Case Comment Volume 64:1

L’importation interprovinciale des boissons alcoolisées à des fins personnelles : R c. Comeau et la confirmation de règles de droit de la période de la prohibition

Les premières restrictions quant au libre-échange en matière de commerce interprovincial des boissons alcoolisées ont lieu au moment de la prohibition : le Parlement canadien et les provinces mettent alors en place un système de réglementation du commerce des boissons alcoolisées pour protéger la paix publique. Or, dans la décision R c. Comeau, la Cour suprême du Canada confirme des règles de droit datant de plus d’un siècle : l’objectif de la Loi sur la réglementation des alcools du Nouveau-Brunswick n’est pas de restreindre le commerce interprovincial, mais bien de réglementer la gestion de l’alcool dans la province. Dans ce commentaire d’arrêt, l’auteure cherche à exposer le lecteur au contexte historique de la réglementation du commerce interprovincial de l’alcool à des fins personnelles en abordant deux éléments. D’abord, il sera question du partage des compétences entre le Parlement canadien et les législatures provinciales en matière de réglementation du commerce interprovincial des boissons alcoolisées à des fins personnelles, le tout avec un accent particulier sur les lois néo-brunswickoises. Ensuite, l’auteure traitera de l’interprétation judiciaire de l’article 121 de la Loi constitutionnelle de 1867 et de son applicabilité en ce qui concerne le commerce interprovincial des boissons alcoolisées.

The first restrictions on the free interprovincial trade of alcoholic beverages date to the Prohibition era, when federal Parliament and the provinces established a regime to regulate the sale of alcoholic beverages in order to maintain public order. In its decision in R v. Comeau, the Supreme Court of Canada thus affirms the validity of legal rules that have existed for over a century: the purpose of the New Brunswick Liquor Control Act is not to restrict interprovincial trade, but rather to regulate the supply and use of alcohol in the province. In the present case comment, the author aims to bring to light the historical context surrounding the regulation of interprovincial trade of alcoholic beverages for personal use. The case comment will address two aspects of this context. First, it will discuss the division of powers between the Parliament of Canada and the provincial legislatures as it relates to the regulation of the interprovincial trade of alcohol for personal use, with a particular focus on the laws of New Brunswick. The author will then explore judicial interpretations of section 121 of the Constitution Act, 1867 and its applicability to the interprovincial trade of alcoholic beverages.

* Professeure adjointe, Faculté de droit, Université de Moncton. L’auteure aimerait remercier les étudiants Jonathan Bédard, Natacha Bujold et Jules César Kataguruste pour leurs contributions aux recherches qui ont permis la rédaction du présent commentaire d’arrêt.

Table of Contents

Introduction

I.  La réglementation du commerce interprovincial des boissons alcoolisées : une compétence partagée entre le Parlement canadien et les provinces 

A.  Les premiers efforts de réglementation du commerce de boissons alcoolisées

B.  L’époque de la prohibition et l’interprétation de l’article 121 de la Loi constitutionnelle de 1867 dans l’arrêt Gold Seal v. Alberta

II. L’article 121 de la Loi constitutionnelle de 1867 : une entrave à la libre circulation des boissons alcoolisées à des fins personnelles?

A.  La réglementation néo-brunswickoise de l’importation de boissons alcoolisées à des fins personnelles : l’arrêt R c. Comeau

B.  Le contexte social et législatif du commerce interprovincial de l’alcool : une raison pour réinterpréter Gold Seal v. Alberta?

Conclusion

Bonne cuisine et bon vin, c’est le paradis sur terre.

Henri IV, Roi de France (1553–1610)[1]

Introduction

Le Canada est un important producteur de vins, de bières et de spiritueux[2]. Ces produits sont confectionnés par des producteurs locaux de chaque province; en ce qui concerne le vin et la bière, plus de 90 % des revenus de ces industries proviennent de livraisons intérieures[3]. Or, certains produits locaux ne sont pas vendus par les commissions provinciales des alcools[4]. Pour un résident d’une province productrice de produits alcoolisés, aucun problème ne se pose : un résident de l’Ontario peut être membre d’un club de vin d’un vignoble ontarien et recevoir du vin directement du vignoble par la poste[5]. La situation est différente si un résident du Nouveau-Brunswick est un grand amateur de ce même vin ontarien : seules des quantités réglementées par la province d’accueil peuvent être transportées physiquement sur ce territoire[6]. De même, un résident de l’Ontario qui se rend en Nouvelle-Écosse en voiture — et qui traverse le Nouveau-Brunswick — ne peut rapporter chez lui, pour sa consommation personnelle, plus d’une bouteille de vin néo-écossais, même s’il est assujetti à des quotas d’importation d’alcool plus élevés dans sa province de résidence.

L’importation interprovinciale de produits alcoolisés soulève plusieurs questions d’ordre constitutionnel. En effet, la Loi constitutionnelle de 1867 prévoit que la réglementation du commerce relève du Parlement canadien, alors que les activités commerciales locales sont de compétence provinciale[7]. Qu’en est-il du commerce des produits alcoolisés? À l’heure actuelle, la Loi sur l’importation de boissons enivrantes prévoit qu’un individu peut importer du vin, de la bière ou des spiritueux d’une province à l’autre pour sa consommation personnelle « selon les quantités et les modalités permises par les lois de cette dernière »[8]. La majorité des provinces ont modifié leurs lois pour permettre l’importation d’une quantité — limitée ou non — de produits alcoolisés pour consommation personnelle sur leur territoire[9]. Or, le Nouveau-Brunswick applique toujours des limites mises en place dans les années 1960[10]. En 2018, dans la décision R c. Comeau[11], la Cour suprême du Canada s’est interrogée sur la constitutionnalité des limites adoptées par le législateur néo-brunswickois : ces limites sont-elles contraires à l’article 121 de la Loi constitutionnelle de 1867, qui semble interdire toute forme de barrière commerciale? En se basant sur la décision Gold Seal v. Alberta[12] rendue en 1921, la Cour suprême conclut qu’il n’est pas inconstitutionnel pour une province d’adopter des limites en matière d’importation de boissons alcoolisées à des fins personnelles; l’article 121 de la Loi constitutionnelle de 1867 n’impose pas le libre-échange entre les provinces canadiennes[13].

Dans Comeau, la Cour suprême confirme une règle de droit adoptée pendant la période de prohibition de la vente et de la consommation d’alcool sur le territoire canadien. Cependant, il aurait été justifié que la Cour suprême revoie l’interprétation de l’article 121 adoptée dans l’arrêt Gold Seal à la lumière du critère de changement social et législatif développé dans les arrêts Canada (PG) c. Bedford[14] et Carter c. Canada (PG)[15]. Ainsi, compte tenu des changements législatifs et sociaux en matière d’importation interprovinciale de boissons alcoolisées à des fins personnelles, la disposition néo-brunswickoise aurait dû être déclarée inconstitutionnelle.

Ce commentaire a pour objet d’exposer le lecteur au contexte historique entourant l’adoption, par le Parlement canadien et par le Nouveau-Brunswick, de mesures de réglementation du commerce interprovincial des boissons alcoolisées à des fins personnelles. L’auteure se penche également sur la décision Comeau en discutant particulièrement du standard de révision de précédents pour cause de changements sociaux et législatifs qui auraient permis à la Cour suprême d’interpréter différemment — à la lumière de données nouvelles — l’article 121 de la Loi constitutionnelle de 1867.

I.  La réglementation du commerce interprovincial des boissons alcoolisées : une compétence partagée entre le Parlement canadien et les provinces

A.  Les premiers efforts de réglementation du commerce de boissons alcoolisées

La réglementation du commerce de l’alcool est depuis plusieurs siècles une préoccupation pour la population[16]. Au moment de la colonisation française, des mesures sont prises pour empêcher le commerce de boissons alcoolisées avec les Autochtones et l’importation de ces boissons dans la colonie[17]. Ces efforts de réglementation se poursuivent sous la colonisation anglaise, pendant laquelle des taxes sont imposées sur les produits alcoolisés et des mesures de contrôle sont adoptées dans les provinces du Haut-Canada, du Bas-Canada et du Canada-Uni[18]. Toutefois, la réglementation et le système de permis en place ne permettent pas de résoudre les problèmes liés à la consommation de produits alcoolisés.

À la suite de ces échecs et de l’influence d’idées venues des États-Unis, le mouvement de la tempérance s’organise au XIXe siècle : à cette époque, certains affirment que l’alcool constitue un obstacle au succès économique, à la cohésion sociale, et à la pureté morale et religieuse[19]. La vente de spiritueux étant interdite pour la première fois dans l’État du Maine, le Nouveau-Brunswick est la première région de l’Amérique du Nord britannique à adopter une loi interdisant le commerce et la production de l’alcool[20]. En raison des oppositions de la communauté et des difficultés de mise en œuvre de cette loi par les magistrats, la loi ne reste en vigueur que huit mois avant d’être abrogée[21]. Les Provinces-Unies du Canada adoptent une loi interdisant la vente d’alcool en 1864[22]; plusieurs municipalités du Haut et Bas-Canada votent des règlements en faveur de son application sur leur territoire, mais plusieurs sont rapidement abrogés[23]. Ainsi, ces premiers efforts de prohibition s’avèrent un échec.

