perspective nou-
velle: le sujet reconnu comme objet du droit (1972) 13 C. de D. 529 [ci-apr~s:
Une perspective nouvelle]; Fortin, Jodouin & Popovici, “La sanction et la
r6paration des atteintes au corps humain en droit canadien” in Association
Henri-Capitant, supra, aux pp. 303 et seq.; H6Ieine, Le dogme de l’intangibilitd
du corps humain et ses atteintes normalisdes dans le droit des obligations
du Qudbec contemporain (1976) 36 R. du B. 2; Kouri & Ouellette-Lauzon,
“Le corps humain et la libert6 individuelle en droit canadien” in Association
Henri-Capitant, supra, aux pp. 439 et seq.; Larouche, (1972) 3 R.G.D. 307, no
93, b la p. 400; Ouellette-Lauzon, (1972) 32 R. du B. 510, et (1973) 33 R. du B.
11 Osgoode Hall L.J. 103, et
516; Rozovsky, Consent to Treatment (1973)
Waddamns, Medical Experiments on Human Subjects (1967) 25 U.T. Fac. L. Rev.
25.

5 Voir Pappworth, supra, note 1.
6 Voir Protection of Human Subjects, 45 C.F.R. 46 (1980 ; 1362.24 (1980);

1410 (1980).

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 26-

actes m6dicaux peuvent ne pr6senter ext6rieurement aucune des
caractdristiques de l’exp6rimentation, alors qu’une analyse plus
pouss6e les rdv6lerait peut-8tre. De plus, il existe sans doute une
conspiration du silence de la part du corps m6dical et scientifique.
Le chercheur n’aime pas que le juriste vienne scruter ce qu’il fait.
La crainte rdelle ou imaginaire du jugement juridique et de pour-
suites 6ventuelles s’interpose, emp6chant ainsi une analyse factuelle,
et partant la collecte de l’information. Enfin, il n’existe pas, au
Canada, de vdritable politique nationale en mati6re de recherche
scientifique assurant une uniformit6 au niveau des nornes de con-
duite. Les organismes gouvernementaux ou .paragouvernementaux
qui octroient les cr6dits de recherche ont leur exigences,7 et la plu-
part des universitds ont, elles aussi, d6fini des r~gles d’6thique. 8
Ces normes peuvent cependant varier de fagon significative. De
plus, une bonne partie de la recherche est l’oeuvre de l’entreprise
priv6e sur laquelle le contr6le public est extrAmement restreint.
Si le besoin d’une certaine uniformisation des politiques et des nor-
mes se faisait &ventuelleinent sentir, il n’y a aucun doute qu’il
serait probablement indispensable de proc6der d’abord h une vaste
enqu~te factuelle de fa;on h avoir un vdritable portrait de la
situation, un peu comme la chose a dtd faite r6cemment en mati~re
d’avortement.9 Le juriste, dans l’apprdciation qu’il peut faire de
la ldgalitd de
‘exp6rimentation sur les 6tres humains, doit se fon-
der sur des faits prdcis et non sur des hypotheses, des conjectures
ou m me de simples anecdotes.

I. Les sources

L’expdrimentation sur les sujets humains est r6glementde, au
Canada et au Qudbec, sur plusieurs plans diffdrents. Au niveau in-
ternational, tout d’abord, le Canada est lid par les r~gles du droit
international, donc par l’ensemble des normes imposdes par les

7 Voir Conseil des Arts du Canada, supra, note 4, et Conseil de recherches

mdicales du Canada, supra, note 2.

8 Voir, notamment, Universitd de Montreal, Propositions du Comitd de la
recherche 6 l’Assemblde universitaire relatives au rapport du Sous.comitd
pour l’dtude de l’utilisation des 6tres humains en expgrimentation (s.d.);
McGill University, Facult6 de m6decine, Notes for the Guidance of Faculty
Members Reviewing Clinical Research Applications (s.d.); University of To-
ronto, Handbook on the Use of Human Subjects (1975), et University of
British Columbia, University Policy on Procedures in Research and Other
Studies Involving Human Subjects (s.d.).

9 Voir Rapport du Comitg sur l’application des dispositions ldgislatives

sur l’avortement (1977).

1981]

L’EXPI RIMENTATION SUR LES HUMAINS

textes. Le pacte des Nations Unies sur les droits civils et politiques,’0
ratifi6 par le Canada en 1976,11 pr6voit qu’une personne ne peut
6tre soumise “sans son libre consentement h une exp6rience m6di-
cale ou scientifique”. 12 Les r gles non officielles rdcemment 61abo-
r~es par rAssociation m6dicale mondiale h Helsinki et Tokyo, 3
ainsi que le Code de Nuremberg de 1947,1 ont, en outre, au moins
une force morale 5 Au plan des libert6s publiques, la Ddclaration
canadienne des droits ne traite pas directement de la question.’6
Elle reconnait toutefois le droit de l’individu h la vie, h la libert6
et h la s6curit6 de sa personne. 17 La Charte des droits et libert~s
de la personne du Qu6bec protege 6galement des valeurs qui peu-
vent 6tre mises en pdril par
‘exp6rimentation, telles que le droit
i la vie, h la sfjret6 et h ‘int6grit6 de la personne, ainsi que le droit
au respect de la vie priv6e.’8 A ces textes, il convient d’ajouter les
dispositions de l’article 19 C.c. qui 6nonce:

La personne humaine est inviolable.
Nul ne peut porter atteinte a la personne d’autrui sans son consentement
ou sans y 6tre autoris6par la loi.
En mati~re de droit pdnal, de juridiction f6d6rale, un certain
nombre de dispositions du Code criminel touchent l’exp6rimenta-
tion sur les 6tres humains. L’article 14 6nonce que nul ne peut
consentir h ce qu’on lui inflige la mort et qu’un tel consentement
ne modifie pas la responsabilit6 criminelle de l’auteur. Au chapitre
du Code sur les infractions contre la personne, on retrouve les
textes d’incrimination classiques allant des voies de fait simples au
meurtre, en passant par la n6gligence criminelle, dispositions qui
couvrent donc toute la gamme des agissements ill6gaux sur la per-

I0 Voir The International Covenant on Civil and Political Rights, GA.
[ci-

Res. 2200, 21 U.N. GAOR, Supp. (No. 16) 49, U.N. Doc. A/6316 (1966)
apris: The International Covenant].

“Le Canada a adh6r6 au Pacte le 19 mai 1976. Voir Multilateral Treaties
in Respect of which the Secretary.General Performs Depositary Functions
[;] List of Signatures, Ratifications, Accessions, etc. as at 31 December 1979
(ST/LEG/SER.D/13), ch. IV, no 4, h la p. 111.

12 Voir The International Covenant, art. 7 [notre traduction].
“3Voir supra, note 3.
14 Voir le Code d’9thique de Nuremberg dans la recherche mddicale [dispo-
nible en Annexe C-1 du rapport du Conseil de recherches m6dicales du Cana-
da, supra, note 2; ci-apres: Code de Nuremberg].

‘0 Voir, g6n6ralement, sur 1’internationalisation des r~gles, Auby, La forma-
tion d’une r~gle internationale en mati re mddicale: les conditions de vali-
ditd de l’expgrimentation mddicale sur ‘homme (1959) 4 Ann.dr.mdd.inter. 9.

1 Voir S.C. 1960, c. 44, et S.R.C. 1970, App. III [ci-apr~s: Dgclaration].
17Voir Ddclaration, art. l(a).
18 Voir L.R.Q., c. C-12, arts 1 et 5.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 26

sonne humaine. 19 Enfin, l’article 45 rdgit la responsabilit6 du mdde-
cin. L’acte m6dical ou chirurgical est considdr6 par le droit p6nal
canadien de tradition britannique comme constituant des voies de
fait. Ce texte protege cependant de toute responsabilit6 criminelle
si l’opdration est faite pour le bien du patient, est pratiqude avec
des soins et une habilet6 raisonnable, et s’il 6tait raisonnable de
la pratiquer eu 6gard a l’6tat de sant6 de la personne et 4t toutes
les autres circonstances. 20

Au Quebec,21 au plan du droit civil, le Code civil a 6t6 rdcem-
2 h la suite d’un rapport de l’Office de r6vision du
ment modifi,
Code civil paru en 1971? 3 L’article 20 traite plus particuli~rement
de l’expdrimentation. II permet au majeur de consentir par 6crit
a sy soumettre, pourvu que le risque encouru ne soit pas hors de
proportion avec le bienfait qu’on peut en tirer. Dans un second
alinda, il autorise le mineur “dou6 de discernernent” A le faire dgale-
ment, h condition qu’il n’en r6sulte pas un risque sdrieux pour sa
sante et qu’il ait prdalablement obtenu le consenternent de l’auto-
rit6 parentale et l’autorisation du juge. Ce texte n’a pas encore don-
n6 naissance h une analyse jurisprudentielle de fond, mais pose
d6jh de sdrieux probl~mes d’interprdtation sur lesquels nous revien-
drons.

Au plan de l’6thique professionnelle, on retrouve deux catdgo-
ries de rdglementation. La premiere est constitude des r~gles de
ddontologie mddicale ou scientifique.24 La violation de ces disposi-
tions entraime la possibilit6 pour le chercheur d’une sanction disci-
plinaire imposde par les autoritds chargdes de la surveillance de la
corporation professionnelle. La seconde est compos6e des diverses
r~gles de biodthique que se sont donndes des corps de recherche

‘9 Voir arts 196-281 C.cr.
20 Volr, pour une analyse critique de ce texte et des recommandations de
rdforme, Commission de rdforme du droit du Canada, Le traitement mddical
et le droit criminel (1980), ainsi que Preliminary Study on the Law on the
Control of Life, par Starkman (1974), aux pp. 1 et seq.

211 existe, dans les provinces canadiennes de common law, certaines
dispositions 16gislatives qui touchent A 1’exp6rimentation de fagon indirecte.
Voir, e.g., en Ontario, The Human Tissue Gift Act, 1971, S.O., c. 83.
22 Voir Loi modifiant de nouveau le Code civil et modifiant la Loi abolis-

sant la mort civile, L.Q. 1971, c. 84.

23 Voir Rapport sur la reconnaissance de certains droits concernant le corps
humain (1971). Pour la gen~se de ce rapport, voir Bowker, supra, note 4,
L la p. 162.
2 4 Voir R~glement concernant le Code de ddontologie, G.O.Q., 1980.11.1878
[mddecins]. Voir, 6galement, Association mddicale du Canada, Code de
ddontologie.

19811

L’EXPI-RIMENTATION SUR LES HUMAINS

gouvernementaux ou privds et les organismes chargds du finance-
ment de la recherche scientifique.F5 Ces derni~res ont avant tout
un but prdventif. Ainsi, une demande de subvention de recherche
non conforme aux normes impos6es sera rejet6e. Par contre, les
r~gles de conduite que doit respecter le chercheur au sein d’un
organisme de recherche donn6 ne font apparemment l’objet d’au-
cune sanction 16gale proprement dite sur le plan p6nal ou civil.

Cette br~ve 6num6ration des sources de la r6glementation en
mati~re d’exp6rimentation sugg~re plusieurs observations. En pre-
mier lieu, il est regrettable de constater l’absence d’une approche
systdmatique et intdgr6e aux problkmes posds par l’exp6rimentation.
Cette carence soulve des difficultds. Sur un sujet aussi important,
et face h la pouss6e des sciences biomddicales, on souhaiterait voir
h l’int6rieur d’une m~me juridiction, une universalisation et une
uniformisation des r~gles. Celles-ci, en effet, qu’elles soient p6nales,
civiles, disciplinaires ou m~me internationales sont toutes basdes
sur un certain nombre de grands principes fondamentaux. Aussi,
la difficult6 d’une approche syst6matique se pose-t-elle beaucoup
moins que dans d’autres domaines. Cette uniformisation serait 6mi-
nemment ddsirable, h tout le moins d’une part, entre le droit civil
et le droit p6nal et d’autre part, au niveau des rbgles de ddontologie
et d’6thique professionnelle. En second lieu, h tr~s peu d’exceptions
pros, il est int6ressant de constater que le droit traite l’expdrimen-
tation comme un fait et non comme un processus. I1 prohibe et
interdit, 6num~re les conditions dans lesquelles une exp6rience peut
8tre mende, et discipline les contrevenants. II intervient donc avant
ou apris le fait. Nulle part, cependant, ne met-il en place des
mdcanismes qui permettraient un contr6le continu de la 16galit6,
c’est-h-dire une vdrification concrete du ddroulement des exp6ri-
mentations sur les sujets humains dans le but de s’assurer de leur
conformit6 h la 16galit6. La loi ne prdvient ou ne tient donc compte
que des abus dont elle peut avoir connaissance, c’est-h-dire des plus
criants. Le simple fait que, dans toute
‘histoire jurisprudentielle
canadienne, on ne puisse rapporter qu’une seule instance portant
sur l’expdrimentation non th6rapeutique nous parait significatif. 6
Ceci n’indique pas une absence de problkme, mais t6moigne sim-
plement d’un certain vide que la loi n’a pas su combler au plan du
contr6le.

