Article Volume 67:3

Vers une théorie de la fin de non-recevoir en droit privé québécois

La fin de non-recevoir paralyse définitivement un droit d’action autrement disponible. Malgré des effets dévastateurs et une popularité croissante, quarante ans après sa reconnaissance par la Cour suprême dans l’arrêt Banque Nationale c. Soucisse, ses contours demeurent flous et sa substance, incertaine. Juges et juristes ne s’entendent ni sur la définition ni sur les conditions d’application de cette doctrine mal comprise et peu théorisée. Cet article s’appuie sur une analyse systématique des décisions qui y font appel afin de jeter les bases d’une théorie de la fin de non-recevoir en droit privé québécois. Il introduit une distinction indispensable, absente de la doctrine contemporaine, entre fins de non-recevoir dirimantes et discrétionnaires, clarifie le rôle de maintien de la cohérence du droit des fins de non-recevoir discrétionnaires et systématise les modes et conditions de leur application.

The fin de non-recevoir, a type of bar to an action, results in the total and definitive paralysis of an otherwise available right of action. Despite its devastating effects and growing popularity, forty years after its recognition by the Supreme Court of Canada in National Bank v. Soucisse, its contours remain blurry and its substance, ambiguous. The legal community cannot agree on the definition or conditions of this poorly understood and under-theorized doctrine. This Article builds on a systematic review of recent cases to lay the groundwork for a theory of the fin de non-recevoir in Quebec private law. It introduces a crucial distinction, absent from contemporary commentary, between absolute and discretionary bars, it clarifies the role of discretionary bars in safeguarding the coherence of the law, and it systematizes how and when they may apply.

* Doctorante à l’Université Princeton, département de sociologie; LL.M. (Université de Montréal); LL.B. (Université de Sherbrooke); avocate membre du Barreau du Québec. Cet article est le fruit des travaux de l’auteure à la Faculté de droit de l’Université de Montréal, sous la direction de recherche du Professeur Patrice Deslauriers. L’auteure remercie les Professeurs Patrice Deslauriers, Didier Lluelles et Michel Morin et Me Geoffroy Guilbault pour leurs conseils et commentaires, ainsi que la Faculté de droit, le Vice-rectorat adjoint aux études supérieures de l’Université de Montréal et le cabinet Fasken Martineau Dumoulin S.E.N.C.R.L., S.R.L. pour leur appui financier dans le cadre de bourses d’excellence pour la recherche.

Table des matières

Introduction

I.  Cartographier les fins de non-recevoir

II. Le territoire des fins de non-recevoir discrétionnaires

A.  Définitions et fonctions

1.    Exceptions péremptoires du fond

2.    Impératif de cohérence du droit

B.  Caractéristiques

1.    Nature exceptionnelle

2.    Conditions d’ouverture

3.    Domaine d’application

C.  Limites

1.    Cohérence interne à l’égard des principes mis en œuvre

2.    Cohérence externe à l’égard d’autres mécanismes du droit civil

III.  Les frontières des fins de non-recevoir discrétionnaires

A.  Imprécisions de langage

1.    Exceptions déclinatoires, dilatoires ou d’inexécution

2.    Abus de procédure

3.    Défenses infructueuses

B.  Renonciations tacites

1.    Confirmation

2.    Ratification, acquiescement et autres renonciations

C.  Simple illégalité

1.    Illégalité liée au contrat

2.    Illégalité liée à la conduite d’une partie

3.    Illégalité liée aux dommages réclamés

Conclusion

Introduction

Mais il y a les exceptions. Si on ne peut les expliquer, on ne peut davantage expliquer le général. D’ordinaire, on ne remarque pas la difficulté, parce qu’on ne pense pas le général avec passion, mais avec une commode superficialité. L’exception, au contraire, pense le général avec l’énergie de la passion[1].

      La fin de non-recevoir, exception péremptoire, paralyse de façon permanente la mise en œuvre d’une réclamation autrement disponible. Ce mécanisme à l’effet dévastateur semble ainsi permettre de contredire ou d’ignorer le droit codifié, démocratiquement adopté. L’on pourrait donc croire que son utilisation ferait l’objet d’une grande prudence par la magistrature et d’un examen serré par la doctrine. Pourtant, les fins de non-recevoir, malgré leur popularité croissante, sont peu théorisées et mal comprises[2]. D’où tirent-elles leurs sources? Qui peut les invoquer et contre qui peuvent-elles s’élever? À quelles conditions? Quels sont leurs effets? Même les questions les plus simples n’ont pas de réponse claire.

La Cour suprême a reconnu l’existence de fins de non-recevoir non codifiées dans l’arrêt Soucisse en 1981[3]. La vision des fins de non-recevoir retenue par la Cour, loin de reprendre une doctrine établie ou de constituer l’aboutissement d’une lente évolution, a jeté les bases d’une doctrine fondamentalement renouvelée[4] : la fin de non-recevoir comme mécanisme discrétionnaire de matérialisation des principes généraux du droit[5].

En droit québécois, les propositions juridiques sont rarement qualifiées de théories[6]. La fin de non-recevoir, souvent désignée comme telle, est une exception notable[7]. Pourtant, elle n’a de théorie que le nom : un tour d’horizon ne révèle aucune réelle tentative de systématisation, de formulation et de vérification empirique[8]. Dans son imprécision, le mécanisme s’insère mal dans la structure du droit civil. Il a tour à tour été qualifié de « règle d’équité qui écarte la règle de droit normalement applicable »[9], de « “joker” du droit civil »[10], de « “dépanneur” qui sert à venir en aide à un justiciable trompé », mais utilisé « en l’absence d’une vraie assise juridique »[11], ou encore de mécanisme trop souvent détourné de son sens[12]. Ces lacunes réduisent la prévisibilité du droit et ouvrent la porte à l’arbitraire[13].

Cet article esquisse des réponses aux questions posées ci-dessus et offre une conceptualisation de la fin de non-recevoir qui démasque les influences de notions incompatibles et prend au sérieux l’histoire et la logique interne du droit civil. Ses visées théoriques sont soutenues par l’étude systématique de centaines de sources juridiques québécoises, canadiennes, anglaises et françaises. Cette conceptualisation se résume comme suit[14] : la fin de non-recevoir est une catégorie qui regroupe les exceptions péremptoires du fond et qui se divise en fins de non-recevoir dirimantes et discrétionnaires. Leurs effets sont similaires, mais leurs sources et les modes et conditions de leur application diffèrent.

Les fins de non-recevoir dirimantes sont des exceptions péremptoires prévues par la loi qui ne confèrent pas de discrétion au tribunal dans leur application — par exemple, la prescription extinctive, l’autorité de la chose jugée ou les immunités législatives. Les fins de non-recevoir discrétionnaires, reconnues par l’arrêt Soucisse, sont les exceptions péremptoires, généralement non codifiées, pour l’application desquelles le tribunal dispose d’un large pouvoir discrétionnaire. Elles mettent en œuvre les principes généraux du droit matériel ou procédural, dans un objectif de cohérence du droit. Elles relèvent du principe de la bonne foi au sens large, mais la simple mauvaise foi n’est ni une condition nécessaire ni une condition suffisante de leur application.

La fin de non-recevoir n’est pas une règle de droit matériel, mais un mécanisme d’intervention des principes généraux, sources de droit, dans la prise de décision judiciaire[15]. La fin de non-recevoir ne suspend pas le droit codifié autrement applicable. Elle rend plutôt explicite le processus de résolution d’un conflit entre deux normes juridiques valides, mais contradictoires, lorsque l’une d’elles est une règle, et l’autre, un principe[16]. Elle ne confère pas aux juges un pouvoir exorbitant du droit commun. Au contraire, elle reconnaît et encadre l’exercice du pouvoir, inhérent à la fonction judiciaire, d’arbitrer des conflits de normes afin de trancher des litiges concrets. Par son entremise, le tribunal s’assure que son intervention ne heurte pas la cohérence du droit. Théoriser la fin de non-recevoir clarifie ce cadre et favorise la transparence et la prévisibilité de sa mise en œuvre[17].

La suite de cet article est divisée comme suit. La première section explique l’ambiguïté qui a longtemps entouré le concept de fin de non-recevoir et présente la méthodologie suivie pour la dissiper. La deuxième section parcourt le territoire des fins de non-recevoir discrétionnaires. Avant tout, elle définit les concepts en jeu. Elle introduit une distinction essentielle – absente de la doctrine contemporaine – entre les fins de non-recevoir dirimantes et discrétionnaires et elle rend explicite le rôle de ces dernières dans le maintien de la cohérence du droit et la matérialisation de ses principes généraux. Cette deuxième section décrit par la suite les caractéristiques communes à l’ensemble des fins de non-recevoir discrétionnaires, présente la triple classification qui permet de rationaliser leurs conditions d’ouverture et explore leur domaine d’application. Enfin, cette section explique les limites des fins de non-recevoir, dues aux principes généraux qu’elles mettent en œuvre ou à leur interaction avec d’autres mécanismes juridiques. Finalement, la troisième section teste les frontières des fins de non-recevoir discrétionnaires en débusquant les moyens procéduraux qui ne devraient pas être considérés comme telles. Il s’agit, d’abord, des fausses fins de non-recevoir, qualifiées ainsi par imprécision de langage, alors que le moyen est autre : exception déclinatoire ou dilatoire, exception d’inexécution, demande en abus de procédures ou autre défense infructueuse. Il s’agit, également, des fins de non-recevoir soulevées alors que le moyen n’existe pas en droit : la renonciation tacite et la simple illégalité. Ni les fins de non-recevoir qui découlent des principes généraux du droit procédural ni celles de droit public qui sont applicables lorsque l’État est impliqué ne font l’objet de cet article.

I.  Cartographier les fins de non-recevoir

Qu’est-ce que la fin de non-recevoir et comment a-t-elle fait son apparition dans notre droit? Absente du Code civil du Bas-Canada, elle était cependant bien connue dans l’ancien droit français[18] que les colons apportèrent en Nouvelle-France[19]. En 1981, dans l’arrêt Soucisse, la Cour suprême, sous la plume du juge Beetz, avait reconnu l’existence de fins de non-recevoir non codifiées et avait mis le lecteur en garde qu’elles avaient souvent été confondues avec l’estoppel du droit anglais. La Cour avait relevé le caractère diffus et la compréhension restreinte du concept, auquel les auteurs associaient de multiples exceptions ayant peu en commun, et ajouté :

En fait, il ne semble pas qu’une telle entreprise [de systématisation] ait jamais été tentée en droit civil ancien ou moderne, par la doctrine ou la jurisprudence, de telle sorte qu’il ne paraît pas exister une théorie, articulée des fins de non-recevoir comme il existe une théorie de l’enrichissement sans cause en droit civil ou une théorie de l’estoppel en droit anglais[20].

Quarante ans et près de dix mille décisions plus tard[21], cette œuvre demeure à accomplir. Depuis la réforme du Code civil adoptée en 1991, selon l’article 2921 C.c.Q., la prescription est une fin de non-recevoir. Le législateur de 1991 est avare de précisions sur cette expression qu’il ne mentionne nulle part ailleurs[22]. Des ouvrages généraux ont consacré quelques paragraphes à son sujet et des articles de périodiques l’ont abordé, mais aucun n’a prétendu à sa systématisation. Le professeur Lluelles et le juge Moore ont approché la question sous l’angle des sanctions du non-respect de l’exigence contractuelle de bonne foi[23]. Après avoir traité de la dimension morale du droit des contrats et de l’évolution de la bonne foi, ils ont présenté brièvement les sources, le champ d’application et les effets de la fin de non-recevoir. Sanction dérogatoire d’application exceptionnelle, elle paralyse l’exercice d’un droit d’action[24]. « Institution essentiellement jurisprudentielle »[25], elle s’inscrit dans une « lente et progressive moralisation du droit des contrats » survenue depuis la deuxième moitié du 20e siècle, en rupture avec la rigoureuse priorité auparavant accordée à l’autonomie de la volonté[26].

Pour le juge Baudouin et les professeurs Jobin et Vézina, la fin de non-recevoir est un moyen de défense prétorien, commun aux contextes contractuel et extracontractuel, qui dépasse le droit des obligations et se trouve à l’intersection entre droit judiciaire et droit civil[27]. Elle y « a toute sa place » : la discrétion judiciaire qu’elle permet assure une meilleure justice contractuelle et ne crée pas de « dérapages »[28]. Pour les professeurs Gardner et Tancelin, cependant, elle est une notion floue qui « sert à substituer l’équité du juge à la règle de droit civil » et dont les juges font « une application de plus en plus large »[29]. Son non-respect de la scission entre le droit substantif et le droit procédural serait nocif[30]. Le professeur Gardner avait par ailleurs déjà souligné que les fins de non-recevoir devaient jouer un rôle subsidiaire, derrière les solutions codifiées, et que leur ambiguïté laissait « beaucoup trop de latitude aux tribunaux » et risquait de générer « des nids de procès dont le sort est imprévisible »[31]. D’autres auteurs ont étudié la fin de non-recevoir, sans intention d’en offrir un traitement exhaustif[32].

Ces travaux se contredisent sur plusieurs points essentiels. En plus des débats entre critiques et défenseurs, les auteurs diffèrent sur les critères d’application de la fin de non-recevoir : une faute et un avantage indu, mais aucun préjudice[33]; une simple violation des principes de bonne foi ou d’équité[34]; ou encore, un préjudice, mais aucune faute[35].

Pour dissiper la confusion qui entoure le concept, cet article s’appuie sur deux études systématiques de sources juridiques. La première, une analyse historique comparative, vise à retracer l’évolution de la fin de non-recevoir à l’intersection des traditions anglaise et continentale. Pour ce faire, nous avons d’abord répertorié l’ensemble des sources citées par l’arrêt Soucisse, qu’il s’agisse de décisions judiciaires ou d’articles de doctrine. Pour chacune des décisions judiciaires, nous avons répertorié celles qui traitaient des fins de non-recevoir et avons également répertorié l’ensemble des sources citées à ce sujet. Nous avons répété ce processus de nouveau, pour ainsi recréer et analyser un réseau de 60 décisions et 23 textes de doctrine couvrant la période de 1783 à 1981[36].

La deuxième étude, une analyse systématique de la jurisprudence récente, avait pour objet d’établir l’état actuel du droit. Nous avons d’abord créé une banque des décisions mentionnant « fin de non-recevoir » rendues par la Cour suprême en appel de la Cour d’appel du Québec entre 1981 et 2019 ou par cette Cour d’appel entre 2005 et 2019. Cette seconde étude nous a permis de répertorier 274 décisions. Aux fins de notre recherche, nous en avons retenu 140 qui portaient sur une question de droit privé et où les juges employaient le concept de fin de non-recevoir dans leur analyse juridique[37]. Cet article résulte d’une synthèse de ces deux études, mais se concentre sur la présentation des résultats de la deuxième[38].

