Article Volume 62:1

La contribution des blogues juridiques à la connaissance, à la critique et aux transformations du droit

Le blogging juridique est un phénomène tout juste émergent au Québec comparativement à d’autres systèmes juridiques où il est pratiqué de longue date. La blogosphère juridique québécoise compte aujourd’hui une cinquantaine de blogues actifs. Ceux-ci demeurent encore largement méconnus de la communauté juridique, qui ne leur accorde généralement pas de valeur. Ils sont pourtant des outils efficaces de diffusion de la doctrine juridique et de commentaires de jurisprudence, que les juges québécois hésitent d’ailleurs beaucoup moins à utiliser.

Cet article tente de montrer, en s’appuyant notamment sur des exemples étrangers et québécois, dans quelle mesure les blogues juridiques peuvent contribuer, de manière originale, non seulement à la diffusion du savoir juridique, mais aussi à la critique et aux transformations du droit. Pour ce faire, le présent texte propose avant tout de dresser un portrait en instantané de la blogosphère juridique québécoise. Il se poursuit par une discussion au sujet de la nature et de la valeur de la contribution des blogues, et finit par s’interroger sur l’influence, réelle ou potentielle, des blogues juridiques sur les acteurs du droit.

Legal blogging is an emerging phenomenon in Quebec compared to other legal systems where it is has been a longstanding practice. The Quebec legal blogosphere now has around fifty active blogs which remain largely unknown to the legal community, the latter generally granting them no value. Yet, they are reliable tools for disseminating legal doctrine and case notes, which Quebec judges are now much less reluctant to employ.

Relying on foreign and Quebec examples, this article attempts to demonstrate how legal blogs can contribute not only to the dissemination of legal knowledge in an original way, but also serve to criticize and transform the law. To do so, this article first proposes to quickly draw a picture of the Quebec legal blogosphere. It follows up with a discussion about the nature and value of blogs’ contributions, and finishes by questioning the influence, actual or potential, of legal blogs on legal actors.

* Docteure en droit. Enseignante-chercheure à l’Université de Sherbrooke. Cette recherche a été réalisée grâce au soutien financier de la Fondation du Barreau du Québec. L’auteure tient à exprimer ses plus vifs remerciements à Léonid Sirota ainsi qu’aux évaluateurs anonymes dont les précieux commentaires ont permis d’améliorer une version antérieure de ce texte. Cette recherche est dédiée à la mémoire du professeur Christian Atias, Boulton Senior Fellow de la Faculté de droit de l’Université McGill (1986-1987).

Table of Contents

Introduction

I.   Portrait de la blogosphère juridique québécoise

A.  Blogues

1.   Typologie des blogues juridiques

2.   Contenu des blogues juridiques québécois

3.   Les domaines du droit couverts par les blogues juridiques québécois

B.  Blogueurs et blogging juridique

II. Nature et valeur de la contribution des blogues juridiques

A.  Contribution des blogues à la connaissance et la critique du droit

1.   La circulation de l’information et du savoir juridiques

a.    Portée des publications

b.   Vitesse de circulation de l’information

c.    Amélioration du savoir juridique

2.   Critique du droit[80]

a.    Potentiel critique des blogues juridiques

b.   Controverses juridiques 2.0

B.  Les blogues juridiques ont-ils une valeur doctrinale?

1.   Opinion vs analyse

2.   Complémentarité des blogues et des revues juridiques

 3.  Les blogues juridiques en quête de statut

III.  L’influence des blogues juridiques

A.  Le constat : la capacité des blogues juridiques de contribuer aux
transformations du droit

1.   Les blogues juridiques : une source secondaire comme les autres

2.   La difficulté de mesurer l’influence

B.  Les facteurs d’influence

1.   La qualité des blogues

2.   Visibilité et accessibilité du contenu des blogues

a.    Visibilité

b.   L’accessibilité

Conclusion

Annexe : Méthodologie de la recherche

Introduction

Dans le monde des communications et d’Internet, les années 2000 ont été marquées par l’apparition puis la prolifération des blogues, ces journaux ou carnets en ligne grâce auxquels n’importe quel internaute peut partager du contenu en publiant régulièrement des billets traitant de sujets parfois très personnels. En 2015, certains ont annoncé, un peu brutalement sans doute, la mort des blogues[1]. Cette affirmation, qui ne vise en réalité qu’une forme particulière de blogging, va à l’encontre de ce que chaque utilisateur d’Internet peut observer quotidiennement. En effet, si le modèle du journal intime en ligne a effectivement perdu du terrain et peut-être de l’intérêt, les blogues sont devenus un précieux outil de communication qu’utilisent de nombreux internautes à toutes sortes de fins, parmi lesquelles il faut désormais inclure les fins professionnelles. Les nombreux attraits du Web 2.0 intéressent en effet tous ceux qui éprouvent, dans leur activité professionnelle, le besoin de partager, échanger, discuter et débattre. Le blogging juridique, qui a fait son apparition à peu près à la même époque que les blogues personnels, se présente comme une variation particulière de ce qu’il serait convenu d’appeler le blogging professionnel, c’est-à-dire cette manière pour les experts de tel ou tel domaine du savoir de s’approprier les blogues et de les utiliser à des fins purement professionnelles[2]. À notre connaissance, ce phénomène du blogging professionnel n’a pas encore été étudié pour lui-même et commence à peine à être documenté, voire encouragé, par les experts provenant de disciplines très variées[3]. Il faudrait également ajouter les blogues des chercheurs en sciences humaines et en sciences dures[4].

Les blogues juridiques et la pratique même du blogging par les juristes (en particulier universitaires) ont déjà fait l’objet de réflexions de la part des juristes français[5], américains[6] et latino-américains[7]. En revanche, aucune réflexion de ce type n’a vraiment été initiée au Canada. On pourra d’autant plus s’en étonner que la blogosphère juridique canadienne est active et se développe un peu plus chaque jour. À cet égard, le Québec n’est pas en reste, puisque sa blogosphère fait preuve d’une grande vitalité. Et pourtant, on observe chez les juristes québécois une indifférence certaine, voire une certaine défiance à l’égard des blogues juridiques. Les raisons de ce relatif désintérêt de la communauté juridique ne sont pas faciles à découvrir : le manque de fiabilité supposé des blogues juridiques en est probablement la principale raison[8]. Bien qu’en augmentation, le nombre modeste de blogues québécois pourrait quant à lui s’expliquer par le caractère exigeant du blogging juridique. Les juristes seraient dissuadés de créer puis d’alimenter régulièrement un blogue dont l’utilité et la valeur ne sont réellement reconnues qu’à l’intérieur d’un petit cercle d’initiés technophiles, pour la plupart juristes blogueurs.

Quoi qu’il en soit, le développement et l’activité des blogues juridiques à travers le monde ne permettent plus vraiment de demeurer indifférent au phénomène. Pour sa part, le blogging juridique québécois, qui connaît aujourd’hui un développement accéléré, ne peut plus être ignoré de la communauté juridique. Il mérite lui aussi d’être étudié, cerné et, à plusieurs égards, encouragé. Les recherches entreprises dans d’autres systèmes juridiques attestent que le contenu publié sur les blogues, envisagés comme supports particuliers du savoir juridique, contribue non seulement à la connaissance du droit, mais aussi à sa critique, et du même coup à sa transformation. C’est ce que cette étude se propose de montrer en s’appuyant sur une observation attentive de la blogosphère juridique québécoise, sur les pistes de réflexion proposées par les études étrangères et sur un sondage réalisé auprès des juristes blogueurs québécois[9]. La présente recherche, étant la première du genre au Canada et ayant pour objet un phénomène qui émerge à peine, on comprendra que les résultats présentés ci-après ont un tour essentiellement descriptif. Il s’agit en effet d’observer ce phénomène dans ses manifestations actuelles et d’anticiper, lorsque cela est possible, ce qu’il pourrait devenir.

Les contours de la blogosphère juridique québécoise étant généralement méconnus de la communauté juridique, le présent texte commencera par en dresser un portrait, qui vise à délimiter le cadre des réflexions contenues dans cette étude et contribue en même temps à faire sortir de l’ombre les auteurs de cette littérature sur le droit (I). Prenant ensuite appui sur les débats qui ont animé les juristes d’autres pays, la réflexion portera sur la nature et la valeur des contributions que l’on peut lire sur les blogues juridiques québécois (II). Enfin, il s’agira d’envisager la question de leur influence (III).

I.   Portrait de la blogosphère juridique québécoise

Il est rare que les juristes tentent de dresser un portrait de la blogosphère qui se développe dans leur système juridique[10]. Il est pourtant souhaitable d’identifier au mieux le phénomène sur lequel porte la réflexion et, pour ce faire, de répertorier les blogues actifs et tenter d’identifier leur objet, leur raison d’être, leur auditoire, etc. Aussi paraît-il de bonne méthode de commencer par décrire l’objet qui se trouve au cœur de notre recherche, en l’abordant sous l’angle de deux thématiques : blogues, puis blogueurs et blogging.

A.  Blogues

L’Office québécois de la langue française propose du blogue une définition très complète dont le mérite est de mettre en évidence les éléments qui caractérisent les blogues par rapport à d’autres sites Internet. Selon l’Office, il s’agit d’un

site Web personnel tenu par un ou plusieurs blogueurs qui s’expriment librement et selon une certaine périodicité, sous la forme de billets ou d’articles, informatifs ou intimistes, datés, à la manière d’un journal de bord, signés et classés par ordre antéchronologique, parfois enrichis d’hyperliens, d’images ou de sons, et pouvant faire l’objet de commentaires laissés par les lecteurs [nos italiques].[11]

Il n’existe en revanche aucune définition « officielle » de blogue juridique ou blogue juridique québécois. Pour les fins de notre étude, un blogue juridique est un blogue qui porte essentiellement ou exclusivement sur le droit et dont l’auteur est juriste ou a suivi une formation juridique. Quant au blogue juridique québécois, il prend pour objet le droit applicable au Québec et par là même s’adresse à la communauté juridique québécoise. Ainsi, seule la blogosphère québécoise nous intéresse ici, sans pour autant que soient exclus de notre propos des blogues qui, tout en n’étant pas 100% québécois, présentent néanmoins un intérêt évident pour les juristes québécois. C’est le cas par exemple des blogues qui portent sur le droit constitutionnel, mais aussi de tous ceux qui traitent de domaines de compétence fédérale, ou encore du blogue CanLII connecte développé par le site CanLII, qui intéresse l’ensemble des provinces canadiennes.

L’histoire des blogues juridiques québécois[12] est récente puisqu’elle a débuté avec l’apparition d’un premier blogue, La Pub et le droit, en 2004[13]. Faute d’étude relative à la blogosphère juridique québécoise et d’archivage des données publiées sur les blogues, il n’est pas possible de décrire son évolution depuis cette époque. Tout au plus peut-on souligner que la majorité des blogues juridiques québécois répertoriés ont été créés depuis 2011. Le portrait proposé ne vise donc à offrir qu’un instantané, qui se veut toutefois le plus fidèle possible à la réalité[14].

C’est principalement à partir d’une liste de blogues canadiens dressée par le site Lawblogs.ca que les blogues québécois ont pu être identifiés. Cette liste a été complétée manuellement à l’aide d’autres sources[15]. Ainsi, en date du 17 octobre 2016, on comptait soixante-deux blogues répondant à la définition retenue précédemment, dont cinquante-quatre étaient actifs[16]. Le premier trait qui caractérise la blogosphère juridique québécoise est sans doute son hétérogénéité, ce qui rend d’autant plus utile, quoique malaisée, la tentative de dresser un portrait à partir des traits saillants observés. On proposera donc tout d’abord une typologie des blogues juridiques québécois, puis on s’attachera à déterminer l’objectif de ces blogues pour évoquer, en terminant, les domaines du droit représentés dans la blogosphère.

1.   Typologie des blogues juridiques

Il existe aujourd’hui plusieurs types de blogues juridiques qu’il importe de distinguer. Chacun présente pour la communauté juridique un intérêt certain et tous peuvent être considérés comme complémentaires. On peut distinguer quatre grands types de blogues : les blogues individuels, institutionnels, collaboratifs et enfin, les blogues facultaires.

      Le type le plus ancien, les blogues individuels, sont des blogues crées et alimentés par un juriste unique. Sur les soixante blogues répertoriés pour le Québec, vingt-sept sont animés par des juristes uniques.

      Les blogues institutionnels, quant à eux, sont souvent créés par les cabinets d’avocats, dont plusieurs membres alimentent le contenu par des billets en lien avec le domaine du droit dans lequel ils plaident. On peut aussi ranger ici les blogues d’éditeurs de contenu juridique comme SOQUIJ ou les Éditions Yvon Blais, ou encore les blogues de chaires de recherche et ceux de cliniques juridiques universitaires.

      Ensuite, les blogues collaboratifs, apparus plus récemment, sont fondés sur la base de la contribution de plusieurs juristes blogueurs provenant d’horizons différents. Le blogue CanLII connecte est un bon exemple de ce type, de même qu’Options politiques qui comporte une catégorie « Droit » accueillant les contributions de juristes québécois et canadiens[17]. Entrent également dans cette catégorie les blogues créés dans le cadre des projets de la Chaire en droit de la sécurité et des affaires électroniques (aujourd’hui Chaire L.R. Wilson) sur la plateforme OpenUM[18].

      Enfin, les blogues facultaires constituent un type de blogues créés à l’initiative et au sein même d’une faculté de droit. Les contributeurs sont les professeurs de cette faculté et parfois leurs étudiants. Les blogues facultaires sont à la fois institutionnels et collaboratifs puisqu’ils sont alimentés par les contributions de plusieurs professeurs et que le blogue relève directement de l’institution facultaire, le plus souvent dans son volet recherche. À vrai dire, si ce type de blogues existe aux États-Unis[19] et dans d’autres provinces canadiennes[20], il est quasi inconnu au Québec[21]. Il mériterait pourtant d’y être développé, non seulement au regard des avantages que ce type de blogue peut procurer aux facultés de droit et à leurs membres, mais aussi parce que les blogues facultaires sont peut-être les plus susceptibles de contribuer aux transformations du droit, notamment en influençant les tribunaux[22].

2.   Contenu des blogues juridiques québécois

La création d’un blogue, juridique ou non, peut résulter des objectifs, au demeurant très variables, qui sont poursuivis par son créateur, ce qui influencera naturellement la nature du contenu offert aux lecteurs. Néanmoins, tout blogue, parce qu’il prend place dans l’univers infini de l’Internet, s’adresse à une infinité de lecteurs potentiels avec lesquels il s’agit de partager le contenu ainsi publié. Le sondage réalisé auprès des juristes blogueurs québécois confirme largement cet objectif. À la question « quelles sont les raisons qui vous poussent à bloguer? », la réponse la plus fréquente est en effet : « partager des opinions et analyses juridiques avec le plus grand nombre de lecteurs »[23]. En comparaison, « diffuser le plus largement possible de l’information juridique » n’est un motif de bloguer que pour 63% des répondants. Les motivations affichées sur les blogues eux-mêmes abondent dans ce sens en mettant l’accent sur le partage, la discussion et l’échange[24].

Pourtant, ces motivations ne se concrétisent pas toujours dans la réalité de la blogosphère québécoise, puisqu’on observe qu’une majorité de blogues juridiques œuvrent davantage à la diffusion d’informations juridiques qu’à leur analyse ou leur commentaire.

      Bien que les blogues soient souvent conçus dans l’optique d’échanger, discuter ou partager des opinions sur le droit, les billets publiés consistent plutôt à diffuser, gratuitement, de l’information à caractère juridique destiné à un large public, c’est-à-dire aussi bien avec les juristes qu’avec le reste de la communauté[25]. Plusieurs types d’informations sont mises en circulation, mais on peut dire que les blogues juridiques québécois offrent surtout des résumés ou commentaires de décisions judiciaires, le plus souvent récentes[26]. Le blogue SOQUIJ, celui des Éditions Yvon Blais, CanLII connecte, ou encore À bon droit de Karim Reno fournissent à cet égard un contenu substantiel. Le blogue droitdu.net, alimenté par les étudiants du professeur Vincent Gautrais, offre lui aussi ce type de contenu. En outre, bon nombre de sites Internet de cabinets d’avocats hébergent un blogue permettant aux praticiens de signaler ou résumer des décisions en lien direct avec leur pratique[27], de proposer à l’attention du public de courtes présentations expliquant certaines notions[28], ou de diffuser toute information en lien avec la pratique[29]. Les blogues juridiques diffusent parfois également des annonces d’évènements comme les colloques et conférences, les parutions d’ouvrages, les soutenances de thèse, etc.

      Plus rares sont les blogues qui publient de véritables analyses ou des points de vue argumentés sur le droit en vigueur. On observe toutefois que ceux qui le font ont acquis une belle réputation dans la blogosphère juridique canadienne qui reconnaît leur valeur notamment par la remise de récompenses appelées « Clawbies » (pour Canadian Law Blog Awards). Elles sont décernées chaque année depuis 2005 par l’équipe du site canadien Lawblogs.ca et contribuent à placer sous les projecteurs les blogues juridiques canadiens qui se sont distingués dans l’année. Plus encore, les Clawbies visent à encourager le développement de la blogosphère juridique canadienne[30]. Plusieurs blogues juridiques québécois ont été récompensés par le passé et leur qualité a souvent été saluée. En 2015, la récompense du meilleur blogue juridique canadien a été décernée au blogue du professeur Paul Daly de l’Université de Montréal. À cette occasion, l’équipe des Clawbies soulignait que

Paul Daly’s blog is a master’s-level course in understanding and keeping up with the latest developments in an area of law that touches everyone from the largest corporation and government department to the smallest business and individual Canadians. Paul’s singular accomplishment is to combine such high quality with such extraordinary quantity: new posts appear as frequently at his one-man blog as they do on many group blogs. In a field of deserving candidates, Administrative Law Matters is the clear choice for best law blog of the year.[31]

En 2014, ce blogue s’était déjà distingué dans la catégorie des blogues de professeurs ou de faculté de droit[32], tandis que Double aspect de Léonid Sirota était reconnu comme le meilleur blogue juridique canadien[33].