25 Voir supra, notes 8 et 9. Voir, dgalement, Frenkel, Human Experimenta-

tion: Codes of Ethics (1977) 1 Leg. Med. Q. 7.

26Voir Halushka v. University of Saskatchewan (1965) 53 D.L.R. (2d) 436

(Sask. C.A.).

McGILL LAW JOtIRNAL

[Vol. 26

II. L’tat actuel du droit

Certains pays, dont la France, consid~rent traditionnellement
comme illdgale en elle-m~me toute expdrimentation non th6rapeuti-
que sur l’homme. Un certain nombre de ddcisions jurisprudentielles
rest6es c6lbres sont h l’effet que l’intervention mddicale pratiqude
sur l’homme, m~me avec son consentement, est contraire h l’ordre
public, d~s lors qu’elle n’offre aucune consideration d’ordre th6ra-
peutique? 7 Le consentement du sujet, m~me libre et 6clair6, ne
suffit donc pas h exondrer le m6decin d’une 6ventuelle responsabi-
lit6 p6nale. Sur le plan civil, tout au plus peut-il servir h diminuer
la responsabilit6 du mddecin par l’application de la locution latine
volenti non fit injuria. Cette prise de position jurisprudentielle ra-
dicale ne rencontre pas l’adhdsion unanime de la doctrine. M.
Jean-M. Auby, par exemple, en fait une critique sdv~re et note que,
malgr6 cette r~gle, de telles exp6riences sont pratiqudes en France,
comme ailleurs. 28

Quant au droit criminel canadien, il n’est pas certain qu’une
exp6rimentation non thdrapeutique, pratiqu~e avec le consentement
du sujet, soit techniquement 16gale et ne contrevienne pas aux dis-
positions de l’article 45 C.cr. En effet, ce texte rdussit le tour de
force de ne pas mentionner le consentement comme condition de
lgalit6 de l’intervention m6dicale.29 I1 est cependant pour le moins
curieux de constater que ce type d’exp6rimentation se pratique
couramment depuis fort longtemps au Canada sans avoir donn6
naissance h des poursuites p6nales. De m6me, les interventions des
juristes, moralistes et scientifiques portent toutes sur la mise en
place de m~canismes de contr6le, mais ne remettent pas en question
la lgalit6 m~me de l’exp~rimentation scientifique.

La position du droit civil canadien est h l’inverse, en raison de
la pr6sence de l’article 20 C.c. qui lgalise l’exp6rimentation h
certaines conditions prdcises. II persiste malgr6 tout une certaine
ambigut6, le texte ne pr6cisant pas si le l6gislateur entend designer

27Voir Aix, 22 octobre 1906, D.P.1907.II41, note M6rignhac; Lyon, 27 juin
1913, D.P.1914.II.73, note Lalou; Trib.civ.Seine, 16 mai 1935, D.P.1936.II.9, note
Desbois; Paris, 11 mai 1937, S.1938.II.71; Cass.Crim., ler juillet 1937, S.1938.I.193,
note Tortat, et Paris, 18 janvier 1974, D.S.1974.196, concl. Granjon, et obs.
Nerson in (1974) 72 Rev.trim.dr.civ. 801.
28 Voir Les essais de mddicaments sur l’homme: problmes juridiques
29 Voir, h ce sujet, Fortin, Jodouin & Popovici, supra, note 4, aux pp. 317
et seq.; Groffier-Atala, De certains aspects juridiques du transsexualisme
dans le droit qudbicois (1975) 6 R.D.U.S. 114, aux pp. 129 et seq., et Commis-
sion de rdforme du droit, supra, note 3, aux pp. 303 et seq.

(1977).

19811

L’EXPIaRIMENTATION SUR LES HUMAINS

ainsi l’exp6rimentation scientifique ou seulement la th6rapie exp6-
rimentale. La lecture des travaux pr6paratoires permet cependant
de penser, avec d’autres, que le texte du Code civil vise avant tout
l’acte d’exp6rimentation non th6rapeutique 8 1 Le Projet de Code
civil lkve d’ailleurs cette ambigu’t6, puisque le texte propos6 utilise
l’expression “exp6rimentation non th6rapeutique”.32
nomn6rment
Cette derni~re serait donc 16gale a priori en droit qu~b6cois, encore
que soumise ht un certain nombre de conditions imp6ratives fixdes
par le l6gislateur. Ainsi, le sujet doit d’abord avoir donn6 son adh6-
sion par un consentement libre et 6clair6. En second lieu, il doit
avoir eu la capacit6 16gale de donner ce consentement. Enfin, il
doit exister une proportion objectivement acceptable entre le ris-
que encouru par le sujet et le b6n~fice qu’on peut esp6rer tirer
de l’exp6rience.

A. Le consentement

La thdorie gdn6rale et les r~gles de base du consentement sont
trop bien connues pour qu’il soit ndcessaire de les examiner en d6-
tail ici.3 L’application de ces r~gles au domaine medical pose ce-
pendant des difficultds particuli~res en raison du contexte philo-
sophique et moral sous-jacent.

1. L’existence du consentement

L’exp6rimentation scientifique faite sur l’homme sans son con-
sentement est nettement ill6gale et constitue des voies de fait sur
le plan p6nal, ainsi qu’une faute sur le plan civil, celle-ci donnant
ouverture h une r6clamation en dommages. Le principe ne fait pas
de doute. Alors qu’en mati~re de traitement, il est parfois possible
de faire fi du consentement du patient lorsqu’il y a urgence et que
celui-ci n’est pas en 6tat de manifester sa volont6,.4 aucune urgence
ne saurait justifier l’absence de consentement du sujet en mati~re
d’exp6rimentation non th6rapeutique. Ce principe est d’ailleurs

30 Voir supra, notes 22 et 23.
3t Voir, en ce sens, H61eine, supra, note 4, A la p. 30, et Groffier-Atala,
supra, note 29, aux pp. 123 et seq. Mais, voir Bowker, supra, note 4, h la p.
166.
32 Voir Office de r6vision du Code civil, Rapport sur le Code civil du Qug-
bec (1978), vol. I: Projet de Codle civil, Livre premier: Des personnes, art. 16.
33 Voir, sur le consentement en mati~re m6dicale, Castel, Nature and

Effects, et Commission de r6forme du droit, supra, note 4.

34 Voir Mayrand, supra, note 4, no 37, aux pp. 46 et seq. Voir, dgalement,
Raglement concernant le Code de ddontologie, G.O.Q., 1980.11.1878 [m6decins].

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 26

formellement 6nonc6 par P’article 19 C.c. Le Code civil exige que
le consentement h 1’expdrimentation et la r6vocation du consente-
ment soient 6crits2 5 Le probl~me se pose cependant de savoir s’il
est question d’une formalit6 habilitante, ndcessaire h la validit6
m~me du consentement, ou d’une simple formalit6 de preuve. Les
auteurs se montrent d’accord pour voir dans cette exigence une
condition de validitd, 36 la formalit6 permettant de s’assurer de la
rdalit6 .du consentement de l’intdress6 surtout en mati6re de don
d’organes, sujet auquel la disposition prdcitde s’applique dgalement.
Par contre, il est surprenant que le ldgislateur ait exig6 l’6crit pour
la revocation du consentement hi l’expdrimentation. I1 serait, en
effet, absurde de supposer que celle-ci n’est valable que si elle est
dcrite. Comme le signale un auteur,37 il s’agit tr~s probablement
d’une maladresse de rddaction h la suite des ddbats parlementaires
qui ont entour6 le projet de loi. I1 nous paralit clair que la conti-
nuation d’une exp6rimentation h l’encontre de la volont6 du sujet de
1’exp6rience verbalement exprimde constituerait un acte criminel
et une faute civile,3 8 h moins, 6videmrnment, que l’arr~t h ce moment
prdcis ne prdsente un danger pour ‘le sujet. Dans le Projet de Code
civil, cet impair a dt6 corrig62 9 Le Projet maintient 1’exigence de
l’6crit pour que le consentement soit valablement donn6, mais
pr6voit que la rdvocation peut Atre simplement verbale.

2. Le consentement libre

D’une faron gdndrale, pour que le consentement donn6 soit
valable, il faut qu’il ne soit pas le fruit d’une erreur simple ou
provoqude par un dol, ni qu’il ait 6t6 obtenu sous 1’effet de la
crainte. 0 En mati~re d’expdrimentation, ces exigences prennent une
coloration tr~s particulihre. Tout d’abord, il est certains cas oii le
succ~s m~me de 1’exp6rience d6pend directement du fait que l’on

35 Voir art. 20, al. 4 C.c.

La Idgislation de certaines provinces canadiennes est au meme effet.

Voir, e.g., en Ontario, The Human Tissue Gift Act, 1971, S.O., c. 83, art. 3.
Par ailleurs, la r6glementation statutaire qudb6coise exige dgalement la
r4daction d’un 6crit dans certains cas particuliers. Voir, A ce sujet, Ragle-
ment en vertu de la Loi sur les services de santg et les services sociaux,
G.O.Q., 1972.11.10566.

supra, note 4, h Ia p. 36.

3 6 Voir, notamment, Mayrand, supra, note 4, no 35, A la p. 44, et Hdleine,
7Voir Hleine, supra, note 4, aux pp. 34 et seq.
58Voir, en ce sens, Mayrand, supra, note 4, no 62, aux pp. 83 et seq., et
30Voir Office de r6vision du Code civil, supra, note 32.
40 Voir arts 988 et 991 et seq. C.c.

Hdleine, supra, note 4, & la p. 45.

19811

L’EXPt RIMENTATION SUR LES HUMAINS

trompe de fagon d6libr6e le sujet en tronquant la v6rit6 ou en
omettant de lui rdvdler un fait important. Ainsi, il y a quelques an-
ndes, aux Etats-Unis, on divisa un groupe de volontaires en deux
categories, les “professeurs” et les “6lves”, pour les fins d’une
experience donne .41 Aux premiers, on expliqua que le but de celle-
ci 6tait de v6rifier l’impact du chtiment corporel sur l’apprentis-
sage. Les “professeurs” devaient done faire apprendre certaines
choses aux “6lves” et leur administrer des chocs 6lectriques ou des
brdlures sur les mains lorsque ces derniers faisaient defaut de se
souvenir de textes appris par coeur. Plus l’exp6rience progressait,
plus les 61ves montraient des difficultds d’apprentissage, et plus
le groupe de “professeurs” avait 5 punir s6v~rement. Ces derniers
ignoraient toutefois que le but v6ritable de l’experience 6tait de
mesurer leur instinct punitif et la capacit6 d’un individu d’atre le
bourreau d’autres personnes. Les “61ves” simulaient 6videmment
la douleur, jouant une com6die bien orchestrde.

Dans ce cas, comme dans certaines esp~ces d’utilisation de l’effet
le sujet est
placebo ou d’expdriences double ou simple aveugle,4
deliberement tromp6. Y a-t-il alors consentement valable? Sinon,
l’expdrimentation devient-elle par ce fait m~me illdgale? La r6-
ponse ; cette derni~re question n’est pas simple. D’aucuns repon-
dent de fagon positive, estimant qu’on ne doit jamais d6libr&
ment tromper le sujet. D’autres, par contre, se placent sur un plan
utilitaire. Certaines de ces exp6riences sont socialement utiles et
b6n6fiques et seraient l6gales, m&me s’il y a tromperie, h condition
de ne presenter pour le sujet que des risques ndgligeables. 43 Dans
i’exp6rience ddcrite plus haut, ce ne fut certes pas le cas, plusieurs
des “professeurs” ayant par la suite 6prouv6 de s6rieux troubles
psychologiques. C’est probablement la seconde attitude qui est la
plus rdaliste. Toutefois, comme le fait d’ailleurs remarquer le rap-
port du Conseil de recherches mddicales du Canada, on devrait
alors exiger du chercheur, au plan 6thique, qu’il ddmontre l’impos-
sibilit6 de mener la recherche h bien en utilisant des sujets pleine-
ment et loyalement informds. 4 Cette exigence, jointe au caract~re
ndgligeable des risques pour le sujet, pourraient constituer des con-
ditions sine qua non h la lgalit6 de l’exp~rience dans de tels cas.
et peut-6tre surtout –

La libert6 de consentement pose aussi –

le probl~me du respect du caract~re volontaire de la participation

41 Voir, h ce sujet, Dickens, Information, aux pp. 398 et seq.
42 Voir, quant aux experiences pharmaceutiques, Auby, supra, note 28.
4 3Voir, en ce sens, Commission de rdforme du droit, supra, note 3, aux pp.
44 Voir supra, note 2, aux pp. 23 et seq.

