Volume 30:3

L’obligation déontologique des juges face aux victimes d’agression sexuelle

Le comportement des acteurs et des actrices du système de justice criminel qui s’inscrivent dans le mythe de la bonne victime participent à miner la confiance des victimes d’agression sexuelle envers ce système. Bien que les groupes féministes canadiens ont, au cours des dernières décennies, provoqué l’avancée spectaculaire du droit criminel en déconstruisant les principaux pans du mythe de la bonne victime qui teintent l’articulation du droit criminel, des cas médiatisés ont frappé l’imaginaire, provoquant un certain découragement. Parmi eux, on compte notamment les questions du juge Robin Camp lors de l’interrogatoire d’une victime : « why didn’t you keep your knees together if you didn’t want him to penetrate you? ». Voilà qui a eu pour effet de mettre le projecteur sur une frange de la magistrature qui entretient toujours le mythe de la bonne victime.

 

Dans ce texte, je soutiendrai qu’un ou une juge commet une faute déontologique lorsqu’il ou elle tient un commentaire (1) prompt à entretenir le mythe de la bonne victime, (2) qui participe d’un des quatre stéréotypes afférents condamnés en droit et (3) qui n’est pas justifié par la pertinence et la nécessité.

 

L’article se divise en trois parties. J’étale d’abord brièvement les stéréotypes visés par ma proposition. Celle-ci se limite aux quatre stéréotypes fondant le mythe de la bonne victime qui ont été condamné en droit, qui constitueraient une erreur de droit s’ils fondaient un raisonnement juridique. Ensuite, j’aborde les fondements juridiques de l’obligation déontologique de ne pas entretenir ces stéréotypes. Ceci permet également de dessiner deux limites à cette obligation. Le commentaire n’est fautif que s’il entretient un stéréotype condamné en droit et que s’il n’est pas pertinent et nécessaire au raisonnement juridique. Enfin, j’illustrerai ma proposition en révisant le jugement du juge William B. Horkins dans R. v. Ghomeshi.

Table of Contents

Les pans du mythe de la bonne victime visés par l’obligation 2 La vie sexuelle active de la victime 3 La doctrine de la plainte spontanée 4 L’absence de résistance 4 La thérapie 5 Les fondements de l’obligation déontologique 6 L’obligation d’impartialité : le manquement à la confiance du public 6 L’obligation de compétence : la borne des stéréotypes condamnés en droit 10 L’indépendance judiciaire : la borne de la pertinence et de la nécessité 12 Un début de reconnaissance : le cas du juge Robin Camp 15 Le jugement R. v. Ghomeshi 18 Conclusion 21

Les commentaires du juge Robin Camp ont eu l’effet d’un électrochoc sur la société canadienne. Symptôme caricatural de la mécompréhension de la réalité des victimes d’agression sexuelle, la remarque « why didn’t you keep your knees together if you didn’t want him to penetrate you? »“> In the matter of Section 65 of the Judges Act, R.S., 1985, c. J-1, and of the Inquiry Committee convened by the Canadian Judicial Council to review the conduct of the Honourable Robin Camp of the Federal Court: Report of the Canadian Judicial Council to the Minister of Justice, 8 mars 2017. “>3×3.

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In the matter of Section 65 of the Judges Act, R.S., 1985, c. J-1, and of the Inquiry Committee convened by the Canadian Judicial Council to review the conduct of the Honourable Robin Camp of the Federal Court: Report of the Canadian Judicial Council to the Minister of Justice, 8 mars 2017. Si l’individu est maintenant retiré de la magistrature et ses dégâts colmatés, il n’aura pourtant été que la pointe de l’iceberg : les acteurs et les actrices du système judiciaire entretiennent encore des stéréotypes sur le comportement des victimes d’agression sexuelle qui sous-tendent le mythe de la bonne victime. Ce dur constat s’inscrit dans un contexte où 90 % des agressions sexuelles ne sont pas dénoncées à la police, notamment en raison du manque de confiance des victimes envers le système de justice criminelle4×4.