Les blogues qui ont principalement pour objet l’analyse et la critique du droit sont sans conteste sous-représentés dans la blogosphère juridique. Ce sont essentiellement des blogues d’universitaires, professeurs ou chercheurs en droit, qui cherchent à faire profiter la communauté de leur expertise, à critiquer certaines solutions en vigueur, à anticiper les solutions à venir, à stimuler la réflexion, à proposer des arguments et à formuler des opinions sur le droit. L’augmentation significative des blogues juridiques de professeurs depuis 2014, en particulier grâce à la plateforme OpenUM de l’Université de Montréal, pourrait contribuer à une augmentation notable des blogues juridiques se consacrant davantage à l’analyse et aux commentaires critiques qu’à la diffusion d’informations juridiques brutes[34].

3.   Les domaines du droit couverts par les blogues juridiques québécois

Quelques blogues juridiques québécois n’ont pas pour objectif de couvrir un domaine du droit en particulier, mais plutôt de se faire l’écho de l’actualité juridique (entendons surtout l’actualité jurisprudentielle), quelles que soient les branches du droit concernées. On peut les qualifier de généralistes et citer à titre d’exemple les blogues de diffusion de contenu juridique tels que CanLII connecte, le Blogue SOQUIJ, le blogue des Éditions Yvon Blais, ainsi que les blogues du CRL (Association du jeune Barreau de Montréal), d’Yves Faguy du magazine National, ou Faits et cause. Plus souvent, cependant, les blogues juridiques circonscrivent leur propos à un domaine du droit seulement, voire à des questions bien particulières. Le droit criminel est la branche du droit la plus représentée dans la blogosphère québécoise, avec quatre blogues qui y sont exclusivement consacrés[35]. Il existe également des blogues en droit administratif[36], droit constitutionnel[37], droit civil[38], ou encore en droit du travail[39]. Il existe enfin des blogues spécialisés dans des questions aussi variées que la propriété intellectuelle et les brevets[40], le droit et les politiques de santé[41], le droit des ressources naturelles[42], le droit des relations internationales[43], le droit pénal international et humanitaire[44], le droit de la vie privée et des technologies de l’information[45], le droit de l’immigration[46], le droit fiscal[47], la sécurité de l’information[48], le droit notarial[49], le droit des nouvelles technologies[50], le droit des minorités sexuelles et de genre[51], etc.

B.  Blogueurs et blogging juridique

Ce portrait de la blogosphère juridique québécoise ne serait pas complet s’il ne s’intéressait pas aux juristes blogueurs eux-mêmes, à leur pratique du blogging juridique, à leur motivation personnelle, ainsi qu’à la place qu’occupe le blogging dans leur pratique professionnelle. Le sondage réalisé dans le cadre de cette recherche visait plus particulièrement à cerner ces aspects du phénomène. Plusieurs observations méritent d’être faites. Tout d’abord, et cela découle naturellement de ce qui a déjà été esquissé de ce portrait, les juristes blogueurs sont avant tout des praticiens[52] et moins souvent des universitaires (lesquels doivent s’entendre ici des professeurs, chercheurs et étudiants en droit). Les blogueurs interrogés sont majoritairement des hommes qui appartiennent à la tranche d’âge 25-40 ans et qui, bien souvent, ont en plus de leur formation juridique une formation dans un autre domaine, fréquemment les sciences politiques.

Pour quelles raisons ces juristes bloguent-ils? La question n’est pas anodine et il serait insuffisant de demander en retour : pourquoi pas? En effet, bloguer est une activité, ou une pratique, exigeante qui, pour être correctement menée à bien, requiert plusieurs qualités et aptitudes. Exigeante, cette activité l’est tout d’abord parce qu’elle prend du temps[53] et qu’elle est menée de front avec l’activité professionnelle principale, même si les répondants estiment, majoritairement, que le temps passé à bloguer fait partie intégrante de leur activité professionnelle[54]. En outre, elle suppose une veille permanente de l’actualité juridique et une réactivité à celle-ci. Elle est également exigeante parce qu’elle est susceptible d’exposer l’auteur des billets aux commentaires et à la critique, en particulier lorsqu’ils expriment des opinions ou analyses plus personnelles[55]. De plus, bloguer exige des qualités rédactionnelles de clarté, d’accessibili­té et de concision, ainsi qu’une régularité de publication[56]. Enfin, on pourrait se demander si l’investissement que le blogging juridique suppose est un investissement rentable compte tenu de la faible reconnaissance dont cette pratique semble faire l’objet au sein même de la communauté juridique québécoise. Les répondants à notre sondage ont été assez clairs à ce sujet, en répondant qu’ils bloguent avant tout pour partager des opinions et analyses juridiques avec le plus grand nombre[57] ou pour se faire connaître (aussi bien du public que de la communauté juridique). La première motivation du blogging demeure donc la visibilité, la volonté de se faire connaître et, plus encore peut-être, de se faire reconnaître[58], incluant aussi la volonté d’accroître sa réputation. Ainsi, il y a une recherche évidente de publicité par les juristes blogueurs, dont ils ne se cachent d’ailleurs pas[59]. D’autres raisons ont été avancées pour expliquer ce qui peut motiver les juristes à créer un blogue et à bloguer : la frustration de ne pas trouver ce que l’on cherche sur Internet a ainsi été invoquée par certains[60].

Si la quête de visibilité des juristes est assez facilement assurée grâce au blogging juridique, en revanche la question de leur reconnaissance se pose dès que la valeur des contributions sur les blogues est discutée, lorsqu’elle n’est tout simplement pas niée.

II. Nature et valeur de la contribution des blogues juridiques

La blogosphère juridique produit une forme nouvelle de littérature, en même temps qu’une nouvelle façon d’écrire pour les juristes. Ce nouveau genre doit donc être replacé dans le contexte plus large de la littérature sur le droit et pensé en rapport avec les modes traditionnels de publications juridiques, que ces dernières s’inscrivent dans une dimension pratique, pédagogique ou scientifique. C’est en effet en considération de ces modes traditionnels que la question de la nature, mais aussi de la valeur de la contribution des blogues juridique prend tout son sens. Les blogues juridiques ayant pour objet, comme on l’a constaté plus haut, soit la diffusion d’information juridique au sens large, soit plus rarement l’analyse et l’expression d’opinions critiques, il s’agit à présent de prêter davantage attention à la manière dont les blogues contribuent eux aussi, mais d’une façon si originale et particulière, à la connaissance du droit ainsi qu’à sa critique (A). Cela étant, il convient ensuite de prendre acte du contexte dans lequel la question de la nature et de la valeur des blogues juridiques prend place et d’en tirer les conclusions. En effet, il est important de se souvenir que c’est la doctrine juridique, spécialement universitaire, qui a soulevé cette question. Il importe donc de s’attarder à ce qui paraît bien être au cœur de la discussion : la question de savoir si les blogues juridiques peuvent se voir reconnaître une valeur doctrinale (B).

A.  Contribution des blogues à la connaissance et la critique du droit

1.   La circulation de l’information et du savoir juridiques

En tant que support, le blogue se présente comme un nouvel outil extrêmement efficace pour faire circuler l’information et le savoir juridiques et, il faut l’admettre, bien plus performant que les modes traditionnels de diffusion des connaissances juridiques[61].

a.    Portée des publications

L’élargissement du public visé par les publications juridiques marque une différence essentielle entre les billets de blogue et les supports traditionnels, c’est-à-dire les publications imprimées. L’audience des juristes n’est plus limitée à une communauté de juristes qui, si large soit-elle, demeure cloisonnée. Désormais, elle s’étend potentiellement à l’ensemble de la société, à tous ceux qui s’intéressent aux questions juridiques à un degré ou un autre[62]. Plusieurs auteurs parlent volontiers de dissémination de l’information juridique grâce aux blogues[63]. Les blogues juridiques, plus accessibles[64] que les publications des universitaires ou des praticiens produisant un discours d’expert, permettent aux citoyens de s’informer et de comprendre la dimension juridique des questions qui les préoccupent ou qui agitent l’actualité[65]. La reconnaissance du blogue CanLII connecte (pourtant destiné aux juristes) comme meilleur blogue juridique canadien destiné à un lectorat non juridique prouve que le format du blogue favorise la circulation de l’information au sein de la communauté juridique, mais aussi bien au-delà[66].

L’audience des publications sur les blogues est en outre démultipliée par l’effet, tout d’abord, de l’hypertextualité, ensuite de la publicité qui en est faite sur les médias sociaux, et enfin de la pratique de republication des billets de blogue. L’usage de liens hypertextes pour renvoyer directement le lecteur au contenu des sources documentaires utilisées, plutôt que l’usage de notes de bas de page, est également un moyen de renvoyer à d’autres billets de blogue, voire de dialoguer avec eux. De plus, les publications sur les blogues juridiques n’entraînant pas de cession de droits d’auteur au profit d’un éditeur, les auteurs de billets demeurent libres de les publier sur plusieurs blogues, ce qui accroît d’autant leur audience et favorise donc la circulation de l’information et du savoir juridiques. Par exemple, CanLII connecte accueille des billets de juristes québécois initialement publiés sur leur propre blogue[67]. Enfin, la circulation de l’information est considérablement accrue à chaque fois que l’auteur d’un billet de blogue en annonce la parution, en même temps, sur Twitter ou Facebook, ou les deux, en fournissant un lien hypertexte vers le billet[68].

b.   Vitesse de circulation de l’information

La rapidité de diffusion de l’information est également ce qui différencie les blogues juridiques des modes traditionnels de publication. La mise en circulation des billets de blogue est quasi instantanée, rendant ainsi accessibles les propos d’un auteur dès l’instant où il les estime prêts à être publiés. Il n’existe pas de contraintes éditoriales, notamment associées à des questions de délais, lesquels sont parfois extrêmement longs dans l’édition traditionnelle. Qu’il s’agisse de publications dites scientifiques dans les revue, ou de publications de praticiens, leur périodicité ne permet pas toujours d’accueillir des analyses, commentaires ou opinions dans un temps opportun, c’est-à-dire au moment où ils seraient les plus utiles à la communauté. La rapidité de diffusion sur les blogues permet en outre aux juristes d’être particulièrement réactifs. On peut certes craindre que cette réactivité favorise des commentaires ou opinions exprimés, justement, à chaud, sans la distance et le temps nécessaires à l’analyse et à la réflexion. Mais lorsqu’il s’agit de réagir à l’actualité la plus brûlante, on peut aussi, à la manière du professeur Craig Forcese de l’Université d’Ottawa, considérer le blogue comme un moyen efficace pour les juristes de contrôler leurs propos, ce que ne permettent pas leurs interventions dans les autres médias[69]. Quoi qu’il en soit, la blogosphère juridique offre des exemples de réactivité à l’actualité et, parmi d’autres, on évoquera le traitement réservé par les blogueurs canadiens à l’arrêt École secondaire Loyola c. Québec (Procureur général)[70] rendu la Cour suprême le 19 mars 2015. Très attendue par plusieurs blogueurs, la décision a d’abord fait l’objet de micro-commentaires sur Twitter dans les heures qui ont suivi sa publication[71]. À la fin de la journée du 19 mars, deux blogues québécois publiaient un commentaire complet de la décision[72]. Dans les jours et semaines suivants, d’autres commentaires originaux ont été publiés sur des blogues juridiques tandis que les deux premiers du 19 mars ont été republiés sur CanLII connecte[73], si bien qu’en moins d’un mois, la blogosphère juridique a offert à la communauté cinq commentaires publiés sur six blogues différents[74].

c.    Amélioration du savoir juridique

La contribution des blogues juridiques à la connaissance du droit réside, dans une moindre mesure, dans la possibilité qu’offre ce support d’accueillir une diversité de propos qui autrement ne trouveraient pas (ou pas de manière aussi satisfaisante) de lieu d’expression. Tout d’abord, et cela a souvent été observé[75], les juristes utilisent parfois les blogues comme laboratoires où ils peuvent tester des idées, des propositions, théories, ou soumettre à la communauté un travail en cours[76]. C’est l’interactivité des blogues qui, grâce à la fonction commentaire, offre ici aux juristes la possibilité d’échanger sur leurs travaux, de confronter leur point de vue à ceux de leurs lecteurs, d’éprouver la solidité de leurs démonstrations, de solliciter l’expertise des internautes sur des sujets précis et, ainsi, de réorienter ou enrichir leurs réflexions. Par l’interactivité, la démarche peut donc parfois devenir collaborative[77], même si finalement les propos publiés demeureront attachés au seul auteur du billet ou de l’article scientifique, qui aura vu le jour grâce aux interventions des tiers.

Ensuite, la grande liberté dont disposent les blogueurs quant au choix des questions à traiter dans leurs billets, de l’angle ou du ton à adopter, leur permet d’écrire des textes qui ne correspondent pas aux genres habituels de la littérature juridique tels que l’article analytique, le commentaire de décision, la démonstration scientifique et l’exposé dogmatique. Outre le texte d’opinion, ou tribune libre, qui adopte un ton plus personnel et qui sera évoqué plus loin à propos de la critique du droit, on pense ici à tout billet de blogue qui permettrait de rendre accessibles et articulées des réflexions qui d’ordinaire ne sont pas recueillies. C’est le cas des propos qui relèvent de la seule oralité et qui visent moins à transmettre un savoir théorique qu’une expérience professionnelle[78]. Les blogues présenteraient donc cet avantage de permettre la transmission, la circulation et la conservation d’une forme du savoir juridique qui, autrement, ferait l’objet d’une grande déperdition[79].

On le voit bien, les billets de blogue n’ont pas vocation à se substituer aux modes habituels de diffusion de l’information et du savoir juridiques, mais plutôt à les compléter. La remarque vaut également lorsqu’il s’agit de la dimension critique des blogues.

2.   Critique du droit[80]

a.    Potentiel critique des blogues juridiques

La fonction d’opinion, qui comprend la critique, est l’une des fonctions qu’exerce la doctrine juridique[81]. C’est elle qui permet d’accompagner ou de susciter les transformations du droit. Cependant, pour des raisons qui tiennent aux genres de la littérature juridique québécoise, cette fonction paraît assez peu représentée dans les publications. Les billets d’humeur et les tribunes libres, exprimant généralement des opinions critiques, ne trouvent guère leur place dans les publications traditionnelles, contrairement, par exemple, à ce que l’on peut observer dans les publications françaises hebdomadaires tels le Recueil Dalloz[82], la Gazette du Palais ou la Semaine Juridique. C’est surtout dans les médias, en particulier dans les quotidiens, que les juristes québécois tiennent généralement ce genre de propos et c’est probablement dans les thèses de doctorat en droit que l’analyse critique trouve son meilleur lieu d’expression.

Dans un tel contexte, le format particulier du blogue offre de nouvelles opportunités aux juristes. Il permet en effet l’exercice et le développement de la fonction critique de la doctrine juridique. Une fois encore, la liberté éditoriale du blogueur et la possibilité de réagir à l’actualité en temps réel sont des conditions propices à l’expression d’opinions critiques. L’interactivité, rendue possible par l’usage des commentaires, constitue, elle aussi, une source privilégiée d’opinions critiques. La fonction commentaire, il faut le rappeler, est l’une des caractéristiques essentielles du blogue juridique. Elle permet aux lecteurs de commenter chaque billet publié et éventuellement d’alimenter une véritable discussion, qui n’est d’ailleurs pas limitée à un échange entre le blogueur et ses commentateurs, puisqu’elle peut aussi se situer dans les commentaires des commentaires[83]. La discussion peut être riche de la qualité des interventions, mais aussi de la diversité des commentateurs, qui ne sont pas nécessairement experts, mais peuvent offrir des points de vue utiles et nécessaires.

Le potentiel critique des blogues juridiques semble donc très grand — peut-être même trop grand — car en pratique, l’usage des commentaires sur les blogues juridiques québécois ne produit pas souvent cet effet[84]. Premièrement, on observe que la fonction commentaire n’est pas toujours disponible, excluant toute possibilité d’échange. Deuxièmement, lorsqu’elle est disponible, cette fonction est largement sous-utilisée par les lecteurs de blogues[85]. Les commentaires sont peu nombreux et ne participent que très rarement à une discussion. Cela peut résulter du fait que, dans la très grande majorité des cas, les blogueurs modèrent les commentaires, évitant ainsi la publication de propos inappropriés ou les ferment tout simplement pour éviter les « spams » de commentaires. On observe aussi que les blogueurs ne répondent pas toujours aux commentaires laissés sous les billets. En outre, il ne faut pas sous-estimer la part des commentaires et autres observations qui sont adressés en privé aux blogueurs, par courriel notamment[86].

b.   Controverses juridiques 2.0

La critique du droit prend souvent vie dans les discussions qui peuvent se muer en débats ou en controverses. Or, pour l’ensemble des raisons évoquées plus haut, les blogues constituent des supports privilégiés pour accueillir et faire vivre des controverses juridiques, à condition toutefois que les blogueurs se prêtent à l’exercice :

[L]’écriture du droit que promeuvent les blogs juridiques est un processus discursif qui gagne plus à l’échange d’arguments forts, concentrés et rapportés à des principes fondamentaux, voire à des déterminants non juridiques (moraux, sociaux, économiques) qu’à l’exposé raisonné et démonstratif en tous ses détails de la synthèse d’une question de droit ou d’une décision de justice. Ce que recherche l’auteur du blog n’est pas à exposer le problème, mais à en livrer une vision critique travaillée à partir de traits saillants soigneusement sélectionnés. La description se trouve bannie et, de ce fait, l’exhaus­tivité aussi. En contrepartie, les phrases sont plus courtes et le propos plus direct, faisant renaître la forme classique de la disputatio juridique.[87]

Il y a donc une réelle opportunité à saisir pour les juristes et pour l’évolution de la doctrine en particulier, qui peut contribuer de manière très significative à la critique et aux transformations du droit en ayant recours au blogging juridique. La blogosphère juridique québécoise accueille parfois de telles controverses 2.0 pour le plus grand profit, nous semble-t-il, de la communauté juridique[88]. Pour l’année 2015, plusieurs discussions, d’ampleur variable, ont pris forme à travers les blogues québécois et canadiens, se nourrissant souvent des décisions rendues par la Cour suprême sur des questions importantes : constitutionnalité du droit de grève, constitutionnalité du suicide assisté, fédéralisme coopératif et constitutionnalité du serment d’allégeance à la reine en vertu de la Loi sur l’immigration. La question de l’activisme judiciaire de la Cour suprême a fait l’objet de débats importants dans les blogues montrant, entre autres choses, que la notion d’activisme judiciaire est elle-même discutée. Une controverse avait d’ailleurs déjà eu lieu en 2003-2004 dans les pages de la Revue de droit de McGill au sujet, principalement, de la manière dont on pourrait mesurer cet activisme[89].

