Case Comment Volume 26:3

L'indemnisation de la victime par ricochet d'un accident mortel résultant de l'inexécution d'un devoir contractuel

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1981]

COMMENTS – COMMENTAIRES

L’indemnisation de la victime par ricochet d’un accident
mortel rdsultant de l’inexdcution d’un devoir contractuel

Les faits de l’affaire Marier, tels qu’ils ont 6t6 relat6s par M. le
juge en chef Desch~nes,’ posent tr6s pr6cis6ment le probl~me du
r6gime d’indemnisation de la victime par ricochet d’un accident
mortel resultant de l’inex6cution d’un devoir contractuel. Nous
avions cru devoir 6voquer cette question en 1960 dans le cadre
d’une 6tude sur la responsabilit6 m6dicale 2 comme l’une des cons-
quences logiques de notre syst me dualiste de responsabilit6 civile.
Pour la premiere fois, h notre connaissance, elle fut soulev6e devant
les tribunaux dans cette affaire Marier3 en 1970, puis, en 19754 et
en 19765 en mati~re de responsabilit6 m6dicale. Plus r~cemment,
encore dans l’affaire Marier, la d6cision de la Cour sup~rieure du
14 mai 1976″ et l’arr~t infirmatif de la Cour d’appel du 14 d~cembre
19797 ramenaient le probl~me h la surface. Que cette question n’ait
6t6 agit6e que r~cemment au Qu6bec n’a pas l de quoi surprendre.
Dans la mesure, en effet, oiL la responsabilit6 civile pour le prejudice
r6sultant de 16sions corporelles, suivies ou non du d6c~s de la victi-
me, s’analysait le plus souvent dans le cadre du r6gime extra-
contractuel de responsabilit6, le probl~me pouvait passer inapergu.
De m~me, en cas d’accident mortel, on appliquait sans peine les

1 Voir supra, 6 la p. 556.
2 Voir La responsabilitg mddicale et hospitali~re dans la jurisprudence
qu~b~coise r~cente (1960) 20 R. du B. 433, h la p. 447; voir aussi Des rigimes
contractuel et d6lictuel de responsabilitd civile en droit civil canadien (1962)
22 R. du B. 501,

t la p. 510.

30 avril 1975.

3 Voir [1971] C.S. 142.
4 Voir Chdteauvert v. H6tel-Dieu de Qudbec, C.S. (Qudbec, 200-05-003 234-742),
5 Voir Covet v. Jewish General Hospital [1976] C.S. 1390. On doit toutefois
regretter que, dans certains cas, les tribunaux appliquent
‘art. 1056 C.c.
sans se poser le probl~me de la nature contractuelle de la responsabilit6 de
1’6tablissement ou du m6decin. Voir, notamment, Lapointe-Routhier v. H6pi-
tal gdndral de la Rdgion de l’amiante Inc., C.A. (Qu6bec, 200-09-000 085-784),
15 janvier 1980; Michaud v. H~pital H6tel-Dieu de Rivi~re-du-Loup, C.S. (Ka-
mouraska, 250-05-000 131-76), 25 avril 1978, et Pantel v. Air Canada [1975]
1 R.C.S. 472.

6 Voir [1976] C.S. 847.
IVoir [1980] C.A. 40. On notera 6galement que, sans y r6pondre, M. le juge
Lajoie, de la Cour d’appel, avait soulev6 la question dans l’affaire H6pitat
Notre-Dame v. Patry [1972] C.A. 579, . la p. 588. Voir aussi Grenier v. Noiseux,
C.S. (Montr6al, 500-05-012 762-785), 24 juillet 1978.

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dispositions de l’article 1056 C.c. Mais, d~s lors que les tribunaux,
par un 61argissement progressif du contenu obligationnel du con-
trat,8 ont comnenc6 de reconnaitre, notamment en matiire de soins
mddicaux et hospitaliers, 9 de transport de personnes’0 et d’activitds
sportives, 1″ que la responsabilit6 civile du m6decin et de
‘dtablis-
sement hospitalier, du transporteur et de
‘exploitant d’une entre-
prise de loisirs, pouvait s’analyser sur le plan contractuel, la ques-
tion h l’tude devait t6t ou tard se poser.12 I1 se peut d’ailleurs
que celle-ci ne se prdsente plus pour tr~s longtemps, ce qui serait
le cas si le ldgislateur donnait suite hi la recommandation de 1’Office
de rdvision du Code civil’ 8 d’iliminer les dispositions, h notre avis,
inutilement contraignantes de l’article 1056 C.c.

Dans le cadre de cette rdflexion, nous posons h titre d’hypothese
que le droit d’action de la victime est rdgi par le droit civil du
Qu6bec, laissant ainsi h notre coll~gue, le professeur Chevrette, le
soin de discuter la question de savoir si, au regard du droit cons-
titutionnel canadien, un tel recours serait, dans les circonstances
particuli~res de l’affaire Marier, rdgi par les dispositions pertinentes
du Code civil ou par celles de la loi fdd6rale sur le transport

sVoir, notamment, X. v. Mellen [1957] B.R. 389; Surprenant v. Air Canada
[1973] C.A. 107; The National Drying Machinery Co. v. Wabasso Ltd [1979]
C.A. 279; Banque de Montrdal v. Procureur gdndral du Qudbec [1979] 1 R.C.S.
565; H6pital gdndral de la Rdgion de l’amiante v. Perron [1979] C.A. 567, et
Senez v. La Chambre d’immeuble de Montrdal, C.S.C., 18 juillet 1980. Voir,
h ce sujet, Crdpeau, Le contenu obligationnel d’un contrat (1965) 43 R. du B.
can. 1.