Après la Confédération, les efforts des défenseurs de la tempérance reprennent[24]. Les questions touchant au partage des compétences entre le Parlement canadien et les provinces en matière de réglementation du commerce de l’alcool se posent lorsque le Parlement canadien se penche, au début du XXe siècle, sur la possibilité d’adopter une loi sur la prohibition de la vente d’alcool[25] : mais qui, du Parlement canadien ou des législatures provinciales, a compétence en la matière? En 1878, la Cour suprême confirme que la compétence de légiférer en matière de commerce et de taxes appartient au Parlement canadien, sauf dans le cas de délégation aux législatures provinciales[26]. Cette même année, le Parlement canadien adopte l’Acte relatif à la vente des boissons enivrantes — aussi connu sous le titre d’Acte sur la tempérance —, qui cherche à réglementer uniformément la vente de boissons enivrantes sur le territoire canadien[27]. La Cour suprême confirme que cette loi est intra vires du Parlement canadien et conclut que, selon son pouvoir de légiférer en matière de commerce, seul le Parlement canadien a le pouvoir d’interdire le commerce de boissons enivrantes dans le Dominion[28]. En 1882, le Comité judiciaire du Conseil privé, dans une affaire similaire, confirme que l’objectif de la loi canadienne — qui est de réglementer uniformément sur le territoire du Dominion la vente, la fabrication et le commerce de l’alcool — se rapporte à son pouvoir résiduel en matière de paix, ordre et bon gouvernement[29].

Qu’en est-il de la compétence en matière de commerce interprovincial des boissons alcoolisées? La Cour suprême rend deux décisions contradictoires. Elle conclut dans la décision In re Prohibitory Liquor Laws que les provinces n’ont pas de compétence en matière de vente et de commerce interprovincial des boissons alcoolisées[30]. Dans la décision Huson v. South Norwich (Township), les législatures provinciales peuvent réglementer la vente d’alcool, mais la réglementation du commerce interprovincial et l’interdiction de la fabrication de boissons alcoolisées est de compétence fédérale[31]. Le Comité judiciaire du Conseil privé vient mettre un terme au débat : en raison de leur compétence en matière de droits civils et de propriété, les provinces sont en mesure d’interdire le commerce sur leur territoire. Toutefois, l’interdiction du commerce interprovincial de l’alcool peut faire partie du pouvoir résiduel de paix, ordre et bon gouvernement[32].

Après l’adoption de l’Acte sur la tempérance par le Parlement canadien en 1878[33], la ville de Fredericton est la première à interdire la vente d’alcool sur son territoire[34], suivie des villes de Saint-Jean[35] et de Moncton[36]. La position du gouvernement néo-brunswickois est claire : une loi générale de prohibition de l’alcool serait bénéfique à la population de la province et serait approuvée par une majorité de l’électorat[37]. En 1896, l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick adopte la Liquor License Law permettant à des municipalités d’interdire la vente d’alcool à la suite d’une pétition auprès de leur population[38].

Ainsi, à la fin du XIXe siècle, la question constitutionnelle de la réglementation de la vente, de la fabrication et du commerce des boissons alcoolisées se résume de la manière suivante : le Parlement canadien a la compétence de légiférer en la matière conformément à son pouvoir résiduel de paix, ordre et bon gouvernement[39]. Par contre, cette compétence ne s’étend pas au pouvoir d’interdire complètement la vente, la fabrication ou le commerce de l’alcool sur le territoire canadien. Pour leur part, les provinces ont la compétence d’interdire le commerce de l’alcool en raison de leur pouvoir en matière de droits civils et droits de propriété sur leur territoire.

B.  L’époque de la prohibition et l’interprétation de l’article 121 de la Loi constitutionnelle de 1867 dans l’arrêt Gold Seal v. Alberta

Plusieurs mesures de restriction du commerce des boissons alcoolisées sont adoptées comme mesures de guerre[40]. Au Nouveau-Brunswick, l’Assemblée législative adopte la prohibition complète en 1916 : l’objectif premier de la Intoxicating Liquor Act, 1916 est de limiter le commerce de boissons alcoolisées dans la province[41].

Dans cet élan de prohibition, le Parlement canadien se penche, en 1919, sur la question de l’importation des boissons enivrantes et modifie la Loi sur la tempérance[42]. Selon le nouvel article 152, il est possible pour une législature provinciale de demander à ce qu’une proclamation du gouverneur en conseil soit faite pour « que l’importation et l’introduction des liqueurs enivrantes dans cette province [puissent] être prohibées » [notre traduction][43]. Pour ce faire, il doit y avoir en place dans la province des mesures de prohibition de la vente d’alcool et une résolution de la législature doit être adoptée à cet effet[44]. En cas de proclamation, il est prévu que « nul ne peut importer, expédier, apporter, ni transporter de la boisson enivrante dans cette province » [notre traduction][45].

C’est d’ailleurs dans ce contexte que l’arrêt Gold Seal — précédent confirmé dans l’arrêt Comeau — est rendu par la Cour suprême en 1921[46]. Dans cet arrêt, un détaillant et commerçant de produits alcoolisés conteste l’interdiction de commerce interprovincial prévue à la Loi sur la tempérance. La Cour suprême se penche sur la question de la séparation des pouvoirs et de la compétence du Parlement canadien d’adopter cette loi. Elle confirme que le Parlement canadien a compétence en matière de réglementation du commerce interprovincial des boissons alcoolisées[47].

En ce qui concerne l’article 121 de la Loi constitutionnelle de 1867 — mentionné succinctement dans la décision Gold Seal — le juge Idington, dissident, affirme que « cet article n’a pas […] été considéré autrement qu’accessoirement par les cours ayant à traiter du genre de questions en jeu dans la présente affaire » [notre traduction][48]. Il conclut d’ailleurs, en se basant sur la décision Ontario (AG) v. Canada (AG)[49], qu’une telle disposition ne permettrait pas à une province d’empêcher le flot de biens provenant d’une autre province, sauf dans un cas légiféré par le Parlement canadien[50]. Le juge en chef Davies ne mentionne pas l’article 121 de la Loi constitutionnelle de 1867, alors que les juges Duff et Anglin en font une analyse en quelques lignes[51]. Pour sa part, le juge Mignault conclut que

the object of section 121 was not to decree that all articles of the growth, produce or manufacture of any of the provinces should be admitted into the others, but merely to secure that they should be admitted “free”, that is to say without any tax or duty imposed as a condition of their admission. The essential word here is “free” and what is prohibited is the levying of custom duties or other charges of a like nature in matters of interprovincial trade[52].

La Cour suprême conclut donc que l’article 121 n’a pas pour objet d’assurer un libre-échange des boissons alcoolisées au Canada, mais bien d’empêcher l’imposition de taxes ou de droits de douane.

Au cours des années 1920, les provinces lèvent la prohibition et permettent la vente réglementée d’alcool sur leur territoire[53]. Le Nouveau-Brunswick emboîte le pas — tardivement — en 1927[54]. La Société des alcools du Nouveau-Brunswick naît : son rôle est d’assurer « la gestion, la supervision de tous les magasins d’alcool du gouvernement et de faire l’administration de la présente loi » [notre traduction][55] ainsi que de contrôler la vente et l’importation de l’alcool dans la province[56]. Il n’existe à cette époque aucune exception d’importation pour consommation personnelle. En effet, toute importation de boissons alcoolisées doit se faire par l’entremise de la Société des alcools de la province.

Lorsque la prohibition se termine à la fin des années 1920, ce qui rend la Loi sur la tempérance inapplicable aux provinces[57], le Parlement canadien adopte une loi interdisant le commerce international et interprovincial des boissons enivrantes[58]. Cette loi, toujours en vigueur[59], a toutefois subi quelques modifications depuis son adoption en 1928, comme nous le verrons dans la partie suivante.

II. L’article 121 de la Loi constitutionnelle de 1867 : une entrave à la libre circulation des boissons alcoolisées à des fins personnelles?

A.  La réglementation néo-brunswickoise de l’importation de boissons alcoolisées à des fins personnelles : l’arrêt R c. Comeau

À la fin du XIXe et au début du XXe siècle, le paysage législatif en matière de réglementation de l’alcool est le suivant : les provinces ont la compétence de légiférer en matière de commercialisation de l’alcool sur leur territoire. Toutefois, une interdiction fédérale d’importation entre les provinces est en place; malgré cette interdiction, les provinces adoptent des modifications législatives pour permettre des importations limitées sur le territoire[60].

Au début des années 1960, des changements sont proposés à la Intoxicating Liquor Act du Nouveau-Brunswick, notamment pour permettre la vente d’alcool dans certains établissements ainsi que l’importation de certaines quantités d’alcool à des fins personnelles. Le projet de loi est mal reçu : les membres de l’Assemblée législative soulèvent des préoccupations quant à une libéralisation de la vente de boissons alcoolisées, dont les risques associés à la conduite d’un véhicule à moteur sous l’influence de l’alcool[61] et les possibilités pour les consommateurs de fréquenter les tavernes pendant de plus longues durées[62]. En ce qui concerne le commerce interprovincial des boissons alcoolisées, le parrain du projet de loi affirme qu’en appliquant les nouvelles normes législatives, il serait possible pour un particulier d’importer d’une autre province une quantité de boissons alcoolisées limitée[63]. Hormis cette permission, il n’y a toutefois aucune distinction entre une importation de boissons alcoolisées de l’État du Maine ou de la province de Québec[64].