Toutefois, la controverse de 2015 s’est déroulée selon un mode inédit à plusieurs égards, en raison, justement, du fait qu’elle s’est déployée essentiellement sur des blogues juridiques[90]. On notera en premier lieu que, comme c’est bien souvent le cas, le point de départ de la discussion se situe dans le texte d’une tribune libre publiée dans la presse nationale généraliste, ce qui illustre l’élargissement des discussions au-delà du seul cercle des universitaires, tout en soulignant le lien parfois étroit entre la presse quotidienne et les blogues. En second lieu, on soulignera la diversité des débatteurs : journalistes, étudiants-chercheurs en droit, professeurs et chercheurs en science politique et présidente de l’Association du barreau canadien. Cette diversité traduit d’ailleurs la pluridisciplinarité que le blogging facilite en se jouant si facilement des frontières disciplinaires[91]. Le blogue Options politiques de l’Institut de recherche en politiques publiques[92], sur lequel la controverse s’est en partie matérialisée, pourrait faire figure de modèle en réunissant des contributions sous différentes rubriques : Droit, Économie, Énergie, Enjeux mondiaux, Enjeux sociaux, Environnement, Politique, Sciences et technologie.

La controverse au sujet de la constitutionnalité de la nomination du juge Mainville à la Cour d’appel du Québec constitue un exemple de controverse juridique 2.0 en même temps qu’elle illustre la vitalité de la blogosphère juridique québécoise. Le juge québécois Robert Mainville, qui siégeait à la Cour d’appel fédérale, a été nommé juge de la Cour d’appel du Québec par le gouvernement fédéral le 13 juin 2014. Très rapidement, l’avocat Rocco Galati contestait devant la cour fédérale la constitutionnalité de cette nomination. La question juridique, qui sera au cœur de la controverse, portait sur l’interprétation de l’article 98 de la Loi constitutionnelle de 1867 (R-U) qui précise que « [l]es juges des cours de Québec seront choisis parmi les membres du Barreau de cette province »[93]. En effet, le juge Mainville n’était plus membre du Barreau du Québec au moment de sa nomination à la Cour d’appel du Québec et se posait naturellement la question de savoir si sa nomination respectait les termes de l’article 98. Cette affaire faisait directement suite à la décision de la Cour suprême concernant l’inconstitutionnalité de la nomination du juge Marc Nadon à la Cour suprême, au motif que ce juge québécois, qui siégeait lui aussi à la cour d’appel fédérale, n’était plus membre du barreau du Québec[94].

Très rapidement, la question de l’interprétation à donner à l’article 98 allait devenir l’objet de discussions dans la blogosphère. Le tableau ci-dessous schématise les différents éléments caractéristiques de cette controverse 2.0.

 

 

15 juin 2014 Paul Daly « Judicial Musical Chairs »[95]
24 juin 2014 Maxime St-Hilaire « Le festival harpérien de l’inconstitu­tionnalité se poursuit : la nomination du juge Mainville à la Cour d’appel du Québec »[96]

Discussion dans les commentaires :

®     Lawrence David;

®     Finn Makela;

®     Maxime St-Hilaire.

25 juin 2014 Hugo Cyr et Maxime St-Hilaire « Nomination du juge Mainville : une menace pour la culture juridique québécoise »[97]
26 juin 2014 Léonid Sirota « The Mainville Appointment Is Constitutional »[98]

Discussion dans les commentaires :

®     Maxime St-Hilaire;

®     Hugo Cyr.

 

 

14 juillet 2014 Paul Daly « Judicial Musical Chairs II: The Constitutionality of Robert Mainville’s Appointment to the Quebec Court of Appeal »[99]
23 décembre 2014 Cour d’appel du Québec, Renvoi sur l’article 98 de la Loi constitutionnelle de 1867 (Dans l’affaire du)[100]
24 avril 2015 Cour suprême du Canada, Québec (Procureure générale) c. Canada (Procureur général)[101]
29 avril 2015 Maxime St-Hilaire « Baroud d’honneur, your honour : une concession, mais trois critiques de l’affaire du juge Mainville »[102]
03 mai 2015 Léonid Sirota « No, No, No! »[103]

Discussion dans les commentaires:

®     Maxime St-Hilaire;

®     Léonid Sirota;

®     Maxime St-Hilaire.

 

On peut tout d’abord relever la dimension temporelle de cette controverse. Elle s’est développée avant même que le gouvernement du Québec ne sollicite l’avis de la Cour d’appel relativement à l’interprétation de l’article 98 de la Loi constitutionnelle de 1867[104] et que celle-ci ne rende un avis en faveur de la constitutionnalité de la nomination du juge Mainville[105]. Elle s’est poursuivie après que la Cour suprême ait rejeté le pourvoi formé contre l’avis de la Cour d’appel du Québec[106]. Il y a donc dans cette controverse une dimension prospective concernant l’interprétation de l’article 98, ainsi qu’une dimension critique concernant l’interprétation consacrée par les tribunaux. Si une telle discussion a pu avoir lieu au sujet d’une question qui allait ensuite être au cœur de l’avis de la cour d’appel, c’est uniquement parce qu’elle s’est déroulée sur les blogues juridiques. Aucune publication juridique traditionnelle n’aurait pu l’accueillir dans un laps de temps si court. Ensuite, on notera qu’il s’agit d’une controverse doctrinale, ou si l’on préfère académique, puisque les intervenants à la discussion sont professeurs de droit[107] ou chercheurs[108]. Même si la controverse a essentiellement été nourrie par les démonstrations de Léonid Sirota et Maxime St-Hilaire, il n’en demeure pas moins qu’elle a permis à d’autres intervenants de faire valoir leur point de vue et d’alimenter la discussion. Enfin, on renverra le lecteur aux différents billets publiés pour mesurer la richesse de la controverse, la rigueur des intervenants et la qualité des arguments avancés. L’utilité d’une telle controverse pour l’avancement et la transmission du savoir juridique ne fait aucun doute. Le fait qu’elle ait eu lieu dans la blogosphère juridique la rend plus utile encore, dès lors qu’elle a permis d’offrir à la communauté juridique des interprétations possibles de l’article 98 de la Loi constitutionnelle de 1867 au moment même où son sens était mis en cause[109].

Les controverses 2.0 prouvent donc, s’il en était besoin, que la doctrine juridique trouve dans ce nouveau support qu’est le blogue une nouvelle opportunité d’exercer ses fonctions d’opinion et de critique. Cependant, pour évident que cela puisse paraître à la lumière de ces observations sur la blogosphère, la question de savoir si les blogues juridiques peuvent diffuser de la doctrine est discutée.

B.  Les blogues juridiques ont-ils une valeur doctrinale?

C’est la doctrine qui, cherchant à se redéfinir à l’aune de ces nouveaux supports d’expression[110], a lancé la réflexion sur les blogues juridiques[111]. Ces travaux ont souvent soulevé la question de savoir quelle valeur devait être reconnue aux contributions dans la blogosphère. Dans le cadre de notre propos, on admettra une équivalence entre la notion de doctrine juridique et celle de legal scholarship[112] dans la mesure où toutes deux renvoient à la littérature savante sur le droit qui émane, sinon exclusivement du moins très largement, des professeurs et chercheurs en droit.

Le débat semble s’être apaisé aussi bien aux États-Unis qu’en France, où l’on admet aujourd’hui assez volontiers que la doctrine puisse se situer dans les blogues. De même, dans une très large majorité, les blogueurs québécois interrogés estiment que les opinions, prises de position et analyses juridiques publiées sur un blogue juridique peuvent être qualifiées de doctrinales. Toutefois, cette unanimité ne doit pas faire illusion, car ce sont les auteurs-blogueurs eux-mêmes qui se prononcent le plus souvent sur cette question, trahissant un biais évident[113]. De plus, il existe encore aujourd’hui au Québec une très forte présomption en faveur du caractère non doctrinal des blogues juridiques, expliquant la défiance dont ils font souvent l’objet[114]. Pourtant, ce débat peut sembler un peu vain, voire un faux débat, dans la mesure où les blogues ne sont qu’un support de l’information et de la pensée juridiques et qu’ils peuvent donc véhiculer la doctrine juridique au même titre que les revues, livres, ou encyclopédies[115]. Les détracteurs des blogues juridiques, ou tout simplement les sceptiques, évoquent cependant l’absence de garantie quant à la qualité du contenu des billets, qui résulte d’une part de l’absence de comité éditorial, et d’autre part de l’immédiateté des publications qui évacuerait le temps nécessaire à la réflexion et à l’édification d’une pensée juridique. Ce que l’on redoute ainsi, c’est en réalité l’absence de scientificité des blogues par rapport aux modes traditionnels de diffusion des travaux juridiques, particulièrement les revues à comité de lecture :

[L]e blogue prend parti. […] Pour ce blogue d’avocat, j’assume de faire plier le plan et le raisonnement à la posture de défense d’une thèse. Le texte peut alors être excessif, partial, mais c’est aussi une manière de mettre sous tension un argument, pour l’exposer au feu de la critique. Vive le débat![116]

1.   Opinion vs analyse

Plus précisément, la discussion quant à la valeur doctrinale des blogues se cristallise autour d’une opposition entre opinion et analyse scientifique[117]. Aux blogues juridiques : les réactions à chaud, les opinions personnelles, subjectives, les jugements de valeur, les informations éventuellement déformées, incomplètes et, finalement, le manque de sérieux. Aux revues et ouvrages juridiques à comité de lecture : les belles analyses scientifiques, rigoureuses, neutres, objectives, exhaustives; bref, répondant essentiellement aux canons des publications académiques. Or, l’opposition montre d’elle-même ses limites et ne saurait valablement disqualifier les blogues. En effet, il nous semble que les fonctions d’opinion et d’analyse se complètent dans l’activité doctrinale[118], si bien que les blogues complètent naturellement les autres genres de la littérature juridique. Mais admettre cette complémentarité suppose d’assumer que la doctrine juridique (universitaire et praticienne) puisse légitimement exercer une fonction d’opinion. Non seulement cette fonction nous semble consubstantielle à la notion même de doctrine, mais son exercice apparaît également comme une possibilité de renouvellement et d’influence au sein de la communauté juridique. Encore faut-il préciser ce que l’on entend ici par opinion : il s’agit d’un point de vue, exprimé par un juriste, au sujet d’un problème ou d’une réalité juridique. Il est nécessairement articulé et argumenté, permettant notamment au lecteur de faire la part entre ce qui est personnel au blogueur et ce qui s’apparente à l’état du droit, lui donnant ainsi la possibilité de construire sa propre opinion. Opposer opinion et analyse semble d’autant moins pertinent que dans les publications juridiques traditionnelles les deux s’y trouvent bien souvent enchevêtrées. Enfin, un blogue juridique a vocation à accueillir des contenus très variés (pourvu que le billet soit court, c’est-à-dire ne dépassant généralement pas 2 000 mots), ce qui n’exclut en rien des billets de facture scientifique, incorporant hypothèse, problématique, embryon de théorie, argumentaire, etc.[119]. Si le blogue, en tant que support, n’est pas encore pleinement exploité dans toutes ses potentialités, il n’en reste pas moins qu’il se présente comme un lieu privilégié de la doctrine, n’ayant pas vocation à remplacer les autres modes de diffusion du savoir juridique, mais plutôt à les enrichir en les complétant[120].

2.   Complémentarité des blogues et des revues juridiques

La complémentarité entre les billets de blogue et les autres publications doctrinales est aujourd’hui évidente, aussi bien en considération des caractéristiques propres aux blogues (format court, réactivité, interactivité) si différents à cet égard des publications papier[121], qu’en considération des pratiques qui ont cours au Québec et ailleurs. Il existe souvent, en effet, une sorte de va-et-vient entre le contenu des blogues et des revues juridiques. Aussi, un juriste blogueur peut consacrer quatre billets de son blogue à discuter du contenu d’une étude qu’il a publiée dans une revue universitaire[122]. Inversement, un autre peut publier sur son blogue les idées qui formeront le propos d’une conférence qu’il doit prononcer plus tard, puis publier sur son blogue un résumé de l’article auquel cette communication donnera lieu[123].

Aux États-Unis, l’initiative du Journal of Law illustre aussi remarquablement cette complémentarité. Cette revue accueille une rubrique intitulée The Post qui, depuis 2011, vise à publier une sélection des meilleurs billets de la blogosphère juridique américaine. Dans la présentation de cette rubrique, la rédactrice en chef Anna Ivey entend rester en dehors du débat concernant la possibilité d’assimiler blogues juridiques et legal scholarship et préfère y voir, à tout le moins, de la doctrine en train de se faire ou, en d’autres termes, de la pré-doctrine. Elle précise aussi comment les meilleurs billets seront sélectionnés :

[M]ost fundamentally we are looking for blog posts that pose an interesting question or make a novel observation worthy of longer-term notice. […] That means we are looking for the best of « bloggership », but also for posts that do not necessarily aspire to become law review articles when they grow up.[124]

Anna Ivey conclut en précisant l’objectif ultime de The Post : « [t]here’s a big, dynamic world of legal blogging out there, and through The Post, we hope to find and feature the best »[125]. Et de fait, depuis cette date, chaque numéro de la revue place sous les projecteurs quatre à six billets de blogues juridiques sous la rubrique The Post: Good Scholarship from the Internet[126].

Au Québec, on peut également observer cette doctrine en train de se faire, c’est-à-dire une doctrine qui éclot prudemment dans les blogues avant de s’épanouir pleinement dans les revues juridiques. Les commentaires auxquels a donné lieu l’arrêt de la Cour suprême dans Tsilhqot’in c. Colombie-Britannique[127] en fournissent un bon exemple. Blogueur invité occasionnel sur le blogue Double aspect de Léonid Sirota, le professeur Maxime St-Hilaire avait en effet publié cinq billets traitant de cette importante décision[128]. Cela fait, il finit par publier un commentaire complet et abouti dans une revue scientifique à comité de lecture[129].

 3.  Les blogues juridiques en quête de statut

Même s’il existe de bonnes raisons d’admettre la valeur doctrinale des contributions sur les blogues, force est de constater que sa reconnaissance n’est pas acquise et qu’elle continue de soulever des difficultés, dont quelques-unes peuvent rapidement être évoquées. Dans les publications québécoises, il est encore très rare que des billets de blogues juridiques soient cités comme source, au même titre qu’un article de revue ou un passage d’un ouvrage collectif. Les cas relevés sont très symptomatiques : ce sont les juristes blogueurs eux-mêmes qui citent des blogues, lorsqu’ils écrivent dans les supports traditionnels. Or, on constate que les blogues cités sont très généralement les leurs, et que la pratique même de la citation suscite un certain malaise[130]. Ce constat est tout à fait révélateur du manque de reconnaissance des blogues juridiques comme source de connaissance du droit. Il n’y a pour l’heure au Québec que les juristes blogueurs, c’est-à-dire un cercle restreint d’initiés, technophiles, qui soient convaincus de la légitimité d’assigner aux blogues un statut de source documentaire.

Puisque la question porte sur la valeur doctrinale des contributions dans les blogues juridiques et qu’un nombre croissant de professeurs de droit bloguent, on peut se demander quel statut l’université reconnaît aux contributions des professeurs. L’enquête, qui n’entrait pas dans le cadre limité de cette étude, mérite sans aucun doute d’être menée. D’ici là, nous nous contenterons de décrire la situation et les difficultés que les blogues soulèvent. Le statut des blogues juridiques semble, pour le moment, indéfini. En pratique, il existe une réelle difficulté à ranger le blogging juridique dans les catégories de tâches qui incombent traditionnellement aux professeurs d’université. Par exemple, la question se pose de savoir comment devrait être évalué un blogue dans un dossier de professeur cherchant à obtenir sa permanence ou une promotion[131]. Une chose est certaine, les billets de blogue n’entrent pas facilement dans la liste des publications, fut-il précisé qu’elles l’ont été sans approbation préalable par un comité de lecture[132].

Les professeurs blogueurs s’accordent volontiers sur l’engagement public que constitue la contribution à des blogues[133], et la tentation est alors grande de rattacher le blogging juridique à la catégorie des « services à la collectivité » ou à celle du « rayonnement universitaire », qui regroupent les tâches autres que l’enseignement et la recherche assignées aux professeurs en vertu de leur convention collective[134]. Ce rattachement semble d’autant plus naturel que, à bien des égards, le blogging juridique s’apparente aux autres activités de rayonnement telles que les interventions des professeurs dans les médias, presse écrite, radio ou télévision, qui sont considérées comme des services à la collectivité. Et pourtant, il nous semble que les blogues juridiques vont bien souvent au-delà du service à la collectivité, lorsqu’ils publient des billets porteurs d’opinions critiques ou d’idées nouvelles prenant corps dans des billets de facture scientifiques. Aussi, ce ne serait guère leur rendre justice que de les enfermer dans cette notion commode, car englobante, d’engagement public. De plus, et en raison de la grande hétérogénéité des blogues juridiques, cette réduction à l’engagement public n’est pas satisfaisante, car elle ne prend pas en compte la pratique du blogging des autres juristes. Or, ce sont avant tout les avocats qui bloguent et leurs écrits ne peuvent, a priori, pas être exclus de la doctrine, pas plus d’ailleurs que ceux des juristes chercheurs qui ne sont pas professeurs. Aussi, une réflexion nous semble devoir être engagée dans les universités afin de reconnaître, à sa juste valeur, la place du blogging juridique dans l’activité des professeurs. La tâche n’est pas simple, mais elle paraît d’autant plus indispensable que les professeurs québécois sont de plus en plus nombreux à expérimenter le blogging, pour le plus grand profit des étudiants, des praticiens et du public en général; et qu’il serait donc regrettable de les décourager en ne reconnaissant pas pleinement la valeur de leur contribution à la connaissance et à la critique du droit.

L’enjeu nous semble de taille, car la capacité des blogues juridiques à influencer les transformations du droit dépend en partie de la reconnaissance de leur valeur doctrinale.