Les concepts, y compris les règles de droit, n’ont pas une origine unique et ne suivent pas une histoire linéaire et continue[39]. Des mutations et des fractures dans leur transmission et leur usage expliquent qu’un même mot exprime parfois un concept nouveau[40]. En outre, les ordres juridiques sont en constante négociation pour déterminer à quelles conditions accepter les solutions et les influences d’autres ordres[41]. Cette circulation produit des mécanismes hybrides, issus du mélange entre le modèle importé et le contexte importateur[42]. Avant l’arrêt Soucisse, le droit anglais a souvent influencé l’évolution de la fin de non-recevoir. L’histoire comparative du droit permet d’identifier ces glissements, subtils, mais perturbateurs, entre le droit civil et la common law[43]. Relater cette évolution du droit à travers le temps et l’espace, du droit romain jusqu’à nos jours, dépasse les limites de cet article[44]. Celui-ci prend plutôt l’arrêt Soucisse comme point de départ et se consacre à l’état actuel du droit québécois, que cette histoire nous a permis d’élucider.

II. Le territoire des fins de non-recevoir discrétionnaires

A.  Définitions et fonctions

1.    Exceptions péremptoires du fond

La plupart des exceptions que le droit québécois d’avant la réforme de 1991 ou d’avant la codification de 1866 avait rassemblées sous le nom de fin de non-recevoir sont désormais codifiées[45] ou ont été abolies[46]. La catégorie elle-même n’a pas été retenue par le législateur[47]. Aujourd’hui, juges et plaideurs l’emploient pour désigner un continuum de concepts. À un extrême, elle est une expression du langage courant et emprunte un sens purement factuel : l’on dira, par exemple, que dans une réunion de travail, une personne a opposé une fin de non-recevoir à la suggestion d’un collègue. À l’autre extrême, elle emprunte un sens purement juridique, mais son contenu matériel s’avère à géométrie variable.

Pour vaincre la confusion générée par ces multiples sens, la fin de non-recevoir peut être définie comme regroupant les exceptions péremptoires du fond. Il s’agit d’exceptions puisque par un plaidoyer affirmatif, elles opposent une défense indirecte à une cause d’action sans en contredire les éléments essentiels, par opposition aux défenses directes ou négations, qui s’attaquent au droit lui-même qu’une partie fait valoir[48]. Là où la défense directe fait valoir que « ce comportement n’est pas une faute ou n’a pas causé ces dommages », la fin de non-recevoir exprime : « peu importe, puisque même s’il y avait faute, dommages et lien de causalité, votre action ne pourrait être reçue ». Cette distinction a un impact sur le fardeau de preuve des parties. En outre, l’échec ou l’abandon d’une fin de non-recevoir ne scelle pas le sort de l’action[49]. Cette exception est péremptoire, par contraste avec dilatoire ou déclinatoire, puisqu’elle annonce son effet d’anéantir un droit d’action[50]. Cette exception est du fond puisqu’elle touche le droit d’action, c’est-à-dire le droit de mettre en œuvre un droit subjectif, par opposition à la forme des procédures[51].

Pour qu’une fin de non-recevoir existe, une règle de droit doit la créer[52]. Ses caractéristiques dépendent de la règle de droit qui lui donne naissance. Il existe deux types de fins de non-recevoir : les dirimantes et les discrétionnaires[53]. La fin de non-recevoir dirimante est prévue par la loi et est d’application certaine lorsque ses conditions sont réunies[54]. La fin de non-recevoir discrétionnaire, non codifiée et d’application exceptionnelle, s’appuie sur les principes généraux du droit et agit comme sanction, remède ou mesure d’équité dans un cas particulier. À l’image des nullités en matière contractuelle, les fins de non-recevoir peuvent viser la protection de l’intérêt des parties ou dépasser celui-ci et promouvoir l’intérêt général[55].

Les fins de non-recevoir dirimantes ne sont pas nécessairement applicables de plein droit. Lorsqu’elles ne sont pas d’intérêt général, la partie qui en bénéficie peut y renoncer et le tribunal ne peut les soulever d’office. Cependant, elles sont d’application certaine puisque du moment où une partie s’en prévaut, le juge qui conclut que ses critères sont remplis n’a pas la discrétion de l’écarter. En droit privé, les fins de non-recevoir dirimantes sont codifiées ou prévues par des lois particulières, dont elles suivent les règles spécifiques. Le moyen d’irrecevabilité est leur véhicule procédural par excellence, quoiqu’elles puissent aussi être invoquées lors du procès[56]. Elles incluent, entre autres, la prescription extinctive[57], l’autorité de la chose jugée[58], les délais de déchéance ou délais préfix[59], certains régimes d’indemnisation étatique[60] et les immunités législatives[61].

2.    Impératif de cohérence du droit

Les fins de non-recevoir discrétionnaires se fondent sur les principes généraux du droit. Lorsque l’application stricte du droit codifié génère un résultat incompatible avec ces principes, une fin de non-recevoir peut s’élever pour corriger la situation. Les principes généraux « constituent la base d’un système de droit et traduisent ses valeurs essentielles »[62]. Par la disposition préliminaire du Code civil, le législateur a reconnu leur position « comme facteurs surdéterminants des normes législatives »[63]. Cruciaux dans l’exercice de la fonction judiciaire[64], ces principes sont à la fois le « fondement des règles juridiques qui les appliquent ou y dérogent » et, lorsque ces règles sont obscures ou silencieuses, un guide pour les interpréter ou en appliquer de nouvelles[65]. Le principe général est un « idéal de justice » qui transcende la loi et « qui, atteignant ainsi un degré de généralité plus grand que la loi, lui est supérieur et donc opposable »[66]. Cette position privilégiée des principes permet aux fins de non-recevoir qui les expriment d’assurer la cohérence du droit[67].

La bonne foi, étudiée par une doctrine volumineuse[68] et désormais codifiée[69], est le plus célèbre de ces principes. En 1865, les codificateurs avaient enchâssé l’autonomie de la volonté au cœur du droit des obligations et omis toute mention explicite de la bonne foi[70]. La doctrine n’a pas interprété ce silence comme une répudiation. Au contraire, des auteurs ont suggéré que les codificateurs avaient omis de mentionner la bonne foi dans le Code civil parce qu’elle occupait une position si fondamentale au sein du droit civil québécois que sa mention apparaissait superflue[71]. Malgré le rôle attribué à la bonne foi dans la formation et l’exécution des conventions, l’intervention judiciaire dans le domaine contractuel est longtemps demeurée minimale. Au 20e siècle, toutefois, le législateur, suivi par la jurisprudence et la doctrine, a entrepris une moralisation nouvelle du droit des contrats[72]. Les arrêts Soucisse, Houle et Bail de la Cour suprême s’inscrivent dans ce courant[73]. Le nouveau Code civil, adopté en 1991, consacre la centralité de « l’équité, la bonne foi et la répression des abus »[74] et le retour, amorcé lors de la Révolution tranquille, d’une vision plus équilibrée de la liberté contractuelle relativement à la protection des parties vulnérables[75]. Selon le professeur Lluelles et le juge Moore, cette philosophie, incarnée par l’article 1375 C.c.Q., « devrait se traduire concrètement au niveau des sanctions »[76]. D’ailleurs, cet article est « une source autonome de droits et recours » et l’un des fondements des fins de non-recevoir[77].

La bonne foi est une norme au rayonnement étendu et aux frontières souples. Au sens large, elle peut être vue comme la source de la majorité des fins de non-recevoir discrétionnaires. Cependant, le principe de la bonne foi ne permet pas de déterminer les conditions précises de leur application. Pour cela, il faut s’attarder aux autres principes qui entrent en jeu. La fin de non-recevoir discrétionnaire est un outil triple : il s’agit d’une sanction, d’un remède et d’une mesure d’équité. Chacun de ces trois types de fin de non-recevoir met en œuvre des principes différents et centre la réflexion judiciaire sur une portion distincte du schéma factuel d’un dossier[78].

B.  Caractéristiques

1.    Nature exceptionnelle

La fin de non-recevoir discrétionnaire est un mécanisme de nature exceptionnelle[79]. Au-delà de ses conditions d’ouverture, le tribunal doit examiner l’ensemble des faits à la lumière de la bonne foi, de l’équité et de la justice contractuelle afin de déterminer s’il est approprié d’y faire droit[80]. L’évaluation des circonstances et du comportement des parties à cet égard relève d’un exercice discrétionnaire qui commande la déférence en appel[81].

La fin de non-recevoir vise à favoriser la cohérence du droit en empêchant que des règles particulières viennent transgresser les valeurs fondamentales de l’ordre juridique. Ce mécanisme n’a pas pour objectif de miner cette cohérence par la création de normes inconciliables ou par la multiplication d’exceptions prétoriennes qui pourraient avoir comme conséquence de priver d’effet certaines portions du droit codifié. En 1926, le juge Mignault avait statué qu’une fin de non-recevoir ne peut être admise si le droit codifié l’exclut directement ou indirectement[82]. Cette exigence de subsidiarité, souvent respectée[83], pose toutefois des problèmes théoriques et pratiques. Elle est antinomique, puisque la fin de non-recevoir discrétionnaire, par nature, s’oppose à un droit d’action que la loi reconnaît et que le système judiciaire devrait mettre en œuvre. Utilisée par les juges pour corriger les manquements du droit codifié, la fin de non-recevoir génère nécessairement des résultats qui divergent des choix du législateur[84]. Toute fin de non-recevoir, vue ainsi, s’inscrit en faux contre la loi.

Ce paradoxe est d’autant plus criant que la fin de non-recevoir discrétionnaire se fonde sur des principes généraux, normes non écrites à géométrie variable. Les difficultés sont minimisées dans les cas extrêmes. Lorsque la loi est claire et que le principe invoqué est flou ou de moindre importance, la fin de non-recevoir doit être rejetée. Lorsque la loi souffre de lacunes ou d’imprécisions et que le principe soulevé est fondamental, la fin de non-recevoir doit être considérée. Entre ces deux extrêmes, une multitude de décisions contradictoires témoignent des circonstances particulières qui poussent les tribunaux à mettre en œuvre des fins de non-recevoir que la loi exclut plus ou moins clairement[85].

Pour atténuer cette tension entre le droit codifié et les principes généraux, il faut prendre au sérieux l’objectif de cohérence des fins de non-recevoir discrétionnaires. Il convient de s’abstenir de mettre en jeu les fins de non-recevoir de prime abord lorsque le législateur a prévu un mécanisme pour résoudre une situation. Par exemple, c’est la prescription extinctive, et non une fin de non-recevoir, qui sanctionne la tardiveté d’une demande[86]. C’est l’article 2365 C.c.Q., et non une fin de non-recevoir, qui s’applique au créancier qui a réduit l’efficacité de l’action subrogatoire de la caution[87]. Il faut appliquer le droit codifié et examiner le résultat qui en découle. Si ce résultat menace la cohérence du droit parce qu’il est inconciliable avec ses principes généraux, alors seulement une fin de non-recevoir peut devenir disponible. La fin de non-recevoir n’a pas pour objectif d’exempter le juge ou les plaideurs de considérer le résultat du droit codifié, mais plutôt de préserver l’intégrité de l’ordre juridique lorsque ce résultat la menace. Bref, la fin de non-recevoir doit conserver sa nature exceptionnelle et ne doit pas devenir la source d’un ordre juridique parallèle fondé sur l’équité[88].

2.    Conditions d’ouverture

Les conditions d’ouverture[89] des fins de non-recevoir discrétionnaires dépendent des principes généraux qui les fondent. D’abord, certains éléments doivent être écartés de l’analyse. La fin de non-recevoir discrétionnaire s’inscrit hors du paradigme de la faute civile. Le simple écart avec la norme de conduite d’une personne raisonnable ne crée pas en lui-même de fin de non-recevoir[90]. À l’inverse, une fin de non-recevoir peut exister en l’absence de faute[91]. Par ailleurs, les tribunaux, confrontés aux ambiguïtés des fins de non-recevoir, ont parfois insisté sur le degré de blâme ou de mauvaise foi requis[92]. Or, si la simple mauvaise foi ne suffit pas, c’est parce que d’autres conditions doivent être satisfaites, et non parce qu’un degré plus élevé de mauvaise foi est nécessaire. La gravité des actions en cause est un facteur pertinent que le tribunal doit évaluer dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, mais elle n’est pas une condition essentielle.

Les fins de non-recevoir discrétionnaires peuvent agir comme sanction, remède ou mesure d’équité. Ces catégories ne sont ni étanches, ni mutuellement exclusives. Néanmoins, la classification des fins de non-recevoir dans ces trois catégories permet de déterminer leurs conditions d’ouverture. L’étude détaillée de ces trois types dépasse la portée de cet article, lequel n’en présente que les grandes lignes. La fin de non-recevoir sanction met généralement en œuvre le principe selon lequel nul ne doit profiter de sa propre turpitude. Pour déterminer si les faits lui donnent ouverture, l’analyse se concentre sur le comportement répréhensible d’une partie. Cette fin de non-recevoir est possible lorsqu’une partie, par l’exercice de son droit d’action, tente de tirer indûment profit d’une situation qu’elle a elle-même créée[93]. La fin de non-recevoir remède met en œuvre le principe du devoir de cohérence. Elle permet de protéger la partie qui l’invoque, point d’ancrage de l’analyse. Elle est disponible en cas de confiance légitime par une partie à une autre et de préjudice subi par la première en raison du manque de cohérence de la deuxième[94]. Enfin, la fin de non-recevoir mesure d’équité tente d’assurer un équilibre relationnel. L’analyse de ses conditions d’ouverture est globale, en ce qu’elle s’attarde à la situation dans son ensemble, plutôt qu’à l’une ou l’autre des parties. Ce type de fin de non-recevoir est possible lorsqu’un déséquilibre doit être corrigé. En matière contractuelle, un tel déséquilibre peut résulter de violations des exigences de la bonne foi par une partie et d’un préjudice subi par l’autre partie[95]. Ce déséquilibre peut également survenir en matière extracontractuelle, dans le cas où la victime d’un préjudice s’était vu fournir par la personne responsable toutes les informations nécessaires à son consentement préalable. Ainsi, une victime ayant autorisé les actions de l’auteur d’une faute pourra se voir opposer une fin de non-recevoir[96]. Il en ira de même d’une victime ayant accepté les risques après avoir obtenu des renseignements suffisants d’un fabricant ou d’un vendeur professionnel[97].

3.    Domaine d’application

La fin de non-recevoir peut être invoquée autant en demande qu’en défense, par n’importe quelle partie à une instance[98]. Elle peut s’opposer à un droit d’action en demande principale[99], reconventionnelle[100] ou en garantie[101] ou à une défense sur le fond[102], y compris le droit de reprendre une instance[103]. Elle est souvent partielle, faisant obstacle à une portion de réclamation[104] ou au droit de plaider un argument, en première instance[105] ou en appel[106]. Elle peut anéantir le droit de faire une demande en cours d’instance[107] ou de prendre des mesures d’exécution d’un jugement[108]. La fin de non-recevoir peut également paralyser le droit de déposer un grief arbitral[109], les droits qui découlent d’un préavis d’exercice de droits hypothécaires[110] ou l’exercice d’un pouvoir conféré par contrat[111]. Elle peut aussi empêcher l’intérêt de courir en niant au créancier son droit d’action pour le recouvrer[112]. Une fin de non-recevoir contre une créance peut être invoquée par action directe, pour obtenir la restitution d’un montant, par exemple lorsqu’un créancier a profité de son rôle de mandataire ou de gestionnaire pour se payer lui-même[113]. Cette possibilité la rend particulièrement pertinente en matière de contrats intelligents à exécution automatisée[114].