284 et seq.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 26

l’acte, h l’6gard de certaines cat6gories de personnes plus soumises
que d’autres h la pression resultant d’un 6tat de ndcessit6. I1 en
va ainsi des mourants, ce qui a pouss6 certains h interdire toute
exp6rimentation h leur endroit, 5 et des prisonniers. Quant h ces
derniers, la controverse est grande. Tous, en prenier lieu, manifes-
tent une rdticence certaine h l’dgard de la participation des d6te-
nus h une exp6rimentation scientifique. Ceux-ci se trouvent en effet
dans une situation de ddpendance cr66e par leur 6tat mme. Leur
motivation est aussi suspecte parce que souvent fondde sur l’ex-
pectative de l’obtention de certains avantages matdriels ou privilk-
ges propres h briser la monotonie de leur vie routini6re. Ces argu-
ments poussent m~me certains h. exclure purement et simplement
ce groupe de citoyens de la catdgorie de ceux sur lesquels l’exp6ri-
mentation non th6rapeutique devrait 6tre lgalement possible.40
D’autres, au contraire, soutiennent qu’une telle participation per-
met au ddtenu de se revaloriser et qu’il est injuste et discriminatoi-
re de les 6liminer d~s le ddpart.4 7 La solution se situerait donc beau-
coup plus dans la mise en place de mesures de protection particuli6-
res h leur endroit que dans une interdiction gdndrale. En d’autres
termes, le prisonnier ne serait pas 16galement considdr6 comme un
6tre ht part, mais seulement comme un etre qui, en raison de sa
situation particuli~re, requiert une protection juridique accrue.

Au Canada, si l’on en croit la directive fdddrale sur la conduite
des professionnels de la sant6 dans les institutions p6nitentiaires, 4
il semble que toute expdrimentation non th6rapeutique soit effecti-
vement prohibde. Aux Etats-Unis, d’autre part, la question a fait
l’objet de volumineuses 6tudes.49 Conscientes des abus parfois extr&

45Voir, notamment, en Grande-Bretagne, Medical Research Council, Res-
ponsibility in Investigations on Human Subjects, Cmd. No. 2382 (1963), et
Ethics of Investigations with Human Subjects: A Set of Principles Proposed
by the Scientific Affairs Board (1977) 30 Bull. of Brit. Psych. Soc. 25.

46 La grande majoritd des Etats amdricains –

et notamrnment l’Etat de
New York –
a adoptd cette position. Voir, A ce sujet, Annas, Glantz & Katz,
Informed Consent to Human Experimentation: The Subject’s Dilemma (1977),
aux pp. 128 et seq.

Voir, dgalement, le Code de Nuremberg, lequel prohibe implicitement

l’expdrimentation sur les prisonniers de guerre.

47 Voir Mayrand, supra, note 4, no 29, aux pp. 35 et seq.
48 Voir Directives concernant la conduite des professionnels de la santd

dans le systame pdnitentiaire du Canada (s.d.), art. 24.

49Voir supra, note 6. Voir, dgalement, Hodges & Bean, The Use of Pri-
soners for Medical Research (1967) 202 J.A.M.A. 513; Ritts, A Physician’s View
of Informed Consent in Human Experimentation (1968) 36 Fordham L. Rev.
631; Bach-y-Rita, The Prisoner as an Experimental Subject (1974) 229 J.A.M.A.
45; Annas, Glantz & Katz, supra, note 46, aux pp. 103 et seq., et Hatfield,
Prison Research: The View from Inside (1977) 7 Hastings Cent. Rep. 11.

19811

L’EXPI RIMENTATION SUR LES HUMAINS

mes que les expdriences sur les prisonniers ont dejh entran6s
dans ce pays, ces recherches s’orientent toutes vers la seconde
solution. Ainsi, la National Commission for the Protection of
Human Subjects of Biomedical and Behavioral Research recomman-
de que l’exp6rimentation soit permise, mais h des conditions extr–
mement strictes, telles l’absence totale de r6mun6ration ou d’avan-
tages, l’accr6ditation stricte des programmes de recherche, etc.,
celles-ci permettant de s’assurer que la science n’exploite pas la si-
tuation particuli~re dans laquelle se trouve le d6tenu5

3. Le consentement Oclaird

Le consentement ne doit pas seulement 8tre libre. I1 doit encore
6tre 6clair6. Cette condition impose h l’exp6rimentateur l’obligation
de divulguer au sujet la nature, les buts, les effets et les consequen-
ces possibles de 1’expdrience 51

On peut toutefois se poser la question de savoir si le consente-
ment doit porter uniquement sur l’appr6ciation ou l’6valuation des
risques possibles ou 6galement sur les buts scientifiques de l’exp6-
rimentation. Un exemple permet d’illustrer la difficult6. Dans le
cadre d’une 6tude portant sur le taux de r6cupdration, de morbidit6
et de depression post6rieurement h un accouchemen’t normal et h
un avortement, une femme pourra volontiers consentir h rdpondre
A un questionnaire et permettre l’acc~s h certains renseignements
d’ordre confidentiel. Si le but ultime de l’exp6rience est cependant
de d6montrer que l’avortement est prdf6rable h une continuation de
grossesse dans certains cas, cette m~me femme pourrait avoir des
objections morales ou religieuses h s’engager dans une exp6rience
ayant pour but de promouvoir un acte qu’elle n’approuve pas.5
Le droit ne s’est pas encore prononc6 sur cette question.5 Ii nous
parait que le sujet doit toujours consentir en fonction de l’ensemble
de 1’exp6rience, et que le chercheur a ainsi une obligation de divul-
guer non seulement les risques et inconv6nients possibles, mais
aussi les buts qu’il poursuit. L’6valuation de ces renseignements fait
partie intdgrante du processus d6cisionnel.

GO La libert6 du consentement pose 4galement le problme de la rdmun6ra-
tion attachde h 1’exp6rimentation et donc, dans certains cas, de la contrainte
pouvant rdsulter dun 6tat de ndcessit6.

Cette question ne fait toutefois pas l’objet de la prdsente 6tude.

(3d) 67 (C.S.C.), et Reibl v. Hughes (1980) 114 D.L.R. (3d) 1 (C.S.C.).

51 Voir, bi ce sujet, en commoi law canadien, Hopp v. Lepp (1980) 112 D.L.R.
52 Voir Dickens, Information, aux pp. 393 et seq.
53Voir, toutefois, Commission de r6forme du droit, supra, note 4. Egale-
ment, voir Jasvac, Informed Consent: Risk Disclosure and the Canadian
Approach (1978) 36 U.T. Fac. L. Rev. 191.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 26

Quant aux risques et inconv6nients, la r~gle de base demeure que
l’exp6rimentateur ne doit rien cacher au sujet, mais bien lui dd-
voiler d’une mani~re franche et nette les possibilit6s ou probabi-
lit6s d’un danger pour sa vie ou sa sant6, de m6me que les simples
inconv6nients ou inconforts passagers qu’il pourrait 6prouver. Cette
obligation doit cependant 8tre 6valu6e h la lumi~re des circonstances
particuli~res de chaque espce. Ainsi, il pourrait m~me y avoir
faute civile h trop insister sur certains risques lorsque cette in-
sistance pourrait avoir pour effet de rendre le sujet nerveux et
d’accroitre substantiellement les dangers de l’exp6rience. La seule
d6cision canadienne ayant port6 sur le probl~me de la divulgation
des risques en mati~re d’exp6rimentation non th6rapeutique est
l’affaire Halushka4 On avait repr6sent6 h un 6tudiant qui servait
de cobaye, que l’exp6rience comportait lusage d’un produit d’anes-
th6sie et l’introduction d’un cath6ter dans le bras. Par contre,
on lui avait cach6 deux faits tr~s importants, h savoir que l’anesthd-
sique en question 6tait un produit nouveau et que le cath6ter se
rendait jusqu’au coeur. Le sujet subit un arrAt cardiaque entrainant
des dommages neurologiques permanents. En maintenant l’action
en dommages contre l’universit6, la Cour rappela clairement l’obli-
gation de divulguer compl~tement et honn6tement au sujet tous
les risques importants et toutes les probabilit6s qu’un homme nor-
mal pourrait prendre en consid6ration avant d’accorder son con-
sentement. La dissimulation de certains faits pertinents, si elle peut
6tre valable en matibre de traitement de fagon h optimiser les
chances de succ~s, ne l’est cependant pas en mati~re d’exp6rimen-
tation scientifique pure.

L’obligation de l’exp6rimentateur ne s’6tend toutefois pas h une
description complbte de tous les aspects techniques de l’expdrien-
ce. Par contre, quel que soit le contenu de la divulgation, l’exp6ri-
mentateur doit s’assurer de la compr6hension r6elle du sujet. En
d’autres termes, le fait de divulguer ne suffit pas. II est en outre n6-
cessaire de v6rifier que le sujet a bien assimi16 les renseigne-
ments donn6s, les a compris et est en 6tat de donner un consente-
ment 6clair6.

B. La capacitg

L’incapacit6 juridique a toujours 6

consid6r6e comme un
moyen de protdger certains individus qui, en raison de 1’6tat de
leur d6veloppement mental, ne peuvent donner un consentement
libre et 6clair6, ou sont davantage sujets h 6tre exploitds par leur

54Voir supra, note 26.

1981]

L’EXPARIMENTATION SUR LES HUMAINS

semblables. En matiRre d’exp~rimentation, les problames de ca-
pacit6 se posent en pratique h l’endroit de trois cat6gories pr6-
cises de sujets d’exp~rience: le mineur, l’ali6n6 et le foetus.

1. Le mineur

L’incapacit6 qui frappe le mineur n’est pas absolue. Celui-ci
peut valablement poser certains actes avant d’atteindre l’Age de la
majorit6. I1 peut cependant en demander l’annulation ou la revision
lorsque ceux-ci lui causent pr6judice ou qu’il s’en trouve 1ds6. 50
La tendance actuelle tr~s nette, au Canada, permet au mineur de
prendre seul certaines decisions concernant sa sant6. Ainsi, au
Qu6bec, la Loi sur la protection de la santd publique pr~voit que
le mineur Ag6 de quatorze ans peut consentir seul aux soins et
traitements. 6 Lorsque ceux-ci sont prolong~s ou n~cessitent un h6-
bergement superieur 6 douze heures, le m~decin doit alors avertir
les parents. Le mineur de moins de quatorze ans, par contre, a
besoin du consentement du titulaire de l’autorit6 parentale. Cer-
taines provinces canadiennes presentent des dispositions analogues,
bien que la limite d’ige varie.57

Par ailleurs, l’article 20 C.c. permet au “mineur dou6 de discer-
nement” d’8tre sujet d’exp~rimentation a la condition d’obtenir
l’autorisation du titulaire de lautorit6 parentale et d’un juge de
la Cour sup~rieure. Le texte soul~ve deux difficult~s d’interpr~ta-
tion. En utilisant cette expression, le l~gislateur se r~ffre-t-il au
mineur de quatorze ans et plus dont fait 6tat la Loi sur la protec-
tion de la santg publique? De plus, cette exigence de l’article 20
s’applique-t-elle uniquement au cas d’exp6rimentation non th~rapeu-
tique ou 6galement h la therapie exp6rimentale? A la premiere
question, il nous semble que la r~ponse doit 6tre negative et ce,
pour deux raisons. Tout d’abord, la Loi sur la protection de la santg
publique a 6t6 adopt~e post~rieurement a l’article 20 C.c. En outre,
contrairement h cette loi qui vise soins et traitements, le Code
touche rexp~rimentation. Si le but de la disposition est de prot~ger
le mineur contre les abus, la capacit6 de discernement doit, au lieu
de suivre la r~gle arbitraire des quatorze ans, 6tre davantage laiss~e

55 Voir arts 986, 987, et 1001 it 1012 C.c.
56 Voir L.R.Q., c. P-35, art. 42. Egalement, voir Crdpeau, supra, note 4, et

Kouri & Ouellette-Lauzon, supra, note 4, aux pp. 452 et seq.