III.  L’influence des blogues juridiques

La capacité des blogues juridiques à contribuer aux transformations du droit s’entend, avant tout, de l’influence qu’ils peuvent exercer sur les différents acteurs du droit. Poser la question de l’influence des blogues peut, de prime abord, paraître incongru, car il ne s’agit, après tout, que d’un support de la littérature juridique parmi d’autres. Dans le cas des blogues juridiques, poser la question de leur influence consiste à mesurer la portée de cette forme nouvelle de littérature dans la communauté juridique à laquelle elle s’adresse. L’audience d’un blogue juridique est loin d’être indifférente aux qualités et à la réputation de l’auteur des billets, mais la question de l’influence se pose de manière particulière pour les écrits publiés sur un blogue en raison précisément de la nouveauté du support et de la méfiance que celui-ci inspire encore aux juristes. À ce titre, deux points méritent d’être soulignés. D’une part, la capacité des blogues juridiques d’influencer le droit ne fait aucun doute : c’est le constat qui résulte de l’originalité des blogues par rapport aux autres supports, ainsi que des exemples d’influence qu’offre la blogosphère juridique américaine et, dans une moindre mesure, canadienne. D’autre part, et parce que l’influence constatée ne concerne pas encore le Québec, il s’agira de présenter les facteurs qui semblent favoriser cette influence.

A.  Le constat : la capacité des blogues juridiques de contribuer aux
transformations du droit

L’influence des blogues juridiques sur les juges, à laquelle nous nous limiterons ici, est attestée en droit américain pour lequel le phénomène est bien documenté. À partir des citations des blogues juridiques dans les décisions de justice, des chercheurs ont ainsi pu montrer que les blogues sont désormais régulièrement cités et ont acquis le statut de source secondaire. Au Québec, où les blogues juridiques n’ont fait pour l’heure l’objet que de très rares mentions, une telle influence n’a pas pu être observée. On aurait pourtant tort de conclure qu’elle est nulle. En effet, la référence au critère de la citation, dans le cas des blogues plus encore que dans celui des articles et des ouvrages, manque de pertinence pour en mesurer la portée. Il existe en réalité une difficulté à mesurer l’influence des blogues qu’il convient de souligner.

1.   Les blogues juridiques : une source secondaire comme les autres

Il y a déjà plusieurs années, dans une étude très éclairante, le professeur Lee Peoples a décrit la manière dont les blogues étaient utilisés par les juges américains et a également identifié les facteurs de cette influence[135]. Dans l’ensemble des citations de blogues de 2004 à 2009, l’auteur a pu identifier les citations qui seules nous intéressent ici, à savoir celles qui servent de support au raisonnement ou à l’analyse du juge, autrement dit celles qui exercent une influence sur la décision. Il apparaît que dans la période considérée, les juges (dont ceux de la Cour suprême des États-Unis) ont à quarante-cinq reprises appuyé leurs raisonnements sur un blogue juridique. L’auteur observe que le blogue Sentencing Law & Policy du professeur Douglas Berman se démarque singulièrement avec vingt-et-une citations, contre une à trois citations pour les autres blogues[136]. Analysant la manière dont les blogues, et celui du professeur Berman en particulier, ont été utilisés par les juges, l’auteur conclut sans hésiter que ces nouveaux supports ont acquis le statut de véritables autorités, au même titre que les autres sources secondaires[137]. L’auteur identifie également les hypothèses dans lesquelles les blogues juridiques sont utiles aux tribunaux. Très nettement, il apparaît qu’ils sont d’un précieux secours lorsque les juges ne disposent pas d’autres sources pour alimenter ou appuyer leur raisonnement[138]. C’est particulièrement le cas lorsqu’une question nouvelle se pose et qu’il n’existe ni précédents ni doctrine permettant d’élaborer une réponse. Dans le même ordre d’idées, l’auteur observe que le recours à un blogue a pu servir aux juges pour interpréter le sens d’un terme dans un contexte particulier, correspondant au domaine d’expertise du juriste blogueur. Enfin, selon le professeur Peoples, l’attractivité des blogues juridiques réside essentiellement dans leur interactivité, qui en fait des lieux privilégiés d’échange d’idées et de débat. Il observe d’ailleurs que la majorité des décisions citent des blogues pour leur discussion du droit et conclut que pour les juges la lecture du blogue d’un auteur éminent revient à lire un traité ou un article écrit par cet auteur sur la question discutée[139].

Plus récemment, le professeur Robert Brown constatait lui aussi l’influence croissante des blogues juridiques en général, et des blogues de professeurs de droit en particulier, qui sont lus et cités aussi bien par les juges d’états que par les juges fédéraux, et dont les citations dans les revues juridiques croissent de manière exponentielle[140]. Au Canada, on observe également, quoique dans une moindre mesure, une telle influence avec Ablawg (le blogue de la Faculté de droit de l’Université de Calgary), plusieurs fois récompensé aux Clawbies et que les tribunaux canadiens lisent et citent régulièrement, parfois pour appuyer leur raisonnement[141]. La Cour d’appel du Québec n’y est elle-même pas indifférente puisqu’elle note, sous la plume du juge Nicholas Kasirer :

Scholars have alluded to the different permutations of the deemed trust problem in CCAA matters as important to the practice: see, e.g., […] and a useful comment by Jassmine Girgis entitled “Indalex: Priority of Provincial Deemed Trusts in CCAA Restructuring” posted by the University of Calgary Faculty of Law on the website http://ablawg.ca in which the author comments on the on-going importance of the issue after Indalex.[142]

2.   La difficulté de mesurer l’influence

À défaut de méthode spécifique, l’influence des blogues juridiques est donc mesurée à partir des citations auxquelles ils donnent lieu dans les jugements ou dans les revues, par analogie avec la méthode utilisée pour mesurer l’influence des revues scientifiques. Or, le recours aux citations nous semble très imparfait pour mesurer la contribution des blogues juridiques aux transformations du droit. En effet, même si l’on ne s’en tient pas à un simple décompte des citations et que l’on procède à une analyse des cas où ils servent, à un titre ou à un autre, dans l’élaboration du raisonnement, le critère de la citation est insuffisant. Ce critère ne permet pas de mesurer l’influence réelle des blogues juridiques, qui demeurent encore méconnus et que les acteurs du droit québécois hésitent à considérer ouvertement comme une source fiable. À cet égard, les citations permettent surtout de mesurer le degré d’intégration des blogues juridiques comme source documentaire par les différents acteurs du droit. D’ailleurs, s’agissant du Québec, cette absence d’intégration est flagrante puisque les blogues juridiques québécois ne sont qu’exceptionnellement cités dans les décisions des tribunaux et rarement cités dans les publications doctrinales.

Quoi qu’il en soit, il est aujourd’hui impossible de mesurer l’influence réelle des blogues juridiques québécois. Cependant, s’ils ne sont jamais cités, il ne fait aucun doute que plusieurs sont régulièrement lus. Sur 19 répondants à notre sondage, 7 ignorent la fréquentation de leur blogue, mais les 12 autres reçoivent en moyenne 1 412 visiteurs uniques par semaine[143]. Les blogues de professeurs de droit sont lus à proportions égales par les citoyens, les praticiens, les professeurs et les étudiants, tandis que les blogues de praticiens sont lus avant tout par les praticiens, puis par les citoyens, les étudiants et enfin les professeurs de droit. À la question: « selon-vous, les juges des cours et tribunaux québécois (ou leurs auxiliaires) lisent-ils des blogues juridiques pour les aider à élaborer leurs décisions? », une très large majorité de blogueurs a avoué ne pas savoir. En revanche, l’un d’eux, praticien, a précisé : « [j]e reçois souvent des courriels et commentaires de juges de la Cour d’appel, de la Cour supérieure et de la Cour du Québec. Il ne fait donc aucun doute qu’ils lisent avec intérêt les blogues juridiques ». De fait, en mai 2016, le juge Gérard Dugré de la Cour supérieure s’est appuyé sur un très récent arrêt de la Cour d’appel en précisant que « [l]e tribunal a été informé rapidement de cet arrêt grâce à l’excellent blogue À bon droit »[144]. Quelques mois plus tôt, ce même juge avait salué le blogue de Paul Daly en mentionnant au sujet d’une référence doctrinale :

Le tribunal se doit de signaler qu’il a pu repérer rapidement cet article de doctrine grâce au blogue du professeur Paul Daly — http://www.administrativelawmatters.com — lequel a d’ailleurs remporté le Fodden Award for Best Canadian Law Blog 2015. Le tribunal tient à féliciter et à remercier le professeur Daly pour son excellent blogue qui est d’une grande utilité à tous ceux et celles qui œuvrent en droit administratif.[145]

Sans le recours au nombre de citations, l’influence des blogues apparaît donc aussi certaine[146] qu’impossible à évaluer. La controverse doctrinale concernant la constitutionnalité de la nomination du juge Mainville à la Cour d’appel en est d’ailleurs à ce jour la meilleure illustration. Alors que la cour d’appel disposait, grâce aux billets de blogue publiés dans les mois précédents son avis, de la richesse des arguments liés à l’interprétation de l’article 98 de la Loi constitutionnelle, aucun n’a été cité. Elle a même, sous la plume du juge Yves-Marie Morissette, superbement ignoré l’existence de ces discussions en soulignant « l’absence presque complète de jurisprudence et de commentaires savants » portant sur l’objet de l’article 98 de la Loi constitutionnelle de 1867[147]. On pourrait conclure à l’absence de toute influence de la controverse sur le raisonnement de la cour d’appel si l’on ne savait pas que les arguments avancés par Léonid Sirota sur son blogue, qui appuyaient la thèse de la constitutionnalité, ont été lus et utilisés par les plaideurs. En effet, une partie de la réalité échappe au critère de la citation : les mémoires des avocats peuvent contenir des références à des billets de blogues juridiques dont le raisonnement ou les arguments pourront être repris par les juges dans la plus grande confidentialité. Le statut flou, voire indéterminé, des blogues juridiques au regard des sources ou autorités du droit est probablement ici en cause. Mais c’est aussi la diversité et la rapidité des canaux d’influence des blogues qui peuvent expliquer la difficulté de mesurer leur impact sur la communauté juridique. À cet égard, le professeur Daly a bien décrit, à propos de l’affaire Nadon, la complexité de ce réseau où circulent les idées, lequel comprend à la fois les publications lancées sur Twitter, sur les blogues juridiques, sur le réseau en sciences sociales SSRN et les supports plus traditionnels de la doctrine[148].

B.  Les facteurs d’influence

      L’attractivité des blogues juridiques, offrant liberté, rapidité et interactivité aux juristes, est insuffisante pour qu’ils exercent une influence sur les acteurs du droit. Le contenu des blogues est évidemment déterminant. Deux principaux facteurs d’influence se dégagent : d’une part, la qualité des blogues et, d’autre part, leur visibilité et leur accessibilité.

1.   La qualité des blogues

Pour prétendre non seulement à être lus, mais aussi à exercer une certaine influence, il ne suffit pas que les blogues juridiques offrent une valeur ajoutée à l’information juridique brute. Encore faut-il qu’ils soient de qualité. Qu’est-ce qu’un bon blogue juridique? À cette question, qui a souvent été posée, il n’existe évidemment pas une réponse unique. Cela dit, au-delà de l’appréciation que chacun peut faire d’un blogue, certains critères permettent de guider le jugement — tels que ceux qui ont récemment été énoncés par l’équipe des Clawbies au moment où elle décernait les récompenses 2015 des meilleurs blogues juridiques canadiens :

[W]e believe very strongly that the best law blogs have always answered, and still answer today, to four key characteristics.

  1. They are practical, offering implementable insights and real-world solutions for readers more than airy reflections on the state of the law.
  2. They are genuine, delivering the authentic voice and actual opinions of the lawyers who write them.
  3. They are conversational, engaging the reader as an interested and intelligent observer who has as much to contribute as she has to learn.
  4. They are about improving the legal system, either by expanding the knowledge base of citizens and clients or making law better for society.[149]

Si l’on se tourne vers les États-Unis, on observe que les blogues juridiques les plus cités (et donc supposés les plus influents) sont ceux qui présentent quelques gages de qualité, gagnant ainsi la confiance de la communauté juridique. Logiquement, le premier de ces gages repose sur le blogueur, plus particulièrement sur l’autorité et l’expertise qui lui sont reconnues dans le domaine où il blogue[150]. Or, cette réputation a bien souvent été acquise grâce aux modes traditionnels de diffusion de la pensée juridique[151].

Lorsqu’il s’agit d’un blogue collaboratif, une sélection préalable des blogueurs peut s’exercer et ainsi offrir une certaine garantie de qualité des contributions, comme le fait CanLII connecte[152]. Les blogues facultaires sont eux aussi susceptibles de rassurer quant à la compétence des contributeurs et donc à la qualité des billets publiés, même si les instances facultaires n’exercent aucun contrôle éditorial sur les billets publiés par leurs professeurs. Encore faut-il que les blogueurs traitent de questions qui relèvent de leur domaine de compétence et qu’ils respectent le genre propre aux blogues juridiques : format court, style accessible, hypertextualité, interactivité, et réactivité. De manière générale, on peut dire qu’il s’agit des qualités d’un blogue, ce qui le rend attractif, lisible et d’intérêt, indépendamment du contenu des billets et de leurs qualités propres. À cet égard, on soulignera qu’en 2015, c’est un blogue de professeur de droit qui a été élu meilleur blogue juridique canadien et que les trois finalistes dans cette catégorie étaient également des blogues d’universitaires[153].

Finalement, l’absence de comité scientifique ou éditorial est ce qui distingue un blogue d’une revue scientifique. En l’absence d’un contrôle prépublication, la question de la qualité d’un billet est essentiellement une question d’appréciation au cas par cas, donc a posteriori[154]. On doit admettre qu’il existe du bon et du moins bon dans la blogosphère juridique sans que cela condamne les blogues juridiques a priori[155]. Cette absence de garantie ne devrait pas être considérée comme une faiblesse des blogues juridiques, mais au contraire comme le pendant nécessaire à leurs attraits : la liberté des blogueurs et leur réactivité.

L’accessibilité d’un billet ou d’un blogue, qu’elle résulte du style (moins érudit et moins long qu’une revue) ou du contenu lui-même, est également à considérer au titre des facteurs d’influence[156].

2.   Visibilité et accessibilité du contenu des blogues

Pour terminer, il nous semble que l’influence des blogues juridiques suppose comme préalable une certaine visibilité qui dépend elle-même de leur reconnaissance comme source secondaire du droit. En outre, pour peser dans les transformations du droit, les blogues juridiques doivent assurer leur pérennité, ce qui ne paraît pas acquis.

a.    Visibilité

Pour s’en tenir à la blogosphère juridique québécoise, le défaut de visibilité des blogues est patent. Le site canadien Lawblogs.ca, qui n’est guère connu en dehors du cercle des blogueurs, offre un répertoire de blogues fort utile, mais qui n’est malheureusement pas exhaustif, faute d’être systématique. En outre, force est de constater que les juristes et les bibliothécaires hésitent à faire une place aux blogues parmi les sources documentaires. Même lorsqu’elles tentent de les répertorier dans des guides destinés à leurs usagers, les bibliothèques de droit hésitent à les rattacher aux catégories existantes. On s’étonnera par exemple qu’en dépit du nombre de blogues de praticiens, le Centre d’Accès à l’Information Juridique (CAIJ) ignore dans une très large mesure les blogues en tant que source documentaire[157]. Pourtant, indépendamment même de la question de savoir si leur contenu peut avoir une valeur doctrinale, les blogues sont assurément le support d’une forme de littérature que les juristes peuvent avoir grand profit à consulter dans leur pratique quotidienne. Dans cette perspective, les bibliothèques juridiques, universitaires et professionnelles ont un rôle important à jouer pour assurer une meilleure visibilité aux blogues juridiques.

b.   L’accessibilité

Le contenu des blogues juridiques (autrement dit les billets de blogues) soulève des problèmes d’accessibilité inconnus des publications juridiques traditionnelles que juristes blogueurs et bibliothécaires devront s’atteler à résoudre ou à contourner pour assurer une meilleure circulation de l’information et du savoir juridique. C’est tout d’abord la présentation formelle des blogues juridiques qui peut nuire à l’accessibilité du contenu. On a ainsi pu considérer la présentation antéchronologique des billets, si caractéristique des blogues, comme leur talon d’Achille, rendant les billets les plus anciens inaccessibles au lecteur et focalisant ainsi son attention sur l’information la plus récente[158]. Toutefois, la présence d’archives des anciens billets, classés avec rigueur dans des catégories pertinentes, atténue l’inconvénient. De plus, l’usage systématique du renvoi à de précédents billets traitant de questions semblables ou connexes permet facilement de les tirer de l’oubli. On peut en outre regretter que le contenu de la grande majorité des blogues juridiques soit conçu pour une lecture en ligne seulement. Pourtant cet inconvénient pourrait aisément être évité en proposant une version imprimable des billets ou, mieux, une version au format PDF[159] permettant au visiteur de conserver une trace de ses lectures.

Aux États-Unis, les bibliothécaires notent l’absence de processus approprié pour archiver, conserver et maintenir l’accès aux blogues juridiques, et s’inquiètent donc de la pérennité de leur contenu[160]. À l’heure actuelle, la seule initiative serait celle de la bibliothèque du Congrès, dont une partie des archives Web est constituée de blogues juridiques, mais le procédé n’est pas adapté au contenu changeant des blogues. L’archivage incombe donc à chaque bibliothèque, qui doit décider de ses propres politiques et méthodes pour conserver une trace de cette littérature juridique dans l’attente de solutions plus appropriées. Sans cela, l’accessibilité du contenu et des références aux billets de blogue demeurera fragile. Le développement de la blogosphère juridique canadienne ne peut ignorer ni cette source d’inquiétude ni les moyens qui seront éventuellement déployés pour y mettre fin.

