[A]u cœur de la tombe, au seuil de l’abîme, au dernier instant de leur vie, au lieu de se lamenter, au lieu de pleurer sur leurs jeunes vies perdues — des êtres humains font entendre un chant![1]
Prologue
À la tombée finale du rideau sur la scène, le défunt se meut dans un théâtre hanté par des ombres[2]. La tirade de Théramène dans Phèdre est éloquente : « [l]e ciel, dit-il, m’arrache une innocente vie. Prends soin après ma mort de la triste Aricie. Cher ami, si mon père un jour désabusé plaint le malheur d’un fils faussement accusé, pour apaiser mon sang et mon ombre plaintive, dis-lui qu’avec douceur il traite sa captive; qu’il lui rende… »[3].
La scène de théâtre est un mausolée; les textes dramatiques sont la voix des morts qui se dissolvent dans une temporalité indéfinie. Au théâtre, les morts, sous l’apparence de l’invisible et de l’immatériel, peuvent exprimer leurs volontés posthumes. Ils se manifestent le plus souvent dans les textes dramatiques à travers une esthétique de la dissipation, de la blancheur, de la dématérialisation. Les fantômes prennent la parole. La mort est un événement qui supprime le corps et qui ne fait subsister de l’individu que sa voix ou sa silhouette.
Mais le théâtre se dégage parfois de l’ancienne voie. Les fantômes trouvent porte close. Leur chemin est entravé par un mur de cadavres. S’ils veulent passer à la scène ils doivent prendre corps. Certaines voix fantomatiques persistent, mais les cadavres parlants envahissent les textes théâtraux. L’incarnation des morts au théâtre tend à la réappropriation de la mort. Le théâtre, en plaçant les corps morts face aux yeux des spectateurs, permet de considérer le cadavre d’une manière novatrice et d’imposer la distance nécessaire pour son étude. Le juriste peut s’en inspirer, certes.
On sait que dans la culture occidentale, le concept de personnalité lie, durant la vie de la personne — en son sens étymologique persona qui révèle le « masque de théâtre »[4] — le corps et l’esprit[5]. La mort emporte leur dissociation. Pourtant, précisément parce qu’il a été le support de l’esprit, le corps conserve son empreinte après la mort.
Une étude juridique relève nécessairement de la gageure parce que le droit qui protège l’Homme depuis sa naissance et jusqu’à sa mort, ne l’abandonne pas au moment où il cesse de vivre. D’ailleurs, la multiplicité des travaux consacrés à la matière atteste cette réalité[6]. À l’heure où la pulsion de mort habite de nombreux débats juridiques contemporains[7], le questionnement sur la dépouille mortelle semble pouvoir être revisité. Ainsi, expurgé du champ traditionnel des croyances et de la religion, le « culte des morts »[8] peut faire l’objet d’une réflexion juridique axée sur les valeurs morales représentées par le cadavre plutôt que la matière anatomique dont il se compose, laquelle possède sans conteste une valeur qui transcende la vie et la mort.
Dans la perspective d’amorcer cette réflexion, un survol en droit comparé paraît opportun puisque les droits québécois et français semblent promouvoir, à juste titre, le respect de la dépouille mortelle[9]. En effet, plusieurs mouvements se conjuguent au profit de la survie d’une protection juridique du cadavre. Au Québec, il n’est qu’à penser au Projet de loi 66 sur les activités funéraires, sanctionné en février 2016[10] et, en France, à l’entrée en vigueur en 2008 de l’article 16-1-1 du Code civil qui impose le respect du corps après la mort.
Inextricablement liés à la prévalence de la dignité humaine en droit contemporain, en France[11] et au Québec[12], ces mouvements révèlent qu’elle comporte une dimension normative qui se prête à l’analyse, si l’on fait amende honorable de renoncer à toute forme d’objectivité épistémologique, et après avoir accepté — dans le sillage tracé par le doyen Jean Carbonnier — « de pivoter sur des nuages »[13]. Sans pour autant postuler une signification de ce concept, car y prétendre relèverait de la témérité intellectuelle, voire d’un aveuglement méthodologique volontaire destiné à occulter sa polysémie inhérente, il est possible de relever deux acceptions de la dignité. C’est dans son sens ontologique, comme caractéristique inhérente à l’être humain, du seul fait de son appartenance à l’humanité, que nous envisageons la notion[14]. Nous évacuons ainsi la dignité dans son sens subjectif, comme droit fondamental de la personne[15]. En la matière, « le principe de dignité de l’humain viendrait en relais du principe de dignité de la personne » [notes omises][16]; la dignité humaine constituant « le fondement premier des civilisations humaines et dont le droit n’est, ne l’oublions pas, que l’humble serviteur »[17]. Parce que le cadavre est digne de respect, il commande une protection. Tel est le véritable défi, selon Générosa Bras Miranda, c’est-à-dire de « protéger la dignité humaine, en reconnaissant que certaines prérogatives de la personnalité perdurent au-delà de la vie et qu’en tant que telles, elles méritent une protection spécifique et objective »[18].
L’étude proposée, dont l’ambition se mesure à l’aune de sa forme et ne peut prétendre qu’à poser quelques jalons de réflexion, emprunte librement la structure d’un essai théâtral. À la détermination du moment de la mort (acte I) s’enchaîne la clarification du statut juridique du cadavre[19] (acte II). L’affermissement du statut juridique du cadavre au Québec et en France suggère alors une extension de la temporalité traditionnelle des droits attachés au cadavre. Embrassant la notion d’éternité, nos droits ajoutent au temps connu de la mémoire où le cadavre est protégé par ses proches (acte III), un temps nouveau de l’oubli où le cadavre est protégé par la collectivité (acte IV). Le dénouement ultime de ces actes, empruntant à ces deux temps circonscrits de la mémoire et de l’oubli, s’avère alors inévitable (acte V).
Sur la prémisse de cet axe temporel, nous écartons la souveraineté posthume du défunt par rapport au prélèvement de ses organes, à ses funérailles et au mode de disposition de son corps, laquelle participe essentiellement de considérations successorales[20]. Par voie de conséquence, nous évinçons l’examen des recours possibles de la part des proches lorsque les volontés exprimées par le défunt ne sont pas respectées ou en l’absence de volontés formulées, le cas échéant. Bien qu’il s’agisse d’un champ de réflexion fécond[21], nous sommes d’avis que cela renvoie en quelque sorte au prolongement de la personne[22]. Or, c’est justement le cadavre, purgé de tout vestige de sa personnalité, qui irrigue nos observations liminaires.
Acte I — La mort
« Et in hora mortis nostrae »[23]. Puisque le cadavre n’apparaît en droit que lorsque survient la mort, une réflexion juridique sur le sujet conduit nécessairement à sonder, de manière liminaire, les critères de détermination de l’instant de la mort[24]. Or, on sait que, vivifiée par les progrès des sciences et des techniques, la quête d’immortalité de l’Homme le conduit sans cesse à tenter de repousser les frontières de la vie[25]. Aujourd’hui, le moment de la mort s’avère plus incertain que jamais[26], de sorte qu’il semble présomptueux pour le juriste de prononcer la mort, car elle est en réalité un simple fait pour lui[27]. Par conséquent, en France et au Québec, le droit délègue à la médecine le pouvoir d’affirmer sa survenance; il se contente ainsi d’en prendre acte. Tel que l’énonce Jean-Louis Baudouin, en cette matière, « [l]a frontière entre la médecine et le droit semble donc clairement définie. La science médicale dit, la science juridique constate et déduit des faits constatés les conséquences juridiques qui s’imposent » [emphase dans l’original][28]. Pour autant, le degré de déférence de nos droits à l’égard des prescriptions du corps médical diffère. En France, si un substrat législatif s’impose aujourd’hui à lui, au Québec, il conserve une certaine prééminence.
On ne peut occulter qu’en France, pendant longtemps, la nécessité d’une définition juridique de la mort n’est pas apparue puisque la mort était conçue de manière « réalis[t]e et rationnelle »[29]. C’est avec la décision rendue par le Conseil d’État dans l’affaire Milhaud[30] en 1993 qu’a été esquissée, pour la première fois, une appréhension juridique de la mort. Dans cette affaire, s’agissant d’apprécier la régularité d’une sanction prononcée à l’encontre d’un médecin ayant pratiqué des expérimentations sur une personne en état de mort cérébrale, le juge administratif impose que la mort soit constatée selon les conditions prévues aux dispositions des articles 20 à 22 du décret du 31 mars 1978[31]. Or, ce texte, depuis abrogé[32], prévoyait notamment en son article 21 ceci :
Le constat est fondé sur des preuves concordantes cliniques et paracliniques permettant aux praticiens de conclure à la mort du sujet.
Les procédés utilisés à cette fin doivent être reconnus valables par le ministre chargé de la santé après consultation de l’académie nationale de médecine et du conseil national de l’Ordre des médecins.
Les médecins établissent un procès-verbal précisant les procédés utilisés, les résultats obtenus, la date et l’heure de leurs constatations.[33]
Marqueur évident d’une alliance du droit et de la médecine, cet arrêt a accompagné l’essor d’une définition de la mort[34]. Par la suite, le droit français a choisi de retenir une « définition cérébrale »[35] de la mort. À ce titre, selon la disposition contenue à l’article R. 1232-1 du Code de la santé publique français :
Si la personne présente un arrêt cardiaque et respiratoire persistant, le constat de la mort ne peut être établi que si les trois critères cliniques suivants sont simultanément présents :
1o Absence totale de conscience et d’activité motrice spontanée;
2o Abolition de tous les réflexes du tronc cérébral;
3o Absence totale de ventilation spontanée.
Et l’article R. 1232-2 du Code de la santé publique ajoute ce qui suit :
Si la personne, dont le décès est constaté cliniquement, est assistée par ventilation mécanique et conserve une fonction hémodynamique, l’absence de ventilation spontanée est vérifiée par une épreuve d’hypercapnie.
De plus, en complément des trois critères cliniques mentionnés à l’article R. 1232-1, il est recouru pour attester du caractère irréversible de la destruction encéphalique :
1o Soit à deux électroencéphalogrammes nuls et aréactifs effectués à un intervalle minimal de quatre heures, réalisés avec amplification maximale sur une durée d’enregistrement de trente minutes et dont le résultat est immédiatement consigné par le médecin qui en fait l’interprétation;
2o Soit à une angiographie objectivant l’arrêt de la circulation encéphalique et dont le résultat est immédiatement consigné par le radiologue qui en fait l’interprétation.
Évidemment, une telle définition n’a pas pour effet d’épuiser les incertitudes qui entourent la détermination de l’instant fatal en droit français, puisque « [l]a mort est un phénomène progressif et non instantané »[36], mais elle offre des balises opportunes au corps médical[37]. Ce n’est que lorsque la médecine a rendu le funeste verdict que le droit reprend son empire afin que soit portée à la connaissance de l’État la fin de la vie de l’individu[38]. Certes, la déclaration de décès à l’officier de l’état civil peut avoir lieu avant la remise d’un certificat médical le constatant[39], mais l’inhumation ne peut être autorisée qu’au vu de ce dernier[40] apportant alors le témoignage ultime de l’emprise de la médecine en la matière.
Contrairement au droit français, le droit québécois ne peut s’appuyer sur un fondement législatif afin de définir le concept de mort naturelle[41]. Le législateur québécois défère compétence à la science médicale[42] qui précise les paramètres de détermination de la mort[43]. La fixation du moment de la mort garde ainsi « sa coloration de question de fait »[44]. Le droit civil québécois se confine à « constater le passage de l’être humain sur terre »[45] et à enregistrer la naissance et la mort au sein des registres de l’état civil[46]. La médecine contemporaine détermine, pour sa part, ces moments. Chacun est appelé à jouer son rôle : « l’un de frein, l’autre d’accélérateur. La poussée de la médecine lui a assuré un mieux vivre; la retenue du droit lui a conservé son auréole »[47].
D’ailleurs, dans l’affaire Leclerc (Succession de) c. Turmel[48], l’un des rarissimes cas qui se prononce sur la question de la définition de la mort au Québec, le juge Martin Bureau précise que « [l]a mort n’est pas un processus évolutif mais plutôt un élément factuel qui se produit à un moment donné »[49]. À cet égard, le droit québécois se distingue du droit des provinces canadiennes du Manitoba, laquelle édicte une définition générale de la mort[50], et de la Nouvelle-Écosse, qui propose une définition ad hoc pour l’application de dispositions relatives aux dons d’organes et de tissus[51].
Trois étapes peuvent prévaloir dans le processus de la mort : la mort clinique correspondant à « [l’]arrêt des fonctions cardiaque et respiratoire », la mort biologique par la « cessation fonctionnelle » et irréversible de « récupération des organes vitaux » et la mort cellulaire, soit la « désintégration et dégénérescence des cellules du corps »[52]. À l’heure actuelle, l’établissement de la mort correspond à la détermination physique liée à la perte irréversible des fonctions cérébrales de la personne[53]. Celle-ci peut être observée par l’absence prolongée des fonctions respiratoire et cardiaque spontanées. Dans le cas spécifique de la personne maintenue artificiellement en vie, la détermination se fait plutôt par la constatation de l’irréversibilité de toutes les fonctions du cerveau, incluant le tronc cérébral, par des moyens cliniques reconnus[54].
Une affirmation catégorique de cet énoncé et une définition uniforme de la mort cérébrale sont néanmoins périlleuses dans leur application : en raison des techniques de réanimation et de survie artificiellement prolongée, ainsi que de la transplantation d’organes prélevés sur le cadavre, la mort n’est plus considérée comme un phénomène naturel, mais artificiel, car tributaire des technosciences.
Lorsqu’elle est actée, sur le plan strictement juridique, l’effet le plus important de la mort demeure en théorie l’évanouissement de la personnalité juridique et des droits qui y sont associés[55]. La personne humaine[56] semble néanmoins encore susceptible de produire des effets persistants, par un effet en quelque sorte « irradiant »[57]. Peut-être parce que la mort représente ce « passage de l’être au ne plus être, ce qui implique que l’on ait été » [italiques dans l’original][58]. Pour autant, peut-on postuler que le cadavre possède une « quasi personnalité »[59], ou encore l’assimiler à un « fantôme »[60], une « personne résiduelle »[61] ou une « demi-personne juridique »[62]? Est-ce un simple objet de droit? D’un sujet à l’intégrité, mutation vers un objet de respect[63]? Le statut juridique du cadavre nécessite une clarification.
Acte II — Le mort
« Les morts ne sont plus des personnes; ils ne sont plus rien »[64]. Chacun a en mémoire l’effroyable constat dressé par Marcel Planiol dans les premières éditions de son Traité élémentaire de droit civil. Sûrement parce qu’il s’agissait d’une vérité aux résonances trop douloureuses, le droit, jusqu’à récemment, n’y faisait que rarement et indirectement écho[65]. Le cadavre — corps du défunt — était en réalité largement ignoré par le droit.