La Liquor Control Act[65] est adoptée en 1962 : plusieurs établissements peuvent se procurer un permis de vente de boissons alcoolisées[66]. En ce qui concerne l’importation de boissons alcoolisées à des fins personnelles, l’article 42 prévoit qu’« [u]ne personne à qui la loi n’interdit pas d’avoir ni de consommer des boissons alcooliques peut avoir et consommer […] une bouteille de boisson alcoolique ou une douzaine de chopines de bière au plus, achetée par elle-même ou par la personne qui lui en a fait un cadeau véritable, hors du Nouveau-Brunswick »[67]. Cette disposition législative est toujours en vigueur aujourd’hui. Ainsi, un résident du Nouveau-Brunswick ne peut pas importer, à des fins personnelles, plus d’une bouteille d’alcool ou 12 bouteilles de bière[68]. Malgré la libéralisation des marchés au cours des dernières décennies, les règles néo-brunswickoises sont toujours en vigueur[69] — et ont mené à une décision rendue par la Cour suprême en avril 2018.

Toutefois, les résidents néo-brunswickois se rendraient souvent au Québec pour acheter des boissons alcoolisées à des prix inférieurs à ceux fixés dans leur province[70]. En octobre 2012, c’est ce que fait M. Comeau, résident de Tracadie, dans le nord-est de la province. Il se rendit au Québec pour y acheter 354 bouteilles de bière et trois bouteilles de spiritueux. Interpelé par la police à son retour au Nouveau-Brunswick, les autorités confisquent ses boissons alcoolisées et lui imposent une amende[71]. M. Comeau soutient que l’interdiction prescrite par la loi néo-brunswickoise est invalide « parce qu’[elle] constitue un obstacle commercial qui contrevient à l’[article] 121 de la Loi constitutionnelle de 1867 »[72]. En effet, selon une interprétation téléologique, l’intention de l’article 121 est d’assurer le libre-échange entre les provinces, sans obstacle commercial[73]. Or, dans cette affaire, la Cour provinciale du Nouveau-Brunswick déduit que la Cour suprême, dans son arrêt Gold Seal rendu en 1921, arrive à une conclusion différente : « l’[article] 121 ne fait rien de plus que de protéger la circulation des produits canadiens contre des “droits de douane” ou des “taxes” interprovinciaux »[74].

Soulevant que « les propos des juges Duff, Mignault et Anglin [dans l’arrêt Gold Seal] ont été interprétés par la suite comme signant l’arrêt de mort de ce que la défense soutient être un droit au libre-échange interprovincial protégé par la Constitution »[75], la Cour provinciale du Nouveau‑Brunswick se propose toutefois d’examiner l’affaire Gold Seal à la lumière d’une nouvelle preuve d’expert[76]. En effet, elle affirme que « les tribunaux ne doivent pas adopter des interprétations inflexibles ancrées dans le passé »[77]. Après une étude du concept de libre-échange au moment de la Confédération et du contexte d’adoption de la Loi constitutionnelle de 1867[78], elle arrive à la conclusion que

les Pères de la Confédération voulaient le libre-échange entre leurs ressorts respectifs. Ils voulaient aussi éliminer les droits de douane entre les provinces afin d’ouvrir le marché à la circulation de leurs produits. Je conclus que pour les Pères de la Confédération, l’union voulait dire le libre-échange, l’élimination de tous les obstacles commerciaux entre les provinces qui feraient partie du Dominion du Canada qu’ils projetaient[79].

Pour se permettre d’écarter ce précédent, la Cour provinciale affirme qu’il existe un changement important dans la preuve. Elle note qu’aucune preuve quant au contexte d’adoption de la Loi constitutionnelle de 1867 n’a été présentée au juge des faits dans les décisions précédentes[80]. Elle ajoute toutefois que « [l]’intention des auteurs de la Constitution dans la rédaction du texte de loi est évidemment un facteur très important dont il faut tenir compte, mais ce n’est pas un facteur déterminant »[81], tout en se penchant sur la question du fédéralisme canadien et des différents monopoles mis en place par les provinces[82]. La Cour provinciale conclut que le libre-échange entre les provinces était l’un des objectifs des Pères de la Confédération pour assurer le développement économique dans le Dominion, mais également pour pallier la perte du libre-échange avec les États-Unis[83].

En obiter, la Cour provinciale ajoute qu’elle est consciente des effets potentiels de sa décision sur la libre circulation des produits entre les provinces. Elle affirme d’ailleurs que la façon de procéder la plus simple serait de suivre la décision rendue dans l’affaire Gold Seal et de permettre le maintien des structures et des systèmes qui sont en vigueur depuis près d’un siècle. Or, c’est ce qu’elle décide de ne pas faire en adoptant plutôt une interprétation de l’article 121 ancrée dans le contexte historique d’adoption de cette disposition[84].

La Cour suprême décide de préconiser la solution rejetée par la Cour provinciale et opte pour la voie offrant une stabilité économique et fédérale : étant donné que l’arrêt Gold Seal a interprété l’article 121 en 1921, la Cour provinciale était liée par cette règle de droit en raison du principe du stare decisis[85]. Pour contourner ce principe, une cour doit être convaincue que « de nouvelles questions de droit sont soulevées par suite d’une évolution importante du droit ou qu’une modification de la situation ou de la preuve change radicalement la donne »[86]. Or, il n’est pas possible de « déroger au principe du stare decisis vertical sur le fondement de nouveaux éléments de preuve en raison d’un désaccord ou d’une interprétation différente »[87]. Aucune preuve acceptée par le juge du procès ne constitue une preuve de l’évolution des faits législatifs et sociaux; la preuve acceptée — une description de renseignements historiques et l’évaluation de ces renseignements — ne démontre pas qu’« un changement profond des circonstances sociales est survenu depuis l’époque où l’arrêt Gold Seal a été rendu »[88]. Ainsi, le juge du procès n’était pas en mesure de déroger au principe du stare decisis vertical[89].

D’ailleurs, le procureur général du Nouveau-Brunswick affirme, dans son mémoire, qu’une libre circulation des biens entre les provinces ne serait pas optimale compte tenu de leurs différences économiques, sociales et culturelles, et qu’elle ne permettrait pas de respecter le principe de fédéralisme[90]. De plus, la Cour provinciale ne pouvait pas présumer que la « nouvelle preuve » qu’elle a prise en compte n’avait pas également été présentée lors d’affaires antérieures[91].

En ce qui concerne l’interprétation à donner à l’article 121 de la Loi constitutionnelle de 1867, la Cour suprême conclut que

[l]’article 121 n’impose pas de libre-échange absolu dans l’ensemble du Canada. […] [C]ette disposition interdit aux gouvernements de percevoir des tarifs ou de mettre en place des mesures semblables […], mais […] elle n’interdit pas aux gouvernements d’adopter des mesures législatives et des régimes de réglementation visant d’autres objectifs et qui ont des effets accessoires sur la circulation des biens d’une province à une autre[92].

L’objectif principal de la Loi sur la réglementation des alcools du Nouveau-Brunswick est de permettre « la supervision par des entités publiques de la production, de la circulation, de la vente et de l’utilisation »[93] des boissons alcoolisées sur le territoire de la province. Donc, comme l’objectif de la province n’est pas de restreindre le commerce interprovincial de ces boissons, il n’y a pas de violation de l’article 121 de la Loi constitutionnelle de 1867[94]. De plus, comme le mentionne le procureur général du Nouveau-Brunswick, la Loi sur la réglementation des alcools a pour effet de créer un monopole dans la province — ce qui est permis en vertu de l’article 92 de la Loi constitutionnelle de 1867 —, la vente d’alcool étant une importante source de revenus pour le gouvernement[95]. Les procureurs généraux des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut soulèvent également les raisons sociales et de santé publique en lien avec une réglementation accrue de la vente des boissons alcoolisées[96].

En somme, la Cour suprême infirme la décision rendue en première instance parce que M. Comeau n’avait introduit aucune preuve de l’évolution des faits législatifs et sociaux. Toutefois, M. Comeau soulève dans son mémoire que la décision Gold Seal — qui a été confirmée par la Cour suprême comme précédent — est erronée : aucune preuve quant à l’objet de l’article 121 n’est tenue en compte par les juges Duff, Anglin et Mignault[97]. De plus, bien que certaines restrictions au commerce puissent être justifiées, d’autres ne semblent motivées que par la volonté des entreprises locales de se protéger de la concurrence interprovinciale[98].

B.  Le contexte social et législatif du commerce interprovincial de l’alcool : une raison pour réinterpréter Gold Seal v. Alberta?