Conclusion

La blogosphère juridique québécoise se constitue graduellement, mais n’a pas encore atteint sa pleine maturité si on la compare à d’autres blogosphères. Au terme de cette première exploration, il existe de bonnes raisons de croire qu’elle va non seulement se développer et son potentiel se voit exploité par les auteurs, mais aussi que, mieux connus de la communauté juridique, les blogues pourront acquérir le statut de véritable source secondaire du droit. En tant que phénomène émergent au Québec, le blogging juridique mérite donc d’être observé dans ses futurs développements afin d’être contesté, discuté et débattu au fur et à mesure que les pratiques des juristes blogueurs évolueront et se généraliseront[161]. La présente recherche, menée principalement suivant la méthode juridique habituelle et publiée sur un support aussi prestigieux que traditionnel, prouve à cet égard ses propres limites en ne parvenant à décrire son objet qu’avec un certain retard. Aussi, la mise en place d’un observatoire des blogues juridiques et de la pratique du blogging nous paraît opportune afin de suivre, en temps réel, les mouvements de la blogosphère juridique, d’en mesurer et d’en discuter les effets. Il s’agira ainsi de poursuivre la recherche en lui faisant épouser les formes propres à son objet, c’est-à-dire en créant un observatoire du blogging juridique sous la forme d’un blogue juridique[162].

 

Annexe : Méthodologie de la recherche

L’observation du contenu de la blogosphère étant insuffisante pour appréhender le phénomène du blogging juridique tel qu’il se développe au Québec, consulter directement les auteurs de ces blogues paraissait indispensable. Pour y parvenir, plusieurs méthodes utilisées en sciences sociales étaient disponibles, telles que l’entrevue, le « focus group » ou encore le sondage. C’est cette dernière option qui a été choisie, même si notre démarche n’avait pas vocation à rendre compte d’une réalité statistique. Plusieurs raisons justifiaient ce choix : simplicité, efficacité et rapidité. Les juristes blogueurs étant déjà très occupés, leur adresser un sondage par courriel constituait donc la méthode la plus sûre pour obtenir un taux de participation élevé. Des questions claires et concises avec, autant que possible, des choix multiples permettaient également d’atteindre notre objectif.

Le recours à la méthode du sondage pour les fins de notre étude impliquait de procéder suivant plusieurs étapes : dresser une liste des blogues juridiques et identifier leurs auteurs, élaborer un questionnaire, le soumettre aux juristes blogueurs et enfin analyser les réponses. Si pour la collecte des données nous avons eu recours aux outils méthodologiques des sciences sociales, l’analyse des réponses s’est faite de manière à éclairer les phénomènes déjà observés par ailleurs, ou à documenter des aspects impossibles à connaître sans consulter les principaux intéressés.

  1. Liste des blogues juridiques québécois et identité de leurs auteurs

Il n’existe pas une liste unique et complète des blogues juridiques québécois ou canadiens en activité. Toute tentative pour les répertorier est nécessairement approximative en raison de la mouvance permanente de la blogosphère, et ne peut, par conséquent, prétendre à l’exhaustivité.

Pour dresser une liste de blogues québécois, c’est-à-dire portant sur le droit applicable au Québec et s’adressant à la communauté juridique québécoise en particulier, une première étape a consisté à s’appuyer sur la liste des blogues canadiens dressée par le site Lawblogs.ca[163] en ne retenant que les blogues québécois. Cette méthode était cependant insuffisante dans la mesure où ne sont ici répertoriés que les blogues dont les auteurs ont choisi de mentionner leur existence aux responsables du site Lawblogs.ca. Cette première liste a pu ensuite être complétée à l’aide, premièrement, des « blogrolls »[164] des blogues identifiés, deuxièmement, en recourant à un moteur de recherche généraliste sur Internet, et enfin, plusieurs blogues ont pu être identifiés en raison de la publicité dont leur création sur une plateforme commune a fait l’objet. En effet, la plateforme ForceRouge[165] de l’Université de Montréal crée régulièrement des sites de chercheurs, dont de juristes, qui comportent parfois un blogue.

Afin d’obtenir des informations aussi représentatives que possible de la pratique québécoise, il s’est agi d’adresser le questionnaire à tous les responsables de blogues juridiques actifs identifiés comme québécois, qu’ils soient individuels ou collaboratifs (rattachés à un cabinet d’avocats, à une institution universitaire ou à un éditeur de contenu juridique).

En juin 2015, trente-cinq blogues juridiques québécois avaient pu ainsi être répertoriés et trente-deux responsables de blogues ont pu être contactés directement par courriel afin de solliciter leur participation au sondage. Trois d’entre eux ne permettaient aucun contact.

  1. Élaboration du questionnaire

Le sondage a été réalisé en ligne à l’aide du site SurveyMonkey, spécialisé dans les sondages en ligne. Il était disponible du 10 juin au 2 juillet 2015 et vingt-et-un blogueurs y ont répondu.

Le questionnaire comprenait trente-huit questions réparties entre quatre sections consacrées aux thèmes suivants

  • Pour mieux vous connaître (données sociologies et professionnelles, etc.)
  • Vous et le blogging juridique (ancienneté du blogging, motivations, fréquence de publication, visiteurs du blogue, etc.)
  • Votre regard sur la blogosphère juridique (connaissance de la blogosphère juridique, qualité des blogues, etc.)
  • Influence des blogues juridiques (nature doctrinale des blogues, citation des blogues, facteurs d’influence, etc.)

Parmi les questions posées, onze permettaient aux participants, en plus de choisir parmi plusieurs propositions à choix multiples, de personnaliser leurs réponses ou de les préciser par des commentaires.

  1. Analyse des réponses

Le logiciel SurveyMonkey fournit des outils d’analyse statistique des réponses. Ils ont parfois été utilisés tels quels pour décrire un phénomène, ou partiellement pour illustrer une tendance. Ainsi les résultats de notre recherche sont appuyés ou illustrés par des données récoltées grâce au sondage, et ce, chaque fois que cela paraissait opportun.

                       

[1]     Voir par ex Vincent Glad, « Les blogs sont morts. Voici leur histoire » (8 septembre 2015), L’An 2000 (blogue), en ligne : <an-2000.blogs.liberation.fr/2015/09/08/le-blog-est-mort/>. La question de l’éventuel déclin de la blogosphère juridique est régulièrement posée aux États-Unis. Pour un récent état des lieux par la revue de l’association du barreau américain, voir Molly McDonough, « What Is the State of the Legal Blogosphere? » (1 décembre 2015), ABA Journal (blogue), en ligne : <www.abajournal.com/magazine/
article/the_state_of_the_legal_blogosphere>.

[2]     Blogues de médecin, blogues scientifiques, etc.

[3]     Voir par ex Karen Fricker, « Blogging » (2015) 25:1 Contemporary Theatre Rev 39 (pour la critique théâtrale); Philippe Eveillard, « Les réseaux sociaux en 10 leçons : no5 » (2013) 63 Revue du praticien 618 (pour la médecine, dont la leçon s’intitule « Exprimez-vous dans un blog », et évoque le blog Le Club des médecins blogueurs (blogue), en ligne : <www.clubdesmedecinsblogueurs.com>).

[4]     Voir Guylaine Beaudry, « La communication scientifique directe : un nouveau champ éditorial » (2010) 57 Hermès 51. Pour une analyse critique de l’utilisation des blogues par les chercheurs, voir Véronique Temperville, « De l’usage des blogs à l’université : quelques considérations » (2010) 8:1 Distances & savoirs 13.

[5]     Dans les années 2006-2007, la doctrine française s’est émue du développement de la blogosphère juridique et s’est lancée dans un débat, qui nous apparaîtra aujourd’hui un peu dépassé, mais qui avait à l’époque le mérite de placer sous les projecteurs les blogues juridiques français et du même coup d’amorcer une réflexion sur le renouveau de l’écriture juridique (voir Dimitri Houtcieff et Frédéric Rolin, « Blogs juridiques contre Edition juridique traditionnelle : concurrence ou complémentarité? » (2006) D 596; Félix Rome, « Propos iconoclastes sur la “bloghorrée” » (2007) D 361; Alexandre Ciaudo, « Multiplication des blogs juridiques : vers un déclin de la doctrine? » (20 février 2007), Le blog Droit administratif (blogue), en ligne : <www.blogdroitadministratif.net/index.php/2007/02/20/ 141-multiplication-des-blogs-juridiques-vers-un-declin-de-la-doctrine>). La réflexion s’est poursuivie et s’est naturellement enrichie pour aboutir récemment à un ouvrage substantiel sur le sujet (voir Anne-Sophie Chambost, dir, Les blogs juridiques et la dématérialisation de la doctrine : actes de la journée d’étude organisée par le Centre de Théorie et Analyse du Droit, le 16 juin 2014, Issy-les-Moulineaux, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 2015 [Chambost, Les blogs juridiques]).

[6]     Aux États-Unis, c’est en 2006 que la réflexion a culminé avec l’organisation d’un colloque à la faculté de droit de l’Université Harvard ayant pour thème « Bloggership: How Blogs Are Transforming Legal Scholarship ». Les nombreuses contributions à ce colloque ont été publiées dans (2006) 84:5 Wash UL Rev.

[7]     Voir Gonzalo A Ramírez Clevez, dir, Los blogs jurídicos y la web 2.0 para la difusión y la enseñanza del derecho, Bogota, Universidad Externado de Colombia, 2010. On trouve dans cet ouvrage les très intéressantes contributions de juristes, avocats et professeurs de droit colombiens, brésiliens, argentins, ou encore péruviens.

[8]     Voir Édith Guilhermont, « Les blogs juridiques québécois : entre défiance et indifférence des juristes » dans Chambost, Les blogs juridiques, supra note 5, 213 aux pp 220–24.

[9]     L’ensemble des considérations méthodologiques relatives à ce sondage ont été exposées en annexe, ci-dessous. Les premiers intéressés étant les mieux renseignés, il a paru utile de les interroger au moyen d’un sondage afin d’enrichir nos observations de leur point de vue et de leur pratique. Il visait non seulement à recueillir des informations permettant de dresser un portrait de la blogosphère juridique québécoise mais aussi à vérifier auprès des juristes blogueurs plusieurs hypothèses de travail relativement à la pertinence des blogues juridiques et à leur influence.

[10]         Voir toutefois Hannah Birkenkötter et Maximilian Steinbeis, « La blogosphère juridique allemande : quelques réflexions à propos d’un format débattu » dans Chambost, Les blogs juridiques, supra note 5, 231.

[11]         Office québécois de la langue française, Grand dictionnaire terminologique, sub verbo « blogue ». Ainsi, un site internet créé sur une plateforme de blogue et qui en emprunterait l’apparence tout en ne répondant pas à ces critères essentiels ne nous paraît pas pouvoir être qualifié de blogue.

[12]         Les blogues ont fait leur apparition au début des années 2000 et, dans tous les pays, les juristes les plus technophiles n’ont pas tardé à s’approprier ce nouveau support pour s’exprimer dans leur domaine de compétence.

[13]         Voir La pub et le droit (blogue), en ligne : <publiciteetdroit.blogspot.ca/>. Ce blogue existe encore aujourd’hui mais il n’est plus actif depuis juin 2014.

[14]         Deux obstacles au moins nous empêchent de dresser un portrait parfaitement fidèle : d’une part, il n’existe à notre connaissance aucun moyen permettant de recenser de manière exhaustive tous les blogues juridiques et, d’autre part, ce recensement est un perpétuel recommencement en raison des mouvements permanents de la blogosphère. En effet, des blogues sont créés régulièrement tandis que dans le même temps d’autres deviennent inactifs et, plus rarement, disparaissent.

[15]         La méthodologie pour établir un répertoire de blogues juridiques québécois est exposée en détail en annexe du présent texte.

[16]         Est ici considéré comme actif un blogue dont le dernier billet a été publié il y a moins de six mois. En effet, l’un des attraits principaux des blogues pour les lecteurs réside dans la régularité et la fréquence des publications. Un blogue est suivi par son lectorat et, s’il n’est pas régulièrement à jour, perdra inévitablement de son intérêt. Mais le fait qu’un billet date de plus de six mois ne préjuge en rien de sa pertinence ou de sa valeur, si bien qu’il vaut mieux un blogue inactif dont on peut continuer à apprécier le contenu qu’un blog qui disparaît du cyberespace et dont le contenu devient définitivement inaccessible.

[17]         Ce modèle de blogue collaboratif est assez différent de celui qui prévaut aux États-Unis, où les juristes se regroupent pour bloguer plutôt que de poster des billets sur un blogue collaboratif préexistant (voir par ex Eugene Volokh, « Editorial Independence » (14 janvier 2014), The Volokh Conspiracy (blogue), en ligne : <www.washingtonpost.com/
news/volokh-conspiracy/about>; « About », Prawfsblawg (blogue), en ligne : <prawfsblawg.blogs.com/about.html>).

[18]         Voir le blogue droitdu.net intégré à la plateforme académique du même nom qui se veut « un espace de dialogue incontournable autour de […] questions en émergence » dans les domaines des affaires électroniques, du commerce électronique, de la cyberjustice, de la propriété intellectuelle, de la sécurité et de la vie privée (« Le projet droitdu.net », droitdu.net (blogue), en ligne : <droitdu.net/a-propos/>). Voir aussi LCCJTI.CA (blogue), en ligne : <lccjti.ca/blogue/>.

[19]         Voir par ex The University of Chicago Law School Faculty Blog (blogue), en ligne : <uchicagolaw.typepad.com/faculty/>. Voir aussi St. John’s University Law Faculty Blog (blogue), en ligne : <https://stjlawfaculty.org/>. Toutefois, ce blogue ne publie pas de billets écrits par les professeurs de la Faculté, mais consiste plutôt à rendre compte et à assurer le rayonnement de leurs travaux.

[20]         À titre d’exemple, on peut signaler ABlawg, le blogue de la faculté de droit de l’Université de Calgary qui jouit d’une belle réputation au niveau canadien et que les juges de différentes provinces n’hésitent pas à consulter ou à citer (voir ABlawg (blogue), en ligne : <ablawg.ca>). Voir aussi University of Alberta Faculty of Law Blog (blogue), en ligne : <ualbertalaw.typepad.com>; Faculté de droit de l’Université d’Ottawa, Blogging for Equality (blogue), en ligne : <www.bloggingforequality.ca>; Faculté de droit de l’Université de Toronto, Faculty Blog (blogue), en ligne : <www.law.
utoronto.ca/blog/faculty>.

[21]         Il n’existe à ce jour que le blogue de la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke, créé en octobre 2015 (voir À qui de droit (blogue), en ligne : <https://blogueaquidedroit.
wordpress.com>).

[22]         Voir les exemples présentés dans la partie III-A, ci-dessous.

[23]         Avec 79% de réponses en ce sens. Plusieurs choix de réponse étaient offerts aux personnes interrogées: « Partager des opinions et analyses juridiques avec le plus grand nombre de lecteurs »; « se faire connaître du public et de la communauté juridique »; « diffuser le plus largement possible de l’information juridique »; « manifester une forme d’engagement public envers la communauté (juridique ou générale) »; « avoir une tribune pour exprimer librement vos opinions (juridiques) sur des questions relevant de votre expertise »; « peser dans le débat, convaincre, influencer les décideurs »; « tester vos idées, hypothèses ou théories auprès de la communauté »; « débattre avec d’autres juristes de questions d’actualité »; « autre ».

[24]         Voir par exemple l’avocat Karim Renno, auteur du blogue À bon droit, qui y explique sa volonté de « partager avec les membres de la profession, les étudiants en droit et les justiciables du contenu juridique » et ajoute qu’il « invite [se]s lecteurs à commenter sur les billets qu’ils trouvent intéressants et partager avec d’autres leurs expériences et opinions sur certains jugements » (Karim Renno, « À propos d’À bon droit », À bon droit (blogue), en ligne : <www.abondroit.com/p/a-propos-da-bon-droit.html>; Karim Renno, « Bienvenue sur À bon droit! » (1 mai 2012), À bon droit (blogue), en ligne : <www.abondroit.com/2012/05/bienvenue-sur-bon-droit.html>). L’Association du Jeune Barreau de Montréal, qui anime Le Blogue du CRL, mentionne que « [l]’équipe du Blogue vous encourage à partager avec nous et nos lecteurs vos commentaires et impressions afin d’alimenter les discussions sur le Blogue » dans l’espace dédié aux commentaires (Blogue du CRL (blogue), en ligne : <www.blogueducrl.com/>). Le blogue SOQUIJ indique que « SOQUIJ offre son blogue au lectorat francophone que l’information juridique intéresse. Elle encourage et valorise le débat ainsi que les échanges d’idées entre les adeptes de sa page » et encourage les internautes à faire part de leur « opinion sur le sujet du jour » (« Nétiquette », Blogue SOQUIJ (blogue), en ligne : <blogue.soquij.qc.ca/a-propos/netiquette/>). Le blogue LCCJTI.CA, consacré exclusivement à la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information, RLRQ c C-1.1, et dont l’initiative a été prise « afin d’assurer un dialogue autour de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information », précise que ce texte « mérite d’être mieux appréhendé par les différentes communautés juridiques » et ajoute que « [d]e par sa structure même, ce site entend valoriser au maximum l’interaction avec autrui afin de connaître les points de vue de tout intéressé. Aussi, nous vous invitons à : passer des commentaires, proposer une jurisprudence, une doctrine, une question, proposer un blogue » (« À propos » (15 août 2012), LCCJTI.CA (blogue), en ligne : <http://lccjti.ca/a-propos/>).

[25]         Et de fait, les blogueurs interrogés indiquent que leur lectorat est composé, par ordre d’importance décroissante, de praticiens du droit, d’étudiants, de citoyens, de professeurs, d’institutions et de journalistes.

[26]         Mais parfois aussi anciennes : « [l]e contenu de CanLII Connecte comprend maintenant plus de 32 000 décisions qui remontent jusqu’au 19e siècle, y compris des résumés de presque toutes les grandes décisions étudiées au cours de la première année de droit » (« Nous fêtons notre premier anniversaire! » (2 avril 2015), CanLII Connects (blogue), en ligne : <blog.canliiconnects.org/>).

[27]         Voir par ex le blogue du Cabinet Doyon Avocats, Blogue en droit criminel (blogue), en ligne : <https://doyonavocats.ca/category/droit-criminel/>.

[28]         Voir par ex le site de Couture et associés avocats, Blogue juridique (blogue), en ligne : <coutureetassocies.com/bloguejuridique/>. Le blogue du professeur Pierre Trudel, hébergé sur le site Internet du Journal de Montréal, participe lui aussi d’une telle diffusion d’informations destinées au grand public : « [t]out le monde invoque ses droits! Il y a toute sortes de droits, la plupart des situations que nous vivons sont régies en tout ou en partie par une loi ou un principe juridique. Dans ce blog, il sera question des droits, des lois mais aussi de la façon dont on aborde les droits. Nous tenterons de démystifier les dimensions juridiques des situations qui viennent au premier plan de l’actualité », explique l’auteur dans le premier billet lançant son blogue (Pierre Trudel, « Ici il sera question des droits et des lois » (7 octobre 2013), Pierre Trudel (blogue), en ligne : <blogues.journaldemontreal.com/pierretrudel/droit/ici-il-sera-question-des-droits-et-des-lois>).