Aujourd’hui, il faut constater que la dépouille mortelle repose en terrain instable, car elle demeure difficile à appréhender juridiquement[66]. Le cadavre met en présence des attitudes et des conceptions radicalement opposées qui bouleversent sans conteste un traitement unitaire de la matière. Imparfait quant aux attributs de sujet et d’objet de droit, le statut juridique du cadavre compose avec des éléments empruntés à la fois à la catégorie des choses et des personnes.
Ainsi, c’est en se fondant sur l’héritage du droit romain qui posait une distinction fondamentale de l’être et de l’avoir, et qui sert aujourd’hui encore de trame à la construction du Code civil du Québec et du Code civil français, que le partage du monde juridique en personnes et en choses s’impose dans l’appréhension du cadavre.
En doctrine, le cadavre a trouvé refuge dans la catégorie des choses[67], sans véritable contestation[68]. La dépouille humaine correspond à une chose[69] — sacrée, au surplus[70] —, dotée d’un caractère extracommercium[71]. Le corps, ayant qualité de chose non susceptible d’appropriation, « [l]a mort n’a […] pas pour effet de transformer le corps humain en une chose disponible à merci ou commercialisable »[72]. Comme le signale Albert Mayrand, « la dépouille mortelle est considérée comme une chose en dehors du commerce et ne peut en règle générale faire l’objet d’un droit de propriété dans le sens ordinaire du mot » [notes omises][73]. Abondant dans le même sens, Édith Deleury et Dominique Goubeau écrivent ceci : « [l]e cadavre, pas plus que le corps vivant, ne peut être considéré comme un bien et si les héritiers doivent honorer leurs morts et les ensevelir, ils n’en ont pas la propriété » [notes omises][74].
Pourtant, ce n’est pas dire que la spécificité du cadavre humain en tant que chose est ignorée[75], d’ailleurs on s’épuiserait à tenter de recenser les différents marqueurs sémantiques de cette spécificité[76]. Ce n’est pas dire non plus qu’une telle qualification vide les interrogations qui peuvent naître sur son régime juridique[77]. Or, l’hermétisme des catégories juridiques qui ont longtemps structuré la pensée civiliste ne devrait-il pas tendre à éclater[78] à l’égard du cadavre? À l’heure où nos sociétés connaissent de profonds bouleversements, notamment techniques, scientifiques et sociaux[79], lesquels prolongent l’ultime fatalité, et la réalité de plus en plus composite, ce statut tend à être revisité en France et au Québec.
À ce titre, le droit pénal français connaît, au titre des atteintes à la dignité de la personne, la sanction des actes outrageant l’intégrité du cadavre[80]. L’article 225-17 du Code pénal édicte ce qui suit :
Toute atteinte à l’intégrité du cadavre, par quelque moyen que ce soit, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
La violation ou la profanation, par quelque moyen que ce soit, de tombeaux, de sépultures, d’urnes cinéraires ou de monuments édifiés à la mémoire des morts est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
La peine est portée à deux ans d’emprisonnement et à 30 000 euros d’amende lorsque les infractions définies à l’alinéa précédent ont été accompagnées d’atteinte à l’intégrité du cadavre.
Par ailleurs, en droit privé, la protection du cadavre a été affirmée depuis l’adoption de la loi du 19 décembre 2008[81]. L’article 16-1-1 du Code civil prévoit que :
Le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort.
Les restes des personnes décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation, doivent être traités avec respect, dignité et décence.
Fondement d’une véritable injonction à l’adresse des vivants[82], cette disposition inscrit le cadavre dans l’orbite de la protection accordée au corps humain durant la vie[83]. Ainsi, comme le soulignent Bernard Beignier et Yann Puyo, « [l]e respect porté à ces restes l’est en contemplation de cette personne qui fut »[84]. Le principe de dignité, chargé de ses incertitudes[85], trouve un écho dans la protection accordée au cadavre[86].
De façon analogue, en droit québécois, c’est l’empreinte laissée par la personne, soit la représentation sociale, qui perdure et mérite une protection qu’il importe de sauvegarder, et, à travers elle, une composante individuelle et posthume de la dignité humaine[87]. De fait, puisque « la personne, même décédée, participe encore d’une certaine façon de la nature humaine », il est possible de prétendre « [qu’]au-delà de la mort, le droit reconnaît à la personne une certaine dignité »[88].
Le Code criminel[89] sanctionne rigoureusement toute indignité commise envers le cadavre et érige le défaut de sépulture en un délit. L’article 182 du Code criminel prévoit ce qui suit :
Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans quiconque, selon le cas :
- a) néglige, sans excuse légitime, d’accomplir un devoir que lui impose la loi, ou qu’il s’engage à remplir, au sujet de l’inhumation d’un cadavre humain ou de restes humains;
- b) commet tout outrage, indécence ou indignité envers un cadavre humain ou des restes humains, inhumés ou non.
Le droit privé québécois, quant à lui, consacre le principe de l’inviolabilité du corps humain au-delà de la mort et réprime les atteintes au cadavre[90]. Tel que l’écrit François Héleine : « [s]acré, le corps l’était du vivant de la personne; sacré, il le reste dans la mort »[91]. À l’appui, l’alinéa second de l’article 2217 du Code civil du Bas Canada édicte ce qui suit : « [l]es cimetières, considérés comme chose sacrée, ne peuvent être changés de destination de manière à donner lieu à la prescription, qu’après l’exhumation des restes des morts, choses sacrées de leur nature ». L’intangibilité de la dépouille mortelle, fondée sur la sacralité du cadavre, est néanmoins relativisée, voire laïcisée. En effet, la notion de piété exprimée dans le Code civil du Bas Canada[92] fait place à la notion de dignité dans le Code civil du Québec, qui fonde la souveraineté posthume de la personne sur son corps et le respect de son intimité au-delà de la mort[93].
Si le droit québécois ne possède pas de disposition analogue à l’article 16-1-1 du Code civil français dans son Code civil du Québec, force est d’admettre que le Projet de loi 66 intitulé Loi sur les activités funéraires[94] a pour ambition de modifier substantiellement le panorama juridique québécois et l’industrie funéraire. Dans ses notes liminaires explicatives, il prévoit ceci : « [c]ette loi institue un nouveau régime juridique applicable aux activités funéraires afin d’assurer la protection de la santé publique et le respect de la dignité des personnes décédées »[95]. Il tend à consolider l’ensemble des lois déjà existantes en ce domaine sous la responsabilité du ministre de la Santé et des Services sociaux dans le cadre d’une seule réglementation, mieux adaptée au contexte actuel, afin de combler les vides juridiques actuels et d’assurer une meilleure protection de la santé de la population québécoise. Ce projet de loi vise à établir « de nouvelles règles applicables aux différents acteurs du secteur des activités funéraires, [à] faciliter la gestion du dossier funéraire tant sur le plan administratif que sur le plan législatif, ainsi [qu’à] mieux refléter les pratiques actuelles en ce domaine »[96].
Aux fins du projet de loi, le cadavre est, « outre le corps d’une personne décédée, les restes d’un tel corps autres que des cendres, un enfant mort-né ou un produit de conception non vivant lorsqu’il est réclamé par la mère ou par le père »[97]. Plus particulièrement, le respect de la dignité du cadavre constitue une finalité essentielle. Des dispositions législatives mentionnent expressément la « dignité de la personne décédée » au regard d’un cadavre ou de cendres humaines — cette dernière notion étant désormais intégrée et protégée explicitement à l’instar du droit français[98]. La teneur des articles 4 et 71 se lit comme suit :
En toutes circonstances, la manipulation et la disposition d’un cadavre ou de cendres humaines doivent être faites de manière à assurer le respect de la dignité de la personne décédée.[99]
Nul ne peut disperser des cendres humaines à un endroit où elles pourraient constituer une nuisance ou d’une manière qui ne respecte pas la dignité de la personne décédée.[100]
Sans conteste, ces dispositions législatives se rapprochent, sur un plan exégétique, du traitement des restes des personnes décédées « avec respect, dignité et décence » prévu à l’article 16-1-1 du Code civil français. Les vecteurs cardinaux de « respect » et de « dignité » — auxquels s’ajoute la décence en droit français — se juxtaposent à la manipulation et à la disposition de la dépouille humaine. Dans le même sens, l’article 3 du Code de déontologie des coroners édicte ce qui suit : « Le coroner doit s’assurer que tout cadavre dont il a la garde et la possession soit traité avec dignité et respect »[101].
On le constate, en France et au Québec, la summa divisio qu’opère le droit civil entre les choses et les personnes semble prise en défaut et ne plus suffire à un traitement juridique adéquat du cadavre dans la doctrine classique. Les difficultés catégorielles du droit sont le signe de son impuissance à décrire l’innommable. Il y a donc lieu de s’interroger sur la capacité des catégories juridiques traditionnelles à appréhender le cadavre dans son « épaisseur anthropologique »[102] (à l’instar du corps humain et de ses parties détachées[103]) et sur la nécessité de concevoir une catégorie hybride ou intermédiaire reflétant le statut complexe du cadavre et nécessitant un régime sui generis suffisamment souple pour assurer sa protection[104].
Oscillant entre un objet et un sujet de droit[105] et peinant à trouver une troisième voie qui permette de construire un statut cohérent, le cadavre se heurte à l’irréversibilité des catégories juridiques[106]. Il n’en demeure pas pour autant dépourvu de protection juridique. Les traces de la dépouille humaine dans le souvenir des vivants sillonnent en effet le panorama juridique québécois et français. Le temps de la mémoire commande ici quelques remarques.
Acte III — La mémoire
« Mais la mort met en scène un “théâtre d’ombres” où évoluent aussi des vivants dont les intérêts moraux sont, en quelque sorte, habités par ces ombres » [note omise][107]. Ainsi, nul ne s’étonnera que le droit arrime la protection des corps morts à la mémoire des vivants[108]. La mémoire du mort s’impose alors comme le siège premier de la protection du cadavre précisément parce qu’elle est en prise directe avec le vivant qu’il a été. Pourtant, il demeure opportun de se questionner : le cadavre est-il titulaire de droits extrapatrimoniaux[109]? Mettant de côté une atteinte ante mortem et la survie des droits de la personnalité du vivant après la mort, Xavier Labbée circonscrit le débat comme suit :
La question en réalité n’est pas là : peut-on concevoir qu’un cadavre ait des droits de la personnalité distincts de ceux dont est titulaire la personne de son vivant? Celui qui porte post mortem, une atteinte au corps de l’individu décédé, porte-t-il atteinte à la personnalité du disparu?
Tout l’intérêt de la question se situera au niveau de l’action en justice des héritiers. Ceux-ci pourront-ils invoquer un préjudice personnel, du disparu? Devront-ils au contraire invoquer un préjudice qui leur sera personnel?[110]
En d’autres termes, pour l’auteur :
L’intérêt pratique que pose l’existence, ou la non-existence, des droits de la personnalité du cadavre se situe au niveau de l’action des membres de la famille. Les héritiers vont-ils agir au nom du défunt, ou au contraire ne pourront-ils agir qu’en leur nom personnel? Faudra-t-il rapporter la preuve d’un préjudice subi personnellement par le cadavre, ou au contraire la preuve d’un préjudice familial, que subissent personnellement les héritiers?[111]
Les droits québécois et français ne reconnaissent pas le préjudice posthume. « Comment un cadavre pourrait-il devenir créancier de dommages et intérêts » et transmettre, par conséquent, sa créance, puisqu’il n’a plus de patrimoine? « Aussi, est-il impossible d’agir au nom du mort »[112]. « [Q]uel que puisse être l’outrage [au cadavre], il n’est pas possible aux successeurs universels de prétendre exercer contre l’auteur de l’outrage une action propre au défunt, et ainsi d’obtenir en ses lieu et place la réparation du préjudice qui serait le sien »[113]. La solution, établie de longue date en droit québécois, est régulièrement revisitée et raffinée en droit français au point de s’en trouver complexifiée.
Au Québec, les successeurs universels et, par extension tout héritier ou toute personne lésée personnellement peuvent agir pour obtenir la réparation du préjudice propre que leur cause l’atteinte portée au cadavre. Il existe en quelque sorte un « droit au cadavre »[114]. L’article 43 du Règlement d’application de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes et des tissus et la disposition des cadavres[115] est ici éloquent : « [a]ucune photographie d’un cadavre humain ne peut être prise, sauf sous autorité du ministère de la Justice ou avec le consentement écrit du conjoint de la personne ou de l’un de ses plus proches parents ».
Ce droit a d’ailleurs été implicitement reconnu à quelques reprises dans la jurisprudence québécoise, certes rare[116]. À titre d’illustrations, en matière de don d’organes et d’autopsie, dans les affaires anciennes Philipps v. The Montreal General Hospital[117] et Ducharme c. Hôpital Notre-Dame[118], la famille a obtenu des dommages-intérêts lorsqu’une autopsie illégale avait été pratiquée sans consentement. Les tribunaux justifiaient l’octroi d’une compensation pécuniaire sur le fait (certes critiquable) que le cadavre humain demeure la propriété du conjoint et de la famille. Dans Brouillette c. Religieuses de l’Hôtel-Dieu[119], le juge Forest de la Cour supérieure renvoyait à ce « respect matériel dû aux morts » en ces termes :
Le respect matériel dû aux morts et l’application des règles de moralité humanitaire remontent à la plus haute antiquité et nous en trouvons la preuve dans la remarque faite par Antigone à Créon qui lui reproche énergiquement d’avoir enterré le cadavre de son frère […]
S’il était d’usage au temps des païens de respecter le cadavre d’un être humain, à plus forte raison aucune considération morale, exception faite des intérêts supérieurs de la justice criminelle, ne peut permettre au vingtième siècle d’entraver le droit de la famille qui donne à la mémoire de ses morts toute la vénération que conserve une personne à l’égard d’un être qui lui est cher.[120]
Empruntant le questionnement suivant à Jean-Louis Baudouin : « La famille a-t-elle un véritable droit au cadavre? »[121], nous partageons son avis selon lequel « [l]e cadavre n’est pas en effet un “bien” au sens civiliste classique du terme et on voit mal par quelle fiction juridique, la famille pourrait invoquer un droit de propriété ou de possession quelconque sur celui-ci »[122]. En effet, « [c]e prétendu droit accordé par une tradition juridique incertaine vise au fond beaucoup plus au respect des sentiments des proches qu’au respect du défunt lui-même »[123]. Prérogative de la parenté, de l’affection filiale, de la solidarité familiale ou encore des affinités, le droit au cadavre devrait plutôt être considéré comme « un droit extrapatrimonial qui trouve son principe dans les liens du sang et de l’affectivité »[124].