Une fin de non-recevoir doit être opposée par une partie ayant un intérêt suffisant pour agir et contre la partie appropriée. Par exemple, en matière de régimes de protection, le comportement d’un tuteur ne peut généralement pas faire naître des fins de non-recevoir contre la personne protégée, après la fin de l’administration[115]. En revanche, en matière de faillite, le syndic qui a obtenu la saisine des biens d’un failli et tente d’exercer une action qui s’y rapporte se trouve dans la même position juridique que le failli. Les autres parties au litige pourront opposer au syndic toute fin de non-recevoir disponible contre le failli[116].

Il ne faut pas confondre la fin de non-recevoir avec le moyen d’irrecevabilité de l’article 168 C.p.c.[117]. La première est un plaidoyer sur le fond, alors que le deuxième est un véhicule procédural par lequel une partie peut demander le rejet préliminaire d’une procédure. Une fin de non-recevoir discrétionnaire, comme toute défense, peut triompher dans le cadre d’un moyen d’irrecevabilité, mais seulement si les conditions requises pour un rejet préliminaire sont satisfaites : la fin de non-recevoir doit résulter des faits allégués en demande et être applicable si ceux-ci sont tenus pour avérés[118]. Cela est rare, vu le caractère de plaidoyer affirmatif des fins de non-recevoir. De plus, leur nature hautement factuelle rend difficile leur évaluation préliminaire[119]. Les fins de non-recevoir discrétionnaires sont donc généralement invoquées lors du procès. Dans ce cas, la présentation de sa défense directe comme argument subsidiaire n’autorise pas le plaideur à adopter une position qui, vue globalement, est incohérente[120].

C.  Limites

La fin de non-recevoir discrétionnaire est limitée avant tout par sa nature d’exception, puisqu’elle ne peut, à elle seule, donner naissance à une obligation juridique[121] ou faire revivre un droit autrement éteint[122]. L’article 1375 C.c.Q. consacre un « esprit qui doit guider la conduite des contractants » et un « devoir général de la nature d’une attitude » plutôt qu’une « prestation précise »[123]. Au-delà de ces limites inhérentes, la fin de non-recevoir discrétionnaire est restreinte par l’impératif de cohérence qu’elle incarne, lequel la force à céder le pas en cas de non-respect des principes généraux qu’elle met en œuvre ou de contradiction avec d’autres mécanismes juridiques.

1.    Cohérence interne à l’égard des principes mis en œuvre

Les fins de non-recevoir discrétionnaires peuvent être rejetées, et le sont souvent, lorsque le comportement de la partie qui l’invoque déplaît à la cour[124]. Elles doivent concrétiser les principes généraux du droit, et non les défier. Si le tribunal, dans son examen de l’ensemble des circonstances, conclut que d’accueillir la fin de non-recevoir minerait la cohérence du droit, il doit refuser d’y faire droit.

D’abord, les fins de non-recevoir s’élèvent contre une partie qui fait naître un litige par son comportement répréhensible, et non en sa faveur. Une partie ne peut en bénéficier si elle a provoqué la situation dont elle se plaint[125] ou induit l’autre partie en erreur[126]. Notamment, une fin de non-recevoir ne peut être invoquée entre les participants à une initiative commune qui ont contribué consciemment à une opération risquée pour faire un profit rapide[127]. Ensuite, les fins de non-recevoir protègent la confiance légitime que porte une partie à une autre. Elles ne peuvent être utilisées pour sanctionner une victime ayant entretenu une confiance légitime envers une autre partie[128]. En outre, la fin de non-recevoir empêche une partie de se contredire au détriment d’autrui; elle ne s’offre pas au plaideur qui doit se contredire pour l’invoquer[129]. Enfin, les fins de non-recevoir tendent à s’élever contre le formalisme, et non à le faire triompher[130]. Une fin de non-recevoir sera rejetée si elle repose sur une interprétation formaliste de la loi ou d’un contrat, alors que les faits ne mettent pas en jeu l’objectif du texte en cause[131]. Une irrégularité mineure ne peut servir de prétexte pour se soustraire à ses obligations[132].

Ces obstacles peuvent paraître semblables à ceux que posent la théorie des mains propres en droit anglais (clean hands doctrine) et les tribunaux ont parfois déclaré, par exemple, que la partie qui tentait d’invoquer une fin de non-recevoir n’avait pas, « en tous points, les mains propres »[133]. Ce choix de vocabulaire emporte une certaine confusion, puisque cette théorie ne peut directement être opposée à la partie qui invoque une fin de non-recevoir. La théorie des mains propres s’est développée dans le contexte historique du droit anglais, réticent à accorder l’exécution en nature comme remède judiciaire[134]. Bien que ces hésitations aient influencé les tribunaux québécois, l’exécution en nature est en droit civil le remède par excellence, lorsque les circonstances le permettent[135]. La théorie des mains propres a toutefois été partiellement reçue en matière d’injonctions en droit civil[136]. Lorsqu’elle est invoquée en cette matière, elle peut être vue comme constituant en elle-même une fin de non-recevoir sanction[137].

À l’inverse cependant, la théorie des mains propres n’est pas mise en jeu par les obstacles aux fins de non-recevoir. La théorie des mains propres est traditionnellement une défense partielle à une cause d’action, c’est-à-dire qu’elle empêche d’obtenir une conclusion injonctive[138]. Or, la fin de non-recevoir n’est pas une cause d’action, mais une exception. Lorsqu’un défendeur invoque une fin de non-recevoir discrétionnaire contre une cause d’action, le tribunal doit évaluer les circonstances pour déterminer s’il est approprié de faire échec à cette cause d’action. Dans ce cadre, le tribunal, considérant l’impératif de cohérence du droit, rejettera généralement la fin de non-recevoir si la partie qui y fait appel a violé les principes qu’elle invoque. Là se trouve le principal point commun entre ces obstacles et la théorie des mains propres : tous deux justifient le refus d’un tribunal d’exercer un pouvoir discrétionnaire. Outre cela, ils reposent sur la conciliation d’objectifs différents par l’application de critères distincts et n’ont pas le même effet ultime : alors que la conclusion que le demandeur n’a pas les mains propres entraîne le rejet d’une demande d’exécution forcée en nature, la conclusion que la fin de non-recevoir ne soutient pas la cohérence du droit permet la poursuite d’une action, sans préjuger du résultat.

2.    Cohérence externe à l’égard d’autres mécanismes du droit civil

La mise en œuvre des fins de non-recevoir discrétionnaires est limitée par les règles qui régissent l’ordre public. Les fins de non-recevoir qui protègent l’intérêt général le font parfois au détriment de l’équité entre les parties, mais celles qui protègent l’équité ne peuvent être admises au détriment de l’ordre public[139]. Aussi, le législateur est parfois intervenu pour protéger des parties vulnérables ou compenser certains déséquilibres de pouvoir ou d’information, avec le résultat qu’une partie ne peut renoncer à l’avance à ses droits. Dans un tel contexte, un tribunal n’autorisera pas une fin de non-recevoir discrétionnaire qui produirait les effets d’une renonciation[140].

Les fins de non-recevoir discrétionnaires doivent aussi être conciliées avec les règles relatives à la nullité des contrats. Elles ne peuvent faire obstacle à une nullité absolue, laquelle doit être prononcée dans l’intérêt général[141]. Peuvent-elles toutefois être opposées à une demande d’annulation lorsque le contrat est entaché de nullité relative? La nullité d’un acte mal conclu peut être prononcée même en l’absence d’un préjudice particulier, et le juge, sauf exception prévue par la loi, n’a pas la discrétion de choisir une sanction ou de refuser de prononcer la nullité demandée[142]. En effet, la nullité relative, contrairement au contrat voidable du droit anglais, n’est pas facultative[143]. Pourtant, c’était là, jusqu’à l’arrêt Soucisse, l’emploi le plus fréquent des fins de non-recevoir[144]. Pour clarifier cette question, certaines distinctions s’imposent.

Depuis 1994, les questions ayant trait à la restitution des prestations ne peuvent être érigées en fins de non-recevoir contre une demande en nullité[145]. Les articles 1699 à 1707 C.c.Q. prévoient un ensemble de règles qui s’adaptent aux circonstances et ne doivent pas être court-circuitées[146]. Dans les autres cas, il faut en premier lieu appliquer l’article 1420 C.c.Q., afin de déterminer si la partie qui soulève une cause de nullité est titulaire d’un droit de critique et, le cas échéant, si elle a renoncé à l’exercer[147]. L’absence de droit de critique ou une confirmation tacite font échec à la demande sans qu’il soit nécessaire de faire appel à une fin de non-recevoir[148]. Ce n’est pas à dire qu’une fin de non-recevoir discrétionnaire ne peut jamais s’élever contre une cause d’action en nullité[149]. Cependant, sa disponibilité requiert que le résultat du droit codifié entre en contradiction avec un principe général du droit et que les conditions d’ouverture de l’un des trois types de fins de non-recevoir soient présentes[150].

Enfin, les fins de non-recevoir doivent s’accorder avec l’opération des règles sur la prescription extinctive. Une fin de non-recevoir peut s’opposer à la prescription extinctive, contre laquelle elle agit de façon similaire à une suspension[151]. Ainsi, lorsqu’une créancière a été maintenue dans l’ignorance de ses droits par le débiteur, une fin de non-recevoir sanction peut empêcher le débiteur d’invoquer la prescription extinctive[152]. Toutefois, lorsque la situation s’apparente plutôt à une renonciation à la prescription acquise ou au bénéfice du temps écoulé, la fin de non-recevoir n’est pas un moyen approprié[153]. En outre, il est impossible pour un demandeur de faire renaître un droit prescrit au moyen d’une fin de non-recevoir à la défense, à moins que le défendeur ait renoncé à la prescription acquise[154]. Par ailleurs, la prescription extinctive peut faire obstacle à une fin de non-recevoir, particulièrement à celle invoquée par un demandeur[155]. Ce sera le cas si le demandeur tente de faire renaître un droit prescrit ou si le droit d’invoquer la fin de non-recevoir est lui-même prescrit, par exemple en cas de fin de non-recevoir invoquée pour obtenir la restitution d’un montant. Autrement dit, la fin de non-recevoir ne permet pas de contourner les règles de la prescription extinctive.

III.  Les frontières des fins de non-recevoir discrétionnaires

A.  Imprécisions de langage

1.    Exceptions déclinatoires, dilatoires ou d’inexécution

Les tribunaux ont souvent qualifié de fins de non-recevoir divers moyens qui n’en sont pas[156]. La Cour suprême a souligné, dès 1990, qu’un tel emploi de l’expression était une imprécision de langage susceptible de provoquer des erreurs de droit[157].

D’abord, l’incompétence matérielle ou territoriale d’un tribunal constitue une exception déclinatoire qui se soulève par moyen déclinatoire[158]. C’est le cas, notamment, lorsqu’un litige relève de la compétence d’un arbitre de griefs en vertu d’une convention collective[159] ou d’un arbitre conventionnel en vertu d’une clause compromissoire parfaite[160]. Il arrive que les plaideurs contestent la compétence d’un tribunal par moyen d’irrece-vabilité[161]. Néanmoins, quelle que soit la procédure suivie, l’exception qui attaque la compétence du tribunal choisi est de nature déclinatoire. Contrairement à l’exception péremptoire, le jugement qui l’accueille n’anéantit pas le droit d’action, même lorsqu’il conclut au rejet de l’action. L’emploi de l’expression fin de non-recevoir pour désigner cette exception[162] devrait être proscrit. Lorsqu’une exception déclinatoire s’applique, le tribunal choisi n’est pas compétent pour décider si une fin de non-recevoir discrétionnaire doit s’élever.

Ensuite, les moyens qui ne sont susceptibles que de retarder l’instance, et non de détruire le droit d’action, constituent des exceptions dilatoires, et non péremptoires. Par exemple, le défaut d’offres réelles ou de consignation ne constitue pas une fin de non-recevoir d’une action en passation de titre, puisqu’une ordonnance peut être prononcée pour suspendre le transfert de propriété en attendant la consignation du prix de vente[163].

Enfin, l’exception d’inexécution, applicable en présence d’obligations corrélatives, suspend temporairement l’exigibilité des obligations d’une partie dans l’attente que l’autre s’exécute et a pour but de provoquer cette exécution[164]. Au contraire, la fin de non-recevoir paralyse de manière permanente le droit d’action, en raison d’actions ou d’omissions qui ont déjà eu lieu et qui ont créé un état de fait qui ne peut être effacé. Les tribunaux et les plaideurs ont parfois confondu ces mécanismes dont les conditions et les effets diffèrent[165]. Au contraire de l’exception d’inexécution, la fin de non-recevoir a un caractère permanent et ne requiert pas la présence d’obligations corrélatives.

2.    Abus de procédure

La sanction d’une procédure pour abus n’est pas une fin de non-recevoir[166]. Il ne faut pas confondre l’abus de confiance ou de droit, qui a lieu avant l’institution des procédures, et l’abus de procédure qui prend naissance dans le cadre d’une action en justice[167]. Une fin de non-recevoir attaque le droit d’action, et non le choix, la forme ou le nombre de procédures employées pour le faire valoir. De plus, la fin de non-recevoir est un plaidoyer affirmatif. Elle s’appuie sur des faits différents de ceux invoqués par la demande, et non sur la contestation de ses éléments essentiels au motif qu’ils sont frivoles ou abusifs. En outre, une demande pour abus donne ouverture à une gamme de sanctions, alors qu’une fin de non-recevoir n’en entraîne qu’une seule : le rejet de l’action. Un abus de droit peut, après l’institution de procédures judiciaires, devenir un abus d’ester en justice[168] que le tribunal peut sanctionner à la fois par l’attribution de dommages pour abus de procédure et par une fin de non-recevoir contre le droit d’action[169]. Même dans ce cas, il importe de les distinguer afin de préciser contre quel droit la fin de non-recevoir s’élève et quel abus est visé dans la demande en vertu des articles 51 et suivants C.p.c. Cette démarcation peut servir à déterminer la portion des honoraires d’avocat qui devra être remboursée, le cas échéant.