9 Voir, notamment, X. v. Mellen, supra, note 8, et H6pital gdndral de la Rd-

gion de l’amiante v. Perron, supra, note 8.

10 Voir, notamment, Surprenant v. Air Canada, supra, note 8, et Hendler

v. Cie Ibdria (1980) 34 Rev.fr.dr.a6rien 215 (C.P., Montr6al).

11 Voir, notamment, Provost v. Petit [1969] C.S. 473.
12 On peut, h cet dgard, regretter que les auteurs d’ouvrages gdndraux rd-
cents sur la responsabilit6 civile n’aient pas cru devoir examiner ce probl6-
me. Voir Baudouin, La responsabilitd civile ddlictuelle (1973), nos 661 et seq.,
aux pp. 423 et seq.; Nadeau & Nadeau, Traitd pratique de la responsabilitd
civile ddlictuelle (1971), nos 567 et seq., aux pp. 531 et seq.; Pineau & Ouellette,
Thjorie de la responsabilitd civile, 2e 6d. (1980), aux pp. 27 et seq., et Tancelin,
Thdorie du droit des obligations (1975), no 266, h la p. 180. Voir, toutefois,
Bernardot, La responsabilitd mddicale (1973), A la p. 83; Bernardot & Kourl,
La responsabilitg civile mddicale (1980), no 85, aux pp. 59 et seq.; Perret,
Prdcis de responsabilitd civile (1979), A la p. 23; Larouche, L’article 1056
C.C. et la responsabilitd contractuelle (1971)
31 R. du B. 452, et L’article
1056 C.C. et les personnes ayant droit aux dommages (1978) 38 R. du B. 76,
ainsi que Mayrand, Les chefs d’indemnitd en cas d’accidents mortels (1967-
1968) 9 C. de D. 639, h la p. 664.

I3 Voir, h ce sujet, le Rapport sur le Code civil du Qudbec (1978), vol. II,

t. 2: Commentaires, aux pp. 568 et seq.

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COMMENTS – COMMENTAIRES

adrien. 14 On doit donc se demander si, au regard du droit civil
qudb~cois, Dame Marier avait un recours en rdparation du preju-
dice qu’elle a subi par suite du ddc~s de son ex-conjoint, caus6 par
la faute du transporteur adrien, en l’esp~ce, Air Canada. On connait
la rcponse ndgative de la Cour d’appel. Notre propos, en toute
‘affirmative sans pour autant donner
d~fdrence, est de soutenir
enti~rement raison h la Cour supdrieure. I1 nous semble, en effet,
que les jugements de la Cour superieure dans cette affaire reposent
sur une ambigu]t6 fondamentale en ce qui concerne le rdgime de
responsabilit6 applicable h la soci~t6 d~fenderesse,15 entrainant
ainsi la Cour d’appel h mdconnaitre le vdritable fondement juridi-
que de la demande. On n’a pas suffisamment tenu compte, i notre
avis, de la ndcessaire distinction entre, d’une part, le regime de
responsabilit6 qui sert de fondement juridique au recours de la
demanderesse et, d’autre part, le regime de responsabilit6 qui peut
servir de condition d’application du recours de la victime par
ricochet. Ce sont la les deux questions distinctes que nous vou-
drions examiner successivement et qui nous paraissent susceptibles
d’6clairer le ddbat.

I. Le regime de responsabilit6 et le fondement juridique

de la demande
I1 s’agit ici de savoir si, en l’esp~ce, la responsabilit6 du trans-
porteur a~rien h l’6gard de la demanderesse relevait de l’ordre con-
tractuel ou de l’ordre extra-contractuel de responsabilit6 civile. Pour
qu’il y ait responsabilit6 contractuelle, on sait qu’il est essentiel

14Yoir S.R.C. 1970, c. C-14. Voir, h propos du m~me incident, Surprenant

v. Air Canada, supra, note 8, et Mack v. Air Canada [1976] 1 R.C.S. 144.

15 Ainsi, dans la premiere decision du 7 octobre 1970, supra, note 3, h la p.
148: “Indeed the Quebec commentators are almost unanimous in holding the
view that the restrictive conditions of article 1056 C.C. apply only in cases
where the claim is based upon a delict or quasi-delict. They hold that when
the claim is one based on contract, the ordinary principles of civil law should
be applied notwithstanding the restrictive provisions of article 1056 . . .”, et,
dans la deuxi~me decision du 14 mai 1976, supra, note 6, h la p. 853: “Dans
cette optique, le Tribunal … est d’avis que les articles 1024 C.C., 1053 C.C.
et 1065 C.C. 6tablissent un lien de droit entre la demanderesse et la d~fen-
deresse .. .”. Ces textes sont source d’ambiguKt6. En effet, invoquer la respon-
sabilit6 contractuelle du transporteur comme fondement du recours de la
demanderesse, victime par ricochet, est une chose; mais 6tablir la respon-
la victime immediate
sabilit6 contractuelle du transporteur h l’dgard de
comme condition d’exercice du recours, n~cessairement extra-contractuel,
de la victime par ricochet est une tout autre chose, comme nous allons tenter
ici de le d6montrer.