[29]         Voir par ex Blogue juridique Edilex (blogue), en ligne : <www.edilex.com/blogue>; Cabinet Norton Rose Fulbright, Montréal et Québec, Les Actifs créatifs (blogue), en ligne : <www.actifscreatifs.com/> (spécialisés en propriété intellectuelle).

[30]         Voir Clawbies, en ligne : <www.clawbies.ca/about/>, où l’on explique en outre que l’essentiel du processus d’attribution de ces récompenses repose sur les nominations de blogues par les blogueurs eux-mêmes ou les juristes canadiens qui lisent les blogues répertoriés sur Lawblogs.ca.

[31]         « 2015 Clawbies : Canadian Law Blog Awards » (31 décembre 2015), Clawbies, en ligne : <www.clawbies.ca/2015-clawbies-canadian-law-blog-awards/>.

[32]         Voir « 2014 Clawbies: Canadian Law Blog Awards » (31 décembre 2014), Clawbies, en ligne : <www.clawbies.ca/2014-clawbies-canadian-law-blog-awards/> :

Administrative Law Matters, by Université de Montréal Assistant Professor Paul Daly, isn’t just the best law professor blog in the country; we think it’s one of the best blogs, period. Astonishingly high rates of both volume and quality set Paul’s blog apart and marked it as one of the most important resources for understanding what is frequently one of the most arcane and intricate of legal subjects.

[33]         Voir ibid :

Double Aspect is everything you want to see in a law blog: it addresses important topics, it presents intellectual challenges, it’s updated frequently and at length, and it’s written in a professional yet engaging style. Double Aspect was one of three winners of last year’s “Best New Blog” category and moved up quickly to take the Best Blog award in just its second year; it’s been a long time since we’ve seen a blog become this good, this fast.

[34]         Il demeure toutefois trop tôt pour le dire. Certes, des sites internet de professeurs de droit sont régulièrement créés sur la plateforme OpenUM mais, d’une part, tous ne comportent pas un blogue (voir par ex Chaire en gouvernance et en droit des affaires, en ligne : <www.droitdesaffaires.ca/>; le site personnel de Bjarne Melkevik : Bjarne Melkevik (blogue), en ligne : <bjarnemelkevik.openum.ca/>; Chaire Jean-Louis Baudouin en droit civil, en ligne : <www.chairejlb.ca/>). D’autre part, tous ceux qui en ont un ne l’utilisent pas toujours à des fins d’analyse, de commentaires ou de formulation d’opinion (voir OpenUM, en ligne : <https://openum.ca/sites/>, Vincent Gautrais, Chaire L.R. Wilson : Droit + Technologies (blogue), en ligne : <www.gautrais.com/blogue/>; Éloïse Gratton, Privacy & IT Law (blogue), en ligne : <www.eloisegratton.com/>; Nicolas Vermeys, Sécurité de l’information et cyberjustice (blogue), en ligne : <www.
vermeys.com/blogue/>). De plus, la blogosphère juridique québécoise perdra à la fin de l’année 2016 deux de ses blogueurs les plus prolifiques et les plus remarquables, qui quittent le Québec pour poursuivre une carrière à l’étranger. Le professeur Paul Daly officiera désormais à l’Université de Cambridge (voir Paul Daly, « New Job : University of Cambridge » (19 avril 2016), Administrative Law Matters (blogue), en ligne : <www. administrativelawmatters.com/blog/2016/04/19/new-job-university-of-cambridge>) et Léonid Sirota enseignera quant à lui en Nouvelle-Zélande (voir Leonid Sirota, « Some News » (2 mai 2016), Double Aspect (blogue), en ligne : <https://doubleaspectblog.
wordpress.com/2016/05/02/some-news-2>).

[35]         Ce sont les cabinets d’avocats spécialisés en droit criminel qui tiennent un blogue pour informer le public, en particulier des clients potentiels (voir Cabinet Cormier Simard, Avocat droit criminel (blogue), en ligne : <www.avocatcriminel.ca/blogue/>; Cabinet Couture Avocats, Blogue juridique (blogue), en ligne : <coutureetassocies.com/blogue-juridique/>; Cabinet Doyon Avocats, Blogue en droit criminel (blogue), en ligne : <https://doyonavocats.ca/category/droit-criminel/>; Me Véronique Robert, Le droit au silence (blogue), en ligne : <droitcriminel.blogspot.ca/>).

[36]         Voir Paul Daly, Administrative Law Matters (blogue), en ligne : <www.
administrativelawmatters.com/>.

[37]         Voir Léonid Sirota, Double aspect (blogue), en ligne : <https://doubleaspectblog.
wordpress.com/>.

[38]         Voir Karim Renno, À bon droit (blogue), en ligne : <www.abondroit.com/>. Bien que l’auteur n’ait pas assigné à son blogue un domaine du droit particulier, les billets publiés portent essentiellement sur des questions de droit civil et de procédure civile.

[39]         Voir Jacques Desmarais et Laurence Léa Fontaine, Socialtravail.uqam.ca, le blogue juridique (blogue), en ligne : <socialtravail.uqam.ca/>.

[40]         Voir Adam Mizera, C’est é-p@tent! (blogue), en ligne : <https://cestepatent.wordpress.
com/>; Cabinet Norton Rose Fulbright, Montréal et Québec, Les Actifs créatifs (blogue), en ligne : <www.actifscreatifs.com/>.

[41]         Voir Chaire de recherche du Canada sur la culture collaborative en droit et politiques de la santé (blogue), en ligne : <www.chairesante.ca/articles/types/blogue/>.

[42]         Voir Hugo Tremblay, Droit des ressources naturelles et énergie (blogue), en ligne : <www.hugotremblay.ca/>.

[43]         Voir Karim Benyekhlef, Droit et relations internationales (blogue), en ligne : <www.karimbenyekhlef.ca/>.

[44]         Voir Clinique de droit international pénal et humanitaire de la Faculté de droit de l’Université Laval, Clinique de droit international pénal et humanitaire (blogue), en ligne : <www.cdiph.ulaval.ca/blogue>.

[45]         Voir Éloïse Gratton, Privacy & IT Law (blogue), en ligne : <www.eloisegratton.com/>.

[46]         Voir David Cohen, Canada Immigration blog (blogue), en ligne : <www.canadavisa.com/
canada-immigration-blog/>.

[47]         Voir Allison Christians, Tax, Society & Culture (blogue), en ligne : <taxpol.blogspot.ca/>.

[48]         Voir Nicolas Vermeys, Sécurité de l’information et cyberjustice (blogue), en ligne : <www.vermeys.com/blogue/>.

[49]         Voir François Forget, Survol juridique (blogue), en ligne : <patrimoine.notaire-direct.com/Histoires.html>; Mélanie Dubé, MDNOTAIRE (blogue), en ligne : <https://mdnotaire.net/>; Étude de Me Alain Fortin Notaire, Blogue juridique (blogue), en ligne : <lenotaire.qc.ca/category/blogue-juridique/>.

[50]         Voir les blogues chapeautés par Vincent Gautrais, tels que droitdu.net (blogue), en ligne : <droitdu.net/>; LCCJTI.CA (blogue), en ligne : <lccjti.ca/>; Chaire L.R. Wilson : Droit + Technologies (blogue), en ligne : <www.gautrais.com/blogue/>.

[51]         Voir Jean-Sébastien Sauvé, Droit des minorités sexuelles et de genre (blogue), en ligne : <www.jssauve.ca/blogue>.

[52]         Nous considérons en effet que les blogueurs sont des praticiens même s’ils bloguent pour des sociétés d’édition de contenu juridique en ligne, puisqu’ils sont avant tout avocats et bloguent sur des sujets qui intéressent les praticiens.

[53]         En moyenne, les répondant passent entre une et trois heures à bloguer par semaine.

[54]         En effet, plusieurs répondant sont en quelque sorte des blogueurs professionnels lorsqu’ils sont employés par SOQUIJ ou les Éditions Yvon Blais. Par ailleurs, et cela est intéressant à noter, les professeurs de droit considèrent volontiers que le temps passé à bloguer est du temps consacré à leur activité professionnelle principale (et non pas du temps de travail supplémentaire). S’il est indéniable que les missions d’enseignement et de recherche peuvent, par nature, être accomplies en s’adonnant au blogging juridique, il n’est pas certain que l’institution universitaire embrasse parfaitement cette idée. Voir la partie II, ci-dessous, pour une discussion au sujet de la valeur des contributions sur les blogues.

[55]         Tout cela a été fort bien résumé par une blogueuse qui faisait le bilan des dix années de son blogue en ces termes : « même si les billets sont mensuels, ils exigent une recherche, une lecture continue de l’actualité, être continuellement alerte face aux développements de ce domaine du droit, plutôt pointu, tout en continuant parallèlement mes autres activités. […] Un billet juridique nécessite une analyse et une réflexion plus profonde que la compulsion du moment ». Elle continue : « [j]e fais partie de la première génération de blogueurs. Ce que nous ignorions à l’époque, c’est que bloguer, c’était se mettre à nu, face à un auditoire qui nous connait peu » (Natalie Gauthier, « La Pub et le droit a 10 ans » (8 juin 2014), La pub et le droit (blogue), en ligne : <publiciteetdroit.blogspot.ca>).

[56]         Les blogueurs interrogés publient entre un et cinq billets par semaine et presque la moitié s’imposent la publication d’un nombre minimal de billets hebdomadairement.

[57]         Partager est le maître mot des blogueurs. Partager de l’information, un savoir, une opinion. Voir par ex Paul L Caron, « Are Scholars Better Bloggers? Bloggership: How Blogs are Transforming Legal Scholarship » (2006) 84:5 Wash UL Rev 1025 à la p 1027.

[58]         Et il est vrai que le blogue permet d’attirer toutes sortes de lecteurs de façon régulière, ce qui est un avantage par rapport au seul site Internet présentant de manière un peu statique les activités d’un cabinet d’avocats, par exemple.

[59]         Voir A Michael Froomkin, « The Plural of Anecdote is “Blog” » (2006) 84:5 Wash UL Rev 1149 à la p 1152.

[60]         Voir Roseline Letteron, « Les blogs et la dématérialisation de la doctrine juridique » dans Chambost, Les blogs juridiques, supra note 5, 85 à la p 86. Chez nous, Léonid Sirota justifie d’ailleurs le lancement de Double Aspect, au-delà de la publicité, par l’absence de blogue portant sur les questions de droit constitutionnel canadien (voir Leonid Sirota, « Introduction: Why I Blog » (5 avril 2012), Double Aspect (blogue), en ligne : <https://doubleaspectblog.wordpress.com/2012/04/05/introduction-why-i-blog/>).

[61]         À cet égard, mais raisonnant à partir des publications des seuls universitaires, Paul Daly constate et décrit la coexistence de deux modèles : l’ancien et le nouveau. L’ancien, qui est en réalité le modèle en place et qui demeure dominant, se caractérise par un processus d’évaluation des publications par les pairs, dont l’auteur souligne en particulier la lenteur et la linéarité. Le nouveau modèle est celui des blogues et des réseaux sociaux, caractérisé notamment par la rapidité de diffusion, l’interactivité, l’audience élargie et la non-linéarité (voir Paul Daly, « Legal Academia 2.0: New and Old Models of Academic Engagement and Influence » (2015) 20:1 Lex-Electronica 39 [Daly, « Legal Academia 2.0 »]).

[62]         Voir James Lindgren, « Is Blogging Scholarship? Why Do You Want to Know? » (2006) 84:5 Wash UL Rev 1105 à la p 1106; Serge Slama et Hannah Birkenkötter, « “Il y a une vraie complémentarité entre les blogs et les articles de fond publiés dans les revues” Entretien au Verfassungsblog. On Matters Constitutionnal » dans Chambost, Les blogs juridiques, supra note 5, 147 aux pp 150 et s. Voir aussi Daly, « Legal Academia 2.0 », supra note 61 aux pp 45–46.

[63]         Voir Daly, « Legal Academia 2.0 », supra note 61 aux pp 44–45; Eugene Volokh, « Scholarship, Blogging, and Tradeoffs: On Discovering, Disseminating, and Doing » (2006) 84:5 Wash UL Rev 1089 [Volokh, « Scholarship, Blogging, and Tradeoffs »]; Lawrence B Solum, « Blogging and the Transformation of Scholarship » (2006) 84:5 Wash UL Rev 1071 à la p 1087.

[64]         Ils sont plus accessibles en raison tout d’abord de leur gratuité et de leur disponibilité en tout temps sur Internet. Ils le sont ensuite en raison du style de rédaction des billets qui est généralement moins technique et moins savant que celui qui prévaut dans les publications traditionnelles. Enfin, ils le sont sans doute également en raison de leur concision : un billet de blogue juridique n’excède généralement pas 1 000 mots, tandis qu’un article scientifique contient en général 15 000 mots.

[65]         Le blogue du professeur Pierre Trudel en est un bon exemple (voir Pierre Trudel (blogue), en ligne : <www.journaldemontreal.com/blogues/pierre-trudel>).

[66]         L’équipe des Clawbies, ayant décerné la récompense, s’en expliquait de manière éclairante :

The thousands of lawyers across Canada who use CanLII for their legal research every day would doubtless object to the classification of this blog as having a “non-lawyer” audience. But CanLII Connects, the new centralized collection of Canadian case commentary, is proving to be just as useful, if not more so, to the growing ranks of legal consumers who are navigating part or all of the journey through the legal system by themselves. This “self-navigation” promises to be one of the most significant trends in the legal market over the coming decade, and CanLII Connects is poised to be an invaluable resource in that process (« 2014 Clawbies : Canadian Law Blog Awards » (31 décembre 2014), Clawbies, en ligne: <www.clawbies.ca/2014-clawbies-canadian-law-blog-awards>).

[67]         C’est une pratique relativement courante pour plusieurs contributeurs québécois à CanLII connecte, dont Léonid Sirota, Paul Daly et Karim Renno.

[68]         Au Québec, c’est ainsi que procèdent nombre de blogues juridiques qui utilisent un compte Twitter. Voir par ex Blogue juridique des Éditions Yvons Blais, le Blogue SOQUIJ, Administrative law matters de Paul Daly, Double aspect de Léonid Sirota, À bon droit de Karim Renno, le Blogue du CRL du Jeune Barreau de Montréal, le blogue de Pierre Trudel, le blogue de la Chaire de recherche du Canada en droit et politiques de la santé.

[69]         Voir Craig Forcese, « Real Time “Action” Scholarship? Reflections on a Week in Ottawa » (25 octobre 2014), Bleaching Law (blogue), en ligne : <craigforcese.
squarespace.com/bleaching-law/2014/10/25/real-time-action-scholarship-refections-on-a-week-in-ottawa.html>. Dans ce billet, l’auteur discute des commentaires à chaud des experts sollicités par les médias, à partir des réflexions proposées par le professeur Jeremy Littlewood, « Canada and Terrorism: Quick Reflections on Information, Speculation, and Intelligence » (24 octobre 2014), Norman Paterson School of International Affairs (blogue), en ligne : <https://npsia.wordpress.
com/2014/10/24/canada-and-terrorism-quick-reflections-on-information-speculation-and-intelligence/>. Craig Forcese explique :

I blog a fair amount. I also post screencasts, and use twitter (often to link to longer pieces). This is academia 2.0, as uMontreal prof Paul Daly describes it. I have found that a number of journalists now go [to] my blog entries, and I have woken up in the morning to find statements from them attributed to me in the paper. This, in my view, is an excellent way to control content and deliver nuance, on my own time and in an open and “democratic” way. It is a form of “real time” scholarship, and many of my blog entries have prompted me to pursue fuller treatments later in academic articles. And more than that, it is a way of reaching the public directly, albeit on a much smaller scale than mass media permits (Craig Forcese, « Real time “action” scholarship? Reflections on a week in Ottawa » (25 octobre 2014), Bleaching Law (blogue), en ligne : <craigforcese.squarespace.com/bleaching-law/2014/10/25/real-time-action-scholarship-refections-on-a-week-in-ottawa.html>).

[70]         2015 CSC 12, [2015] 1 RCS 613.

[71]         Au fur et à mesure qu’il prenait connaissance de la décision, le professeur Paul Daly publiait ses premières impressions et observations sur son compte Twitter.

[72]         Voir Paul Daly, « Reasonableness, Proportionality and Religious Freedom: Loyola High School v. Quebec (Attorney General), 2015 SCC 12 » (19 mars 2015), Administrative Law Matters (blogue), en ligne : <www.administrativelawmatters.com/blog/ 2015/03/19/reasonableness-proportionality-and-religious-freedom-loyola-high-school-v-quebec-attorney-general-2015-scc-12/>; Léonid Sirota, « Splitting a Baby » (19 mars 2015), Double Aspect (blogue), en ligne : <https://doubleaspectblog.wordpress.com/ 2015/03/19/splitting-a-baby>.

[73]         Ce sont ceux de Paul Daly et Léonid Sirota (voir ibid).

[74]         Voir Daniel Weinstock, « What Did Loyola Really Decide? » (21 mars 2015), In Due Course (blogue), en ligne : <induecourse.ca/what-did-loyola-really-decide/>; Benjamin L Berger, « The Supreme Court of Canada on Religious Freedom and Education: Loyola High School v. Québec (Attorney General) » (23 mars 2015), I-CONnect (blogue), en ligne : <www.iconnectblog.com/2015/03/thesupremecourtofcanadaonreligiousfreedom
andeducationloyolahighschoolvquebecattorneygeneral/>; Kirk Andrews, « Loyola v Quebec, Part I—the Majority: Water in Loyola’s Wine » (23 mars 2015), The Court.ca (blogue), en ligne : <www.thecourt.ca/2015/03/23/loyola-v-quebec-part-i-the-majority-water-in-loyolas-wine/>; « Loyola v Quebec, Part II: Freedom of Religion for Religious Organizations » (2 avril 2015), The Court.ca (blogue), en ligne : <www.thecourt.ca/
2015/04/02/loyola-v-quebec-part-ii-freedom-of-religion-for-religious-organizations>.