3.    Défenses infructueuses

Lorsqu’ils sont d’avis qu’un argument ne suffit pas à faire échouer une action, les juges écrivent parfois que celui-ci ne constitue pas une fin de non-recevoir. Ces arguments portent la plupart du temps sur les conditions de fond de l’action intentée[170]. Dans plusieurs cas, cette formulation reflète probablement le choix de mots des plaideurs. Écrire qu’un tel argument « ne constitue pas une fin de non-recevoir » n’est pas inexact, mais cela porte à confusion. Le tribunal n’indique pas au lecteur si l’absence de fin de non-recevoir s’explique par sa décision de ne pas l’accorder ou par le fait que le mécanisme est inapplicable. À la différence de l’usage d’un autre moyen incorrectement qualifié, cet usage négatif (qu’un argument donné ne constitue pas une fin de non-recevoir) n’affecte généralement pas les conclusions du tribunal. Néanmoins, cet usage devrait être découragé du fait de l’ambiguïté qu’il crée.

B.  Renonciations tacites

Une personne est libre de renoncer à ses droits, dans les limites prévues par la loi ou l’ordre public[171]. Elle peut notamment confirmer un contrat, ratifier un acte posé par autrui, acquiescer à une décision rendue ou faire remise totale ou partielle d’une obligation[172]. La simple application des dispositions du Code civil suffit à déterminer les droits des parties dans de tels contextes. Pourtant, les tribunaux utilisent parfois à tort la notion de fin de non-recevoir, alors qu’ils appliquent en réalité — ou devraient appliquer — une combinaison des règles relatives à la renonciation à un droit, à l’expression tacite d’une volonté et aux présomptions de fait comme moyen de preuve. Cet usage erroné en matière de renonciation tacite semble découler de l’emploi fréquent, avant l’arrêt Soucisse, des notions anglaises de laches (délai préjudiciable)[173] et de différents types de waiver (renonciation)[174], souvent traitées comme des fins de non-recevoir. Or, ces notions sont, en droit civil, inutiles et incohérentes[175].

1.    Confirmation

Devant une situation pour laquelle le législateur a prévu des règles précises, il convient d’appliquer ces règles. Il n’est alors pas approprié pour le plaideur ou le juge de faire appel à une fin de non-recevoir discrétionnaire, à moins que l’application de ces règles aux faits en cause ne crée une contradiction avec les principes généraux du droit. Plus encore, dans bien des cas, notamment celui de la confirmation d’un contrat vicié, un tel usage constitue une erreur de droit. En droit anglais, une partie peut, dans certaines circonstances, perdre son droit d’action en annulation par simple écoulement du temps, même en l’absence de prescription prévue par la loi ou de confiance préjudiciable de la partie adverse[176]. Or, en droit québécois, « [la confirmation] ne se présume pas »[177] et le silence ou l’écoulement du temps ne suffisent jamais à l’établir[178]. Le législateur, lors de la réforme du Code civil, a expressément prévu l’exigence d’un caractère certain et évident pour que la volonté de confirmer produise ses effets[179]. Ce changement contrecarrait un courant jurisprudentiel selon lequel ne pas demander la nullité dans un délai raisonnable emportait confirmation tacite[180]. Le professeur Lluelles et le juge Moore ont bien souligné les difficultés provoquées par cette pratique judiciaire[181], à laquelle le législateur a mis fin.

Pour qu’il y ait confirmation d’un contrat vicié, le cocontractant doit connaître le vice et avoir renoncé à l’invoquer de manière certaine et évidente[182]. Ces éléments peuvent être établis par tous les moyens ordinaires de preuve, y compris par présomption de fait. En cas de volonté exprimée tacitement, la preuve est souvent indirecte, mais elle doit exister[183] et une fin de non-recevoir discrétionnaire ne peut la remplacer[184]. Par exemple, en cas de fausse déclaration du risque, la conduite d’un assureur peut équivaloir à une confirmation tacite du contrat d’assurance[185]. C’est le cas lorsque l’assureur, sachant qu’une police est annulable, continue d’exécuter ses obligations ou d’exercer ses droits, notamment en assumant la défense de son assuré[186]. Malgré l’emploi de cette expression par certains juges[187], il ne s’agit pas d’une fin de non-recevoir, mais simplement d’une confirmation tacite prouvée par présomption de fait.

2.    Ratification, acquiescement et autres renonciations

Les mêmes principes s’appliquent dans la plupart des situations de renonciation à un droit[188], y compris le droit de critiquer l’acte d’autrui, le droit de s’opposer à un jugement et la prescription acquise ou le bénéfice du temps écoulé. Expresse ou tacite, la renonciation est une question de fait qui dépend de l’intention de renoncer, laquelle doit être prouvée[189]. Or, dans ces trois domaines, les tribunaux invoquent parfois le concept de fin de non-recevoir.

D’abord, la conduite d’une partie représentée peut constituer une ratification tacite des actions du représentant, selon les circonstances et l’équilibre informationnel entre les parties. Dans des décisions en matière de courtage sur valeurs mobilières, des juges ont invoqué à ce sujet la notion de fin de non-recevoir à l’encontre du client qui n’avait pas, dès la découverte de la faute, liquidé ou racheté les titres en cause[190]. Ensuite, pour se pourvoir en rétractation d’un jugement, un tiers doit respecter les critères prévus par l’article 349 C.p.c.[191]. Le pourvoi doit être rejeté si la connaissance des procédures par le tiers était suffisante pour en inférer sa connaissance du jugement et qu’un délai de six mois s’est écoulé. Le pourvoi doit également être rejeté si la preuve établit une intention claire de renoncer à son droit à la rétractation[192]. Pourtant, les tribunaux ont parfois employé la notion de fin de non-recevoir pour décider des droits du tiers[193]. De même, l’acquiescement tacite à une décision judiciaire ou arbitrale, lequel devrait être traité selon la logique de la renonciation, est parfois appréhendé selon celle de la fin de non-recevoir[194]. Enfin, la possibilité de renoncer à la prescription acquise ou au bénéfice du temps écoulé est encadrée par les articles 2883 à 2888 C.c.Q. Or, il arrive qu’au lieu d’appliquer ces règles, le tribunal se demande si une fin de non-recevoir discrétionnaire peut s’élever contre le moyen fondé sur la prescription[195].

Dans tous ces cas, faire appel à une fin de non-recevoir est susceptible de mener au rejet indu de droits d’action légitimes. Le simple passage du temps, en l’absence de preuve de l’intention de renoncer, ne devrait pas priver une partie de ses droits. En outre, dans les deux premiers cas, la simple négligence ne peut fonder une fin de non-recevoir, et dans le dernier, une fin de non-recevoir ne peut faire revivre un droit qui est éteint. Cela dit, dans ces cas comme dans celui de la confirmation, une fin de non-recevoir pourra s’élever pourvu que ses conditions d’ouverture soient satisfaites[196].

C.  Simple illégalité

La question de l’illégalité illustre bien les tensions provoquées par la rencontre entre l’inexécution d’une obligation stricte du droit codifié, d’une part, et la violation d’un devoir général de bonne conduite, d’autre part. Le défi du juriste confronté à ces tensions varie selon le contexte dans lequel l’illégalité se manifeste. En matière contractuelle, le juriste doit décider du sort des droits d’action liés à des contrats conclus en violation de la loi. En matière de responsabilité civile, il doit déterminer si un préjudice lié à la commission d’un acte illégal peut être indemnisé. Enfin, en matière de dommages-intérêts, il doit comprendre comment traiter les pertes pécuniaires ou non pécuniaires teintées par l’illégalité.

De façon générale, il n’existe pas en droit québécois de doctrine de l’illégalité, comme on la retrouve en droit anglais. Les juristes québécois ne sont ordinairement pas confrontés aux écueils rencontrés en common law dans ce domaine[197]. L’analyse de l’illégalité se fond dans les règles d’application générale du droit civil, lesquelles suffisent à résoudre la question[198]. Ainsi, l’illégalité des agissements d’une victime ne devrait pas donner ouverture à une fin de non-recevoir discrétionnaire à l’encontre de son action en justice, à moins que cela ne soit nécessaire pour préserver la cohérence du droit et que ses conditions d’ouverture soient présentes. Ce serait le cas, par exemple, si une victime tentait de tirer profit de sa conduite illégale.

1.    Illégalité liée au contrat

Le contrat dont l’objet ou la cause est en violation de la loi ou contraire à l’ordre public est frappé de nullité, laquelle est absolue si l’intérêt général est en jeu[199]. Sous l’ancien code, en cas de nullité pour motif illicite déterminant, les tribunaux opposaient souvent une fin de non-recevoir sanction à la restitution des prestations, selon l’adage nemo auditur suam propriam turpitudinem allegans (nul ne peut invoquer sa propre turpitude)[200]. En 1991, le législateur a adopté des dispositions sur la restitution des prestations. Selon l’article 1699 C.c.Q., la restitution a lieu dans tous les cas; cependant, le tribunal peut la refuser ou la modifier, de façon exceptionnelle, lorsqu’elle accorderait un avantage indu à une partie. Le ministre de la Justice a précisé dans ses commentaires son intention de mettre de côté l’adage romain, lequel risquait d’ajouter « une seconde immoralité à la première, en provoquant l’enrichissement indu de l’une des parties »[201]. Bien que quelques jugements aient continué d’invoquer cet adage pour refuser la restitution, une jurisprudence majoritaire rejette désormais son application et demande, afin d’exercer le pouvoir conféré par l’article 1699 C.c.Q., la preuve d’un avantage indu au-delà de la seule violation de l’ordre public[202]. Ce faisant, la règle accomplit à la fois un objectif de politique publique — priver les contrats illicites de tout effet — et une certaine justice entre les parties[203]. Ce résultat est atteint sans qu’il soit nécessaire de faire appel à une fin de non-recevoir discrétionnaire.

2.    Illégalité liée à la conduite d’une partie

De même, le droit civil de la responsabilité ne contient pas de règles spécifiques sur l’illégalité. Ses règles générales sont applicables[204]. L’ap-préhension de l’illégalité de la conduite d’une victime est, ici encore, plus simple qu’en droit anglais et mène à une indemnisation plus généreuse[205]. D’une part, l’acceptation des risques de sa conduite illégale par une victime n’exonère généralement pas l’auteur de la faute, sauf dans les cas exceptionnels où la volonté libre et éclairée de la victime est suffisante pour qu’une fin de non-recevoir s’élève — ce qui constitue un critère exigeant[206]. D’autre part, si l’illégalité est présentée comme une faute contributive de la victime, elle peut entraîner un partage de responsabilité, à condition de constituer une faute civile causale[207].

Le plus souvent, les tribunaux ne remettent pas en doute la licéité des actions d’une victime. Ils ont ainsi indemnisé partiellement un jeune adolescent brûlé après s’être rendu dans un boisé pour y allumer un feu[208], de même qu’une personne qui s’était blessée en tentant de monter à bord d’un train en marche[209], sans aborder la légalité de leur conduite. De même, l’action d’un demandeur ayant accepté de se battre pour régler un différend[210] et celle d’adolescents ayant participé à la fabrication d’une bombe artisanale[211] ont été rejetées sans discussion de l’illégalité de leurs gestes. Ainsi, l’application des règles générales de la responsabilité civile, simples et uniformes, permettent une grande prévisibilité du droit. Cependant, depuis l’arrêt Soucisse, quelques décisions s’éloignent de ce cadre éprouvé et font appel à la notion de fin de non-recevoir discrétionnaire en cas de simple illégalité des actions de la victime d’un préjudice[212]. Elles citent parfois même à leur soutien des décisions de common law[213].

3.    Illégalité liée aux dommages réclamés

Il est question d’illégalité liée aux dommages lorsqu’un demandeur tente de déplacer le fardeau d’une sanction imposée par la loi, par exemple la perte de revenus ou les frais liés à un séjour en prison, ou de se faire compenser pour la perte de profits ou revenus illégaux, par exemple tirés de la vente de substances illicites[214]. Selon les règles générales de la responsabilité civile, les dommages doivent constituer une suite directe et immédiate de la faute et ils doivent avoir un caractère légitime[215]. Qu’il s’agisse de l’un ou l’autre des deux types d’illégalité liée aux dommages, le tribunal pourra conclure que le préjudice est illégitime et ne peut être réparé[216].

En bref, grâce à la structure d’ensemble du droit civil et à la clarté de ses objectifs législatifs, les frontières entre le droit criminel et le droit des obligations sont généralement nettes[217]. L’application à des situations spécifiques des principes et des règles qui relèvent de l’un ou de l’autre est sans surprise. En appliquant simplement ses principes généraux aux situations d’illégalité, le droit privé québécois priorise ses objectifs de réparation et de justice contractuelle et laisse le droit criminel se charger de la dissuasion et de la punition des actes illicites. Cet équilibre risque toutefois d’être ébranlé par la multiplication de fins de non-recevoir discrétionnaires, au-delà de celles nécessaires au maintien de la cohérence de ses règles spécifiques avec ses valeurs fondamentales.

Conclusion

Les tribunaux ont-ils, dans un État de droit, la discrétion de fermer leurs portes à un justiciable et de lui refuser leur secours pour mettre en œuvre les droits que lui reconnaît la loi[218]? Interrogés directement, les juges québécois se déclarent liés par le droit en vigueur[219]. Les motifs de leurs décisions révèlent pourtant une histoire parallèle, difficile à concilier avec cette réponse définitive : celle de la fin de non-recevoir. Lorsqu’une partie l’invoque et qu’un juge la retient, elle paralyse de façon totale et permanente la mise en œuvre d’une réclamation. Sous sa gouverne, le tribunal met les règles qu’impose le droit à l’épreuve des résultats que tolère la justice et lorsque les règles faillissent, il s’autorise à les ignorer au nom de l’équité[220].

Quarante ans après l’arrêt Soucisse, les tribunaux font appel à des fins de non-recevoir discrétionnaires de façon quotidienne, dans une vaste gamme de dossiers litigieux. L’étude systématique des décisions d’appel révèle toutefois des applications souvent confuses ou contradictoires, et parfois problématiques. Les architectes du droit sont constamment à la recherche « du bon degré de généralité », afin « de justifier et de prévoir la solution particulière, sans éliminer toute adaptation concrète »[221]. Ainsi, « l’appel de la théorie est principalement l’appel du général dont le juriste attend plus d’égalité, plus de prévisibilité, dont il espère plus de clarté sur le particulier »[222]. C’est dans cet esprit que cet article s’est efforcé d’identifier les différentes fins de non-recevoir qui peuvent s’élever et de cartographier leur territoire et leurs frontières.

Ces exceptions discrétionnaires devraient demeurer exceptionnelles. Il faut se garder de les invoquer comme panacée à toute difficulté du droit codifié. Autrement, elles sont susceptibles de devenir l’instrument d’une extension indue de l’équité des juges au détriment de la loi en vigueur, au gré des singularités de chaque dossier. Il faut tracer leurs frontières et éviter qu’elles n’envahissent divers territoires qui ne devraient pas être les leurs. Il faut correctement identifier les fins de non-recevoir dirimantes, empêchements absolus créés par la loi, et les fausses fins de non-recevoir, qualifiées ainsi par imprécision de langage. Il faut, en outre, débusquer les fins de non-recevoir soulevées dans des cas qui devraient les exclure. Ces méprises, souvent causées par l’importation inappropriée de concepts d’origine anglaise, comme en matière de renonciation tacite ou de simple illégalité, court-circuitent l’application normale du droit civil et mènent à des résultats erronés.