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que deux conditions soient simultandment r6unies:'” d’abord, un
contrat entre les parties au litige, c’est-h-dire entre Air Canada et
Dame Marier; ensuite, l’inexdcution fautive et dommageable d’une
obligation nde express6ment ou implicitement du contrat. Or, en
l’esp~ce, il parait incontestable que la premiere condition faisait
d6faut. D’une part, en effet, aucun contrat n dtait intervenu entre
Air Canada et Dame Marier. La seule relation contractuelle que les
faits autorisent A reconnaitre est celle qui s’est noude entre le
transporteur adrien et le passager Desmarais. 1 D’autre part, s’il est
certes vrai qu’une personne, 6trang~re h un contrat, peut ndan-
moins, aux termes de l’article 1029 C.c., s’insdrer dans le cercle con-
tractuel par le biais d’une stipulation pour autrui, ‘ encore faut-il
qu’une telle intention apparaisse, sinon expressdment, du moins
clairement 9 de la relation contractuelle. 20 Or, il ne semble pas rai-
sonnable de pr6tendre que le passager Desmarais ait voulu stipuler
que le devoir de sdcurit6 du transporteur s’appliquAt dgalement au
b6n6fice de son ex-conjoint.

On peut donc, sans grande difficultd, estimer que Dame Marier,
faute de pouvoir rdunir les conditions ndcessaires h l’exercice du
recours contractuel, ne pouvait fonder sa demande que sur une base
extra-contractuelle. La Cour d’appel avait, h notre avis, parfaitement
raison de dissiper toute 6quivoque h cet 6gard. Ainsi que 1’6nongait
M. le juge Mayrand, partageant en cela
‘avis de M. le juge en chef
Crete et de M. le juge Philippon:

En l’absence d’un contrat entre l’intimde [Air Canada] et l’appelante
[Dame Marier], l’une ne pouvait poursuivre l’autre sur le terrain con-
tractuel:21

‘0 Voir Baudouin, Les obligations (1970), nos 551 et seq., aux pp. 290 et seq.;
Pineau, Thdorie des obligations (1979), aux pp. 248 et seq., et H. & L. Ma-
zeaud, Traitg thdorique et pratique de la responsabilitd civile ddlictuelle et
contractuelle, 6e 46d. par Tunc (1965), t. I, nos 105 et seq., aux pp. 133 et seq.

17 11 en est de m~me, croyons-nous, dans le cas des proches (conjoint
et enfants) qui poursuivent un dtablissement hospitalier pour le pr6judice
r6sultant du d6ces du malade. Voir Lapointe-Routhier v. H6pital gdndra1 de
la Rdgion de l’amiante Inc., supra, note 5.

18 Voir Baudouin, supra, note 16, nos 324 et seq., aux pp. 174 et seq.; Pineaupj
supra, note 16, aux pp. 159 et seq., et Tancelin, supra, note 16, aux pp. 142
et seq.

juge Pratte).

19Voir, notamment, Boucher v. Drouin [1959] B.R. 814, & la p. 820 (M. le
20 Voir, 6galement, en France, oit la solution de principe est identique: H.
& L. Mazeaud, supra, note 16, nos 139 et seq., aux pp. 170 et seq.; mais, voir,
pour la cr6ation pr~torienne d’une stipulation pour autrui tacite en faveur-
des parents, nos 136 et seq., aux pp. 168 et seq.; no 141, aux pp. 171 et seq.

21 Voir supra, note 7, k la p. 44.

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Mais dire que la demanderesse-appelante ne pouvait invoquer la
responsabilit6 contractuelle ne suffisait pas pour disposer du liti-
ge. II fallait, en effet, faire un pas de plus, et comme l’a d’ailleurs
reconnu la Cour d’appel, se poser la question de savoir si la de-
manderesse pouvait se placer sur le terrain extra-contractuel. On
est ainsi conduit h examiner le r6le que peut jouer un regime de
responsabilit6 –
en l’occurrence, la responsabilit6 contractuelle –
non plus comme fondement, mais comme condition d’application
du recours, n~cessairement extra-contractuel, de la demanderesse.
C’est la deuxiime question que nous voudrions maintenant aborder.