5 7 Voir, e.g., au Nouveau-Brunswick, Medical Consent of Minors Act, S.N.B.
1976, c. M-6.1, arts 2 et 3, et, en Ontario, The Public Hospitals Amendment
Act, 1972, S.O., c. 90, et Regulation 729, R.R.O. 1970, tel qu’am. Voir, 6galement,
Tomkins, Health Care for Minors: The Right to Consent (1975) 40 Sask. L. Rev.
41.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 26

t une apprdciation de fait variant selon les circonstances de chaque
cas prdcis. Quant h la seconde question, rappelons simplement
que le 1dgislateur a entendu parler d’exp6rimentation non thdrapeu-
lique58 Si celle-ci a vdritablement un caract~re thdrapeutique, il
faut, d~s lors, se rdf6rer aux dispositions rdgissant le traitement, et
notamment aux termes de la Loi sur la protection de la santd pu-
blique 9 Par contre, au plan de la politique legislative, nous croyons
que le caract~re exp6rimental du traitement colore ce dernier. Aussi,
souhaiterions-nous que les dispositions de l’article 20 C.c. y soient
6tendues.

Le droit civil canadien n’interdit donc pas 1’exp6rimentation sur
les enfants dou6s de discernement. I1 l’entoure cependant de con-
ditions s6v~res au plan du consentement, mais aussi au niveau du
type d’exp~rience qui peut 6tre mende. L’article 20 C.c., en effet,
prdcise que le risque pour le mineur ne doit pas 6tre “s6rieux”,
alors que pour le majeur, il ne doit pas 6tre “hors de proportion
avec le bienfait qu’on peut en espdrer”. I1 y a lh une nuance tr~s
importante, puisqu’il s’avdrerait illegal de soumettre un mineur h
une exp6rimentation dont le b6ndfice pour la science serait tr~s
dlev6, mais qui prdsenterait un risque sdrieux pour lui, alors que
la chose ne semble pas prohibde dans le cas du majeur, l’6quilibre
entre le bienfait et le risque demeurant le crit~re retenu. Toute-
fois, l’expdrimentation non thdrapeutique sur le mineur non dou6
de discernement semble d6fendue et ce, m~me avec le consentement
des parents et l’autorisation du juge

Le rapport du Conseil de recherches mddicales du Canada a lon-
guement d6battu cette question.0 1 Le rapport majoritaire s’est mon-
tr6 favorable h l’expdrimentation non th6rapeutique sur le mineur
non doud de discernement pour autant que toutes les conditions
concernant le consentement substitu’6 et le respect de l’dquation
risque/b6ndfice soient respectdes. La solution contraire, d’apr~s ce
rapport, aurait pour effet d’arrter toute recherche sur certaines
maladies spdcifiques aux enfants
(fibrose kystique, chorde de
Huntingdon, etc.), 6liminant pratiquement la possibilit6 d’y ap-
porter remade ou soulagement. Le rapport minoritaire veut, au
contraire, que les parents ou le tuteur, seuls ldgalement aptes h
donner un consentement h la place du mineur, ne puissent, aux
termes de leur obligation de fiduciaires, prendre une ddcision expo-

58 Voir supra, note 31.
5 Voir L.R.Q., c. P-35.
00 Voir Mayrand, supra, note 4, aux pp. 54 et seq.
101 Voir supra, note 2, aux pp. 30 et seq.

19811

L’EXPARIMENTATION SUR LES HUMAINS

sant l’enfant h des risques, alors que l’acte ne peut lui 6tre d’aucun
secours et ne lui apporter aucun bienfait. Aux Etats-Unis, la ques-
tion de l’expdrimentation sur les enfants a 6
longuement discu-
t6e.6
I1 semble, l encore, que les opinions ne soient pas d6finitive-
ment fixes. Cette incertitude paralt 6galement se manifester dans
les autres provinces canadiennes.

2. L’allun6

Le droit civil canadien contient plusieurs dispositions idgislati-
yes visant la protection du malade mental.s Aucune d’elles ne porte
toutefois directement sur la question de l’exp6rimentation. Les
problkmes soulevds h ce propos sont identiques h ceux qui se posent
au sujet du mineur incapable de discernement puisque, Ih aussi,
il paralt indispensable d’obtenir un consentement substitu6. Au
Qu6bec, seul un raisonnement par analogie peut permettre de d6-
gager une 6ventuelle solution. L’article 20 C.c., qui touche le mi-
neur, a pour effet de prohiber l’expdrimentation si ce dernier n’est
pas capable de discernement. La prohibition apparalit absolue
dans la mesure oit l’autorisation du d6tenteur de l’autorit6 paren-
tale ne suffirait apparemment pas. Le 16gislateur semble donc avoir
fait de cette capacit6 une condition sine qua non h la validit6 mme
de l’acte. Or, les consid6rations sur lesquelles il s’est bas6 sont iden-
tiques dans le cas de l’enfant et de l’alidn6. Aussi, par extension,
l’exp6rimentation sur l’ali6n6 incapable de discernement devrait-elle
6galement
tre ill~gale. On peut, de m~me, invoquer h l’appui de
cette th se le fait que l’article 334 C.c. rend nul tout acte fait par
l’interdit apr~s rinterdiction. Si la loi prend ainsi soin de d6clarer
nuls de tels actes dans le but de protdger le patrimoine de l’alidnd,
ne doit-on pas a fortiori lui offrir une protection au moins identique
lorsqu’il s’agit d’un acte portant atteinte h l’intdgrit6 de sa per-
sonne? Le Projet de Code civil vient confirmer cette interprdtation.64
L’article 17 du Livre premier stipule en effet qu’il est interdit de

62 Voir supra, note 6. Voir, 6galement, Annas, Glatz & Katz, supra, note 46,
aux pp. 63 et seq.; Curran & Beecher, Experimentation on Children: A
Reexamination of Legal Ethical Principles (1969) 210 J.A.M.A. 77; Skegg,
Consent to Medical Procedures on Minors (1973) 36 M.L.R. 370, et Ram-
sey, The Enforcement of Morals: Nontherapeutic Research on Children (1976)
6 Hastings Cent. Rep. 21.

De plus, voir

‘ddition sp~ciale du Medico-Legal News (1979),
Experimentation with Children: The Pawns of Medical Technology.

intitul6e

63Voir, e.g.,. arts 325-351 C.c., ainsi que Loi sur la protection du malade

mental, L.R.Q., c. P-41, et Loi sur la curatelle publique, L.R.Q., c. C-80.

04 Voir Office de r6vision dti Code civil, supra, note 32, art. 17.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 26

soumettre un majeur non doud de discernement h une exp6rimenta-
tion non th6rapeutique susceptible de pr6senter un danger pour
sa sant6.

I1 est extr~mement difficile de connaitre l’6tat du droit sur cette
question dans les autres provinces du Canada.65 Quant aux Etats-
Unis, il apparait que, d’une fagon gdndrale, l’expdrimentation sur
les ddficients mentaux soit permise h certaines conditions tr~s
strictes. I1 faut, par exemple, que la recherche porte sur la maladie
mentale et donc qu’un homme sain ne puisse 6tre utilis6 h la place
de l’ali6n6.6

3. Le foetus

L’expdrimentation sur le foetus pose des problRmes 6thiques
extr~mement complexes, 6
7 en raison du fait qu’il convient de dcider
si celui-ci est une personne humaine, 6 ou un simple produit de ]a
conception. A cet dgard, il existe une tr~s nette opposition entre
le droit criminel et le droit civil canadien.

En droit criminel, un enfant ne devient un 6tre humain, titu-
laire de la protection qu’offre le droit, qu’A partir du moment oi, il
est compl~tement sorti vivant du sein de sa m~re. 0 Pour qu’une
personne puisse 6tre trouvde coupable d’homicide h l’endroit d’un
enfant non encore n6, il est ndcessaire qu’il lui ait caus6 des bles-
sures avant sa naissance et que la consdquence ait dt6 de provo-
quer la mort de l’enfant apr~s qu’il soit devenu un 6tre humain.

05 Voir Dickens, Contractual Aspects, aux pp. 419 et seq.
66 Voir Annas, Glantz & Katz, supra, note 46, aux pp. 139 et seq., et Ratnoff,
.Who Shall Decide When Doctors Disagree? A Review of the Legal Develop-
ment of Implications of Proposed Lay Review of Human Experimentation
(1975) 25 Case West L. Rev. 472.
67Voir, h ce sujet, notamment, Ramsey, The Ethics of Fetal Research
(1975); Veatch, Experimental Pregnancy (1971) 1 Hastings Cent. Rep. 2;
National Commission for the Protection of Human Subjects of Biomedical
and Behavioral Research, Report on Fetal Research in (1975) 5 Hastings Cent.
Rep. 11, et Louisell, Fetal Research: Response to the Recommendations
(1975) 5 Hastings Cent. Rep. 9.

Voir, 6galement, Durand, Quel avenir? (1978), aux pp. 171 et seq.

68 Voir Commission de rdforme du droit, Esquisse d’un profil de la per-

sonne selon le droit, par Rivet (1979).

69 Voir art. 206 C.cr.

Voir, h ce sujet, Mayrand, supra, note 4, nos 56 et seq., aux pp. 71 et seq.;
Rivet, Quelques rdflexions sur le droit ! l’avortement dans le monde anglo-
saxon (1972) 13 C. de D. 591; Deleury, Le corps humain, aux pp. 63 et seq.;
Bdliveau, La rdforme de l’avortement et l’avortement d’une rdforme (1975)
35 R. du B. 563, et Weiler & Catton, The Unborn Child in Canadian Law
(1976) 14 Osgoode Hall L.J. 643, aux pp. 646 et seq.

19811

L’EXPARIMENTATION SUR LES HUMAINS

L’article 221 C.cr. 6rige cependant en infraction le fait de causer
la mort d’un enfant pendant la naissance, alors m~me que celui-ci
n’est pas encore un 8tre humain. L’avortement non th6rapeutique,
au sens sp6cifique donn6 h ce terme par la loi, constitue dgalement
un acte criminel.70 Pour le droit civil, au contraire, l’enfant non
encore n6 a des droits et est, h tout le moins, une personne humaine
en puissance.7 1 Ainsi, le Code civil prdvoit, dans certains cas, la
nomination d’un curateur pour pr6server ses int6r~ts et ses droits
patrimoniaux.72 De plus, la jurisprudence qudb6coise a reconnu h
l’enfant le droit de r6clamer pour les dommages subis par lui avant
sa naissance.7 3 Le probl6me en mati~re d’exp6rimentation se pose
donc b propos du foetus in utero. S’il est un 6tre humain aux yeux
de la loi, mais incapable de consentir, faut-il lui appliquer, en droit
civil, la m~me r~gle que pour le mineur et l’adulte incapable de dis-
cernement, et ainsi interdire toute intervention exp6rimentale? S’il
n’est plut6t qu’un simple produit de conception, le consentement
de la mare est-il alors suffisant?

La contradiction entre le droit criminel et le droit civil apparait
irr6ductible. I1 est probable que la recherche sur le foetus in utero
ne serait pas illdgale en elle-meme aux yeux du droit criminel. J1
est tout aussi probable qu’elle serait toutefois consid6r6e comme
contraire h l’ordre public en droit civil. Aux Etats-Unis, apris avoir
06 totalement interdite pendant un certain nombre d’anndes, 74
l’exp6rimentation sur le foetus a 6t6 de nouveau permise h certai-
nes conditions.” Par contre, plusieurs Etats amdricains ont expres-
s6ment criminalisd toute exp6rimentation sur le foetus vivant lors-
que celle-ci ne prdsente pas de caract~re th6rapeutique direct.75 Cette

70 Voir art. 251 C.cr.
71 Voir Mayrand, supra, note 4, nos 56 et seq., aux pp. 71 et seq., et Deleury,

Le corps humain, aux pp. 64 et seq.