Les fins de non-recevoir sont porteuses d’un héritage mixte, riche, mais contradictoire, dont témoignent les difficultés de leur intégration au sein du droit civil. Des concepts de droit anglais, waiver, laches, estoppel et autres, se sont immiscés dans leur histoire, jusqu’à s’y confondre et en disparaître, non sans y laisser leurs traces. L’existence de droits subjectifs et l’accès aux tribunaux pour les faire valoir se trouvent au cœur d’une profonde distinction historique entre les conceptions continentale et anglo-saxonne du droit. Le droit civil ne connaît pas la dichotomie entre rights et remedies des droits de tradition anglaise[223]. Le principe selon lequel les portes des tribunaux sont ouvertes aux citoyens, qui peuvent y obtenir la sanction des droits accordée par la loi, est inscrit dans l’identité des droits de tradition continentale[224]. La procédure est la servante, et non la maîtresse, du droit et l’existence d’un droit subjectif emporte normalement l’existence d’un droit d’action pour le faire valoir[225].

Pourtant, strictement définie, correctement employée et restreinte par un impératif de cohérence, la fin de non-recevoir discrétionnaire parvient à dépasser les paradoxes qui ont miné son histoire. Les droits subjectifs ne sont pas absolus : le droit contrôle les modes et conditions de leur exercice[226]. L’ordre juridique a besoin d’un mécanisme qui empêche un droit subjectif particulier de s’exercer aux dépens de la structure ou des valeurs fondamentales du droit objectif. Dans ce paradigme, la fin de non-recevoir n’est pas un obstacle indu à la réalisation du droit codifié ou une incursion dans le droit d’une moralité arbitraire ou changeante, dénuée de légitimité démocratique. Elle est plutôt un appel aux principes généraux qui fondent et infusent le droit, et une possibilité de leur donner voix pour contrer un résultat qui les trahit. Cependant, une grande prudence est de mise. La fin de non-recevoir opère au point critique entre l’équité et l’arbitraire. Elle est le pont entre une justice des règles, aveugle, rigide et prévisible, et une justice des résultats, discrétionnaire, souple et instable. Théoriser la fin de non-recevoir est donc essentiel pour surmonter les dilemmes du choc entre principes généraux et droit codifié et éviter que l’arbitraire n’étende son emprise au cœur de l’appareil judiciaire.

                                               

[1]     Søren Kierkegaard, La Reprise, traduit par Nelly Viallaneix, Paris, Flammarion, 1993 aux pp 91–92.

[2]     Voir la section I, ci-dessous.

[3]     Banque Nationale c Soucisse, [1981] 2 RCS 339, 43 NR 283 [Soucisse avec renvois aux RCS].

[4]     Sur la fin de non-recevoir discrétionnaire comme création jurisprudentielle, voir 6362222 Canada inc c Prelco inc, 2019 QCCA 1457 au para 25, n 6, inf pour d’autres motifs par 2021 CSC 39; Samen Investments Inc c Monit Management Ltd, 2014 QCCA 826 au para 68 [Monit]; Didier Lluelles et Benoît Moore, Droit des obligations, 3e éd, Montréal, Thémis, 2018, no 2030. Voir aussi Daniel Gardner et Maurice Tancelin avec la collaboration de Frédéric Levesque, Jurisprudence commentée sur les obligations, 12e éd, Montréal, Wilson & Lafleur, 2017 à la p 16.

[5]     Contrairement à la fin de non-recevoir de l’arrêt Soucisse, les fins de non-recevoir françaises et bas-canadiennes sont d’application certaine lorsque leurs conditions sont satisfaites (pour le Bas-Canada, voir Gonzalve Doutre, Les lois de la procédure civile dans la province de Québec, t 2, Montréal, Eusèbe Senécal, Imprimeur du Barreau, 1869 aux pp 59–66, 667; pour la France, voir arts 122–26 C proc civ; Encyclopédie juridique Dalloz : répertoire de procédure civile, « Défenses, exceptions, fins de non-recevoir » (2013) par Isabelle Pétel-Teyssié no 3, 32, 40).

[6]     Voir Mathieu Devinat et Édith Guilhermont, « Enquête sur les théories juridiques en droit civil québécois » (2010) 44:2 RJT 7.

[7]     Voir ibid aux pp 36–37.

[8]     Voir la section I, ci-dessous.

[9]     Pierre-Gabriel Jobin et Nathalie Vézina, Baudouin et Jobin : Les obligations, 7e éd, Cowansville (QC), Yvon Blais, 2013, no 730.

[10]    Gardner et Tancelin, supra note 4 à la p 16.

[11]    Frédéric Levesque, Précis de droit québécois des obligations : contrat, responsabilité, exécution et extinction, Cowansville (QC), Yvon Blais, 2014, no 244.

[12]    Voir Daniel Gardner, « Le point sur deux mécanismes aux contours mal définis : la novation par changement de débiteur et la théorie des fins de non-recevoir » (2002) 104:3 R du N 511 à la p 525.

[13]    Voir ibid à la p 523.

[14]    Voir la sous-section II-A, ci-dessous.

[15]    Voir la section II, ci-dessous.

[16]    Voir généralement Pierre Schlag, « Rules and Standards » (1985) 33:2 UCLA L Rev 379. Pour Schlag, l’opposition entre règles et principes est une dialectique omniprésente, négociée de façon quotidienne par les acteurs de l’ordre juridique, mais dénuée de synthèse satisfaisante.

[17]    Voir généralement Christian Atias, Théorie contre arbitraire: éléments pour une théorie des théories juridiques, Paris, Presses Universitaires de France, 1987 aux pp 56–57. Sur la discrétion judiciaire, voir notamment Jean Pineau, « La discrétion judiciaire a-t-elle fait des ravages en matière contractuelle? » dans Service de la formation permanente du Barreau du Québec, La réforme du Code civil, cinq ans plus tard, Cowansville (QC), Yvon Blais, 1998, 141.

[18]    Voir Ordonnance de Louis XIV, roy de France et de Navarre, donnée à Saint Germain en Laye au mois d’Avril 1667, Paris, chez les Associez choisis par ordre de sa Majesté pour l’impression de ses nouvelles Ordonnances, 1667, titre I, art V; Robert Joseph Pothier, Œuvres de Pothier, contenant les traités du droit français. Traité des obligations, par M Dupin, t 1, Paris, Béchet Aîné, 1824, article préliminaire, à la p 2. La fin de non-recevoir québécoise contemporaine diffère cependant grandement de ses ancêtres du même nom, qui n’étaient pas discrétionnaires (voir notamment supra note 5 et texte correspondant).

[19]    Au sujet de la réception partielle et de l’adaptation aux circonstances locales du droit français dans la colonie, voir généralement H Patrick Glenn, « Persuasive Authority » (1987) 32 RD McGill 261; David Gilles, Essais d’histoire du droit : De la Nouvelle-France à la Province de Québec, Sherbrooke, RDUS, 2014.

[20]    Soucisse, supra note 3 à la p 360.

[21]    La base de données de SOQUIJ, pour les mots-clés « fin* adj3 non-recevoir » ou « fin* adj3 nonrecevoir », du 1er octobre 1981 au 1er décembre 2022, répertorie 9 862 décisions (5 626 des tribunaux judiciaires et 4 227 des tribunaux spécialisés), dont 4 552 depuis 2011. Les thèmes SOQUIJ les plus fréquents sont travail, vente, procédure civile, obligations et responsabilité.

[22]    Voir toutefois Québec, Ministère de la Justice, Commentaires du ministre de la Justice, Québec, Publications du Québec, 1993 à l’art 2050 CcQ [Québec, Commentaires du ministre].

[23]    Voir Lluelles et Moore, supra note 4, no 1972–75, 2028–39.

[24]    Voir ibid, no 2033–34.

[25]    Ibid, no 2030–31.

[26]    Ibid, no 1973, 1975.

[27]    Voir Jobin et Vézina, supra note 9, no 729–30. Voir aussi Nathalie Vézina, « La fin de non-recevoir en droit bancaire, ou la faute de la banque comme obstacle à la mise en œuvre de ses droits contre le client en matière d’opérations bancaires » dans Service de la formation continue du Barreau du Québec, Développements récents en droit bancaire, vol 427, Cowansville (QC), Yvon Blais, 2017, 103 aux pp 109–10.

[28]    Jobin et Vézina, supra note 9, no 730.

[29]    Voir Gardner et Tancelin, supra note 4 aux pp 16–17.

[30]    Voir ibid à la p 16.

[31]    Gardner, supra note 12 aux pp 523, 526.

[32]    Voir notamment Vézina, supra note 27 (étude approfondie en matière bancaire); Julie McCann, Prescriptions extinctives et fins de non-recevoir, Montréal, Wilson & Lafleur, 2011 aux pp 172–73 (étude de la prescription et d’autres exceptions codifiées qui se limite à confirmer l’existence de fins de non-recevoir non codifiées); Pascal Ancel, « Les sanctions du manquement à la bonne foi contractuelle en droit français à la lumière du droit québécois » (2011) 45:1 RJT 87 (étude comparative qui suggère la fin de non-recevoir québécoise comme source d’inspiration pour le droit français); Gertrude Wasserman, « The Doctrine of Fins de Non-Recevoir in Quebec Law (with a Comparative Analysis of the English Doctrine of Estoppel) » (1956) 34:6 R du B can 641.

[33]    Voir Lluelles et Moore, supra note 4, no 2033–34.

[34]    Voir Jobin et Vézina, supra note 9, no 730.

[35]    Voir McCann, supra note 32 à la p 173.

[36]    La liste des sources incluses dans ce réseau est disponible auprès de l’auteure.

[37]    Cette sélection nous a permis d’éliminer les décisions où le terme était employé comme expression du langage courant, en obiter dictum ou dans la citation d’une autre source. La liste des décisions retenues et exclues, avec les motifs de leur exclusion, est disponible auprès de l’auteure. Cette étude suit les recommandations de William Baude, Adam S Chilton et Anup Malani pour l’utilisation d’études systématiques au soutien d’affirmations sur l’état du droit (voir Adam S Chilton et Anup Malani, « Making Doctrinal Work More Rigorous: Lessons from Systematic Reviews » (2017) 84:1 U Chicago L Rev 37 à la p 53). Quant au poids des décisions, nous avons priorisé celles de la Cour suprême, et parmi celles de la Cour d’appel, celles où le tribunal s’est livré à l’analyse des principes, et ensuite, les plus récentes (voir ibid aux pp 54, 56).

[38]    Cette synthèse inclut des références ponctuelles à d’autres décisions et textes de doctrine consultés pour compléter l’information tirée de l’analyse systématique.

[39]    Voir Michel Foucault, Dits et écrits, 1954-1988, t 1: 1954-1975, Paris, Gallimard, 2001 à la p 1009.

[40]    Voir Ian Hacking, Historical Ontology, Cambridge, Harvard University Press, 2004 à la p 36. Voir aussi Michael Lobban, « Legal Theory and Legal History: Prospects for Dialogue » dans Maksymilian del Mar et Michael Lobban, dir, Law in Theory and History, Oxford, Hart Publishing, 2016, 3 aux pp 11–12.

[41]    Voir Alessandro Somma, « Global Legal History, Legal Systemology, and the Genealogy of Law » (2018) 66:4 Am J Comp L 751 à la p 768; Heikki Pihlajamäki, « Merging Comparative Law and Legal History: Towards an Integrated Discipline » (2018) 66:4 Am J Comp L 733 à la p 740.

[42]    Voir Somma, supra note 41 aux pp 759, 765.

[43]    Voir ibid à la p 765.

[44]    Sur l’histoire comparative de la fin de non-recevoir et son développement comme institution hybride qui combine des notions françaises et des notions de common law et d’equity comme l’estoppel, le waiver et les laches, ainsi que sur les différences importantes entre les fins de non-recevoir françaises et québécoises, voir Marie-Lou Laprise, Vers une théorie des fins de non-recevoir en droit privé québécois, mémoire de maîtrise en droit, Université de Montréal, 2020.

[45]    Voir par ex arts 1497–1517 CcQ (prématurité d’une action en justice avant que la condition suspensive ne soit accomplie ou que le terme suspensif ne soit échu); arts 2921–33 CcQ (prescription extinctive); arts 2633, 2848 CcQ et art 168(1) Cpc (chose jugée); arts 153–66, 256, 281–97, 301–04, 3083–87 CcQ et arts 92, 168(2) Cpc (défaut de capacité); arts 208, 321, 360, 802, 1029, 1085, 1278, 1316, 2130–37, 2225, 2266, 2271, 2773 CcQ et arts 86–92, 168(2) Cpc (défaut de qualité); arts 85, 168(3) Cpc (défaut d’intérêt).

[46]    Par exemple, le serment décisoire (arts 1247–53 CcBC) a été aboli (SQ 1897, 60 Vict, c 50, art 21) et l’incapacité de la femme mariée (arts 174–80, 1259 CcBC), remplacée par l’égalité entre époux (arts 440–41 CcQ (1980); arts 1, 4, 392 CcQ).

[47]    On notera cependant l’exception de l’article 2921 CcQ.

[48]    Par exemple, selon les éléments essentiels du droit d’action exercé, paiements, quittances et remises constituent souvent une défense directe (voir Henri Cousineau & Fils inc c Axa Assurances inc, 2010 QCCA 1000 aux para 11, 13, 16–18 [Cousineau]). Sur l’origine du concept, voir Calixte Accarias, Précis de droit romain, t 2, 4e éd, Paris, F Pichon, 1891, no 890; Robert J Pothier, Œuvres de Pothier : Traité de la procédure civile, t 9, Paris, Béchet Aîné, 1824 aux pp 13–14; Jonathan Sewell, « Dissertation sur les plaidoiries dans le Bas-Canada » dans Alphonse Lusignan, dir, Jurisprudence canadienne : Index analytique des décisions judiciaires rapportées de 1864 à 1871, Montréal, Franc-Parleur, 1872, 1 à la p 7.

[49]    Voir par ex 9077-0801 Québec inc c Société des loteries vidéo du Québec inc, 2012 QCCA 885 aux para 17, 57, autorisation de pourvoi à la CSC refusée, 34923 et 34924 (6 décembre 2012).

[50]    Voir Syndicat des employés de Bombardier, La Pocatière (CSN) c Bombardier Transport Canada inc, 2015 QCCA 355 au para 8 [Bombardier]; Québec (Sous-ministre du Revenu) c B(D), [2002] RJQ 54 au para 25, 2002 CanLII 37029 (CA) [BD]. Pour l’origine du concept, voir Accarias, supra note 48, no 898; Sewell, supra note 48 à la p 7. Voir aussi Jean-Baptiste Denisart, Collection de décisions nouvelles et de notions relatives à la jurisprudence, t 8, Paris, Veuve Desaint, 1789 à la p 166.