II. Le regime de responsabilitd et les conditions d’exercice

de la demande

La demanderesse, on l’a vu, ne pouvait placer son recours que
sur le terrain extra-contractuel. Mais le pouvait-elle? La Cour d’ap-
pel r~pond p6remptoirement par la n6gative aux motifs que, d’une
part, la demanderesse “ne faisait plus partie du groupe de person-
nes mentionn~es h l’article [1056] comme pouvant r6clamer h la
suite d’un d~c~s … ” et que, d’autre part, “l’article 1053 C.C. ne sau-
rait non plus s’appliquer, l’article 1056 C.C. y faisant 6chec.. .,.2 Le
professeur Pineau est du m~me avis. A la question de savoir si la
demanderesse dispose “d’une action dlictuelle ou quasi d~lictuelle
sur la base des articles 1053 et 1056 … ” notre coll~gue et ami, dans
une chronique h la Revue du Barreau, affirmait: “La r~ponse est
claire et simple: elle est 6galement n~gative.” Et, s’appuyant sur
le caract-re limitatif de l’article 1056 C.c., il concluait: “Dame
Marier n’6tant pas Veuve Desmarais, on esp~re que le litige en
question s’arr~tera lh.”

A premiere vue, l’argumentation judiciaire et doctrinale parait
irrdcusable. Ne peut-on pas dire, en effet, que 1’article 1056 C.c., qui
r~gle d’une mani~re exceptionnelle la responsabilit6 de ‘auteur d’un
accident mortel, a preseance sur le r6gime de droit commun de 1’ar-
ticle 1053 C.c.? Au surplus, le divorce Desmarais-Marier n’avait-il
pas enlev6 it Dame Marier la qualit6 de “conjoint” requise pour faire
jouer ‘article 1056 C.c.? Mais, h bien y r~fl6chir, cette opinion nous
parait erron~e et, en toute d~f6rence, nous voudrions dire ici pour-
quoi la “fausse veuve” disposait, en l’esp~ce, d’un recours extra-
contractuel contre le transporteur, et cela sur le fondement de
l’article 1053 C.c. Pour s’en convaincre, il est d’abord essentiel d’ad-
mettre le bien-fond6 de deux propositions touchant l’organisation

22 Ibid., h lap. 43.
23 Voir (1980) 40 R. du B. 130, h la p. 135.

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legislative du r6gime extra-contractuel de responsabilit6 civile. Pre-
mi~rement, l’article 1053 C.c. constitue le droit commun de la res-
ponsabilitd civile extra-contractuelle. Une telle proposition ne sau-
rait prater L controverse. Cet article ddicte, en effet, le principe
g6ndral de la responsabilit, civile imposant h 1’auteur d’une faute
dommageable l’obligation de rdparer le pr6judice subi par la victi-
me pourvu que, aux termes de l’article 1075 C.c., le pr6judice
soit une “suite immddiate et directe” de la faute du d6biteur. 4 Il
en est de m~me, en France, sous l’empire des articles 1382 et 1383
du Code civil2 5 Deuxi~mement, l’article 1056 C.c. crde un r6gime
d’exception qui est, h ce titre, d’interpr6tation et, partant, d’appli-
cation restrictive. Cette deuxi~me proposition ne saurait, elle non
plus, soulever de discussion. En effet, cette disposition, ins6rde,
on ne sait trop comment2″ dans le Code civil de 1866 sur le fon-
dement d’une loi de la Province du Canada de 1847-” –
elle-meme
inspirde d’une loi impdriale de 1846 dite Lord Campbell’s Act 28
_
a eu pour effet, non pas, comme en Ontario, de crder un recours qui
n’existait pas auparavant, mais bien de restreindre la portde du
droit commun existant.29

Ainsi que l’crivait, A ce propos, M. le juge en chef Lamothe, de
la Cour d’appel, dans l’affaire Hunter v. Gingras80 –
d6cision citde
avec approbation par M. le juge Pigeon dans Pantel v. Air Canada:
Avant 1847, dans la province de Quebec, les personnes 6prouvant des dom-
mages par suite de la mort d’un de leurs proches parents, – mort cau-
sde par la faute d’une autre personne, –
avaient le droit de poursuivre
et de recouvrer des dommages. Ce droit a toujours exists et i1 existe
toujours. II se trouve dans notre article 1053 C. civ., et aussi dans l’arti
cle 1056 C. civ. Mais, avant le statut 10-11 Victoria, ch. 6, tous ceux qui
souffraient un tort par suite du d6c~s dun de leurs proches, d6c~s caus6
par la faute d’une autre personne, pouvaient exercer un recours en dom-
mages. Ce recours n’6tait pas limit6 A la femme, aux enfants et aux
ascendants. De plus, chaque parent pouvait intenter une action s4parde, –
ce qui multipliait les frais. La prescription n’dtait pas d’un an hi compter
du ddc~s; et le fait que le d6funt aurait obtenu une indemnit6 n’empachait

2 Voir Potvin v. Gagnon [1966] B.R. 537, et Santos v. Annett [1967] C.S. 617.
2 5 Voir, i ce sujet, H. & L. Mazeaud, supra, note 16, nos 43 et seq., aux pp.

52 et seq.

26Voir les notes de M. le juge Pigeon dans Pantel v. Air Canada, supra,
note 5, h la p. 476, ainsi que Nadeau & Nadeau, supra, note 12, no 566, aux
pp. 529 et seq.

27 Voir 10-11 Vict., c. 6.
28 Voir 9-10 Vict., c. 93 (Imp.).
29 Voir H6pital Notre-Dame de l’Espgrance v. Laurent [1974] CA. 543, A ]a
p. 546 (M. le juge Mayrand), ainsi que les notes de M. le juge Pigeon dans
Pantel v. Air Canada, supra, note 5, A la p. 478.

