Rééquilibrer le rôle de la Cour suprême du Canada en procédure criminelle
Durant les deux dernières décennies, la Cour suprême du Canada a créé et a autorisé de nouveaux pouvoirs policiers qui sont exercés de façon routinière. Les pouvoirs d’intercepter des conducteurs au hasard, de détenir des individus pour fin d’enquête et d’effectuer des fouilles par palpation préventive en sont des exemples. La Cour a affirmé que les juges ont la compétence de recourir à la « doctrine des pouvoirs policiers accessoires » pour combler des vides législatifs dans le domaine de la procédure criminelle.
La création judiciaire des pouvoirs policiers est problématique, et cela, à plusieurs égards. La doctrine des pouvoirs policiers accessoires contrevient à la séparation des pouvoirs et mine la primauté du droit. L’exercice des pouvoirs policiers accessoires engendre également du profilage racial et social et de la discrimination. Malgré l’élargissement des pouvoirs policiers, les tribunaux n’ont pas élargi de façon concurrente la portée des recours civils qui visent à contrer l’inconduite policière. Comment rééquilibrer le rôle de la Cour suprême de manière à favoriser la séparation des pouvoirs, à promouvoir la primauté du droit et à mieux protéger les droits et libertés fondamentaux?
Cet article démontre comment la doctrine des pouvoirs policiers accessoires a transformé le rôle de la Cour suprême en matière de procédure criminelle, notamment, de protecteur des droits fondamentaux à créateur de pouvoirs policiers qui portent atteinte à ces droits. L’article explique comment la Cour suprême pourrait rééquilibrer le rôle des trois branches du gouvernement en procédure criminelle et réorienter les tribunaux vers leur fonction primordiale de protecteurs des droits fondamentaux dans ce domaine du droit. La dernière partie de l’article propose quatre solutions pour atteindre ces objectifs de manière à mieux respecter la séparation des pouvoirs, la primauté de droit et les droits et libertés.
During the last two decades, the Supreme Court of Canada created and authorized new police powers that are exercised routinely. For example, the Court authorized police officers to stop motor vehicles at random, detain individuals for investigative purposes, and carry out preventive frisk searches on people. The Court stated that judges can use the “ancillary powers doctrine” to create new police powers that fill legislative gaps.
The judicial creation of police powers is problematic in several respects. The ancillary powers doctrine is inconsistent with the separation of powers and undermines the rule of law. The exercise of ancillary powers results in racial and social profiling as well as discrimination. Although the judiciary broadened the scope of ancillary police powers, judges did not concurrently expand the scope of civil remedies related to police misconduct. How should the Supreme Court redefine its role within criminal procedure to better safeguard the separation of powers, promote the rule of law, and protect individuals’ fundamental rights and freedoms?
This article demonstrates how the ancillary powers doctrine transformed the Supreme Court’s role within criminal procedure. The Court has shifted away from its core function as guardian of fundamental rights and instead creates police powers that undermine these rights. The article explains how the Supreme Court could rebalance the three branches of government’s respective roles within criminal procedure and redirect judges towards their primary function: protecting fundamental rights. The last part of the article offers four solutions to fulfil these objectives, and ultimately, better respect the separation of power, the rule of law, and individuals’ fundamental rights and freedoms.
* Professeur adjoint, Université d’Ottawa, Faculté de droit civil. Je tiens à remercier Anna Maria Konewka, Edward Béchard-Torres, Mariève Lacroix, Nayla El Zir, Nicolas Tremblay et Olga Abimana pour leurs commentaires sur des ébauches précédentes de cet article. Je remercie également Heeba Ghouri, Nickolas Eburne, Gaëlla Kazanamahoro et Olga Abimana pour leur assistance en matière de recherche, ainsi que la Fondation Juge Raoul Barbe et Yolande Larose pour leur généreux soutien financier en lien avec la Bourse Barbe-Larose. En dernier lieu, je tiens à remercier l’équipe éditorial de la Revue de droit de McGill pour leur excellent travail. Leurs commentaires et suggestions ont grandement amélioré la substance de mes arguments, la cohésion du texte et la qualité du français. Le genre masculin a été utilisé par souci de concision.