[75]         Voir Volokh, « Scholarship, Blogging, and Tradeoffs », supra note 63 aux pp 1094–95; Daly, « Legal Academia 2.0 », supra note 61 à la p 45.

[76]         Dans 25% des cas, les répondants à notre sondage affirment bloguer à cette fin.

[77]         Voir Lindgren, supra note 62 à la p 1106.

[78]         Voir Gilles J Guglielmi et Geneviève Koubi, « Épistémologie des blogs juridiques : une contribution à l’écriture du droit » dans Chambost, Les blogs juridiques, supra note 5, 69 aux pp 81–82.

[79]         Sans pouvoir traduire parfaitement ce potentiel, il nous semble que le très célèbre blogue de Maître Éolas, avocat au barreau de Paris, participe de cette idée : « je narrerai ici des choses vues et entendues aux audiences auxquelles j’ai assisté, je raconterai un peu l’envers du décor du Palais, et donnerai à qui voudra bien me lire quelques clefs pour comprendre un débat juridique ou un fait divers dont on parle dans la presse sans hélas d’approche pédagogique » (« Quelques mots sur ce blog », Journal d’un avocat (blogue), en ligne : <www.maitre-eolas.fr/pages/quelquesmots>). De l’autre côté de la Manche, le tout récent blogue de Sir Henry Brooke contribue lui aussi à recueillir un savoir qui ne circulerait sans doute pas aussi bien s’il ne trouvait pas le blogue comme support (voir Henry Brooke (blogue), en ligne : <sirhenrybrooke.me>).

[80]         On entend ici la critique du droit comme la formulation de toute opinion argumentée qui vise à juger de la valeur d’une solution de droit ou de la pertinence, du bien-fondé ou de l’efficacité d’une règle juridique, et non pas dans le sens d’une théorie critique du droit.

[81]         Sur cette fonction critique, voir notamment l’honorable Pierre J Dalphond, « La doctrine a-t-elle un avenir au Québec? » (2008) 53:3 RD Mcgill 517. Même s’il est fréquent de relever, ici comme en France, que la doctrine juridique est très majoritairement constituée de professeurs de droit, il ne faut pas négliger la part que les praticiens du droit québécois peuvent prendre à l’édification d’un discours savant sur le droit, visant à le décrire, à l’analyser, à le systématiser, voire à le critiquer.

[82]         Ce genre a été brillamment, savamment, et savoureusement incarné dans le Recueil par les éditoriaux de Félix Rome, juriste agissant sous pseudonyme, de 2007 à 2014.

[83]         Voir Guglielmi et Koubi, supra note 78 à la p 81.

[84]         Cela a également été observé et déploré en dehors du Québec (voir Froomkin, supra note 59 à la p 1152; Letteron, supra note 60 à la p 88).

[85]         C’est ce que confirme très nettement le sondage réalisé auprès des blogueurs québécois qui admettent très largement que leurs billets font rarement l’objet de commentaires.

[86]         Les billets de blogue étant souvent commentés sur les réseaux sociaux (Twitter et Facebook), on assiste à une multiplication et à une dispersion des lieux de discussion qui pourraient avoir pour effet de rendre les commentaires moins accessibles au plus grand nombre de lecteurs.

[87]         Guglielmi et Koubi, supra note 78 à la p 82.

[88]         En effet, on peut voir dans la controverse « la marque d’un échange nécessaire des idées et des opinions, le signe d’un droit qui s’élabore par la discussion et la recherche de la meilleure solution, bref l’indice d’un droit vivant qui donne prise à l’imagination et aux constructions de l’esprit » (Nicolas Molfessis, « La controverse doctrinale et l’exigence de transparence de la doctrine » (2003) RTD civ 161 à la p 161).

[89]         Voir Sujit Choudhry et Claire E Hunter, « Measuring Judicial Activism on the Supreme Court of Canada: A Comment on Newfoundland (Treasury Board) v. NAPE » (2003) 48:3 RD McGill 525; Christopher P Manfredi et James B Kelly, « Misrepresenting the Supreme Court’s Record? A Comment on Sujit Choudhry and Claire E. Hunter, “Measuring Judicial Activism on the Supreme Court of Canada” » (2004) 49:3 RD McGill 741; Sujit Choudhry et Claire E Hunter, « Continuing the Conversation: A Reply to Manfredi and Kelly » (2004) 49:3 RD McGill 765.

[90]         Cette discussion a été menée non seulement à travers les billets, mais aussi à travers les liens qu’ils indiquent dans le texte et l’éventuel prolongement de la discussion dans les commentaires, parfois nombreux (voir Léonid Sirota, « Here Be No Dragons » (15 février 2015), Double Aspect (blogue), en ligne : <https://
doubleaspectblog.wordpress.com/2015/02/15/here-be-no-dragons/>; Léonid Sirota, « How Not to Criticize the Supreme Court » (20 février 2015), Options politiques (blogue), en ligne : <policyoptions.irpp.org/2015/02/20/how-not-to-criticize-the-supreme-court/>; Emmett Macfarlane, « What We’re Talking About When We Talk About “Judicial Activism”: Has the Supreme Court Gone Too Far? » (23 février 2015), Maclean’s (blogue), en ligne : <www.macleans.ca/politics/what-were-talking-about-when-we-talk-about-judicial-activism/>; Stewart Prest, « On Measuring Judicial Activism » (23 février 2015), It’s Politics, All the Way Down (blogue), en ligne : <https://politicsallthewaydown.wordpress.com/2015/02/23/on-measuring-judicial-activism/>; Léonid Sirota, « Leaving a Dragon Out » (23 février 2015), Double Aspect (blogue), en ligne : <https://doubleaspectblog.wordpress.com/2015/02/23/leaving-a-dragon-out/>; Léonid Sirota, « The Judicial Activism Debate (Continued) » (23 février 2015), Options politiques (blogue), en ligne : <policyoptions.irpp.org/2015/02/
23/the-judicial-activism-debate-continued/>; Léonid Sirota, « What to Do About “Judicial Activism” » (7 mars 2015), Options politiques (blogue), en ligne : <policyoptions.irpp.org/2015/03/07/what-to-do-about-judicial-activism/>; Benjamin Oliphant, « Some Disjointed Thoughts on “Judicial Activism” » (12 mars 2015), Options politiques (blogue), en ligne : <policyoptions.irpp.org/2015/03/12/some-disjointed-thoughts-on-judicial-activism/>; Jennifer Taylor, « When the Personal is Political » (11 mars 2015), ABC National (blogue), en ligne : <www.nationalmagazine.
ca/Articles/March-2015-Web/When-the-personal-is-political.aspx?feed=articles>; Léonid Sirota, « Scrutinizing Judicial Power » (13 mars 2015), ABC National (blogue), en ligne : <www.nationalmagazine.ca/Blog/March-2015/Scrutinizing-judicial-power.aspx>; Emmett Macfarlane, « Shielding Courts from Criticism Hurts Democracy » (14 mars 2015), Options politiques (blogue), en ligne : <policyoptions.irpp.org/2015/03/14/shielding-courts-from-criticism-hurts-democracy/>).

[91]         Voir Douglas A Berman, « Scholarship in Action: The Power, Possibilities, and Pitfalls for Law Professor Blogs » (2006) 84:5 Wash UL Rev 1043 à la p 1052 (« [b]logs present a unique and promising medium for facilitating interdisciplinary conversations, which in turn should catalyze more traditional or nontraditional interdisciplinary scholarship »).

[92]         Le site de l’Institut de recherche en politiques publiques a désormais changé d’apparence et Options politiques ne se présente plus comme un blogue mais plutôt comme un forum. Les textes publiés n’en ont pas moins la forme de billets de blogue.

[93]         Loi constitutionnelle de 1867 (R-U), 30 & 31 Vict, c 3, reproduite dans LRC 1985, annexe II, no5.

[94]         Voir Renvoi relatif à la Loi sur la Cour suprême, art. 5 et 6, 2014 CSC 21, [2014] 1 RCS 433. Dans ce cas, c’est l’article 6 de la Loi sur la Cour suprême, LRC 1985, c S-26 qui était en cause en prévoyant qu’au moins trois des neuf juges nommés à la Cour « sont choisis parmi les juges de la Cour d’appel ou de la Cour supérieure de la province de Québec ou parmi les avocats de celle-ci ».

[95]         Voir Paul Daly, « Judicial Musical Chairs » (15 juin 2014), Administrative Law Matters (blogue), en ligne : <www.administrativelawmatters.com/blog/2014/06/15/judicial-musical-chairs/>.

[96]         Voir Maxime St-Hilaire, « Le festival harpérien de l’inconstitutionnalité se poursuit : la nomination du juge Mainville à la Cour d’appel du Québec » (24 juin 2014), Double Aspect (blogue), en ligne : <https://doubleaspectblog.wordpress.com/2014/
06/24/le-festival-harperien-de-linsconstitutionnalite-se-poursuit-la-nomination-du-juge-mainville-a-la-cour-dappel-du-quebec>. Le professeur était invité sur le blogue de Léonid Sirota. Les termes employés par l’auteur situent bien son propos dans le contexte d’une question controversée : « [c]ontrairement à ce que, jusqu’ici, ont laissé entendre certains experts et chroniqueurs, cette nomination est à notre avis inconstitutionnelle » (ibid).

[97]         Voir Hugo Cyr et Maxime St-Hilaire, « Une menace pour la culture juridique québécoise » (25 juin 2014), Le Devoir, en ligne : <www.ledevoir.com>.

[98]         Voir Leonid Sirota, « The Mainville Appointment Is Constitutional » (26 juin 2014), Double Aspect (blogue), en ligne : <https://doubleaspectblog.wordpress.com/2014/06/26/
the-mainville-appointment-is-constitutional/>. Très clairement, l’hôte du professeur St-Hilaire entend débattre avec lui de l’interprétation de l’article 98 : « [i]n a guest-post published on Tuesday on this blog, Maxime St-Hilaire has argued that Justice Mainville’s appointment is, indeed, unconstitutional. For my part, I am not persuaded » (ibid).

[99]         Voir Paul Daly, « Judicial Musical Chairs II: The Constitutionality of Robert Mainville’s Appointment to the Quebec Court of Appeal » (14 juillet 2014), Administrative Law Matters (blogue), en ligne : <www.administrativelawmatters.com/
blog/2014/07/14/judicial-muscial-chairs-ii-the-constitutionality-of-robert-mainvilles-appointment-to-the-quebec-court-of-appeal/>. Le billet de l’auteur débute en des termes qui ne laissent aucun doute sur son intention de participer à la controverse ayant débuté quelques jours plus tôt :

The legality of the appointment of Mainville J.A. to the Quebec Court of Appeal from the Federal Court of Appeal has been challenged. Several jurists have weighed in on the question: Hugo Cyr, Maxime St-Hilaire and Robert Décary all take the view that a federal court judge cannot lawfully be appointed to a Quebec Court (update: though to be fair to Décary, his ire is really directed at the Supreme Court!). I disagree: the text of the Constitution Act 1867 is not pellucid; the better reading of the text and relevant history is that Mainville J.A.’s appointment was constitutional [références omises] (ibid).

[100] 2014 QCCA 2365 (disponible sur CanLII) [Renvoi Mainville].

[101] 2015 CSC 22, [2015] 2 RCS 179 [Pourvoi Renvoi Mainville].

[102] Voir Maxime St-Hilaire, « Baroud d’honneur, your honour : une concession, mais trois critiques de l’affaire du juge Mainville » (29 avril 2015), Double Aspect (blogue), en ligne : <https://doubleaspectblog.wordpress.com/2015/04/29/baroud-dhonneur-your-honour-une-concession-mais-trois-critiques-de-laffaire-du-juge-mainville/>.

[103] Voir Léonid Sirota, « No, No, No! » (3 mai 2015), Double Aspect (blogue), en ligne : <https://doubleaspectblog.wordpress.com/2015/05/03/no-no-no/>.

[104] La cour a été saisie le 28 juillet 2014 de deux questions :

  1. Quelles sont les cours du Québec visées par l’article 98 de la Loi constitutionnelle de 1867?
  2. Quelles sont les conditions de nomination des juges des cours du Québec requises par l’article 98 de la Loi constitutionnelle de 1867 et cet article permet-il la nomination de personnes qui sont membres des cours fédérales? (voir Renvoi Mainville, supra note 100 au para 3).

[105] Voir ibid aux para 68–70.

[106] Voir Pourvoi Renvoi Mainville, supra note 101.

[107] Paul Daly, professeur à la Faculté de droit de l’Université de Montréal; Maxime St-Hilaire et Finn Makela, professeurs à la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke et Hugo Cyr, professeur à la Faculté de science politique et de droit de l’Université du Québec à Montréal.

[108] Léonid Sirota était alors candidat au doctorat à la New York University School of Law et Lawrence David était diplômé de l’Université McGill et auteur de publications juridiques avant de devenir auxiliaire juridique à la Cour suprême en août 2015.

[109] Cependant, cette discussion a été, en apparence du moins, sans influence sur les juges de la Cour d’appel du Québec qui ont rendu leur avis sans s’y référer. Voir la partie III, ci-dessous.

[110] On rappellera à cet égard qu’il n’existe pas de définition unanime de ce qu’est la doctrine, encore moins de définition officielle, et que ce sont les auteurs eux-mêmes, soit qu’ils estiment en faire partie en raison de la nature ou de la valeur de leurs écrits, soit qu’ils prétendent en exclure d’autres pour ces mêmes raisons, qui dessinent les contours de cette notion aussi utile qu’insaisissable (voir notamment Philippe Jestaz et Christophe Jamin, La doctrine, Paris, Dalloz, 2004 aux pp 6–7). Toutefois, ces auteurs estiment que, quoique procédant nécessairement d’un jugement de valeur subjectif, la distinction entre les écrits qui relèvent de la doctrine et ceux qui ne méritent pas cette caractérisation, est assez aisée à opérer en pratique (voir ibid à la p 188). Cet exercice de distinction se pratique aussi parfois au Québec (voir notamment Dalphond, supra note 81 à la p 521).

Admettant que la doctrine désigne une entité, il nous semble que la notion désigne davantage une fonction au sein de la communauté juridique qu’un label de qualité. Tous les écrits doctrinaux n’ont pas la même valeur, la même profondeur d’analyse, la même utilité, bref, n’apportent pas tous une réelle valeur ajoutée à la connaissance du droit, tant s’en faut. Ils n’en appartiennent pas moins, selon nous, à ce que l’on appelle communément la doctrine.

[111] Ce sont les universitaires américains qui ont les premiers centré la réflexion sur la question du blogging juridique et de ses rapports avec la doctrine, les juristes latino-américains et français ayant poursuivi dans la même voie (voir, à cet égard, les références citées supra notes 6, 7 et 8; Paul Daly, « Legal Academia 2.0 », supra note 61). La présente recherche, qui n’y est pas indifférente, n’entend pas échapper à cette question bien qu’elle ne souhaite pas s’y limiter.

[112] Contra Phillipe Jestaz et Christophe Jamin, supra note 110 aux p 3, 5 et 301 (insistant au contraire sur l’absence d’équivalence du concept de doctrine dans les systèmes juridiques de common law). S’il n’existe sans doute aucun équivalent en common law du concept de doctrine tel qu’il s’est historiquement construit en France, notamment en tant qu’héritier de la jurisprudentia romaine, il n’en reste pas moins que dans les deux systèmes des juristes ont pour profession d’expliquer le droit, de le décrire, de le critiquer, bref de produire une littérature qui se distingue de celle produite par des juges ou avocats dans le cadre strict de leurs fonctions, ou par le législateur. C’est donc dans son sens large que la notion de doctrine nous semble ici devoir être entendue et dans ce qu’elle a de distinctif par rapport aux autres acteurs du droit, et non pas dans le sens restrictif qu’elle peut avoir en France. Si l’on tenait absolument à comparer ce que recouvre la notion de doctrine en France et au Québec, il est douteux qu’il en résulterait une véritable équivalence. Car, contrairement à ce que suggèrent les auteurs (voir ibid à la p 2), si l’on parle volontiers de doctrine au Québec, il n’est pas certain que l’expression recouvre la même réalité, ne serait-ce que parce que l’adage « our judges are our jurists » se vérifie encore souvent en pratique. Mieux vaut donc s’en tenir à une conception de la doctrine qui équivaut, grosso modo, à la littérature juridique.

[113] D’ailleurs, la seule voix discordante au colloque de Harvard en 2006 était celle d’une non-bloggueuse : Kate Litvak, « Blog As a Bugged Water Cooler » (2006) 84:5 Wash UL Rev 1061. En France, le débat opposait un juriste non-bloggeur, Félix Rome, à deux juristes bloggueurs, Dimitri Houtcieff et Frédéric Rolin (voir supra note 6).

[114] Voir notamment Guilhermont, supra note 8.

[115] Voir Caron, supra note 57 à la p 1034; Geneviève Koubi, « Blogs juridiques et libres lectures du droit » dans Mélanges François Julien-Laferrière, Bruxelles, Bruylant, 2011, 311 aux pp 315–16; Letteron, supra note 60 à la p 86.

[116] Gilles Devers, « Un blog de praticien : vous avez dit “doctrine”? » dans Chambost, Les blogs juridiques, supra note 5, 93 à la p 102.

[117] Voir Anne-Sophie Chambost, « Avant-propos : les blogs juridiques, ou la doctrine en train de se faire à l’ère du web 2.0 » dans Chambost, Les blogs juridiques, supra note 5, 5 à la p 19.

[118] Ces deux composantes sont bien à l’œuvre dans la doctrine québécoise. Pour des exemples éclairants, voir les réflexions que Nicholas Kasirer a livrées au sujet des mélanges Claude Masse (voir Nicholas Kasirer, « Of combats livrés and combats livresques » (2004) 19 CJLS 153 aux pp 171–72).

[119] Pour un exemple parmi d’autres, voir Paul Daly, « Section 96 in the 21st Century » (3 décembre 2015), Administrative Law Matters (blogue), en ligne : <www.
administrativelawmatters.com/blog/2015/12/02/section-96-in-the-21st-century/> (où l’auteur s’exprime ainsi : « [t]here are lots of things on my to-blog list, which I hope to start striking items off soon, but until then here is the last installment of my draft paper on section 96 of the Constitution Act. Comments very welcome! »).