80 Voir (1922) 33 B.R. 403.

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pas le recours des parents. Il y avait lieu d’amender la loi; il y avait lieu
de restreindre le recours aux plus proches parents; il y avait lieu de
limiter ce recours h un an a compter du ddc~s, et il y avait lieu de refu-
ser un tel recours, lorsque le d~funt avait lui-m~me obtenu compensation.
C’est h ces quatre points que se rdduit la loi nouvelle.3′
I1 s’agit done, h la vdrit6, d’un rdgime d’exception visant h res-
treindre l’indemnisation de certaines victimes par ricochet d’un acci-
dent mortel.3 2 Or, il est de principe qu’un rdgime d’exception doit
s’interpr6ter restrictivement et ne doit s’appliquer que dans les li-
mites expressdment visdes par le ldgislateur. Le brocard exceptiones
strictissimae interpretationis sunt33 trouve ici toute sa force. C’est
dans ce contexte qu’il faut relire attentivement l’article 1056 C.c.,
placd dans le chapitre intitul6 Des ddlits et quasi-dilits. Force est
de reconnaitre – m6me si on semble parfois l’avoir oubli6 –
que
l’application de ce rdgime exceptionnel de responsabilit6 est assu-
jettie h l’existence d’une condition prdalable: la responsabilit6 d6-
lictuelle ou quasi ddlictuelle de l’auteur de la faute vis-h-vis le d-
funt. L’article 1056 C.e. 6nonce, en effet, en toutes lettres: “Dans
tous les cas oit la partie contre qui le ddlit ou quasi-dglit a 6t6 com-
mis ddcde en consdquence … ” [nos italiques]. N’est-il pas, d~s
lors, raisonnable d’en ddduire que si le ddfunt est ddcddd, non pas
des suites d’une faute d6lictuelle ou quasi ddlictuelle, mais bien,
comme en 1’esp6ce, de l’inexdcution fautive d’une obligation contrac-
tuelle,3 4 le rdgime exceptionnel de l’article 1056 C.c. ne saurait s’ap-
pliquer puisque la condition prdalable n’est pas remplie 5 A dd-
faut d’application de l’exception, le principe reprend toute son au-
toritd. II faut done revenir au rdgime de droit commun, c’est-h-dire
h ‘article 1053 C.e.

I1 ne reste alors qu’h poser la question de savoir si, en l’esp~ce,
la demanderesse n’est pas un “autrui”, aux termes de 1’article 1053

-3 Ibid., aux pp. 405-6.
3 2 Voir, en ce sens, Nadeau & Nadeau, supra, note 12, no 568, h la p. 532.
Voir aussi The Town of Montreal West v. Hough [1931] S.C.R. 113; Potvin
v. Gagnon, supra, note 24; LUvesque v. Malinosky [1956] B.R. 351, A la p. 369,
et Chtiteauvert v. H6tel-Dieu de Qudbec, supra, note 4. Voir, en droit fran-
gais, qui ne comporte pas d’article 6quivalant h l’article 1056 C.c., les r~gles
relatives au pr6judice subi par une victime par ricochet, H. & L. Mazeaud,
Traitd thgorique et pratique de la responsabilitj civile dilictuelle et con-
tractuelle, 5e dd. par Tunc (1958), t. II, nos 1872 et seq., aux pp. 812 et seq,

3 3 Voir Mayrand, Dictionnaire de maximes et locutions latines utilisdes

en droit qugbdcois (1972), h la p. 56.

34 Voir, en ce sens, Surprenant v. Air Canada, supra, note 8.
3 5 Voir, en ce sens, Haanappel, Air Canada v. Alice Marier (1980) 40 R. du B.
136, b la p. 138; mais, en sens contraire, voir la chronique de Larouche,
L’article 1056 C.C. et les personnes ayant droit aux dommages, supra, note 12.

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C.c. Et, bien sir, de cela, on ne saurait douter: la faute du trans-
porteur a fait perdre A la demanderesse le bdn6fice d’une pension
alimentaire que notre droit lui interdit de r6clamer h la succession
du d6funt. Les tribunaux ont eu rdcemment l’occasion, h maintes
reprises, de reconnaitre un droit d’action h la victime par ricochet
d’une faute dommageable. 36 Ainsi, la faute contractuelle du trans-
porteur a 1’6gard du passager constitue, en m~me temps, une faute
extra-contractuelle h 1’6gard d’un tiers –
ici une victime par rico-
chet –
dont le recours, libdr6 des dispositions contraignantes de
l’article 1056 C.c., trouve son fondement juridique dans le r6gime
extra-contractuel de droit commun rdgi par l’article 1053 C.c. M.
le juge Pratte, de la Cour d’appel, a admirablement ddcrit ce r6gime
de la double qualification d’une faute dommageable tant h l’dgard
d’un contractant que d’un tiers, dans l’affaire Boucher v. Drouin:
La r~gle d’apr~s laquelle les contrats n’ont d’effet qu’entre les parties
contractantes doit s’entendre en ce sens que nul ne peut 6tre tenu
d’exdcuter une obligation rdsultant d’un contrat auquel il n’a pas 6t6
partie, et qu’il n’est point permis h un tiers de se pr6tendre cr6ancier
d’une obligation qui n’a pas 6t6 contractde envers lui; mais elle ne fait
point obstacle A ce qu’un tiers, se pr6valant de l’inexdcution d’un contrat
comme d’un pur fait lui causant pr6judice, intente au contractant en d6.
faut une action ddlictuelle, si le fait dont il se plaint n’est pas simple-
ment un manquement A une obligation contractuelle, mais constitue lui-
m~me une faute. Dans ce cas, le tiers ne cherche pas h s’approprier le
b6n6fice d’une obligation qui n’a pas d6t
stipulde en sa faveur, mais i1
demande reparation du pr6judice lui resultant du fait d6lictuel du con-
tractant: il ne fonde pas son droit sur le contrat mais sur la faute dont
ce contrat n’a 6t6 que l’occasion.37