72 Voir arts 338 et 345 C.c. Voir, de plus, arts 608, 771, 819, 838 et 945 C.c.
73 Voir Montreal Tramways Co. v. Lgveillg [1933] S.C.R. 456. Voir, cepen-
dant, Lavoie v. Citd de Riviare-du-Loup [1955] C.S. 452, oil le tribunal refusa
d’accorder des dommages h une mere pour la perte de son enfant, en se
basant sur les dispositions du Code criminel. Mais, voir l’affaire Dame Lan-
glois v. Meunier [1973] C.S. 301, oii le tribunal estima que la perte d’un
foetus de six mois constituait pour les parents un dommage au sens de
l’article 1053 C.c.

74Voir, h ce sujet, supra, note 6; Annas, Glantz & Katz, supra, note 46, aux
pp. 195 et seq.; Reback, Fetal Experimentation: Moral, Legal and Medical
Implications (1974) 26 Stan. L. Rev. 1191, et Deleury, Le corps humain, aux
pp. 68 et seq.

Voir, 6galement, Roe v. Wade 410 U.S. 113 (1973).

75 Voir supra, note 6.
7 8Voir Annas, Glantz & Katz, supra, note 46, aux pp. 206 et seq.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 26

derni~re position a 6galement 6t6 mise de l’avant en Grande-Breta-
gne. 7

C. Le risque acceptable

La derni~re condition posde h la ldgalit6 de l’exp6rimentation
veut que le risque couru par le sujet soit acceptable eu dgard au
b6ndfice qu’on esp~re tirer de l’exp6rience. La r~gle en la mati~re
est, au fond, la m~me que pour le traitement m6dical: il doit exister
un 6quilibre valable entre les risques encourus et le bienfait escomp-
t6. En mati~re de th6rapie exp6rimentale, plus la situation du pa-
tient est critique ou ddsesp6r6e, plus le m6decin peut se permettre
de courir un risque 6lev6. II apparait cependant impossible de g6-
n6raliser puisque tout demeure affaire de circonstances individuel-
les. La terminologie utilis6e par le lgislateur en droit criminel et
civil varie lg~rement, mais ddsigne en r6alit6 une m~me conception.
Le Code criminel utilise les expressions “pour le bien de cette [per-
sonne]” et “s’il est raisonnable de pratiquer l’op6ration, 6tant donn6
l’tat de sant6 de la personne … et toutes les autres circonstances
de l’esp~ce.”781 Le Code civil, pour sa part, parle d’un “risque [qui
n’est pas] … hors de proportion avec le bienfait qu’on peut en
esp6rer” et, dans le cas du mineur, d’un “risque s6rieux pour sa
sant”. 79 Lorsqu’il s’agit d’expdrimentation non th6rapeutique, on
ne saurait parler du b6n6fice ou du bien de la personne. L’acte n’est
pas pos6 darts le but de procurer un bienfait au sujet, au contraire
du traitement. 80 C’est l’humanit6 toute enti~re ou un groupe parti-
culier, par exemple les personnes souffrant de la maladie sur la-
quelle porte l’exp6rience, qui profiteront 6ventuellement de celle-
ci. Aussi, le Code civil traite-t-il du “bienfait qu’on peut en esp6rer”.
La difficult6 6vidente en la mati~re est l’impossibilit6 de quan-
tifier d’une fagon prdcise les risques connus et potentiels. I1 y a,

Material for Research (1972).

77 Voir Report of the Advisory Group on the Use of Fetuses and Fetal
78 Voir art. 45.
79 Voir art. 20.
8OParfois, notamment en mati~re de don d’organes, les tribunaux ont eu
tendance h donner au mot “thdrapie” un sens tr~s large. Ainsi, un tribunal
amdricain, en permettant le prdl~vement d’un rein sain sur un enfant au
profit de son fr~re jumeau, a-t-il jug6 qu’il s’agissait d’une intervention au
b6ndfice du donneur. En effet, celui-ci n’aurait pas a subir le traumatisme
psychologique que reprdsenterait pour lui la mort de son fr~re. II y a lh, h
notre avis, une d6formation complete de la notion de “bdndfice”. Voir, sur
cette question, Curran, A Problem of Consent: Kidney Transplantation in
Minors (1969) 34 N.Y.U. L. Rev. 891, et Kidney Transplantation in Minors
(1960) Med.-Leg. Dig. 48.

19811

L’EXPIRIMENTATION SUR LES HUMAINS

en effet, une large place pour une 6valuation individuelle et, ds
lors, pour des variations certaines d’appr~ciation. II n’est donc pas
stir que l’exp6rimentateur soit toujours la meilleure personne pour
6valuer ces risques. Une appreciation ext~rieure et ind~pendante
s’av~re parfois preferable. D’autre part, le risque peut 6tre 6valu6
sur des plans diffdrents. On peut ainsi le considdrer sous l’angle
de la probabilit6 raisonnable de sa rdalisation totale ou partielle.
On peut aussi l’envisager du point de vue de l’ampleur des cons6-
quences qu’il peut avoir, s’il se realise, ou bien au plan de la r6-
versibilit6 de ses effets. Lh encore, cette 6valuation demeure un
exercice essentiellement subjectif qui 6chappe, malgr6 le caract~re
toujours plus scientifique de la mddecine, A une norme de compa-
raison objective. C’est donc finalement le standard classique du
bon p~re de famille, de l’homme normalement prudent et diligent
qui servira h mesurer les 6carts. Cette imprecision naturelle pr~che
en faveur d’un renforcement des m~canismes de contr6le pr4ala-
bles, de fagon h mieux ,valuer les risques et k r~duire scientifique-
ment leur potentialit6 de survenance au niveau du protocole de re-
cherche: Enfin, la notion de risque, comme celle de bienfait, ne
doit pas 8tre entendue dans le sens strict de risque physique. Les
consequences psychologiques, affectives et m~me sociales de l’ex-
p6rience doivent 6galement 6tre prises en consideration.

Globalement, il est surprenant de constater que, dans une ma-
ti~re aussi importante que l’exp6rimentation sur les sujets humains,
le droit civil canadien ne semble pas presenter, a l’heure actuelle,
une unit6 de vues au plan juridique. De plus, on peut s’6tonner de
la d~mission du l6gislateur f6d6ral qui utilise encore, pour la r~solu-
tion de probl~mes extr~mement complexes, des textes g6n~raux
datant du si~cle dernier. Ces incertitudes sur la lgalit6 de l’exp6-
rimentation viennent probablement, d’une part de la complexit6
6norme des questions qu’elle soul~ve, mais aussi de l’interrogation
sociale continue sur la l6gitimit6 m~me du processus.

DeuxiRme partie: La ldgitimitd de ‘expdrimentation sur l’homme

La vari6t6 m~me des tentatives de solution que diverses nations
ont apport6 aux probl6mes juridiques de l’exp~rimentation sur
1’homme d~montre bien que les fondements philosophiques et mo-
raux de la question elle-m~me sont loin d’etre fixes ou arret~s
d’une fagon definitive. Cette probl~matique met en cause un conflit
permanent entre certaines valeurs fondamentales. Celles-ci, et sur-
tout leur perception par rhomme, ne sont pas immuables. Elles
changent avec le temps et 1’6volution sociale, et font ainsi de ce
d~bat un conflit en perp6tuelle 6volution. I1 est relativement facile,

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 26

au niveau des principes, d’admettre la lgitimit6 de l’exp6rimenta-
tion non th6rapeutique sur l’homme. I1 est aussi relativement sim-
ple de traduire cette lgitimit6 par une 16galisation de 1’acte, en
exigeant un consentement libre et 6clair6 et une proportionnalit6
acceptable entre le risque et le bdn6fice. Cette d6marche ne r6soud
cependant pas tous les probl6mes. C’est, en effet, autre chose que
de contr6ler efficacement la mise en pratique concrete de ces r~gles
afin de pr~venir les abus, 81 et de v6rifier
‘application d’un prin-
cipe aussi g6n6ral h certains groupes particuliers comme les enfants
ou les personnes souffrant d’alidnation mentale.

Poser la question de la lgitimit6 de l’exp6rimentation, c’est sou-
lever le probl~me de la r6solution de ces conflits de valeurs. Lgi-
firer appelle h choisir entre des valeurs et h faire primer certaines
d’entre elles sur d’autres. Ainsi, la soci6t6 peut fort bien d6cider
que toute exp6rimentation non thdrapeutique sur 1’enfant sain doit
8tre prohibde. Elle invoquera alors le principe de l’autonomie de la
personne et la r~gle de l’impossibilit6 du consentement substitu6
lorsque l’acte n’est pas pos6 pour le bdndfice de la personne. Une
autre socidt6, au contraire, permettra ce type d’expdrience, en rai-
sonnant sur un plan d’utilitarisme social: interdire toute expdri-
mentation non th6rapeutique sur 1’enfant sain revient h condamner
mort des centaines de milliers d’enfants dans l’avenir, puisque le
processus de certaines maladies infantiles ne peut 6tre compris,
6tudi6 et combattu que par une expdrimentation humaine spdcifi-
que. 2 Telle autre socidt6, enfin, optera pour une solution de com-
promis. Elle l6galisera l’expdrimentation non thdrapeutique sur ‘en-
fant sain seulement s’il est, par exemple, dou6 de discernement,8
ou encore en entourant l’acte d’une s6rie d’exigences de fond et de
forme particuli~rement s~v~res.8 4

La premiere manifestation du conflit des valeurs en mati~re
d’expdrimentation se situe au niveau des droits ou des intdr~ts en
cause. L’exp6rimentation sur l’&tre humain oppose droits indivi-
duels et collectifs, int6rts personnels et sociaux. Il conviendra

81 Ces abus potentiels ne soul~vent pas seulement un probl~me de strict
contr6le de sa lgalitd, mais permettent aussi de remettre en question la
I6gitimit6 et la moralit6 de
‘acte d’exp6rimentation. Ainsi, est-il ldgitime,
devant les possibilit6s d’exc~s, de ldgaliser 1’expdrimentation sur le malade
mental ou le foetus? Voir, h ce sujet, Ramsey, supra, note 67, et Reback,
supra, note 74.

82Voir, sur cette question, Conseil de recherches mddicales du Canada,

supra, note 2, aux pp. 30 et seq.
83 Voir, au Quebec, art. 20 C.c.
8 4Voir, aux Etats-Unis, supra, note 6.

19811

LEXPP-RIMENTATION SUR LES HUMAINS

donc de reprendre, dans ce contexte particulier, un d6bat qui est
loin d’6tre nouveau. Une seconde manifestation se trouve au plan
des r6les. Dans l’exp~rimentation sur l’homme, le chercheur, comme
le sujet de la recherche, se voient plac6s dans une situation con-
flictuelle directe quant aux r6les qu’ils sont d’ordinaire appels h
jouer. Le m6decin agit normalement dans l’intr&r
exclusif de son
patient. Lorsqu’il exp6rimente, il agit plut6t au profit de la science
ou de la soci6t6. Le patient, dans une relation m~dicale ordinaire,
garde un contr6le constant sur le d6roulement du processus et y
joue un r6le actif. Lorsqu’il est sujet d’exp6rience, il devient au con-
traire un v6ritable objet, se laissant volontairement manipuler par
d’autres sans conserver aucun contr6le direct ou maltrise sur
Faction. C’est en nous situant h ce double niveau des droits et des
r6les qu’il convient d’essayer de mieux cerner les conflits de valeurs
en presence.

I. Les conflits de droits

En mati~re d’exprimentation non th6rapeutique sur l’homme,
tout particuli~rement, le conflit oppose droits et valeurs indivi-
duels et collectifs. D’un c6t6, l’autonomie de la personne, son in-
violabilit6 et, jusqu’t un certain degr6, le caract~re sacr6 de la vie,
sont des valeurs profond~ment ancr~es dans nos syst~mes juridi-
ques. Une s6rie de droits individuels et subjectifs, selon la th6orie
d~velopp~e par M. 3. Dabin, 5 en d6coulent logiquement. De l’autre,
l’avancement social, la progression des connaissances scientifiques
et la pr6servation de l’ordre public en tant que m6canisme de con-
tr6le, sont 6galement des valeurs premieres, h la base de r~gles de
droit et de politiques sociales en mati~re de sant6 et de recherche
scientifique. Quelle est donc la dimension r6elle de ces diff6rentes
valeurs en mati~re d’exp6rimentation? Le principe de l’autonomie
de la personne tout d’abord, veut que l’6tre humain soit libre de
prendre les d6cisions concernant son propre corps. C’est, en fait,
l’expression d’un droit h l’autod~termination comportant deux vo-
lets soit, d’une part la possibilit6 de d6cider soi-m~me –
principe
dedcision –
et d’autre part, l’impossibilit6 pour d’autres de substi-
tuer leur d6cision – principe de protection.6

L’autonomie de la personne humaine a pendant longtemps 6t6
consid~r~e comme une valeur essentiellement relative. Selon la

phie du droit, Le droit subjectif en question (1964), -aux pp. 17 et seq.