Le paysage social et législatif en matière de commerce de boissons alcoolisées a changé depuis l’adoption des règles d’interprétation de l’article 121 de la Loi constitutionnelle de 1867 par la Cour suprême dans l’arrêt Gold Seal[99]. Ainsi, certains intervenants proposent une interprétation large de l’article 121 de la Loi constitutionnelle de 1867, notamment en adoptant un test qui met un frein à l’approche protectionniste préconisée par cet arrêt[100]. Pour ce faire, il faut écarter ce précédent en se basant sur le principe établi dans les affaires Bedford[101] et Carter[102], selon lequel

le principe du stare decisis ne constitue pas un carcan qui condamne le droit à l’inertie. Les juridictions inférieures peuvent réexaminer les précédents de tribunaux supérieurs dans deux situations : (1) lorsqu’une nouvelle question juridique se pose; et (2) lorsqu’une modification de la situation ou de la preuve « change radicalement la donne »[103].

La Cour suprême rejette l’argument comme quoi la nouvelle preuve d’expert est un élément qui change la donne. Elle ne se penche pas sur la question de la modification de la situation; or, le contexte social et législatif a radicalement changé depuis l’adoption de la décision Gold Seal en 1921. En effet, rappelons que l’arrêt Gold Seal a été rendu par la Cour suprême à une période où des lois provinciales interdisant la vente et la consommation d’alcool étaient en vigueur — ou abrogées peu auparavant — et que le Parlement canadien interdisait le commerce interprovincial des boissons alcoolisées.

En 2012, le Parlement canadien modifie la Loi sur l’importation de boissons enivrantes pour lever l’interdiction d’importation interprovinciale à des fins personnelles, laissant toutefois le soin aux provinces de réglementer la quantité pouvant être importée sur leur territoire[104]. En 2014, cette exception est élargie pour s’appliquer également à la bière et aux spiritueux[105]. La majorité des provinces ont modifié leurs lois respectives de contrôle du commerce des boissons alcoolisées en conséquence.

Certaines provinces préfèrent ne pas réglementer ce commerce ou l’autoriser sans limites. L’Ontario décide de ne pas interdire le commerce de boissons alcoolisées, sans pour autant le réglementer outre mesure[106]. D’autres autorisent ce commerce : la loi manitobaine n’empêche pas l’importation de produits alcoolisés[107], alors que l’Alberta permet l’importation des boissons alcoolisées pour consommation personnelle, mais charge la Commission des liqueurs de fixer les quantités pouvant être importées[108]. Depuis 2015, la Nouvelle-Écosse permet l’importation personnelle de vins dans certaines circonstances[109]. D’autres provinces permettent une importation interprovinciale, tout en fixant par règlement les quantités pouvant être importées. Ainsi, l’Île-du-Prince-Édouard[110], le Québec[111], la Saskatchewan[112] et la Colombie-Britannique[113] ont adopté des limites permettant un commerce interprovincial d’alcool accru : trois litres de spiritueux, neuf litres de vin et 24,6 litres de bière. Seuls le Nouveau-Brunswick[114] et Terre-Neuve[115] maintiennent des limites d’importation minimales : 12 bouteilles de bière ou une bouteille de boisson alcoolisée.

Les modifications législatives récentes du Parlement canadien ont été proposées pour permettre au marché canadien du vin de se développer et, ainsi, pour encourager la production de produits alcoolisés locaux, sans que les commerçants locaux aient à se soumettre aux politiques contraignantes pour la vente dans les commissions des alcools provinciales[116]. En effet, les méthodes commerciales — notamment en matière de commerce électronique et d’envois par la poste — permettent aux producteurs de vendre directement leurs produits aux consommateurs[117]. Les producteurs locaux de vin et de bière dépendent des livraisons intérieures pour plus de 90 % de leurs ventes[118]; la vente directe aux consommateurs est donc primordiale pour leur survie économique[119]. Comme le mentionne l’intervenant Liquidity Wine Ltd.,

[t]his federal amendment ignited hope in small producers of Canadian-made wine who rely on direct to consumer shipping for their survival. Interprovincial trade barriers erected by the provinces extinguished this hope and subverted both s. 121 and the Parliamentary amendment to the [Loi sur l’importation des boissons enivrantes][120].

Elle ajoute que

[l]egitimate provincial purposes such as health and safety regulations and direct taxation do not require laws that prohibit Canadians from purchasing directly from producers in other provinces, that force Canadians to purchase Canadian-made liquor only from provincial monopolies, or that unreasonably restrict the quantity of Canadian-made liquor a Canadian may import from another province[121].

La mise en place d’interdictions d’importations interprovinciales à des fins personnelles a un effet majeur sur ces producteurs.

Il est important d’ajouter qu’une multitude de producteurs de vins, de bières et de spiritueux locaux ont vu le jour au cours des dernières décennies. À titre d’exemple, le Nouveau-Brunswick compte, pour l’année 2016-2017, 29 brasseries, deux cidreries, 19 vineries locales et trois distilleries[122]. Bien qu’Alcool Nouveau-Brunswick semble offrir une vitrine intéressante aux producteurs locaux de la province en diminuant les prérequis pour la vente d’un produit dans les commissions des alcools[123], les barrières mises en place par l’article 121 de la Loi constitutionnelle de 1867 — et maintenue par la Cour suprême — rendent difficile, voire impossible, le commerce de ces produits à l’extérieur de la province.

Il est mentionné dans la décision de la Cour suprême — et réitéré dans le mémoire de l’intervenant Dairy Farmers of Canada, Egg Farmers of Canada, Chicken Farmers of Canada, Turkey Farmers of Canada and Canadian Hatching Egg Producers[124] — qu’une telle ouverture du marché pourrait avoir des effets non négligeables dans plusieurs domaines connexes[125]. Certains procureurs généraux des provinces ont d’ailleurs soulevé que si la Cour suprême maintenait l’interprétation de l’article 121 de la Loi constitutionnelle de 1867 donnée par le juge de première instance, celle-ci aurait des effets sur une multitude d’aspects du commerce, notamment en matière de mise en marché collective, de monopoles, d’entreprises d’État et d’accords de commerce[126]. Ce point de vue est partagé par M. Comeau qui affirme que « l’interprétation faite dans Comeau pourrait exiger des modifications à la réglementation existante pour permettre la vente de beurre, de fromage, de yogourt, de poulet, d’œufs et de dinde d’une province à une autre » [notre traduction][127]. Il est cependant important de rappeler — et je trouve déplorable que cet élément n’ait pas été soulevé par les parties — que les limites mises en place par l’article 43(c) de la Loi sur la réglementation des alcools du Nouveau-Brunswick ne s’appliquent que dans le cas d’importations de boissons alcoolisées à des fins personnelles. Déclarer cet alinéa inconstitutionnel aurait eu des effets minimes sur la mise en marché de produits par les commissions des alcools[128]. Dans le même ordre d’idée, aucune règle juridique ne semble interdire à un résident d’une province canadienne de se procurer des œufs, du lait ou tout autre bien, pour sa consommation personnelle, dans une autre province[129].

La levée de l’exception de l’importation de boissons alcoolisées à des fins personnelles aurait donc eu, à mon avis, très peu d’effets sur le commerce de produits au Canada. Celle-ci aurait toutefois permis aux producteurs locaux de vins, de bières et de spiritueux de développer leur commerce directement auprès des consommateurs des autres provinces, tout en proposant à l’ensemble des consommateurs canadiens la variété exceptionnelle de produits alcoolisés artisanaux que nous offre notre pays.

Conclusion

Malgré un contexte législatif et social différent de celui des années 1920, la Cour suprême confirme dans l’arrêt Comeau une règle de droit adoptée pendant la prohibition. En effet, la fin du XIXsiècle et le début du XXe siècle sont ponctués de vagues d’actions afin d’encourager les législateurs fédéral et provinciaux à adopter des mesures de prohibition de la vente et du commerce de l’alcool, sauf dans des circonstances bien précises en lien avec la santé, la science, la religion et la mécanique. Après la levée de la prohibition par les législatures provinciales, le Parlement canadien adopte en 1928 une loi interdisant complètement le commerce interprovincial de boissons alcoolisées, loi qui est modifiée d’abord en 2012 puis en 2014 pour permettre le commerce interprovincial de boissons alcoolisées à des fins personnelles.

Le Nouveau-Brunswick a été touché par la prohibition depuis le début de cette vague politique : c’est d’ailleurs la première province à adopter une loi prohibitive à la fin du XIXe siècle et l’une des dernières à abroger sa loi sur la prohibition dans les années 1920. Ce n’est que dans les années 1960 que le gouvernement permet à un particulier d’importer — pour son usage personnel — une quantité très limitée de boissons alcoolisées, limites qui sont toujours en vigueur à ce jour, et ce, malgré les modifications législatives apportées par le Parlement canadien et par les autres législatures provinciales. Malgré le contexte changeant au cours du dernier siècle et les arguments présentés par les représentants des producteurs locaux, la Cour suprême a choisi la solution assurant une certaine stabilité économique et fédérale.

Dans un contexte de libéralisation accrue du commerce international[130], quelles pourraient être les options pour permettre un décloisonnement de l’économie canadienne? Dans son mémoire, le procureur général de l’Ontario affirme que seuls les représentants élus devraient avoir la possibilité de négocier des ententes de commerce interprovincial[131], comme c’est le cas de l’Accord de libre-échange canadien[132]. Est-ce la solution? Compte tenu de l’interprétation restrictive de l’article 121 de la Loi constitutionnelle de 1867 par la Cour suprême, de tels accords permettraient-ils de répondre aux tensions possibles entre l’interprétation stricte de l’article 121 et la libéralisation des marchés?