Une reconnaissance prétorienne d’un « droit subjectif des proches à la protection de leurs propres sentiments d’attachement familial » prévaut [italiques dans l’original, notes omises][125]. La jurisprudence québécoise sanctionne ponctuellement des cas de responsabilité civile lorsqu’une atteinte est portée au cadavre. Au-delà de la protection du cadavre dans sa matérialité, les héritiers peuvent agir en justice à titre personnel pour une atteinte portée au respect de leur vie privée ou de leur honneur en raison de la violation à l’image, à la mémoire ou encore à la dignité du cadavre. Il s’agit, selon Générosa Bras Miranda, « [d’]un austère devoir moral de veiller au respect de la mémoire de la personne décédée », en d’autres termes, « [u]ne sorte d’intérêt familial, que l’on pourrait dire semi-public, [qui] prend la place de l’intérêt autrefois strictement personnel du titulaire du droit de la personnalité »[126]. L’auteure poursuit en ces termes :
Au devoir de respect envers les morts […] semble donc vouloir se substituer le devoir de respecter les vivants, dans leurs sentiments d’attachement familial. Ce traitement de la protection des droits fondamentaux après le décès participe certainement du large mouvement social de dénigrement de la mort, qui caractérise tant nos civilisations occidentales.
[…]
Il nous semble souhaitable que la reconnaissance du droit des proches de ne pas souffrir de l’atteinte à un droit fondamental de leur auteur décédé ne vienne pas se substituer totalement au contentieux objectif, plus noble, fondé sur le devoir de chacun de veiller au respect dû aux morts, composante essentielle de la dignité humaine [italiques dans l’original].[127]
Déjà en 1886, la Cour supérieure avait accordé à un fils un montant de 10 $ en dommages-intérêts contre un auteur qui avait diffamé son père marguillier. Il s’agissait d’une « action en dommages pour venger la mémoire des ancêtres »[128]. Quatre ans plus tard, dans l’affaire Huot c. Noiseux[129], la même Cour rédigeait les considérants suivants :
Considérant qu’il résulte de ces dispositions que tout fait, même lorsqu’il n’est pas le résultat d’une intention malicieuse, qui porte préjudice, donne lieu à l’action en réparation civile;
Considérant que l’honneur et la considération du père de famille formant une des parties les plus importantes du patrimoine de ses enfants, l’atteinte qui y est portée peut autoriser ces derniers à intenter une action en dommages.[130]
La piété familiale a alors été évaluée à 50 $[131].
Mais ce n’est pas seulement le fils qui peut réclamer pour une atteinte à la mémoire de son père. L’inverse est également vrai, comme en témoigne l’affaire Goupil c. Les Publications Photo-Police Inc.[132], où le juge Richard de la Cour supérieure, en 1983, accorde 15 000 $ au père dont la fille défunte était qualifiée de prostituée. Le journal consacrait toute la page frontispice, de format tabloïde, à une photo macabre de la tête d’un cadavre de jeune femme, en couleurs, qu’il coiffait du titre « jeune prostituée torturée à mort », suivi de la mention en bas de page « un crime sexuel et barbare »[133]. Le Tribunal relève que « [d]ans le cas sous étude, il est certain que le demandeur a souffert profondément comme seul un père ou une mère peut souffrir dans son âme, son cœur et ses entrailles de voir ainsi sa fille traitée publiquement de prostituée, sans fondement »[134].
La jurisprudence québécoise est même allée jusqu’à accorder des dommages-intérêts à la sœur et au beau-frère du défunt diffamé[135]. Une figurine de cire du défunt, exposée dans un musée, matérialisait alors la diffamation.
En outre, dans l’affaire Robert c. Cimetière de l’Est de Montréal Inc.[136], les demandeurs reprochent au cimetière défendeur d’avoir égaré l’urne qui contenait les cendres de leur père. Sur cette réclamation, visant l’obtention de dommages moraux pour atteinte à la sépulture du père, le juge Trudel de la Cour supérieure conclut que le respect dû aux morts exige une attention particulière et que ce manquement constitue une faute susceptible d’engager la responsabilité du cimetière. Il accorde à chacun des six enfants du défunt une somme de 1 000 $ pour les dommages moraux subis. Les remarques suivantes méritent la mention :
Il ressort de la preuve que, en plus d’avoir un esprit de famille fort développé, les demandeurs paraissent très fidèles au souvenir de leurs parents et vouent à leur mémoire un véritable culte. Leur habitude et leur désir d’aller se recueillir souvent au cimetière traduit de façon non équivoque leurs sentiments.
À tour de rôle, ils relatent que ce malheureux incident les afflige profondément. Tous sombrent encore dans la tristesse en se remémorant les fouilles pour retrouver les cendres et en pensant à leur disparition. Chaque visite au cimetière contribue d’ailleurs à remuer ces souvenirs et à attiser leur chagrin.[137]
Dans une autre affaire, Raicu-Moroca c. Complexe funéraire Fortin[138], les demandeurs réclament une indemnité pour s’être fait exhiber une dépouille qui n’était pas celle de leur parente et ne pas avoir pu lui rendre leurs derniers hommages comme ils le souhaitaient. Pour la fille de la défunte, il s’agissait de sa mère et le choc subi a été plus grand que celui éprouvé par ses enfants, lequel doit tout de même être compensé. Une revue de la jurisprudence démontre que l’attribution « de dommages moraux résultant du préjudice subi par les défendeurs est à la fois discrétionnaire et aléatoire »[139]. La Cour accorde 6 500 $ à la fille de la défunte et 4 500 $ à chacun de ses trois petits-enfants[140].
En France, la situation se présente sous un jour plus complexe, car la protection juridique du cadavre qui prévaut dans la mémoire des proches se construit au gré des atermoiements d’une jurisprudence qui, sous la dictée des faits, peine à trouver sa cohérence[141]. Ainsi, certains ont affirmé que « [l]e respect dû à sa mémoire apparaît […] comme un droit de la personnalité du disparu »[142]. S’il est incontestable que de nombreuses décisions ont pu attester cette orientation, l’époque de la survie post mortem des droits de la personnalité semble révolue au bénéfice d’une protection axée sur la dignité.
À ce titre, pour sanctionner la publication de la reproduction en étampe du cadavre d’une actrice alors célèbre, le tribunal civil de la Seine a décidé, dès 1858, « que nul ne peut, sans le consentement formel de la famille, reproduire et livrer à la publicité les traits d’une personne sur son lit de mort, quelle qu’ait été la célébrité de cette personne et le plus ou moins de publicité qui se soit attachée aux actes de sa vie »[143]. Selon les juges ce consentement « a son principe dans le respect que commande la douleur des familles, et qu’il ne saurait être méconnu sans froisser les sentiments les plus intimes et les plus respectables de la nature et de la piété domestique »[144].
Traversant les époques, l’appétit du public pour le sensationnalisme a nourri le contentieux macabre et a favorisé l’émergence de ce que d’aucun a qualifié, a posteriori, de « vie privée posthume »[145]. Ainsi, pour sanctionner la publication des photos de Jean Gabin sur son lit de mort, les juges n’hésitent pas à affirmer que « [l]e droit au respect de la vie privée s’étend par-delà la mort à celui de la dépouille mortelle »[146]. C’est cette même ratio decidendi que l’on retrouve sous la plume des juges du tribunal correctionnel de Paris, lorsqu’ils se prononcent relativement à la publication dans une revue sensationnaliste des photos de François Mitterrand gisant. Selon eux :
Il résulte d’une jurisprudence constante que les atteintes à l’intimité de la vie privée peuvent porter sur la fixation de l’image de toute personne, vivante ou morte. On ne peut donc soutenir, […] que « le droit au respect de l’intimité de la vie privée (prend) fin à la date du décès » ou que « le droit du respect de l’intimité de la vie privée disparaît au moment du décès » [références omises][147].
Pourtant, la Cour de cassation a sonné le glas de ce courant, justement à propos de l’une des affaires relatives à François Mitterrand. La Haute juridiction précise alors que « [l]e droit d’agir pour le respect de la vie privée s’éteint au décès de la personne concernée, seule titulaire de ce droit »[148]. À titre d’exemples, ni la publication dans un journal communal d’un article relatant le destin mouvementé de personnes décédées[149], ni l’utilisation de l’image d’une personne décédée sur la pochette d’un album de musique[150], ni la reproduction d’une photo de Michael Jackson sur une bougie hommage[151], n’ouvrent droit à une action des héritiers ou des ayants droits au nom du défunt.
On pourrait alors penser que le défunt se trouve totalement privé de protection dans ce domaine. Cependant, un tel principe ne saurait avoir d’effet à l’égard des proches du défunt, leur affliction pouvant être le support d’une protection à la mesure de l’outrage subi par eux. Ainsi, parce que « l’image de la dépouille mortelle […] éveille une profonde souffrance morale des parents et amis qui réalisent que cette image est la dernière de l’être perdu »[152], le droit leur accorde une protection qui rejaillit indirectement sur le cadavre.
C’est l’affaire du Préfet Érignac qui a permis aux juges de donner corps à cette protection. En effet, à la suite de l’assassinat du serviteur de la République par un groupe d’hommes se réclamant du nationalisme Corse, en février 1998, des magazines français avaient publié des photographies représentant le corps de Claude Érignac gisant dans une rue d’Ajaccio. Afin de mettre un terme à l’exploitation d’un sensationnalisme particulièrement douteux, les proches du défunt ont saisi la justice pour faire interdire la publication. Les juges du fond ont fait droit à leur demande, en se fondant précisément sur la souffrance ressentie par eux. Les magistrats décident alors que « [l]a publication de [cette photographie], au cours de la période de deuil de ses proches parents, constitue, dès lors qu’elle n’a pas reçu l’assentiment de ceux-ci, une profonde atteinte à leurs sentiments d’affliction, partant à l’intimité de leur vie privée »[153].
Cette orientation se conjugue, en outre, avec l’émergence d’un fondement nouveau au bénéfice de la protection du cadavre tenant à sa dignité. Annoncé après l’abandon de la théorie de la survie post mortem des droits de la personnalité[154], ce fondement, comme le souligne Sylvie Bernigaud, y est indifférent[155]. D’ailleurs, lorsque la Cour de cassation approuve les juges du fond dans l’affaire du Préfet Érignac, elle prend soin d’ajouter « que cette image était attentatoire à la dignité de la personne humaine »[156]. Si c’est incontestablement le souvenir des proches qui justifie la protection du cadavre[157], il faut aussi comprendre que sa dignité est désormais au centre des débats[158]. Non sans que cela suscite des interrogations[159], on peut constater aujourd’hui que la mémoire du défunt emporte dans son sillage une dignité qui lui survit.
En définitive, la mémoire du défunt s’imposerait, en droit, comme l’ultime rempart aux outrages que peut subir le cadavre. On pourrait donc penser que l’emprise du droit relativement à la protection du corps mort a naturellement vocation à disparaître à mesure que la mémoire du défunt s’estompe chez les vivants[160]. Pareille prétention nous semble incohérente. Si, comme le sous-tendent les droits québécois et français, le principe de dignité humaine, au nom du caractère inaliénable de l’humanité déposée en chacun, gouverne la relation des vivants avec les morts, la dignité a aussi vocation à l’éternité. Quand la personne « en souvenir »[161] sombre dans l’oubli, une autre temporalité de la mort peut être mise de l’avant pour que la mémoire ne devienne pas le tombeau de la protection du cadavre humain. Il importe d’esquisser ce temps de l’oubli.
Acte IV — L’oubli
L’oubli, « cette seconde mort »[162], marque l’entrée véritable de la personne qui fut dans un temps d’éternité. Dès lors que l’intérêt familial s’évanouit, ce n’est pas tant dans une appropriation de la dépouille mortelle par les pouvoirs publics[163] que dans une affirmation renouvelée du paradigme de la dignité que le cadavre trouve sa protection[164].
Certes, un infléchissement nécessaire vers le droit public ne peut être occulté en cette matière. À nos préoccupations de droit privé, s’arrime une digression en droit public. À travers le droit public et le droit sanitaire, les droits québécois et français connaissent déjà une forme de protection du cadavre. À l’instar de Nicholas Kasirer, force est de constater que l’attitude du droit étatique envers le cadavre reconnaît incontestablement le caractère sacré des restes des morts. Il écrit en ce sens :
L’État comprend que le cadavre est bien plus que poussières; son caractère sacré cependant ne relève d’aucun « droit naturel » mais constitue, comme tout statut juridique, une construction intellectuelle saisie par le droit. Peut-être est-il utile de considérer que la coutume est la source première de ce caractère sacré et de qualifier la reconnaissance législative par l’État des restes des morts en tant que choses sacrées par leur nature comme la simple « codification » (encore que partielle) de cette norme coutumière. Peu importe qu’il soit codifié ou inventé par le législateur, ce statut sacré du cadavre est pleinement exprimé par le droit étatique.[165]
Arbitre entre des considérations empruntant au sacré (mystère), au sanitaire (hygiène) et à la coutume, l’État est investi de la responsabilité de protéger la sainteté des lieux et la santé publique[166].
En droit privé, certaines évolutions contemporaines signalent une attention nouvelle du droit pour le cadavre au-delà de la mémoire. Ainsi, de manière particulièrement significative, le droit français, depuis l’entrée en vigueur de l’article 16-1-1 du Code civil en 2008, marque son inclination à soustraire le respect du cadavre à l’emprise du temps et de l’espace[167]. Le Québec, pour sa part, vient de se doter d’un arsenal qui porte les germes d’une nouvelle forme de protection erga omnes du cadavre. De lege ferenda, le projet de loi québécois sur les activités funéraires tend à assurer le respect de la dignité de la personne décédée, sans contrainte temporelle[168].
En France, c’est la fameuse affaire de l’exposition des corps « plastinés » qui offre l’exemple le plus emblématique du renouveau de la protection du cadavre. On se souvient que cette exposition, selon ses organisateurs, avait pour objectif d’instruire les spectateurs à travers l’exhibition de cadavres humains. Les juges du fond, tant en première instance[169], qu’en appel[170], ont unanimement condamné la pratique, et la Cour de cassation a nettement embrassé leurs conclusions en décidant que « aux termes de l’article 16-1-1, alinéa 2, du code civil, les restes des personnes décédées doivent être traités avec respect, dignité et décence; que l’exposition de cadavres à des fins commerciales méconnaît cette exigence »[171]. Une telle décision inscrit incontestablement la protection du cadavre dans une nouvelle dimension, puisque ni les sentiments des proches, ni les volontés du défunt, ne sont en cause ici. En réalité, seule est déterminante la condition juridique du corps mort qui ne saurait être soumis à une odieuse marchandisation[172]. D’ailleurs, on ne manquera pas de relever avec le mystérieux Félix Rome que
[p]ris au pied de la lettre, [l’arrêt] suggère que toute exploitation commerciale de la représentation de cadavres, sous quelque forme que ce soit, est illicite, ce qui promet un spectaculaire autodafé si l’on tient pour acquis que « dans les albums de photographies du XXe siècle, plus de la moitié sont des images de mort », de même que la fermeture d’une pléiade de musées privés, dans tout l’Hexagone… [références omises, italiques dans l’original].[173]
C’est sur ce terrain en particulier des pratiques muséales et donc du droit public que rebondit le questionnement sur le respect dû au cadavre. On le sait, les musées français regorgent de collections composées de cadavres anciens à l’égard desquels aucune personne ne saurait prétendre entretenir un lien direct[174]. Or, dans les replis de l’existence du plus grand nombre, c’est une décision à portée symbolique de la ville de Rouen qui a permis de mettre en lumière les résonnances politiques inattendues de la protection accordée par le Code civil au cadavre. En effet, en se fondant sur ces dispositions, la ville prétendait restituer un ensemble de « têtes maories » au gouvernement de la Nouvelle-Zélande afin qu’elles soient inhumées. Toutefois, à la demande de la ministre de la Culture, le juge administratif s’oppose à ces velléités en décidant que « les conditions […] de conservation de la tête Maori au sein des collections municipales du muséum ne sont contraires, ni dans leur principe, ni dans leurs modalités, à l’article 16-1 du Code civil »[175]. Bien qu’ayant été confirmée par les juges du second degré[176], cette décision a entrainé le dépôt d’une loi autorisant la restitution aux autorités néo-zélandaises de toutes les « têtes Maories » conservées dans les musées français[177]. Cette réaction politique atteste l’évolution de la perception du cadavre dans la société, puisque la nécessité « scientifique » ou « domaniale » ne s’impose plus comme un rempart absolu à l’impératif de protection des restes humains.