[120] Voir Slama et Birkenkötter, supra note 62 à la p 128. Voir aussi Caron, supra note 58 aux pp 1037–38 (concernant le rôle du professeur de droit blogueur).

[121] Voir Lindgren, supra note 62 aux pp 1105–06 :

Although few bloggers post essays that would be appropriate without any changes for a traditional law review, we often blog on recent developments in the field or in our own scholarship, using arguments and evidence that could be adapted fairly easily to a law review article or comment. Indeed, the nearly instant blog commentary on recent court cases is replacing the law review case note, which has often appeared over a year after the case has been decided. Thus, blogs can be used to formulate and disseminate the same sorts of arguments that we might publish in a law review; blog posts may not look or feel like traditional scholarship, but they often serve the same function.

On s’accorde avec cet auteur pour penser que la complémentarité des supports résulte davantage de leur différence de forme que de leur contenu doctrinal. Ce sont en effet les mêmes fonctions doctrinales qui s’exercent sur les uns et les autres. Toutefois, certaines de ces fonctions, comme celle d’opinion, peuvent selon nous s’exercer d’une manière particulièrement efficace sur les blogues.

[122] Léonid Sirota est l’auteur de « “Third Parties” and Democracy 2.0 » (2015) 60:2 RD McGill 253. Suite à la parution de ce texte, il le discuta sur son blogue Double Aspect entre le 4 et le 7 mai 2015 (voir Leonid Sirota, « “Third Parties” and Democracy 2.0 » (4 mai 2015), Double Aspect (blogue), en ligne : <https://doubleaspectblog.wordpress.
com/2015/05/04/third-parties-and-democracy-2-0/>; Leonid Sirota, « The Party’s Over » (5 mai 2015), Double Aspect (blogue), en ligne : <https://doubleaspectblog.wordpress.
com/2015/05/05/the-partys-over/>; Leonid Sirota, « Free Speech » (6 mai 2015), Double Aspect (blogue), en ligne : <https://doubleaspectblog.wordpress.com/2015/05/06/free-speech/>; Leonid Sirota, « Plus ça change… » (7 mai 2015), Double Aspect (blogue), en ligne : <https://doubleaspectblog.wordpress.com/2015/05/07/plus-ca-change/>). Le 11 mai, il publia également un billet sur le blogue Options politiques dans lequel est brièvement discuté l’article avec un renvoi aux billets du blogue pour une discussion plus détaillée (voir Léonid Sirota, « Third Parties and Democracy 2.0 » (11 mai 2015), Options politiques (blogue), en ligne : <http://policyoptions.irpp.org/2015/05/11/third-parties-and-democracy-2-0/>).

[123] Le professeur Paul Daly devait intervenir lors d’une table ronde organisée par l’Institut canadien d’administration de la justice en mai 2015 ayant pour thème « Dialogue entre les tribunaux judiciaires et administratifs ». Anticipant cet évènement sur son blogue Administrative Law Matters, il y publia quatre billets évoquant la substance de sa communication (voir Paul Daly, « Roundtable on Stare Decisis: Moncton, NB, Friday May 22 » (13 mai 2015), Administrative Law Matters (blogue), en ligne : <www.administrativelawmatters.com/blog/2015/05/13/roundtable-on-stare-decisis-moncton-nb-friday-may-22/>; Paul Daly, « Threats to Stare Decisis: The Clarity Problem » (15 mai 2015), Administrative Law Matters (blogue), en ligne : <www.administrativelawmatters.com/blog/2015/05/15/threats-to-stare-decisis-the-clarity-problem/>; Paul Daly, « Threats to Stare Decisis: The Consistency Problem » (19 mai 2015), Administrative Law Matters (blogue), en ligne : <www.
administrativelawmatters.com/blog/2015/05/15/threats-to-stare-decisis-the-clarity-problem/>; Paul Daly, « Threats to Stare Decisis: The Coherence Problem » (21 mai 2015), Administrative Law Matters (blogue), en ligne : <www.
administrativelawmatters.com/blog/2015/05/21/threats-to-stare-decisis-the-coherence-problem/>). La table ronde a été reportée à l’automne et ce fut l’occasion pour le professeur d’annoncer sur son blogue la mise en ligne sur le réseau SSRN d’un projet d’article ayant pour thème celui de la conférence (voir Paul Daly, « Stare Decisis in Canadian Administrative Law (SSRN) »
(2 novembre 2015), Administrative Law Matters (blogue), en ligne : <www.administrativelawmatters.com/blog/2015/11/02/stare-decisis-in-canadian-administrative-law-ssrn/>).

[124] Anna Ivey, « An Introduction to The Post » (2011) 1:1 Post 367 à la p 369.

[125] Ibid à la p 372.

[126] Tous les textes de la revue sont disponibles en ligne : <journaloflaw.us/5%20The%
20Post/The%20Post%20home.html>.

[127] 2014 CSC 44, [2014] 2 RCS 257.

[128] Voir Maxime St-Hilaire, « Nation Tsilhqot’in c. Colombie-Britannique : ce qu’il ne faut pas trop tarder à savoir. Partie 1 : introduction » (7 juillet 2014), Double Aspect (blogue), en ligne : <https://doubleaspectblog.wordpress.com/2014/07/07/nation-tsilhqotin-c-colombie-britannique-ce-quil-ne-faut-pas-trop-tarder-a-savoir-partie-1-introduction/>; Maxime St-Hilaire, « Nation Tsilhqot’in c. Colombie-Britannique : ce qu’il ne faut pas trop tarder à savoir. Partie 2 : le titre ancestral » (7 juillet 2014), Double Aspect (blogue), en ligne : <https://doubleaspectblog.wordpress.com/2014/ 07/07/nation-tsilhqotin-c-zcolombie-britannique-ce-quil-ne-faut-pas-trop-tarder-a-savoir-partie-2-le-titre-ancestral/>; Maxime St-Hilaire, « Nation Tsilhqot’in c. Colombie-Britannique : ce qu’il ne faut pas trop tarder à savoir. Partie 3 : la restriction des droits, l’honneur de la Couronne et ses obligations de fiduciaire et de consultation » (12 juillet 2014), Double Aspect (blogue), en ligne : <https://doubleaspectblog. wordpress.com/2014/07/12/nation-tsilhqotin-c-colombie-britannique-ce-quil-ne-faut-pas-trop-tarder-a-savoir-partie-3-la-restriction-des-droits-lhonneur-de-la-couronne-et-ses-obligations-de-fiduc/>; Maxime St-Hilaire, « Nation Tsilhqot’in c. Colombie-Britannique : ce qu’il ne faut pas trop tarder à savoir. Partie 4 : répartition fédérative des compétences et droits des peuples autochtones (sous-partie 1 de 2) » (15 juillet 2014), Double Aspect (blogue), en ligne : <https://doubleaspectblog.wordpress. com/2014/07/15/nation-tsilhqotin-c-colombie-britannique-ce-quil-ne-faut-pas-trop-tarder-a-savoir-partie-4-repartition-federative-des-competences-et-droits-des-peuples-autochtones-sous-partie-1/>; Maxime St-Hilaire, « Nation Tsilhqot’in c. Colombie-Britannique : ce qu’il ne faut pas trop tarder à savoir. Partie 4 : répartition fédérative des compétences et droits des peuples autochtones (sous-partie 2 de 2) » (23 juillet 2014), Double Aspect (blogue), en ligne : <https://doubleaspectblog.wordpress. com/2014/07/23/nation-tsilhqotin-c-colombie-britannique-ce-quil-ne-faut-pas-trop-tarder-a-savoir-partie-4-repartition-federative-des-competences-et-droits-des-peuples-autochtones-sous-partie-2/>.

[129] Voir Maxime St-Hilaire, « Nation Tsilhqot’in c Colombie-Britannique : bonne décision, mauvaises raisons » (2014) 44:2 RGD 445.

[130] L’exemple du JurisClasseur Québec — Contrats nommés I, est à cet égard édifiant. Certes, des billets de l’avocat et blogueur Karim Renno sont cités comme sources bibliographiques dans le Fascicule 2 consacré à la promesse d’achat et de vente. Mais Me Karim Renno est lui-même l’auteur du fascicule, lequel s’achève par une bibliographie où les billets de blogue peinent d’ailleurs à trouver leur place dans la section « articles de revue et d’ouvrages collectifs » (voir Karim Renno, Élizabeth Meloche et Annie Gallant, « Promesses de vente et d’achat » dans Jurisclasseur Québec : Contrats nommés I, feuilles mobiles (consultées le 9 juillet 2016), Montréal, LexisNexis Canada, fasc 2). Voir aussi Paul Daly, « Dunsmuir’s Flaws Exposed: Recent Decisions on Standard of Review » (2012) 58:2 RD McGill 483.

[131] Voir Ellen S Podgor, « Blogs and the Promotion and Tenure Letter » (2006) 84:5 Wash UL Rev 1109.

[132] Le fait est patent si l’on considère que le professeur Paul Daly, dont le blogue juridique a pu faire la fierté de la Faculté de droit de l’Université de Montréal, n’indique dans son curriculum vitae public l’existence de son blogue que de manière furtive. Aucun de ses billets ne trouve place dans les nombreuses publications dont il offre la liste et de son propre aveu son dossier de candidature pour obtenir sa permanence mettait l’accent sur ses publications traditionnelles. Il explique toutefois que les instances universitaires ont reconnu la valeur et l’importance de ses contributions électroniques (voir Paul Daly, « The Value of Academic Blogging » (23 février 2016), Administrative Law Matters (blogue), en ligne : <www.administrativelawmatters.com/blog/2016/02/23/the-value-of-academic-blogging>).

[133] Voir par ex Larry E Ribstein, « The Public Face of Scholarship » (2006) 84:5 Wash UL Rev 1201; Craig Forcese, « The Law Professor as Public Citizen : Measuring Public Engagement in Canadian Common Law Schools » (2015) 36 Windsor Rev Legal Soc Issues 66 ; Daly, « Legal Academia 2.0 », supra note 61. Voir aussi Podgor, supra note 131 aux pp 1110–11.

[134] À l’Université de Sherbrooke, le service à la collectivité comprend l’ensemble des activités externes de nature universitaire qui contribuent à la réputation de la professeure ou du professeur et au rayonnement de l’Université. La convention collective des professeurs de l’Université de Montréal parle quant à elle de rayonnement universitaire.

 

[135] Voir Lee F Peoples, « The Citation of Blogs in Judicial Opinions » (2010) 13 Tulane J Technology & Intellectual Property 39.

[136] Voir ibid aux pp 42–44.

[137] Ce que les juges confirment parfois en justifiant le recours aux blogues :

Blogs are a fairly recent phenomenon in the law, providing a useful forum for interchanges of ideas. While comments in blogs lack the editing and peer review characteristics of law journals, and probably should be considered judiciously, they may nevertheless be quite useful, especially as food for thought, and may be regarded as simply another kind of secondary authority, whose value simply turns on the rigor of the analysis in the underlying ideas they express (tel que cité dans Peoples, ibid à la p 51).

[138] C’est ce qui ressort notamment de l’analyse détaillée de l’influence du blogue Sentencing Law & Policy par Peoples, ibid aux pp 46–49.

[139] Voir ibid à la p 59.

[140] Voir J Robert Brown Jr, « Law Faculty Blogs and Disruptive Innovation » (2013) 1:3 J Legal Metrics 525 aux pp 532–36.

[141] Voir par ex Abougouche v Miller, 2015 ABQB 724 au para 22, 260 ACWS (3d) 599 (arrêt rendu le 16 novembre 2015 citant Jonnette W Hamilton, « Expensive Complex Appeals from Residential Tenancy Dispute Resolution Service Orders » (16 juillet 2015), Ablawg (blogue), en ligne : <ablawg.ca/2015/07/16/expensive-complex-appeals-from-residential-tenancy-dispute-resolution-service-orders/>); Cardinal v Amisk Housing Association, 2015 ABQB 503 au para 3, 256 ACWS (3d) 697 (arrêt rendu le 6 août 2015 citant le même billet de Hamilton datant du 16 juillet 2015); R v RB, 2014 MBQB 179 au para 30, [2015] 5 WWR 310 (arrêt du 3 septembre 2014 dans lequel le juge appuie son raisonnement sur le billet d’Alice Woolley, « Defining Prosecutorial Discretion (With an Invitation to the Court to Re-define Abuse of Process) » (20 juillet 2014), Ablawg (blogue), en ligne : <ablawg.ca/2014/06/20/defining-prosecutorial-discretion-with-an-invitation-to-the-court-to-re-define-abuse-of-process/>); Herbison v Canada (Attorney General), 2013 BCSC 2020 au para 61, 234 ACWS (3d) 524 (arrêt rendu le 7 novembre 2013, citant un billet de Jonnette W Hamilton et Alice Wooley, « What Has Meads v Meads Wrought? » (8 avril 2013), Ablawg (blogue), en ligne : <ablawg.ca/2013/04/08/ what-has-meads-v-meads-wrought/>).

[142] Bloom Lake, gpl (Arrangement relatif à), 2015 QCCA 1351 au para 35, n 13, 258 ACWS (3d) 658.

[143] Le blogue le moins fréquenté reçoit 100 visiteurs uniques par semaine.

[144] 4148819 Canada inc c Young, 2016 QCCS 2111 au para 32, n 8 (disponible sur CanLII), faisant référence à Karim Renno, À bon droit (blogue), en ligne : <www.abondroit.com/>.

[145] Giroux c Gauthier, 2016 QCCS 724 au para 29, n 10 (disponible sur CanLII).

[146] Voir Guglielmi et Koubi, supra note 78 à la p 84.

[147] Renvoi Mainville, supra note 100 au para 39.

[148] Voir Daly, « Legal Academia 2.0 », supra note 61 aux pp 48–49.

[149] « 2015 Clawbies: Canadian Law Blog Awards », Clawbies, en ligne : <www.clawbies.
ca/2015-clawbies-canadian-law-blog-awards/> [emphase dans l’original].

[150] Pour les juristes blogueurs interrogés par sondage, c’est effectivement l’un des principaux facteurs d’influence des blogues.

[151] Voir par ex Peoples, supra note 135 aux pp 44–45. Selon cet auteur, ce serait d’ailleurs moins le contenu des blogues qui feraient autorité que l’identité de l’auteur, puisqu’il constate que les blogues juridiques les plus cités sont ceux d’auteurs déjà bien connus (voir ibid à la p 52).

[152] Voir les réponses aux questions 9 et 11 dans « Foire aux questions », CanLII Connecte (blogue), en ligne : <canliiconnects.org/fr/aide#9> :

Le programme CanLII Connecte est déterminé à assurer la qualité supérieure de l’information qui est accessible à ses utilisateurs. Les candidatures d’inscription sont donc étudiées avec soin afin d’évaluer si un candidat possède les compétences nécessaires pour contribuer à l’élaboration de résumés et pour participer à des discussions juridiques relatives à la jurisprudence canadienne.

[153] À savoir ABlawg, Double Aspect et le blogue de Michael Geist (voir « 2015 Clawbies: Canadian Law Blog Awards », Clawbies, en ligne : <www.clawbies.ca/2015-clawbies-canadian-law-blog-awards/>).

[154] On rappellera que la récompense du meilleur blogue juridique canadien a été décernée en 2014 au blogue Double aspect dont la réputation a été acquise en vertu de la seule qualité des billets de son auteur Léonid Sirota.

[155] Voir généralement Brown, supra note 140 à la p 531.

[156] C’est ce qui résulte du sondage réalisé auprès des juristes blogueurs qui identifient notamment comme facteurs d’influence le fait que les blogues font « connaître ce qui est souvent inaccessible », la facilité d’accès, la concision du style ou encore la facilité d’usage des blogues.

[157] Seulement quatre blogues sont répertoriés comme signets juridiques proposés dans la rubrique Jurisbistro. Fait remarquable, ces blogues prennent place dans la catégorie Doctrine (voir « Signets juridiques », CAIJ, en ligne : <www.caij.qc.ca/juribistro/signets-juridiques#>).

[158] Voir Orin S Kerr, « Blogs and the Legal Academy » (2006) 84:5 Wash UL Rev 1127 aux pp 1129–30 (évoquant la « tyrannie » de l’ordre antéchronologique et estime qu’en focalisant sur la nouveauté plutôt que sur le meilleur du contenu, les blogues ne sont guère appropriés pour promouvoir les idées des auteurs).

[159] C’est ce que propose Ablawg, le blogue de la Faculté de droit de l’Université de Calgary, et cette pratique gagnerait selon nous à se généraliser.

[160] Voir Caroline Young, « Oh My Blawg! Who Will Save the Legal Blogs? » (2013) 105:4 Law Libr J 493.

[161] En effet, les vertus du blogging juridique que cette étude a tenté de cerner ne doivent pas masquer les risques de dérives, toujours possibles, auxquels cette pratique peut exposer. L’expérience des blogosphères juridiques étrangères et les réflexions qu’elle a suscitées pourront alors servir d’exemples et de garde-fous.

[162] Pour prendre connaissance de ce projet, qui vient tout juste d’être lancé, voir Juris Blogging (blogue), en ligne : <www.juris-blogging.com>.

[163] Depuis 2005, ce site se donne pour mission de répertorier les blogues juridiques. Pour ce faire, il en dresse la liste, les classe par catégories et récompense chaque année les meilleurs blogues. Plusieurs critères permettent de découvrir la blogosphère canadienne : domaines du droit, catégories (histoire du droit, facultés et professeurs de droit, étudiants, blogs en français, recherche juridique et bibliothèque etc.), ou encore par province (voir Lawblogs.ca, en ligne : <www.lawblogs.ca/>).

[164] Il s’agit d’une technique très efficace pour découvrir des blogues aux thèmes connexes. Traduit en français par le terme « blogoliste », le Grand dictionnaire terminologique, le définit techniquement comme une « liste de liens hypertextes vers d’autres blogues, fréquentés et recommandés par l’auteur, qui est présentée en colonne, sous forme de menu latéral, dans la page d’accueil d’un blogue » (Office québécois de la langue française, Grand dictionnaire terminologique, sub verbo « blogoliste »).

[165] Voir ForceRouge, en ligne : <http://openum.ca/forcerouge/>.