                       

[1]     Voir par ex Frederick S Wildman, Jr, A Wine Tour of France: A Convivial Wine Guide & Travel Guide to French Vintages & Vineyards, New York, Vintage Books, 1976 à la p 153.

[2]     Voir « Industrie canadienne du vin » (dernière modification le 7 mars 2016), en ligne : Agriculture et agroalimentaire Canada <agr.gc.ca> [perma.cc/6SWS-R2QP]; « Industrie canadienne de la bière » (dernière modification le 7 mars 2016), en ligne : Agriculture et agroalimentaire Canada <agr.gc.ca> [perma.cc/XK6G-QFYH]; « Industrie canadienne de la distillation » (dernière modification le 7 mars 2016), en ligne : Agriculture et Agroalimentaire Canada <agr.gc.ca> [perma.cc/AD5C-NKAW].

[3]     Voir « Industrie canadienne du vin », supra note 2 (en 2012, les ventes de produits de l’industrie canadienne du vin étaient partagées entre les livraisons intérieures à 94,2 % et les exportations à 5,8 %); « Industrie canadienne de la bière », supra note 2 (en 2012, les ventes de produits de l’industrie canadienne de la bière étaient partagées entre les livraisons intérieures à 95,5 % et les exportations à 4,5 %); « Industrie canadienne de la distillation », supra note 2 (en 2012, les ventes de produits de l’industrie canadienne de la distillation étaient partagées entre les livraisons intérieures à 29,7 % et les exportations à 70,3 %).

[4]     Voir R c Comeau, 2018 CSC 15 (mémoire de l’intervenant Alberta Small Brewers Association) aux para 25–31 [Comeau, Mémoire Alberta Small Brewers] (pour une explication du monopole de chaque commission des alcools quant au choix des produits offerts aux consommateurs, en plus de frais imposés aux producteurs pour la vente de leurs produits dans les commissions des alcools des autres provinces).

[5]     Voir R c Comeau, 2018 CSC 15 (mémoire de l’intervenant Liquidity Wines Ltd au para 2) [Comeau, Mémoire Liquidity Wines]; Commission des alcools et des jeux de l’Ontario, Guide pour les fabricants de vin, Toronto, CAJO, 2018 à la p 6; LCBO Board Policy, Direct Delivery to Licensees (Ontario Wine and Cider), Toronto, LCBO, 2017 aux pp 1–2. Voir aussi British Columbia Liquor and Cannabis Regulation Branch, Manufacturer Terms and Conditions, Victoria, 2019; Nova Scotia Farm Winery Policy, Halifax, Farm Winery Industry Development Board, 2007, art 11.3.5.

[6]     Voir Loi sur la réglementation des alcools, LRN-B 1973, c L-10, art 43(c) (qui fixe les limites d’alcool pouvant être importé sur le territoire néo-brunswickois à 12 bouteilles de bière ou une bouteille de vin ou de spiritueux), 134(b) (qui interdit la possession de boissons alcooliques achetées ailleurs qu’à la Société des alcools du Nouveau-Brunswick).

[7]     30 & 31 Vict, c 3, art 91(2), 92(16), reproduits dans LRC 1985, annexe II, n5.

[8]     LRC 1985, c I-3, art 3(2)(h).

[9]     Nous traiterons de l’apparition, puis de l’évolution de ces lois provinciales dans la partie 2 de ce commentaire d’arrêt.

[10]    Voir Liquor Control Act, SN-B 1961–62, c 3 [Liquor Control Act, 1961–62]. Voir aussi Loi sur la réglementation des alcools, supra note 6.

[11]    2018 CSC 15 [Comeau].

[12]    62 RCS 424, 58 DLR 1 [Gold Seal].

[13]    Voir Comeau, supra note 11 aux para 50–53.

[14]    2013 CSC 72 aux para 38–56 [Bedford].

[15]    2015 CSC 5 aux para 42–48 [Carter].

[16]    Pour une discussion de la réglementation mondiale de la vente de l’alcool au tournant du XIXe siècle, voir Ruth Elizabeth Spence, Prohibition in Canada: A Memorial to Francis Stephens Spence, Toronto, Ontario Branch of the Dominion Alliance, 1919 aux pp 493–566. Pour une discussion plus générale sur la réglementation de l’alcool au pays, voir Craig Heron, Booze: A Distilled History, Toronto, Between the Lines, 2003; Cheryl Krasnick Warsh, dir, Drink in Canada: Historical Essays, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 1993; Graeme Decarie, « Something Old, Something New…: Aspects of Prohibitionism in Ontario in the 1890s » dans Donald Swainson, dir, Oliver Mowat’s Ontario, Toronto, Macmillan of Canada, 1972; Chambre des communes, « Report of the Royal Commission on the Liquor Traffic in Canada », document parlementaire, n° 21 (1895) (président : Sir Joseph Hickson).

[17]    Voir Serge Dauchy, « Faisons deffenses de traitter ny donner aucunes boissons enyvrantes aux Sauvages : Politique coloniale et conflits de pouvoir en Nouvelle-France (1657-1668) » dans Éric Bousmar, Philippe Desmette et Nicolas Simon, dir, Légiférer, gouverner et juger : Mélanges d’histoire du droit et des institutions (IXe-XXIe) offerts à Jean-Marie Cauchies à l’occasion de ses 65 ans, Bruxelles, Presses de l’Université Saint-Louis, 2016, 373 aux pp 373–74 (où il est mention d’une décision prise par le Conseil d’État le 7 mars 1657 interdisant le commerce des boissons alcoolisées avec les peuples autochtones); An Ordinance to prevent the selling of strong Liquors to the Indians in the Province of Quebec, as also to deter persons from buying their Arms and Clothing, and for other purposes relative to the Trade and Intercourse with the said Indians, LB-C 1777 (17 Geo), c 7.

[18]   Voir par exemple Acte du revenu de Québec, LB-C 1774 (14 Geo), c 88 (prélèvements de droits sur les produits alcoolisés); An Act to increase the Revenue, and to compel the accounting more regularly for the same to the Treasurer of the province, SUC 1797 (37 Geo), c 11.

[19]    Pour une description détaillée de l’organisation du mouvement, voir Spence, supra note 16 aux pp 35–74. Voir aussi Jan Noel, « Temperance Campaigning and Alcohol Consumption: A Case Study from Pre-Confederation Canada » (1994) 21:3 Contemporary Drug Problems 401.

[20]    Voir An Act to prevent the Importation, Manufacture, and Traffic in Intoxicating Liquors, LN-B 1855 (18 Vict), c 36, art 1.

[21]    Voir An Act to repeal the Act to prevent the importation, manufacture and traffic in Intoxicating Liquors and to regulate the sale thereof, LN-B 1856 (20 Vict), c 1. En Nouvelle-Écosse, une loi sur la réglementation de l’alcool est adoptée en 1858 (voir An Act to regulate Licenses for the sale of Intoxicating Liquors, SNS 1858 (21 Vict), c 47).

[22]    Voir Acte pour amender les lois en force concernant la vente des liqueurs enivrantes et l’octroi de licences à cet effet, et pour réprimer autrement les abus résultant de ce commerce, LC 1864 (27-28 Vict), c 18, arts 1–3 (permettant à un comté ou à une municipalité d’adopter un règlement pour la prohibition de la vente d’alcool).

[23]    Pour une liste des municipalités ayant adopté de telles mesures, voir Spence, supra note 16 à la p 99.

[24]    Voir par ex An Act to amend the Acts respecting the Sale of Fermented or Spirituous Liquors, SO 1877, c 18.

[25]   Voir Morris J Fish, « The Effect of Alcohol on the Canadian Constitution… Seriously » (2011) 57:1 RD McGill 189 à la p 199.

[26]    Voir Severn v The Queen (1878), 2 SCR 70, SCJ No 2 [Severn]. En 1874, l’Ontario adopte An Act to Amend and Consolidate the Law for the Sale of Fermented or Spirituous Liquors, SO 1874, c 32. Dans Severn, le demandeur a produit une quantité d’alcool sans obtenir le permis nécessaire et reçoit une amende. Selon lui, la province n’a pas compétence en matière de pénalités et n’a pas compétence dans la réglementation de la fabrication et de la vente en gros de produits fermentés. La Cour suprême conclut

[t]hat the power to tax and regulate the trade of a brewer, being a restraint, and regulation of trade and commerce, falls within the class of subjects reserved by the 91st sec. of the British North America Act for the exclusive legislative authority of the Parliament of Canada; and that the license imposed was a restraint and regulation of trade and commerce and not the exercise of a police power (voir ibid à la p 70).

[27]    LC 1878, c 16 [Acte de tempérance]. Cette loi met en place un système de prohibition de la vente de boissons enivrantes (voir ibid, art 99) dans les provinces qui en font la demande (voir ibid, art 4) et prévoit les punitions et les poursuites auxquelles peuvent faire face les contrevenants à la prohibition (voir ibid, art 100).