L’application, en 1’esp6ce, du r6gime de droit commun de l’article
1053 C.c. n’a rien, croyons-nous, d’un exercice de haute voltige intel-
lectuelle. Elle ddcoule tout naturellement du syst~me de responsa-
bilit6 civile, tel que l’a voulu le lgislateur.

On salt, en effet, que malgr6 l’unit6 fondamentale de la respon-
sabilit6 civile, laquelle, dans tous les cas, suppose la reunion des
trois conditions classiques (faute, pr6judice et causalit6), le droit
civil canadien reconnailt, h l’instar du droit civil frangais, l’existence
de deux r6gimes de responsabilit6: la responsabilitd ddlictuelle ou
quasi d6lictuelle rdsultant de la violation d’un devoir 16gal, et la

36 Voir, notamment, H6pital Notre-Dame de l’Espdrance v. Laurent, supra,
note 29, aux pp. 547 et seq. (M. le juge Mayrand), et, en Cour supreme, dans
la meme affaire, [1978] 1 R.C.S. 605, aux pp. 614 et seq. (M. le juge Pigeon).
S7Voir supra, note 19, A la p. 822; voir aussi The National Drying Machinery
Co. v. Wabasso Ltd, supra, note 8, h la p. 286 (M. le juge Mayrand): “Que
le m~me acte ou la m~me abstention puisse 6tre A l’dgard d’une personne
une faute ddlictuelle et h l’dgard d’une autre personne, une faute contrac-
tuelle, il n’y a A cela rien d’dtonnant.”

1981]

COMMENTS – COMMENTAIRES

responsabilit6 contractuelle d6coulant de l’inex6cution d’un devoir
contractuel 3 8 Chacun de ces rdgimes comporte des conditions d’ap-
plication particuli~res; chacun est susceptible de se pr6senter,
en pratique, sous des traits distincts qui lui assurent des effets pro-
pres et lui tracent un domaine exclusif. Ainsi que l’6nongait tr!s
justement, h notre avis, M. le juge Mayrand dans l’affaire The
National Drying Machinery Co. v. Wabasso Ltd:

Ce n’est pas que la faute change de nature … mais elle entralne des
effets qui parfois different selon que la faute est la violation d’une obli-
gation contractuelle ou de l’obligation 16gale de ne pas nuire h autrui ….
S’appuyant sur l’autorit6 de MM. Mazeaud, 40 M. le juge Mayrand
ajoute:

[E]ntre les deux ordres de responsabilit6 il n’y a pas de diff6rence fon-
damentale, mais simplement des diff6rences accessoires voulues par le
Ldgislateur. 41
Ces “diff6rences accessoires” existent, on le sait, en ce qui con-
cerne, notamment, le paiement des int6r~ts sur l’indemnit6 que le
d6biteur est condamn6 h verser au cr6ancier, 42 l’attribution de “rin-
demnit6 suppl6mentaire” que le tribunal peut accorder,43 le crit~re
de fixation des dommages-int6rts, 44 la solidarit6,45 les conflits de
lois, 46 les conflits de juridictions,47 la prescription: 48 autant de do-
maines ofi le L6gislateur –
a prevu des
raisons pratiques diff6rentes selon que s’applique, dans les circons-

d6lib6r6ment ou non –

s 8 Voir, h ce sujet, Baudouin, supra, note 12, nos 15 et seq., aux pp. 11
et seq.; Pineau, supra, note 12, h la p. 248, et Pineau & Ouellette, supra, note
12, aux pp. 187 et seq.

89 Voir, en ce sens, Baudouin, supra, note 12, nos 21 et seq., aux pp. 15 et
seq.; Crdpeau, supra, note 2, aux pp. 528 et seq., et Pineau & Ouellette, supra
note 12, aux pp. 188 et seq.; mais, voir Tancelin, supra, note 12, aux pp. 180
et seq. Voir aussi, en ce sens, The National Drying Machinery Co. v. Wabasso
Ltd, supra, note 8, aux pp. 285 et seq. (M. le juge Mayrand); mais, voir les
notes de M. le juge Par6, dissident, aux pp. 281 et seq. Egalement, voir la
note de Jobin, L’obligation d’avertissement et un cas typique de cumul
(1979) 31 R. du B. 939, ainsi que Senez v. La Chambre d’immeuble de
Montrdal, supra, note 8.