On peut renvoyer ici à la position québécoise face à l’organisation de cette même exposition « Our Body/À corps ouvert », dont l’objet consiste à mettre en scène des dépouilles mortelles plastinées[178] — au surplus, face à l’exposition projetée par Andreï Molodkin, cet alchimiste de la chair humaine[179]. Si la provenance des corps ou des organes exposés, ainsi que le caractère lucratif du don, suscitent un juste questionnement, on a pu s’interroger sur le véritable dessein — mercantile ou scientifique? — poursuivi par ces concepteurs. Sans encourir une interdiction pour indignité, les expositions ont été présentées devant public[180]. Sur le terrain cette fois des galeries d’art, l’utilisation de cendres humaines dans les toiles du peintre canadien Marc Séguin suscite la réflexion[181]. Omniprésente dans ses tableaux et sérigraphies, le peintre affectionne la noirceur, allant jusqu’à peindre avec des cendres humaines. Or, le projet de loi sur les services funéraires ne tend-il pas, notamment, à proscrire pareils agissements, lesquels revêtent un aspect commercial et lucratif?
Si le droit québécois n’a pas connu, pour l’heure, de questionnements semblables à ceux qui ont animé la France, des traces de ce débat se retrouvent néanmoins dans des réflexions anciennes éparses à l’égard du peuple autochtone[182]. Reste à attendre l’interprétation jurisprudentielle des normes consacrées à la dignité de la personne décédée et des cendres afin de voir si des débats similaires à ceux de nos homologues français prendront vie.
Acte V — Deus ex machina
« Quelle dangereuse inclination que de se pencher sur le devenir des cadavres »[183]. La fascination de l’Homme pour Thanatos le conduit sans cesse à se questionner sur son devenir après la mort et à approfondir sa réflexion sur l’au-delà. Le droit en cette matière « est imprégné des valeurs que se donne et qu’entend conserver une société pour pouvoir se dire une civilisation »[184]. Tel que l’écrit à juste titre Bertrand Calais dans « La mort et le droit » : « [c]ertes, la mort est un vaste sujet qui dépasse cet aspect matérialiste en offrant un champ de réflexion métaphysique et biologique, social et religieux; mais le droit, en lui apportant sa rationalité, a l’avantage de dédramatiser la mort »[185].
On le sait, confronté à la finitude de sa condition, l’Homme aspire à l’éternité[186], mais les périls de cette quête sont nombreux tant les aspirations de chacun peuvent différer. La condition juridique du cadavre humain cristallise un certain nombre d’incertitudes relatives à ces aspirations.
À l’heure où, sous la pression des faits, le cadavre fait l’objet d’une attention renouvelée de la part du droit, certains constats s’imposent. Bien qu’usant d’instruments normatifs propres et confrontés à des situations différentes, les systèmes juridiques québécois et français mettent en scène le cadavre de façon analogue, offrant une représentation euphonique de la dépouille humaine dans les temps de la mémoire et de l’oubli. Soumis aux critères médicaux dans la détermination de la mort, le droit privé se montre indécis face au statut du mort, soucieux de protéger sa mémoire et songeur à en assurer la pérennité. S’ensuit à juste titre une « sorte de continuum de la personne » humaine qui rompt avec l’idée d’une césure radicale entre la vie et la mort [italiques dans l’original][187].
[1] Zalmen Gradowski, « Extraits de “Au cœur de l’enfer” », dans Des voix sous la cendre : manuscrit des Sonderkommandos d’Auschwitz-Birkenau, Paris, Librairie générale française, 2006, 179 à la p 206.
[2] Nous nous sommes inspirés du titre de l’étude suivante : Jacqueline Pousson-Petit, « La personne humaine sur la scène d’un théâtre d’ombres » dans Jacqueline Pousson-Petit, dir, Liber amicorum Marie-Thérèse Meulders-Klein : droit comparé des personnes et de la famille, Bruxelles, Bruylant, 1998, 505.
[3] Jean Racine, Phèdre, Paris, Larousse, 2004, acte V, scène VI, 1677 à la p 140.
[4] Voir Oscar Bloch et Walther von Wartburg, dir, Dictionnaire étymologique de la langue française, 3e éd, Paris, Presses Universitaires de France, 2008, sub verbo « personne »; Jacqueline Picoche avec la collaboration de Jean-Claude Rolland, Dictionnaire étymologique du français, éd révisée, Paris, Le Robert, 2008, sub verbo « personne »; Remy Cabrillac, « Libres vagabondages à propos de la notion de personne » dans De tous horizons : mélanges Xavier Blanc-Jouvan, Paris, Société de législation comparée, 2005, 719 à la p 720. Sur cette même notion, voir notamment Anne Lefebvre-Teillard, « Personne » dans Denis Alland et Stéphane Rials, dir, Dictionnaire de la culture juridique, Paris, Lamy et Presses Universitaires de France, 2003, 1151; PB Mignault, Le droit civil canadien basé sur les « Répétitions écrites sur le Code civil » de Frédéric Mourlon avec revue de la jurisprudence de nos tribunaux, t 1, Montréal, Whiteford & Théoret, 1895 à la p 129; Jean-Marc Trigeaud, « La Personne » dans Archives de philosophie du droit : le sujet de droit, t 34, Paris, Sirey, 1989, 103 [Le sujet de droit]. Fidèle au Code Napoléon, le Code civil du Québec énonce à sa disposition préliminaire qu’il régit les « principes généraux du droit, les personnes, les rapports entre les personnes, ainsi que les biens » (Disposition Préliminaire, al 1 CcQ). Il est notamment complété par la Loi sur le curateur public, RLRQ c C-81, la Loi sur la protection de la jeunesse, RLRQ c P-34.1, et la Loi sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui, RLRQ c P-38.001.
[5] Voir notamment Alain Supiot, Homo juridicus : essai sur la fonction anthropologique du Droit, Paris, Seuil, 2005 à la p 62 (l’auteur affirme que « [l]a personnalité est […] le concept générique qui permet de faire tenir ensemble le corps et l’esprit »). Voir aussi Mariève Lacroix, « Le Code civil du Québec… en chair et en os? » dans Vincent Caron et al, dir, Les oubliés du Code civil du Québec, Montréal, Thémis, 2014, 1.
[6] Voir notamment parmi une littérature abondante en droit français — bien que plus restreinte en droit québécois — François Héleine, Le dogme de l’intangibilité du corps humain et ses atteintes normalisées dans le droit des obligations du Québec contemporain, Montréal, Université de Montréal, 1975; Albert Mayrand, L’inviolabilité de la personne humaine, Montréal, Wilson & Lafleur, 1975 [Mayrand, L’inviolabilité]; Xavier Dijon, Le sujet de droit en son corps : une mise à l’épreuve du droit subjectif, Larcier, Bruxelles, 1982; Jean-Louis Baudouin et Danielle Blondeau, Éthique de la mort et droit à la mort, Paris, Presses Universitaires de France, 1993; Suzanne Gascon, L’utilisation médicale et la commercialisation du corps humain, Cowansville (Qc), Yvon Blais, 1993; Nathalie Baillon-Wirtz, La famille et la mort, Paris, Defrénois, 2006; Mathieu Touzeil-Divina, Magali Bouteille-Brigant et Jean-François Boudet, dir, Traité des nouveaux droits de la mort, t 1–2, l’Épitoge, Le Mans, 2014.
[7] Il s’agit du « temps du mourant » — thème que nous évinçons de la présente analyse. Nous pouvons penser, au Québec, au nouveau cadre législatif mis en place au regard des directives médicales anticipées, ainsi que des demandes d’aide médicale à mourir (voir Loi concernant les soins de fin de vie, RLRQ c S-32.0001; Carter c Canada (Procureur général), 2015 CSC 5, [2015] 1 RCS 331). Ces évolutions ont irrigué de nombreux commentaires; parmi ceux-ci voir Michelle Giroux, « Droits et soins de fin de vie » dans Mélanie Bourassa Forcier et Anne-Marie Savard, dir, Droit et politiques de la santé, Montréal, LexisNexis, 2014, 407; Marie Annik Grégoire, « L’aide médicale à mourir à la croisée des chemins : perspectives de droit comparé à la suite de l’arrêt Carter » (2015) 93 R du B can 611; Service de la formation continue du Barreau du Québec, Les soins de fin de vie (dans la foulée de la récente décision de la Cour suprême), vol 402, Montréal, Yvon Blais, 2015.
[8] Paul Esmein, « Le culte des morts » dans Mélanges en l’honneur de Jean Dabin, vol 2, Paris, Sirey, 1963, 541 à la p 546 (« [l]e souvenir du culte des morts se manifeste dans le respect de l’intégrité du cadavre »). En droit québécois, voir Siméon Mondou, Études sur le culte des morts chez les anciens et les peuples modernes et les cimetières catholiques de Montréal depuis la fondation de la colonie, 3e éd, Montréal, Imprimerie du messager, 1911; Édith Deleury et Dominique Goubau, Le droit des personnes physiques, 5e éd par Dominique Goubau, Cowansville (Qc), Yvon Blais, 2014 au para 159; Me Suzanne Le Bel, « Les obligations de la société envers le défunt » (1980) 82:5-6 R du N 281.
[9] Voir notamment Gabriel Timbal, La condition juridique des morts, Toulouse, Édouard Privat, 1903; R Dierkens, Les droits sur le corps et le cadavre de l’homme, Paris, Masson, 1966; Pierre Berchon, La condition juridique des morts, thèse de doctorat en droit, Université de Bordeaux I, 1984 [non publiée]; Xavier Labbée, La condition juridique du corps humain avant la naissance et après la mort, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2012 [Labbée, La condition juridique du corps humain]; Isabelle Zribi, Le sort posthume de la personne humaine en droit privé, thèse de doctorat en droit, Paris I, 2005 [non publié]; Hélène Popu, La dépouille mortelle, chose sacrée : à la redécouverte d’une catégorie juridique oubliée, Paris, L’Harmattan, 2009.
[10] Voir PL 66, Loi sur les activités funéraires, 1re sess, 41e lég, Québec, 2016 [Loi sur les activités funéraires] (à l’heure actuelle, le projet de loi n’est pas encore entré en vigueur).
[11] Voir notamment Marie-Luce Pavia et Thierry Revet, dir, La dignité de la personne humaine, Paris, Economica, 1999; Xavier Bioy, Le concept de personne humaine en droit public : recherche sur le sujet des droits fondamentaux, Paris, Dalloz, 2003; Philippe Malaurie, « Le droit et l’exigence de dignité » [2003] 5 Études 619; Charlotte Girard et Stéphanie Hennette-Vauchez, dir, La dignité de la personne humaine : recherche sur un processus de juridicisation, Paris, Presses Universitaires de France, 2005; Muriel Fabre-Magnan, « La dignité en Droit : un axiome » (2007) 58:1 RIEJ 1; Muriel Fabre-Magnan, « Dignité humaine » dans Joël Andriantsimbazovina et al, dir, Dictionnaire des Droits de l’Homme, 1e éd, Paris, Presses Universitaires de France, 2008, 226; Emmanuel Dreyer, « La dignité opposée à la personne » [2008] D 2730; Jean-Philippe Feldman, « Faut-il protéger l’homme contre lui-même? La dignité, l’individu et la personne humaine » (2008) 48:2 Droits 87.
[12] Voir notamment Luc Huppé, « Droits et libertés : la dignité humaine comme fondement des droits et libertés garantis par la Charte » (1988) 48:1 R du B 724; Suzanne Philips-Nootens, « La Cour suprême face à la vie, face à la mort : de valeurs et de droits » (2000) 79:2 R du B can 145; Jacques Fierens, « Critique de l’idée de propriété du corps humain ou le miroir de l’infâme belle-mère de Blanche-Neige » (2000) 41:2 C de D 383; Christian Brunelle, « La dignité dans la Charte des droits et libertés de la personne : de l’ubiquité à l’ambiguïté d’une notion fondamentale » (2006) (numéro thématique hors série) R du B 143; Jean-Guy Belley, « La protection de la dignité humaine dans le pluralisme juridique contemporain » (2010) 8 Cahiers recherche sur dr fondamentaux 117; Jérémie Torres-Ceyte, « Le droit des contrats à l’épreuve de la dignité en France et au Québec : de la protection à la direction des contractants » (2013) 47:2 RJTUM 167; Michel T Giroux, « Dignité, aide médicale à mourir et volontés contemporaines de la personne en fin de vie » dans Service de la formation continue du Barreau du Québec, La protection des personnes vulnérables, vol 378, Cowansville (Qc), Yvon Blais, 2014, 81; Christelle Landheer-Cieslak, « La Loi concernant les soins de fin de vie : les trois sens de la dignité reconnue au mourant » dans Christelle Landheer-Cieslak et Louise Langevin, dir, La personne humaine, entre autonomie et vulnérabilité : mélanges en l’honneur d’Édith Deleury, Montréal, Yvon Blais, 2015, 261.
[13] Jean Carbonnier, « Sur les traces du non-sujet de droit » dans Le sujet de droit, supra note 4, 197 à la p 197.
[14] Voir Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ c C-12, préambule :
Considérant que tous les êtres humains sont égaux en valeur et en dignité et ont droit à une égale protection de la loi;
Considérant que le respect de la dignité de l’être humain, l’égalité entre les femmes et les hommes et la reconnaissance des droits et libertés dont ils sont titulaires constituent le fondement de la justice, de la liberté et de la paix;.
[15] Voir ibid, art 4 (« [t]oute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation »). Pour une interprétation jurisprudentielle du droit à la dignité de la personne, voir Québec (Curateur public) c Syndicat national des employés de l’hôpital St-Ferdinand, [1996] 3 RCS 211, 138 DLR (4e) 577.