[28]    Voir City of Fredericton v The Queen (1880), 3 SCR 505 à la p 506, SCJ No 1. En mai 1879, six mois après l’entrée en vigueur de l’Acte relatif à la vente des boissons enivrantes, le propriétaire d’un hôtel à Fredericton, Thomas Barker, se voit refuser une demande de permis pour la vente de boissons alcoolisées dans son établissement au motif que la vente d’alcool est interdite au Canada. En décembre 1879, la Cour suprême du Nouveau-Brunswick avait conclu que la loi était ultra vires du Parlement canadien (voir R on the Prosecution of Thomas Barker v Mayor, &c, of Fredericton (1879), 19 NBR 139 au para 32, 1879 CarswellNB 68).

[29]    Voir Russell v The Queen (1882), 7 App Cas 829, JCJ No 1 aux pp 840–42.

[30]    (1895), 24 SCR 170 aux pp 174–75 :

[t]he legislation with regard to trade and commerce, to my mind, gives to the Dominion the control of the importation and manufacture of intoxicating liquors. […] [T]here is no doubt that here the judgment of their Lordships comes directly into play when they speak of arrangements in regard to trade requiring the sanction of parliament, the commerce or trade in matters of inter-provincial concern; here we have the manufacture of liquors in our country, a very large industry, in which persons in the different provinces are engaged, and in our inter-provincial trade these commodities play a very important part. […] The wholesale traffic, at all events, is one which involves every province, and which needs to be regulated by a parliament having jurisdiction over the whole area of the country.

[31]    (1895), 24 SCR 145, [1895] SCJ No 7.

[32]   Voir Ontario (AG) v Canada (AG), and the Distillers and Brewers’ Association of Ontario, [1896] UKPC 20, [1896] AC 348 [Ontario (AG) v Canada (AG)]; David Schneiderman, « Constitutional Interpretation in an Age of Anxiety: A Reconsideration of the Local Prohibition Case » (1996) 41 RD McGill 411 aux pp 440–45.

[33]    Voir Acte de tempérance, supra note 27.

[34]   Voir An Act in addition to Chapter 105 of the Consolidated Statutes, of “Licenses for sale of Spirituous Liquors,” and to repeal certain Sections of the Act fortieth Victoria, Chapter twenty five, SNB 1878, c 47; Spence, supra note 16 à la p 127. Malgré plusieurs efforts d’abrogation, cette loi est restée en vigueur jusqu’à l’adoption de la loi générale de prohibition en 1916 (voir ibid).

[35]    Voir An Act in addition to an Act intituled “An Act relating to Liquor Licenses in the City of Saint John,” being in addition to an amendment of an Act to regulate the sale of Spirituous Liquors in the City and County of Saint John, SNB 1878, c 48.

[36]    Voir An Act in reference to the Sale of Spirituous Liquors within the Town of Moncton, SNB 1878, c 49.

[37]    Voir Spence, supra note 16 à la p 192 :

in the opinion of this Legislative Assembly[,] the enactment of a prohibitory liquor law would conduce to the general benefit of the people of this province and meet with the approval of a majority of the electorate[.] […] [As the] legislative power in respect of the enactment of such a law rests in the Parliament of Canada […][,] this Assembly hereby expresses its desire that the Parliament of Canada shall, with all convenient speed, enact a law prohibiting the importation, manufacture and sale of intoxicating liquors as a beverage into or in the Dominion of Canada.

[38]    SNB 1896, c 5. Pour une loi similaire en Ontario, voir An Act to improve The Liquor License Laws, SO 1890, c 56.

[39]    Cette règle est d’ailleurs confirmée par la Cour suprême dans Gold Seal, supra note 12.

[40]    Voir par ex The Liquor License Act, 1915, SNB 1915, c 8. Certaines de ces mesures incluent des heures de vente diminuées, la vente interdite aux soldats ou officiers en uniforme.

[41]    SNB 1916, c 20. La loi prévoit certaines exceptions pour des fins médicales, scientifiques, sacramentelles et mécaniques (voir ibid, art 5). Voir aussi Spence, supra note 16 à la p 353 :

[t]he act has been carried out in a very successful way and has met with general approval throughout the province. […] The great and marked improvement has been largely owing to the careful, prudent and effective way in which the act has been administered and the very satisfactory way in which the difficult and trying work of the inspectors has been done and the aid they have received from the officers and administrators of the law in the province.

[42]    Le 13 mai 1919, la Chambre des communes, formée en Comité général, a discuté d’un projet de résolution visant à ratifier un décret de conseil concernant « l’importation, la production et le transport des liqueurs enivrantes » (voir Débats de la Chambre des communes, 13-2, vol 136 (13 mai 1919) aux pp 2447–61). Ce projet de loi cherche à limiter, pendant la guerre et dans les 12 mois suivants sa fin, la fabrication, le transport et l’importation de boissons enivrantes. Les discussions portent également sur les aspects sociaux de la consommation d’alcool. La question de la constitutionnalité de la mesure conformément à l’article 121 de la Loi constitutionnelle de 1867 est soulevée : le gouvernement est d’avis qu’un avis juridique confirme qu’une telle mesure ne serait pas contraire au libellé de l’article 121 (voir ibid aux pp 2450–51). Le projet de loi cherchant à modifier la Loi sur la tempérance est déposé le 14 mai 2019 (voir « Dépôt d’un projet de loi tendant à prohiber l’importation, la fabrication et le transport des liqueurs alcooliques », Débats de la Chambre des communes, 13-2, vol 136 (14 mai 1919) à la p 2499; « Discussion d’un projet de loi tendant à prohiber l’importation, la fabrication et le transport des liqueurs alcooliques », 2e lecture, Débats de la Chambre des communes, 13-2, vol 136 (21 mai 1919) aux pp 2654–90). N’ayant pas été adopté par la Chambre des communes et le Sénat, un deuxième projet de loi est déposé lors de la 3e session parlementaire (voir « Discussion d’un projet de loi portant modification de la Loi sur la tempérance », Débats de la Chambre des Communes, 13-3, vol 140 (10 novembre 1919) aux pp 1998–2020).

[43]    Canada Temperance Act, RSC 1906, c 152, art 152, modifiée par An Act to amend the Canada Temperance Act, LC 1919, c 8, art 1 [Loi sur la tempérance].

[44]    Voir ibid.

[45]    Ibid, art 154.

[46]   Voir Gold Seal, supra note 12. Cette cause traitait d’importation à des fins commerciales. Pour une discussion du contexte historique entourant l’adoption de cette décision, voir Ian Blue, « On the Rocks; The Gold Seal Case: A Surprising Second Look » (2010) 36:3 Adv Q 363.

[47]    Voir Gold Seal, supra note 12 à la p 424.

[48]    Ibid à la p 439. Le juge Mignault émet une observation similaire dans ses motifs (voir ibid à la p 469).

[49]    Supra note 32.

[50]    Voir Gold Seal, supra note 12 à la p 440 :

[t]he section, in my opinion, adds to the difficulties in the way of any provincial legislature seeking to bar the importation of liquor not alone from another country, which the court above expressly decided in the Attorney General for Ontario v. The Attorney General for the Dominion, such legislation could not do, but also from one province where manufactured into another [note omise].

Le juge Idington mentionne une exception pour des raisons de sécurité civile (voir ibid).

[51]   Voir ibid, juge Duff (« […] the real object of the clause is to prohibit the establishment of customs duties affecting inteprovincial trade in the products of any province of the Union » à la p 456); ibid, juge Anglin (« [t]he purpose of that section is to ensure that articles of the growth, produce or manufacture of any province shall not be subjected to any customs duty when carried into any other province » à la p 466).

[52]    Ibid à la p 470.

[53]   Voir Government Liquor Act, SBC 1921, c 30; The Government Liquor Control Act, SM 1923, c 1; Government Liquor Control Act of Alberta, SA 1924, c 14; The Liquor Act, 1925, SS 1924–25, c 53; Alcoholic Liquor Act, SN 1924 (15 Geo V), c 9; The Liquor Control Act (Ontario), SO 1927, c 70; The Intoxicating Liquor Act, 1927, SNB 1927, c 3 [Intoxicating Liquor Act]. Voir aussi The Nova Scotia Liquor Control Act, SNS 1930, c 2; The Prince Edward Island Temperance Act, SPEI 1948, c 37.

[54]   Voir Intoxicating Liquor Act, supra note 53. Malgré un référendum sur la question de la prohibition (selon lequel la population néo-brunswickoise est favorable à un prolongement de la prohibition), l’Assemblée législative étudie un projet de loi réglementant la vente et la consommation de l’alcool (voir New Brunswick, Legislative Assembly, Synoptic Report of the Proceedings, 9-2, 1927 aux pp 144–45). (Le premier ministre de l’époque propose trois solutions pour régler les difficultés survenues lors de la prohibition : 1) de rendre possible, dans un contexte réglementé, l’obtention d’alcool légalement pour une personne qui veut s’en procurer et qui peut l’utiliser raisonnablement; 2) d’éliminer le gain privé en vendant l’alcool sous le contrôle du gouvernement; 3) de créer une commission pour assurer la mise en œuvre de la loi).

[55]    Voir Intoxicating Liquor Act, supra note 53, art 3.

[56]    Voir ibid, art 7(a)–(b).

[57]    En effet, selon la Loi sur la tempérance, supra note 43, art 152, seule une province ayant interdit la vente de l’alcool peut obtenir une proclamation du gouverneur en conseil interdisant l’importation et l’introduction de liqueurs enivrantes dans la province.