85 Voir “Droit subjectif et subjectivisme juridique” in Archives de philoso-
86 Voir, h ce sujet, Commission de r6forme du droit, supra, note 4, aux pp.
3 et seq., et Decocq, Essai d’une thdorie ggngrale des droits sur la personne
(1960).

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 26

morale juddo-chrdtienne classique, l’homme n’est que ddpositaire
et non propri6taire de son propre corps, celui-ci ne” lui dtant que
pr~t6 par Dieu. Sur le plan juridique, cette attitude se traduit par
des limitations s6v~res du droit de disposer de son propre corps,
seules 6tant jugdes valables les dispositions pr6sentant un caract-
re altruiste. Celles qui tdmoignent d’un caract~re destructeur sont
au contraire prohibdes. Le droit sanctionne, par exemple, la tenta-
tive de suicide,8 ainsi que la mutilation volontaire puisque l’hom-
me, en posant ces gestes, outrepasse les droits d’un simple ddposi-
taire, agissant comme s’il avait sur son corps un v6ritable droit de
disposition absolu et n’accomplissant pas l’acte en vue d’en r’etirer
un bienfait ou un bdndfice quelconque.

Depuis quelque temps, cependant, on peut percevoir, du moins
dans le contexte nord-amdricain, une nette tendance vers une ex-
pansion du pouvoir que l’homme ddtient sur son propre corps.
Nous n’en voulons pour preuve que trois manifestations int6res-
santes sur le plan de la sociologie juridique. En premier lieu, le
droit criminel canadien a, en 1972, aboli l’infraction constitu6e par
la tentative de suicide.88 Certes, il est probable que ce sont avant
tout des raisons pratiques et humanitaires qui ont dict6 sa d6mar-
che. Ce geste demeure pourtant significatif, puisqu’en ddcriminali-
sant l’acte, le ldgislateur lui a confdrd, au regard du droit, sinon une
reconnaissance morale, du moins un certain caract~re de libert6 ou
de permissivit6. Cette attitude contribue h renforcer le-principe de
1’autonomie puisqu’elle permet h l’individu d’attenter h son corps
et de disposer de sa vie sans encourir de sanctions l6gales.

Deuxi mement, la pratique mddicale de l’acharnement th6ra-
peutique a changd au cours de ces derni~res anndes. Une part tou-
jours plus grande est faite au patient dans la prise de ddcision con-
cernant l’administration du traitement m6dical et des soins curatifs
et palliatifs. La littdrature actuelle est d’ailleurs h l’effet que le
vitalisme absolu, base de l’acharnement thdrapeutique, doit cdder
sa place h un vitalisme tempdrd par des consid6rations de qualit6
de vie.8 En droit criminel, comme d’ailleurs en droit civil cana-
dien, l’intervention agressive d’un mndecin dans le but d’adminis-
trer un traitement h un patient qui s’y est oppos6 serait tout proba-

87Voir Williams, The Sanctity of Life and the Criminal Law, 2e dd. (1973),
88 Voir Loi de 1972 modifiant le Code criminel, S.C. 1972, c. 13, art. 16,
‘article 225 C.cr. Mais, voir l’art. 224 C.cr., aux termes
89 Voir Commission de rdforme du droit du Canada, Le caractare sacrd de

portant abrogation de
duquel l’aide au suicide demeure une infraction pdnale.

aux pp. 248 et seq.

la vie ou la qualitg de la vie, par Keyserlingk (1979).

19811

L’EXPIRIMENTATION SUR LES HUMAINS

blement consid6r~e comme une infraction criminelle et une faute
civile.90

En troisi~me lieu, certaines interventions sans but th6rapeutique
imm~diat ont longtemps 6t6 considdrdes avec beaucoup de ddfaveur
par la doctrine classique. D’aucuns pr6tendaient m8me qu’elles
6taient contraires
‘ordre public et aux bonnes moeurs, entrafiant
la nullit6 du contrat medical les justifiant.91 Or, une nette lib6rali-
sation se manifeste en la mati~re. Que lon songe, par exemple, h
la chirurgie cosmdtique pure dont la lgalit6 semble ddsormais
acquise. De m6me, les operations de changement de sexe se prati-
quent au Canada sans que le droit criminel n’ait jug6 h propos
d’intervenir. 2 Par ailleurs, un rdcent jugement de la Cour sup6-
rieure a reconnu la lgalit6 des op6rations de stdrilisation purement
contraceptive.93

Le droit de la personne de modifier son corps et de se sournettre
h des procddures mddicales electives apparait comme une extension
du principe de l’autonomie. Celle-ci n’est cependant que relative et
l’individu ne jouit pas, A l’heure actuelle, d’une autod6termination
complete sur son propre corps. Morale et droit continuent h lui
imposer certaines restrictions au nom d’un ordre public sup6rieur
et des r~gles qu’imposent la vie en socidt6. Le principe de l’atitono-
mie n’a jamais encore 6t6 pouss6 jusqu’h rendre les autres per-
sonnes d6bitrices d’une obligation corr6lative du droit poss~d par
l’individu.” Nul ne peut ainsi exiger qu’un autre lui donne la mort
ce qui devrait logiquement

6tre admis si ce seul principe dtait pouss6 h son terme. Cette modi-
fication d’attitude h l’6gard du libre droit de disposer de son propre
corps va ndcessairement dans le sens d’une plus grande libdralisa-
tion de l’expdrimentation sur l’homme.

le cas de l’euthanasie positive –

Le principe de l’inviolabilit6 de la personne influence 6galement
le sort r6serv6 par le lgislateur h l’exp6rimentation. Ce principe,
90 Lorsqu’il s’agit de mineurs, le mddecin peut obtenir une autorisation
de traiter d’un juge si le refus des parents n’est pas justifi6 par le “meilleur
intdrft de 1″enfant”. Voir Loi sur la protection de la santd publique, L.R.Q.,
c. P-35, art. 36.
9 1 Voir L. Mazeaud, Les contrats sur le corps humain (1956) 16 R. du B.
157; R. Savatier et al., Traitj de droit mddical (1956), nos 274 bis et seq., aux
pp. 249 et seq., et Kornprobst, Responsabilitds du mddecin (1957), h la p. 516.
92 Voir Kouri, Certain Legal Aspects of Modern Medicine: Sex Reassign-
ment and Sterilization (these McGill, 1975), et Groffier-Atala, supra, note
29. Voir, dgalement, Loi modifiant la Loi du changement de nom, L.Q.
1977, c. 19, art. 16.

9 Voir Dame Cataford v. Moreau [1978] C.S. 933.
94 Voir Deleury, Une perspective nouvelle.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 26

proclam6 ou reconnu par la tr~s grande majorit6 des syst6mes ju-
ridiques contemporains, a des racines profondes dans la morale et
la religion traditionnelles 5 La vie humaine 6tant sacrde, le corps
humain, si~ge de cette vie, l’est aussi. Tout acte de violation consti-
tue alors une sorte de d6sacralisation.90 Ce respect du corps est d
non seulement au corps vivant –
les infractions p6nales contre la
personne en sont un exemple -, mais aussi au cadavre. 7 Toutefois,
lh encore, la valeur fondamentale repr6sent6e par le principe est
loin d’8tre absolue. La loi autorise parfois une transgression de la
r~gle au nom. de l’intdrft social ou collectif sup6rieur. C’est ainsi
qu’elle peut imposer certains traitements pour des raisons de pro-
phylaxie g6n6rale, notamment en cas de maladies contagieuses
ou v~ndriennes.9 8 Par ailleurs, l’individu peut renoncer b rinviola-
bilit6 de sa personne en donnant son consenterent h l’acte de viola-
tion. Toutefois, la puissance de d6cision du consentement se voit
elle-m me limit6e. En droit m6dical, la notion de proportionnalit6
et celle de b6ndfice individuel entrent en jeu. La plupart des syst6-
mes juridiques permettent h un individu de donner une partie de
son corps -k un autre. La loi autorise ainsi la collecte de sang ou le
don d’organes. Par contre, aucune loi ne permet de donner la tota-
lit6 de son sang, ni de prdlever un organe vital. La soci~t6 rejette
l’h6roisme h 1’6tat pur et restreint ainsi le droit pour l’8tre humain
de renoncer au principe de l’inviolabilit6 de sa personne.

En mati~re d’exp6rimentation, ces limites se font particuli~re-
ment sensibles. Dans tous les systgmes, il est ill6gal d’exp6rimenter
sur quelqu’un sans son consentement, car un tel acte constitue une
negation flagrante de la r~gle de l’inviolabilit6. II est 6galement
ill6gal pour l’exp6rimentateur et ce, mrme avec le consentement de
l’individu, de proc6der h une experience dont les risques pour la
sant6 ou la vie paraissent hors de proportion avec le b6n6fice esp6r6.
L’inviolabilit6 et l’autonomie de la personne reprdsentent des va-
leurs en 6troite correlation. C’est la conjugaison de ces deux prin-
cipes qui permet de ldgitimiser et de ldgaliser l’intervention non

95 Voir, notamment, Decocq, supra, note 86; Mayrand, supra, note 4, nos 1
et seq., aux pp. 11 et seq., et Nerson, L’influence de la biologie et de la mdde-
cine modernes sur le droit civil (1970) 68 Rev.trim.dr.civ. 661.
96 Voir L. Baudouin, La personne humaine au centre du droit qudbdcois
(1966) 26 R. du B. 66, et Mayrand, supra, note 4, nos 66 et seq., aux pp. 92
et seq.
9 Voir, en droit civil canadien, Fart. 23 C.c., portant r6glementation de
‘autopsie, et, en droit criminel, l’art. 178(b) C.cr., sanctionnant l’outrage h
cadavre.
98 Voir, en droit civil canadien, Loi sur la protection de la santd publique,

L.R.Q., c. P-35, arts 8 et seq.

19811

8LEXPRIMENTATION SUR LES HUMAINS

thdrapeutique sur l’homme. Au nom de l’autonomie, on permet
h celui-ci de renoncer h. l’inviolabilit6 de sa personne par l’interven-
tion de son pouvoir ddcisionnel, c’est-h-dire de sa volont6.

On pourrait, ds lors, 6tre tent6 de voir dans le consentement
libre et clair6 l’unique fondement de la lgalit6 de l’exp6rimenta-
tion non thdrapeutique. II suffirait de consentir pour l6galiser Yin-
tervention et le principe de l’autonomie la ldgitimerait, h la condi-
tion que l’acte se situe, malgr6 tout, dans les limites gdndrales de
l’ordre public et des bonnes moeurs. Une telle attitude pose ce-
pendant de sdrieux probl~mes sur les plans th6orique et pratique.
Au niveau thdorique, en premier lieu, elle ne rdsoud pas la question
du consentement substitu6. Est-il possible, dans certains cas, de
remplacer le consentement du sujet de l’expdrience, lorsqu’il est
incapable de le donner lui-m~me, par celui d’un tiers habilit6 h le re-
presenter et charg6 de prendre la decision pour lui? C’est poser l
le probl~me de l’exp6rimentation sur l’enfant en bas age ou sur la
personne souffrant d’un handicap mental. Une fiddlit6 stricte aux
deux principes d6jh mentionnds dquivaut h rejeter toute forme de
substitution de consentement. L’autonomie de la personne exige,
en effet, que ce soit elle-meme qui prenne la decision alors que le
principe de l’inviolabilit6 interdit h tout autre de permettre une at-
teinte non justifide par son int6r~t. D~s lors, la seule conclusion lo-
gique sur le plan de la politique lgislative consisterait en une inter-
diction inconditionnelle de toute experimentation non th6rapeu-
tique sur les personnes incapables d’exprimer, par leur consente-
ment, ne renonciation personnelle h l’inviolabilit6 de leur 6tre.