[51]    Voir BD, supra note 50 au para 25; Denisart, supra note 50 à la p 166; Alphonse Rodière, Exposition raisonnée des lois de la compétence et de la procédure en matière civile, t 2, Toulouse, Principaux libraires, 1841 aux pp 38–39. Le droit bas-canadien, suivant Pothier, les appelait exceptions péremptoires en droit (voir Pothier, supra note 48 à la p 15; Sewell, supra note 48 aux pp 7–8).

[52]    Voir WT Rawleigh Co v Dumoulin, [1926] RCS 551 à la p 556, [1926] 4 DLR 141 [Rawleigh].

[53]    Cette distinction, introduite par le présent article, n’est pas articulée comme telle par la loi, la jurisprudence et la doctrine actuelles, mais existe dans les fins de non-recevoir que ces sources décrivent ou appliquent. Voir par ex Richter & Associés inc c Merrill Lynch Canada inc, 2007 QCCA 124 aux para 56–57 [Merrill] (les fins de non-recevoir décrites au para 56 sont principalement dirimantes, et celles évoquées au para 57, discrétionnaires).

[54]    « Dirimant » est ici préféré à « absolu » afin d’éviter toute confusion avec la nullité absolue. Voir Jacques Picotte, dir, Juridictionnaire TERMIUM Plus, Moncton, Faculté de droit de l’Université de Moncton et Bureau de la traduction du Canada sub verbo « Dirimant, ante », en ligne: Gouvernement du Canada <www.noslangues-ourlanguages.
gc.ca/> [perma.cc/9DPX-NTXC] :

Est qualifié de dirimant dans l’usage courant ce qui est formel, radical, sans réplique, ce qui, par son caractère absolu, ne laisse aucune possibilité de recours. Ainsi dira-t-on d’un argument qu’il est dirimant, s’il détruit tout raisonnement, ou d’une objection qu’elle est dirimante, si elle empêche toute discussion. Un obstacle est dirimant quand il entrave indéfiniment une action […] (ibid).

[55]    Au sujet de cette distinction en matière de nullités contractuelles, voir Lluelles et Moore, supra note 4, no 1111–17 (la qualification d’une nullité comme relative ou absolue dépend des intérêts que la norme violée sert à protéger).

[56]    Voir généralement Denis Ferland et Benoît Emery, dir, Précis de procédure civile du Québec, 5e éd, vol 1 : Art. 1-301, 321-344 C.p.c., Cowansville (QC), Yvon Blais, 2015, no 1-1227.

[57]    Voir art 2921 CcQ.

[58]    Voir art 2848 CcQ.

[59]    Voir art 2878 CcQ; Maurice Tancelin, Des obligations en droit mixte du Québec, 7e éd, Montréal, Wilson & Lafleur, 2009, no 1444.

[60]    Voir par ex Loi sur l’assurance automobile, RLRQ c A-25, art 83.57; Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, RLRQ c A-3.001, arts 438–45; Godbout c Pagé, 2017 CSC 18 aux para 72–73 [Godbout].

[61]    Voir par ex l’immunité des États étrangers (voir Loi sur l’immunité des États, LRC 1985, c S-18, art 3(1); Kazemi (Succession) c République islamique d’Iran, 2014 CSC 62 aux para 118, 161), des commissaires (voir Loi sur les commissions d’enquête, RLRQ c C-37, art 16; Morier c Rivard, [1985] 2 RCS 716 aux pp 734, 745, 23 DLR (4e) 1) et des organismes de droit public (voir art 1376 CcQ; Association professionnelle des cadres de premier niveau d’Hydro-Québec c Hydro-Québec, 2016 QCCA 1102 aux para 29, 32 [Cadres d’Hydro-Québec]).

[62]    Centre de recherche en droit privé et comparé du Québec, Dictionnaire de droit privé et lexiques bilingues: les obligations, 3e éd, Cowansville (QC), Yvon Blais, 2003, sub verbo « Principes généraux du droit » [CRDPQ]. Voir aussi Mireille Delmas-Marty, Pour un droit commun, Paris, Seuil, 1994 aux pp 83, 85.

[63]    Louise Rolland, « La bonne foi dans le Code civil du Québec : du général au particulier » (1996) 26:2 RDUS 377 à la p 379. Voir aussi Jean Pineau, « La philosophie générale du Code civil » dans Pierre-André Côté, dir, Le nouveau Code civil : interprétation et application, Montréal, Thémis, 1993, 269 aux pp 275–76. Sur la disposition préliminaire, voir notamment H Patrick Glenn, « La Disposition préliminaire du Code civil du Québec, le droit commun et les principes généraux du droit » (2005) 46:1/2 C de D 339; Alain-François Bisson, « La Disposition préliminaire du Code civil du Québec » (1999) 44:3 RD McGill 539.

[64]    Voir Cie Immobilière Viger c L Giguère Inc, [1977] 2 RCS 67 à la p 76, 10 NR 277.

[65]    CRDPQ, supra note 62, sub verbo « Principes généraux du droit ». Voir aussi Mark Van Hoecke, « The Use of Unwritten Legal Principles by Courts » (1995) 8:3 Ratio Juris 248.

[66]    Rolland, supra note 63 à la p 379.

[67]    Sur l’impératif de cohérence comme justification du rejet d’une cause d’action, voir notamment Hall c Hebert, [1993] 2 RCS 159 à la p 176, 101 DLR (4e) 129, citant Ernest J Weinrib, « Illegality as a Tort Defence » (1976) 26:1 UTLJ 28 à la p 42 :

[A]ccorder la réparation demandée […] introduirait une incohérence dans le droit […] [L]e droit doit viser à constituer un tout unifié, dont les parties – les domaines contractuel, délictuel et pénal – doivent se combiner dans une indispensable harmonie. Si les tribunaux devaient, d’une main, punir la conduite qu’ils approuvent de l’autre, cela équivaudrait à […] « créer une faille intolérable dans l’unité conceptuelle du droit » [traduction de la Cour].

Voir aussi Sharon Erbacher, Negligence and Illegality, Oxford, Hart Publishing, 2017 aux pp 8–12.

[68]    Voir par ex Brigitte Lefebvre, « La bonne foi » dans Benoît Moore, dir, Les grandes notions : collection Les grands classiques du droit civil, Montréal, Thémis, 2015, 75; Christine LeBrun, Le devoir de coopération durant l’exécution du contrat, Montréal, LexisNexis, 2013; Marie Annik Grégoire, Liberté, responsabilité et utilité: la bonne foi comme instrument de justice, Cowansville (QC), Yvon Blais, 2010; Brigitte Lefebvre, « La rupture du contrat pour cause d’inexécution : Regards sur le rôle de la bonne foi » (2006) 36:1 RGD 69; Didier Lluelles, « La bonne foi dans l’exécution des contrats et la problématique des sanctions » (2004) 83:1 R du B can 181; Ejan Mackaay et al, « L’économie de la bonne foi contractuelle » dans Benoît Moore, dir, Mélanges Jean Pineau, Montréal, Thémis, 2003, 421.

[69]    Voir arts 6, 7, 1375 CcQ. La bonne foi est mentionnée 78 fois dans le Code civil du Québec.

[70]    Voir notamment art 1022 CcBC. Comparer art 1134 C civ.

[71]    Voir Gérard Trudel, Traité de droit civil du Québec, t 7, Montréal, Wilson & Lafleur, 1946 aux pp 329, 338, 345; P-B Mignault, Le droit civil canadien, t 5, Montréal, Théorêt, 1901 à la p 261.

[72]    Voir Jean-Louis Baudouin, « Justice et équilibre : la nouvelle moralité contractuelle du droit civil québécois » dans Gilles Goubeaux et al, dir, Études offertes à Jacques Ghestin : le contrat au début du XXIe siècle, Paris, LGDJ, 2001, 29 aux pp 30–32; Louis Perret, « Une philosophie nouvelle des contrats fondée sur l’idée de justice contractuelle » (1980) 11:2 RGD 537; Pierre-Gabriel Jobin, « L’équité en droit des contrats » dans Pierre-Claude Lafond, dir, Mélanges Claude Masse : En quête de justice et d’équité, Cowansville (QC), Yvon Blais, 2003, 471.

[73]    Voir Soucisse, supra note 3; Houle c Banque Canadienne Nationale, [1990] 3 RCS 122, 74 DLR (4e) 577; Banque de Montréal c Bail Ltée, [1992] 2 RCS 554, 93 DLR (4e) 490.

[74]    Baudouin, supra note 72 à la p 32.

[75]    Voir Québec, Ministère de la Justice, La Réforme du Code civil, Québec, Éditeur officiel, 1991 à la p 2. Voir aussi Pineau, supra note 63 aux pp 281–88.

[76]    Lluelles et Moore, supra note 4, no 924.

[77]    Voir Groupe Trans-inter inc c Ragusa Canada inc, 2012 QCCA 2033 au para 48 [Ragusa]. Voir aussi 9185–5908 Québec inc (Bio-Dis) c Conditionnement Bio-Pak inc, 2014 QCCA 2359 au para 26 [Bio-Dis].

[78]    Voir la sous-section II-B-2, ci-dessous.

[79]    Voir Durocher c Commission des relations du travail, 2015 QCCA 1384 au para 100; Droit de la famille — 143196, 2014 QCCA 2316 au para 9 [DF143196]; Développement Tanaka inc c Corporation d’hébergement du Québec, 2011 QCCA 730 au para 27 [Tanaka].

[80]    Voir Droit de la famille — 171197, 2017 QCCA 861 au para 99 [DF171197]; Bio-Dis, supra note 77 au para 26; Ragusa, supra note 77 au para 59; Merrill, supra note 53 au para 62.

[81]    Voir Yuan c Banque Laurentienne du Canada, 2016 QCCA 918 au para 16; Continental Casualty Company c Taillefer, 2014 QCCA 2001 au para 28; Tanaka, supra note 79 au para 28.

[82]    Voir Rawleigh, supra note 52 à la p 556.

[83]    Voir par ex Picard c Picard, 2018 QCCA 1241 (pas de fin de non-recevoir à une demande de rétractation d’un jugement dont l’appel est en cours); Gestion Almaca inc c Syndicat des copropriétaires du 460 St-Jean, 2014 QCCA 105 aux para 25, 29–30 (pas de fin de non-recevoir à l’exercice des droits réels d’un copropriétaire divis); Ouimet c Caisse de dépôt et placement du Québec, 2010 QCCA 1222 aux para 20–21 [Ouimet] (pas de fin de non-recevoir pour tardiveté d’une action qui n’est pas prescrite).

[84]    Le professeur Jobin parle de jurisprudence contra legem, par opposition à praeter legem, pour désigner les rares cas où « le juge, devant les conséquences absurdes ou choquantes de l’application d’une règle de droit, décide de ne pas l’appliquer pour la remplacer par une solution ad hoc », « l’équité des juges dans sa forme la plus radicale » (Jobin, supra note 72 à la p 479).

[85]    Voir notamment Droit de la famille — 10234, 2010 QCCA 236 [DF10234], autorisation de pourvoi à la CSC refusée, 33658 (24 juin 2010). L’article 595 CcQ limitait à un an le droit de réclamer l’augmentation rétroactive d’une pension alimentaire pour enfants (voir art 643 CcQ (1980); LQ 1991, c 64, art 595 (1991)). Selon la Cour d’appel, des changements sociaux avaient rendu la non-rétroactivité désuète (voir DF10234, supra note 85 au para 55). Plusieurs juges avaient sanctionné l’évasion choquante de leurs obligations par certains débiteurs par une pleine rétroactivité en opposant une fin de non-recevoir à la défense fondée sur l’article 595 CcQ, malgré ses termes clairs (voir ibid au para 31). Pour la Cour d’appel, cette solution servait les fins de la justice (voir ibid aux para 45–47, 54–55). Le législateur est intervenu pour codifier la solution jurisprudentielle et mettre fin à cette contradiction (voir Loi favorisant l’accès à la justice en matière familiale, LQ 2012, c 20, art 43).

[86]    Voir Ouimet, supra note 83 aux para 17–21.

[87]    Voir Gestion Éric Tardif inc c Banque Royale du Canada, 2017 QCCA 356 aux para 4–5 [Tardif], autorisation de pourvoi à la CSC refusée, 37548 (15 mars 2018); Cousineau, supra note 48 au para 27; Banque Nationale du Canada c Lemay, 2008 QCCA 1 au para 46 [Lemay].

[88]    Voir Lluelles et Moore, supra note 4, no 920 (les auteurs insistent sur l’importance de ne pas indûment écarter les choix du législateur à l’aide de l’article 1375 C.c.Q. et « d’éviter que la bonne foi ne devienne un système parallèle agissant en vase clos » (ibid)). Sur la différence entre l’équité comme principe de droit civil, à la lumière duquel le juge exerce sa discrétion, et l’equity comme source d’un ordre juridique parallèle, voir notamment Anne-Françoise Debruche, « What is “Equity”? Of Comparative Law, Time Travel and Judicial Cultures » (2009) 39:1 RGD 203; Michelle Cumyn, « L’équité : définitions et concepts » dans Pierre-Claude Lafond et Benoît Moore, dir, L’équité au service du consommateur, Cowansville (QC), Yvon Blais, 2010, 1; Jean Goulet, « La part de l’équité dans la décision judiciaire » dans Jacques Beaulne, dir, Mélanges Ernest Caparros, Montréal, Wilson & Lafleur, 2002, 347; Alfredo Mordechai Rabello, dir, Aequitas and Equity: Equity in Civil Law and Mixed Jurisdictions, Jerusalem, Harry and Michael Sacher Institute for Legislative Research and Comparative Law, Hebrew University of Jerusalem, 1997.

[89]    On parlera de conditions d’ouverture, plutôt que de conditions d’application : vu leur nature discrétionnaire, même si les conditions sont réunies, il revient au tribunal de déterminer s’il est approprié d’appliquer une fin de non-recevoir.

[90]    Voir par ex Tardif, supra note 87 aux para 4–5; Lemay, supra note 87 au para 46.

[91]    Voir Distribution Pri inc (Syndic de), 2020 QCCA 487 au para 51 [Pri]. Voir aussi par ex Ragusa, supra note 77 au para 59; Merrill, supra note 53 au para 59. Contra Schenker of Canada Ltd c Goldex Imports Ltd, [1990] RRA 477, 1990 CanLII 3458 (Qc CA).

[92]    Voir par ex Vachon c Neszvecsko, 2015 QCCA 873 [Neszvecsko] (« violations sérieuses aux exigences de la bonne foi » au para 12); Monit, supra note 4 aux para 73, 76–77 (comportement « hautement répréhensible » au para 77).

[93]    Voir DF171197, supra note 80 aux para 97–99; DF143196, supra note 79 au para 9;
P-B Mignault, « The Authority of Decided Cases » (1925) 3:1 R du B can 1 à la p 23. Voir par ex Banque Laurentienne du Canada c Mackay, [2002] RJQ 365 au para 30, 2002 CanLII 41095 (Qc CA); Fecteau c Gareau, [2003] RRA 124, 2003 CanLII 47906 (Qc CA) au para 49; Sàfilo Canada Inc c Chic Optic, [2005] RJQ 27 aux para 25–26, 2004 CanLII 46683 (Qc CA); Monit, supra note 4 au para 73.