[58]    Voir Loi de l’importation des boissons enivrantes, LC 1928, c 31 [Loi de l’importa-tion 1928]. Dans l’affaire R v Gautreau (1978), 21 NBR 2e 701, au para 8, 88 DLR (3e) 718 [Gautreau], la division d’appel de la Cour suprême du Nouveau-Brunswick affirme que « [t]his prohibition was apparently enacted to supplement and protect the monopoly in intoxicating liquors in provinces where the government has assumed responsibility for regulating and controlling transactions in liquor within the province ».

[59]    Voir Loi sur l’importation des boissons enivrantes, supra note 8.

[60]    Dans l’affaire Gautreau, supra note 58, la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick cherche à savoir si l’article 134(b) de la Loi sur la réglementation des alcools, supra note 6, est incompatible avec la Loi de l’importation 1928. Voir Gautreau, supra note 58 au para 9 :

[t]here is, therefore, no conflict between the federal act prohibiting the importation of liquor into a province and the prohibition of the Liquor Control Act of having or keeping liquor in the province not purchased from the Corporation. The two prohibitions are separate and distinct. Clearly a person may violate the prohibition against having or keeping liquor not purchased from the Corporation and which has been imported into the province in violation of the Importation of Intoxicating Liquors Act without violating the provisions of that Act. It is also apparent that a violation of the Federal Act against importing liquor may, in certain circumstances, involve a violation of the prohibition against having or keeping liquor not purchased from the Corporation.

[61]    Voir New Brunswick, Legislative Assembly, Synoptic Report of the Proceedings, 44-2 (1961–62) à la p 246.

[62]    Voir ibid à la p 275. Pour une étude de la corrélation entre la disponibilité des boissons alcoolisées et leur consommation au cours de la deuxième moitié du XXe siècle, voir Björn Trolldal, « Availability and Sales of Alcohol in Four Canadian Provinces: A Time-Series Analysis » (2005) 32:3 Contemporary Drug Problems 343; D Ian Smith, « Effectiveness of Restrictions on Availability as a Means of Preventing Alcohol-Related Problems » (1988) 15:4 Contemporary Drug Problems 627.

[63]    Voir New Brunswick, Legislative Assembly, supra note 61 à la p 279.

[64]    Voir ibid.

[65]    Voir Liquor Control Act, 1961–62, supra note 10.

[66]    Voir ibid, art 60.

[67]    Ibid, art 42(c). La boisson alcoolisée doit être achetée « à une régie des alcools [ou] à un établissement […] autorisé à vendre des boissons alcooliques dans une province ou un territoire du Canada ». Voir aussi Loi sur la réglementation des alcools, supra note 6, art 43(c).

[68]    Voir ibid.

[69]    Des efforts ont été menés pour libéraliser le commerce de l’alcool dans les provinces des Maritimes. Voir R c Comeau, 2016 NBCP 3 aux para 31–39, 176 [Comeau CP NB] :

[l]’entente relative à la distribution de bière dans les Maritimes, l’Accord sur le commerce intérieur et les efforts des administrations provinciales pour augmenter les contingents d’importation attribués pour les boissons alcoolisées constituent tous, dans une certaine mesure, des tentatives pour contourner les obstacles commerciaux établis. Aucun de ces régimes n’a particulièrement bien réussi, particulièrement pour ce qui est des boissons alcoolisées. Pour la plupart, les provinces protègent jalousement leur emprise monopolistique sur cette importante source de revenus.

Par exemple, le conseil d’administration d’Alcool Nouveau-Brunswick a adopté une résolution en 2011 permettant l’importation d’alcool dans la province : trois litres de spiritueux, neuf litres de vin et 24 litres de bière (voir ibid au para 38). Aucun amendement législatif n’a été proposé par le ministère responsable de la Loi sur la réglementation des alcools (voir supra note 6).

[70]    Voir Comeau CP NB, supra note 69 aux para 8, 11. Pour une analyse critique de cette décision, voir Malcolm Lavoie, « R. v. Comeau and Section 121 of the Constitution Act, 1867: Freeing the Beer and Fortifying the Economic Union » (2017) 40:1 Dal LJ 189.

[71]    Voir Comeau CP NB, supra note 69 aux para 9–10, 13.

[72]    Ibid au para 17.

[73]    Voir ibid aux para 17, 50. Voir aussi Loi constitutionnelle de 1867, supra note 7 (« Tous articles du crû, de la provenance ou manufacture d’aucune des provinces seront, à dater de l’union, admis en franchise dans chacune des autres provinces », art 121).

[74]    Comeau CP NB, supra note 69 au para 51.

[75]    Ibid au para 107. Cette interprétation a été reprise dans nombre d’arrêts subséquents. Voir Atlantic Smoke Shops Ld v Conlon, [1943] AC 550 à la p 569, 4 DLR 81, Murphy v CPR, [1958] SCR 626 à la p 639; Renvoi relatif à la Loi sur l’organisation du marché des produits agricoles, [1978] 2 RCS 1198 à la p 1268, 84 DLR (3d) 257.

[76]    Voir Comeau CP NB, supra note 69 aux para 115–16.

[77]    Ibid au para 45.

[78]    Voir ibid aux para 70–101.

[79]    Ibid au para 101.

[80]    Voir ibid au para 125. Pour une discussion de la règle du stare decisis, voir ibid aux para 118–24.

[81]    Ibid au para 163.

[82]    Voir ibid aux para 150–62. Au paragraphe 152 de sa décision, la Cour énumère d’ailleurs certaines pratiques qui entravent le libre-échange interne : les taux d’imposition et autres politiques fiscales, les normes d’agrément professionnel et de délivrance de permis, les normes sur les produits, les exigences sur l’étiquetage et les systèmes de classement, les politiques d’encouragement au développement de secteurs économiques, les politiques provinciales sur les boissons alcoolisées qui encouragent la consommation de denrées produites dans la province ou les politiques gouvernementales en matière de marchés publics.

[83]    Voir ibid au para 183.

[84]    Voir ibid au para 191.

[85]    Voir Comeau, supra note 11 aux para 26–27. Voir aussi R c Comeau, 2018 CSC 15 (mémoire de l’appelante) aux para 57–63 [Comeau, Mémoire de l’appelante].

[86]    Comeau, supra note 11 au para 29, reprenant Bedford, supra note 14 au para 42.

[87]    Comeau, supra note 11 au para 34. Pour une discussion au sujet de la preuve historique pouvant être prise en compte pour déterminer l’objet d’une loi constitutionnelle, voir Caron c Alberta, 2015 CSC 56.

[88]    Comeau, supra note 11 au para 36. Pour une discussion sur la valeur à attribuer aux preuves historiques, voir R c Comeau, 2018 CSC 15 (mémoire de l’intervenant procureur général de la Saskatchewan) aux para 10–13.

[89]    Voir Comeau, supra note 11 au para 37.

[90]    Voir Comeau, Mémoire de l’appelante, supra note 85 aux para 46–52. Ces arguments sont repris par les procureurs généraux du Canada et des provinces qui ont agi à titre d’intervenants.

[91]    Voir ibid aux para 63–65.

[92]    Comeau, supra note 11 au para 53.

[93]    Ibid au para 124.

[94]    Voir ibid au para 125.

[95]    Comeau, Mémoire de l’appelante, supra note 85 aux para 98–111. En effet, en 2016-2017, la Société des alcools du Nouveau-Brunswick a remis plus de 160 millions de dollars en paiements à la province du Nouveau-Brunswick (voir Alcool NB Liquor, « Rapport annuel 2016-2017 » (2017) à la p 9, en ligne (pdf) :<anbl.com> [perma.cc/A6RW-5LZY]).

[96]    Voir R c Comeau, 2018 CSC 15 (mémoire de l’intervenant procureur général des Territoires du Nord-Ouest) aux para 18–30 [Comeau, Mémoire PG Territoires du Nord-Ouest]; R c Comeau, 2018 CSC 15 (mémoire de l’intervenant procureur général du Nunavut) aux para 4, 16, 18 [Comeau, Mémoire PG Nunavut]. Voir aussi R c Comeau, 2018 CSC 15 (mémoire de l’intervenant procureur général de la Colombie-Britannique) aux para 8, 19 [Comeau, Mémoire PG Colombie-Britannique]; R c Comeau, 2018 CSC 15 (mémoire de l’intervenante procureure générale du Québec) aux para 17 [Comeau, Mémoire PG Québec]; Comité consultatif sur la Stratégie nationale sur l’alcool, « Réduire les méfaits liés à l’alcool au Canada : vers une culture de modération » (2007), en ligne (pdf) : Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances <ccdus.ca˃ [perma.cc/UD5W-46B6].

[97]    R c Comeau, 2018 CSC 15 (mémoire de l’intimé) aux para 84–87 [Comeau, Mémoire de l’intimé].