[16] Marie Cornu, « Le corps humain au musée, de la personne à la chose? », [2009] D 1907 à la p 1909. De façon analogue, Christian Brunelle, supra note 12, oppose la dignité comme principe fondateur (dignité humaine) à la dignité comme droit fondamental (dignité de la personne humaine). Voir aussi Anne Saris avec la collaboration d’Elsa Acem, « Le sort du cadavre : le règne des vivants sur les morts » dans Service de la formation continue du Barreau du Québec, Développements récents en succession et fiducies, vol 391, Montréal, Yvon Blais, 2014 99 à la p 124 [Saris et Acem, « Le sort du cadavre »] :
La personne humaine subsiste après le décès. Il s’agit d’un objet qu’il faut respecter au nom du principe de la dignité humaine et auquel il serait possible d’appliquer les principes d’intégrité et d’indivisibilité. Cette personne est objet de droits, c’est-à-dire un objet sur lequel des droits subjectifs “d’autrui” peuvent être exercés et qui peut être régi par un régime de droits objectifs (par exemple, des normes d’ordre public).
[17] Générosa Bras Miranda, « La protection posthume des droits de la personnalité » (2007) 19:3 CPI 795 à la p 821 [Bras Miranda, « Protection posthume »].
[18] Ibid. Voir aussi Guillaume Fontanieu, « La question juridique des restes humains sous l’angle de la dignité de la personne » dans Vanessa Brochot et Guillaume Tusseau, Les Annales de droit, t 8, Mont-Saint-Aignan, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2014, 197.
[19] Nous ne traiterons ni des corps non réclamés, ni des démembrements du corps. Certes intéressante, la question des parties détachées aurait nécessité un traitement dans des proportions peu envisageables pour les fins de la présente étude (voir par ex Mustapha Mekki, L’intérêt général et le contrat : contribution à une étude de la hiérarchie des intérêts en droit privé, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 2004 au para 481 : le « corps morcelé, autrement dit les éléments et produits du corps humain, […] peut être perçu comme un ensemble de choses dans le commerce juridique » [notes omises]).
[20] Voir toutefois, Cass civ 1re, 17 février 1982, (1983) Bull civ I 71, no 81, [1983] D Jur 255 (note Marcel Beaubrun), (1984) 73 Rev crit dr int privé 451 (note Catherine Labrusse-Riou) : dans cette décision, s’agissant d’arbitrer un conflit entre plusieurs membres d’une même famille, relativement au choix du lieu de la sépulture entre la France et l’Algérie, la Cour de cassation invite les juges du fond à sonder la volonté personnelle exprimée par le défunt; selon une commentatrice « [l]e droit de fixer le lieu de sa dernière demeure qui fait prévaloir la survie de la volonté individuelle au-delà de la mort, relève de ce que l’on appelle aujourd’hui les droits de la personnalité. […] Il convient en effet d’écarter la loi successorale car […] seule est en question la personne humaine et le respect dû à sa volonté posthume » (ibid à la p 454). Voir aussi Cass civ 1re, 12 février 1957, (1957) Bull civ I 61, no 72, [1959] D Jur 47 (note Philippe Malaurie), (1957) 46:1 Rev crit dr int privé 297 (note Yves Loussouarn) : la Cour de cassation décide dans cette affaire que « la liberté des funérailles » française est « d’ordre public » en cas de conflits de lois avec des droits étrangers, ainsi la hiérarchie successorale déterminée par la loi d’un autre pays ne peut avoir pour effet de mettre en échec la volonté du défunt.
[21] Voir Saris et Acem, « Le sort du cadavre », supra note 16 à la p 102. Les auteures traitent la matière de la façon suivante :
[N]ous aborderons la question des volontés à effet posthume, en nous demandant à quel titre une personne peut décider du sort de son corps et quels sont le rôle et les pouvoirs des successibles à cet égard (I) pour ensuite nous consacrer aux difficultés soulevées par le terrain que l’on soit en présence ou en l’absence de volontés à effet posthume. Se pose notamment la question du titre des successibles à décider sur le corps du défunt en l’absence de volontés exprimées par ce dernier et donc de la qualification juridique du cadavre (par exemple, peut-on parler de dévolution du cadavre qu’il soit « réduit » (crémation) ou non) et des éléments qui lui sont connexes tels que la concession, la sépulture (II) [notes omises].
Notre analyse s’inscrit dans les suites de cette étude. Voir aussi Anne Saris et Elsa Acem, « Contrat d’arrangements préalables de services funéraires et de sépulture » dans JurisClasseur Québec : droit de la consommation et de la concurrence, feuilles mobiles (mise à jour 3), Montréal, LexisNexis Canada, fasc 19.
[22] Au Québec, les dispositions relatives à cette matière sont insérées dans le Livre premier (« Des personnes »), Titre deuxième (« De certains droits de la personnalité »), Chapitre quatrième (« Du respect du corps après le décès »), arts 42–49 CcQ. Il apparaît néanmoins paradoxal d’utiliser l’expression « droits de la personnalité » accolée au respect de la dépouille mortelle. En France, la matière est régie essentiellement par la Loi du 15 novembre 1887 sur la liberté des funérailles (voir Lois, décrets, ordonnances, règlements et avis du conseil d’état, vol 87 par J Duvergier et Ed Goujon, Paris, Larose et Forcel et Noblet et Fils, 1887, 451). Voir aussi Guy Sénac de Monsembernard, Marc Sénac de Monsembernard et Roger Vidal, Guide de législation funéraire, Paris, Litec, 2003; Guillaume D’Abbadie et Claude Bouriot, Code pratique des opérations funéraires, 3e éd, Le moniteur, Paris, 2004. En doctrine québécoise et française, voir notamment Albert Mayrand, « Problèmes de droit relatifs aux funérailles » dans Adrian Popovici, dir, Problèmes de droit contemporain : mélanges Louis Baudouin, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 1974, 119 [Mayrand, « Droits relatifs aux funérailles »]; Albert Mayrand, L’inviolabilité, supra note 6 à la p 154; Héleine, supra note 6, à la p 47 et s; Jean-Louis Baudouin, « Corps humain et actes juridiques » (1976) 6:2 RDUS 387 aux pp 397–404 [Baudouin, « Corps humain »]; Madeleine Caron, Le droit à l’intégrité de la personne dans le nouveau droit du Québec, Montréal, Commission des droits de la personne du Québec, 1983 aux pp 7–8; Grégoire Loiseau, « Le rôle de la volonté dans le régime de protection de la personne et de son corps » (1992) 37:4 RD McGill 965; Michel Grimaldi, « Les dernière volontés » dans Jean Beauchard et Pierre Couvrat, dir, Droit civil, procédure, linguistique juridique : écrits en hommage à Gérard Cornu, Paris, Presses Universitaires de France, 1994, 177; Jean-François Auby, Les obsèques en France, Paris, Presses Universitaires de France, 1997; Hélène Popu, « Le respect des dernières volontés : de l’organisation des funérailles à la cryogénisation » [2005] 22 Defrénois 31770; Christine Morin, « Respect du corps après le décès » dans JurisClasseur Québec : personnes et famille, feuilles mobiles (mise à jour 11), Montréal, LexisNexis Canada, à jour au 1er juillet 2014, fasc 5; Charles Bahurel, Les volontés des morts : vouloir pour le temps où l’on ne sera plus, Issy-les-Moulineaux, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 2014.
[23] Prière de l’Angelus, Répons 1, tel que citée dans Jean Savatier, « Et in hora mortis nostrae : le problème des greffes d’organes prélevés sur un cadavre » [1968] D Chron 89.
[24] La détermination de la frontière temporelle de l’existence juridique au moment de son évanouissement revêt plus largement une utilité sociale au regard notamment des prélèvements et greffes d’organes ou de tissus. Pour un traitement en droit comparé, voir Robert P Kouri et Suzanne Philips-Nootens, L’intégrité de la personne et le consentement aux soins, 3e éd, Cowansville (Qc), Yvon Blais, 2012 au para 144.
[25] Voir notamment Baudouin et Blondeau, supra note 6 à la p 19 (« les victoires et les conquêtes sur le terrain de la mort sont si percutantes qu’elles ravivent avec elles un vieux mythe ou un fantasme secret, enfoui au cœur de l’humanité depuis des millénaires : le rêve d’immortalité »).
[26] Voir notamment Jean Hauser, « Personnes et droits de la famille » [2000] RTD civ 79 à la p 79 (« [a]u temps où l’on mourait simplement notre heure venait toute seule. Désormais nous ne mourons, sauf pour les plus favorisés que Jupiter accepte de foudroyer, que quand la science en décide ainsi et il suffit alors que les intérêts s’y mettent pour qu’il devienne finalement très difficile de mourir »). Voir aussi Xavier Daverat, « Dissertation sur les revenants en corps et le droit des personnes » dans Mélanges en l’honneur du professeur Jean Hauser, Paris, LexisNexis et Dalloz, 2012, 25 (l’auteur explore avec humour l’hypothèse de la création de « vampires » par le droit français contemporain).
[27] Voir par ex Xavier Labbée, « Mort » dans Denis Alland et Stéphane Rials, supra note 4, 1046 à la p 1046 (l’auteur définit la mort « comme un fait juridique pouvant être qualifié de terme incertain, et qui a pour effet de retirer la qualité de sujet de droits à l’être désormais sorti de la scène juridique » [nos italiques]); Gérard Cornu, dir, Vocabulaire juridique, 10e éd, Paris, Presses Universitaire de France, 2014, sub verbo « décès » (« [m]ort naturelle, terme de la vie qui marque la fin de la personnalité, fait doté d’effets juridiques essentiels » [nos italiques]); Me Hubert Reid avec la collaboration de Me Simon Reid, Dictionnaire de droit québécois et canadien, 5e éd, Montréal, Wilson & Lafleur, 2015, sub verbo « décès » (« [m]ort naturelle d’une personne »). Voir aussi Labbée, La condition juridique du corps humain, supra note 9 aux pp 23–24.
[28] JL Baudouin, « L’incidence de la biologie et de la médecine moderne sur le droit civil » (1970) 5:2 RJT 217 à la p 225 [Baudouin, « Incidence »].
[29] Christian Dugas de la Boissonny, « Quelques réflexions sur la perception de la mort du Moyen Âge à nos jours » dans Bruno Py, dir, La mort et le Droit, Nancy, Presses Universitaires de Nancy, 2010, 115 à la p 119. Voir aussi LM Raymondis, « Problème juridique d’une définition de la mort : à propos des greffes d’organes », [1969] RTD civ 29 à la p 33 (« [l]e Code civil ne prêtait aucun rôle au médecin dans le vis-à-vis avec le problème de la mort »).
[30] CE, 2 juillet 1993, Milhaud, [1993] RCE 194, [1993] JCP G II 22133 (note Pascale Gonod), [1994] D Jur 74 (note Jean-Marc Peyrical).
[31] Voir Décret no 78-501 du 31 mars 1978 pris pour l’application de la loi du 22 décembre 1976 relative aux prélèvements d’organes, JO, 4 avril 1978, 1497 [Décret sur les prélèvements d’organes].
[32] Voir Décret no 96-1041 du 2 décembre 1996 relatif au constat de la mort préalable au prélèvement d’organes, de tissus et de cellules à des fins thérapeutiques ou scientifiques et modifiant le code de la santé publique, JO, 4 décembre 1996, 17615; Décret n° 97-306 du 1 avril 1997 relatif aux conditions d’autorisation des établissement de santé effectuant des prélèvement d’organes et de tissus à des fins thérapeutiques et modifiant le code de la santé publique (deuxième partie : Décrets en Conseil d’État), JO, 6 avril 1997, 5272.
[33] Décret sur les prélèvements d’organes, supra note 31, art 21.
[34] Voir B Portnoi, « À propos de la définition légale de la mort », (1988 1er sem) Gaz Pal Doctr 301 (l’auteur affiche cependant sa circonspection à l’égard d’une telle alliance).
[35] Voir Juris-classeur civil, art 16–16-14, fasc 70 par Bernard Beigner et Yann Puyo aux nos 6–9.
[36] Bruno Py, « Le médecin et l’agonie » dans Py, supra note 29, 271 à la p 272. Voir aussi Marie-France Callu, « Autour de la mort : variations sur “Madame se meurt, Madame est morte” » [1999] RTD civ 313 (l’auteure propose une distinction entre les états de moribond, mourant et gisant).
[37] Voir Gilles Lebreton, « Le droit, la médecine et la mort », [1994] D Chron 352 à la p 354 (« [c]’est […] à l’ensemble de la conscience collective, et non aux seuls experts ès sciences de la vie, de trancher les problèmes éthiques »); Christian Byk, « Médecine et droit : le devoir de conscience », (1996) 27:3 RGD 323 à la p 348 (l’auteur analysant « [l]’emprise du droit sur la médecine » à travers la relation qui se noue entre le praticien et son patient, et affirme que « [l]e droit conforte ainsi [l]e mutuel respect tout en permettant aux obligations qu’il implique d’évoluer en fonction des réalités de notre époque »). Voir aussi Christian Byk, « Vers de nouvelles frontières du corps? Le mariage imparfait du corps et du droit » dans Benoît Moore, dir, Mélanges Jean-Louis Baudouin, Cowansville (Qc), Yvon Blais, 2012, 17.
[38] Voir Yann Favier, Encyclopédie juridique Dalloz : Répertoire de droit civil, « Actes de l’état civil » par Yann Favier aux nos 165–95.
[39] Voir art 78 C civ : « L’acte de décès sera dressé par l’officier de l’état civil de la commune où le décès a eu lieu, sur la déclaration d’un parent du défunt ou sur celle d’une personne possédant sur son état civil les renseignements les plus exacts et les plus complets qu’il sera possible ».
[40] Voir art L 2223-42 al 1 Code général des collectivités territoriales : « L’autorisation de fermeture du cercueil ne peut être délivrée qu’au vu d’un certificat, établi par un médecin, attestant le décès ».
[41] Voir arts 122–23 CcQ (le législateur se contente d’exiger la constatation de la mort par un médecin ou, à défaut, par deux agents de la paix).
[42] Pour les paramètres de détermination de la mort, voir notamment « Guidelines for the Diagnosis of Brain Death » (1987) 136:2 Can Medical Assoc J 200A. Voir aussi E Deleury, « Naissance et mort de la personne humaine ou les confrontations de la médecine et du droit » (1976) 17:2 C de D 265 à la p 309 et s [Deleury, « Naissance »] (l’auteure traite des critères permettant de conclure et de déterminer le moment de l’instant de la mort cérébrale, puisque « [c]e n’est pas le concept [de mort cérébrale] en soi mais plutôt la question du diagnostic qui soulève des divergences d’opinions [de la part des autorités médicales] » à la p 309).
[43] Voir Québec, Ministère de la justice, Commentaires du ministre de la Justice : le Code civil du Québec, t 1, Québec, Publications du Québec, 1993, à la p 40 [Commentaires du ministre] (« [i]l n’a pas été jugé opportun de donner une définition de la mort; celle-ci est un fait dont l’appréciation relève de critères autres que juridiques. D’ailleurs, une telle définition n’aurait pu qu’être provisoire, compte tenu de l’évolution de la science » [nos italiques]). Voir aussi Canada, Commission de réforme du droit du Canada, Les critères de détermination de la mort, 15e rapport, Ottawa, Commission de réforme du droit du Canada, 1981; Direction des affaires juridiques, Association québécoise d’établissements de santé et de services sociaux, « Les exigences reliées à la détermination de la mort », avis juridique, avril 2006 [non publié] [AQESSS, « Exigences reliées à la détermination de la mort »]. D’ailleurs, une modification à la Loi d’interprétation avait été proposée par l’ajout d’un article traitant spécifiquement des critères de la mort (LRC 1985, c I-21). Le libellé de cet article avait été proposé comme suit :
Article 28A — Critères de la mort
Pour toutes les fins qui sont de la compétence du Parlement du Canada :
(1) une personne décède au moment où elle subit une cessation irréversible de l’ensemble de ses fonctions cérébrales.