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Gouvernement du Québec, « Agression sexuelle : Des chiffres qui parlent », en ligne : Santé et Services Sociaux Québec, <www.msss.gouv.qc.ca/sujets/prob_sociaux/agression_sexuelle/index.php?des-chiffres-qui-parlent>. . L’agression sexuelle demeure un des crimes les moins punis au Canada5×5.

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Le taux de victimisation demeure stable alors qu’il diminue pour tous les autres crimes, voir Samuel Perreault, La victimisation criminelle au Canada, 2014, Centre canadien de la statistique juridique, Ottawa, 2015, p. 5-6, 11-12. .

 

Pour répondre à ce problème, des politiciennes et politiciens s’affairent à élaborer des solutions aux problèmes de fond en souhaitant mettre à niveau la formation des juges et en augmentant leur imputabilité6×6.

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Le Projet de loi C-337 prévoit que seules les personnes ayant suivi un cours de perfectionnement sur le droit relatif aux agressions sexuelles peuvent être nommées juges, que des colloques de perfectionnement sur le droit et le contexte social relatifs aux agressions sexuelles soient organisés pour les juges, que les décisions judiciaires sur le fonds soient motivées au procès-verbal ou par écrit lorsqu’il s’agit d’un ou une juge seul. Projet de loi C-337, Loi modifiant la Loi sur les juges et le Code criminel (agression sexuelle), Première session, quarante-deuxième législature, 64-65-66 Elizabeth II, 2015-2016-2017. , ou encore en réaffirmant la norme de consentement et en prévoyant des protections supplémentaires au processus judiciaire contre toute preuve entretenant le mythe de la bonne victime7×7.

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Le Projet de loi C-51 prévoit des modifications au Code criminel clarifiant qu’une personne inconsciente est incapable de donner son consentement et que l’omission de résister ou de protester ne constitue pas un signe de consentement. Il prévoit également des protections contre le mythe de la bonne victime, notamment en incluant les communications d’ordre sexuel et les communications à des fins sexuelles comme étant des preuves relatives au comportement sexuel antérieur qui sont inadmissibles pour soutenir qu’une victime était plus susceptible d’avoir consenti à l’activité sexuelle ou qu’elle est moins digne de foi. Projet de loi C-51, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur le ministère de la Justice et apportant des modifications corrélatives à une autre loi, Première session, quarante-deuxième législature, 64-65-66 Elizabeth II, 2015-2016-2017. . Pour ma part, je propose de nous attarder à la forme du traitement des victimes d’agression sexuelle. En parallèle des déboires du juge Camp, le jugement dans R. v. Gomeshi illustre bien que la justesse juridique du fond n’est pas garante de la forme. Bien que, de l’aveu même de la Couronne, le juge du procès, William B. Horkins, n’ait pas commis d’erreur de droit8×8.

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Stephanie Marin, « Acquittement de Jian Ghomeshi : la Couronne ne va pas en appel », La Presse (25 avril 2016), en ligne : <www.lapresse.ca/actualites/justice-et-affaires-criminelles/proces/201604/25/01-4974776-acquittement-de-jian-ghomeshi-la-couronne-ne-va-pas-en-appel.php>. , il s’exprime, lorsque vient le temps d’évaluer la crédibilité des victimes, de manière dure, froide et, surtout, humiliante. Non en reste de souligner les contradictions dans le témoignage des victimes, il prend soin de relever certains comportements qui défient ce que l’on s’attendrait de la bonne victime. Par exemple, le juge décrit des photos sexuellement explicites que des victimes ont envoyées à Ghomeshi dans les mois après l’agression, l’une portant « a red string bikini »9×9.

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R. v. Ghomeshi, 2016 ONCJ 155, paragr. 39 [R. v. Ghomeshi]. , l’autre « with the neck of a beer bottle in her mouth simulating an act of fellatio »10×10.