[94]    Sur le devoir de cohérence, voir Hydro-Québec c Construction Kiewit cie, 2014 QCCA 947 aux para 91–95; Inter-Cité Construction ltée c Québec (PG), 2015 QCCS 4365 aux para 95–104, conf par 2017 QCCA 1525; Jobin et Vézina, supra note 9, no 155; Lluelles et Moore, supra note 4, no 1991. Sur la fin de non-recevoir remède, voir par ex Enerkem Alberta Biofuels c Papillon et Fils ltée, 2019 QCCA 1334 aux para 57–58; Billards Dooly’s inc c Entreprises Prébour ltée, 2014 QCCA 842 aux para 59–62, 69–71 [Dooly’s]; Emerson Électrique du Canada ltée c Chatigny, 2013 QCCA 163 au para 12 [Emerson]; Château Drummond inc c Barretto, 2009 QCCA 2071 au para 3. Voir aussi Sinyor Spinners of Canada Ltd v Leesona Corp, [1976] CA 395 à la p 398, 29 CPR (2e) 71 (Qc).

[95]    Voir par ex 99955 Canada ltée c Capitale (La), assureur de l’administration publique inc, 2007 QCCA 366 aux para 51–52; Fiducie canadienne italienne c Folini, [2001] RDI 202 aux para 35–37, 107 ACWS (3e) 317 (CA Qc) [Folini].

[96]    Sur le cas d’autorisation préalable, voir par ex Lavallée c Simard, 2011 QCCA 1458 aux para 44–45, autorisation de pourvoi à la CSC refusée, 34633 (24 mai 2012).

[97]    Sur le cas d’acceptation des risques, voir art 1477 CcQ; Imperial Tobacco Canada ltée c Conseil québécois sur le tabac et la santé, 2019 QCCA 358 aux para 329, 342–44 (lorsque la connaissance de la victime doublée de sa volonté d’accepter les risques atteignent un degré suffisant, elles peuvent constituer une fin de non-recevoir à l’action contre le fabricant); Jean-Louis Baudouin, Patrice Deslauriers et Benoît Moore, La responsabilité civile, vol 1 : Principes généraux, 8e éd, Cowansville (QC), Yvon Blais, 2014, no 711–18; Tancelin, supra note 59, no 818–22.

[98]    Voir Monit, supra note 4 aux para 67–68.

[99]    Voir par ex London Life Insurance Company c Long, 2016 QCCA 1434 aux para 253, 263 [Long]; Brizard c McNicoll, 2013 QCCA 2192 au para 55; St-Pierre c Lotfi, 2012 QCCA 1436 [Lotfi].

[100] Voir par ex Ragusa, supra note 77; Lotfi, supra note 99.

[101] Voir par ex Canada (PG) c Imperial Tobacco Ltd, 2012 QCCA 2034 aux para 124, 144.

[102] Voir par ex Dooly’s, supra note 94 au para 95; Emerson, supra note 94 au para 12; Lapenna c Simard, 2010 QCCA 1952 aux para 7–8 [Lapenna].

[103] Voir par ex Tremblay c Gagnon, 2012 QCCA 66 au para 41.

[104] Voir par ex Caron c Voyer, 2013 QCCA 1335 [Caron]; Merrill, supra note 53.

[105] Voir par ex Drummcor Equities Inc c Gestion Furst inc, 2018 QCCA 1668 aux para 12–14 [Drummcor] (inopposabilité d’un jugement); Québec (Sous-Ministre du Revenu) c 9087-3118 Québec inc, 2010 QCCA 1470 aux para 17–20 (voile corporatif); Kansa General International Insurance Co Ltd (Liquidation de), 2008 QCCA 807 aux para 8, 33, 45–48 (inopposabilité d’une transaction).

[106] Voir par ex St-Arnaud c CL, 2013 QCCA 981 aux para 61–71 (partialité du juge du procès); Pépin c Caisse, 2009 QCCA 1697 aux para 29, 31 (argument de droit nouveau).

[107] Voir par ex Succession de Duperré c Claveau, 2018 QCCA 592 au para 7 [Claveau]; Domaine Ti-Bo inc c Bureau, 2011 QCCA 1764 aux para 1–6; 2630-5235 Québec inc (Syndic de) c François Huot & Associés Syndic ltée, 2008 QCCA 1230 aux para 1–7.

[108] Voir par ex Chélin c Université du Québec à Montréal, 2011 QCCA 155 au para 5.

[109] Voir par ex Bombardier, supra note 50 aux para 5–6, 8.

[110] Voir par ex Lotfi, supra note 99.

[111] Voir par ex Emerson, supra note 94 au para 12; Emerson Electric Canada ltée c Foisy, 2006 QCCA 12.

[112] Voir Banque nationale de Paris (Canada) c 165836 Canada Inc, 2004 CSC 37 au para 67; Lotfi, supra note 99 aux para 51–58.

[113] Voir Monit, supra note 4 au para 67.

[114] Voir généralement Larry A DiMatteo et Cristina Poncibó, « Quandary of Smart Contracts and Remedies: The Role of Contract Law and Self-Help Remedies » (2018) 26:6 Eur R Priv L 805.

[115] Voir Denis-Cossette c Germain, [1982] 1 RCS 751 à la p 784, 1982 CanLII 183.

[116] Voir Merrill, supra note 53 aux para 33–39.

[117] Contra McCann, supra note 32 aux pp 171–75 (l’auteure adopte une définition des fins de non-recevoir de nature procédurale, proche de celle du droit français, et les assimile au moyen en irrecevabilité de l’article 168 C.p.c., tout en y incorporant les fins de non-recevoir non codifiées fondées sur les principes généraux du droit).

[118] Voir art 168 al 2 Cpc.

[119] Voir par ex Claude Joyal inc c CNH Canada Ltd, 2014 QCCA 588 aux para 35–39, 70–75, autorisation de pourvoi à la CSC refusée, 35867 (17 juillet 2014); Cousineau, supra note 48; R & L Holding and Warehousing Inc (Syndic de), 2010 QCCA 1632 au para 9.

[120] Voir la sous-section II-C-1, ci-dessous.

[121] Voir Lapierre c Québec (PG), [1985] 1 RCS 241 aux pp 246, 251–57, 16 DLR (4e) 554; Lluelles et Moore, supra note 4, no 1549.

[122] Voir par ex Haddad c Groupe Jean Coutu (PJC) inc, 2010 QCCA 2215 au para 85 [Haddad] (action déclaratoire pour constater l’extinction d’une obligation de non-concurrence).

[123] Lluelles et Moore, supra note 4, no 1558–59.

[124] Voir DF10234, supra note 85 au para 48. Voir par ex Bérubé c Lemay, 2018 QCCA 395 [Bérubé] (échec d’une fin de non-recevoir fondée sur l’absence de dénonciation alors que le débiteur a omis d’agir après avoir été mis au courant); Falduto c Compagnie d’assurance-vie Federated du Canada, 2008 QCCA 438 (échec d’une fin de non-recevoir fondée sur la négligence et le défaut de se renseigner, opposée par un assuré contre la demande en nullité de son assureur, alors que l’assuré avait fait une déclaration sciemment fausse et trompeuse).

[125] Voir par ex Tanaka, supra note 79 au para 27.

[126] Voir par ex Neszvecsko, supra note 92 aux para 9–12; Haddad, supra note 122 au para 88.

[127] Voir Bio-Dis, supra note 77 au para 26.

[128] Voir Monit, supra note 4 aux para 91–93. Voir par ex Laflamme c Prudential-Bache Commodities Canada Ltd, 2000 CSC 26 aux para 40, 54 [Laflamme]; Wightman c Widdrington (Succession de), 2013 QCCA 1187 aux para 375, 409, 417, autorisation de pourvoi à la CSC refusée, 35438 (9 janvier 2014).

[129] Voir par ex 3597024 Canada inc c Zimka Investments Inc, 2007 QCCA 702 aux para 19–20, 25; Nasifoglu c Complexe St-Ambroise inc, 2005 QCCA 559 aux para 35–36.

[130] Voir Provenzano c Babori, [1991] RDI 450 aux pp 453–54, 1991 CanLII 2796 (CA). Voir par ex Dooly’s, supra note 94 au para 75; Ragusa, supra note 77.

[131] Voir par ex Bérubé, supra note 124.

[132] Voir TL c YL, 2011 QCCA 1205 aux para 15–17, autorisation de pourvoi à la CSC refusée, 34412 (22 mars 2012).

[133] Haddad, supra note 122 au para 88.

[134] Voir Stephen A Smith, Rights, Wrongs, and Injustices: The Structure of Remedial Law, Oxford, Oxford University Press, 2019 aux pp 299–319 [Smith, The structure of Remedial Law].

[135] Voir Groupe CRH Canada inc c Beauregard, 2018 QCCA 1063 au para 32; Cadres d’Hydro-Québec, supra note 61 au para 33; Lluelles et Moore, supra note 4, no 2874.

[136] Voir Pépin c Brissette, 2008 QCCA 830 au para 31; Warner Chappell Music France c Beaulne, 2010 QCCS 2632 aux para 88–89 [Beaulne].

[137] Voir Stanford International Bank Ltd (Dans l’affaire de la liquidation de), 2009 QCCA 2475 au para 26, autorisation de pourvoi à la CSC refusée, 33568 (22 décembre 2011). Voir par ex Beaulne, supra note 136 aux para 88–89.

[138] Voir Smith, The structure of Remedial Law, supra note 134 aux pp 277, 314–16.

[139] Voir par ex Syndicat du personnel technique et professionnel de la Société des alcools du Québec (SPTP) c Société des alcools du Québec, 2011 QCCA 1642 aux para 16, 130–31 (aucune fin de non-recevoir n’empêche d’invalider des programmes d’équité salariale illégaux en vertu d’une loi d’ordre public).

[140] Voir par ex l’effet des clauses de contrats de mariage au sujet des charges du mariage sur une demande de prestation compensatoire (voir art 427 CcQ; M (ME) c L (P), [1992] 1 RCS 183 aux pp 201–02, 88 DLR (4e) 577) et l’effet d’une convention entre époux sur une demande de modification de pension alimentaire (voir Loi sur le divorce, LRC 1985, c 3 (2e supp), art 17; G (L) c B (G), [1995] 3 RCS 370 aux para 55–59, 127 DLR (4e) 385 (motifs concurrents); Droit de la famille — 103038, 2010 QCCA 2074 aux para 43–45).

[141] Voir Ville de Montréal c Litwin Boyadjian inc (Syndic de Société de vélo en libre-service), 2019 QCCA 794 au para 61 [Vélo libre-service], autorisation de pourvoi à la CSC refusée, 38759 (20 février 2020).

[142] Voir Lluelles et Moore, supra note 4, no 1092, 1100; Tancelin, supra note 59, no 289; Serge Gaudet, « Inexisten[c]e, nullité et annulabilité du contrat : essai de synthèse » (1995) 40:2 RD McGill 291 à la p 331, n 177.

[143] Voir Tancelin, supra note 59, no 288; René David, David Pugsley et Françoise Grivart de Kerstrat, Les contrats en droit anglais, 2e éd, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1985 aux pp 180–82.

[144] Voir par ex Guyon dit Lemoine v Lionais (1874), 27 LC Jur 94, 14 CRAC 22 (PC) [Guyon avec renvois aux LC Jur]; United Shoe Machinery Company of Canada v Brunet, [1909] AC 330, [1909] CRAC 148 (PC); Banque de St-Hyacinthe v The Ætna Insurance Co (1911), 17 RL (ns) 413 (CA); Robert v Montreal Trust Company (1918), 56 RCS 342, 41 DLR 173 [Robert avec renvois aux RCS]; Laventure c Vaillancourt (1936), 42 R de J 276 (Qc CS); Péloquin c Compagnie JA Gosselin Ltée, [1954] BR 674, conf par [1957] RCS 15; Louis et Genet Entreprises Inc c Dubé, [1962] CS 335 (Qc); Union Electric Supply Co Ltd c Bourrassa et autre (1962), [1964] RL 174, 1962 CanLII 334 (CS); Schnabel c Empire Life Insurance Co, [1970] CS 313, AZ-70021056 (SOQUIJ) (Qc CS).

[145] Voir Québec, Commentaire du ministre, supra note 22 à l’art 1699 CcQ. Sur la restitution des prestations, voir généralement Pascal Fréchette, La restitution des prestations, Montréal, Yvon Blais, 2018.

[146] Voir Vélo libre-service, supra note 141 aux para 59–61.

[147] Voir arts 1420, 1423–24 CcQ; Lluelles et Moore, supra note 4, no 1099, 1185–88.

[148] Voir la sous-section III-B, ci-dessous.

[149] À preuve qu’un tel anéantissement du droit d’action en annulation n’insulte pas la logique du droit des obligations, une prescription extinctive (fin de non-recevoir dirimante) s’applique au droit d’action en nullité (voir arts 2882, 2925 CcQ; Lluelles et Moore, supra note 4, no 1103, 1181, 1184).

[150] Comparer Ragusa, supra note 77 aux para 41, 44–60. La Cour refuse de prononcer la nullité demandée par la défenderesse. La Cour conclut au passage que la nullité n’était pas établie en faveur de la défenderesse, laquelle n’avait établi ni sa bonne foi, ni un préjudice (voir ibid aux para 49–51, 58), mais retient plutôt une fin de non-recevoir. Dans la mesure où la défenderesse n’avait pas de droit de critique du contrat, il n’était pas nécessaire de faire appel à une fin de non-recevoir discrétionnaire.

[151] Voir Harvey c Gouvernement régional d’Eeyou Istchee Baie-James, 2017 QCCA 1098 aux para 34–35, 41 [Harvey]. Comparer arts 2904–09 CcQ.

[152] Voir Harvey, supra note 151 aux para 34–35, 41.

[153] Voir la sous-section III-B-2, ci-dessous.

[154] Voir arts 2883–88 CcQ; Ashton c Transamerica Life Canada/Transamerica Vie Canada, 2008 QCCA 2440 aux para 2–3.

[155] Dans le cas inverse, il faut tenir compte de l’article 2882 CcQ.

[156] Voir par ex Brown c B2B Trust, 2012 QCCA 900 au para 51 (clauses d’exonération); Axa Assurances inc c Club de golf Summerlea inc, 2013 QCCA 708 au para 6 (absence de droit d’action); Dunkin’ Brands Canada Ltd c Bertico inc, 2015 QCCA 624 aux para 132–40 (quittance).

[157] Voir Lacroix c Valois, [1990] 2 RCS 1259 à la p 1282, 74 DLR (4e) 61 (sur les effets de la libération d’un époux failli sur une demande de prestation compensatoire).