(2) la cessation irréversible des fonctions cérébrales peut être constatée à partir de l’absence prolongée de fonctions circulatoire et respiratoire spontanées.
(3) lorsque l’utilisation de mécanismes de soutien rend impossible la constatation de l’absence prolongée des fonctions circulatoire et respiratoire spontanées, la cessation irréversible des fonctions cérébrales peut être constatée par tout moyen reconnu par les normes de la pratique médicale courante.
Cependant, bien qu’il guide depuis le monde tant médical que juridique, ce projet de définition n’a jamais été introduit dans un texte de loi au Canada (AQESSS, « Exigences reliées à la détermination de la mort », supra note 43 à la p 1).
En doctrine, voir notamment Robert P Kouri, « Réflexions sur la nécessité d’une définition de la mort » (1983) 13:2 RDUS 447. Pour une opinion en faveur d’une « utilité probable d’une définition légale uniforme », voir Deleury et Goubau, supra note 8 au para 25. Contra Kouri et Philips-Nootens, supra note 24 aux para 170–74.
[44] Deleury, « Naissance », supra note 42 à la p 311.
[45] Baudouin, « Incidence », supra note 28 à la p 225.
[46] Voir arts 111–17 CcQ (« Des actes de naissance »); art 122–128 CcQ (« Des actes de décès »).
[47] Héleine, supra note 6 à la p 79.
[48] [2005] RJQ 1165, JE 2005-805 (CS) [Leclerc], autorisation de pourvoi à la CA refusée, [2005] JQ no 24500 (QL). Cette affaire sous-tend la présomption de décès simultané en matière successorale lorsque les personnes, dont au moins l’une d’elles est appelée à la succession de l’autre, décèdent sans qu’il soit possible d’établir laquelle a survécu à l’autre (art 616, al 1 CcQ). En doctrine, voir Kouri et Philips-Nootens, supra note 24 au para 169; Deleury et Goubau, supra note 8 au para 25.
[49] Leclerc, supra note 48 au para 67.
[50] Voir Loi sur les statistiques de l’état civil, CPLM 1987, c V-60, art 2 (« [p]our tout ce qui relève de la compétence législative de la Législature du Manitoba, le décès d’une personne a lieu au moment où se produit une cessation irréversible de toutes les fonctions cérébrales de cette personne »).
[51] Voir Human Organ and Tissue Donation Act, SNS 2010, c 36, art 2(j) (« “death” means the irreversible cessation of the functioning of the organism as a whole as determined by the irreversible loss of the brain’s ability to control and co-ordinate all of the organism’s critical functions »).
[52] Baudouin, « Incidence », supra note 28 à la p 228. Voir aussi Baudouin, « Corps humain », supra note 22 aux pp 398–399. Bien que ces textes aient été écrits dans les années 1970, les réflexions soulevées demeurent pertinentes à l’heure actuelle.
[53] Voir Baudouin, « Incidence », supra note 28 à la p 228; Mayrand, L’inviolabilité, supra note 6 aux pp 166–67; Héleine, supra note 6 aux pp 59–60; Deleury, « Naissance », supra note 42 à la p 309 et s; Kouri et Philips-Nootens, supra note 24 au para 141 et s; Christine Morin, supra note 22 au para 23.
[54] Voir Leclerc, supra note 48 au para 52 (« [c]ertes et maintenant tous le reconnaissent, la mort cérébrale équivaut à la mort de l’être humain, mais encore faut-il qu’il s’agisse d’une mort cérébrale complète, c’est-à-dire une cessation de toutes les activités cérébrales incluant celles du tronc cérébral et non seulement celles du cortex cérébral »). À titre de synthèse, la mort pourrait correspondre à une défaillance complète et irréversible des fonctions cérébrales, soit la perte irréversible de la conscience, associée à la perte irréversible de toutes les fonctions du tronc cérébral qui maintiennent des signes vitaux tels la respiration ou le rythme cardiaque (majoritaire); soit la cessation irréversible de toute faculté de communication, soit la mort néo-corticale ou mort du cortex cérébral (incidence sur personnes en état neurovégétatif permanent et les anencéphales).
[55] En outre, la mort est dotée d’effets qui sont tantôt extinctifs : dissolution du régime matrimonial (voir art 465(1) CcQ; art 227(1) C civ); tantôt dévolutifs : ouverture de la succession et saisine des héritiers (arts 613, al 1, 625 CcQ; arts 720, 724 al 1 C civ).
[56] Par extension, voir Gaële Gidrol-Mistral et Anne Saris, « La construction par la doctrine dans les manuels de droit civil français et québécois du statut juridique de l’embryon humain. Volet 1 : la maxime “infans conceptus” » (2013) 43:1-2 RDUS 209.
[57] Antoine Leca, « Corpus id est persona? Réflexions à propos de la situation juridique du corps humain » dans O Tholozan et al, dir, Les cahiers de droit de la santé du sud-est : juridiques, historiques et prospectifs, t 2, Aix-en-Provence, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2004, 37 à la p 66 citant Philippe Pedrot, « Aux deux seuils de la vie » [2001] (hors-série) D 69 à la p 77.
[58] Bras Miranda, « Protection posthume », supra note 17 à la p 819. Voir aussi Générosa Bras Miranda, « Les fantômes ont-ils des droits? » dans Centre de recherche en droit privé et comparé du Québec, Regards croisés sur le droit privé, Cowansville (Qc), Yvon Blais, 2008, 83 à la p 98 [Bras Miranda, « Les fantômes »].
[59] Mayrand, L’inviolabilité, supra note 6 aux pp 151–52. Voir aussi Héleine, supra note 6 à la p 45.
[60] Voir Bras Miranda, « Les fantômes », supra note 58.
[61] Jean-Pierre Gridel, « L’individu juridiquement mort » [2000] D 266-6 à la p 266-7. Voir aussi Françoise Ringel et Emmanuel Putman, « Après la mort… » [1991] D Chron 241. Il s’agit d’une analyse du statut juridique du corps humain qui peut se prévaloir tant de la tradition que de la modernité occidentale. Cette voie originale, fondée sur l’articulation de catégories du droit romain, telles que celle de personne conditionnelle, résiduelle et celle des choses sacrées, est proposée par Antoine Leca, supra note 57 à la p 58.
[62] Il s’agit d’une thèse proposée (mais réfutée, car le droit positif ne peut admettre de catégorie intermédiaire entre les personnes et les choses) par René Demogue, « La notion de sujet de droit : caractères et conséquences » [1909] RTD civ 611. Pour l’auteur, il n’y a
aucune raison pour que la qualité de sujet de jouissance soit limitée aux hommes actuellement vivants. Cette conception terre à terre peut être abandonnée parce qu’il y a intérêt à le faire et dans la mesure où il y a utilité à agir ainsi. […] Si ces solutions se groupent mieux autour de cette idée technique, que les morts sont des demi-personnes juridiques, qu’ils sont sujets de droit, dans une mesure à déterminer, comme celle de leurs intérêts moraux personnels, nous ne voyons pas pourquoi cette idée ne serait pas admise, sauf à la réviser, à la préciser, quand les solutions qu’elles groupent, ou qu’on en déduit, paraissent peu satisfaisantes (ibid à la p 631).
[63] Voir Edith Deleury, « Une perspective nouvelle : le sujet reconnu comme objet de droit » (1972) 13:4 C de D 529 [Deleury, « Une perspective nouvelle »]; Édith Deleury, « La personne en son corps : l’éclatement du sujet » (1991) 70:3 R du B can 448 [Deleury, « L’éclatement du sujet »].
[64] Marcel Planiol, Traité élémentaire de droit civil, t 1, 2e éd, Paris, F Pichon, 1901, au para 383. Voir toutefois Marcel Planiol, Traité élémentaire de Droit civil, revu et complété par Georges Ripert avec le concours de Jean Boulanger, 3e éd, t 1, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1942 au para 411 (nuançant cette affirmation). Voir aussi Norbert Rouland, L’anthropologie juridique, 2e éd corr, Paris, Presses Universitaires de France, 1995 à la p 4 (pour l’auteur, cette formulation traduit en réalité « la négation d’un monde surnaturel »).
[65] Voir notamment Jean Carbonnier, Droit civil, t 1, Paris, Presses Universitaires de France, 2004 au para 206 (« cette vérité est si affreuse que l’on s’efforce de la dissimuler »).
[66] Voir Philippe Raimbault, « Le corps humains après la mort : quand les juristes jouent au “cadavre exquis”… » (2005) 61:3 Dr et soc 817 à la p 838 (« [e]ntre l’impossible personnification et l’effrayante réification, le droit cherche toujours à établir un équilibre des souverainetés individuelle et collective »).
[67] Voir notamment François Terré et Dominique Fenouillet, Droit civil : les personnes, 8e éd, Paris, Dalloz, 2012 au para 31 (« la mort cérébrale marque la fin de la personnalité juridique et le passage de l’état de personne à celui de chose »); Encyclopédie juridique Dalloz : Répertoire de droit civil, « État et capacité des personnes » par Inès Gallmeister au n° 57.
[68] Voir toutefois Demogue, supra note 62 à la p 614.
[69] Voir Centre de Recherche en droit privé et comparé du Québec, Dictionnaire de droit privé et lexiques bilingues : les obligations, Cowansville (Qc), Yvon Blais, 2003, sub verbo « chose » (« 1.(Biens) Objet matériel. “[…] même les choses matérielles (les biens corporels), le droit ne les considère pas tant d’après leurs caractères physiques que d’après leur utilisation pour les besoins des hommes — non pas tant naturaliter que commercialiter” » [référence omise]).
[70] Voir toutefois Henri Roland, Lexique juridique des expressions latines, 6e éd, Paris, LexisNexis, 2014, sub verbo « res sacrae » (« [d]ésigne les édifices religieux ainsi que leur dépendance immobilière et les objets mobiliers qui les garnissent »).
[71] Voir Johanne Clouet et Mariève Lacroix, « De l’“être” vers l’“avoir été” : muabilité du corps humain au moment du décès » (2010) 15:2 Lex Electronica 1 à la p 8; Ejan Mackaay et Stéphane Rousseau, Analyse économique du droit, 2e éd, Paris, Dalloz, 2008 au para 884. Voir aussi Carbonnier, Droit civil, t 2, supra note 65 au para 970 (« les choses qui ne sont pas dans le commerce (extra commercium) sont celles qu’un interdit prononcé par la société a retirées du domaine des opérations entre personnes privées »).
[72] Baudouin, « Corps humain », supra note 22 à la p 398. Voir aussi Nicholas Kasirer, « La mort du positivisme? L’exemple du cimetière » dans Bjarne Melkevik, dir, Transformation de la culture juridique québécoise, Presses de l’Université Laval, 1998, 199 à la p 206.
[73] Mayrand, « Droits relatifs aux funérailles », supra note 22 à la p 126.
[74] Deleury et Goubau, supra note 8 au para 162.
[75] Voir notamment Labbée, La condition juridique du corps humain, supra note 9 à la p 243 (l’auteur étudie les différentes implications de la qualification de « chose » relativement au corps humain et notamment au cadavre).
[76] Voir notamment Jean-Pierre Baud, L’affaire de la main volée : une histoire juridique du corps, Paris, Seuil, 1993 à la p 31 (« le cadavre est une chose sacrée »); Isabelle Moine, Les choses hors commerce : une approche de la personne humaine juridique, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1997 au para 575 (« le cadavre est une chose, mais trace de l’existence d’un être vivant, et porteuse de mémoire »); Stéphane Prieur, La disposition par l’individu de son corps, Bordeaux, Études Hospitalières, 1999 au para 70 (« [l]e cadavre a toujours une dignité en ce qu’il est l’enveloppe d’un être humain »); Grégoire Loiseau, « Typologie des choses hors du commerce » [2000] RTD civ 47 au para 8 (« l’individu décédé, même s’il doit faire l’objet d’une protection particulière, n’est plus une personne » [note omise]); Grégoire Loiseau, « Pour un droit des choses » [2006] D 3015 au para 6 (« [q]ue le défunt ne soit plus une personne et que son cadavre soit une chose, chacun est bien conscient du changement juridique qui s’opère au décès. Mais, aussitôt, pour cette chose, il est d’abord question de respect » [note omise]); Amandine Cayol, « Avant la naissance et après la mort : l’être humain, une chose digne de respect » (2011) 9 Cahiers recherche sur dr fondamentaux 117 à la p 124 (« [s]’il est une chose, le cadavre est néanmoins digne de respect. La mémoire des défunts peut être protégée, sur le fondement du respect dû à la dignité humaine » [note omise]).
[77] Voir notamment Thierry Pech, « La pierre et la cendre : pour une anthropologie du droit de la sépulture » (1999) 37:1 Dr et cultures 229 à la p 229 (« le cadavre est une chose, mais une chose dont il reste à définir le régime » [note omise]).
[78] Voir Deleury, « L’éclatement du sujet », supra note 63.
[79] Voir notamment Raimbault, supra note 66 aux pp 819–20 (l’auteur affirme que les questions relatives à l’appréhension juridique du cadavre « doivent être complètement reconsidérées pour tenir compte des progrès exponentiels de la médecine qui rendent la frontière entre la vie et la mort encore plus floue, mais aussi de certaines évolutions sociales, comme la moindre homogénéité des sociétés contemporaines, notamment au plan religieux » [notes omises]); Vincent Ortet, « Le respect de la dépouille mortelle en droit français » dans Anne-Marie Duguet, dir, Le respect du corps humain pendant la vie et après la mort, droit, éthique et culture, Bordeaux, Études Hospitalières, 2005, 167 à la p 175 :
La ligne de démarcation est celle qui sépare l’intérieur de l’extérieur : à l’intérieur l’homme, la personne; à l’extérieur la matière, les choses, la propriété. Cette fictivité de la notion de personne physique s’est mise à poser problème lorsque le corps fit son apparition sur la scène juridique notamment en tant que ressource biologique […] et ce indépendamment de toute référence à la personne.
[80] Voir toutefois Akpinar et Altun c Turquie, n° 56760/00, (27 février 2007). Selon les juges européens, « la qualité d’être humain s’éteint au décès et que, de ce fait, la prohibition des mauvais traitements ne s’applique plus à des cadavres » (ibid au para 82).
[81] Voir Loi no 2008-1350 du 19 décembre 2008 relative à la législation funéraire, JO, 20 décembre 2008, 19538, art 11 [Loi no 2008-1350].