Sur le plan pratique, en second lieu, l’obtention du consente-
ment h l’expdrimentation continue h soulever de graves difficultds.
Tout d’abord, l’obtention d’un consentement “libre et 6clair6” reste
un id6al h atteindre. 9 II est loin d’8tre certain qu’il l’ait 6td dans
tous les cas. L’histoire de la mddecine est remplie d’exemples
oii, en retrospective, il est ais6 de s’apercevoir que le consentement
a 6t6 donn6 sans r6flexion, ou h la suite de renseignements inexacts
ou incomplets.100 II est donc, a ce point de vue, dangereux de se
fonder uniquement sur cet 6l6ment comme condition de lgalisa-
tion de l’acte. Troisi~mement, comme l’ont ddmontr6 certaines 6tu-

39 Voir, notamment, Fletcher, “Human Experimentation: Ethics in the
Consent Situation” in Medical Progress and the Law (1969), aux pp. 60 et seq.
Egalement, voir Beecher, Consent in Clinical Experimentation: Myth and
Reality (1966) 195 JA.M.A. 34.
100 Voir Pappworth, supra, note 1, et Gray, Human Subjects in Medical
Experimentation [;] A Sociological Study of the Conduct and Regulation of
Clinical Research (1975).

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 26

des,101 on retrouve en mati6re d’exp6rimentation certaines pratiques
utilisdes pour d’autres contrats mddicaux, soit la standardisation et
la routine dans l’obtention du consentement. On craint, avec rai-
son, que l’utilisation de formules rituelles que Pon fait signer au
sujet ne serve en quelque sorte de dispense h la divulgation pleine
et entiare des renseignements utiles au processus ddcisionnel. Le
consentemenit deviendrait alors un rite et non une rdalit6.

Enfin, h. un niveau plus gdn6ral, il demeure difficile h accepter,
sur les plans moral et philosophique, qu’un &tre humain, en pleine
connaissance de cause et en toute libert6, puisse malgr6 tout se
soumettre h certains types d’expdrience. La co’ntroverse qui a en-
tour6 les op6rations de changement de sexe en est une excellente
illustration.10 2 Force est de reconnaitre qu’il existe une autre
norme, celle de ‘Thumainement acceptable”, que la socidt6 fixe h
un moment de son 6volution et qui marque la limite de la toldrance
ou de 1’acceptabilitd sociale. Cette norme est classiquement recou-
verte par la notion d’ordre public. C’est donc au nom de l’ordre pu-
blic que la socidt6, en dernier ressort, fait 6chec ht la toute-puissan-
ce du consentement individuel. Fluctuant, puisqu’il est intimement
conditionn6 par l’espace et le temps, l’ordre public relativise les
principes de l’autonomie et de l’inviolabilit6. Il interdit certains
types d’expdrience auxquels un individu libre et pleinement capable
pourrait normalement consentir. Cet ordre public prdsente, en ma-
ti~re d’expdrimentation, un double aspect. Ii est a la fois ordre
public de protection et de direction. Ordre public de protection, il
sert A compl6ter l’exigence du consentement en faisant de celui-ci
une condition ndcessaire, mais non suffisante, h la pratique de
l’expdrimentation. Ordre public de direction, il justifie, dans divers
cas prdcis, l’interdiction inconditionnelle d’un type d’expdrience don-
n6 ou d’une expdrimentation sur certains sujets.

A ces valeurs centrdes sur l’individu, s’opposent d’autres princi-
pes de dimension plus large, soit ceux qui repr6sentent les droits
ou les int&rts de la socidtd toute enti~re. L’ordre public en regrou-
pe d6jh un certain nombre. I1 en existe cependant d’autres sur les-
quels il y a lieu d’insister. La socidt6, particuli~rement en Am6rique
du Nord, attache un grand prix au progr~s scientifique. Elle en-
courage les sciences et la poursuite des ddcouvertes scientifiques,
parce que synonymes de progr~s –
souvent h caractire social. En
mati~res mddicale et biologique, le bien-6tre du groupe passe par

t oVoir Fletcher, “Realities of Patient Consent to Medical Research” in
102 Voir supra, note 92.

Biomedical Ethics and the Law (1976), aux pp. 261 et seq.

19811

L’EXPI.RIMENTATION SUR LES HUMAINS

l’61imination ou le contr6le de certaines maladies ou affections. Or,
l’exp6rimentation sur l’homme est indispensable au progr~s de la
science puisque sans elle la mddecine n’avancerait qu’h tun rythme
beaucoup plus lent. Ndcessaire ‘a ce progris, cette pratique est sou-
haitable, valable et socialement bonne. Derriere l’acceptation de
l’exp6rimentation non thdrapeutique chez l’homme et la vigueur
avec laquelle un Etat promeut cet ideal, se profile donc toute une
iddologie de la socidt6, de la science et du pouvoir.

Dans nos collectivitds, cependant, une poursuite inconditionnelle
du progr~s scientifique est jugde destructrice. L’exemple encore
recent des mdecins de l’Allemagne nazie le prouve. L’dquilibre
social demeure fond6 sur le respect de l’homme. La poursuite des
connaissances scientifiques et du progr6s n’est alors considdrde
que comme un objectif h long terme, mais non un but unique auquel
tout, y compris les valeurs morales traditionnelles, doit 6tre sacri-
fi6. Le progr~s scientifique qui s’accomplit au prix d’une ddshuma-
nisation de l’individu ne peut faire autrement que de le ddtruire.
En d’autres termes, une sur-valorisation de l’int~r~t collectif n’est
pas plus souhaitable qu’une protection exclusive des valeurs indi-
viduelles. C’est fondamentalement entre ces deux p6les qu’une so-
cidt6 de type ddmocratique doit s’efforcer de se situer. En mati~re
d’exp6rimentation, cet 6quilibre peut se rdaliser en tenant compte,
d’une part, du respect de la volont6 de ‘homme. Ainsi, nul ne doit
se voir soumis h l’expdrimentation contre son gr6 au nom de la
seule science.

D’autre part, la ndcessit6 sociale et l’intr& collectif ne doivent
pas 6tre invoqu6s pour soumettre l’individu t des risques hors de
proportion avec le b6ndfice scientifique escompt6. La r6gle de la
proportionnalit6 reconnue par les textes nationaux. et internatio-
naux doit demeurer. II est surprenant, A cet 6gard, de lire la propo-
sition d’amendement du Conseil m6dical de la recherche europden-
ne h la Dgclaration de l’Association m6dicale mondiale.” Celle-ci
viserait & substituer au crit~re de proportionnalit6 “du risque couru
par le sujet” celui du “risque jug6 acceptable”. On peut y voir un
glissement tr~s important de la r~gle traditionnelle. Le caractbre
acceptable du risque est, en effet, une notion essentiellement subjec-
tive relevant apparemment de
‘apprdciation souveraine de l’exp6ri-
mentateur. Or, comme lont ddmontr6 certaines 6tudes sociologi-
ques, il existe une nette tendance de la part du chercheur h mini-

103 Voir la proposition d’amendement du Conseil de la recherche m&Iicale

europenne aux Recommandations.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 26

miser ou h ignorer les risques. 10 4 Cette id~e n’est toutefois pas nou-
velle et certains, notamment aux Etats-Unis, se sont faits les d6fen-
seurs de cette notion du caractire acceptable. Toutefois, ils l’ont
congue dans un contexte fort diff6rent. C’est ainsi qu’on a propo-
s6 que soit acceptable l’exp~rimentation i laquelle le chercheur se-
rait pr~t h soumettre son conjoint, ses enfants ou son parent le
plus proche, dans des circonstances normales. Le test a le m6rite de
relativiser l’6valuation des risques et de fournir b l’exp6rimentateur
une norme concrete et tr~s exigeante.

La poursuite de cet 6quilibre entre individualit6 et collectivisme
est souvent fort difficile. Un exemple concret nous servira d’illus-
tration, soit la recherche ou l’exp6rimentation sur les prisonniers.
I s’agit d’une pratique courante aux Etats-Unis, mais qui reste to-
talement interdite dans la plupart des pays europ~ens et qui sem-
ble de m~me 6tre prohibde au Canada.’0 5 Aux Etats-Unis mnme, cet-
te pratique est loin de faire l’unanimit6. Les travaux faits pour le
compte de la National Commission for the Protection of Human
Subjects of Biomedical and Behavioral Research font dtat d’une
grande divergence de vue parmi les juristes, les moralistes et les
philosophes.10 Une kyrielle d’arguments ont &6 invoquds en faveur
de la 16gitimit6 de cette recherche, arguments auxquels on a d’ail-
leurs oppos6 d’autres theses tout aussi valables. Tel philosophe,
par exemple, invoque pour difendre cette pratique que le prisonnier
doit atre trait6, dans la mesure du possible, comme tout autre 8tre
humain, de faron b aider sa rdhabilitation. Tel autre plaide, au con-
traire, qu’il est impossible de croire qu’une personne privde de sa
libert6 de mouvement et de d6cision puisse exercer un choix aussi
grave. Le cas du prisonnier offre, h notre avis, une esp~ce qui justi-
fie une interdiction inconditionnelle de toute exp6rimentation non
thrapeutique et ceci, pour une raison fondamentale. I1 est possi-
ble, h la limite, d’approuver l’expdrimentation non th~rapeutique
sur l’enfant en bas Age ou sur le malade mental, en plaidant qu’elle
est indispensable h la lutte contre les affections infantiles ou la
maladie mentale elle-m~me. Un tel argument ne tient cependant pas
dans le cas du prisonnier qui ne constitue pas une “catdgorie m6-
dicale” spdcifique. L’exp6rimentation sur le prisonnier, comme sur

104 Voir, notamment, Pappworth, supra, note 1, et Barber, Laly & Mara–
sushka, Research on Human Subjects [;] Problems of Social Control in
Medical Experimentation (1973).

05 Voir, pour la position canadienne, supra, note 48.
106 Voir Appendix to Report and Recommendations on Research Involving
Prisoners (Dep’t H.E.W., Pub.O.S. 76-132), et Veatch, Human Experimenta-
tion: The Crucial Choices Ahead (1974) 2 Prism. 58.

19811

L’EXPtRIMENTATION SUR LES HUMAINS

le soldat, repose uniquement sur rutilitarisme scientifique. I1 s’agit
d’un groupe homog~ne, captif et donc facilement contr6lable. De
plus, dans de nombreux cas, l’exp6rience peut 8tre men6e h un cofit
moindre. I1 nous semble que les retomb~es bdn6fiques pour la
socidt6 doivent alors passer apr~s la protection des droits indivi-
duels. Par ailleurs, il est fort douteux, en tout 6tat de cause, que
les exigences 16gales dun consentement libre et 6claird puissent
tre satisfaites. Les nombreux abus signalds h cet igard portent
d’ailleurs h r6fl~chir.

II. Les conflits de r6les

L’opposition des valeurs en mati~re d’exp6rimentation se ma-
nifeste dgalement au niveau des r6les que doivent assumer l’exp6ri-
mentateur et le sujet de l’exp6rience. 10 7 Depuis plusieurs anndes,
l’6volution extr~mement rapide de la mddecine et de la biologie a
entrain6 un changement sensible dans le r6le du mddecin. Tradi-
tionnellement, celui-ci ne faisait que soigner. Aussi, la m6decine pro-
gressait-elle grace
la seule observation des phdnom~nes m6di-
caux, sans chercher h les provoquer. Une large place 6tait donc r6-
servde h l’imprvu, h la d6couverte fortuite. La collection de ces
observations et leur mise en rapport amenaient les savants h rdfl&
chir plus avant, permettant ainsi l’61argissement des connaissances
scientifiques. Le m6decin moderne s’est doubl6 d’un savant. Ii
soigne, certes, mais on attend d6sormais de lui davantage que la
simple administration de soins. Il doit se tenir au fait des plus r6-
centes d6couvertes et de leurs implications sur le diagnostic et le
traitement. De plus en plus sollicit6 par la mddecine exp6rimentale,
le mddecin est maintenant.un investigateur qui doit publier les rd-
sultats de ses recherches. Le patient, qu’il continue de secourir
et de traiter, devient souvent, dans une certaine mesure, un sujet
d’exp6rience ou, h tout le moins, d’observation scientifique.

La mddecine, pour sa part, est devenu davantage une science
qu’un art, et plut6t science exp6rimentale que science d’observa-
tion simple. Le m6decin assume donc maintenant une dualit6 de
r6les, celle-ci entrainant ndcessairement certaines tensions dans la
mesure oa elle rend tangible une opposition entre des valeurs qui

107 Voir, h ce sujet, Pellegrino, “The Necessity, Promise and Dangers of
Human Experimentation” in Experiments with Man (1969), aux pp. 31 et seq.;
Dyck & Richardson, “The Moral Justification for Research Using Human
Subjects” in Biomedical Ethics and the Law, supra, note 101, aux pp. 243
et seq., et Katz, “The Education of the Physician-Investigator” in Freund,
Experimentation with Human Subjects (1969), aux pp. 293 et seq.