[98]    Voir ibid au para 91. Voir aussi Sénat, Des murs à démolir : Rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce (juin 2016) (président : David Tkachuk à la p 21, en ligne : Publications du gouvernement du Canada <publications.gc.ca> [perma.cc/A2PN-NMPB]. Voir par ex Brian Lee Crowley, Robert Knox et John Robson, « Citizen of One, Citizen of the Whole: How Ottawa Can Strengthen our Nation by Eliminating Provincial Trade Barriers with a Charter of Economic Rights » (2010) 1:2 True North in Can Pub Pol’y 3 à la p 9, en ligne (pdf) : <macdonaldlaurier.ca˃ [perma.cc/JRC7-D6H2].

[99]    Voir R c Comeau, 2018 CSC 15 (mémoire de l’intervenant Canadian Vintners Association) aux para 14–18. D’ailleurs, dans un sondage réalisé par l’Institut économique de Montréal en 2017, 86 % des répondants sont en désaccord avec les barrières commerciales en matière d’alcool. Voir IEDM, « Le cas Comeau : Sondage d’opinion canadien » (2017) à la p 3, en ligne (pdf) : <iedm.org˃ [perma.cc/Q5EV-S9PX]).

[100] Voir R c Comeau, 2018 CSC 15 (mémoire de l’intervenant Montreal Economic Institute) aux para 10–12, 18–23; R c Comeau, 2018 CSC 15 (mémoire de l’intervenant Canadian Chamber of Commerce and Canadian Federation of Independent Business) aux para 29–31; R c Comeau, 2018 CSC 15 (mémoire de l’intervenant The Association of Canadian Distillers, operating as Spirits Canada) aux para 7–23, 31–35.

[101] Supra note 14.

[102] Supra note 15.

[103] Ibid au para 44. Voir aussi Bedford, supra note 14 au para 42.

[104] Voir Loi modifiant la Loi sur l’importation des boissons enivrantes (importation interprovinciale de vin pour usage personnel), LC 2012, c 14, art 1 (le paragraphe 3(2) de la Loi sur l’importation des boissons enivrantes, supra note 8 est modifié par l’ajout de : « h) à l’importation de vin, de bière ou de spiritueux d’une province à une autre province par un particulier, si celui-ci les apporte ou les fait apporter selon les quantités et les modalités permises par les lois de cette dernière, pour sa consommation personnelle et non pour la revente ou autre usage commercial ») [Loi fédérale 2012].

[105] Voir Loi nº 1 sur le plan d’action économique de 2014, LC 2014, c 20, art 163; Loi sur l’importation de boissons enivrantes, supra note 8, art 3(2)(h).

[106] Voir Loi sur les permis d’alcool, LRO 1990, c L-19, art 33.1(1) (« [n]ul ne doit avoir en sa possession de l’alcool au-delà de la quantité prescrite sauf dans l’un ou l’autre des cas suivants: […] c) l’alcool a été importé en Ontario légalement »). Toutefois, « [p]our l’application de l’article 33.1 de la Loi, la quantité prescrite d’alcool est de zéro millilitre » (Permis de vente d’alcool, RRO 1990, Reg 719, art 1.1). La Régie des alcools de l’Ontario (LCBO) a adopté à cet égard une politique précisant que la quantité importée se limite à 45 litres pour un « voyage à l’étranger » et que cette importation ne peut se faire que par transport direct (voir LCBO, « Importing Beverage Alcohol » (2018), en ligne : LCBO <lcbo.com> [perma.cc/YNG8-KTBQ]). Voir aussi PL 98, Loi concernant l’importation de vin, de bière et de spiritueux provenant d’autres provinces, 2e sess, 40e lég, 2013 (seconde lecture le 26 septembre 2013).

[107] Voir Loi sur la réglementation des alcools, des jeux et du cannabis, CPLM c L153, art 71. Aucune limite n’est prévue par règlement.

[108] Voir Gaming, Liquor and Cannabis Act, RSA 2000, c G-1, art 86(3); Gaming, Liquor and Cannabis Regulation, Alta Reg 143/1996, art 89.

[109] Voir Importing Wine for Personal Use Regulations, NS Reg 267/2015, art 2. Pour ce faire, il faut que le vignoble soit autorisé à produire du vin, qu’au moins 85 % des ingrédients soient cultivés dans la province et que les autres ingrédients proviennent du Canada, et que le vin soit acheté directement du vignoble.

[110] Voir Liquor Control Act, RSPEI 1988, c L-14, art 33(2)(b.1).

[111] Voir Règlement sur la possession et le transport au Québec de boissons alcooliques acquises dans une autre province ou un territoire du Canada, RLRQ c S-13, r 6.1, arts 1–2.

[112] Voir Loi de 1997 sur la réglementation des boissons alcoolisées et des jeux de hasard, LRS 1997, c A-18.011, art 107(2)(e); Règlement de 2016 sur le contrôle de l’alcool, RRS c A-18.011, Reg 7, art 71.

[113] Voir Liquor Possession Regulation, BC Reg 130/2012, arts 1–2. Toutefois, la quantité de bières, de cidres et de coolers au vin est limitée à 25,6 litres (voir ibid, art 1(d)(iii)).

[114] Voir Loi sur la réglementation des alcools, supra note 6, art 43(c).

[115] Voir Liquor Control Act, RSNL, 1990 c L-18, art 68; Liquor Limitation Order Under the Liquor Control Act, supra note 8, art 2.

[116] Voir « La Loi sur l’importation des boissons enivrantes », Débats de la Chambre des communes, 41-1, vol 146, n° 33 (20 octobre 2011) aux pp 2312–20 (M Dan Albas, parrain du projet de loi qui est devenu la Loi fédérale 2012, supra note 103). Voir notamment ibid à la p 2313 :

[i]l y a 83 ans, à l’époque de la prohibition, on a adopté une loi qui interdit aux citoyens ordinaires de transporter ou d’expédier du vin dans une autre province que la leur. C’est, à toutes fins pratiques, une barrière au commerce interprovincial. En vertu de cette loi, un vignoble du Québec ne peut pas, légalement, envoyer une bouteille de vin à un consommateur de l’Alberta. Et cela devient encore plus aberrant. Le vignoble québécois qui ne peut pas expédier une bouteille de vin en Alberta a tout à fait le droit d’envoyer cette même bouteille de vin au Texas. Bon nombre de petits vignobles canadiens ont plus facilement accès aux marchés de l’extérieur du Canada qu’aux marchés canadiens.

[117] Voir Ian Blue, « On the Rocks? Section 121 of The Constitution Act, 1867, and the Constitutionality of the Importation of Intoxicating Liquors Act » (2009) 35:3 Adv Q 306 aux pp 329, 331.

[118] Voir note 2 et texte correspondant.

[119] Voir Comeau, Mémoire Liquidity Wines, supra note 5 au para 1.

[120] Ibid.

[121] Ibid.

[122] Voir Alcool NB Liquor, supra note 95 à la p 20.

[123] Voir ibid aux pp 18–20.

[124] R c Comeau, 2018 CSC 15 (mémoire de l’intervenant Dairy Farmers of Canada, Egg Farmers of Canada, Chicken Farmers of Canada, Turkey Farmers of Canada and Canadian Hatching Egg Producers) au para 1.

[125] Voir Comeau, supra note 10 au para 51.

[126] Voir Comeau, Mémoire PG Québec, supra note 96 aux para 6–24; R c Comeau, 2018 CSC 15 (mémoire de l’intervenant procureur général de l’Ontario) aux para 16–28 [Comeau, Mémoire PG Ontario].

[127] Comeau, Mémoire de l’intimé, supra note 97 au para 83.

[128] Aucune partie n’a d’ailleurs mentionné les pertes prévues par Alcool Nouveau-Brunswick dans le cas d’une autorisation d’importation de boissons alcoolisées à des fins personnelles.

[129] Voir par ex Loi sur les produits agricoles au Canada, LRC 1985, c 20 (4e supp), art 32(k)–(l) (permettant au gouverneur en conseil d’interdire la commercialisation interprovinciale de produits agricoles); Règlement sur l’octroi de permis visant les dindons du Canada, CRC, c 660, art 3 (interdisant le commerce interprovincial de dindons); Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial, LC 1992, c 52, art 6(3) (interdisant le commerce interprovincial des espèces menacées d’extinction).

[130] Voir par ex Accord entre le Canada, les États-Unis d’Amérique et les États-Unis Mexicains, 30 novembre 2018, en ligne : <international.gc.ca> [perma.cc/C764-L5VR]; CE, Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne, 30 octobre 2016, [2017] JO, L 11/23 (entrée en vigueur : 21 septembre 2017).

[131] Voir supra note 126 aux para 22–28. Voir aussi Alicia Hinarejos, « Free Movement, Federalism and Institutional Choice: A Canada-EU Comparison » (2012) 71:3 Cambridge LJ 537 aux pp 553–54.

[132] 1er juillet 2017, en ligne (pdf) : Accord de libre-échange canadien <www.cfta-alec.ca> [perma.cc/9N3C-ZK5U]. Un groupe de travail sur les boissons alcooliques a été composé pour « formuler des recommandations visant à accroître davantage le commerce de boissons alcooliques à l’intérieur du Canada ». Les recommandations devaient être rendues au plus tard le 1er juillet 2018 (voir l’Accord de libre-échange canadien, « Groupe de travail sur les boissons alcooliques » (dernière consultation le 9 février 2019), en ligne : <cfta-alec.ca˃ [perma.cc/KNW4-MP2W]).