[82] Voir Xavier Labbée, « Souviens-toi que tu es poussière : à propos de la loi du 19 décembre 2008 » [2009] JCP G Act 34, 3 à la p 3 (pour l’auteur, le législateur « dicte en trois mots le comportement que les vivants doivent avoir face [aux cadavres] »).
[83] Voir Grégoire Loiseau, « Mortuorum corpus : une loi pour le respect » [2009] D 236 à la p 236 [Loiseau « Mortuorum corpus »] (« [l]es termes utilisés — respect, dignité, décence — sont alors ostensiblement la reprise de ceux que l’on emploie à propos de l’être humain vivant »). Voir aussi art 16 et s C civ.
[84] Beignier et Puyo, supra note 35 au no 1. Voir aussi Bernard Beignier, « Le respect dû aux morts n’est pas mort… » [2001] 1 Dr famille Comm 9 (« [l]e respect de la sépulture, qui constitue le prolongement du respect dû à la personne humaine, confère à celle-ci un caractère inviolable et immuable »).
[85] Voir notamment Sylvie Bernigaud, « L’inappropriable, controverse à propos du corps humain et de ses éléments » dans Landheer-Cieslak et Langevin, supra note 12, 31 à la p 51 (« [l]a dépouille mortelle relève aussi du principe de la dignité de la personne, encore qu’il faudrait davantage évoquer ici le principe de la dignité du corps humain » [notes omises]). Comparer Muriel Fabre-Magnan, « Le statut juridique du principe de dignité » (2013) 58:2 Droits 167 à la p 177 (l’auteure propose de reconnaître « [qu’]il doit exister une protection de la personne humaine intangible et inviolable, et le terme de dignité devrait être réservé à ce noyau dur, puisqu’il existe d’autres noms pour désigner le reste »).
[86] Voir Cornu, supra note 16 à la p 1908 (« le corps reste, après la mort, fortement déterminé par le respect dû à la personne »).
[87] Voir Bras Miranda, « Protection posthume », supra note 17 à la p 819.
[88] Deleury et Goubau, supra note 8 au para 26.
[89] LRC 1985, c C-46.
[90] Voir Commentaires du ministre de la Justice, supra note 43 à la p 37 (« [l]e droit d’une personne à la sauvegarde de sa dignité même après sa mort : son corps doit être l’objet de soins particuliers »). Voir aussi Deleury et Goubau, supra note 8 au para 26.
[91] Héleine, supra note 6 à la p 45.
[92] Voir généralement Jean-Louis Baudouin, « L’influence religieuse sur le droit civil du Québec » (1984) 15:3 RGD 563.
[93] Voir le prologue, ci-dessus, pour l’acception large retenue du concept de dignité. Voir aussi Jean Goulet, « Un requiem des choses sacrées : un commentaire sur la disparition des choses sacrées au Code civil du Québec » dans Ernest Caparros, dir, Mélanges Germain Brière, Montréal, Wilson & Lafleur, 1993, 383.
[94] Supra note 10.
[95] Ibid, notes explicatives.
[96] Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, communiqué, « Le ministre Gaétan Barrette dépose un nouveau projet de loi sur les activités funéraires » (22 octobre 2015), en ligne : <www.msss.gouv.qc.ca/documentation/salle-de-presse>.
[97] Loi sur les activités funéraires, supra note 10, art 2(1).
[98] Voir notamment Pech, supra note 77; Hélène Popu et Jean-Philippe Tricoit, « Le partage des cendres » [2004] 19 Defrénois 1285; Xavier Labbée, « L’urne au fond du jardin : quel statut pour les cendres? » [2008] JCP G Act 239; Hélène Popu, « Destination et protection des cendres funéraires » [2009] 4 Defrénois 410; Damien Dutrieux, « Destination des cendres : un opportun rappel du ministre de l’Intérieur » [2010] JCP N 1326; Patrick Mistretta, « Cadavre : un statut en cendres? » dans Py, supra note 29, 239; Judith Rochfeld, Les grandes notions du droit privé, 2e éd, Paris, Presses Universitaires de France, 2013 aux pp 63–64.
[99] Loi sur les activités funéraires, supra note 10, art 4.
[100] Ibid, art 71.
[101] Code de déontologie des coroners, RLRQ c R-0.2, r 1.
[102] Pech, supra note 77 à la p 241. Voir aussi Guillaume Fontanieu, Le respect des mémoires : une approche dynamique des objets et restes humains conservés dans des institutions publiques, mémoire de Master 2 en recherche en droit comparé, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2011 à la p 30 et s [non publié].
[103] Voir notamment Arnaud Montas, « Entre “être” et “ avoir”, le corps humain est-il vénal? » (2006) 31:4 RRJ 2245 aux pp 2247–48, 2251, 2253–54, 2260.
[104] Voir Dierkens, supra note 9 au para 7 (« [l]e cadavre a un statut qui lui est propre, déterminé, en ordre principal, par des traditions de respect et de piété, basées sur un culte des morts très ancien mais toujours vivace » [italiques dans l’original]); Eric H Reiter, « Rethinking Civil-Law Taxonomy: Persons, Things, and the Problem of Domat’s Monster » (2008) 1 J Civil L Studies 189 aux pp 203–11.
[105] Voir Marie-Ève Arbour et Mariève Lacroix, « Le statut juridique du corps humain ou l’oscillation entre l’objet et le sujet de droit » (2009-10) 40:1-2 RDUS 231. Voir aussi Clouet et Lacroix, supra note 71.
[106] Voir Raimbault, supra note 66 à la p 838.
[107] Deleury et Goubau, supra note 8 au para 88.
[108] Voir Ringel et Putman, supra note 61 à la p 242 (les auteurs mettent en lumière « la tendance de notre droit à faire de cette mémoire le rempart des vivants »).
[109] On peut penser à certains droits de la personnalité dont le cadavre serait titulaire, tels que le droit à l’image, le droit au repos éternel, le droit au secret, le droit à l’intégrité physique. À propos du droit à l’image, voir notamment Nathalie Chalifour, « Y a-t-il un droit à l’image après la mort? » dans Service de la formation permanente du Barreau du Québec, Développements récents en droit du divertissement, vol 192, Cowansville (Qc), Yvon Blais, 2003, 149.
[110] Labbée, La condition juridique du corps humain, supra note 9 à la p 182.
[111] Ibid à la p 185.
[112] Ibid à la p 186. En revanche, une voie de recours est permise aux héritiers pour redresser des situations où il y a violation d’un droit de la personnalité avant le décès de la personne. Il est possible d’imaginer la transmission de l’action qui sera alors menée, par les héritiers, au nom du défunt. En principe intransmissible, les héritiers ne peuvent invoquer de leur propre chef une atteinte à un droit de la personnalité du défunt. Le Code civil du Québec permet cependant la transmissibilité des droits d’action du défunt contre l’auteur d’une violation à l’un de ses droits de la personnalité, que ce droit ait été ou non exercé par le défunt avant son décès (voir arts 625, al 3, 1610, al 2 CcQ). En effet, la victime devient créancière de dommages-intérêts. À son décès, sa créance, qui fait partie de son patrimoine, va se transmettre. Les héritiers du défunt pourront alors demander réparation au tribunal, en rapportant la preuve du préjudice que le défunt a personnellement subi.
À l’appui, il est impératif de relever la teneur de l’article 35 CcQ (« [t]oute personne a droit au respect de sa réputation et de sa vie privée. Nulle atteinte ne peut être portée à la vie privée d’une personne sans que celle-ci y consente ou sans que la loi l’autorise »), modifié en 2002 en vertu du PL 50, Loi modifiant le Code civil et d’autres dispositions législatives, 2e sess, 36e lég, Québec, 2002 (sanctionnée le 13 juin 2002), LQ 2002, c 19, art 2 (« [l]’article 35 de ce code est modifié par le remplacement, dans le deuxième alinéa, des mots « ou ses héritiers y consentent » par les mots « y consente »). Voir aussi Saris et Acem, « Le sort du cadavre », supra note 16 aux pp 127–33.
[113] Labbée, La condition juridique du corps humain, supra note 9 aux pp 186–87.
[114] Baudouin, « Incidence », supra note 28 à la p 223.
[115] RLRQ, c L-0.2, r 1 [Règlement d’application de la Loi sur les laboratoires médicaux].
[116] L’administration d’un cadavre appartient au conjoint et aux proches parents (voir notamment Lambert c Dumais, [1942] BR 561 à la p 570, 1942 CarswellQue 77 (WL Can); Pharand c Herman (1944), [1945] BR 265 aux pp 269–70, 1944 CarswellQue 103 (WL Can)).
[117] (1908), 33 CS 483.
[118] (1933) 71 CS 377, 1933 CarswellQue 213 (CS) (WL Can).
[119] (1941), 47 RL (ns) 408 (CS) [Brouillette avec renvois à la RL (ns)], inf par [1943] BR 441, [1943] RL 83.
[120] Brouillette, supra note 119 à la p 419, juge Forest.
[121] Baudouin, « Incidence », supra note 28 à la p 223.
[122] Ibid.
[123] Ibid. Voir aussi Deleury, « Une perspective nouvelle », supra note 63 aux pp 543–44.
[124] Dierkens, supra note 9 au para 269.
[125] Bras Miranda, « Protection posthume », supra note 17 à la p 818. Pour une reconnaissance du droit au respect de la vie familiale protégé dans la Charte québécoise, voir Mariève Lacroix, « L’atteinte à la vie familiale au Québec : premier mouvement » (2015) 45:2 RGD 443; Mariève Lacroix, « L’atteinte à la vie familiale est la violation d’un droit de la personnalité au Québec : second mouvement » (2016) 46:1 RGD 5.
[126] Bras Miranda, « Protection posthume », supra note 17 à la p 808. Pour une dissociation entre les notions d’intérêt et de droit, voir Mariève Lacroix, « Le dommage en matière de responsabilité civile extracontractuelle : continuum de la lésion d’un intérêt à la lésion d’un droit » (2012) 46:2 RJT 293.
[127] Bras Miranda, « Protection posthume », supra note 17 aux pp 818–19.
[128] Roy c Turgeon, (1886) 12 QLR 186 à la p 186.
[129] (1890), 18 RL 705 (CS) [Huot]. Voir aussi Chiniquy v Bégin (1912), 42 CS 261, 7 DLR 65, conf en partie par (1915), 24 BR 294, 24 DLR 687.
[130] Huot, supra note 129 à la p 713.
[131] Voir ibid à la p 714.
[132] [1983] CS 875, 1983 CarswellQue 676.
[133] Ibid à la p 876.
[134] Ibid à la p 880.
[135] Voir Decelles c International Shows, Limitée, (1921) 59 CS 374, 1920 CarswellQue 290 (WL Can).
[136] [1989] RRA 124 (CS), 49 CCLT 210 [Robert]. De façon générale, sur une transmission des droits extrapatrimoniaux aux héritiers, voir Torrito c Fondation Lise T pour le respect du droit à la vie et à la dignité des personnes lourdement handicapées, [1995] RDF 429 (CS), 1995 CarswellQue 2050 (WL Can) (règlement hors cour). En l’espèce, la Cour supérieure décide que les héritiers d’une enfant décédée jouissent des droits que l’enfant possédait à l’égard de sa vie privée, de l’usage de son nom, de son image et le reste. Contra Coulombe c Montréal (Ville de), [1996] RRA 1224 (CS), 1996 CarswellQue 2302 (WL Can) (requête pour exécution de jugement accueillie; désistement d’appel).
[137] Robert, supra note 136 à la p 127. Voir aussi Bernier c Yager, [1946] CS 360, 1946 CarswellQue 152 (WL Can).
[138] [2005] JQ no 5943 (QL), EYB 2005-90319 (REJB).
[139] Ibid au para 64.
[140] Voir ibid au para 65.
[141] Voir Claude Lombois, « De l’autre côté de la vie » dans Beauchard et Couvrat, supra note 22, 285 à la p 295 (« [l]a mort ne dispose que pour l’avenir. Nul ne peut rien contre ce fait : qu’un sujet de droits fut et qu’on ne sait trop ni si ni comment tous ses droits meurent avec lui »). Voir aussi Encyclopédie juridique Dalloz : Répertoire de droit civil, « Personnalité (Droits de la) » par Agathe Lepage au no 156–63.
[142] Ringel et Putman, supra note 61 à la p 243.
[143] Trib civ Seine, 16 juin 1858, [1858] D III 62 à la p 62.
[144] Ibid.
[145] Bernard Beignier, « La vie privée : un droit des vivants » [2000] D Jur 372, à la p 373.
[146] Trib gr inst Paris, 11 janvier 1977, [1977] JCP G II 18711 (observations Didier Ferrier). Toutefois, comme le souligne le commentateur de l’arrêt, c’est surement « la conscience de la fragilité de ce concept de la vie privée post mortem qui a poussé le juge des référés à rechercher d’autres fondements à son intervention », et à affirmer que « nul ne peut, sans le consentement de la famille, reproduire et livrer à la publicité les traits d’une personne sur son lit de mort, quelle qu’ait été la célébrité du défunt » (ibid). Voir aussi Cass crim, 9 juillet 1980, [1981] D Jur 72 (note Raymond Lindon). Dans l’affaire Jean-Michel Caradec, les juges accordent à la famille du célèbre auteur-compositeur, des dommages et intérêts en raison de la publication d’une photo du défunt, sur son lit de mort, dans un magazine, sans l’autorisation de son épouse (voir CA Paris, 26 avril 1983, [1983] D Jur 376 (note Raymond Lindon)). Dans l’affaire relative à l’humoriste Coluche, les juges du fond décident que « nul ne peut, sans le consentement de la famille, reproduire et livrer à la publicité les traits d’une personne sur son lit de mort, quelle qu’ait été la célébrité du défunt; l’image d’une personne constitue, en effet, un élément de sa personnalité qui mérite protection par delà la mort » (Trib gr inst Paris, 31 mai 1989, [1989] JCP G Act 101776).
[147] Trib gr inst Paris, 13 janvier 1997, [1997] D Jur 255 à la p 256 (note Bernard Beignier) (« le principe n’emporte pas la conviction. Qu’on le veuille ou non, c’est faire jurer les mots que de parler d’une “vie privée” d’un “mort” » à la p 257).
[148] Cass civ 1re, 14 décembre 1999, (1999) Bull civ I 222, no 345, no 97-15.756, [2000] 17 D Jur 372 (note Bernard Beignier), [2000] JCP G II 10241 (conclusions Cécile Petit), (2000) 101 Petites Affiches 8 (annotation Stéphane Prieur). Comparer Cass crim, 20 octobre 1998, (1998) Bull crim 765, n° 264, [1999] JCP G II 10044 (note Grégoire Loiseau), où les juges affirment que « la fixation de l’image d’une personne, vivante ou morte, sans autorisation préalable des personnes ayant pouvoir de l’accorder, est prohibée » (à la p 768).