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R. v. Ghomeshi, 2016 ONCJ 155, paragr. 83. . Ces commentaires relatifs à la vie sexuelle de ces victimes, commentaires en soit humiliant puisque dans ce contexte ils semblent participer du salopage (slut-shaming), remplissent-ils une utilité dans ce jugement? Faut-il inférer de ces comportements une propension à consentir à un acte sexuel? Même si cette inférence n’est pas explicitée dans le jugement de première instance, ces commentaires créent une ambiance incitant la lectrice ou le lecteur à tirer ses propres conclusions, à tout le moins cette invitation a été sentie dans la presse canadienne11×11.

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Voir, par exemple, Margaret Wente, « The Ghomeshi trial turns into a fiasco », The Globe and Mail, 8 février 2016, en ligne : <https://www.theglobeandmail.com/opinion/the-ghomeshi-trial-turns-into-a-fiasco/article28659769>; Maxime Deland, « Accusé d’agressions sexuelles: Jian Ghomeshi est acquitté », Journal de Montréal, 23 mars 2016, en ligne : <http://www.journaldemontreal.com/2016/03/23/proces-de-jian-ghomeshi-lheure-est-au-verdict>.  . Même s’il fallait croire que l’histoire de ces victimes ait été inventée de toute pièce, ces commentaires inutiles en droit menacent l’apparence d’impartialité que les juges se doivent de maintenir puisqu’ils participent à des stéréotypes condamnés en droit et reconnu comme une menace au processus judiciaire de recherche de la vérité.

 

Dans ce texte, je soutiendrai que les juges ont une obligation déontologique de ne pas mettre en relief des comportements prompts à entretenir le mythe de la bonne victime si la mention de ces comportements n’est pas pertinente et nécessaire au raisonnement juridique. L’article se divise en trois parties. (1) J’étale d’abord brièvement les stéréotypes visés par ma proposition. Celle-ci se limite aux quatre stéréotypes fondant le mythe de la bonne victime, qui ont été condamnés en droit et qui constitueraient une erreur de droit s’ils fondaient un raisonnement juridique. (2) Ensuite, j’aborde les fondements juridiques de l’obligation déontologique de ne pas entretenir ces stéréotypes. Ceci permet également de dessiner deux limites à cette obligation. Le commentaire n’est fautif que s’il entretient un stéréotype condamné en droit et que s’il n’est pas pertinent et nécessaire au raisonnement juridique. (3) Enfin, j’illustre ma proposition en révisant le jugement du juge Horkins dans R. v. Ghomeshi.

 

Les pans du mythe de la bonne victime visés par l’obligation

 

Au cours des dernières décennies, les groupes féministes ont provoqué l’avancée spectaculaire du droit criminel canadien, déconstruisant les principaux pans du mythe de la bonne victime qui teintent l’articulation du droit criminel. Ce dernier est maintenant équipé d’outils empêchant essentiellement que quatre stéréotypes soient soulevés12×12.

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Pour plus de mythes dénoncés par les tribunaux canadiens, voir R. c. Seaboyer; R. c. Gayme, [1991] 2 RCS 577, 1991 CanLII 76 (CSC), p. 651-665 [la juge L’Heureux-Dubé écrivant pour la dissidence mais non contredite sur ce point] [R. c. Seaboyer].  : (1) une femme sexuellement active est plus encline à consentir et moins crédible; (2) une femme qui ne dénonce pas son agresseur immédiatement après l’agression est peu crédible; (3) une femme qui ne résiste pas à l’agression y avait sûrement consenti; et (4) une femme en thérapie est plus susceptible de mentir. Un raisonnement juridique fondé sur un de ces stéréotypes serait erroné en droit.