40 Voir H. & L. Mazeaud, supra, note 16, no 97, h la p. 103.
4 1 Voir supra, note 8, h la p. 287.
4 2 Voir art. 1056c, al. 1, C.c. Voir, h ce sujet, Dufresne v. X. [1961] C.S. 119.
43Voir art. 1056c, al. 2, C.c. Voir, h ce sujet, infra, note 53.
4 4 Voir arts 1074 et 1075 C.c. Voir, notamment, Girard v. National Parking

Ltd [1971] C.A. 328.

45 Voir arts 1105 et 1106 C.c.
46 Voir art. 8 C.c. Voir, h ce sujet, McLean v. Pettigrew [1945] S.C.R. 62.
47 Voir art. 68 C.p.c. Voir, h ce sujet, The National Drying Machinery Co.

v. Wabasso Ltd, supra, note 8.

4 8 Voir arts 2242 et 2261, al. 2, C.c. Voir, h ce sujet, Senez v. La Chambre

d’immeuble de Montrdal, supra, note 8.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 26

tances concr~tes d’une affaire, le rdgime contractuel ou extra-con-
tractuel de responsabilit6 civile. En veut-on un exemple concret?
Prenons l’article 1056c C.c. Cette disposition prdvoit deux r~gles
particuli~res concernant les int6r~ts h verser sur une condamnation
aux dommages-intr~ts. L’alinda premier –
pour des raisons sur
lesquelles il n’y a pas lieu d’insister ici –
ddicte un rdgime parti-
culier, en faisant remonter, en mati~re ddlictuelle ou quasi d6lic-
tuelle, l’exigibilit6 des intdr~ts au jour de la demande en justice.
En 1961, M. le juge Pager, de la Cour sup6rieure, devait statuer,
dans l’affaire Dufresne v. X., 49 sur une demande, a l’encontre d’un
chirurgien-dentiste, en r6paration du prdjudice r6sultant de l’extrac-
tion non autorise des dents -du maxillaire inf6rieur de sa cliente.
I1 condamuait le ddfendeur au paiement d’une indemnitd de $3,310.
Quant aux intdr~ts, M. le juge Pager ajoutait:

Etant donn6 que la faute de laquelle d6coulent les dommages subis par
la demanderesse est d’ordre contractuel, l’article 1056c C.C. ne peut pas
recevoir application …

.50
I1 fit donc courir les intrts
h compter de la date du jugement,
c’est-h-dire, selon la r~gle ordinaire,5’ du moment de la liquidation
des dommages-int6r~ts.

Le deuxi~me alin6a pr6voit que le tribunal peut ajouter “au
montant ainsi accordd” une indemnit6 qui, depuis le ler avril 1980,
est fixde A dix per cent2 Les tribunaux ont eu, en ces rdcentes anndes,
de nombreuses occasions de statuer sur les conditions d’application
de ce r6gime. Et la Cour d’appel elle-m6me a 6nonc6, h cinq
reprises, 6s h notre connaissance, qu’il ne pouvait trouver applica-

49 Voir supra, note 42.
50 Ibid., A la p. 133.
51 Voir, b ce sujet, Pratt v. Beaman [1930] S.CjR. 284, h la p. 287, et Grimaldi
5 2 Voir art. 1056c, al. 2, C.c. Voir, * ce sujet, ]a Loi sur le Ministgre du
revenu, L.R.Q., c. M-31, art. 28, et le R~glement modifiant le Rglement sur
l’administration fiscale, D.936-80, G.O.Q.1980.II.1937.

v. Restaldi [1933] S.C.R. 489.

53 Voir Building Products of Canada Ltd v. Sauvd Construction Ltde [1976]
CA. 420 (MM. les juges Bdlanger, Casey et Mayrand); Les Entreprises intd.
grdes du Polyadre Inc. v. Gelly [1979] CA. 288 (MM. les juges Cr6te, Mayrand
et Monet); Croteau v. London Life [1979] C.A. 516 (MM. les juges Pard, Bernier
et Montgomery); Royal Industries Inc. v. Jones [1979] CA. 561
(MM. les
juges Mayrand, Crete et Monet), et Cindpix Inc. v. J.K. Walkden Ltd [1980]
CA. 283 (MM. les juges Mayrand, Crete et Philippon, dissident). Voir aussi
Corporation municipale de la paroisse de Saint-Philippe-de-Ndri v. Lagacd [1975]
C.S. 799 (M. le juge Fournier); Clouet v. Entreprises Blanchet Ltde [1976] C.S.
1735 (Mine le juge L’Heureux-Dub6); Odendah v. Salmico Ltd [1977] C.S.
939 (M. le juge Chevalier), et Valide v. Roy [1978] C.S. 706 (M. le juge Gon-
thier. On doit, toutefois, regretter que, dans certains cas, les tribunaux ac-
cordent l’indemnit6 additionnelle prdvue par l’art. 1056c C.c. alors qu’il s’agit