McGILL LAW JOURNAL

[‘Vol. 26

peuvent 6tre contradictoires sans toutefois l’6tre ndcessairement.
Dans son r6le de thdrapeute, le m6decin doit viser uniquement et
exclusivement l’intdrft de son patient. Dans son r6le de savant, il
cherche 6galement h promouvoir l’avancement de la science et h
reculer les fronti~res de la connaissance. Or, le b~n6fice au patient
n’est pas toujours conciliable avec l’intdr~t scientifique. Cette op-
position ou ce conflit de r6les contient, hi tout le moins potentielle-
ment, des risques auxquels le droit doit faire face.

Le premier de ceux-ci est de voir le r6le de thdrapeute servir
h promouvoir celui d’exp6rimentateur. Dans son r6le traditionnel,
le m6decin batit avec son patient une indispensable relation de
confiance. C’est elle qui permet l’action mddicale et garantit, dans
bien des cas, le succ~s du traitement. II y a danger h partir du
moment oit le module de la relation thdrapeutique qui cr6e ce cli-
mat de confiance est utilis6 pour promouvoir une exp6rimentation
et obtenir du patient un consentement qu’il n’aurait pas aussi g6-
ndreusement donnd dans d’autres circonstances. Ce danger a 6t6
soulignd dans plusieurs 6tudes portant sur le consentement. On a
not6, par exemple, que sur le plan psychologique, l’obtention du con-
sentement h une intervention m~dicale 6tait beaucoup plus facile
en raison de la confiance
si elle 6tait sollicitde par un mddecin –
que le public place dans la profession –
et davantage encore lors-
qu’il s’agit du mddecin traitant ou d’un mddecin connu10 8 Un pa-
tient, si la d6marche h son 6gard se fait le moindrement habile,
consent h tout ce que sollicite le mddecin, dans la mesure oi la
relation de confiance a prdalablement 6t6 bien 6tablie.

Le second danger est dvidemment que le r6le de thdrapeute
ne soit sacrifi6 h celui de chercheur par le mddecin lui-m~me. La
curiosit6 scientifique, la valorisation qu’apporte la ddcouverte, peu-
vent, en effet, faire primer cette derni~re fonction. Le patient risque
alors la compromission de ses int6r~ts et une dventuelle diminution
de la qualitd du service professionnel.

Le conflit des r6les s’6tend aussi au sujet de l’exp6rimentation.
La participation de l’homme ‘ une experimentation non th6rapeu-
tique est un acte profond6ment altruiste. Elle contraste en cela avec
sa participation k un traitement mddical, acte intdressd et essen-
tiellement 6goiste. M. H. Jonas, philosophe amdricain, a particuli6-
rement bien ddcrit les consdquences de cette opposition entre le
r6le de “patient” et celui de “sujet d’expdrience”.10 9 Ce dernier,

108 Voir Beecher, “Ethics and Clinical Research” in Biomedical Ethics and

the Law, supra, note 101, aux pp. 193 et seq.

10 9 Voir “Philosophical Reflections on Experimenting with Human Sub-

jects” in Freund, supra, note 107, aux pp. 1 et seq.

19811

L’EXPtRIMENTATION SUR LES HUMAINS

6crit-il, rec~le une certaine connotation “sacrificielle”. L’individu
livre son corps sur l’autel de la science pour le b6n6fice d’autrui.
L’auteur y voit une analogie avec le sacrifice hurnain anciennement
fait pour apaiser la col~re des dieux ou pour solliciter leurs bien-
faits.

L’altruisme de la participation volontaire a une exp6rimentation
a aussi pour effet, dans une certaine mesure, de d~shumaniser l’hom-
me, celul-ci devenant un “objet” entre les mains de l’exp~rimenta-
teur. Une 6tude a d’ailleurs montr6 que les sujets d’exp6rimenta-
tion vivaient celle-ci comme une perte de personnalit. 110 Une fois
son consentement donn6, le sujet, sauf rare exception, ne participe
plus au processus d~cisionnel qui le concerne et abdique sa facult:
et son pouvoir de contr6le. L’exp6rimentateur ou l’6quipe m~dicale
qui rentoure prend les decisions pour lui et se rend responsable
de la v6rification ponctuelle du principe de la proportionnalit6.
Cette r~ification de l’individu, ce blanc-seing qu’il donne h un autre
sur son corps, apparaft en nette contradiction avec la structure con-
ceptuelle du droit traditionnel, lequel exalte au contraire l’indivi-
dualit6 et l’humanit6. Cependant, ce philosophe ne fait pas suffisam-
ment remarquer h notre avis, que l’on retrouve ce meme processus
de d~shumanisation dans la relation thdrapeutique ordinaire. Une
fois la decision d’6tre trait6 prise par le patient, celui-ci, dans la
r~alit6, ne conserve que bien peu de contr6le et un faible degr6
de participation. II y a, l aussi, rdification de l’individu.

Conclusion

A partir de ces diff~rents conflits de valeurs, il convient de se
poser le probl~me de la r~action que doit avoir le droit. Comment
peut-il trancher ces oppositions? De quels m~canismes doit-il s’en-
tourer pour 6tre certain que l’exp6rimentation non th6rapeutique
sur l’homme ne puisse se faire que dans le cadre de parametres so-
cialement acceptables? Le droit, en premier lieu, doit clairement
d6finir le cadre de la lgalit,6 de l’exp~rimentation non th~rapeuti-
que. En ce sens, la seule r6f~rence h un 6nonc6 g6n6ral du genre de
celui qui est actuellement inscrit au Code criminel canadien nous
paraft nettement insuffisante.”
I1 reste trop vague et ne permet pas
d’identifier les limites pr~cises de la lgalit6 non plus que de d6-
couvrir la politique sociale qui y est sous-jacente. Par contre, un
dnonc6 tel que celui propos6 par le Projet de Code civil du Quibec
est plus satisfaisant, m~me s’il ne pr6tend pas r6pondre h. toutes

“0 Voir Fletcher, supra, note 101.
M Voir art. 45 C.cr.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 26

les interrogations. 12 Entre le droit criminel f~deral et le droit civil
provincial, il dolt, d’une fagon 6vidente, exister une coordination
au niveau des principes, sinon au plan des r~gles elles-rnmes. On
concevrait mal, par exemple, que le droit f6dral prohibe un type
d’expdrimentation qui, par ailleurs, serait considdr6 comme valable
par le droit provincial.

Le ldgislateur voit donc se poser, tout d’abord, le probl~me des
interdictions inconditionnelles, c’est-t-dire des classes de personnes
ou des circonstances particuli~res i l’gard desquelles toute expd-
rimentation non th6rapeutique doit, par definition, 6tre interdite.
Les prisonniers et les mourants, nous semble-t-il, doivent entrer
dans cette catdgorie. Pour ce qui est des enfants incapables de dis-
cernement et des personnes atteintes de maladie mentale, nous
serions 6galement portds A forrnuler A leur endroit une interdiction
inconditionnelle. Cependant, le ldgislateur pourrait permettre l’ex-
pdrimentation non th6rapeutique h une triple condition. D’une part,
il lui faudrait exiger que l’expdrimentation dont ils peuvent faire
l’objet ne puisse scientifiquement 6tre faite que sur eux, et non sur
un enfant capable de discernement ou un adulte raisonnable. Cette
r~gle aurait pour effet d’exclure toute exp6rimentation sur ces per-
sonnes portant sur autre chose que les maladies infantiles dans le
premier cas, et la maladie mentale dans le second. D’autre part, le
risque pour la sant6 de l’enfant ou du malade mental –
ddfinie au
sens le plus large du terme –
devrait, sans aucune exception, 8tre
minime, c’est-A-dire en-degh de la rigle de proportionnalitd classique
appliqu6e i l’adulte. Enfin, outre le consentement du responsable
de la personne incapable de discernement, soit le tuteur ou le cura-
teur, l’approbation d’une autorit6 judiciaire, impartiale et ind6-
pendante, devrait etre requise. Quant au foetus, la question est
beaucoup plus complexe dtant donn6 la controverse juridique et
sociale que soulkve au Canada le problkme de l’avortement. Mrne
si la solution h cette question n’est pas exclusivement relide h celle
de l’avortement, elle y est quand mrme fortement rattachde au point
qu’il semble difficile de prdtendre vouloir rdgler l’une sans l’autre.
Les travaux de M. P. Ramsey paraissent, h cet 6gard, fort valables
sur le plan de la probldmatique.” 3 Par contre, nous ne croyons
pas que le droit canadien actuel soit suffisamment mfir pour adop-
ter une position d’ensemble au plan juridique.

Le droit, en second lieu, se dolt d’instaurer des m6canismes per-
mettant de contr6ler la lgalit6 de l’expdrimentation. Trois remar-

112 Voir supra, note 32.
13Voir supra, note 67.

1981]

L’EXPPIRIMENTATION SUR LES HUMAINS

ques peuvent 6tre faites h cet 6gard. Tout d’abord, sur le plan 6thi-
que, ces m6canismes ont d~jh 6t6 cr 6s, du moins en ce qui regarde
la recherche subventionn6e et la recherche qui s’effectue en milieu
universitaire responsable. Par contre, rien de tel n’existe apparem-
ment dans certains secteurs de l’industrie priv6e. Les diffdrents
codes d’6thique existants gagneraient t 6tre regroup6s au sein d’un
code “mod6le” h caract~re plus universel. Un tel code devrait, en
outre, recevoir une sanction l6gislative ou r6glementaire quelcon-
que, de faron h lui donner plus qu’une force simplement morale.
L’uniformisation des standards 6thiques et l’imposition de sanctions
permettraient tout probablement une meilleure garantie du respect
des normes fondamentales en mati~re d’exp6rimentation. Par ail-
leurs, ces contr6les au niveau 6thique ne sont actuellement que
pr~ventifs, se situant au niveau de l’adoption ou du rejet du proto-
cole de recherche.”4 Des m6canismes speciaux permettant un contr6-
le continu sur l’exp~rimentation devraient 6tre pr~vus. On pourrait
concevoir, par exemple, que certains projets particuliers voient
l’octroi de subventions d6pendre d’une inspection continue par un
dvaluateur ind~pendant. On pourrait 6galement instaurer un systi-
me d’inspectorat permanent qui aurait pour tiche, chaque annie,
de proc6der h l’examen d’un certain nombre de dossiers de recher-
che pendant que celle-ci est en cours, le tout sous le patronage d’un
organisme scientifique ind~pendant et respect6.

Enfin, il nous semble que la profession m6dicale et scientifique
doit continuer h 6tre impliqu~e dans l’administration de ces con-
tr6les. Certains seraient probablement enclins h pr6ner une r~gie
exclusivement h6t6ronome. Or, la profession scientifique a seule
l’exp6rience v6ritable pour v6rifier les faits, les comprendre et les
juger. I1 serait regrettable pour la socidt6 qu’elle perde cette res-
ponsabilit6. A partir du moment oii les normes 6thiques gouver-
nant l’exp~rimentation sur l’homme ont 6t6 clairement d6finies, un
contr6le autonome responsable de la profession est souhaitable.
Celui-ci n’exclut pas pour autant le niveau de surveillance h6t6-
ronome classique par le biais du droit criminel et du droit civil.

Le sujet de l’exp6rimentation non th6rapeutique sur les 6tres
humains est vaste et fort complexe. Au Canada, il est, h l’heure
actuelle, au centre des pr6occupations et interrogations de divers
organismes de recherche. Il n’a cependant pas encore fait l’objet
d’une 6tude globale et syst6matique. I1 est h souhaiter qu’une telle
initiative voit le jour dans un avenir rapproch6, de faron h dissi-

114 Voir Gray, An Assessment of Institutional Review Committees in

Human Experimentation (1975) 13 Med. Care 318.

846

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 26

per les inqui6tudes du milieu professionnel comme du public, h
d6finir de faron claire les limites de l’acceptable en mati~re de re-
cherche scientifique, et h favoriser la formulation d’une politique
juridique globale, laquelle a jusqu’ici fait si cruellement d6faut.

Structuring the Issues in Informed Consent in this issue The Right to Natural Death

related content