[158] Voir art 167 Cpc; Sylvette Guillemard et Séverine Menétrey, Comprendre la procédure civile québécoise, 2e éd, Collection CÉDÉ, Montréal, Yvon Blais, 2017 aux para 275, 277, 401; Ferland et Emery, supra note 56, no 1-1195–1-1209.

[159] Voir par ex Caron c Société de transport de l’Outaouais, 2007 QCCA 1283; Québec (Procureur général) c Syndicat de professionnelles et de professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ), 2006 QCCA 1211.

[160] Voir par ex Moore c Leblanc, 2012 QCCA 139.

[161] Voir par ex Knafo c Kugler Kandestin, 2020 QCCA 141 au para 7 (conciliation et arbitrage de comptes); Société Radio-Canada c Belley, 2016 QCCA 153 (arbitrage de griefs); Houle c Charbonneau, 2014 QCCA 997 (arbitrage de griefs).

[162] Voir par ex Blondin c Postmedia Network inc, 2013 QCCS 4681 aux para 52–55, conf par 2013 QCCA 2245 au para 5.

[163] Voir Argyrakis c Hamakiotis, 2008 QCCA 312 au para 2.

[164] Voir art 1591 CcQ; Lluelles et Moore, supra note 4, no 2774–77.

[165] Voir par ex Lebel c 9067-1959 Québec inc, 2014 QCCA 1309 aux para 41, 58, 64; Poliquin c Serli, 2013 QCCS 6720 aux para 58–67.

[166] Voir arts 51–56 Cpc. Voir Tanaka, supra note 79 aux para 25–28. Contra Imperial Tobacco Canada Ltd c Létourneau, 2014 QCCA 944 au para 31 (en obiter dictum).

[167] Voir généralement Viel c Entreprises immobilières du terroir Ltée, [2002] RJQ 1262 aux para 74–75, [2002] RDI 241 (CA) [Viel].

[168] Voir Viel, supra note 167 aux para 75, 83–84.

[169] Voir notamment Gestion Centria Commerce inc c Théberge, 2008 QCCA 2511 aux para 16–17, 20–22 (litige entre actionnaires).

[170] Voir par ex CIBC Mortgage Corp c Vasquez, 2002 CSC 60 aux para 43–44 (paiement partiel de l’obligation sous-jacente dans une action en prise en paiement); Barrette c Crabtree (Succession de), [1993] 1 RCS 1027 à la p 1048, 101 DLR (4e) 66 (obligation non-monétaire de l’employeur dans une action en responsabilité des administrateurs pour les dettes envers les employés d’une société faillie); Beaudoin-Daigneault c Richard, [1984] 1 RCS 2 à la p 17, 51 NR 288 (disproportion des apports dans une action fondée sur une société tacite); Coastal Contacts Inc c Ordre des optométristes du Québec, 2011 QCCA 1820 aux para 33–36; Droit de la famille — 121810, 2012 QCCA 1283 au para 12; Desmarteau c Ontario Lottery and Gaming Corporation, 2013 QCCA 2090 au para 46; Union des artistes c Festival international de jazz de Montréal, 2014 QCCA 1268 aux para 46–52.

[171] Voir art 8 CcQ.

[172] Voir arts 8, 1191(2), 1315 CcQ (renonciation); arts 1687–92 CcQ (remise); arts 1418, 1420, 1423–24 CcQ (confirmation); arts 319, 402–05, 447, 1320, 1557, 2152, 2158, 2160 CcQ (ratification).

[173] Voir par ex Guyon, supra note 144; Robert, supra note 144.

[174] Voir par ex Whyte v Western Assurance Company (1875), 22 LC Jur 215, 1875 CarswellQue 5 (WL Can); British Colonial Fire Insurance Company v Rahal (1918), 28 BR 227, 1918 CarswellQue 49 (WL Can); General Fire Insurance Company of Paris, France v Claprood (1919), 29 BR 361, 1919 CarswellQue 106 (WL Can); Gaudet v Guardian Assurance Co (1921), 27 RL (ns) 428; Stevenson v Brique Champlain Ltée, [1943] 3 DLR 419, [1943] BR 196; Larouche v Progressive Compagnie d’Assurance du Canada, [1952] BR 244, [1952] ILR para 1-065; Punger v Serega dit Radicione, succession, [1962] CS 702, [1963] ILR para 5-094.

[175] Voir notamment Grace and Company v Perras (1921), 62 RCS 166 aux pp 172–73, 1921 CarswellQue 73 (WL Can); Mignault, supra note 93 aux pp 19–20, 22–23; Claude Nadeau, « L’estoppel dans le contexte du droit civil québécois » (1986) 46 R du B 599; Michel Morin, « Des juristes sédentaires? L’influence du droit anglais et du droit français sur l’interprétation du Code civil du Bas Canada » (2000) 60 R du B 247 à la p 321.

[176] Voir notamment Life Association of Scotland v Siddal (1861), 45 ER 800 à la p 806, 3 De GF & 58; Clough v London and North Western Railway Company (1871), LR 7 Ex 26 à la p 35; Aaron’s Reefs, Limited v Twiss, [1896] AC 273 aux pp 294–95, [1896] WLUK 37 (HL (Eng)); Ewan McKendrick, « Contract: In General » dans Andrew Burrows, dir, English Private Law, 3e éd, Oxford, Oxford University Press, 2013, 481 aux para 389–90.

[177] Construction Roland Bédard inc c Chamberland, 2008 QCCA 1810 au para 5 [Chamberland]. Voir Lluelles et Moore, supra note 4, no 1203.

[178] Voir 9043-1025 Québec inc c Neveu, 2003 CanLII 71941 au para 6, AZ-04019514 (SOQUIJ) (CA Qc); Folini, supra note 95 aux para 26–27, 33; JP Mallette et Associés inc c Charbonneau, 2009 QCCA 2304 au para 3; Lluelles et Moore, supra note 4, no 1203, 2093–94.

[179] Art 1423 CcQ. Voir Folini, supra note 95 au para 24.

[180] Voir Chamberland, supra note 177 au para 5. Voir aussi Lluelles et Moore, supra note 4, no 1199–1203.

[181] Voir Lluelles et Moore, supra note 4, no 1202.

[182] Voir Canadian Indemnity Co c Canadian Johns-Manville Co, [1990] 2 RCS 549 à la p 622, 72 DLR (4e) 478 [Johns-Manville]; Folini, supra note 95 au para 25.

[183] Voir Folini, supra note 95 au para 28; Financière Banque Nationale inc c Dussault, 2009 QCCA 1594 au para 51 [Dussault].

[184] Voir supra note 177 et 182 et textes correspondants.

[185] Voir Johns-Manville, supra note 182 à la p 621.

[186] Voir ibid aux pp 622–23.

[187] Voir par ex ibid à la p 621.

[188] Voir Godbout, supra note 60 aux para 75–76.

[189] Voir ibid au para 76.

[190] Voir par ex Long, supra note 99 aux para 262–63; Caron, supra note 104 aux para 136–38. Voir aussi Laflamme, supra note 128 au para 34; Dussault, supra note 183 aux para 46–48; Financière Banque Nationale c Canonne, 2008 QCCA 2020 aux para 7–10.

[191] Voir Claveau, supra note 107 au para 8.

[192] Voir 9074-9094 Québec inc c Fatihi, 2018 QCCA 1842 aux para 9–11.

[193] Voir par ex Roberge c Bolduc, [1991] 1 RCS 374 aux pp 421–22, 78 DLR (4e) 666; Claveau, supra note 107 aux para 6–8.

[194] Voir par ex Drummcor, supra note 105 aux para 12–14; Corporation d’entretien d’ascenseur indépendant c JE Verreault & Fils ltée, 2011 QCCA 719 au para 113.

[195] Voir par ex Groupe Van Houtte inc (AL Van Houtte ltée) c Développements industriels et commerciaux de Montréal inc, 2010 QCCA 1970 aux para 30–31, 36.

[196] Voir par ex Pri, supra note 91 aux para 50–52 (renonciation et fin de non-recevoir); Folini, supra note 95 aux para 34–35 (confirmation et fin de non-recevoir).

[197] La doctrine de l’illégalité en droit anglais est une institution complexe qui a fait l’objet de vives critiques et de nombreux revirements jurisprudentiels. Voir généralement Erbacher, supra note 67 aux pp v, 5; Graham Virgo, « Illegality’s role in the law of torts » dans Matthew Dyson, dir, Unravelling Tort and Crime, Cambridge (R-U), Cambridge University Press, 2014, 174.

[198] Voir par ex Groupe conseil Cerca inc c Blond et Associés inc, 2018 QCCA 231 au para 17.

[199] Voir arts 1411, 1413, 1417, 1422 CcQ. Voir Robert P Kouri, « Le contractant de bonne foi et la cause illégale : réflexions sur le mutisme du législateur » (2000) 102:2 R du N 171.

[200] Voir Kouri, supra note 199 aux pp 173–75. Pourtant, dès le début du 20e siècle, la Cour suprême avait conclu que l’illégalité ne devait plus, depuis la codification de 1865, faire obstacle à la restitution (voir Consumers Cordage Company v Connolly (1901), 31 RCS 244, 1901 CarswellQue 28 (WL Can); Lapointe v Messier (1914), 49 RCS 271, 17 DLR 347).

[201] Québec, Commentaires du ministre, supra note 22 à l’art 1699 CcQ.

[202] Voir par ex Bellingham Trading Ltd c Metropolitan Fund Management Ltd, 2005 CanLII 92424 aux para 283–85, AZ-50343236 (SOQUIJ) (CS Qc) [Bellingham], conf en partie par 2008 QCCA 661; El Roi, llc c Pousoulidis, 2006 QCCS 5093 aux para 78–88. Voir généralement Fréchette, supra note 145.

[203] Comparer Nelson Enonchong, « Effects of Illegality: A Comparative Study in French and English Law » (1995) 44:1 ICLQ 196 aux pp 197, 207–08 (le droit québécois se trouve en quelque sorte à mi-chemin entre la solution de politique publique du droit anglais et la restitution stricte du droit français).

[204] Voir arts 1457, 1477–78 CcQ.

[205] Voir Albert Mayrand, « À quand le trépas du “trespasser” ? » (1961) 21 R du B 1; Benoît Moore, « Réflexions sur l’influence de la common law en droit québécois de la responsabilité civile – Albert Mayrand, “À quand le trépas du ‘trespasser’?” » dans Brigitte Lefebvre et Benoît Moore, dir, Les grands textes, collection Les grands classiques du droit civil, Montréal, Thémis, 2018, 253.

[206] Voir la sous-section II-B-2, ci-dessus.

[207] Voir par ex Antoine Guertin Ltée c Chamberland Co Ltd, [1971] RCS 385 à la p 403, 1970 CanLII 168.

[208] Voir Gaudet c Lagacé, [1998] RJQ 1035, 1998 CanLII 12753 (CA).

[209] Voir Burla c Canadian Pacific Railways, 2005 CanLII 7009, 2005 CarswellQue 681 (WL Can) (CS Qc).

[210] Voir Bouchard c Gauvreau, 2007 QCCS 614, conf par 2008 QCCA 970.

[211] Voir Lachance-Guérin (Tutrice à l’instance) c Joyal (Tutrice à l’instance), 2001 CanLII 7200, AZ-50086734 (SOQUIJ) (CQ civ (div pet cré)).

[212] Voir par ex Merrill, supra note 53 aux para 54–68; Sattar c Butt, 2016 QCCS 3775 aux para 135–37, 182 [Sattar].

[213] Voir par ex Sattar, supra note 212, n 57.

[214] Voir généralement Erbacher, supra note 67 aux pp 3–4.

[215] Voir Baudouin, Deslauriers et Moore, supra note 97, no 365, 683.

[216] Voir par ex Centre de motivation personnelle Laurentien ltée c Lavoie, [1974] CS 615, 1974 CarswellQue 235 (WL Can) (Qc).

[217] Voir par ex Bellingham, supra note 202 au para 285. Comparer Matthew Dyson, « Challenging the Orthodoxy of Crime’s Precedence over Tort: Suspending a Tort Claim Where a Crime May Exist » dans Stephen GA Pitel, Jason W Neyers et Erika Chamberlain, dir, Tort Law: Challenging Orthodoxy, Oxford, Hart, 2013, 119 (l’auteur aborde la relation complexe et parfois confuse entre le droit criminel et la responsabilité civile en droit anglais).

[218] Les impératifs associés aux notions d’État de droit et de rule of law vont au-delà de la simple limitation du pouvoir de l’État. La rule of law, en particulier, requiert d’un ordre juridique des « qualités structurelles » de publicité, de cohérence et de prévisibilité. Voir Daniel Mockle, « L’État de droit et la théorie de la rule of law » (1994) 35:4 C de D 823 aux pp 833, 885. Voir aussi Joseph Raz, « The Rule of Law and its Virtue » dans The Authority of Law: Essays on Law and Morality, Oxford, Clarendon Press, 1979, 210 à la p 214; John Finnis, Natural Law and Natural Rights, Oxford, Clarendon Press, 1980 aux pp 270–71.

[219]   Voir Ruffo (Re), 2005 QCCA 1197 aux para 285–89, autorisation de pourvoi à la CSC refusée, 31304 (18 mai 2006); CTCUM c Syndicat du transport de Montréal (CSN), [1977] CA 476 aux para 97–99, 119–24, 1977 CarswellQue 124 (WL Can). Voir aussi Code de déontologie de la magistrature, RLRQ c T-16, r 1, art 1.

[220] La fin de non-recevoir n’est pas seule à habiter ce domaine. Voir notamment Anne-Françoise Debruche, « L’équité judiciaire, de l’ombre à la lumière : archéologie d’une exception singulière aux règles de la publicité immobilière » (2010) 55:4 RD McGill 819 (étude sur la jurisprudence qui s’autorise de l’équité pour « régularise[r] certains empiétements immobiliers en constatant la création ou le transfert implicite de droits réels immobiliers principaux » à la p 819).

[221] Atias, supra note 17 à la p 15.

[222] Ibid à la p 59.

[223] Voir Stephen A Smith, « Rights and Remedies: A Complex Relationship » dans Robert J Sharpe et Kent Roach, dir, Les recours et les mesures de redressement : une affaire sérieuse, Montréal, Institut canadien d’administration de la justice, 2010, 33 (« remedies are sometimes given where plaintiffs have no rights; and […] some rights are not protected by remedies at all » à la p 33).

[224] Voir H Patrick Glenn, « Persuasive Authority » (1987) 32:2 RD McGill 261 à la p 279 [Glenn, « Authority »]; H Patrick Glenn, Legal Traditions of the World: Sustainable Diversity in Law, 5e éd, Oxford, Oxford University Press, 2014 aux pp 145, 149 [Glenn, Legal Traditions].

[225] Voir Glenn, « Authority », supra note 224 à la p 279; Glenn, Legal Traditions, supra note 224 à la p 154.

[226] Voir Glenn, Legal Traditions, supra note 224 à la p 150.

The Limits of the Declaratory Judgment dans ce numéro

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