[149] Voir Cass civ 2e, 8 juillet 2004, (2004) Bull civ II 329 à la p 329, no 390, [2004] RTD civ 714 (chronique Jean Hauser), (2005) 134 Dr et pat 129 (observations Gréroire Loiseau) : en l’espèce les juges rapportent une publication comportant « un article de M. Z… intitulé “Histoires des vieilles familles de A…”, consacré en partie aux membres de la famille X… ayant vécu entre 1725 et la première moitié du siècle suivant où il était fait référence à “deux époux ayant connu une longue vie d’errance et de misère et traversé une période assez agitée” et allusion à “des séparations, des mariages consanguins, des naissances hors mariage” au cours de la même période ».
[150] Voir Cass civ 1re, 15 février 2005, (2005) Bull civ I 76 à la p 76, no 86, (2006) 337 Gaz Pal 46 (note S Lasfargeas) (en l’espèce il est question « [d’]un disque sur la pochette duquel a été reproduite la photographie de Gérard Y… décédé en 1977 »).
[151] Voir Cass civ 1re, 4 février 2015, inédit, no 14-11.458, (2015) 113 R Lamy dr immatériel 16 (note Lionel Costes) (en l’espèce « la société Les Points Cardinaux, […] avait mis en vente une collection de bougies intitulée “Love it or burn it” à l’effigie du chanteur Michaël Jackson »).
[152] Jacques Ravanas, La protection des personnes contre la réalisation et la publication de leur image, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1978 au para 179.
[153] CA Paris, 24 février 1998, [1998] D Jur 225 à la p 225 (note Bernard Beignier). Le commentateur approuve le raisonnement développé dans le jugement qui « abandonne clairement [l]es errements exégétiques et se fonde avec plus de force sur la protection de la vie privée non pas du mort mais de sa famille, le respect de celle-ci commandant le respect de son deuil » (ibid à la p 226).
[154] Voir Jean Hauser, « Droit à l’image, vie privée, cadavre et nécessité de l’information », [2000] RTD civ 291 à la p 293 (« [l]e problème […] sera celui de rattacher le droit à la dignité à un cadavre alors qu’il ne saurait y avoir de droit subjectif. Mais si le droit au respect de la vie privée d’un cadavre était peu imaginable, le droit à la dignité pourrait s’appuyer tout autrement sur le souvenir de la personne » [italiques dans l’original]).
[155] Voir Bernigaud, supra note 85 à la p 51 (« [g]arantir le respect dû à la dépouille mortelle n’est pas contradictoire avec l’idée que celle-ci puisse faire l’objet d’un droit de propriété familiale et que l’on juge nécessaire ou non d’associer au respect dû aux morts, une protection posthume de la personnalité » [notes omises]).
[156] Cass civ 1re, 20 décembre 2000, (2000) Bull civ I 220 à la p 221, no 341, [2001] 3 R juridique personnes & famille 9 (note François Courtray), [2001] D 872 (note Jean-Pierre Gridel), [2001] D 1990 (observations Agathe Lepage), (2005) 134 Dr et pat 130 (observations Grégoire Loiseau), [2001] RTD civ 327 à la p 329 (chronique Jean Hauser), [2001] JCP G II 10488 (note Jacques Ravanas).
[157] Voir notamment Beignier et Puyo, supra note 35 au no 7 (ce qui justifie cette solution « ce n’est pas le respect évanescent des droits subjectifs d’une personne qui n’est plus sujet de droit mais le manque de décence pour les larmes et la douleur des vivants »).
[158] Voir notamment Cass civ 1re, 1er juillet 2010, (2010) Bull civ I 142, n° 151, [2010] D 2044 (note Pierre-Jérôme Delage); [2010] RTD civ 526 (chronique Jean Hauser); [2010] JCP G 942 (note Grégoire Loiseau); (2010) 273 Gaz Pal 15 (note Cédric Michalski); [2010] 11 R juridique personnes & famille 15 (note Emmanuel Putman) : la Cour de cassation approuve les juges du fond qui considèrent que la publication d’images mettant en scène le cadavre d’une personnes ayant subi des actes de torture est « contraire à la dignité humaine, elle constituait une atteinte à la mémoire ou au respect dû au mort et dès lors à la vie privée des proches ». Comparer Cass civ 2e, 4 novembre 2004, (2004) Bull civ II, 414 à la p 414, no 486, [2005] D 696 (note Isabelle Corpart), [2005] D 536 (note Hélène Gaumont-Prat), [2005] RTD civ 363 (chronique Jean Hauser) où, à propos de la publication de photos mettant en scène une victime d’accident de la route au corps mutilé, les juges décident que « [l]e principe de la liberté de la presse implique le libre choix des illustrations d’un débat général de phénomène de société sous la seule réserve du respect de la dignité de la personne humaine ». Voir aussi Cass civ 1re, 22 octobre 2009, (2009) Bull civ I 195, n° 211, [2010] RTD civ 79 (chronique Jean Hauser), [2010] 1 R juridique personnes & famille 19 (note Emmanuel Putman).
[159] Voir notamment Pierre-Jérôme Delage, « Respect des morts, dignité des vivants » [2010] D 2044 à la p 2047 [notes omises, italiques dans l’original] :
une telle tendance doit être sujette à critique : non pas qu’il s’agisse d’adopter la position de Planiol, ni même de suggérer que le corps humain, une fois le souffle de vie l’ayant abandonné, ne serait guère plus que cette “machine rompue” décrite par Descartes […]; mais bien qu’il s’agisse d’affirmer que, si le respect s’adresse indéniablement aux morts, la dignité, elle, doit demeurer l’exclusivité des vivants.
[160] Voir Cornu, supra note 16 à la p 1909 (« [u]ne fois rompu le lien familial, le corps humain retourne à une condition plus ordinaire »).
[161] Pech, supra note 77 à la p 238.
[162] Ringel et Putman, supra note 61 à la p 241.
[163] Nous évinçons de la présente analyse toute considération en lien avec la propriété affectée. Voir notamment Bernigaud, supra note 85. Selon l’auteure, lorsque « [l’]intérêt familial cesse de produire ses effets, l’appropriation publique de la dépouille mortelle est rendue possible » (ibid à la p 54). Elle appuie sa démonstration notamment sur l’art. L1 al. 1 du Code du patrimoine aux termes duquel « [l]e patrimoine s’entend, au sens du présent code, de l’ensemble des biens, immobiliers ou mobiliers, relevant de la propriété publique ou privée, qui présentent un intérêt historique, artistique, archéologique, esthétique, scientifique ou technique ».
[164] Voir le prologue, ci-dessus, pour l’acception large retenue du concept de dignité. Voir aussi Saris et Acem, « Le sort du cadavre », supra note 16 à la p 155.
[165] Kasirer, supra note 72 à la p 214. Pour une signification du terme « sacré », voir notamment ibid à la p 201, n 9.
[166] Pour un aperçu du cadre législatif québécois, voir Loi sur les inhumations et les exhumations, RLRQ, c I-11; Loi sur la protection des sépultures des anciens combattants et des sépultures de guerre, RLRQ, c P-39.2; Loi sur la santé publique, RLRQ, c S-2.2; Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes et des tissus et la disposition des cadavres, RLRQ c L-0.2; Loi sur la recherche des causes et des circonstances des décès, RLRQ c R-0.2; Loi sur les arrangements préalables de services funéraires et de sépulture, RLRQ c A-23.001; Règlement d’application de la Loi sur les arrangements préalables de services funéraires et de sépulture, RLRQ c A-23.001, r 1; Règlement d’application de la Loi sur les laboratoires médicaux, supra note 115; Règlement d’application de la Loi sur la santé publique, RLRQ c S-2.2, r 1; Règlement sur les déchets biomédicaux, RLRQ c Q-2, r 12; Règlement sur l’identification, le transport, la conservation, la garde et la remise des cadavres, objets et documents, RLRQ c R-0.2, r 3; Règlement sur l’assainissement de l’atmosphère, RLRQ c Q-2 r 4.1. Pour un aperçu du cadre législatif français, voir Loi no 2008-1350, supra note 81; D’Abbadie et Bouriot, supra note 22.
[167] Voir Loiseau, « Mortuorum corpus », supra note 83 à la p 237 (« [i]l est dans la volonté exprimée de façon égale par la loi, quoique devienne le corps après la mort — dépouille en désagrégation ou cendres conservées — de ne jamais l’exposer à un traitement qui ne soit pas respectueux de sa nature humaine. Le temps, là-dessus, ne joue pas; l’oubli n’affecte pas davantage le respect »).
[168] Voir Loi sur les activités funéraires, supra note 10, art 4.
[169] Voir Trib gr inst Paris, 21 avril 2009, [2009] JCP G Act 225 (observations Grégoire Loiseau).
[170] Voir CA Paris, 30 avril 2009, [2009] JCP G 12 (note Grégoire Loiseau).
[171] Cass civ 1re, 16 septembre 2010, (2010) Bull civ I 162 à la p 163, n° 174, [2011] 2 R contrats 605 (note Florence Bellivier et Christine Noiville), [2010] JCP G 12239 (note Bertrand Marrion), [2011] JCP G 878 (chronique Christian Byk), (2010) 76 R Lamy dr civil 41 (note Guillaume Chauchat-Rozier), [2011] D 780 (note Emmanuel Dreyer), [2010] D 2754 (note Bernard Edelman), [2010] RTD civ 760 (chronique Jean Hauser), [2010] D 2175 (observations C Le Douaron), [2010] 11 Communication commerce électronique Comm 112 (note Agathe Lepage), [2010] D 2750 (note Grégoire Loiseau), (2011) 80 R Lamy dr civil 61 (chronique Béatrice Parance), [2010] 11 R juridique personnes & famille 11 (note Emmanuel Putman). Voir aussi Cass civ 1re, 29 octobre 2014, (2014) Bull civ I 188 n° 178, [2015] D 529 (chronique Soraya Amrani-Mekki et Mustapha Mekki), [2015] RTD civ 121 (observations Hugo Barbier), [2015] 22 Petites Affiches 8 (note Sébastien Cacioppo), [2015] D 242 (note Aude-Solveig Epstein), [2015] 59 Petites Affiches 8 (note Romain Laulier), (2014) 121 R Lamy dr civil 16 (observations Cécile Le Gallou), [2015] 1 Contrats Concurrence Consommation, comm 1(note Laurent Leveneur), [2014] JCP G 1170 (observations Grégoire Loiseau), [2015] D 246 (note Daniel Mainguy), [2014] 261 Petites Affiches 15 (note Marc Mignot), (2015) 124 R Lamy dr civil 60 (chronique Béatrice Parance), (2014) 331 Gaz Pal 9 (note Stéphane Prieur), (2015) 123 R Lamy dr civil 8 (note Morgan Sweeney) : cette décision marque le point final de l’affaire en prononçant l’illicéité de la cause du contrat d’assurance conclu par l’organisateur de l’exposition.
[172] Voir notamment Grégoire Loiseau, « Respect des morts et volonté posthume » (2012) 79 R Lamy dr immatériel 103 (« la mise en scène de dépouilles impersonnalisées, conçues comme un matériel d’exposition, fait ostensiblement ressortir un déni de leur humanité » à la p 105).
[173] Felix Rome, « Le cadavre humain, hors du marché » [2010] D 2145 à la p 2145.
[174] Voir notamment Jean-Yves Marin, « Statut des restes humains, les revendications internationales » dans Brigitte Basdevant-Gaudemet, Marie Cornu et Jérôme Fromageau dir, Le patrimoine culturel religieux : enjeux juridiques et pratiques culturelles, Paris, L’Harmattan, 2006, 337; Guillaume Fontanieu, « Le statut juridique des restes humains au sein des collections muséales : entre enjeux de mémoire et de conservation » dans France, Sénat, Délégation sénatoriale à l’outre-mer, Histoires Mémoires Croisées : chapitres oubliés de l’Histoire de la France par Serge Larcher, rapport no 149 (14 novembre 2013), 39; Guillaume Fontanieu, « La restitution des mémoires : une expérience humaine, une aventure juridique » [2013] 136-137 Journal de la Société des Océanistes 103.
[175] Trib Admin Rouen, 27 décembre 2007, [2008] JCP G II 10041 (note Colette Saujot).
[176] Voir CAA Douai, 24 juillet 2008, [2008] JCP G II 10181 (note Colette Saujot).
[177] Voir Loi no 2010-501 du 18 mai 2010 visant à autoriser la restitution par la France des têtes maories à la Nouvelle-Zélande et relative à la gestion des collections, JO, 19 mai 2010, 9210; Mireille Bacache, « Corps humain : têtes maories » [2010] RTD civ 626.
[178] Au Québec, plusieurs articles ont traité de l’exposition « Our Bodies » (voir notamment Pierre Asselin et Ian Bussières, « Bodies… l’exposition : le consentement, une condition essentielle », Le Soleil, (2 juin 2009), en ligne : <www.lapresse.ca/le-soleil>; Pierre Asselin et Ian Bussières, « Bodies… l’exposition : des corps un peu trop anonymes », Le Soleil (2 juin 2009), en ligne : <www.lapresse.ca/le-soleil>; Mario Cloutier, « Bodies : la fascinante machine humaine », La Presse (16 octobre 2009), en ligne : <www.lapresse.ca>; Mario Cloutier, « Bodies : le corps de la controverse », La Presse (17 octobre 2009), en ligne : <www.lapresse.ca>).
[179] Il s’agit d’un procédé qui consiste à faire cuire des corps humains pour qu’ils deviennent une huile brute (voir Mali Ilse Paquin, « Et votre corps redeviendra… huile », La Presse (16 octobre 2009), en ligne : <www.lapresse.ca>).
[180] Voir Torres Ceyte, supra note 12 à la p 190.
[181] Voir Nathalie Petrowski, « Marc Séguin : le peintre des ruines modernes », La Presse (11 septembre 2010), en ligne : <www.lapresse.ca>. Plus largement, pour des œuvres portant sur un arrimage de l’art et du droit, voir André Bélanger, « Du spécialiste au dilettante, quel juriste doit produire le discours juridique? Trois exemples d’analyse interdisciplinaire relatifs à la théorie contractuelle » (2011) 52:3-4 C de D 497; Anne Bordeleau et André Bélanger, « Art, Architecture and Law: The Architectural Project and the Legal Contract as Social Artefacts » (2014) 4:3 Architecture Media Politics Society 1; André Bélanger, « Le contrat à titre d’outil d’effacement social? Quand l’art se fait juge » (2015) 1 Cahiers PSD 73; André Bélanger et Anne Bordeleau, « Material Antagonism: Art, Law and Architecture in Santiago Sierra’s Work » dans Sandra Karina Löschke, dir, Materiality and Architecture, Abingdon, Routledge, 2016, 81.
[182] Voir Mayrand, « Droits relatifs aux funérailles », supra note 22 aux pp 158–59.
[183] Bruno Py, « La camarade et le juriste : le sens et le cadre » dans Py, supra note 29 à la p 11.
[184] Beignier et Puyo, supra note 33 au no 1.
[185] Bertrand Calais, « La mort et le droit » [1985] D Chron 73 au para 1.
[186] Voir notamment Baudouin et Blondeau, supra note 6 à la p 19.
[187] Rochfeld, supra note 98 à la p 32.