 

J’estime que les juges doivent tenir compte de l’existence de ces stéréotypes et du tort qu’ils peuvent poser à l’apparence d’impartialité de la magistrature. Lorsqu’ils fondent un raisonnement juridique, ils constituent une erreur de droit; lorsqu’ils transparaissent de la conduite d’un juge, ils donnent l’impression que celui-ci adhère à une vision mythifiée de comment devrait se conduire une victime d’agression sexuelle. Ainsi, évaluer la crédibilité d’une victime, par exemple, au travers du prisme du mythe de la bonne victime défie le principe d’impartialité que doivent suivre les membres de la magistrature. Si le commentaire participant d’un stéréotype ne pourrait qu’être afférent au raisonnement juridique de telle sorte qu’il ne le vicie pas, il faut constater que la menace à l’apparence d’impartialité demeure bien réelle. J’explique plus en détail, dans la section suivante, en quoi cette conduite ébranle la confiance du public au point où cela constitue une faute déontologique. Avant de passer à cette étape, il y a lieu de bien saisir le détail de ces quatre stéréotypes.

La vie sexuelle active de la victime. Une erreur de droit survient lorsque la vie sexuelle d’une victime est soulevée afin de mettre en doute sa crédibilité ou d’expliquer qu’elle est plus susceptible de consentir à une relation sexuelle. L’article 276 (1) du Code criminel prévoit que toute preuve visant à soutenir que la victime est plus susceptible d’avoir consenti ou qu’elle est moins digne de foi, donc toute preuve soutenant ce stéréotype, est inadmissible*×*.this is a test. Ce type de preuve est considéré comme spéculatif, trompeur, hautement préjudiciable et susceptible d’introduire un biais ou un préjugé dans la réflexion du ou de la juge des faits, que ce soit un juge seul ou une juge seule, ou un jury[3]. La preuve quant à l’historique sexuel de la victime est admissible que lorsqu’elle porte sur des cas particuliers, qu’elle est en rapport avec la cause et que le risque d’un effet préjudiciable à la bonne administration de la justice ne l’emporte pas sur sa valeur probante[4]. En évaluant le préjudice potentiel à la bonne administration de la justice, le ou la juge doit, entre autres, tenir compte de l’intérêt de la société à encourager les dénonciations d’agressions sexuelles[5]. L’article 276 permet donc d’exclure la preuve non pertinente, tout comme celle qui est pertinente mais dont la production causerait un préjudice surpassant sa valeur probante[6]. Notons d’ailleurs que, dans la plus récente mouture du Projet de loi C-51, la Chambre des communes propose de soumettre à cette évaluation « toute communication à des fins d’ordre sexuel ou dont le contenu est de nature sexuelle »[7]. En somme, j’estime que l’on peut s’attendre à ce que le ou la juge discute de la vie sexuelle des victimes uniquement lorsque cela est pertinent et nécessaire.

 

La doctrine de la plainte spontanée. Une erreur de droit survient lorsque l’on doute de la véracité d’une dénonciation uniquement parce qu’elle n’a pas lieu directement après l’agression sexuelle. Il existait anciennement une présomption de fait selon laquelle la « tardiveté » d’une dénonciation était interprétée comme une contradiction implicite du témoignage de la victime au procès. Cette présomption, issue du moyen âge[8], désignée sous le nom de la « doctrine de la plainte spontanée », a fait partie du droit canadien[9] jusqu’à son abolition en 1985 par l’entrée en vigueur de l’article 275 du Code criminel[10]. Cette présomption était insensible aux différents éléments dissuadant les victimes à porter plainte, notamment les réalités institutionnelles et sociales qui culpabilisent ou humilient ces victimes, ainsi que le cycle de la violence piégeant certaines d’entre elles[11]. Un jugement tirant une inférence négative de la « tardiveté » d’une dénonciation est donc entaché d’une erreur de droit qui en permet l’annulation[12]. J’estime donc, encore une fois, que l’on peut s’attendre à ce qu’un ou une juge ne mentionne pas le moment de la dénonciation d’une agression sexuelle dans son analyse juridique.