19811

COMMENTS – COMMENTAIRES

tion dans le cadre du r6gime contractuel de responsabilit6 civile.
‘affaire Building Products of Canada Ltd
Ainsi, par exemple, dans
v. Sauvg Construction Ltge,54 il s’agissait de la responsabilit6 de I’ap-
pelante, d6fenderesse en garantie, qui avait fourni des mat6riaux
d6fectueux, utilis6s dans la construction de la toiture d’une 6glise,
travaux pour lesquels ‘architecte et ‘entrepreneur avaient 6t6 tenus
responsables. La demanderesse h 1’action principale avait r~clam6
et obtenu, en Cour sup6rieure, un int6r~t de 8%. M. le juge B1anger,
de la Cour d’appel, d6clara h ce propos:

En vertu de Particle 1056c du Code civil, il [l’int6r~t de 8%] peut 8tre
accord6 sur les dommages resultant d’un ddlit ou d’un quasi-ddlit, autre-
ment il doit 6tre au taux l6gal. La condamnation sur l’action principale
est bas~e sur la responsabilit6 de l’architecte et de l’entrepreneur aux
termes de l’article 1688 C.C. Cette responsabilit6 suppose un lien con-
tractuel. L’intA6rt accord6 n’est pas conforme h la Loi.55

On voit donc que la Cour d’appel sait, en cette mati6re, nettement
distinguer les r6gimes contractuel et extra-contractuel de responsa-
bilit6, en appliquant h chacun les r~gles qui lui sont propres.

Mais, s’il en est ainsi pour ‘article 1056c C.c., pourquoi en serait-
il autrement de ‘article 1056 C.c.? Si les tribunaux, et notamment la
Cour d’appel, admettent que des rigles particuli~res au r6gime extra-
contractuel ont 6t6 express6ment d6cr6tdes par le 16gislateur en ce
qui concerne le paiement des int6r~ts et de
‘indemnit6 supplmen-
taire, pourquoi n’admettraient-ils pas le m6me raisonnement en ce
qui concerne la d6termination des victimes ayant un recours h la
suite d’un accident mortel? Certes, on peut penser que ces “diff&
rences accessoires” entre les r6gimes de responsabilit6 sont artifi-
cielles et qu’il conviendrait que la plupart d’entre elles fussent abro-

manifestement de responsabilit6 contractuelle. Voir, h ce sujet, Genesse
Transport Inc. v. General Plastics Co. Ltd [1976] C.A. 273 (MM. les juges
Rinfret, Cr6te et DubS); Desaulniers v. Ford Motor Co. of Canada Ltd [1976]
C.S. 1609 (M. le juge Batshaw); Cataford v. Moreau [1978] C.S. 933 (M. le juge
en chef Desch6nes), et Cloutier v. H6pital St-Joseph-de-Beauceville [1978]
C.S. 943 (M. le juge Moisan), en ce qui concerne l’6tablissement.

Voir, 6galement, h ce sujet, H6pital gdndral de la Rdgion de l’amiante v.
Perron, supra, note 8, oii la Cour d’appel confirmait le jugement de la Cour
sup6rieure (M6gantic, 235-05-000 030-74) du 23 juillet 1973, qui avait refus6
au demandeur 6s-qualit6 l’indemnit6 additionnelle au motif “que les dom-
mages rdsultant sont plus futurs que pr6sents.” On peut penser que la Cour
d’appel aurait d confirmer en cela le jugement attaqu6, mais au seul motif
que la responsabilit6 de 1’6tablissement hospitalier h 1’6gard du demandeur
6s-qualit6 avait, comme dans les affaires ci-haut mentionn6es, un caract~re
contractuel.

5 4Voir supra, note 53.
r Ibid., h la p. 420. Voir aussi, en ce sens, Larouche, L’indemnitj addition-

nelle: art. 1056c C.C. (1978) 38 R. du B. 76, h la p. 78.

McGILL LAW JOURNAL

[Vol. 26

g6es, ainsi que I’a recommand6 l’Office de revision du Code civil.50
Mais c’est lh un tout autre problkme. Tant et ausi longtemps qu’elles
subsistent, elles doivent, le cas chdant, trouver application. Aussi,
croyons-nous devoir conclure, au regard du droit civil, que Dame
Marier, victime extra-contractuelle par ricochet d’une faute contrac-
tuelle du transporteur
t l’6gard de son ex-mari, aurait eu droit h
une indemnit6 sur le fondement du r6gime extra-contractuel de droit
commun de l’article 1053 C.c. On doit d6s lors souhaiter que, dans
un avenir prochain, la Cour d’appel ait de nouveau l’occasion de se
pencher sur cette question ou que la Cour supr~me du Canada soit
invit6e a pr6ciser les r6les respectifs des articles 1053 et 1056 C.c.
dans rindemnisation d’une victime par ricochet d’un accident mor-
tel.

Paul-Andr6 Cr6peau, c.r.*

56Voir le Rapport sur le Code civil du Qudbec (1978), vol. I: Projet de

Code civil, Livre V: Des obligations, arts 292, 296, 297, 300 et 301.

* De la Soci6t6 royale du Canada; Wainwright Professor of Civil Law,

Directeur de l’Institut de droit compar6, McGill University.

A propos de l'affaire Marier in this issue Marier v. Air Canada: The Common Law Perspective

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